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Caucase du Nord Évolutions en Tchétchénie, ainsi que dans le Daguestan, dans les Républiques des Kabardes et des Balkars, en Ingouchie et en Ossétie du Nord Klaus Ammann Janvier 2007

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Caucase du Nord

Évolutions en Tchétchénie, ainsi que dans le Daguestan, dans les Républiques des Kabardes et des Balkars, en Ingouchie et en Ossétie du Nord

Klaus Ammann

Janvier 2007

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Indications sur l’auteur :

Klaus Ammann est un journaliste doublé d’un historien spécialiste de l’Europe de l’Est . Il

travaille comme rédacteur au journal régional de la Radio suisse DRS pour l’agglomération

de Zurich-Schaffhouse. En 2000, il s’est engagé comme bénévole pour le compte de l’ONG

«Mères des soldats de Saint-Pétersbourg» et entretient depuis lors d’étroits contacts avec

cette organisation. Depuis l’an 2000, il rédige des évaluations de la situation dans la Fédéra-

tion de Russie et notamment en Tchétchénie pour le compte de l’Organisation suisse d’aide

aux réfugiés.

Impressum

EDITEUR Organisation suisse d’aide aux réfugiés OSAR Case postale 8154, 3001 Berne Tél. 031 / 370 75 75 Fax 031 / 370 75 00 E-mail: INFO@ osar.ch Internet: www.osar.ch

CCP: 30-1085-7

AUTEUR

TRADUCTION

Klaus Ammann

Sabine Dormond

LANGUES français, allemand

PRIX Fr. 20.--, y compris 2,4 % de TVA, frais de port en sus

COPYRIGHT © 2007 Organisation suisse d’aide aux réfugiés , Berne

copie et impression autorisées avec mention de la source .

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Sommaire

1 Introduction ................................................................................................ 1

2 Tchétchénie ................................................................................................. 2

2.1 Politique – Une forme très particulière de démocratie ........................... 2

2.2 Organisations non gouvernementales – des concessions ou la

fermeture ............................................................................................. 3

2.3 Un peu plus de sécurité et beaucoup plus de violence .......................... 5

2.4 Les droits de l’homme encore bafoués .................................................. 6

2.5 Justice – l’espoir vient du dehors ......................................................... 7

2.6 Corruption et maladie derrière une propreté de façade .......................... 8

3 Daguestan, Kabardes et Balkars, Ingouchie et Ossétie du Nord ............... 9

3.1 La violence au quotidien – instabilité politique .................................... 10 3.1.1 Daguestan .............................................................................. 10 3.1.2 Kabardes et Balkars ............................................................... 10 3.1.3 Ingouchie ............................................................................... 11 3.1.4 Ossétie du Nord...................................................................... 12

3.2 Une poudrière .................................................................................... 12

4 Montée de la xénophobie dans la Fédération de Russie .......................... 14

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1 Introduction

Après de longues années de nouvelles exclusivement négatives de la Tchétchénie,

de plus en plus de rapports faisant état d’une accalmie de la situation, ainsi que de

la progression de la reconstruction dans cette République caucasienne, ont atteint le

public occidental ces derniers temps. A l’instar d’autres observateurs et journalistes

indépendants, le rapporteur spécial du Conseil de l’Europe Andreas Gross confirme

que la situation s’est améliorée l’an passé , du moins en ce qui concerne les rapports

vers l’extérieur. La reconstruction progresse, en particulier dans la capitale Grozny,

et la vie publique s’est normalisée dans certains domaines. Mais il règne toujours un

climat de peur. Des combats sanglants éclatent à intervalles irréguliers entre les

forces de sécurité et les résistants . Les unes comme les autres terrorisent la popula-

tion. Par ailleurs, l’infrastructure d’une grande partie de la République est toujours

dans un état déplorable.1 Alors que les améliorations, certes limitées, que l’on ob-

serve en Tchétchénie suscitent un certain espoir, les signes sont mauvais pour le

reste du Caucase du Nord: dans les Républiques voisines de la Tchétchénie, en

particulier le Daguestan, de violents affrontements opposent de plus en plus souvent

les résistants et les forces de sécurité. Dans le Daguestan, le nombre de victimes

dépasse d’ores et déjà celui recensé en Tchétchénie.2

La courbe des demandes d’asile récemment déposées en Suisse trahit aussi indi-

rectement le fait que la situation est toujours régie par la peur dans le Caucase du

Nord. Fin novembre 2006, 409 ressortissants russes avaient adressé une demande

d’asile en Suisse dans le courant de l’année . Ce chiffre correspond à une nette

augmentation par rapport aux 375 demandes enregistrées en 2005. Toutefois, le

maximum de 511 demandes déposées en 2003 ne sera probablement pas atteint en

2006, même en incluant le mois de décembre.3

La présente analyse montre comment la situation a évolué depuis la fin 2005 en

Tchétchénie, mais aussi dans les Républiques voisines d’Ingouchie, du Daguestan,

des Kabardes, des Balkars et d’Ossétie du Nord. Son contenu se réfère à celui des

analyses précédentes.4 Il s’agit d’essayer de cerner le danger que peuvent courir les

requérants d’asile de l’ensemble de la région du Nord-Caucase.

Les considérations suivantes s’appuient sur le matériel de plusieurs organisations

internationales de défense des droits de l’homme, à savoir Human Rights Watch

(HRW), la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), l’Institute for

War and Peace Reporting (IWPR), la Société pour les peuples menacés (GfbV),

l’organisation russe Mémorial, réseau «migration et droit», le centre d’information et

1 Ackeret, Markus; «Beschwerliche Rückkehr zur Normalität in Grosny. Der Wiederaufbau in Tsch e-

tschenien kommt langsam, aber sichtbar voran – Ramsan Kadyrows Macht und Popularität.» Neue Zürcher Zeitung, 6.1.2007, p. 7.

2 «Widersprüchliche Lage in Tschetschenien. Eindrücke des Schweizer Europarat -Berichterstatters

Andreas Gross», Neue Zürcher Zeitung, 30.11.2006, p. 9. 3 Office fédéral des Migrations (ODM). «Total des demandes entre 1994 et le 30.11.2006 par Nation

et année», 30.11.2006, http://www.bfm.admin.ch/fileadmin/user_upload/Themen_deutsch/Statistik/Monatsstatistik_Asyl/Gesuche-Nation-Jahr-d.pdf, [8.1.2007].

4 cf. entre autres Ammann, Klaus; «La Tchétchénie et la population tchétchène dans la Fédération de

Russie», Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), 2004, www.osar.ch. Ammann, Klaus; «Tchétchénie. Mise à jour: évolutions en Tchétchénie, en Ingouchie, dans le Daguestan et dans d’autres part ies de la Fédération de Russie», Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), 7.11.2005, www.osar.ch.

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d’analyse SOWA, l’United Kingdom Home Office, ainsi que sur des articles tirés de

la presse alémanique et du journal indépendant Société tchétchène.

Un terme demande à être précisé: comme les analyses précédentes, le présent rap-

port désigne généralement la résistance tchétchène par le terme de «résistants». Ce

choix est dicté par le souci de faciliter la compréhension. L’auteur est cependant

conscient que les «résistants» ne constituent nullement un groupe uni et qu’ils

commettent parfois de graves violations des droits de l’homme .

