Caucase du Nord : « l'homme malade » de la Russie

8/6/2019 Caucase du Nord : l'homme malade de la Russie

1/25

Caucase du Nord, lhomme malade

de la Russie

Alexei Malachenko

Juillet 2011

Centre Russie/NEI


2/25

L'Ifri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,

d'information et de dbat sur les grandes questions internationales. Cren 1979 par Thierry de Montbrial, l'Ifri est une association reconnued'utilit publique (loi de 1901). Il n'est soumis aucune tutelleadministrative, dfinit librement ses activits et publie rgulirement sestravaux.

Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l'Ifri s'impose comme undes rares think tanks franais se positionner au cur mme du dbateuropen.

L'Ifri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans unedmarche interdisciplinaire, dcideurs politiques et conomiques,

chercheurs et experts l'chelle internationale.

Les opinions exprimes dans ce texte nengagent que la

responsabilit de lauteur.

Centre Russie/NEI Droits exclusivement rservs Ifri Paris, 2011

ISBN : 978-2-86592-864-4

IFRI

27 RUE DE LA PROCESSION75740 PARIS CEDEX 15 FRANCE

TEL. : 33 (0)1 40 61 60 00FAX : 33 (0)1 40 61 60 60

E-MAIL : [email protected]

IFRI-Bruxelles

RUE MARIE-THERESE, 211000 BRUXELLES

TEL. : 32(2) 238 51 10FAX : 32 (2) 238 51 15

E-MAIL : [email protected]

SITE INTERNET : www.ifri.org


3/25

. Malashenko / Caucase du Nord

1 Ifri

Russie.Nei.Visions

Russie.Nei.Visions est une collection numrique consacre la Russie etaux nouveaux tats indpendants (Bilorussie, Ukraine, Moldavie, Armnie,Gorgie, Azerbadjan, Kazakhstan, Ouzbkistan, Turkmnistan, Tadjikistanet Kirghizstan). Rdigs par des experts reconnus, ces articles policyoriented abordent aussi bien les questions stratgiques que politiques etconomiques.

Cette collection respecte les normes de qualit de l'Ifri (peer-reviewetsuivi ditorial).

Si vous souhaitez tre inform des parutions par courrierlectronique, vous pouvez crire ladresse suivante :[email protected]

Derniers numros

P. Baev, Caucase du Nord, lhomme malade de la Russie ,Russie.Nei.Visions, n 60, juillet 2011 ;

J. Nocetti, e-Kremlin : pouvoir et Internet en Russie,Russie.Nei.Visions, n 59, avril 2011 ;

A. Ledeneva, S. Shekshnia, Le milieu des affaires en Russie : pratiquesinformelles et stratgies anti-corruption , Russie.Nei.Visions, n 58, mars2011.

Retrouvez la bibliothque de la collection Russie.Nei.Visions en ligne viaPearltrees.
mailto:[email protected]:[email protected]://www.ifri.org/?page=contribution-detail&id=6686&id_provenance=106&lang=ukhttp://www.ifri.org/?page=contribution-detail&id=6686&id_provenance=106&lang=ukhttp://www.ifri.org/?page=contribution-detail&id=6686&id_provenance=106&lang=ukhttp://www.ifri.org/downloads/ifrinocettiwebrussefra30mars2011.pdfhttp://www.ifri.org/downloads/ifrinocettiwebrussefra30mars2011.pdfhttp://www.ifri.org/downloads/ifrinocettiwebrussefra30mars2011.pdfhttp://www.ifri.org/downloads/ifrinocettiwebrussefra30mars2011.pdfhttp://www.ifri.org/downloads/ifrinocettiwebrussefra30mars2011.pdfhttp://www.ifri.org/downloads/ifrinocettiwebrussefra30mars2011.pdfhttp://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=6474&id_provenance=97http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=6474&id_provenance=97http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=6474&id_provenance=97http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=6474&id_provenance=97http://www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=6474&id_provenance=97http://www.ifri.org/downloads/ifrinocettiwebrussefra30mars2011.pdfhttp://www.ifri.org/?page=contribution-detail&id=6686&id_provenance=106&lang=ukmailto:[email protected]


4/25


2 Ifri

Auteur

Docteur en histoire, Alexe Malachenko est directeur du programme Religion, socit et scurit au Centre Carnegie de Moscou (MTsK),membre du Conseil scientifique du MTsK, prsident du programme Islamen Russie , et membre du Conseil des experts de RIA Novosti. Il estgalement membre du comit de rdaction des revues Centralna Azi[Asie centrale] et Vestnik Evrazii [Le Courrier de lEurasie] et dubulletin Rossi i musulmanskij mir[La Russie et le monde musulman].

Diplm de lInstitut de lAsie et de lAfrique lUniversit dtat deMoscou (1976), il a travaill lUniversit dtat Haut Collge dconomie(2007-2008) et lInstitut dtat des relations internationales de Moscou(MGIMO, 2000-2006). Il a dirig le dpartement de lIslam lInstitutdtudes orientales de lAcadmie des sciences de Russie (1986-1999) et at professeur invit lUniversit de Colgate (tats-Unis, 1990).A. Malachenko est lauteur de dix-huit ouvrages. Parmi les plus rcents :Moj islam [Mon islam], Moscou, ROSSPEN, 2010 ; Ramzan Kadyrov,rossijskij politik kavkazskoj nacionalnosti [Ramzan Kadyrov, hommepolitique russe de nationalit caucasienne], Moscou, ROSSPEN, 2009 ;L'islam en Russie, ditions Keruss (Canada), 2009.


5/25


3 Ifri

Sommaire

RESUME ...................................................................................................... 4VOLUTION DE LINFLUENCE DU CAUCASE DU NORD SUR LA RUSSIE DEPUIS LESANNEES 1990............................................................................................... 5INFLUENCES DIRECTES ET INDIRECTES .......................................................... 8

Le terrorisme, moyen dinfluence le plus vident .................................... 8La scurit des Jeux olympiques de Sotchi en 2014 ................................... 10Caucasophobie et islamophobie : raisons et origines ................................ 11Le syndrome tchtchne ................................................................................. 15Un canal dinfluence indirecte : la rforme de larme ................................ 17Le rveil des musulmans de Russie ........................................................ 17

LINSTRUMENTALISATION DE LA SITUATION AU CAUCASE DU NORD............... 19Dans la politique intrieure de la Russie ....................................................... 19Dans la politique trangre ............................................................................. 20

CONCLUSION ............................................................................................. 23


6/25


4 Ifri

Rsum

La crise au Caucase du Nord exerce une influence ngative sur la Russie.Elle a pour consquences directes linstabilit dans les rgionsmridionales du pays, des tensions interethniques et de nombreuxattentats terroristes qui se produisent non seulement au Caucase maisaussi sur lensemble du territoire national. Il apparat clairement queMoscou est incapable de trouver une issue politique cette crise, ce quicontribue la dtrioration de limage du pays sur la scne internationale,

en suscitant des craintes sur la capacit du pouvoir russe garantir lascurit des Jeux olympiques de Sotchi en 2014.


7/25


5 Ifri

Introduction

Une rgion entire de la Russie est en proie une instabilit chroniqueattise par les deux guerres de Tchtchnie (1994-1996 et 2000-2002) etpar des conflits ethno-politiques et religieux au sein de lislam. Cela psevidemment sur la situation globale du pays. Une guerre civile latente sepoursuit dans le Caucase du Nord. Il sagit dun fait que les autoritsfdrales refusent pourtant de reconnatre1. Cest pourquoi et articlecherche analyser les canaux dinfluence du Caucase du Nord sur le

reste de la Russie.Il faut commencer par rappeler que, dans les annes 1990, le

Caucase exerait sur la situation en Russie et sur la politique conduite parles dirigeants du pays une influence nettement plus forte quaujourdhui.Plusieurs raisons peuvent lexpliquer. En premier lieu, lpoqueeltsinienne, le pouvoir de ltat tait plus faible que sous le duo Poutine-Medvedev. Les rgions menaient une lutte acharne contre le centre pour obtenir une plus grande autonomie, firement dsigne sous le nomde souverainet . En second lieu, le sparatisme tchtchne a mis endoute la capacit du centre contrler la situation dans le pays et adsorganis le pouvoir de lintrieur. En troisime lieu, au cours de la

premire dcennie post-sovitique, les mdias taient libres et avaientdonc la possibilit de secouer la socit, de linformer des erreurs desdirigeants et, ainsi, de peser sur le rapport de forces au sein des litesdirigeantes et sur leur popularit auprs de la population. La situation auCaucase du Nord mettait en vidence la faiblesse des matres du Kremlinet les obligeait corriger sans cesse leur politique. Le Caucase tait lesujet de prdilection des journalistes, et les reportages en provenance decette zone taient omniprsents dans les informations tlvises et encouverture des journaux2.

