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CDS 165 CDS 15 F rév. 1 fin Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN COMMISSION SUR LA DIMENSION CIVILE DE LA SECURITE TRANSITION EN AFGHANISTAN : CONSEQUENCES POUR L’ASIE CENTRALE PROJET DE RAPPORT SPECIAL Ulla SCHMIDT (Allemagne) Rapporteure spéciale

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CDS165 CDS 15 F rév. 1 finOriginal : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION SURLA DIMENSION CIVILE DE LA SECURITE

TRANSITION EN AFGHANISTAN : CONSEQUENCES POUR

L’ASIE CENTRALE

PROJET DE RAPPORT SPECIAL

Ulla SCHMIDT (Allemagne)Rapporteure spéciale

www.nato-pa.int 11 octobre 2015

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TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION....................................................................................................................1

II. LE POINT SUR LA TRANSITION POLITIQUE EN AFGHANISTAN.....................................1A. OBSERVATIONS GENERALES...................................................................................1B. LES ELECTIONS DE 2014 ET LE GOUVERNEMENT D’UNITE NATIONALE.............2C. LE PROGRAMME DE REFORME DE L’AFGHANISTAN.............................................3

III. STABILITE EN ASIE CENTRALE : FACTEURS INTERNES ET EXTERNES.......................7A. OBSERVATIONS GENERALES...................................................................................7B. COMPRENDRE L’ASIE CENTRALE.............................................................................8C. DEMOCRATIE ET GOUVERNANCE............................................................................9D. TENSIONS INTRA-REGIONALES..............................................................................13E. LE RISQUE DE L’EXTREMISME VIOLENT EN ASIE CENTRALE............................16F. TRAFIC DE STUPEFIANTS........................................................................................17G. COOPERATION MULTINATIONALE EN ASIE CENTRALE.......................................18

IV. REMARQUES FINALES.......................................................................................................20

BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................22

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I. INTRODUCTION

1. Alors que la transition en matière de sécurité et sur le plan politique s’est mise en place à la fin de 2014 en Afghanistan, on ne sait toujours pas si elle est réussie ou non. Grâce au sens politique du président Ashraf Ghani et de son rival à l’élection présidentielle, Abdullah Abdullah, aujourd’hui chef de l’exécutif, l’Afghanistan a mené à bien son premier transfert de pouvoir démocratique à la nouvelle équipe de dirigeants – un véritable tour de force compte tenu des circonstances et des conditions historiques et régionales. Le regain d’espoir et les aspirations nouvelles du peuple afghan sont liés à la nouvelle équipe au pouvoir, laquelle est censée s’attaquer de front aux graves problèmes socio-économiques que connaît le pays. Doté d’une force de sécurité nationale de 350 000 soldats, le pays, désormais seul responsable de la situation en matière de sécurité, met tout en œuvre pour contenir l’insurrection. 2. Pour autant, le nouveau gouvernement d’unité nationale a fait moins de réformes que ce qui était attendu, et la cohabitation entre le président Ghani et le chef de l’exécutif M. Abdullah – dont les fonctions doivent encore être constitutionnalisées – n’est pas sans poser de problèmes. Les élections du parlement et des conseils de district ont dû être reportées en attendant qu’une véritable refonte du système électoral soit mise en œuvre. Les perspectives économiques pour cette année ne sont pas optimistes étant donné que le recouvrement des recettes ne cesse de baisser. Quant à la situation en matière de sécurité, la « saison des combats » met à rude épreuve la capacité des forces de sécurité nationales afghanes (ANSF) à contenir l’insurrection sans aide directe des forces de combat de l’OTAN.

3. De nouvelles zones sensibles mobilisant l’agenda politique mondial, telles que l’est de l’Ukraine et le Moyen-Orient, l’Afghanistan a pratiquement disparu de la une des journaux. La région voisine formée par les cinq Républiques d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkménistan et Tadjikistan) est encore moins médiatisée. Ce rapport a pour but d’attirer l’attention de la communauté des responsables politiques et de leur faire comprendre que la relative stabilité en Afghanistan et dans les cinq Républiques d’Asie centrale ne doit pas être tenue pour acquise. Cette région constitue l’extrémité orientale de ce que l’on appelle l’arc d’instabilité qui va des côtes occidentales de l’Afrique jusqu’à l’est de la péninsule arabe, en passant par le Sahel, l’Afrique du Nord, la Somalie et le Moyen-Orient.

4. Si le lien entre la sécurité en Afghanistan et la stabilité dans les Républiques d’Asie centrale n’est pas évident, l’échec de la transition en Afghanistan pourrait constituer le point de basculement des tensions internes et des clivages en Asie centrale. Un engagement durable de la communauté internationale dans la région est nécessaire pour éviter qu’elle ne devienne une autre zone sensible ou « point chaud » de la planète.

II. LE POINT SUR LA TRANSITION POLITIQUE EN AFGHANISTAN

A. OBSERVATIONS GENERALES

5. Pour évaluer les avancées démocratiques de l’Afghanistan, il faut garder à l’esprit que son statut d’Etat se fonde sur des principes de base différents de ceux sur lesquels reposent la plupart des Etats-nations de la zone euro-atlantique. D’un point de vue occidental, l’Afghanistan manque d’homogénéité dans presque tous les domaines : il est divisé ethniquement (les Pachtounes constituent une pluralité mais non une majorité), du point de vue religieux (la grande majorité est de confession musulmane sunnite, mais les chiites représentent une minorité importante) et du point de vue linguistique (le pashto et le dari sont les deux langues officielles, mais une minorité importante parle des langues turques). De plus, les communautés ethniques les plus importantes font toute partie de groupes ethniques plus larges qui s’étendent bien au-delà des frontières afghanes : il y a deux fois plus de Pachtounes au Pakistan qu’en Afghanistan,

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les populations tadjikes en Afghanistan et au Tadjikistan sont de taille comparable, et les Ouzbeks d’Afghanistan ne sont qu’une petite fraction du vaste groupe ethnique ouzbek vivant au cœur de l’Asie centrale. De plus, nombre de ces groupes ethniques sont divisés en tribus, puis en entités plus petites. En résumé, la société afghane se caractérise par une mosaïque complexe d’identités – en sus du discours national moderne qui se fait jour. Cette hétérogénéité explique en partie l’absence, ou presque, de partis politiques à l’échelle nationale. Or, curieusement, cette disparité n’a pas donné lieu à un séparatisme manifeste ; on ne constate guère d’affrontements ethniques.

6. Autres facteurs importants : les problèmes hérités de l’invasion soviétique, de la guerre civile et de l’ère des talibans, qui ont considérablement affaibli le gouvernement central afghan et profondément appauvri ses ressources humaines. Qui plus est, la gouvernance en Afghanistan est marquée par la cohabitation entre des structures constitutionnelles et des structures traditionnelles. Les structures traditionnelles étant les chouras (assemblées tribales d’anciens) et les jirgas (quasi-tribunaux informels). Le rassemblement d’anciens et autres personnalités respectées du peuple afghan, appelé Loya Jirga, a participé à certaines des décisions politiques les plus importantes du pays depuis le début du XXe siècle. Le rôle que jouent les chefs de guerre tribaux et les hommes locaux puissants – lesquels n’occupent pas nécessairement des fonctions officielles – est un aspect important de la scène politique afghane.