2 Tchétchénie

2.1 Politique – Une forme très particulière de démocratie

Après deux guerres sanglantes, la situation politique en Tchétchénie s’est à nou-

veau normalisée, du moins superficiellement. Suite aux élections présidentielles et à

la ratificat ion d’une nouvelle Constitution, les citoyens tchétchènes ont élu un nou-

veau Parlement en novembre 2005. Mais comme les précédentes, cette votation a

été lourdement manipulée. Officiellement, la participation a atteint 60 %, mais à en

croire l’organisation de défense des droits de l’homme Mémorial, ce chiffre est net-

tement surfait. Le résultat des élections semble aussi beaucoup trop au goût de

Moscou pour être vrai: déclaré vainqueur avec environ 62 % des voix, le Parti pro-

Kremlinin Russie unie a ainsi obtenu 33 sièges sur 58 au Parlement. Les communis-

tes constituent la deuxième force avec 6 sièges, suivis par les 4 sièges de l’Union

des forces de droite.5 L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

(OSCE) n’avait envoyé aucun observateur en Tchétchénie, parce que les jeux lui

semblaient faits d’avance. Le Conseil de l’Europe a pour sa part dépêché une petite

délégation qui a par la suite confirmé que la population avait été massivement int i-

midée et que les élections avaient certes été correctes techniquement parlant, mais

difficiles à évaluer.6

Les changements à la tête de l’exécutif sont toutefois aussi significati fs que ceux au

Parlement. Ramsan Kadyrov, fils du Président assassiné Achmed Kadyrov, a été

nommé Premier ministre au printemps 2006. L ’homme fort de Tchétchénie a fêté son

30e anniversaire en octobre, atteignant ainsi l’âge minimum requis pour briguer la

Présidence de la République. Depuis, la pression s’accroît sur les épaules de

l’actuel Président Alu Alchanov; des observateurs partent du principe que le Parle-

ment déposera prochainement une motion de censure contre lui. Au cas où cette

motion serait acceptée, le Président russe Vladimir Poutine aurait la compétence de

désigner Ramsan Kadyrov au poste de Président de la Tchétchénie.7

5 Hassel, Florian; «Massiv gefälschte Wahlen. Tschetscheniens Wahlkommission ruft Kreml -Partei

zur Siegerin aus», Der Bund, 29.11.2005, p. 3. 6 Affentranger, Zita; «Der Kreml siegt wie geplant in Tschetschenien», Tages-Anzeiger, 29.11.2005,

p. 7. 7 Aliev, Timur; «Kadyrov Stakes Leadership Claim. A confident Ramzan Kadyrov turns 30, and look s

to the Chechen presidency», (360) Caucasus Reporting Service , 4.10.2006, www.iwpr.net [8.1.2007].

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A l’Ouest, Ramsan Kadyrov jouit d’une mauvaise réputat ion à cause de son luxe

ostentatoire et de l’extrême brutalité de ses troupes (les Kadyrovtsy) dans la lutte

contre les présumés résistants. Mais en Tchétchénie même, il semble avoir réussi à

redorer son blason. D’après le journal Société tchétchène, beaucoup de Tchétchè-

nes sont convaincus que Ramsan Kadyrov a perdu son exubérance juvénile et qu’il

est devenu beaucoup plus responsable.8 Les signes visibles de reconstruction qu’on

observe ces derniers mois dans certaines parties de la République profitent aussi à

son image. Kadyrov ne rate aucune occasion de souligner que ces progrès sont

possibles grâce à sa fondation privée.

Précisément parce que Ramsan Kadyrov passe de plus en plus pour quelqu’un

d’autonome et d’indépendant de Moscou, son investiture à la Présidence est encore

tout sauf définitive.9 Des observateurs relèvent que Poutine courrait un risque

considérable à soutenir un tel candidat. A moyen terme, relève le correspondant du

Zürichseezeitung et de la Neue Zürcher Zeitung, Ramsan Kadyrov et son entourage

pourraient en effet vouloir suivre leur propre voie, à l’instar de l’ancien général de

l’armée de l’air Dzhokhar Dudayev qui avait ainsi provoqué la première aventure

tchétchène de la Russie. Et de conclure que le cercle vicieux tchétchène se poursuit

aussi avec les apparemment bonnes nouvelles de Moscou.10

2.2 Organisations non gouvernementales – des concessions ou la fermeture

Dans l’ensemble de la Fédération de Russie, une nouvelle loi est entrée en vigueur

en avril 2006 (loi no 18). Elle réglemente en principe de manière plus stricte le tra-

vail des nombreuses organisations non gouvernementales russes: il s’agit de réduire

l’influence qu’exerce sur elles les bailleurs de fonds étrangers et de limiter leur ca-

pacité de critiquer l’ordre établi. Depuis, toutes les organisations non gouvernemen-

tales doivent se faire réenregistrer. Page après page, la loi énumère des formalités

sur la base desquelles l’autorisation peut leur être refusée – par exemple si elles

«offensent les sentiments moraux, nationaux ou religieux des citoyens». Les organi-

sations non gouvernementales doivent désormais exposer toute leur comptabilité

aux autorités et de surcroît rendre des comptes au sujet «de leur activité, de la ré-

alisation de leurs objectifs et de leurs tâches, de leur personnel (...) et de leurs dé-

penses». Même les pompiers, les autorités sanitaires et d’autres «organes étatiques

de contrôle et de surveillance» peuvent inspecter une organisation et en infiltrer les

réunions à leur convenance. En cas d’«infractions», la Justice peut dissoudre un

groupe.11

Le Kremlin peut aussi interdire n’importe quel groupe de citoyens russes

Sous prétexte de fraude fiscale. Selon l’organisation non gouvernementale Migration

et droit, ces mesures ont actuellement un effet dissuasif sur les promesses de finan-

cement de plusieurs fondations étrangères.12

Ainsi, les tracasseries administratives

8 Aliev, Timur; «Kadyrov Stakes Leadership Claim. A confident Ramzan Kadyrov turns 30, and look s

to the Chechen presidency», (360) Caucasus Reporting Service , 4.10.2006, www.iwpr.net [8.1.2007].

9 Nauer, David; «Moskaus riskante Kaukasus-Strategie», Tages-Anzeiger, 27.9.2006, p. 7.

10 Ackeret, Markus; «Der tschetschenische Teufelskreis», Zürichsee-Zeitung, 2.9.2006.

11 Hassel, Florian; «Kreml gängelt Bürgergruppen», Neue Luzerner Zeitung, 21.1.2006, p. 8.

12 Hassel, Florian;«Letzte Hoffnung Strassburg. Aus Russland stammen ein Viertel aller Klagen, die

im letzten Jahr beim Gerichtshof für Menschenrecht eingereicht wurden», Der Bund, 12.9.2006, p. 2.

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qui étaient déjà courantes précédemment s’appuient désormais sur une base légale.