La pression de la question tchtchne sur la situation gnrale enRussie a t dmontre par la signature en 1996 de lAccord deKhassaviourt. Cet accommodement forc a jou un rle essentiel dans lemaintien de Boris Eltsine au pouvoir.

Traduit du russe par Boris Samkov.1 lautomne 2010, le directeur par intrim du Comit denqute de Russie AlexandreBastrykine a dclar avec sincrit que le Caucase du Nord tait pratiquement enguerre . ce jour, il sagit de lunique reconnaissance de la gravit de la situation par unhaut responsable. Cette dclaration a t faite la radio cho de Moscou le 9 octobre2010.2Aprs stre rendu en Tchtchnie pendant la premire guerre, le clbre crivain russeAnatoli Pristavkine, auteur dun roman consacr la dportation des Tchtchnes en 1944,Noevala tuka zolota [Un nuage dor sur le Caucase], a crit dans son journal :

Aujourdhui, la Tchtchnie influe plus que bien dautres choses sur le climat de la Terre,car elle influe sur le climat de la Russie .


8/25


6 Ifri

Au cours de la seconde moiti des annes 2000, linfluence de lasituation au Caucase du Nord sur le pays a commenc diminuer. Arrivau pouvoir en qualit de premier ministre en 1999, devenu prsidentlanne suivante, Vladimir Poutine avait promis un rglement rapide de lacrise tchtchne et le retour lordre dans la rgion, en dclenchant une opration anti-terroriste qui sest transforme en une deuxime guerrede Tchtchnie. Le prestige et la popularit du nouveau prsidentdpendaient du succs des oprations.

La victoire a t obtenue en recourant la carotte et au bton .Plusieurs clans influents se sont rangs aux cts de Moscou. AkhmedKadyrov (ancien mufti de Tchtchnie du temps de Djokhar Doudaev) estdevenu le chef de ladministration et, en 2003, le prsident de la rpubliquetchtchne. La grande guerre sest acheve. Cependant, sa fin na past synonyme de stabilit. Le Caucase continuait de bouillir et denombreux groupes radicaux et extrmistes taient actifs au Daghestan, enIngouchie, en Kabardino-Balkarie et en Tchtchnie mme.

la diffrence des annes 1990, cette instabilit nexerait plusquun effet marginal sur la socit, pour plusieurs raisons. Premirement,les autorits fdrales ont rellement remport une victoire de grandeenvergure. La direction kadyrovienne tait fidle Moscou et luttait elle-mme contre les wahhabites , ces extrmistes islamistes qui sedonnaient pour but non seulement la scession de la Tchtchnie maisaussi sa transformation en un tat islamique. La guerre moscovite-tchtchne sest transforme en une guerre tchtchno-tchtchne.Poutine est donc parvenu tchtchniser le conflit. Un nombrecroissant de Russes sest mis considrer que ce conflit ne les concernaitpas. Deuximement, la socit devint lasse de subir une tension

permanente et dtre bombarde dimages dhorreur corps pulvriss pardes explosions, maisons incendies, excutions dotages Dsormais,elle se concentrait sur dautres questions. Il sagissait avant tout de profiterde la hausse du niveau de vie et dune prosprit naissante.Troisimement, lopinion publique sest accoutume recevoir demauvaises nouvelles en provenance du Caucase du Nord. Cesinformations perdaient de leur intrt. Mme les attentats sanglantsprovoqus par la situation caucasienne ne suscitaient quune inquitudemomentane. Quatrimement, la quantit dinformations sur lesvnements de la rgion a commenc dcliner. linverse, on a assist laugmentation du nombre de publications positives portant surlintention des autorits damliorer la situation dans la zone, sur les visites

sur le terrain des principaux dirigeants de ltat, sur diverses confrenceset sminaires consacres la problmatique caucasienne, etc.

Il nen demeure pas moins que si, dans la dcennie 2000,linfluence de la situation au Caucase du Nord sur la Russie a diminu parrapport aux annes 1990, elle na pas disparu. Il nest pas exclu quelleaugmente de nouveau. Au dbut des annes 2000, lattention seconcentrait sur la Tchtchnie3. Aujourdhui, il parat justifi de rgionaliserlanalyse en parlant de la Russie au Caucase du Nord et du Caucasedu Nord en Russie . La fin de la seconde guerre de Tchtchnie a

3

A. Malaenko, D. Trenin, Vrem Juga. Cen v Rossii, Rossi v Cene , [Le temps du Sud.La Tchtchnie en Russie, la Russie en Tchtchnie], Moscou, ditions Gendalf, 2002.


9/25


7 Ifri

amoindri la tension politique globale en Russie ; mais aucun problme defond na t rgl dans la rgion. Or, tous ces problmes ont desconsquences directes sur la Russie. Il en va ainsi de la dpendance desrpubliques caucasiennes envers le budget fdral (en Tchtchnie et enIngouchie, les budgets locaux sont presque intgralement financs par lecentre, et le ratio est de 90 % au Daghestan). Autre problme : le hautniveau du chmage dans les rpubliques (de 30 50 %), qui incite lesjeunes tenter leur chance ailleurs, un phnomne qui son tour contribue dtriorer les relations interethniques en Russie. La tension monte dansle krade Stavropol et dans les rpubliques limitrophes du District fdraldu Nord-Caucase (SKFO). La rgion reste un foyer de diffusion delextrmisme religieux dans la communaut musulmane de Russie. LaRussie ou, plus exactement, le centre fdral, nest pas en mesure deconduire une politique cohrente lchelle du Caucase du Nord. Celui-cidemeure une zone problmatique et continue dirriter la socit russe.


10/25


8 Ifri

Influences directes et indirectes

Le terrorisme, moyen dinfluence le plus vident

Le terrorisme est lun des canaux dinfluence du Caucase du Nord sur lereste de la Fdration. Dans la rgion elle-mme, les attentats et lesaffrontements avec les insurgs sont hebdomadaires et, certaines

priodes, quotidiens4

. Parmi les attentats survenus au Caucase ayantproduit une rsonance dans toute la Russie, rappelons la prise dotages delhpital de Boudennovsk (1995) et celle de lcole de Beslan (2004) ; lesaffrontements arms de grande ampleur de Naltchik, capitale de laKabardino-Balkarie (2005) ; ou encore la prise par les boeviki de Nazran,capitale de lIngouchie (2004). Du point de vue de la quantit et de largularit des attentats, la Russie est comparable au Pakistan et mme lAfghanistan.

Depuis la fin des annes 1990, Moscou a t la cible privilgie du terrorisme extrieur . Explosions dans des immeubles dhabitation (deuxfois en 1999) et dans le passage souterrain de la place Pouchkine,

Moscou (2000) ; prise dotages au thtre de la Doubrovka (2002) ;attentats la bombe lors du festival de rock Krylia , danslarrondissement de Touchino (2003) ; plusieurs attentats commis dans lemtro (deux fois en 2004, et en 2010). Par ailleurs, en 1999, les boevikiontcommis un attentat la bombe dans la ville de Volgodonsk (rgion deRostov). En 2004, des femmes kamikazes ont fait exploser des avions TU-134 (vol Moscou-Volgograd) et TU-154 (vol Moscou-Sotchi).

En 2010, au moment dun renouveau de lactivit des terroristes, lepolitologue russe Nikola Silaev est arriv la conclusion que les attentatsnavaient provoqu aucune dstabilisation, politique ou autre5. On lavaitdj constat par le pass. Moscou, aprs les attentats, la tension durequelques jours, puis les habitants les oublient et se mettent plaisanter surle sujet du terrorisme.

