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Catholicisme et Sociétés Asiatiques by Alain FOREST; Tsuboi YOSHISHARUReview by: Daniele Hervieu-LégerArchives de sciences sociales des religions, 34e Année, No. 67.2 (avril-juin 1989), pp. 268-269Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/41623283 .

Accessed: 13/06/2014 01:00

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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS

suppression de Tordre par le pape Clément XTV, qui connut la clandestinité sous la Révo- lution et la prison sous l'Empire et qui eut l'intuition d'un style de vie religieuse anonyme et immergée dans le monde préfigurant les instituts séculiers du XXe siècle, est fascinante à plus d'un titre. Elle l'est d'abord par la manière dont elle s'inscrit au cœur des troubles et des interrogations d'un monde qui bascule, de l'Ancien Régime à la modernité politique, sociale et culturelle. Elle l'est ensuite par la façon dont elle articule le parcours d'un « politique », immergé dans les événements de son temps, et la trajectoire d'un spirituel, habité par une vision apocalyptique de l'his- toire de l'Église. Elle l'est enfin par la tension qu'elle porte, entre l'aspiration à restaurer le monde du passé (et d'abord en rétablissant la Compagnie en France) et le désir d'inventer de nouveaux modes de présence pour la foi chrétienne dans un monde transformé, désir qui pousse Clorivière à créer des congrégations nouvelles. Les contributions rassemblées dans ce recueil proposent des approches différentes et toutes éclairantes de ce parcours hors du commun : Pierre Vallin situe Clorivière en son temps ; Bernard Plongeron, François Morlot et Jeanne Ancel analysent le processus des fondations, de l'inspiration à l'institution ; Dominique Bertrand étudie la pratique de la spiritualité ignatienne qui fonde l'intuition « moderne » d'une vie religieuse complète- ment vécue dans le monde ; Claude Langlois éclaire la place de Clorivière et de Adélaïde de Cicé dans la vague des fondations de congré- gations féminines qui déferle après la Révolu- tion et tout au long du XIXe siècle. D'un point de vue sociologique, on retiendra particuliè- rement les développements que Jean Séguy consacre à l'apocalyptisme de Pierre de Clori- vière, d'autant qu'ils concernent l'un des aspects les plus saisissants de la pensée du jésuite-fondateur. Les groupements de vie apostolique qu'il crée se veulent adaptés aux temps tragiques que vit l'Église. Celle-ci est entrée dans un âge de persécutions qui consti- tue une nouvelle étape de son « histoire pro- phétique », étape de confusion extrême qui l'oblige à se recentrer sur l'essentiel, à retrouver une manière de vivre tout à fait conforme aux maximes de l'Évangile, en vue de l'achèvement final. Dans ce Sixième Âge si redoutable pour l'Église et les croyants, un rôle particulier est reconnu à une « Société d'Hommes aposto- liques » dans laquelle on peut voir une nou- velle version de 1'« ordre de la fin des temps » appelé par Joachim de Flore. Clorivière ne

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semble pas avoir connu l'œuvre de ce dernier : il s'inscrit pourtant dans cette « nébuleuse post-joachimiste » qui, de Vincent Ferner et Louis-Marie Grignion de Montfort aux fon- dations du début du XIXe siècle (Société de Marie d'Espagne, Compagnie de Marie de Bordeaux, Compagnie de Marie de Lyon) poursuit l'utopie d'une Église entièrement renouvelée (sur le mode, dans le cas de Clorivière, d'une généralisation de l'état reli- gieux à tous les chrétiens), s'étendant à la terre entière. Au-delà du cas privilégié de la société des Prêtres du Cœur de Jésus, c'est une étude beaucoup plus ample du travail de cette utopie dans les bouleversements du monde, et jusque dans la modernité, qui s'esquisse ici.

Danièle Hervieu-Léger.

67.342 FOREST (Alain), YOSHISHARU (Tsuboi), éds.

Catholicisme et Sociétés Asiatiques. Paris, L'Harmattan - Tokyo, Sophia University, 1988, 222 p.

Ce volume rassemble les communications présentées lors du premier séminaire franco- japonais « Religions et Sociétés Asiatiques », qui s'est tenu à l'Université Sophia de Tokyo, à l'automne 1986. Pour analyser la complexité des affinités et des répulsions que met enjeu la confrontation culturelle entre les civilisations d'Extrême-Orient et le christianisme, les inter- venants se sont tous attachés à l'examen de la période des «premiers contacts» entre les missionnaires catholiques et les sociétés asia- tiques, avant le temps de la colonisation du XIXe siècle. Trois communications - celles de Jacques Gernet, de Toshihiko Yazawa et de Eichii Kato - saisissent les lignes de confron- tation et de résistance à partir des caractéris- tiques sociales, politiques et culturelles des sociétés (chinoise et japonaise) dans laquelle la prédication chrétienne cherchait à pénétrer. Elles éclairent à la fois les déterminations sociales et culturelles du rejet ou de l'adhésion des populations évangélisées et les stratégies politiques des autorités locales confrontées à l'activité des missionnaires. Du même coup, les conflits qui ont opposé les missionnaires entre eux - et qui se sont déployés dans la querelle des rites - révèlent, derrière des concurrences internes à l'Église, l'ampleur de leurs implications culturelles : c'est le cas, en particulier, pour ce qui concerne l'acceptation ou le refus de l'accommodement du christia-