Ces contraintes supplémentaires menacent l’existence d’organisations aussi solide-

ment établies que «Mères des soldats de Saint-Pétersbourg»; elles signent l’arrêt de

mort de nombreuses jeunes organisations non gouvernementales tchétchènes.13

En

même temps, il devient encore plus difficile pour les juristes comme pour les défen-

seurs des droits de l’homme non tchétchènes d’obtenir des informations de Tchét-

chénie. Le 2 juin 2006, le Ministère tchétchène de l’Intérieur a ordonné à toutes les

organisations d’aide et de défense des droits de l’homme de signaler à l’avance à la

police et au FSB, le service secret russe, leurs déplacements en Tchétchénie.14

Pourtant, les tracasseries bureaucratiques sont une chose, la menace physique en

est une autre: la crainte augmente parmi les défenseurs des droits de l’homme en

Russie – et tout particulièrement en Tchétchénie – comme le prouve expressément

un rapport de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme.15

L’an dernier, le

cas de l’organisation de défense des droits de l’homme Société d ’amitié russe-

tchétchène a notamment fait beaucoup de bruit. A la mi-octobre, le tribunal de Nijni-

Novgorod a ordonné la fermeture de cette société, parce que son directeur avait été

condamné en février 2006 pour incitation à la «haine nationale». Ce dernier avait en

réalité publié un article où il lançait des appels à la réconciliation aux représentants

du gouvernement clandestin tchétchène, Aslan Machadov et Achmed Zakaev. La

Société d’amitié russe-tchétchène exaspérait les autorités, parce qu’elle était finan-

cée par la Commission européenne, ainsi que par des sponsors américains, et

qu’elle rendait publiques de graves violations des droits de l’homme en Tchétchénie.

Elle soutenait aussi des proches de disparus dans la recherche de leurs parents.16

La veille de la fermeture de la Société d’amitié russe-tchétchène, Lida Jusupova, la

directrice du bureau de l ’organisation de défense des droits de l’homme Mémorial à

Grozny, a reçu des menaces de mort.17

Les deux incidents se sont en outre produits

à moins d’une semaine du meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa, l’une des

très rares représentante de la presse indépendante et critique qui consacrait régu-

lièrement des reportages à la Tchétchénie et au Caucase du Nord. Quand le grou-

pement d’extrême-droite Volonté de la Russie publie dans le même temps sur Inter-

net une liste de 89 «traîtres à la Nation» et «amis de l’étranger» qu’il s’agit selon lui

d’assassiner, on comprend dès lors que les intéressés prennent la menace au sé-

rieux.18

La militante russe Svetlana Gannouchkina figure en tête de cette liste. Elle

s’engage entre autres pour la population tchétchène en dehors de Tchétchénie.

13

Aliev, Timur; «Abdulla Istamulov: «NPO, osobenno na Severnom Kavkaze, ne javljajutsja opposici-

onnym po oprodeleniju» (Les organisations non gouvernementales n’appartiennent pas, par défini-tion, à l’opposition gehören, surtout dans le Caucase du Nord)», Čečenskoe obščestvo (Chechen society), 5.12.2006, www.chechensociety.net.

14 Société pour les peuples menacés (GfbV); «Tschetschenien: Neue Schikanen gegen Nichtregi e-

rungsorganisationen. Geheimdienst kontrolliert alle Mitarbeiter», 24.7.2006, www.gfbv.de [30.11.2006].

15 International Federation for Human Rights (FIDH) und W orld Organisation Against Torture (OMCT);

«Death threats against Lida Yusupova. Closure of the Russian-Chechen Friendship Society Raising Fear and Insecurity for Human Rights Defenders», 15.10.2006, www.fidh.org [7.1.2007].

16 Société pour les peuples menacés (GfbV); «Steuerfahndung wird zum Erfüllungsgehilfen für Verfo l-

gung von Menschenrechtlern in Tschetschenien», 2.11.2005, www.gfbv.de [30.11.2006]. 17

International Federation for Human Rights (FIDH) und World Organisation Against Torture (OMCT) ;

«Death threats against Lida Yusupova. Closure of the Russian-Chechen Friendship Society Raising Fear and Insecurity for Human Rights Defenders».

18 International Federation for Human Rights (FIDH) und World Organisation Against Torture (OMCT);

«Death threats against Lida Yusupova. Closure of the Russian-Chechen Friendship Society Raising Fear and Insecurity for Human Rights Defenders».

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Du reste, la nouvelle loi sur les ONG est aussi un coup porté contre les dernières

sources d’informations indépendantes dans la Fédération de Russie. Comme il n’y a

pratiquement plus aucun journal indépendant du gouvernement , les organisations

non gouvernementales servent en effet de sources d’informations, en particulier

pour les observateurs étrangers.19

2.3 Un peu plus de sécurité et beaucoup plus de violence

Sur le plan militaire, les forces russes et pro-russes ont remporté quelques victoires

l’an dernier. Abdoul-Khalim Sadoulaev, le successeur du Président du gouverne-

ment clandestin tchétchène Aslan Machadov, a été abattu le 17 juin 2006. Il a été

remplacé par le commandant Dokou Oumarov.20

A peine un mois plus tard, le triste-

ment célèbre chef des rebelles Khamil Bassaïev a perdu la vie lors d’une explosion

que l’armée russe a qualifiée d’opération spéciale. La perte de Sadoulaev et de

Bassaïev devrait certes avoir affaibli la résistance tchétchène, mais rien ne prouve

qu’elle l’empêche de devenir toujours plus brutale et plus radicale. Des observateurs

n’excluent pas que l’influence exercée sur les séparatistes tchétchènes par le ré-

seau terroriste Al-Qaïda ne se renforce après la mort de Bassaïev. Côté russe, la

mort du porte-drapeau de plusieurs attentats terroristes, dont la prise d’otages de

Beslan, a en tout cas été célébrée comme une victoire et comme la conséquence

d’un progressif «retour à la norme» en Tchétchénie.21

D’après les indications concordantes du Premier ministre Ramsan Kadyrov et du

FSB, le service secret russe, on ne compte plus qu’une cinquantaine de rebelles

actifs en Tchétchénie. Les résistants auraient été étonnement nombreux à profiter

de l’amnistie que la douma russe a décidé de leur accorder en septembre dernier

pour se rendre. Un rapport de l’Institute for War and Peace Reporting contredit cette

information. Il stipule d’une part que beaucoup de combattants ne se sont pas ren-

dus de leur plein gré, mais suite à l’enlèvement de membres de leur famille par les

forces de sécurité, d’autre part qu’il se trouve apparemment, parmi ceux qui ont

changé de bord, beaucoup de combattants de la première guerre de Tchétchénie.

Aujourd’hui, il est rare que les combattants se rendent volontairement, car

l’expérience leur a appris combien cette capitulation est dangereuse : sur les près de

400 rebelles qui s’étaient par exemple rendus lors de l’amnistie de 1999, très peu

ont survécu. La plupart ont été assassinés par les forces de sécurité russes ou pro-

russes ou par d’autres rebelles qui les considéraient comme des traîtres .22

Alors que la reconstruction progresse notamment dans la capitale tchétchène Groz-

ny, des gens continuent à disparaître. La torture et les assassinats se perpétuent.

Les défenseurs des droits de l’homme soupçonnent toujours plus fréquemment Ka-

19

Aliev, Timur; «Abdulla Istamulov: «NPO, osobenno na Severnom Kavkaze, ne javljajutsja oppos i-

cionnym po oprodeleniju» (Nichtregierungsorganisationen gehören, vor allem im Nordkaukasus, nicht per definitionem zur Opposition)», Čečenskoe obščestvo (Chechen society) , 5.12.2006, www.chechensociety.net.

20 «Rebellenführer Sadulajew tot», Tages-Anzeiger, 19.6.2006, p. 5.