Dans certaines rgions loignes de Moscou (Oural, Sibrie,Extrme-Orient), on prouve souvent un vritable dtachement vis--visdes problmes caucasiens de la Russie. Pour les habitants de cescontres, le terrorisme et, en particulier, la tragdie de Beslan, est uneralit loigne de leur existence et des proccupations de leur rgion.

4 Voir les tableaux chronologiques dans P. Baev, Les mutations du terrorisme au Caucasedu Nord , IFRI, Russie.Nei.Visions, n60, juin 2011.5

N. Silaev, Ispytanie vzryvom [preuve par explosion], kspert, 5-11 avril 2010, p. 19..
http://www.expert.ru/expert/2010/13/ispytanie_vzryvom/http://www.expert.ru/expert/2010/13/ispytanie_vzryvom/http://www.expert.ru/expert/2010/13/ispytanie_vzryvom/http://www.expert.ru/expert/2010/13/ispytanie_vzryvom/


11/25


9 Ifri

Interrogs sur la situation au Caucase du Nord, ils rpondentgnralement : Ce sont vos problmes moscovites 6.

Non seulement les attentats commis dans les annes 2000 nontpas caus de dstabilisation, mais ils ont assez rapidement t oublis par

la socit lexception sans doute de la tragdie de Beslan. Lune desexplications vient du fait que les attentats les plus meurtriers se sontproduits Moscou. Or, dans la conscience collective russe, la capitale estperue comme une micro-socit coupe du reste du pays.

Cependant, la relative insouciance de la socit lgard duterrorisme et les promesses systmatiques den finir avec ce flau nerendent pas la menace terroriste moins relle. Les terroristes ne sont pasen mesure de dsorganiser la situation au niveau fdral, mais ils sont tout fait capables dy parvenir lchelle de certains sujets de la Fdration etsur le plan rgional (notamment dans le SKFO). Les attentats prennent deplus en plus souvent pour cible les infrastructures (gazoducs, chemins de

fer). la fin des annes 2000, deux attentats la bombe ont frapp destrains reliant Moscou Saint-Ptersbourg. En 2010, les terroristes ontrussi provoquer une explosion dans la centrale lectrique de Baksansk,en Kabardino-Balkarie, ce qui a altr pendant un certain tempslapprovisionnement en nergie de la population locale. La frquence desattentats de ce type semble appele augmenter, dautant plus que,daprs les tmoignages de divers responsables, bon nombredinstallations stratgiques ne disposent pas dun niveau de scuritsuffisant. Dans le mme temps, les extrmistes continuent de commettredes attentats visant faire le plus de victimes possible. En 2010, ils ont faitexploser une bombe dans un march de la capitale de lOsstie du Nord,Vladikavkaz. La mme anne, le hasard a permis dviter un autre attentat

proximit dune cole dans un quartier trs peupl de la ville deStavropol7.

Les chefs des boeviki ont rgulirement menac de frapper lesinstallations nuclaires russes et ont revendiqu des catastrophes quitaient dues, en ralit, des problmes techniques : la panne dlectricitqui a affect plusieurs quartiers de Moscou en 2004 ; un incendie survenucette mme anne dans la tour de tlvision dOstankino ; ou encorelavarie de la centrale lectrique de Saano-Chouchensk (la plus grande dupays). Sans oublier quils avaient galement prtendu tre responsables dela perte du sous-marin Koursk en 2000. Si les boevikidisposaient desmoyens de leurs ambitions, leurs attentats seraient sans doute dune toute

autre ampleur.En nombre dattentats commis sur son territoire, la Russie devance

tous les pays dEurope, ainsi que les Etats-Unis. Pour lAmrique, la

6 Entretiens avec les reprsentants de divers groupes sociaux (des ouvriers aux hautsfonctionnaires) raliss par lauteur en Sibrie en2005. Lauteur a galement entendu desdclarations assimilant les attentats de Moscou une punition de ses habitants pourleur opulence ostentatoire, leur dpravation morale et le mpris quils affichent envers lesintrts rels du pays. Cette position est semblable celle, rpandue dans le mondemusulman (et aussi en Russie) qui affirme que le 11 Septembre est une punition inflige lAmrique.7La pluie a imbib le salptre et lammoniac composant lexplosif. S. Minenko. Dod v

pomo [Une pluie salvatrice], Vrem novostej, Moscou, n 179, 1er

octobre 2010,.
http://www.vremya.ru/2010/179/46/262112.htmlhttp://www.vremya.ru/2010/179/46/262112.htmlhttp://www.vremya.ru/2010/179/46/262112.htmlhttp://www.vremya.ru/2010/179/46/262112.html


12/25


10 Ifri

France, lEspagne ou la Grande-Bretagne, les attentats terroristes restentdes exceptions. En Russie, ils sont devenus un lment de la viequotidienne. Dans la dcennie venir, il semble relativement prvisible quele terrorisme ne cessera pas, au Caucase du Nord et au-del.

La scurit des Jeux de Sotchi

Linfluence du facteur caucasien se ressent sur la prparation des Jeuxolympiques dhiver de Sotchi en 2014 et constitue un canal dinfluencedirecte indiscutable. Ces Jeux revtent une importance politique etconomique certaine pour le pays et sont devenus un symbole de larussite actuelle de la Russie. Cependant, il apparat clairement que lascurit des participants et des spectateurs des Jeux sera trs complique garantir.

La premire menace et la plus vidente concerne lactivit desgroupes extrmistes religieux. Une attaque contre les Jeux serait pourceux-ci un moyen idal de raliser une dmonstration de force.

Deuxime menace : les actions de certains hommes politiques duCaucase, susceptibles de profiter de la tenue des Jeux pour prsenter auxautorits fdrales de nouvelles exigences. Ainsi, le dlgu aux droits delhomme de Tchtchnie, Nourdi Noukhadjiev, a dj dclar que le kradeKrasnodar (o se trouve la ville de Sotchi) est, de toute la Russie, la zoneo les Tchtchnes sont le plus discrimins en raison de leurnationalit , ajoutant que si la direction du kra ne tire pas lesconclusions qui simposent, lorganisation des Jeux olympiques peut tre

remise en question

8

. De telles dclarations sont moins dues la volontde dfendre les Tchtchnes ou les Caucasiens quau dsir demarchander afin de garantir certains Caucasiens (au premier rangdesquels les protgs de Ramzan Kadyrov) un accs prioritaire auxrgions contigus au Caucase pour quils puissent y mettre en uvre leurpropres affaires. Il est certain que de tels cas de chantage de la part de laTchtchnie, mais aussi des autres rpubliques vont se multiplier lapproche des Jeux.

Une troisime menace est lie la question tcherkesse , qui necesse de saiguiser depuis deux ou trois ans. Son histoire remonte auXIXme sicle quand, sous la pression de la Russie, des centaines demilliers de Tcherkesses (Adyguens) ont t forcs dmigrer vers laTurquie et le Proche-Orient. Daprs certaines estimations, le nombre totalde descendants de ces migrants forcs (les moukhadjirs) slverait troismillions de personnes. Ces dernires annes, la question de larunification du peuple tcherkesse est devenue un levier politique auxmains de diverses forces, notamment le trs populaire Congrs tcherkesse,cr en 2004. En 2005, ce congrs a propos de runir en un seul sujet dela Fdration lAdygue, la Kabardie, la Chapsoughuie et la Tcherkessie.Fondamentalement, il sagirait de fonder une Grande Tcherkessie(Adygue) . Les auteurs de ce projet eux-mmes comprenaient quil seraitimpossible mettre en uvre : des modifications de frontires dans la

8

Soinska Olimpiada 2014 pod ugrozoj [Les Jeux olympiques de Sotchi en danger],30 juillet 2010, .
http://r93.ru/news/1518.htmlhttp://r93.ru/news/1518.htmlhttp://r93.ru/news/1518.htmlhttp://r93.ru/news/1518.html


13/25


11 Ifri

rgion conduiraient ncessairement des heurts ethniques. Mais lidedune Grande Tcherkessie a t favorablement accueillie par une partiedes Tcherkesses. Cest lattribution des Jeux olympiques Sotchi qui adonn une impulsion dcisive l intgrisme tcherkesse9. Plusieursorganisations tcherkesses ont protest contre la tenue des Jeux, rappelantque certaines installations sportives seraient difies au-dessus de tombesde moukhadjirs.

