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Cauchemar en Jaune (3)

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  • Cauchemar en jaune

    Il fut tir du sommeil par la sonnerie du rveil, mais resta couch un bon moment aprs l'avoir fait taire, penser une dernire fois aux plans qu'il avait tablis pour un dtournement de fonds1 dans la journe et un assassinat le soir.

    Il n'avait nglig aucun dtail, il en tait au stade de la rcapitulation finale. vingt heures quarante-six, il serait libre, dans tous les sens du mot. Il avait fix ce moment parce qu'aujourd'hui il allait fter son quarantime anniversaire et que c'tait l'heure exacte de sa naissance. Sa mre, passionne d'astrologie, lui avait souvent rappel la minute prcise de sa naissance. Lui-mme n'tait pas superstitieux, mais cela flattait son sens de l'humour de commencer sa nouvelle vie quarante ans, une minute prs.

    De toute faon, le temps travaillait contre lui. Homme de loi spcialis dans les affaires immobilires, il voyait de trs grosses sommes passer entre ses mains; une partie y restait. Un an auparavant, il avait emprunt cinq mille dollars, pour les placer dans une affaire sre, qui allait doubler ou tripler la mise2, mais il perdit la totalit. Il emprunta un nouveau capital, pour diverses spculations3, et rattraper sa perte initiale. Et il avait maintenant environ trente mille dollars de retard ; le trou ne pouvait gure tre dissimul plus de quelques mois et il n'avait pas le moindre espoir de le combler en si peu de temps. Il avait donc rsolu de collecter le maximum d'argent liquide sans veiller les soupons, en vendant diverses proprits. Dans l'aprs-midi il disposerait de plus de cent mille dollars, plus qu'il ne lui en fallait jusqu' la fin de ses jours.

    Et jamais il ne serait pris. Son dpart, sa destination, sa nouvelle identit, tout tait prvu et fignol, il n'avait nglig aucun dtail. Il y travaillait depuis des mois.

    Sa dcision de tuer sa femme, il l'avait prise un peu aprs. Le mobile tait simple : il la dtestait. Mais c'est seulement aprs avoir pris la rsolution de ne jamais aller en prison, de se suicider s'il tait pris, que l'ide lui tait venue : puisque de toute faon il mourrait s'il tait pris, il n'avait rien perdre en laissant derrire lui une femme morte au lieu d'une femme en vie.

    Il avait eu beaucoup de mal ne pas clater de rire devant le choix du cadeau d'anniversaire qu'elle lui avait fait (la veille, avec vingt-quatre heures d'avance) : une belle valise toute neuve. Elle l'avait aussi amen accepter de fter son anniversaire en allant dner en ville, sept heures. Il y avait peu de chances qu'elle se doutt de ce qu'il avait prpar pour la suite de la soire. Il la ramnerait la maison avant vingt heures quarante-six et satisferait son got pour les choses bien faites en se rendant veuf la minute prcise. Il y avait aussi un avantage pratique la laisser morte : s'il l'abandonnait vivante et endormie, elle comprendrait ce qui s'tait pass et alerterait la police en constatant, au matin, qu'il tait parti. S'il la laissait morte, le cadavre ne serait pas trouv avant deux ou trois jours, ce qui assurerait une avance bien plus confortable.

    son bureau, tout se passa merveille ; quand l'heure fut venue d'aller retrouver sa femme, tout tait par. Mais elle trana devant les cocktails et trana encore au restaurant ; il en vint se demander avec inquitude s'il arriverait la ramener la maison avant vingt heures quarante-six. C'tait ridicule, il le savait bien, mais il avait fini par attacher une grande importance au fait qu'il voulait tre libre ce moment-l et non une minute avant ou une minute aprs. Il gardait l'oeil sur sa montre.

    Attendre d'tre entrs dans la maison l'aurait mis en retard de trente secondes. Mais sous la vranda, dans l'obscurit, il n'y avait aucun danger ; il ne risquait rien, pas plus qu' l'intrieur de la maison. Il abattit la matraque de toutes ses forces, pendant qu'elle attendait qu'il sorte sa cl pour ouvrir la porte. Il la rattrapa avant qu'elle ne tombe et parvint la maintenir debout, tout en ouvrant la porte de l'autre main et en la refermant de l'intrieur.

    Il posa alors le doigt sur l'interrupteur et une lumire jauntre envahit la pice. Avant qu'ils aient pu voir que sa femme tait morte et qu'il maintenait le cadavre d'un bras, tous les invits de la soire d'anniversaire hurlrent d'une seule voix : Surprise !

    Fredric BROWN, Cauchemar en jaune , dans Fantmes et farfafouilles, traduit par Jean Sendy, rvis par Thomas Day.

    1- Un dtournement de fonds : une fraude consistant cacher une somme d'argent.2- doubler ou tripler la mise : gagner deux ou trois fois plus que la somme qu'on engage.3- Une spculation : une opration qui consiste acheter des objets ou de l'argent pour les revendre bien plus cher.

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  • Evaluation Squence 1 Les caractristiques de la nouvelle.

    (Toutes les rponses doivent tre rdiges clairement)

    I- Narrateur et personnages1- Que sait-on du personnage principal (nom, ge, profession, checs et russites) ? Citez le texte pour justifier vos rponses. 2- Relevez un exemple montrant que le personnage est un organisateur, un calculateur.3- Le personnage principal est-il le narrateur ? Justifiez votre rponse.4- Donnez toutes les prcisions que vous pouvez sur le statut du narrateur dans ce texte.

    II- Dure et chronologie du rcit.5- Combien de temps s'est coul entre les premiers et les derniers mots du rcit ?6- A quelle heure doit avoir lieu le crime ? Pourquoi le mari rgle-t-il tout sur cette heure prcise ?7- La femme est-elle, elle aussi, proccupe par le temps qui passe et l'heure ? (Justifiez votre rponse)8- Indiquez un moment o le narrateur effectue un retour en arrire, dans le pass du personnage. Indiquez le numro des lignes et expliquez l'intrt de ce procd.9- Dans l'aprs-midi, il disposerait de plus de cent mille dollars (ligne 17 ) : A quel temps est conjugu le verbe ? Le procd employ ici est-il un retour en arrire ou une anticipation ? Quel est l'intrt de ce procd ici ?

    III- Le ton du texte10- a- Qu'y a -t-il d'horrible dans cette histoire ?

    b- Pourquoi a-t-on cependant envie de rire la fin ?

    IV- La porte de la nouvelle.11- D'aprs vous, quelle leon peut-on retenir de cette histoire ? Justifiez votre rponse dans un paragraphe rdig.