21 Ackeret, Markus; «Der tschetschenische Teufelskreis», Zürichsee-Zeitung, 2.9.2006.

22 Hassel, Florian; «Reuige Rebellen, die keine sind. Nach Darstellung des Kremls bröckelt der tsche-

tschenische Widerstand – doch in der Kaukasusrepublik gehen die Kämpfe weiter», Der Bund, 31.8.2006, p. 5. Dudayev, Umalt; «Families of Chechen Rebels Still Targeted. Chechen security forces accused of torturing and intimidating relatives of fighters », (366) Caucasus Reporting Ser-vice, 16.11.2006, www.iwpr.net [8.1.2007].

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dyrovtsy d’être l’auteur de ces crimes . Les conditions de sécurité se sont nettement

dégradées dans les régions de montagnes difficiles d’accès. Ces derniers mois et

années, les affrontements entre forces de sécurité et résistants se sont déplacés

dans des régions qui avaient été épargnées par la première guerre de Tchétchénie

entre 1994 et 1996. Soupçonnée de soutenir les résistants, la population locale subit

les incursions répétées des forces de sécurité. Dans le district de Sharoi, 20 habi-

tants sur un total d’à peine 3200 ont par exemple été déportés au cours des huit

derniers mois. Dans ces conditions, i l n’est pas étonnant que les gens quittent les

régions de montagnes dès qu’ils en ont la possibilité. Au cours des sept dernières

années, la population de Sharoi a ainsi diminué d’un tiers .23

Pourtant le public ne prête guère attention à cette violence à l’écart des villes. Début

août, le Président russe Vladimir Poutine a ainsi profité de la relative tranquillité

pour signer un décret par lequel il s’engage à réduire de moitié environ au cours des

deux prochaines années les forces russes en Tchétchénie. Celles-ci se montent

actuellement à quelque 50'000 soldats. A partir de 2008, le maintien de la sécurité

incombera principalement aux près de 20'000 soldats du Ministère tchétchène de

l’Intérieur placés sous les ordre de Ramsan Kadyrov.24

2.4 Les droits de l’homme encore bafoués

En Tchétchénie, il en va des droits de l’homme comme de la qualité des matériaux

de construction: superficiellement, la situation s’améliore et les organisations de

défense des droits de l’homme signalent un net recul des actes de violence: selon

Mémorial, le nombre de meurtres et de déportations a reculé d’un tiers entre

l’automne 2005 et l’automne 2006 pour chuter à 192 meurtres et 316 cas de dispari-

tion. L’an dernier, on recensait encore 310 meurtres et 418 déportations. Il faut tou-

tefois relever que le recensement de Mémorial ne couvre qu’un tiers du territoire

tchétchène et que les données manquantes dans la toute dernière statistique

concernent justement les régions de montagne où la violence a augmenté, comme

indiqué ci-dessus. Des défenseurs des droits de l’homme soulignent en outre que,

sous le régime de Kadyrov, beaucoup de violations des droits de l’homme ne sont

plus dénoncées par crainte des représailles.25

Dans son tout dernier document sur la Tchétchénie, l’organisation américaine Hu-

man Rights Watch attire en outre l’attention sur les tortures systématiquement prati-

quées dans les prisons de la République.26

Les victimes sont souvent des proches

d’insurgés et des personnes soupçonnées de soutenir les rebelles. Les femmes et

les mineurs ne sont pas épargnés. On les frappe avec des bottes, des cannes, des

bouteilles en plastique (remplies d’eau ou de sable) ou des câbles. On les brûle

23

Umarova, Asya; «Chechnya: Mountain Terror. Residents of sparsely populated mountain district

accuse federal troops of night-time abductions», (370) Caucasus Reporting Service , 14.12.2006, www.iwpr.net [8.1.2007].

24 «Moskau zieht Truppen aus Tschetschenien ab. Kadyrow wird immer mächtiger – andauernde Will-

kür», Neue Zürcher Zeitung, 12.8.2006, p. 7. 25

«Moskau zieht Truppen aus Tschetschenien ab. Kadyrow wird immer mächtiger – andauernde Will-

kür», Neue Zürcher Zeitung, 12.8.2006, p. 7. Donath, Klaus-Helge; «Tschetschenische ‹Normalität›. Offiziell weniger Entführungen und Morde – Fehlende Rechtssicherheit», St. Galler Tagblatt, 2.9.2006, p. 4.

26 Human Rights Watch; «Widespread Torture in the Chechen Republic. Human Rights Watch Briefing

Paper for the 37th Session UN Committee against Torture november 13, 2006», novembre 2006.

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avec des flammes, des fils et des tiges métalliques incandescents et on les soumet

à des électrochocs. Les bourreaux exercent en outre une pression psychologique,

en simulant une exécution ou un viol et en menaçant de s’en prendre à des proches .

Ils agissent généralement dans le but d’extorquer des informations et/ou des aveux

fabriqués de toutes pièces. Dans la plupart des cas, ces crimes sont le fait des trou-

pes du Ministère tchétchène de l’Intérieur. La deuxième autorité de surveillance opé-

rationnelle (ORB-2) du Ministère fédéral de l’Intérieur pour le Caucase du Nord se

rend aussi sans cesse coupable de graves violations des droits de l’homme .27

Des

prisons secrètes, comme il en existe toujours en Tchétchénie en dépit du droit inter-

national, mais aussi du droit russe, sont souvent le théâtre de ces débordements . Le

comité onusien contre la torture a récemment sommé la Fédération de Russie de

rendre publics les lieux d’implantation de toutes les prisons .

Dans ces circonstances, le fait que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)

ne visite plus de prison en Tchétchénie depuis septembre 2004 paraît particulière-

ment grave. Le CICR a suspendu cette partie centrale de ses activités, parce que

les conditions imposées par la Russie l’empêchaient d’effectuer les visites confo r-

mément à ses propres critères. Avant l’interruption des visites aux prisonniers, les

délégués du CICR s’étaient occupés de plusieurs centaines de personnes qui

avaient été arrêtées par les autorités russes durant le conflit.28

Même l’intervention

personnelle du Président du CICR Jakob Kellenberger auprès du Président Poutine

est jusqu’à présent restée vaine .

2.5 Justice – l’espoir vient du dehors

Au plus tard depuis l’affaire Youkos , on sait très bien que, dans la pratique, les pou-

voirs ne sont pas séparés, mais étroitement imbriqués dans la Fédération de Russie.