7. Dans ce contexte, la consolidation de la gouvernance démocratique en Afghanistan peut sembler une tâche titanesque. Les enjeux sont en effet considérables et le processus d’édification d’un Etat moderne prendra vraisemblablement plusieurs décennies. Toutefois, on aurait tort d’ignorer les progrès accomplis jusqu’à présent ; certes, toutes les élections en Afghanistan sont loin d’avoir été parfaites mais le pays est d’ores et déjà plus démocratique sous certains aspects que nombre de ses voisins. A la faveur de chaque processus électoral, le système politique afghan gagne en maturité. Le parlement est aujourd’hui plus indépendant et plus compétent. Les institutions afghanes assument un nombre croissant de fonctions autrefois remplies par des partenaires internationaux et le nombre d’électeurs, dont les femmes, continue à augmenter. Notamment, le transfert de la fonction présidentielle par des élections en 2014 a permis à la démocratie afghane de franchir un nouveau pas.

B. LES ELECTIONS DE 2014 ET LE GOUVERNEMENT D’UNITE NATIONALE

8. Il ne faut pas oublier que l’Afghanistan aurait facilement pu s’enfoncer dans une crise politique interne au lendemain de l’élection présidentielle de 2014. M. Abdullah avait une avance confortable sur M. Ghani après le premier tour de l’élection (45 % contre 31 %) et ses partisans pensaient que la présidence était à portée de main. D’autant qu’ils étaient convaincus que leur candidat avait déjà été privé de victoire lors de l’élection de 2009. Aussi, lorsque la Commission électorale indépendante a délivré un certificat au gagnant déclarant que l’ancien responsable de la Banque mondiale, M. Ghani, l’emportait avec 55,27 % du total des suffrages exprimés (3,93 millions sur 7,12 millions des voix), le camp de M. Abdullah a contesté ces résultats. 9. Tout à leur honneur, M. Abdullah et M. Ghani sont parvenus à conclure un accord de partage du pouvoir le 21 septembre 2014, sous l’égide du secrétaire d’Etat américain John Kerry et d’autres responsables internationaux, évitant ainsi une éventuelle catastrophe politique. Aux termes de cet accord, les deux dirigeants se voient accorder la « parité » pour nommer les hauts responsables ; M. Ghani présidera le Cabinet des ministres dès lors que des décisions stratégiques seront prises, mais les activités courantes du Cabinet seront supervisées par le chef de l’exécutif. Le 11 décembre 2014, le président Ghani a signé un décret visant à mieux définir les compétences du chef de l’exécutif. Aux termes de ce décret, le chef de l’exécutif est responsable devant le président et 20 missions spécifiques lui sont confiées. La position du chef de l’exécutif est considérée comme temporaire et une Loya Jirga est censée se réunir pour décider si ce poste de quasi premier ministre doit devenir permanent. Cet accord du 21

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septembre ne faisant pas partie de la Constitution afghane, il dépend essentiellement de la bonne volonté des deux dirigeants.

10. M. Ghani et M. Abdullah sont généralement considérés comme des hommes politiques pragmatiques et sensés : tous deux modernistes, leurs visions politiques coïncident en grande partie. Les représentants de la coalition internationale ont d’ores et déjà noté une amélioration tangible de l’attitude de la nouvelle équipe au pouvoir à l’égard des partenaires internationaux, par rapport à la conduite des opérations de plus en plus imprévisibles et anti-occidentales de l’ancien président Karzai. Dès son entrée en fonction, le 29 septembre 2014, le président Ghani a signé l’Accord bilatéral de sécurité avec les Etats-Unis au nom de l’Afghanistan ainsi que la Convention sur le statut des forces avec l’OTAN.

11. Cela étant, sur le plan interne, la cohabitation Ghani-Abdullah rencontre déjà des problèmes. Le processus de formation du gouvernement d’unité nationale progresse très lentement : le président Ghani n’a pas tenu sa promesse de campagne de former un gouvernement dans un délai de 45 jours. Ces retards seraient dus aux pressions exercées par divers chefs de tribus et hommes puissants régionaux qui entendent se voir récompensés du soutien apporté à la campagne présidentielle. La liste des candidats ministériels que M. Ghani et M. Abdullah ont enfin pu établir en janvier 2015 est jugée innovante par certains observateurs : elle compte plusieurs professionnels relativement jeunes, représentant une nouvelle génération d’Afghans, et remplace la vieille garde de chefs de tribus très influents et de vétérans politiques qui dominaient les précédents gouvernements.

12. Le parlement et les médias se livrent à un examen minutieux des personnes proposées, critiquant les compétences de plusieurs candidats et révélant des faits susceptibles de leur faire du tort, comme la détention d’une double nationalité, la tentative de dissimuler son âge réel ou le fait de figurer sur la liste des personnes recherchées par Interpol. Les critiques formulées par certains parlementaires tiennent aussi aux liens entretenus avec la vieille garde marginalisée de M. Karzai, désormais largement écartée du pouvoir. La liste des candidats a été critiquée par certains groupes ethniques ou tribus qui lui reprochent de ne pas être équilibrée – certains responsables non pachtounes, par exemple, ont fait valoir que les ministères ou les organismes chargés de la sécurité, de la défense ou du maintien de l’ordre ne doivent pas être dirigés exclusivement par des Pachtounes.

13. Fin avril, après de longues délibérations, le processus de formation du gouvernement était presque terminé. Sur les 24 ministres confirmés, 4 sont des femmes. Parmi eux figure le nouveau ministre des Affaires étrangères, Salahuddin Rabbani, fils de l’ancien président Burhanuddin Rabbani qui a remplacé son père à la tête du Haut conseil pour la paix après son assassinat en 2011. L’absence d’un ministre de la Défense est à noter. Le parlement a rejeté deux des trois candidats proposés, le troisième retirant sa candidature après la diffusion de vidéos sur les réseaux sociaux où il apparaît en train de faire des commentaires à caractère ethnique. Les autres postes à pourvoir sont le procureur général et le président de la Cour suprême. Pour la nomination de ce dernier, le 8 juillet 2015, les parlementaires afghans ont rejeté la candidature d'Anisa Rasouli, la toute première femme candidate à la Cour suprême (Secrétaire général des Nations unies, 2015).

C. LE PROGRAMME DE REFORME DE L’AFGHANISTAN

14. La formation du gouvernement étant quasiment achevée, la nouvelle équipe peut enfin commencer à mettre en œuvre ses promesses électorales ambitieuses. Fidèle à sa réputation de réformateur, dès le début, le président Ghani a présenté un programme de réformes, sous forme d’un document de 19 pages intitulé : « Atteindre l’autonomie : adhésion à la réforme et à un nouveau partenariat », à la Conférence de Londres sur l’Afghanistan, tenue le4 décembre 2014. Il s’agit d’un plan ambitieux qui réaffirme, entre autres choses, la détermination

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de l’Afghanistan à créer un environnement stable sur le plan politique et de la sécurité dans le pays, à stabiliser l’économie et les finances, à augmenter les capacités administratives, à imposer l’Etat de droit, à lutter contre la corruption et à protéger les droits humains, y compris les droits des femmes.

15. Certains analystes font observer, toutefois, que le programme est purement déclaratoire et manque de clarté s’agissant de certains mécanismes de mise en œuvre. Pour y remédier, le3 avril 2015, le Cabinet a approuvé le plan proposé par le ministère des Finances pour la mise en œuvre du programme « Atteindre l’autonomie ». Ce dernier comprend 52 mesures, dont 26 sont considérées comme des priorités de l’action à mener dans les six prochains mois. Le ministère des Finances travaille, en collaboration avec les ministères compétents, à promouvoir ce programme. Tous les ministres ont en outre été chargés par le président d’établir, durant leurs 100 premiers jours en fonction, des plans de réformes détaillés dans leurs domaines respectifs.