Jusqu prsent, le ressentiment des Tcherkesses na pas revtu deformes extrmes ; rappelons toutefois que les Tcherkesses opposs auxJeux olympiques et les islamistes radicaux ont pour adversaire commun lecentre fdral. Une alliance tactique entre ces deux groupes nest donc pas exclure, ce qui augmente davantage les risques lis la scurit.

Linfluence du Caucase du Nord sur le dossier olympique ne vapas cesser daugmenter dans les prochaines annes. Des actes,spcialement terroristes, visant saboter les Jeux, sans mme parler dun

ventuel regain dactivit des boeviki (combattants tchtchnes) pendantleur droulement, porteraient un coup terrible au prestige de la Russie.Lautorit du pouvoir fdral en serait srieusement affaiblie.

Il est difficile davancer quelles mesures le centre fdral alintention de prendre pour garantir la scurit des Jeux, cette questionrelevant des services spciaux. Au sujet des dcisions politiques, Moscoudevra manier la carotte et le bton, en caressant dans le sens du poil les opposants modrs et en faisant pression sur les irrductibles, voire enles liminant. Il incombe Moscou de convaincre la communauttcherkesse que les Jeux olympiques seront bnfiques pour tous lespeuples tcherkesses, quils leur permettront damliorer leur niveau de vieet leur prestige au niveau international. Dailleurs, lindustrie touristiquerenat progressivement en Karatchaevo-Tcherkessie, ce qui montre que leshabitants locaux eux-mmes sont intresss au maintien de la scurit.

Caucasophobie et islamophobie : raisons etorigines

Un autre canal dinfluence directe est li la caucasophobie, laquellevient sajouter lislamophobie. La caucasophobie sexplique de troismanires. Premirement, laugmentation du nombre de migrants en

provenance du Caucase ; deuximement, leur progression active on peutmme dire agressive - dans le domaine conomique ; troisimement,lirritation que la socit prouve face linstabilit de la rgion, et delislamisme radical. Tout cela contribue la diffusion, dans la socit russe,de lide selon laquelle il faudrait sparer le Caucase du Nord de la Russie,en proposant aux rpubliques de cette zone lindpendance et la mise en

9 Faut-il seulement commenter les sentiments que les Tcherkesses de Russie et deltranger ont prouvs en apprenant la dcision du CIO en faveur de Sotchi, une ville latoponymie tcherkesse, centre de lactivit politique des Adygues au XIXme sicle et lieu dersidence de la grande sous-ethnie adygue des Chapsoughs, qui a pratiquement disparusuite la guerre du Caucase et au flux des moukhadjirs ? , sexclamait la spcialiste du

Caucase Nama Nefliacheva. Voir N. Nefleva, Kogo opalit olimpijskij ogon ? [Qui serabrl par la flamme olympique ?], Nacionalnyj interes, n 3, 2009, p. 38.


14/25


12 Ifri

place dune frontire infranchissable entre la rgion et la Russie.Daprs diverses enqutes dopinion, prs de 60 % des citoyens russes sedisent favorables labandon du Caucase du Nord. Ces opinionsconcernant cette rgion sont comparables celles qui avaient cours la findes annes 1980 et au dbut des annes 1990 lgard de lAsie centrale,dont une majorit des Russes souhaitaient de se dlester , estimantquelle freinait le dveloppement de lUnion sovitique. Rappelons quecette ide avait t exprime par le trs respect Alexandre Soljenitsynedans son pamphlet Comment ramnager notre Russie 10. Cette volontde se sparer du Caucase du Nord peut sinterprter comme une forme dedpassement de la mentalit impriale.

La migration sans cesse croissante en provenance du Caucase sedivise en deux catgories : intrieure et extrieure. La majeure partie desmigrants caucasiens sont des Azerbadjanais (entre 1,5 et 2 millions depersonnes) et des Gorgiens (prs dun million). Il nexiste pas destatistiques prcises portant sur les ressortissants du Caucase du Nord

russe. Il nexiste pas, notamment, destimations fiables du nombre deCaucasiens rsidant Moscou11, Saint-Ptersbourg, dans les villes de largion de la Volga, dans les krasde Krasnodar et de Stavropol ou dans lesoblasts de Rostov et dAstrakhan. On dit que 100 000 Tchtchnesvivraient Moscou. Quelques clichs mritent dtre relevs. On dit quedeux tiers des fidles de la mosque de Saratov seraient des Caucasiens.On ditque ce sont les Caucasiens qui contribuent le plus la corruption dela police et des fonctionnaires. On ditque dans les rgions du sud de laRussie, les Caucasiens achtent systmatiquement des biens immobiliers.On ditque les Caucasiens ignorent ostensiblement, voire mprisent, les uset coutumes des rgions slaves o ils migrent et tentent de stablir. Enfin,on dit quune hostilit mutuelle oppose les Tatars aux Caucasiens, quiprtendraient tre de vrais musulmans 12.

En labsence de statistiques et de faits indiscutables, ces on-dit deviennent des sources dinformation, des facteurs dfinissant la mentalitdes individus, en loccurrence leur rapport envers le Caucase et lesCaucasiens. Ce phnomne est amplifi par les mdias, qui privilgientlmotionau dtriment de lobjectivit. On peut discuter de la justesse ou delexagration de ces on-dit , mais on ne peut ignorer leur importance.Dans lespace post-sovitique o, tant donn le caractre mensonger desinformations officielles, les informations non officielles ont toujours tperues positivement, les on-dit sont gnralement pris pour argentcomptant.

10.11 Signalons au passage que le nombre de musulmans rsidant Moscou oscille entre600 000 et 2 millions, ce qui dmontre labsence destimations fiables quant lacomposition ethno-confessionnelle de la population de la capitale. La situation nest pasbien meilleure de ce point de vue dans les autres villes. A. Malaenko, Budueemoskovskih minaretov [Lavenir des minarets de Moscou], Nezavisima Gazeta,22 octobre 2010. .12Il arrive, mme si cest relativement rare, que les mdias se fassent lcho de ractionsngatives aux attaques visant les Caucasiens. Ainsi, le journal kspertiza Vlasti, publi Stavropol, a crit que les rumeurs prtendant que Kadyrov financerait lachat de logements Stavropol par des Tchtchnes et verserait un million de roubles chaque Tchtchneintress taient entirement mensongres. . Bobrov, I mrtvye s kosami stot i

tiina [Des morts tenant des fourches et le silence], kspertiza Vlasti, Stavropol, n 17,2010, p. 4.
http://www.lib.ru/PROZA/SOLZHENICYN/s_kak_1990.txthttp://www.lib.ru/PROZA/SOLZHENICYN/s_kak_1990.txthttp://www.ng.ru/politics/2010-10-22/3_kartblansh.htmlhttp://www.ng.ru/politics/2010-10-22/3_kartblansh.htmlhttp://www.ng.ru/politics/2010-10-22/3_kartblansh.htmlhttp://www.lib.ru/PROZA/SOLZHENICYN/s_kak_1990.txt


15/25


13 Ifri

Il nen demeure pas moins que ces perceptions ont une origine, etque lirritation envers les Caucasiens se fonde souvent sur des lmentsconcrets. Dun ct, daprs de nombreux ethnologues russes, laffirmation dune prtendue incompatibilit culturelle entre la majoritslave et les minorits non slaves est absurde 13. De lautre, il faut admettreque la majorit crasante des individus originaires du Caucase du Nord quise sont installs en Russie sont porteurs de leurs propres traditionsethnoculturelles, et que de plus en plus souvent ils affichent ces traditionsde faon ostentatoire. On peut mentionner, cet gard, les sancesnocturnes de lezginka, tenues sur les places centrales de Piatigorsk,Kislovodsk ou Stavropol, ou encore le cortge caucasien qui a bloqula circulation sur le Sadovoe Koltso Moscou (une rue centrale de lacapitale)14. En 2009, une altercation entre des Tchtchnes et deshabitants locaux Kondopoga, en Carlie, sest solde par plusieurs morts.Et mme si la rixe avait t dclenche par une banale dispute, elle adbouch sur des affrontements interethniques. En 2010, une bagarre a

clat dans un centre de vacances pour jeunes situ Touapse entre desestivants tchtchnes et des jeunes locaux (au cours de la bagarre, lesTchtchnes ont dchir un drapeau russe).