Pour des raisons politiques, toujours plus de ressortissants russes ne peuvent

compter sur leurs propres tribunaux pour leur rendre justice. Beaucoup, dont nombre

de Tchétchènes, s’adressent donc à la Cour européenne des droits de l’homme. Une

avalanche de plaintes russes déferle sur les juges de Strasbourg: depuis que la

Convention européenne des droits de l’homme est entrée en vigueur en Russie le 5

mai 1998, 33’072 Russes ont saisi l’occasion de se plaindre de leur Etat à Stras-

bourg. Rien qu’en 2005, un quart de toutes les plaintes adressées à Strasbourg l’ont

été par des Russes. En automne dernier, on dénombrait 1617 plaintes en souffrance

contre le gouvernement russe. L’écrasante majorité ont certes été rejetées – pour

vices de forme ou parce que la voie de droit n’avait pas été épuisée . Il n’en reste

pas moins qu’à l’issue de 158 jugements, les juges européens ont constaté, à quel-

ques exceptions près, que l’Etat russe avait violé les droits de l’homme. Le Kremlin

a été condamné à payer des amendes symboliques.29

Le 27 juillet 2006, des victi-

mes de la guerre en Tchétchénie ont remporté leur première victoire judiciaire. La

Cour européenne a attribué à la Tchétchène Fatima Basorkina une indemnisation de

35’000 euros: le tribunal a en effet considéré comme prouvé le fait que son fils qui

27

Human Rights Watch; «Widespread Torture in the Chechen Republic. Human Rights Watch Briefing

Paper for the 37th Session UN Committee against Torture november 13, 2006», novembre 2006. 28

Schweizerische Depeschen Agentur (SDA); «Gefangene Tschetschenen ohne IKRK -Besuch», Neue

Zürcher Zeitung, 5.5.2006, p. 2. 29

Hassel, Florian; «Letzte Hoffnung Strassburg. Aus Russland stammen ein Viertel aller Klagen, die

im letzten Jahr beim Gerichtshof für Menschenrecht eingereicht wurden», Der Bund, 12.9.2006, p. 2.

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Ingouchie et en Ossétie du Nord / janvier 2007 page 8 sur 15

avait combattu aux côtés des rebelles durant la deuxième guer re de Tchétchénie a

été assassiné en février 2000 sur ordre du général russe Alexander Baranov.30

Au

moins 200 autres plaintes en provenance de Tchétchénie sont en souffrance à

Strasbourg. Et il y en aurait encore davantage si les autorités tchétchènes ne dis-

suadaient pas les plaignants et témoins potentiels par des intimidations, des enlè-

vements et parfois même des meurtres.31

Dans ces circonstances, la grande major i-

té des violations des droits de l’homme restent insoupçonnées , comme Human Righ-

ts Watch le confirme dans le rapport susmentionné.32

2.6 Corruption et maladie derrière une propreté de façade

En Tchétchénie, certaines améliorations sautent aux yeux, même en ce qui concer-

ne la situation humanitaire et socio-économique. Ainsi, le nombre de commerces et

de cafés ne cesse d’augmenter dans les villes . Des rues et des bâtiments sont réno-

vés. Sous l’oeil des caméras, le Premier m inistre Kadyrov remet à des familles les

clés de logements flambant neufs. Mais ces progrès ne sont pas seulement dus aux

fonds que Moscou injecte massivement année après année et dont une part impor-

tante est toujours détournée. Selon les dires de défenseurs des droits de l’homme ,

la reconstruction est aussi financée par les dons «volontaires» que Kadyrov extor-

que à tous les employés du secteur public. Cet argent versé dans le «fonds Kady-

rov» sert ensuite à financer la construction d’écoles , de centres sportifs et d’autres

institutions publiques.33

La corruption est toujours omniprésente en Tchétchénie. Ainsi, les paiements de

compensation n’arrivent presque jamais à destination dans leur intégralité (cha que

famille qui a perdu son logement à cause des opérations de guerre peut réclamer

350'000 roubles). L’arrestation pour corruption du secrétaire du comité de compen-

sation du gouvernement tchétchène ne remonte qu’à novembre dernier. Le haut

fonctionnaire véreux avait obligé les sinistrés à verser jusqu’à 50 % de la compensa-

tion prévue et fait bloquer les comptes en banque de ceux qui opposaient une résis-

tance. Le comité en question est placé sous la responsabilité du Premier ministre

Ramsan Kadyrov, mais le Ministère public ne peut pas grand-chose contre lui.34

Dans le domaine de l’économie et de la santé, beaucoup de points laissent encore à

désirer en Tchétchénie. Rien n’indique que la s ituation se soit améliorée de façon

notable depuis la période du dernier rapport.35

Ainsi, la mortalité infantile se situe

toujours à 22 %. D’après les indications de la Société pour les peuples menacés

30

Hassel, Florian; «Letzte Hoffnung Strassburg. Aus Russland stammen ein Viertel aller Klagen, die

im letzten Jahr beim Gerichtshof für Menschenrecht eingereicht wurden», Der Bund, 12.9.2006, p. 2.

31 Hassel, Florian; «Letzte Hoffnung Strassburg. Aus Russland stammen ein Viertel aller Klagen, die

im letzten Jahr beim Gerichtshof für Menschenrecht eingereicht wurden», Der Bund, 12.9.2006, p. 2.

32 Human Rights Watch; «Widespread Torture in the Chechen Republic. Human Rights Watch Briefing

Paper for the 37th Session UN Committee against Torture november 13, 2006», novembre 2006. 33

«Moskau zieht Truppen aus Tschetschenien ab. Kadyrow wird immer mächtiger – andauernde Will-

kür», Neue Zürcher Zeitung, 12.8.2006, p. 7. 34

Chadayev, Umalt; «Compensation payments to Chechen citizens: problems still not solved»,

24.11.2006, www.watchdog.cz [30.11.2006]. 35

cf. Ammann, Klaus; «Tchétchénie. Mise à jour: évolutions en Tchétchénie, en Ingouchie, au Dages-

tan et dans d’autres parties de la Fédération de Russie», Chapitre 6.3 Le coût élevé de la santé, Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), 7.11.2005, www.osar.ch.

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(GfbV), la population de Tchétchénie souffre en outre d’une forte exposition à la

radioactivité. Le Ministère public russe a annoncé à la mi-décembre 2005 qu’on

avait mesuré dans la fabrique chimique de Grozny un taux de radioactivité 58'000

fois supérieur au seuil limite autorisé. Selon la GfbV, l’irradiation provient d’une part

d’une déchetterie à ciel ouvert située en dehors de Grozny, d’autre part du lieu de

stockage définitif «Rodon» à proximité du village de Goriatjevodsk, lui-même à une

quinzaine de kilomètres de Grozny. Les déchets nucléaires du Caucase du Nord et

de Russie qui y sont entreposés depuis des années sans précaution aucune repré-

sentent un grand danger pour la santé des gens. Sur 100 malades du cancer dans

toute la Russie, dix sont des enfants tchétchènes. Dans la capitale tchétchène, un

nouveau-né sur deux présente de graves problèmes de santé ; c’est le cas d’un nou-

veau-né sur cinq en moyenne nationale.36

3 Daguestan, Kabardes et Balkars, Ingouchie et Ossétie du Nord

Le Caucase du Nord tel qu’il est couramment conçu comprend sept Républiques: la

République des Adyghés, la Tchétchénie, le Daguestan, l’Ingouchie, les Kabardes et

les Balkars, les Karatchaï-Tcherkesses et l’Ossétie du Nord, ainsi que deux districts:

Stavropol et le Krai de Krasnodar.

37

En lien avec la guerre en Tchétchénie, la violence, les tensions et des violations

massives des droits de l’homme se sont répandues ces dernières années dans tout

le Caucase du Nord. Abstraction faite de la Tchétchénie, la situation s’est notam-

ment aggravée dans les Républiques du Daguestan, des Kabardes, des Balkars,

d’Ingouchie et d’Ossétie du Nord. C’est pourquoi ces quatre Républiques sont exa-

minées de plus près ci-dessous.38

36

Société pour les peuples menacés (GfbV); «Internationale Atomenergiebehörde soll in Tschetsch e-

nien ermitteln. Radioaktive Belastung bei Grosny», 22.12.2005, www.gfbv.de [30.11.2006]. 37

Quelle der Karte: Tages-Anzeiger, 1.9.2006, S. 10. 38

Human Rights Center «Memorial»; «Conflict Spill -Over Outside the Chechen Republic in 2004-2005

(Ingushetia and Kabardino-Balkariya)», 2.3.2006, www.memo.ru/hr/hotpoints/caucas1 [5.12.2006].