16. La sécurité demeure la priorité du nouveau gouvernement. Selon des responsables des Nations unies, dans la semaine qui a suivi le 22 avril, jour où les talibans ont annoncé le début de l’offensive de printemps, une hausse de 45 % des affrontements armés a été enregistrée par rapport à 2014. Les pertes civiles lors d’affrontements sur le terrain ont augmenté de 16 % au cours du premier trimestre 2015 par rapport à la même période en 2014. Suite aux attaques menées par les autorités pakistanaises contre des groupes d’extrémistes dans les zones du nord du pays après l’attentat, en décembre 2014, contre une école de Peshawar, certains de ces groupes se sont réfugiés en Afghanistan. L’incident le plus notable lié à la sécurité, survenu ces derniers mois, est l’attentat-suicide à la voiture piégée perpétré, le 22 juin 2015, contre le parlement afghan. Même la situation en matière de sécurité dans les parties autrefois relativement calmes du nord de l’Afghanistan s’est considérablement aggravée, notamment à Kunduz. Les affrontements se sont poursuivis tout au long de l’année. Selon les premières évaluations, les forces de sécurité afghanes ont jusqu’à présent réussi à remplir leurs fonctions et à résister aux pressions exercées par l’insurrection, en dépit de taux élevés de pertes et de défections. Toutefois, selon des informations inquiétantes dont fait état le ministère afghan de l’Intérieur, plus de 7 000 combattants étrangers se trouveraient dans le pays, associés pour la plupart aux talibans du Pakistan et au Mouvement islamique d’Ouzbékistan (Secrétaire général des Nations unies, 2015). Si certains groupes d’insurgés ont prêté allégeance au groupe terroriste Etat Islamique en Iraq et au Levant (EIIL), la présence réelle sur le terrain de ce groupe en Afghanistan n’est pas confirmée.

17. L’OTAN appuie l’Afghanistan en fournissant une aide à la formation non militaire, des conseils et une assistance par le biais de la Mission Resolute Support, qui compte actuellement quelque 12 000 soldats venant de pays membres de l’OTAN et de pays partenaires de l’OTAN. Durant la visite qu’ils ont effectuée aux Etats-Unis en mars 2015, Ghani et Abdullah ont conclu un accord avec le président Obama, selon lequel les Etats-Unis s’engagent à maintenir leur dispositif de 9 800 soldats jusqu’à la fin de l’année 2015. La situation en matière de sécurité est examinée en détail dans le rapport 2015 de la Commission de la défense et de la sécurité de l’AP-OTAN [169 DSC 15 F].

18. Dans l’optique d’une solution politique au conflit, le gouvernement Ghani-Abdullah est visiblement plus pragmatique envers le Pakistan que son prédécesseur. Le président Ghani a pris des mesures volontaristes pour instaurer un dialogue avec les dirigeants pakistanais en vue d’améliorer les relations. Ce changement de ton arrive à un moment opportun alors qu’Islamabad réexamine sa politique à l’égard des talibans après le massacre de l’école de Peshawar de décembre 2014. Une étape déterminante a été franchie le 7 juillet 2015 lorsque le gouvernement afghan et les représentants des talibans se sont rencontrés pour la première fois dans le cadre de pourparlers directs, engagés à Muree, au Pakistan. Les responsables afghans veulent établir une distinction claire entre les talibans et d’autres insurgés locaux et combattants étrangers. Si les pourparlers directs avec les talibans constituent un progrès appréciable sur la voie de la paix

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et de la réconciliation, il est impératif de s’assurer que les femmes afghanes participent à ce processus du début jusqu’à la fin.

19. S’agissant de la stabilité politique, la tenue d’élections législatives et, si possible, d'élections pour les conseils de district, aura valeur de test pour l’Afghanistan. Conformément à la loi, les élections législatives auraient dû se tenir en mai 2015, le mandat actuel de la chambre basse de l’Assemblée nationale se terminant le 22 juin. Le 1er avril, le deuxième vice-président,Mohammad Sarwar Danish, a annoncé que les élections législatives seraient repoussées à 2016, invoquant le temps nécessaire pour la mise en œuvre de la réforme électorale. Si cette réforme était l’une des promesses clés du nouveau gouvernement, rien n’a été fait en ce sens jusqu’à présent. Le 21 mars, le président Ghani a promulgué un décret établissant une commission spéciale de 15 membres, chargée de la réforme électorale. Un membre de la chambre basse de l’Assemblée nationale a été choisi pour présider cette commission. Le processus pour institutionnaliser pleinement la commission demeure incertain étant donné les discussions en cours entre les bureaux du président et le chef de l’exécutif concernant la présidence et la confirmation de ses modalités de fonctionnement. M. Abdullah aurait demandé une refonte totale des structures électorales et le remplacement de la plupart des responsables électoraux afin d’éviter les problèmes rencontrés lors des scrutins précédents. Le président Ghani semble toutefois adopter une démarche plus prudente. Du point de vue de la communauté internationale, les institutions internationales d’accompagnement du processus électoral demandent instamment à Kaboul de poursuivre résolument des réformes électorales dignes de ce nom.

20. Les élections des conseils de district constituent un autre enjeu majeur. Ces élections sont stipulées par la Constitution, mais divers problèmes dont celui de l’inscription des électeurs, l’absence de recensement ainsi que des difficultés pour définir des limites de district qui soient acceptables pour les tribus respectives, en ont empêché jusqu’à présent la tenue. L’absence de tels conseils constitue un grave vide administratif. Ces élections sont également importantes car elles ont pour but, conformément à la Constitution, de nommer un tiers des membres de la chambre haute du Parlement (la Meshrano Jirga).

21. La nouvelle administration doit lutter plus vigoureusement contre la corruption que la précédente. L’Afghanistan est classé au 172e rang sur les 175 pays que Tranparency International recense dans son indice de perception de la corruption 2014. M. Ghani, dans le premier discours qu’il a prononcé après la signature de l’accord de partage du pouvoir, a promis de porter un coup d’arrêt à la corruption. En tant que président, il a chargé la Cour suprême et le bureau du procureur général de relancer l’enquête sur le plus gros scandale de corruption de toute l’histoire du pays – le scandale de la Banque de Kaboul – et de poursuivre en justice les coupables. Une fois expiré le délai accordé par le président à ceux qui devaient de l’argent à la Banque de Kaboul, les autorités du pays ont imposé des interdictions de voyager à l’encontre de 150 débiteurs, ont gelé leurs avoirs et ont entamé le processus de vente publique de leurs biens. Le président a par ailleurs engagé des discussions sur l’amélioration de la coopération entre diverses institutions chargées des questions de corruption. Qui plus est, le président a ordonné une enquête pour établir pourquoi un rapport sur la corruption des forces de police, financé par les Nations unies, a été passé sous silence : le Fonds d’affectation spéciale pour l’ordre public en Afghanistan (LOFTA), qui verse les salaires des policiers afghans, aurait perdu la trace de millions de dollars en rémunérations « d’employés fantômes » (RFE/RL, 2015, 24 avril). Ces efforts pour mettre un terme aux pratiques de corruption sont louables, mais de nouvelles mesures sont à prendre en urgence, dont la réforme du bureau du procureur général en dormance et le renforcement des capacités et de l’intégrité du système judiciaire.