Dans le krade Stavropol, qui a t incorpor au SKFO, les Slavesconstituent prs de 80 % de la population totale. Une ptition a t lancepour demander que le kra sorte du SKFO. Raison invoque : lafflux deressortissants du Caucase du Nord dans son territoire, ce qui provoque destensions interethniques et aurait abouti, avant la fin de lanne 2010, unemultiplication par quatre de la criminalit15.

Il faut ici souligner deux circonstances. En premier lieu, aprs lesvnements de Kondopoga comme aprs ceux de Touaps, le prsident

tchtchne Ramzan Kadyrov a immdiatement pris ses compatriotes soussa protection, sans chercher dcouvrir la ralit des faits, et a accus sesadversaires de nationalisme et de haine anti-caucasienne. Il a mmeexprim lintention denvoyer une dlgation du parlement tchtchne Kondopoga pour enquter sur les incidents. En second lieu, lopinionpublique russe a toujours estim que les Tchtchnes taient les seulsresponsables de ces accrochages.

Dans la conscience collective de la population slave, le strotyped individu de nationalit caucasienne nest pas associ aux savants etaux artistes originaires du Caucase, mais des migrants, qui participent etprovoquent des chauffoures interethniques. Une opinion rpandue dans

la socit prtend que les autorits russes fdrales comme locales

13 V. Malahov, Ponaehali tut Oerki o nacionalizme, rasizme i kulturnom pljuralizme [Ils sont trop nombreux... Rflexions sur le nationalisme, le racisme et le pluralisme culturel],Novoe literaturnoe obozrenie, Moscou, 2007, p. 101. Danse nationale des peuples du Caucase (note du traducteur).14 En avril 2009, plusieurs Tchtchnes et Ingouches ont organis une course entre vingtvoitures pares des drapeaux de leurs rpubliques. La course avait t accompagne detirs darmes feu. Voir la vido du rodo : .Autre pisode : des policiers tchtchnes se trouvant Moscou ont ouvert le feu sur leconducteur dun bus qui ne stait pas cart devant leur voiture. Ils sont monts dans lebus et ont grivement bless le conducteur. Voir NEWSru, 19-20 janvier 2009,; Moskovskij Komsomolec, 11 janvier 2009.15

S. Suhova, to na vyhode ? [Quy a-t-il la sortie ?], Itogi, n 42 (749), 18 octobre2010, p. 14, .
http://www.teptar.com/page,7,2501-digest.htmlhttp://www.teptar.com/page,7,2501-digest.htmlhttp://www.teptar.com/page,7,2501-digest.htmlhttp://www.itogi.ru/te/2010/42/157736.htmlhttp://www.itogi.ru/te/2010/42/157736.htmlhttp://www.itogi.ru/te/2010/42/157736.htmlhttp://www.itogi.ru/te/2010/42/157736.htmlhttp://www.teptar.com/page,7,2501-digest.html


16/25


14 Ifri

sont achetes par les Caucasiens et ne veulent ni ne peuvent dfendreles Russes face lagressivit des ressortissants du Caucase. Il est noterque cette accusation a rgulirement t adresse depuis 2000 lun despiliers de lestablishment russe, lex-maire de Moscou Iouri Loujkov.

Plusieurs oligarques nord-caucasiens jouent un rle de premier plandans le monde des affaires en Russie. Citons, en particulier, les noms desTchtchnes Oumar et Hussein Djabrailov, de lIngouche MikhalGoutseriev, des Daghestanais Souleiman Kerimov et Gadji Makhatchev, duBalkare Arsne Kanokov (prsident de la Kabardino-Balkarie). Limmensemajorit des grands hommes daffaires caucasiens sinscriventparfaitement dans la culture russe et leur comportement ne se distinguenullement de celui des autres membres de llite du pays. Dans le mmetemps, ils possdent une double affiliation et demeurent troitement lis leurs familles et leurs clans, dont ils restent les chefs.

Jusqu prsent, le pouvoir sest montr incapable dlaborer une

politique nationale responsable et un rapport raisonnable aux migrants.Des propositions absurdes comme la cration dun Code ducomportement du moscovite ou dun Code du comportement duCaucasien en milieu non caucasien que certains hauts fonctionnaires ontvoulu proposer en 2010, ont eu pour seul effet de susciter lhilarit desSlaves (et notamment des Moscovites) et la vexation des Caucasiens.

La construction de limage des Caucasiens doit beaucoup auxnationalistes russes. Lun dentre eux, lex-dput de la Douma dtatAndre Saveliev, appelle faire pression sur les peuples dont ledveloppement nuit directement la Russie et aux Russes 16. Selon lui,les Caucasiens viennent en Russie uniquement pour senrichir auxdpens de la population locale et rentrer chez eux 17.

Le Caucase focalise les sentiments xnophobes. En atteste unlment indirect, mais convaincant : dans des romans policiers grandsuccs, lus par des millions de personnes, comme Antiterror, Spetsnaz,Ofitseryet de nombreux autres, le personnage ngatif principal est toujourscaucasien18. Lauteur de ces lignes sest rendu plusieurs fois desrunions patriotiques au cours desquelles des soldats dactivedmontraient leur professionnalisme en affrontant un adversaire suppos caucasien et musulman : les membres du spetsnaz faisaient face des combattants au front ceint de bandeaux portant linscription AllahAkbar . La guerre au Caucase est galement lun des sujets favoris deschansons interprtes aussi bien par des chanteurs professionnels que par

des amateurs (vtus duniformes militaires) exerant leurs talents la sortiedes stations de mtro ou dans les wagons des trains de banlieue.

En dcembre 2010, des manifestations anti-caucasiennes ont eulieu dans plusieurs villes, dont Moscou (o il y aurait eu entre 4 et

16 A. Savelev. Obraz vraga. Rasologi i politieska antropologi [Limage de lennemi.Raologie et anthropologie politique], Moscou, ditions Belye alvy, Collection Bibliotekarasovoj mysli [Bibliothque de la pense raciale], p. 290.17 A. Savelev. Vrem russkoj nacii [Le temps de la nation russe], Moscou, ditions KninyjMir, 2007.18 A. Malaenko. Islam dl Rossii [Islam pour la Russie], Moscou, ditions Rosspen, 2008,p. 65-76.

Spetsnaz (forces usage spcial) sigle qui dsigne des groupes d'intervention spciaux(note du traducteur).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_sp%C3%A9cialeshttp://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_sp%C3%A9ciales


17/25


15 Ifri

6 000 participants), Vladimir, Volgograd, Nijni-Novgorod, Rostov-sur-le-Don, Samara et Saint-Ptersbourg. Elles ont t tenues en raction aumeurtre, par un ressortissant du Caucase du Nord, dun supporter du clubde football le plus populaire de Russie, le Spartak de Moscou. Les appelsau calme du pouvoir fdral et du premier ministre Vladimir Poutine enpersonne, qui a rencontr une dlgation de supporters et sest mmerendu sur la tombe de leur camarade, ont suscit des ractionscontradictoires dans la socit. Les libraux et les forces de gauche y ontvu non seulement une manifestation de la peur prouve par le pouvoirface la monte en puissance du nationalisme russe, mais aussi unedmonstration discrte de solidarit avec ses partisans.

Daprs un sondage du Centre Levada , la hausse dunationalisme et la dgradation des relations interethniques ne constituentun sujet de proccupation que pour 6 % de la population du pays 19. Cechiffre bas ne signifie pourtant en aucun cas que la xnophobie nest pasrpandue et que le nationalisme ne progresse pas. Les Russes, mme

quand ils sont eux-mmes porteurs dune vision nationaliste, ne senrendent tout simplement pas compte. Le nationalisme est devenu banal. Ilne suscite presque plus lattention, car il constitue dsormais uneexpression normale des sentiments civiques et nationaux. Daprs lesexperts du Bureau des droits de lHomme de Moscou, 141 groupes dejeunes extrmistes, presque tous illgaux, seraient actifs en Russie. Leurseffectifs totaux slveraient prs dun demi-million de personnes.Certains affirment que la caucasophobie serait une sorte de phnomnespontan, leffet de circonstances concrtes, vou saffaiblirprogressivement et, finalement, disparatre tout fait. Malheureusement,cest loin dtre le cas. Une enqute conduite par lagence dinformations Novy region aprs les vnements de dcembre 2010 indique que73 % des personnes interroges se sont prononces en faveur de lascession de trois rpubliques : lIngouchie, le Daghestan et laTchtchnie20.