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Ingouchie et en Ossétie du Nord / janvier 2007 page 10 sur 15

3.1 La violence au quotidien – instabilité politique

3.1.1 Daguestan

Le Daguestan est la République caucasienne qui compte la plupart des conflits inte-

rethniques. A cela s’ajoutent de graves problèmes économiques et sociaux.39

Le

taux de chômage dépasse par exemple les 30 %. La propagation des affrontements

armés par-delà les frontières tchétchènes s’est surtout faite en direction du Dagues-

tan, ce qui est compréhensible au vu des circonstances. Depuis, on recense plus

d’actes de violence au Daguestan qu’en Tchétchénie.40

Les séparatistes tchétchè-

nes sont à l’origine de la plupart des attentats . Leurs hommes de main locaux sont

souvent membres des Djamaats. Il s’agit de communautés islamiques militantes de

tendance wahhabite qui vivent repliées sur elles-mêmes.41

Ces organisations extré-

mistes sont liées aux cercles tchétchènes clandestins et coordonnées par eux. Rien

qu’en 2005, 113 attentats ont été commis au Daguestan. Ils ont coûté la vie à 59

policiers, militaires et fonctionnaires et en ont blessé 112 autres. Parmi les civils, on

déplore en outre 12 morts et 47 blessés.

Une grande partie de la population du Daguestan n’est pas seulement effrayée,

mais aussi irritée de l’ampleur que prend la corruption au sein de la République.

Cette colère s’exprime de plus en plus souvent dans des manifestations que les for-

ces de sécurité n’hésitent pas à réprimer violemment . Concrètement, les manifes-

tants protestent contre la manière louche, illégale et inéquitable dont les terres ont

été réparties ces dernières années, ainsi que contre le détournement des recettes

fiscales. L’ancien fonctionnaire soviétique Mushu Aliev , investi de ses fonctions de

Président en février 2006, a certes une réputation honorable, mais peu de possibil i-

tés de sanctionner les fonctionnaires corrompus. Dans un proche avenir, les protes-

tations violentes auront encore tendance à augmenter , vu que des élections parle-

mentaires sont prévues au Daguestan en mars 2007.42

3.1.2 Kabardes et Balkars

Dans les Kabardes et les Balkars, on assiste à une sorte de dégel depuis l’entrée en

fonction du Président Arsen Kanokov en automne 2005. Deux semaines plus tard,

des combattants islamistes ont perpétré un attentat qui a fait environ 150 morts

dans la capitale Nalchik. Malgré cette affaire qui a secoué la République, certaines

améliorations sont manifestes, notamment en ce qui concerne la liberté

d’expression. Les défenseurs des droits de l’homme sont autorisés à donner des

39

Falkowski, Maciej; «North Caucaus: the Russian Gordian knot. The key problems and conflicts in

the region and the effect thereof on the future of Russia», CES Studies, Centre for Eastern Studies, December 2004, http://www.osw.waw.pl, [25.10.2005].

40 Schrepfer-Proskurjakov, Alexander; «Dagestan. In der Kaukasusrepublik werden mehr Terroran-

schläge als in Tschetschenien verübt. Kein Ende der Gewaltspirale im Nordkaukasus», Zürichsee-Zeitung, 9.8.2006.

41 Les premiers Djamaats sont apparus en Tchétchénie en 1996. Souvent origi naires de pays arabes,

les Wahhabites prêchent un islam «épuré» des coutumes locales. Les Talibans d’Afghanistan étaient jusqu’à présent la plus connue des organisations wahhabites en dehors de l’Arabie saoudite où le Wahhabisme est la religion officielle. Ces dernières années, les Djamaats ont essaimé dans tout le Caucase du Nord..

42 Musayev, Musa; «Dagestan Hit by Wave of Protests. Demonstrations are nothing new in Dagestan,

but this year they have increased in number and scale», (371) Caucasus Reporting Service, 21.12.2006, www.iwpr.net [8.1.2007].

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Ingouchie et en Ossétie du Nord / janvier 2007 page 11 sur 15

conférences de presse comme ils l’entendent, ce qui , récemment encore, était im-

pensable. Le richissime président a réformé l’économie des Kabardes et des Balkars

en vue d’attirer les investisseurs étrangers. Pourtant, la situation est instable, car le

Président Kanokov ne contrôle pas les forces de sécurité: d’un côté, son propre Mi-

nistère de l’Intérieur agit souvent de façon autonome , de l’autre, le centre anti-

terrorisme pour le Caucase du Nord siège à Nalchik. Or, cet organe est directement

subordonné à Moscou. C’est pourquoi les déportations et arrestations de défenseurs

des droits de l’homme et de journalistes se sont multipliées ces dernières semaines

dans les Kabardes et les Balkars. Les personnes arrêtées rapportent que les forces

de sécurité travaillent selon les méthodes «tchétchènes»: elles extorquent des

aveux par la torture et ceux qui ne cèdent pas peuvent parfaitement disparaître à

tout jamais.43

Dans les Kabardes et les Balkars, les instances musulmanes offic ielles

(Clerical Department of Moslems, CDM) et les communautés de Djamaats se regar-

dent en chiens de faïence depuis les années 1990. Ces dernières se sont radicali-

sées depuis que le CDM a remis au Ministère de l’Intérieur une l iste des «musul-

mans indignes de confiance». Dans la lutte contre le terrorisme, le Ministère de

l’Intérieur a comparé à plusieurs reprises des musulmans reconnus avec des extré-

mistes; le port de l’habit musulman traditionnel est un motif d’arrestation suffisant .44

3.1.3 Ingouchie

Lorsque la deuxième guerre de Tchétchénie a éclaté en 1999, des dizaines de mil-

liers de Tchétchènes ont fui dans la République voisine d’Ingouchie où ils sont hé-

bergés chez des particuliers ou dans des campements . Jusqu’à la fin 2001, les auto-

rités de la République se sont opposées à la pression exercée par Moscou pour les

inciter à renvoyer les réfugiés. Mais à partir de 2002, cette attitude a peu à peu

changé: les forces de sécurité ingouches ont commencé à rechercher des résistants

dans les camps de réfugiés; il y a eu des «purifications» et des disparitions. En juin

2004, entre 200 et 600 résistants tchétchènes ont attaqué les villes de Nasran et

Karabulak. Les affrontements subséquents avec les forces de sécurité ont coûté la

vie à 79 personnes. Depuis, l’Ingouchie est, comme la Tchétchénie, une région en

proie à des «opérations antiterroristes». Les forces de sécurité locales en sont ainsi

venues à commettre régulièrement, à l’instar des troupes fédérales stationnées en

Ingouchie, de graves violations des droits de l’homme . L’organisation de défense

des droits de l’homme Mémorial explique cette dérive par l’énorme pression à la-

quelle les forces de sécurité sont soumises. Elles doivent coûte que coûte prouver

leur efficacité et confondre un maximum de criminels , ce qui les amène à torturer les

gens arrêtés jusqu’à ce que les malheureux passent aux aveux. Ce genre de «mesu-

res antiterroristes» ne fait que déstabiliser une société et renforcer les extrémistes,

comme le montre l’exemple de la Tchétchénie. Ceux qui ont été torturés et rabais-

sés par les forces de sécurité sont pratiquement prêts à tout pour se venger .