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BULLETIN DES OUVRAGES

nismc avec le culte des ancêtres, pivot de la structure sociale des sociétés concernées. La question des rapports de sexe dans les com- munautés chrétiennes, question mise en avant lors de toutes les vagues de persécutions et abordée de façon très différente par les diverses congrégations missionnaires implantées en Asie, constitue un autre de ces conflits analy- seurs. En analysant les principes, fondements et modalités de l'action missionnaire, en étu- diant l'écho différencié de la prédication chré- tienne dans les conflits, tensions et change- ments des sociétés concernées, Alain Forest (pour le Siam) et Y. Tsuboi (pour le Vietnam) montrent en même temps à quel point est simpliste la thèse banale de la collusion des missionnaires avec l'expansion coloniale du XIXe. La contribution de Georges Bourdarel, qui traite du cas du lettré catholique vietna- mien Nguyen Truong Tô, illustre enfin, à tra- vers cette figure complexe, les paradoxes du « christianisme asiatique ». Ouvert par une lumineuse synthèse de Léon Vandermeersch identifiant les structures fondamentales de la tradition chinoise qui peuvent expliquer qu'elle ait pu demeurer si irréductiblement réfractai- re à la religion chrétienne, ce recueil est une passionnante introduction à l'étude d'un champ de recherche trop ignoré des sociolo- gues français des religions.

Danièle Hervieu-Léger.

67. 343 FOUCART (Bruno). Le Renouveau de la peinture religieuse en France (1800-1860). Paris, Arthena, 1987, 441p.

Ce très beau et savant ouvrage, avec une remarquable iconographie - à l'origine thèse de doctorat d'État - permet de bien prendre connaissance, dans toutes ses nuances, de la grande peinture d'église du XIXe siècle, fort méconnue et aujourd'hui trop globalement décriée. Pourtant certains des plus grands peintres de l'époque y ont participé : Ingres, Delacroix (mais non Géricault ou Courbet..). Il est vrai que dans les recoins obscurs de nombre d'églises françaises « logent » des œuvres banales ou fort abîmées.

Ce thème ne peut échapper à un regard issu des sciences sociales. Certes l'auteur n'est pas sociologue, mais il traite, sur plusieurs chapi- tres, de la critique idéologique de cet art - socialiste (avec Bûchez), spiritualiste et

protestante (Victor Cousin, Ernest Renan), et enfin catholique, la plus nombreuse et la plus influente, mais flexible et éclectique, donc relativement tolérante. En tout cas, les options philosophico-politiques ne portent pas, loin de là, à la clairvoyance esthétique, à la sûreté de goût d'un Baudelaire.

L'essor de la peinture religieuse est fort tributaire du regain conservateur qui com- mence avec la Restauration. Les commandes de l'État qui en sont le fondement financier, l'idéologie régnante, jouent un rôle considé- rable dans cet essor, un instant freiné durant la période anticléricale, entre 1830 et 1835, comme le montre la chute du pourcentage de ce type d'oeuvre au Salon annuel - événement artistique majeur - au cours de cette période. Selon B. Foucart la faveur que connaît le tableau religieux correspond à un profond "Revival". Certes l'État veut aussi récompen- ser le «parti catholique» qui soutient la « contre-révolution » après 1815 et plus tard le coup d'état de Louis-Napoléon, mais il y a aussi à cette époque une réelle vitalité de l'Église et de la vie religieuse. Cependant, le jeu entre les parties prenantes -artistes, clergé et État - est relativement libre. L'État est peu interventionniste quant au thème des commandes et le clergé s'avère culturellement incapable de juger artistiquement, ou d'inter- venir sur le choix des peintres.

Je regrette qu'une sociologie et une mise en perspective culturelle plus systématique de cette peinture - choix de thèmes, d'artistes, etc. - n'aient pas été réalisées. Mais c'est déjà une grande prouesse que de « donner à voir », et d'analyser remarquablement « en soi » la diversité de cet art important, que nous ren- controns sans cesse dans les cathédrales comme dans les petites églises, à Paris comme en province.

Jacques Gutwirth.

67. 344 FRIEDRICH (Martin). Zwischen Abwehr und Bekehrung. Die Stellung der deutschen evangelischen Theologie zum Judentum im 17. Jahrhun- dert. Tübingen, J.C.B. Mohr, 1988, 222 p. (Coli. « Beiträge zur historischen Theologie »).

A partir de très nombreux documents, M.F. étudie l'évolution des positions de la théologie évangélique à l'égard du judaïsme et des Juifs dans l'Allemagne du XVIIe siècle.

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