La caucasophobie est devenue une composante durable de laconscience collective, ne de la crise systmique que connat le Caucasedu Nord une crise qui ne sera probablement pas surmonte au cours dela prochaine dcennie. On ne peut sous-estimer son influence sur lasocit russe en tant que facteur stimulant les sentiments nationalistes.

Le syndrome tchtchne

Un autre canal dinfluence du Caucase sur la socit russe est le syndrome tchtchne . Selon lexpert Serdar Ellyev, pour les siloviki,les mdecins, les psychiatres et les experts de la rducation des blesss,la ralit de la notion de syndrome tchtchne ne fait pas de doute . Cesyndrome se manifeste gnralement par une agressivit accrue desjeunes vtrans russes de retour de Tchtchnie. Dans les annes 1990,les journaux, surtout rgionaux, relataient rgulirement des cas de

19 9 septembre 2010, .20

Plus de 70 % des lecteurs de Novyj Regionsont favorables la sparation du Caucase etde la Fdration de Russie. Novyi Region, Moscou, 24 dcembre 2010.


18/25


16 Ifri

violences commis par les anciens de Tchtchnie lencontre de leurspropres familles, ainsi que les innombrables conflits les opposant leursvoisins. Pris de colre, ils allaient parfois jusquau meurtre, pour desraisons drisoires. Le directeur adjoint du Centre national de psychiatriesociale et judiciaire, Iouri Alexandrovski, estime que prs dun million etdemi de vtrans russes de la guerre de Tchtchnie (ce chiffre comprendles troupes du ministre de lIntrieur et les policiers) souffrent du syndrome tchtchne . Certains dentre eux se radaptent la vie civile,dautres non. Mais ils ont tous besoin daide21. Daprs les chiffres dontdisposent les organisations de vtrans, depuis la chute de lURSS prs de600 000 hommes ont fait leur service militaire dans des rgionsconflictuelles de lespace postsovitique. Par la suite, la plupart dentre euxnont bnfici daucune aide psychologique et 25 % auraient tincarcrs, ajoutant ainsi lexprience carcrale au vcu militaire22.

Par certains aspects, le syndrome tchtchne sapparente ausyndrome afghan. Mais en Afghanistan, la guerre tait livre un ennemi

tranger, et ses participants en comprenaient globalement le sens : ilsagissaitdaccomplir un devoir international . Les Afghans revenantdu front taient respects dans la socit.

Le retour de Tchtchnie a t fort diffrent. Dans les annes 1990,la socit, irrite par la baisse de son niveau de vie et les querelles entrepoliticiens, navait que faire des nouveaux vtrans . En outre, lesparticipants la guerre de Tchtchnie navaient pas acquis daurahroque. Les nombreux crimes commis par les soldats contre lapopulation civile avaient t ports la connaissance de lopinion publique.Enfin, la guerre en tant que telle tait largement perue comme laconsquence des intrigues politiques de llite au pouvoir. Les

Tchtchnes , soldats comme officiers, prouvaient souvent de grandesdifficults trouver un emploi, et ladministration de larme bloquait leversement des pensions auxquelles ils avaient droit. Lensemble de cesfacteurs a provoqu chez les vtrans lenvie de se venger de la socit.

Le syndrome tchtchne, voire le syndrome caucasien , amodifi limage que les citoyens se faisaient de leur arme. Celle-ci naplus t perue comme la premire ligne de dfense du pays, mais commeun instrument employ pour des expditions punitives, rarementcouronnes de succs. lpoque sovitique, le service militaire taitconsidr comme un devoir sacr lgard de la patrie ; dans lesannes 1990, il est devenu une corve absurde et dangereuse. Au cours

de la premire guerre de Tchtchnie, 5 500 membres des forces armesont trouv la mort ; 62 000 officiers ont dmissionn et 65 000 jeuneshommes ont prfr dserter plutt que rpondre lappel23, alors que6 000 membres des structures de force ont t tus lors de la secondeguerre de Tchtchnie. Daprs le Comit des mres de soldats, cenombre est deux fois infrieur la ralit.

21 S. Eplyev, Ceenskij sindrom [Le syndrome tchtchne],.22 Cit dans M. Delgin, Novoe gradanskoe obestvo [La nouvelle socit civile],Nezavisima gazeta, 20 octobre 2010. .23

M. Lukanin, Ceenskij sindrom [Le syndrome tchtchne], Trud, Moscou,11 dcembre 2009. .
http://artofwar.ru/s/starodymow_n_a/text_0170.shtmlhttp://artofwar.ru/s/starodymow_n_a/text_0170.shtmlhttp://www.ng.ru/politics/2010-10-20/3_kartblansh.htmlhttp://www.ng.ru/politics/2010-10-20/3_kartblansh.htmlhttp://www.trud.ru/article/11-12-2009/233570_chechenskij_sindrom.htmlhttp://www.trud.ru/article/11-12-2009/233570_chechenskij_sindrom.htmlhttp://www.trud.ru/article/11-12-2009/233570_chechenskij_sindrom.htmlhttp://www.trud.ru/article/11-12-2009/233570_chechenskij_sindrom.htmlhttp://www.ng.ru/politics/2010-10-20/3_kartblansh.htmlhttp://artofwar.ru/s/starodymow_n_a/text_0170.shtml


19/25


17 Ifri

Un canal dinfluence indirecte : la rforme delarme

Dans le mme temps, il faut reconnatre que les problmes apparus lorsdes oprations militaires dans le Caucase du Nord, de mme que la Guerre de cinq jours ayant oppos la Russie la Gorgie en 2008, ontdmontr la ncessit dapporter des changements au fonctionnement delarme russe. On peut considrer quil sagit l dun canal supplmentaire cette fois, indirect par lequel le Caucase du Nord influence la Russie.Pour le politologue et spcialiste des questions militaires Alexandre Golts, linterconnexion entre la guerre de Tchtchnie et la rforme de larmeconsiste en le fait que seule la guerre a pu permettre au Kremlin et lopinion publique de comprendre dans quel tat se trouvaient les forcesarmes et de raliser lurgence de les rformer 24. Malgr lopposition desconservateurs du ministre de la Dfense et de ltat-major, les militaires

pragmatiques estiment dsormais que larme russe a besoin nonseulement dtre rforme, mais aussi dabandonner lobjectif de pouvoirlivrer une guerre globale. Elle doit se doter de buts ralistes, savoir trecapable de ragir divers affrontements locaux susceptibles de seproduire dans diverses rgions du monde. Cette volution est peut-tre leseul contrecoup positif des conflits du Caucase.

Le rveil des musulmans de Russie

La crise du Caucase pse sur ltat desprit de la communaut musulmane

de Russie. Il sagit, l aussi, dun canal direct dinfluence sur le rgime. Laguerre de Tchtchnie avait veill un sentiment de solidarit religieuse.Les musulmans exigeaient de Boris Eltsine quil mette immdiatement fin la guerre, faisant de la cessation des hostilits une condition de leursoutien lors de llection prsidentielle de 1996. Le principal adversairedEltsine lors de ce scrutin, le chef du Parti communiste GuennadiZiouganov, a largement devanc au premier tour le prsident sortant auDaghestan (le sujet musulman le plus peupl de la Fdration deRussie). Pendant la premire guerre de Tchtchnie, des voix se sont faitentendre dans les rgions musulmanes de la Volga (Tatarstan,Bachkortostan) en faveur des musulmans du Caucase. Au moins plusieursdizaines de Tatars ont particip aux oprations militaires aux cts des

sparatistes.Aprs larrive au pouvoir de Vladimir Poutine et le lancement de

l opration anti-terroriste , les dirigeants politiques et religieuxmusulmans se sont exprims avec davantage de prcautions. La principaledemande quils ont adresse aux autorits tait dviter de violer les droitsde lHomme pendant les oprations armes.