D’après Mémorial, «les bases pour une véritable guerre civile sont aujourd’hui posée

en Ingouchie».45

Le conflit avec les voisins tchétchènes a récemment connu une

dangereuse escalade. Lors d’un échange de tirs entre les forces de sécurité ingou-

43

Tsei, Dana; «Nalchik Nerves Still Jangling. Kabardino -Balkaria experiences a thaw one year after

Islamist attack but fears renewed violence», (362) Caucasus Reporting Service , 19.10.2006, www.iwpr.net [8.1.2007].

44 Human Rights Center «Memorial»; «Conflict Spill -Over Outside the Chechen Republic in 2004-2005

(Ingushetia and Kabardino-Balkariya)», 2.3.2006, www.memo.ru/hr/hotpoints/caucas1 [5.12.2006]. 45

Human Rights Center «Memorial»; «Conflict Spill -Over Outside the Chechen Republic in 2004-2005

(Ingushetia and Kabardino-Balkariya)», 2.3.2006, www.memo.ru/hr/hotpoints/caucas1 [5.12.2006].

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Ingouchie et en Ossétie du Nord / janvier 2007 page 12 sur 15

ches et tchétchènes, huit personnes ont été abattues le 13 septembre 2006 à la

frontière entre les deux Républiques et plusieurs autres blessées . Selon plusieurs

observateurs, des hommes de Kadyrov ont par le passé sans cesse fait irruption sur

le territoire ingouche, soi-disant à la recherche de rebelles. Comme le révèle

l’incident, les forces de sécurité ingouches semblent pourtant résolues à mettre fin à

cette pratique. D’autres affrontements sanglants semblent programmés d’avance.46

3.1.4 Ossétie du Nord

Plus de deux après la sanglante prise d’otages dans une école de la ville de Beslan,

en Ossétie du Nord, la controverse publique au sujet de cet acte de terrorisme brutal

et de la manière dont les forces de sécurité y ont mis fin se poursuit toujours. Entre-

temps, le seul preneur d’otages à avoir survécu à certes été condamné à la déten-

tion à perpétuité, mais plusieurs groupes de citoyens réclament toujours en vain que

les autorités projettent enfin quelque clarté sur les événements des premiers jours

de septembre 2004. La police a récemment confisqué un rapport de 700 pages

qu’un membre de la commission d’enquête parlementaire venait de faire paraître sur

la question. Ce rapport dont les conclusions divergent de la version officielle prouve

en gros que les explosions qui se sont produites avant l ’assaut de l’école n’ont pas

été provoquées par les preneurs d’otages , mais par des grenades lancées de

l’extérieur. L’incident montre à quel point les forces de sécurité tentent toujours de

contrôler l’opinion publique de façon restrictive même en Ossétie du Nord.47

Actuel-

lement, les tensions avec la République voisine d’Ingouchie accablent en outre

l’Ossétie du Nord: les deux Républiques se disputent le district de Prigorodny qui a

appartenu à l’Ingouchie jusqu’en 1944 et fait depuis lors partie de l’Ossétie du Nord .

Déjà en 1992, le conflit avait une fois dégénéré en un bain de sang . Il y avait eu des

centaines de morts et des milliers d’Ingouches s’étaient réfugiés dans leur Républi-

que d’origine. La situation s’était ensuite apaisée, mais les tensions ont repris de

plus belle depuis la prise d’otages de Beslan (plusieurs Ingouches se trouvaient

parmi les victimes). De violents affrontements ont à nouveau éclaté en juillet der-

nier. Les autorités d’Ossétie du Nord ont annoncé à plusieurs reprises avoir arrêté

et expulsé des fonctionnaires ingouches qui avaient tenté de semer le trouble parmi

la grande minorité ingouche du district . De son côté, le Parlement ingouche a trans-

mis en juin 2006 une motion demandant à Moscou de restituer la zone frontalière à

l’Ingouchie.48

3.2 Une poudrière

Un coup d’oeil sur l’ensemble de la région montre que la Tchétchénie est prise entre

les foyers de crise du Caucase du Nord et ceux du Caucase du Sud (Géorgie, Azer-

baïdjan, etc.). Le Président russe Poutine a beau avoir déclaré déjà depuis des an-

46

Dudayev, Umalt; «Chechen-Ingush Battle Shocks North Caucasus. Neighbouring republics braced

for reprisals after bloody shootout», (358) Caucasus Reporting Service , 21.9.2006, www.iwpr.net [8.1.2007].

47 Tskhurbayev, Alan; «Beslan Controversy Won’t Go Away. As relatives of victims commemorate

another anniversary, the rancorous debate over who was to blame continues to si mmer» (356) Cau-casus Reporting Service, 7.9.2006, www.iwpr.net [8.1.2007].

48 Gabarayev, Murat; «Ingush-Ossetian Dispute Worsens. A fresh bout of violence sends relations

between the two North Caucasian neighbours into a new downward spiral», (352) Caucasus Report-ing Service, 9.8.2006, www.iwpr.net [8.1.2007].

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Ingouchie et en Ossétie du Nord / janvier 2007 page 13 sur 15

nées que la guerre en Tchétchénie était terminée, les opérations de combat

s’étendent sournoisement. D’après la chronique anti-guerre de Mémorial, la guerre

dans le Caucase du Nord fait chaque mois une cinquantaine de morts et des gens

sont enlevés tous les jours.49

La proximité et l’interconnexion entre les foyers de

crise facilitent l’extension des hostilités .50

L’évolution récente fait même craindre

qu’à côté du Daguestan, les autres Républiques nationales du Caucase du Nord

deviennent aussi, de plus en plus souvent, le théâtre d’une spirale de violence ali-

mentée par les attentats terroristes des séparatistes radicaux et des unités spécia-

les russes.51

A la différence de la Tchétchénie où les responsabilités sont de plus en plus délé-

guées à des structures locales, Moscou mise sur un contrôle plus centralisé et sur

une présence militaire accrue dans le reste du Caucase du Nord. Les deux tendan-

ces posent problème: le retrait de la Tchétchénie risque de déclencher un conflit

entre Tchétchènes. Quant à l’apparition de Moscou en tant que puissance policière

dans les autres Républiques du Caucase du Nord, elle semble faire vaciller le fragile

équilibre dans la région et favoriser un renforcement des groupes rebelles islamis-

tes.52

Sur le plan démographique et culturel, une dérussification croissante s’est amorcée

dans l’ensemble du Caucase du Nord : beaucoup de Russes ont quitté la région de-

puis l’effondrement de l’Union soviétique . Leur départ se traduit par une islamisation

progressive. Il y a déjà des années que la région revendique la légalisation de la

polygamie. Entre-temps, des voix s’élèvent pour réclamer l’introduction de certains

éléments de la charia dans la jurisprudence locale. Le gouvernement ingouche a

ainsi interdit la vente d’alcool pour la durée du ramadan,53

alors même que les for-

ces de sécurité des Kabardes et des Balkars s’en prennent très durement aux mu-

sulmans, comme mentionné ci-dessus.