22. Réformer le système judiciaire du pays et, notamment, améliorer l’accès des citoyens afghans aux mécanismes judiciaires est une préoccupation de premier plan. L’Afghanistan a besoin d’une stratégie claire permettant de réconcilier progressivement les systèmes de justice informel et formel. L’aide d’experts et l’assistance financière de la communauté internationale dans ce

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domaine sont précieuses. L’expérience et le potentiel du secteur non gouvernemental occidental peuvent offrir une aide très concrète : par exemple, la Fondation Max Planck pour la Paix internationale et l’Etat de droit mène une série de projets destinés à soutenir le renforcement des capacités des institutions judiciaires afghanes. Parmi ces projets, les chercheurs et analystes juridiques de la Fondation Max Planck offrent une démarche innovante pour combler le fossé entre le système judiciaire étatique et les conseils tribaux en promouvant le concept de justice réparatrice auprès des acteurs afghans concernés. Si les pratiques de la justice pénale européenne visent pour l’essentiel à punir l’auteur d’une infraction, les approches de justice réparatrice, qui émanent des sociétés autochtones, privilégient la réparation, les besoins de la victime et l’instauration de relations sociales positives. La victime, le contrevenant et souvent d’autres membres de la communauté participent activement au processus de médiation en présence d’un médiateur. Ils décident de manière collective de la résolution des problèmes que soulève le crime. L’équipe de projet entend encourager les parties prenantes afghanes à recourir aux principes des Nations unies comme point de départ d’une mise en place d’un cadre juridique pour les conseils tribaux en Afghanistan (MPF, 2015).

23. Le président Ghani a hérité d’un pays dans une situation économique catastrophique. La croissance économique a stagné ces dernières années, le pays étant incapable de mobiliser des ressources internes pour remédier à la baisse des contributions des donateurs étrangers. En 2014, les recettes du budget de l’Etat étaient inférieures d’un quart à celles attendues. Selon la Banque mondiale, le niveau des recettes doit considérablement augmenter si l’on veut éviter que le même problème ne se reproduise en 2015. La disparition des emplois et des contrats associée à la présence du personnel international ainsi que l’érosion de la confiance des entreprises en raison des retards dans la formation du gouvernement risquent de se traduire par une croissance négligeable cette année, voire nulle, alors que le PIB, depuis 2001, augmente d’environ 9 % par an. La Banque centrale est forcée d’intervenir régulièrement pour éviter l’effondrement de la monnaie nationale. A en juger par son plan de réformes « Atteindre l’autonomie », le président Ghani entend appliquer des méthodes néo-libérales pour redresser l’économie, privilégiant la viabilité et la discipline budgétaires, stimulant la confiance du secteur privé et favorisant un climat propice aux investissements. Le gouvernement prévoit aussi d’accélérer les projets visant à utiliser les ressources minérales du pays, mais la mise en œuvre de ces projets prendra des années.

24. Pour autant, l’Afghanistan continuera, dans un avenir proche, à dépendre de l’aide économique étrangère. Les Etats-Unis ont récemment signé un accord avec l’Afghanistan, aux termes duquel plus de 800 millions de dollars d’aide économique bilatérale seront affectés aux priorités en matière de réforme et de développement du pays. En 2014, l’UE a adopté une nouvelle stratégie pour l’Afghanistan jusqu’à la fin de 2016. L’UE souligne que l’aide au développement qu'elle et ses pays membres versent à l’Afghanistan est supérieure à celle consentie à tout autre pays. L’UE s’est engagée à fournir plus de 1,4 milliard d’euros d’aide au développement au cours des sept années à venir – le programme le plus important de l’UE en faveur d’un pays. L’essentiel des fonds de l’UE appuient les efforts déployés dans le domaine de la santé, de l’agriculture, des services de police, et du contrôle démocratique du gouvernement. Par ailleurs, des responsables des Nations unies font observer que l’Afghanistan est l’un des pays les plus difficiles au monde pour les agents de développement et que l’intensification des conflits cette année limite considérablement la capacité à mener des projets d’aide au développement (SEAE, 2015).

25. Le programme de réformes de M. Ghani met aussi l’accent sur la protection des droits humains, les libertés civiles et les droits des femmes. Le nouveau président a fait plusieurs gestes symboliques importants à cet égard : il a rendu un vibrant hommage à sa femme Rula Ghani lors de son discours d’investiture et a apporté son soutien aux activités civiques qu’elle mène, encourageant ainsi les femmes afghanes à s’affirmer et à être plus actives sur le plan politique. Le président a par ailleurs visité une prison et un centre de détention à Kaboul, attirant

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l’attention sur les droits des prisonniers et les conditions de détention. Aussi importants que soient ces gestes symboliques, ils doivent être suivis de mesures concrètes. S’agissant des droits des femmes en particulier, des efforts redoublés sont nécessaires pour lutter contre la violence faite aux femmes, notamment en améliorant leur accès au système judiciaire, surtout dans les zones rurales. Cet accès demeure limité et la plupart des cas sont généralement traités par le biais de mécanismes traditionnels et non officiels. Les défenseurs des droits humains proposent d’établir un tribunal spécial chargé de traiter les cas de violence à l’égard des femmes, notamment les cas de violences conjugales. Compte tenu de la dépendance économique de nombreuses femmes vis-à-vis de leur mari, des mécanismes de soutien financier doivent être envisagés en faveur des femmes qui sont victimes de violences conjugales (MANUA).

26. Selon les représentants des Nations unies, les actes de harcèlement et d’intimidation perpétrés par des fanatiques religieux à l’encontre de militants de la société civile, de journalistes et de femmes demeurent un problème sérieux. Le lynchage d’une jeune femme afghane de27 ans, Farkhunda, accusée à tort d’avoir brûlé le Coran, témoigne de la prédominance de la mentalité paternaliste dans la société. Cet acte odieux a choqué le monde civilisé et a montré que beaucoup reste à faire pour assurer le respect des droits humains universels en Afghanistan. Il est encourageant, toutefois, de voir que cet acte de fanatisme a suscité de nombreuses protestations dans la société afghane, a mobilisé les défenseurs des droits des femmes dans le pays et a poussé les autorités à prendre des mesures contre les auteurs de ce crime. Le 6 mai 2015, le tribunal a condamné quatre hommes qui ont pris part à l’exécution de Farkhunda.

27. Le président Ghani a d’autre part pris certaines mesures positives en s’attaquant à l’un des problèmes les plus graves du pays : l’inefficacité et la faiblesse de la gouvernance au niveau infranational. Le président a annoncé un plan visant à nommer de nouveaux gouverneurs provinciaux en fonction de critères clairs et normalisés, à décentraliser l’autorité et à déléguer le pouvoir de dépenser aux administrations infranationales. Des mécanismes de partenariatpublic-privé sont envisagés pour améliorer l’offre de services. Saluons à cet égard les projets appuyés par la MANUA visant à promouvoir une collaboration plus étroite entre les conseils provinciaux et la société civile par le biais d’une série de réunions auxquelles participent des responsables provinciaux ainsi que des représentants d’organisations de la société civile, des chefs tribaux, des directeurs de services compétents et des journalistes. Ces réunions sont l’occasion de promouvoir une gouvernance locale participative et responsable (MANUA, 2015). Le président a d’autre part engagé une réforme de sa propre administration pour la rendre plus efficace sur le plan économique.