Les radicaux islamistes du Caucase du Nord exercent une influencenotable sur les musulmans de Russie, tout particulirement sur les jeunes.Ils appellent leurs coreligionnaires soutenir leur combat, estimant que le

24

A. Golc, Armi Rossii: odinnadcat poternnyh let[Arme russe : onze annes perdues],Moscou, ditions Zaharov, 2004, p. 165.


20/25


18 Ifri

djihad quils conduisent doit stendre la totalit du territoire russe. Desressortissants du Caucase ont mis en place des cellules clandestinescharges de diffuser des tracts, des brochures et des livres teneurradicale, et dinfiltrer les mosques. Par exemple, en septembre 2010,Dokou Oumarov, le chef de lmirat du Caucase, sest adress dans unevido aux musulmans de la rgion Idel-Oural, cest--dire aux Tatars et auxBachkirs. Il y faisait part de son souhait de voir le djihad sortir desfrontires du Caucase et du Tatarstan et comparait le pouvoir russeactuel celui dIvan le Terrible.

On aurait tort daccorder une trop grande importance ce typedappels. Cependant, on ne peut ignorer le fait que les imams de certainesmosques russes au Tatarstan, au Bachkortostan, dans les oblastsdOrenburg, de Tomsk et dautres encore, partagent les ides duradicalisme musulman et font publiquement part de leur soutien leurscamarades du Caucase du Nord. Ces derniers sont prts tout pourconforter leur image de moudjahidines branlant ltat russe. Cela

rehausse lopinion quils ont deux-mmes, augmente le respect que leurvouent les jeunes musulmans et, de plus, leur permet dobtenir le soutiendorganisations islamistes internationales. Cest ainsi quun certainradicalisme islamiste, il est vrai dispers, sest constitu en Russie.


21/25


19 Ifri

Linstrumentalisation de la situationau Caucase du Nord

Dans la politique intrieure de la Russie

Depuis les annes 1990, la situation au Caucase du Nord est enpermanence employe par le pouvoir comme un levier permettant de rglerdes problmes de politique intrieure. Cela sest produit pour la premirefois en 1994, quand la premire guerre de Tchtchnie dont lentouragede Boris Eltsine pensait quelle serait rapide et triomphale - a servi nonseulement rgler la situation dans la rgion mais aussi renforcer unrgime faiblissant et de moins en moins populaire.

Les oprations militaires au Caucase ont galement servi de levierpermettant dasseoir lautorit de Vladimir Poutine, qui a promis en 1999 de buter les terroristes jusque dans les chiottes et a lanc une oprationanti-terroriste en Tchtchnie. Si cette opration na pas abouti unevictoire militaire indiscutable, elle a tout de mme permis de nouer uncompromis avec une partie des sparatistes.

la diffrence des vnements des annes 1990, ni la socit nilopposition nont exig de Poutine un arrt immdiat des oprationsmilitaires. Une victoire tait attendue de lui. Au final, la tchtchnisation du conflit voulue par Poutine a t un succs indiscutable, ce qui a renforclautorit du prsident.

Pourtant, la situation au Caucase restait conflictuelle. Les attentatsterroristes se poursuivaient, la tension montait dans les rpubliquesvoisines, commencer par le Daghestan. Au Kremlin o larrive dePoutine sest accompagne dune rapide monte en puissance destendances autoritaires rsumes par la formule de la verticale dupouvoir , on a considr que cette instabilit offrait une justificationcommode pour restreindre les droits et les liberts politiques et pour fairepression sur les mdias. La quasi-totalit des politiciens de lopposition, demme que les oligarques refusant de se soumettre Poutine, ont taccuss dentretenir des liens avec les sparatistes et les extrmistes. Uncas rvlateur est celui de Boris Berezovski, accus dtre li au chef delaile extrmiste des sparatistes et davoir financ l'incursion des boevikiau Daghestan en 1999. Il est curieux de souligner que, lpoque,Berezovski appartenait lentourage immdiat de Poutine et nauraitcertainement pas pu agir de son propre chef. Il est vrai quil a eu descontacts avec les sparatistes, mais il ntait pas le seul : de nombreuxautres hommes politiques russes ont galement discut avec eux. Mais, la diffrence de loligarque, ces politiciens, eux, sont rests loyaux envers

le Kremlin. En 2003, lissue dun conflit aigu lopposant au prsident,


22/25


20 Ifri

Berezovski a quitt la Russie et a demand lasile politique en Grande-Bretagne.

Le cas le plus emblmatique de lutilisation dun attentat des finspolitiques est sans doute la dcision prise en 2004, la suite de la prise

dotages de Beslan, de supprimer llection des gouverneurs. Prtextesinvoqus : la ncessit de lutter contre le terrorisme et de renforcer lascurit nationale. Ce fut une tape essentielle dans le processus visant liminer tout contrle de la socit sur les actions du pouvoir.

Les partisans dun durcissement du rgime prenaient exemple surcertains pays europens et sur les tats-Unis, o les services derenseignement ont obtenu de nouveaux moyens, notamment lgislatifs. EnRussie, de mme quaux tats-Unis, une liste dorganisations terroristes at tablie. Entrer en contact avec ces organisations, ou tenter danalyserleurs activits et de comprendre leur idologie et les raisons qui lespoussent agir, prsente des risques. En effet, les autorits ont adopt

une acception trs large de laccusation de complicit avec lesterroristes. De nombreuses catgories dindividus tombent sous le coup decette accusation : membres des familles des boeviki, journalistes,dfenseurs des droits de lHomme dsireux de comprendre la ralit de lasituation.

En septembre 2010, la Douma dtat a approuv un projet de loiprpar par le FSB, qui modifie la loi Sur le secret dtat . La nouvelleloi limite la couverture mdiatique des problmes lis au terrorisme etrestreint considrablement laccs de lopinion publique aux informationsportant sur la situation dans la rgion et, tout particulirement, sur lesactivits des forces de lordre. Rpondant aux dtracteurs de cette loi, ledput de la Douma Andre Lougovo (un ancien des services spciaux,accus en 2006 davoir empoisonn Londres le transfuge russeAlexandre Litvinenko) a dclar : Il vaut mieux serrer la vis un peu tropfort ici ou l () que dobserver sans raction les explosions et tout ce quise passe dans le Caucase du Nord 25.

Dans la politique trangre

Linfluence du Caucase du Nord sur la politique extrieure russe a tglobalement ngative. En premier lieu, linstabilit de la rgion a rvl aumonde la faiblesse de ltat russe, incapable de reprendre le contrle deson propre territoire. En second lieu, lOccident a dvelopp une perceptionambivalente du conflit tchtchne, peru par de nombreux libraux(particulirement en Europe de lEst) comme un mouvement de libration.Cette perception reste vivace, avant tout dans les pays baltes, en Pologneet en Rpublique tchque. En Europe et aux tats-Unis, les rseaux de ladiaspora tchtchne ont mis en uvre leurs propres canaux dinformation,par lesquels ils transmettent la classe politique et lopinion publiquelocales leur vision de la situation au Caucase du Nord, trs critique enversles autorits russes. Il est vident que le sparatisme ne constitue plus un

25 M. Ozerova, Na sekret i suda net [Impossible de juger un secret], Moskovskij

komsomolec, 23 septembre 2010. .
http://www.mk.ru/politics/article/2010/09/22/531464-na-sekret-i-suda-net.htmlhttp://www.mk.ru/politics/article/2010/09/22/531464-na-sekret-i-suda-net.htmlhttp://www.mk.ru/politics/article/2010/09/22/531464-na-sekret-i-suda-net.htmlhttp://www.mk.ru/politics/article/2010/09/22/531464-na-sekret-i-suda-net.htmlhttp://www.mk.ru/politics/article/2010/09/22/531464-na-sekret-i-suda-net.html


23/25


21 Ifri

facteur aussi dterminant pour la politique russe aujourdhui quen 1996,mais il conserve tout de mme une certaine influence. Ainsi, le refus desautorits britanniques dextrader le plus clbre militant de lindpendancede lItchkrie, Akhmed Zakaev, continue de peser sur les relations russo-britanniques. Moscou a galement fait connatre son mcontentementaprs que le gouvernement polonais a dcid dorganiser en 2010, prs deVarsovie, un Congrs mondial du peuple tchtchne, runissant plusieursdizaines de reprsentants du mouvement sparatiste.