Bien qu’il existe des différences considérables entres les Républiques caucasien-

nes, l’augmentation massive des violations des droits de l’homme par les forces de

sécurité régionales et fédérales est une caractéristique commune. Au lieu de désa-

morcer les conflits, cette pratique semble au contraire attiser la violence.54

49

www.memo.ru/hr/hotpoints/caucas1/index.htm. Siehe dazu auch United Kingdom Home Office,

Immigration and Nationality Directorate. «Operational guidance note: Russian Federation», 14.11.2006, www.ecoi.net [7.1.2007].

50 Pour des indications plus détaillées sur la propagation du conflit, voir aussi Reinke, Sarah. «Schlei-

chender Völkermord in Tschetschenien. Verschwindenlassen – ethnische Verfolgung in Russland – Scheitern der internationalen Politik» novembre 2005, www.gfbv.de.

51 Schrepfer-Proskurjakov, Alexander; «Tschetschenische Diffusion. Konflikte, Kämpfe, Krieger im

Nordkaukasus», Osteuropa 56, no 7 (2006): p. 55-64. 52

Perovic, Jeronim; «Am Abgrund. Fehlentwicklung im Nordkaukasus», Osteuropa 56, no 7 (2006): p.

33-53. 53

Nauer, David; «Moskaus riskante Kaukasus-Strategie», Tages-Anzeiger, 27.9.2006, p. 7. 54

Human Rights Center «Memorial»; «Conflict Spill -Over Outside the Chechen Republic in 2004-2005

(Ingushetia and Kabardino-Balkariya)», 2.3.2006, www.memo.ru/hr/hotpoints/caucas1 [5.12.2006].

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4 Montée de la xénophobie dans la Fédération de Russie

Les affrontements violents entre Russes et personnes d’origine caucasienne

n’augmentent pas que dans le Caucase du Nord , mais dans toute la Fédération de

Russie. Les troubles qui ont agité pendant plusieurs jours la petite ville carélienne

de Kondopoga début août 2006 forment à ce jour le triste point culminant de ces

conflits ethniques: deux Russes avaient perdu la vie lors d’une batai lle entre le per-

sonnel tchétchène d’un restaurant tchétchène et des convives russes. Lors de la

grande manifestation qui a suivi, la foule a exhorté les autorités à expulser tous les

Tchétchènes de cette localité de 30'000 habitants.55

Même des parlementaires na-

tionaux ont pris part à l’organisation des protestations. Le président par intérim du

Parlement Wladimir Schirinovski a immédiatement exigé une restriction des droits

des immigrants caucasiens.56

Dans la pratique, les droits des immigrants du Caucase, qui sont en réalité des ci-

toyens russes, sont déjà nettement plus restreints que ceux des Russes de sou-

che.57

L’organisation Migration et droit répète toujours le même constat dans son

rapport annuel sur la situation de la population tchétchène au sein de la Fédération

de Russie, à savoir58

:

– qu’à bien des endroits, les Tchétchènes n’obtiennent pas de permis de séjour ,

– qu’ils ont beaucoup de peine à trouver un emploi ,

– qu’ils sont exposés aux tracasseries permanentes des forces de sécurité et

– que tout Tchétchène risque en principe sa vie dans la Fédération de Russie et

remplit par là les conditions donnant droit au statut de réfugié .59

La situation ne s’est nullement améliorée l’an passé, au contraire : la haine à l’égard

des personnes d’origine caucasienne s ’accroît continuellement. Selon un sondage

du centre Lewada, 54 % des Russes ont approuvé l’an dernier le mot d’ordre «la

Russie aux Russes», ainsi que la demande d’endiguer l’afflux d’étrangers; 42 % ont

même approuvé la déportation d’une partie de la population.60

En Russie, la Justice

commence peu à peu à sanctionner plus fermement la violence motivée par des

sentiments racistes (elle prononce plus souvent des condamnations), mais les ten-

55

Schrepfer-Proskurjakov, Alexander; «Ungeliebte tschetschenische Diaspora: Immer wieder artet in

Russland ein scheinbar harmloser Alltagskonflikt mit ethnischem Hintergrund in eine Massenau s-schreitung aus», Zürichsee-Zeitung, 9.8.2006.

56 Ludwig, Michael; «Ist Kondopoga überall? Die Spannungen zwischen Russen und Kaukasiern neh-

men zu», Frankfurter Allgemeine Zeitung , 6.9.2006, p. 14. 57

cf. Ammann, Klaus; «Tchétchénie. Mise à jour: évolutions en Tchétchénie, en Ingouchie, dans le

Daguestan et dans d’autres parties de la Fédération de Russie», Organisation suisse d’aide aux ré-fugiés (OSAR), 7.11.2005, www.osar.ch.

58 «On the Situation of Residents of Chechnya in the Russian Federation July 2005 – July 2006»,

31.7.2006, http://refugee.memo.ru. 59

Gannuškina, Svetlana A. ;«Мigration und Recht». Réseau de services de consultation juridique pour

réfugiés et personnes déplacées , «An die Gerichte in Deutschland, Anwälte, Migrationsbehörden, und alle anderen Stellen und Personen, von denen das Schicksal Asylsuchender aus Tschetsc he-nien abhängt», 16.10.2005.

60 Ludwig, Michael; «Ist Kondopoga überall? Die Spannungen zwischen Russen und Kaukasiern neh-

men zu», Frankfurter Allgemeine Zeitung , 6.9.2006, p. 14.

Page 18: Caucase du Nord - osar.ch · Zürichseezeitung et de la Neue Zürcher Zeitung, Ramsan Kadyrov et son entourage pourraient en effet vouloir suivre leur propre voie, à l’instar de

Évolutions en Tchétchénie, dans le Daguestan, dans les Républiques des Kabardes et des Balkars, en

Ingouchie et en Ossétie du Nord / janvier 2007 page 15 sur 15

dances négatives l’emportent largement selon le centre SOWA d’analyse et

d’information: les services officiels ont ouvertement soutenu la campagne raciste

menée l’automne dernier contre les Géorgiens dans la Fédération de Russie. En

même temps, les autorités russes profitent sans cesse de la lutte officielle contre

l’extrémisme pour durcir la législation et opprimer ainsi l’opposition politique. A cela

s’ajoute que les autorités recourent souvent à des méthodes illégales pour contrer

les groupements d’extrême droite, ce qui rend difficile la répression par les tribu-

naux et fait des extrémistes des «victimes de la police». La démagogie anti-fasciste,

combinée à une rhétorique discriminatoire et à des méthodes abusives contre

l’extrémisme de droite, risque de provoquer encore plus de haine raciale dans la

société russe. Les attaques motivées par des sentiments racistes ont de nouveau

augmenté en 2006: d’après le centre SOWA, elles avaient déjà fait 44 morts et 395

blessés au 30 novembre 2006, contre 42 morts et 406 blessés durant toute l’année

2005. Très souvent, à savoir dans près d’un tiers des cas, ces attaques sont diri-

gées contre des gens originaires du Caucase.61

* * *

61

Koševnikova, Galina; «Autumn – 2006: Under the Kondopoga Banner», 4.1.2007, http://sova-

center.ru [8.1.2007].