28. Ces réformes sont essentielles pour créer une culture nouvelle et moderne de gouvernance. Actuellement, pour que les choses avancent, le président est souvent amené à intervenir personnellement et à microgérer les échelons inférieurs de l’administration publique.

III. STABILITE EN ASIE CENTRALE : FACTEURS INTERNES ET EXTERNES

A. OBSERVATIONS GENERALES

29 L’Asie centrale joue un rôle crucial dans les efforts visant à intégrer l’Afghanistan dans un environnement de stabilité, de coopération et de développement. La mission OTAN de la FIAS mettant fin à ses activités en Afghanistan, l’inquiétude dans les Etats d’Asie centrale quant à la sécurité régionale « après 2014 » a augmenté. Les principaux sujets de préoccupation sont notamment le trafic de stupéfiants et d’armes, les disparités socio-économiques, le flux des réfugiés et l’éventuelle montée en puissance de groupes militants extrémistes, autant de menaces susceptibles de mettre en péril la stabilité déjà précaire de la région d’Asie centrale.

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30. En même temps, si les pays d’Asie centrale ont raison de se préoccuper de l’effet de contagion de la situation afghane, leurs gouvernements ont tendance à exagérer les risques extérieurs provenant de l’Afghanistan et à oublier d’importants facteurs internes sources d’instabilité dans leur propre pays. Qui plus est, ces Républiques dénoncent souvent le manque de coordination des politiques menées en Asie centrale par divers partenaires internationaux tels que l’OTAN, l’Union européenne (UE), la Chine et la Russie, pour masquer le fait que l’intégration régionale et la coopération entre les cinq Etats d’Asie centrale sont beaucoup trop faibles. Cela étant, la communauté internationale aurait tort d’ignorer les signaux envoyés par la région qui indiquent que celle-ci est plus fragile que ce qui est largement admis.

B. COMPRENDRE L’ASIE CENTRALE

31. Les pays d’Asie centrale possèdent une histoire riche et séculaire. Par exemple, des villes d’Ouzbékistan comme Samarcande et Boukhara, sur la route de la soie, ont été des centres réputés d’échanges, d’érudition et de culture islamique pendant des siècles mais, en raison de leur situation géographique isolée, leur culture et leur mode de vie sont, dans l’ensemble, demeurés des énigmes pour le monde occidental. La délimitation des frontières interethniques dans certaines régions – comme la vallée très peuplée de Ferghana – est source de tensions aujourd’hui.

32. La consolidation des nations d’Asie centrale dans leurs frontières actuelles date de la période soviétique1. Au XXe siècle, ces pays ont renforcé leur intelligentsia et leurs infrastructures sociales de base, l’analphabétisme qui atteignait un niveau record devenant quasiment inexistant. Si les autorités soviétiques ont propagé activement le principe de laïcité et favorisé l’émancipation des femmes, les débats sur le statut actuel des femmes et sur le rôle de la religion dans les sociétés d’Asie centrale sont toujours d’actualité. La région a par ailleurs connu une industrialisation partielle et une expansion de l’agriculture. Parallèlement, les politiques économiques soviétiques ont provoqué de véritables catastrophes écologiques comme l’assèchement dramatique de la mer d’Aral. Qui plus est, des parties du Kazakhstan ont été exposées à des essais d’armes nucléaires.

33. L’effondrement de l’Union soviétique et la transition vers l’indépendance qui a suivi ont pris au dépourvu plusieurs pays d’Asie centrale. Ces Républiques ne connaissant aucun mouvement important en faveur de l’indépendance, les anciens dirigeants communistes sont restés au pouvoir en se donnant le titre de président. La seule exception est le Kirghizistan, qui a élu comme président, le scientifique Askar Akayev (1990-2005). Le premier président du Tadjikistan (et l’ancien chef du parti communiste de la République) Rahmon Nabiyev qui a démissionné en 1992 alors que le pays était au bord de la guerre civile, a été remplacé par le chef de la province de Kulyab, Emomalii Rahmon.

34. Si l’évolution de la situation varie considérablement d’un pays à l’autre, les années qui ont suivi l’indépendance se caractérisent, dans l’ensemble, par la priorité absolue accordée à la stabilité. Le Kirghizistan est le seul pays qui a connu un transfert du pouvoir à la fois au travers d’une révolution et d’un scrutin. Les structures étatiques et les économies des autres pays d’Asie centrale manquent largement de reformes en raison de l’absence de vecteur de développement stratégique clair et en partie, du maintien au pouvoir de l’ancienne nomenclature soviétique.

1 Avant la période soviétique, les frontières des Etats et des unités administratives en Asie centrale-telles que le khanat de Kokand, le khanat de Khiva et l’émirat de Boukhara – n’avaient pas de base ethnique. La majorité de la population de la région (à l’exception du Tadjikistan moderne) était composée de divers peuples turcs, mais les langues perse/tadjike étaient courantes dans les milieux urbains et les administrations. Ajoutant à la complexité de la région, les Kazakhs, les Kirghizes et les Turkmènes – contrairement aux Ouzbeks et aux Tadjiks – sont depuis longtemps des peuples essentiellement nomades.

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35. Quoi qu’il en soit, on aurait tort de sous-estimer la transformation quasiment viscérale que les pays d’Asie centrale ont connu durant les années qui ont suivi l’indépendance. En premier lieu, leur indépendance est désormais solidement établie ; toute tentative de revenir sur ce statut se heurterait à une forte résistance de la population, et serait bien plus forte qu’il y a 25 ans. Les populations d’Asie centrale sont jeunes (la majorité a moins de 30 ans) et la jeune génération se souvient à peine de l’ère soviétique. Ils utilisent en outre de plus en plus l’alphabet latin et se familiarisent avec le monde, au-delà de l’ex-Union soviétique, via Internet et les médias sociaux. Un changement de perception est de toute évidence à l’œuvre dans les sociétés d’Asie centrale qui revendiquent leur identité eurasienne. Les pays d’Asie centrale ne sont pas devenus l’arrière-cour d’une puissance mondiale ou régionale ; ils choisissent de ne pas conclure d’accords exclusifs, quels qu’ils soient, et rejettent résolument tout parrainage extérieur, poursuivant une politique étrangère multivectorielle, sans doute plus prometteuse mais parfois plus difficile à gérer. Il importe également de saluer les efforts que déploie le Kazakhstan pour moderniser son économie et ses institutions publiques. Lors de leur visite à Astana en juin 2015, les membres de cette Commission ont été informés que durant les années d’indépendance, le niveau de pauvreté a reculé de 60 % à 3 %, alors que le PIB par habitant atteignait le niveau d’un pays à revenu intermédiaire d’Europe centrale et orientale.

36. De plus, l’Asie centrale n’est pas devenue la source de risques pour la sécurité des régions voisines. Au contraire, l’Asie centrale a contribué à faciliter la mission dirigée par l’OTAN en Afghanistan. Tous les pays d’Asie centrale ont contribué à lutter contre l’extrémisme violent et le terrorisme. Toutefois, l’Asie centrale se trouve aujourd’hui à un moment critique de son histoire.