En troisime lieu, la rgion est dsormais considre comme unezone o les violations des droits de lHomme sont trs frquentes etviolentes. Les rapports rgulirement publis par les dfenseurs des droitsde lHomme sont dbattus dans le cadre de lAssemble parlementaire duConseil de lEurope et dans dautres organisations internationales. Il estvrai que les autorits russes sont habitues ces critiques et ny ragissentquasiment plus.

En quatrime lieu, la situation au Caucase du Nord a eu, dans lesannes 1990, des effets ngatifs sur les relations de la Russie avec lemonde musulman. La guerre en Tchtchnie et lcrasement delopposition musulmane taient vues comme une lutte contre lislam,comme le prolongement, par des moyens encore plus durs, de la ligneathiste de lpoque sovitique. La guerre de Tchtchnie a t perue parla communaut musulmane comme un hritage de linvasion delAfghanistan par lURSS et un conflit de civilisation .

Le pouvoir russe sous-estime la porte de la guerre dAfghanistanpour les musulmans, tout comme il sous-estime leurs ractions larpression frappant lopposition islamique au Caucase du Nord26. Et mmesi les gouvernements de nombreux pays musulmans, y compris lIran,continuent par habitude voir dans la Russie un alli potentiel face unemondialisation occidentalise et ont donc ragi de faon assez modre la guerre de Tchtchnie, le conflit au Caucase a indniablement dtriorles relations de Moscou avec le monde musulman.

En cinquime lieu, la tension dans la rgion rend vulnrables lesfrontires caucasiennes de la Russie. Il est tabli que, pendant les guerresde Tchtchnie, les gorges de Pankissi, situes en Gorgie, ont servi auxboeviki la fois pour y conduire des oprations militaires et en tant quebase arrire. De mme, les boevikiont organis plusieurs raids partir duterritoire gorgien, le plus clbre tant celui conduit par Rouslan Gulaeven 2003. Deux ans plus tt, en 2001, ses hommes avaient soutenu Tbilissi

lors daffrontements contre des units abkhazes dans les gorges deKodori27.26 Citons le Marocain Omar Nasiri, auteur du livre de Mmoires Au cur du djihad:Mmoires d'un espion infiltr dans les filires d'Al-Qada, qui y relate les sentiments quil aprouvs lors de linvasion de lAfghanistan par lURSS : Je savais beaucoup de chosessur ce sujet. Comme tous les jeunes gens du Maroc, et mme de la totalit du mondemusulman, je suivais avec attention lentre de lArme rouge en Afghanistan. Et commetout le monde, je dtestais les Russes . Plus loin, lauteur parle de sa sympathie envers lesTchtchnes rencontrs dans les camps afghans dans les annes 2000. O. Nasiri, InsideJihad. My Life with Al Qaeda. A Spys Story, Introduction of Gordon Corera. New York,Basic Books, 2006. p. 22.27

Cependant, on ne peut pas dire aujourdhui que la Gorgie continue de contribuer laralisation dattentats terroristes au Caucase du Nord, ce dont certains politiciens


24/25


22 Ifri

Enfin, les autorits russes prennent prtexte de la tension auCaucase du Nord pour cooprer avec les tats-Unis et lEuropeoccidentale dans la lutte commune contre lextrmisme et le terrorisme.Cette coopration prend diverses formes et sexplique avant tout par lesliens (pas toujours forts) qui existent entre les extrmistes locaux et lesorganisations terroristes internationales. Des ressortissants du Caucase duNord sont aussi actifs en Afghanistan, o ils sont verss dans les groupesde talibans trangers , et en Asie centrale (au Tadjikistan), o ils ontparticip en 2010 des attaques visant des sous-sections locales desstructures de force. Certains dentre eux se sont probablement infiltrs enEurope.

moscovites accusent rgulirement Tbilissi. Ainsi, le chef du FSB, Alexandre Bortnikov, adclar en 2008 que, selon les donnes dont il disposait, les services secrets gorgiens

prparaient une srie dattentats en Russie. Komsomolska Pravda v Ukraine, 20 aot2008. .
http://kp.ua/daily/200808/52118/print/http://kp.ua/daily/200808/52118/print/http://kp.ua/daily/200808/52118/print/http://kp.ua/daily/200808/52118/print/


25/25


Conclusion

Linfluence du Caucase du Nord continuera encore longtemps faire seseffets en Russie. Le degr de cette influence dpendra la fois delvolution de la rgion et de ltat global du pays. Une aggravation de lasituation dans la rgion, lactivit des terroristes et la non-rsolution desproblmes sociaux accrotraient linfluence ngative du Caucase sur laRussie. La cration en 2010 dun nouveau District fdral du Nord-Caucase na pas apport les rsultats escompts. Il est peu probable que

Moscou puisse radicalement inverser la tendance en 2011. Les habitantsdu Caucase eux-mmes se montrent pessimistes. Au Daghestan, lopinion publique sattend la guerre aprs les Jeux olympiques de2014 28. Pourquoi parle-t-on ici de l aprs-Jeux olympiques ? Sansdoute parce quau Daghestan, on estime que, aprs les Jeux, Moscousinquitera moins de la monte du mcontentement social et de la haussede linscurit dans la rgion.

Le risque terroriste au-del des frontires du Caucase, notamment Moscou, na pas disparu. Il faut probablement sattendre laugmentationdu nombre de migrants en provenance de cette rgion. Le reprsentant duprsident dans le SKFO, Alexandre Khloponine, de mme que dautreshommes politiques russes, attirent dj lattention sur ce phnomne. Lamise lcart de la rgion vis--vis de la modernit et son islamisationrisquent de se poursuivre, avec pour consquence un loignement informel lgard de la Russie. ce sujet, le Caucase du Nord est de plus en plussouvent qualifi d tranger intrieur 29. Le pouvoir et la socit russesdveloppent progressivement une forme dimmunit lgard de la crisesystmique au Caucase du Nord. La situation dans le sud de la Russienest pas perue comme catastrophique. Elle est considre presquenaturelle et mme invitable. Le Caucase du Nord souffre de maux sociauxet politiques propres toute la Russie, et il faudra agir lchelle de tout lepays pour les gurir.

28 V. Muhin, M. Fatullaev. Dagestanskij terroristieskij poligon |Daghestan, centredentranement des terroristes], Nezavisima Gazeta, 6 juin 2010,.29 U. Halbach,Russia's Internal Abroad The North Caucasus as an Emergency Zone at theEdge of Europe, Berlin, SWP Research Paper 2010/RP 5 novembre 2010, 34 p. .
http://www.ng.ru/regions/2010-09-06/1_dagi.htmlhttp://www.ng.ru/regions/2010-09-06/1_dagi.htmlhttp://www.ng.ru/regions/2010-09-06/1_dagi.htmlhttp://www.swp-berlin.org/en/nc/scientist-detail/profile/uwe-halbach.htmlhttp://www.swp-berlin.org/en/products/swp-research-paper/swp-research-paper-detail/article/russias-internal-abroad-2.htmlhttp://www.swp-berlin.org/en/products/swp-research-paper/swp-research-paper-detail/article/russias-internal-abroad-2.htmlhttp://www.swp-berlin.org/en/products/swp-research-paper/swp-research-paper-detail/article/russias-internal-abroad-2.htmlhttp://www.swp-berlin.org/en/products/swp-research-paper/swp-research-paper-detail/article/russias-internal-abroad-2.htmlhttp://www.swp-berlin.org/en/products/swp-research-paper/swp-research-paper-detail/article/russias-internal-abroad-2.htmlhttp://www.swp-berlin.org/en/products/swp-research-paper/swp-research-paper-detail/article/russias-internal-abroad-2.htmlhttp://www.swp-berlin.org/en/products/swp-research-paper/swp-research-paper-detail/article/russias-internal-abroad-2.htmlhttp://www.swp-berlin.org/en/nc/scientist-detail/profile/uwe-halbach.htmlhttp://www.ng.ru/regions/2010-09-06/1_dagi.html

Documents

Caucase du Nord : « l'homme malade » de la Russie