C. DEMOCRATIE ET GOUVERNANCE

37. Le développement des institutions démocratiques est un facteur important de la stabilité régionale dans la mesure où une participation plus large à la vie politique fait que le mécontentement passe par des mécanismes politiques légitimes. Le processus de démocratisation facilite par ailleurs les transitions inévitables à la tête du pouvoir. Cela étant, les pays d’Asie centrale peuvent, au mieux, être considérés comme opérant une transition vers la démocratie ; et certains d’entre eux sont incontestablement de nature autoritaire. Notamment, la dictature de Saparmyrat Niyazov (1990-2006), qui se faisait appeler le Turkmenbashi (« le Père de tous les Turkmènes »), a mis en place des formes de pouvoir relevant d’un système orwellien. Le Kirghizistan, à l’autre extrémité du spectre, entreprend des efforts louables pour renforcer la démocratie parlementaire dans une région dominée par des systèmes centrés sur le président.

38. Les leaders de ces Républiques présidentielles jouissent d’une longévité remarquable au pouvoir : le président actuel du Tadjikistan, Emomali Rahmon, est au pouvoir depuis 1992 ; le Turkménistan n’a connu que deux présidents – Niyazov « Turkmenbashi », décédé en 2006, et son successeur Gurbanguly Berdymukhamedov ; les hommes au pouvoir au Kazakhstan et en Ouzbékistan, respectivement Nursulatan Nazarbayev (74 ans) et Islam Karimov (77 ans), étaient déjà là avant l’indépendance (tous deux étaient premiers secrétaires du parti communiste de ces Républiques). Ces leaders sont réélus régulièrement ou, dans certains cas, leur mandat est renouvelé par référendum, avec à chaque fois une majorité écrasante de plus de 90 %2. Les parlements sont en outre totalement dominés par des députés pro-gouvernementaux. Selon des évaluations de l’OSCE et d’autres organismes internationaux, aucun de ces processus électoraux ne respectait tous les principes et normes démocratiques reconnus. De toute évidence, les élections sont le plus souvent frauduleuses et les règles du jeu largement en faveur du président sortant. Qui plus est, nombre d’opposants réels ou supposés sont souvent marginalisés, poursuivis ou contraints de fuir. Après les récentes élections législatives au Tadjikistan, les deux

2 L’Ouzbékistan et le Kazakhstan ont organisé des élections présidentielles début 2015 : 29 mars 2015 en Ouzbékistan et 26 avril au Kazakhstan. Karimov tout comme Nazarbayev ont une fois de plus remporté une victoire écrasante.

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véritables partis d’opposition – le parti de la Renaissance islamique (PRI) et les socialistes – ne sont plus représentés au parlement. Etant donné l’expérience douloureuse de la guerre civile qui a opposé le gouvernement laïc et l’opposition islamiste dans les années 90, l’exclusion totale du PRI pourrait renforcer la radicalisation de ses partisans.

39. En revanche, si la suppression de l’opposition et l’absence d’une véritable égalité des chances sont regrettables, la majorité de la population semble passive sur le plan politique et peu disposée à changer de chef de file. Cette indifférence tient probablement à plusieurs facteurs : le manque de tradition démocratique dans ces pays, une tradition paternaliste de soumission à l’autorité, l’absence d’une classe moyenne et, surtout, la crainte que le moindre changement ne fasse basculer le pays dans le chaos et la violence. Cette peur est, dans une certaine mesure, alimentée par les autorités pour renforcer leur légitimité. Ainsi, au Kazakhstan, le pays d’Asie centrale le plus prospère sur le plan économique, la progression du bien-être est un facteur important de l’adhésion au gouvernement ; même chez les jeunes Kazakhs, une personne sur cinq seulement n’est pas satisfaite de la situation actuelle, et seule une sur quatre souhaite le changement, d’après les sondages réalisés (Central Asia Program, 2014).

40. Tout changement à la tête du gouvernement manquera probablement de transparence et la contestation par les prétendants à la succession se déroulera très certainement en dehors de tout cadre constitutionnel formel. Il est peu probable que le pouvoir en place permette à de possibles leaders indépendants d’émerger. Les pays occidentaux et les organisations internationales se sont efforcés de promouvoir l’institutionnalisation du processus politique, mais sans grand succès. En revanche, toute implication occidentale, de quelque nature qu’elle soit, est perçue comme relevant du principe de deux poids deux mesures et peut inciter d’autres acteurs influents de la région, comme la Russie ou la Chine, à s’impliquer davantage.

41. Comme mentionné plus haut, le Kirghizistan demeure une exception : les transitions politiques dans le pays peuvent être arbitrées par des mécanismes constitutionnels, comme ce fut le cas dans le passé. Après les soulèvements contre les présidents autoritaires et impopulaires, Askar Akayev (2005) et Kurmanbek Bakiyev (2010), le Kirghizistan, sous la direction de la présidente par intérim, Roza Otunbayeva, a adopté une nouvelle Constitution qui rééquilibre le système politique en faveur d’une République parlementaire. Le projet de Constitution a été établi en concertation avec la Commission de Venise. La nouvelle Constitution interdit au président en exercice de se représenter au terme de son mandat de six ans. Ailleurs en Asie centrale, les présidents ont modifié la Constitution pour leur permettre de se faire réélire pour un nombre illimité de mandats. La Constitution du Kirghizistan interdit en outre à un parti de contrôler plus de65 sièges sur les 120 que compte le parlement. De plus, Mme Otunbayeva n’a pas essayé de se maintenir au pouvoir et ne s’est pas présentée à l’élection présidentielle. Le président élu, Almazbek Atambayev, a par ailleurs déclaré publiquement qu’il ne changerait pas la Constitution pour se maintenir au pouvoir une fois son mandat terminé en 2017. Quant au parlement, les élections législatives d’octobre 2010 ont donné lieu à une représentation pluraliste, avec la formation d’une coalition tripartite. Les débats parlementaires intenses sur l’avenir de la plus importante mine d’or du pays, Kumtor, qui ont provoqué la démission, en avril 2015, du premier ministre Joomart Otorbaev, témoignent du pouvoir et de l’indépendance grandissante du parlement (RFE/RL, 2015).

42. Bien entendu, le processus de transition démocratique au Kirghizistan est loin d’être achevé ; par exemple, le président reste beaucoup plus influent que ne le suggère la Constitution. Selon le milieu des affaires de la République kirghize, le climat des affaires s’est considérablement amélioré depuis 2008, mais l’instabilité politique était considérée en 2013 comme étant le pire obstacle aux affaires, avant la corruption et le taux d’imposition. D’après la Banque mondiale, les secteurs ayant connu peu d’améliorations dans le pays, en termes absolus, sont   les suivants : compétences et formation des travailleurs, transports et réglementations douanières et

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commerciales (Banque mondiale, 2014). L’OSCE a lancé un projet qui a pour but « d’améliorer la bonne gouvernance grâce à la fourniture efficace de services au Kirghizistan » (OSCE, 2013). Il a pour principal objectif d’accroître les efforts déployés par le gouvernement pour lutter contre la corruption et mettre en œuvre la réforme de l’administration publique par le biais de mécanismes de prestations de services transparents et responsables. Les populations vivant dans les zones minières ont en outre des préoccupations légitimes concernant la responsabilité sociale et la corruption dans le secteur. Comme l’ont souligné des analystes politiques, le nombre croissant de mouvements de protestation contre le secteur minier poussent les principaux investisseurs à suspendre les activités ou à les arrêter. Le gouvernement devrait, par conséquent, jouer le rôle de médiateur entre les parties prenantes pour trouver le moyen de mieux répartir les bénéfices (Gullette & Kalybekova, 2014). S’agissant de la traite des êtres humains, nombre d’organes gouvernementaux et d’organisations, ainsi que de nombreuses ONG, ont récemment souligné la nécessité d’accélérer les efforts de prévention. L’OSCE appuie en outre les efforts entrepris pour promouvoir la coopération entre les organismes kirghizes chargés de la prévention de la traite des êtres humains, et Aygul Boobekova, représentant du ministère kirghize de la Santé et spécialiste de la politique de promotion de l’égalité des genres, a exprimé sa préoccupation au sujet du phénomène de la traite des nouveaux-nés (OSCE, 2015).

43. Le processus de transition du Kirghizistan peut néanmoins avoir un effet positif sur l’ensemble de la région et servir d’exemple à d’autres pays d’Asie centrale. Reproduire cette expérience dans d’autres pays d’Asie centrale ne sera toutefois pas facile compte tenu des nombreuses variables. Par exemple, contrairement à d’autres pays de la région, l’élite du Kirghizistan n’est pas suffisamment puissante pour exercer un contrôle autoritaire sur la population, et ce pour des raisons historiques et économiques. Dans des pays riches en ressources minérales et naturelles, tels que le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan, des structures de pouvoir solides et complexes se sont développées, le président jouant le rôle d’arbitre suprême capable de composer et de faire coïncider les intérêts des divers clans. Remplacer ces structures par des systèmes pluralistes concurrents dans un avenir proche ne sera pas tâche facile. Les événements d’Andijan survenus en 2005 en Ouzbékistan et la répression des émeutes à Zhanaozen, en 2011, au Kazakhstan, ont montré que ceux qui défendent de telles structures hiérarchiques solidement établies n’hésitent pas à recourir à la force pour éviter une éventuelle « révolution de couleur ». Si M. Karimov et M. Nazarbayev ont tous deux fait des déclarations indiquant que les systèmes politiques pourront être rééquilibrés en faveur d’un parlement et de cabinets ministériels dotés de pouvoirs plus importants, aucune révision en profondeur de la Constitution n’a été entreprise jusqu’à présent dans ces deux pays.

44. Les réformes du secteur de la défense et de la sécurité n’ont pas encore été pleinement mises en œuvre dans la région. En Asie centrale, ce secteur est depuis toujours entouré du plus grand secret, ses missions sont peu claires et l’obligation de rendre compte est très limitée. Il n’existe pratiquement aucun organe de contrôle indépendant. En Asie centrale, un secteur de la défense et de la sécurité échappant à tout contrôle est la porte ouverte à des systèmes politiques corrompus. Les services de sécurité notamment protégeraient les intérêts des régimes et non ceux des citoyens. Les principaux problèmes dans ce secteur tiennent autant à l’héritage du modèle soviétique qu’à la corruption des hauts responsables. Depuis la révolution de 2010 au Kirghizistan, certains changements positifs ont été accomplis, grâce notamment à la transition vers un système plus parlementaire.

45. Outre un contrôle parlementaire accru sur les forces armées et le secteur de la sécurité, l’idée d’institutions de médiation chargées de défendre le personnel militaire peut aussi être considérée comme un moyen de promouvoir le contrôle, la protection et le bien-être3. Empêcher la

3 Le Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF), particulièrement compétent dans ce domaine, a publié un rapport sur « La réforme du secteur de la sécurité en Asie centrale » en 2012 (http://www.dcaf.ch/Publications/Security-Sector-Reform-in-Central-Asia)

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prolifération de matières chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN) en ouvrant un Centre régional d’Excellence à Tachkent, Ouzbékistan fut l’une des questions de sécurité examinées à la deuxième réunion du Dialogue de haut niveau entre l’UE et les pays d’Asie centrale en matière de sécurité, tenue le 11 mars 2015 au Tadjikistan. L’Afghanistan qui y participait en tant qu’invité spécial pèsera sur l’issue des discussions. Cette deuxième réunion du Dialogue de haut niveau sur la sécurité coïncide par ailleurs avec l’examen en cours de la stratégie de l’UE en Asie centrale (SEAE, 2015, 11 mars).

46. Le bilan de l’Asie centrale en matière de droits humains est très médiocre. Selon Freedom House, le Kirghizistan est le seul pays « en partie libre » de la région. Ainsi, par exemple, la campagne du Bundestag allemand, menée en coopération avec l’Union interparlementaire (UIP), au nom d’hommes politiques objets de menaces ou victimes de persécutions, intitulée « Les parlementaires protègent les parlementaires », recense actuellement cinq cas préoccupants au Kazakhstan, quatre en Ouzbékistan et en Afghanistan, trois au Turkménistan, un au Tadjikistan et aucun au Kirghizistan. L’Ouzbékistan et le Turkménistan sont considérés comme faisant partie des pays les plus autoritaires au monde. Human Rights Watch (HRW) relève que les autorités ouzbèkes ont largement recours à des services de sécurité pour museler l’opposition. Le Turkménistan continuerait à restreindre les libertés fondamentales et à recourir à l’incarcération comme outil de représailles politiques. Le pays est également « quasiment exempt de tout contrôle indépendant » (HRW, 2015). Début janvier 2015, Dunja Mijatović, représentante de l’OSCE pour la liberté des médias, a pris acte d’une nouvelle loi adoptée au Turkménistan qui donne au public un accès plus large à Internet ; elle s’est néanmoins déclarée préoccupée par certaines restrictions que comporte cette loi.

47. Human Rights Watch signale que la situation des droits humains au Kazakhstan, au Tadjikistan et au Kirghizistan a également subi de graves revers en 2014. Au Kazakhstan, plusieurs journaux indépendants ont été interdits et des lois qui renforcent un peu plus le contrôle sur la société civile ont été adoptées. Au Tadjikistan, les autorités ont bloqué plusieurs sites internet, envisagent d’adopter une nouvelle loi qui obligerait les ONG à enregistrer tous les fonds provenant de sources étrangères, et ont engagé des poursuites contre une agence de presse indépendante de premier plan soi-disant pour "insulte". Même au Kirghizistan, certains événements inquiétants se sont produits : une loi a été proposée qui qualifierait les ONG« d’agents étrangers » et un projet de loi ouvertement discriminatoire a été présenté qui porterait une atteinte très grave aux droits des LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres). Côté positif, le Kazakhstan a annoncé une politique de tolérance zéro envers la torture. Lors de la visite à Astana, des représentants du Comité de sécurité nationale (NSC) ont assuré les membres de la délégation que la torture n’était pas pratiquée par les services de police au Kazakhstan, invoquant que ce serait plus néfaste que bénéfique étant donné que ces actes ne feraient que renforcer la radicalisation au sein de la communauté musulmane. Au Tadjikistan, un médiateur pour les droits humains a établi un groupe de surveillance chargé d’enquêter sur les conditions dans les prisons. Avec l’assistance technique du Bureau international du travail (BIT), le gouvernement de l’Ouzbékistan s’emploie désormais à contrôler le recours au travail des enfants (âgés de moins de 18 ans) lors de la récolte du coton. Le BIT a depuis lors salué les progrès accomplis grâce au système de contrôle mis en place par le gouvernement (AFP, 2014).

48. Les gouvernements d’Asie centrale invoquent souvent le risque d’un éventuel effet de contagion de l’insécurité en Afghanistan pour justifier des politiques répressives. Cela dit, la crainte d’une répétition des événements de la place Maïdan, qui fait sans doute aussi partie de l’équation, constitue apparemment une menace constante pour la situation des droits humains dans les cinq pays.

49. La corruption et le népotisme en Asie centrale sont omniprésents : en 2014, le Kazakhstan était classé au 126e rang sur les 175 pays examinés par Transparency International, s’agissant de la perception de la corruption, suivi par le Kirghizistan (136), le Tadjikistan (152), l’Ouzbékistan

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(166) et le Turkménistan (169). Les facteurs qui favorisent la corruption et le népotisme ne manquent pas, notamment, le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, le contrôle exercé par le gouvernement sur le parlement et les médias ainsi que le système de clans et d’unions tribales qui, pour l’essentiel, a survécu au régime soviétique en fusionnant avec les structures du parti communiste. L’affiliation avec les clans dominants garantit l’accès au pouvoir et à la richesse. En Ouzbékistan, par exemple, le pouvoir du président Karimov dépend, dit-on, de l’approbation de trois des sept principaux clans (les clans Samarkand, Tachkent et Ferghana) (Stratfor, 2014). La corruption et le favoritisme compromettent largement les mesures que prend le gouvernement pour développer les économies nationales. Les campagnes de lutte contre la corruption que mènent, de temps à autre, les pouvoirs publics sont souvent perçues par la population comme de simples querelles intestines entre élites.

D. TENSIONS INTRA-REGIONALES

50. Malgré la guerre civile qui a déchiré le Tadjikistan de 1992 à 1997 et les affrontements violents qui ont eu lieu au Kirghizistan en 2010 dans la région d’Osh entre les Kirghizes et les Ouzbeks, l’intégrité territoriale des Républiques d’Asie centrale n’a jamais été réellement remise en cause, et la probabilité d’un conflit armé de grande ampleur dans la région est faible 4. Pour autant, rien ne garantit que le statu quo soit viable.

51. La Vallée de Ferghana, importante du point de vue stratégique, est le principal sujet de préoccupation. Située au carrefour de l’Ouzbékistan, du Kirghizistan et du Tadjikistan, la vallée de Ferghana est un foyer de conflits frontaliers. Environ un cinquième de la population d’Asie centrale (quelque 14 millions de personnes) vivent dans cette région, véritable lieu d’échanges économiques et culturels. Les frontières des Etats sont dessinées de telle façon que les ressources agricoles, industrielles, hydriques et infrastructurelles de la vallée sont bizarrement divisées entre les trois Républiques, permettant à chacune d’entre elles de faire obstacle aux efforts entrepris par les deux autres pour développer la région. Cette région est une mosaïque ethnique et de multiples groupes de communautés ouzbeks, tadjikes et kirghizes vivent en dehors de leur pays respectif. Qui plus est, plusieurs exclaves territoriales pourraient facilement être coupées du reste du territoire.

ASIE CENTRALE ET VALLEE DE FERGHANA

La Vallée de Ferghana. Source: Stratfor

4 Le président du Tadjikistan, Rakhmon, aurait annoncé en 2009 que les villes ouzbeks de Boukhara et de Samarcande seraient « rendues » à terme au Tadjikistan. La déclaration toutefois semble n’être qu’un épisode isolé plutôt qu’une expression de la politique officielle de Douchanbé.

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52. Etant donné la complexité de la question, il n’est guère surprenant que des tensions apparaissent de temps à autre dans la région entre les pays de la Vallée de Ferghana. Les affrontements entre Ouzbeks et Kirghizes ainsi qu’entre gardes-frontières kirghizes et tadjiks sont monnaie courante. Les deux émeutes anti-gouvernementales les plus violentes de l’histoire récente de l’Asie centrale – 2005 à Andijan et 2010 à Osh – ont éclaté dans la vallée de Ferghana. Elles ont coûté la vie à des centaines de civils et le deuxième incident a contraint des dizaines de milliers d’Ouzbeks à fuir temporairement le Kirghizistan. La vallée de Ferghana est située directement sur l’axe de trafic de stupéfiants entre l’Afghanistan et l’Europe via la Russie.

53. En revanche, la vallée de Ferghana peut contribuer à faire face à ces défis et devenir une zone de stabilité. La répartition inégale des atouts économiques et géographiques devrait encourager l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan à collaborer de manière plus étroite. La tradition de dynamisme économique dans la vallée devrait aussi contribuer à créer une classe moyenne et les bases d’un développement plus durable. En dépit des tensions politiques, les liens économiques transfrontaliers et les contacts entre les peuples sont très importants.

54. Les tensions au sujet des ressources en eau constituent le deuxième dossier préoccupant. La région dispose d’abondantes ressources hydriques et ses principaux cours d’eau sont les rivières Syr Darya et Amy Darya, qui prennent leur source dans les zones montagneuses du Tadjikistan et du Kirghizistan. A première vue, on peut penser qu’il s’agit d’un atout évident pour le commerce de ressources entre le Kazakhstan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan riches en minéraux. En réalité, les Républiques d’Asie centrale défendent farouchement leurs propres ressources et se méfient des intentions de leurs voisins. Les agriculteurs en Ouzbékistan et dans le sud du Kazakhstan se plaignent que les pays en amont relâchent trop d’eau de leurs barrages durant l’hiver créant des inondations, et pas assez durant l’été, créant alors une pénurie (ENVSEC, 2005). La plus longue rivière d’Asie centrale, l’Amou-Daria, coule en partie sur le territoire afghan. Une fois l’Afghanistan stabilisé, la demande en eau dans ce pays devrait augmenter étant donné que plus de 80% de sa population dépendent de l’agriculture. Soit une pression supplémentaire sur la consommation en eau pour les pays situés en aval de l’Afghanistan.

55. D’autre part, le projet de construction par le Tadjikistan d’un barrage gigantesque à Rogun de 3 600 mégawatts, inquiète fortement son voisin en aval, l’Ouzbékistan. Pour le Tadjikistan, le projet de barrage de Rogun a une importance stratégique car il remplit plusieurs objectifs : 1) il remplace l’installation hydroélectrique vieillissante qui date de l’ère soviétique ; 2) il résout le problème chronique de pénurie d’électricité que connaît le pays et 3) il augmentera les exportations d’électricité, contribuant ainsi à l’économie nationale. Tachkent affirme que le projet de barrage, d’une taille disproportionnée, aura un impact important sur le réseau d’irrigation en Ouzbékistan. Il n’est pas certain que le Tadjikistan soit en mesure, à lui seul, d’exécuter un projet aussi ambitieux (5-6 milliards de dollars). D’après la Banque mondiale, dont les rapports incluent des considérations d’ordre technologique et environnemental, la construction et l’exploitation du barrage sont réalisables. La Banque mondiale signale aussi que l’application de normes internationales appropriées diminuerait encore le risque d’échec. Elle recommande que les pays en aval participent équitablement au projet. Quoi qu’il en soit, la détérioration des relations entre Tadjiks et Ouzbeks au sujet du projet de barrage de Rogun indique clairement que les conflits liés à l’eau en Asie centrale continuent à avoir des implications en matière de sécurité.

56. Par conséquent, renforcer la coopération dans la gestion transfrontalière de l’eau est essentiel. Cela étant, la base juridique internationale de cette coopération est peu développée : si la Convention des Nations unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation indique que les « Etats du cours d’eau utilisent sur leurs territoires respectifs le cours d’eau international de manière équitable et

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raisonnable », l’Ouzbékistan est le seul pays d’Asie centrale à avoir ratifié la convention (Dal, 2014).

57. Les intermédiaires internationaux ont un rôle important à jouer à cet égard. Par exemple, en 2008, le ministère allemand des Affaires étrangères a lancé l’Initiative pour l’Eau en Asie centrale, appelée Processus de Berlin, destinée à promouvoir la gestion commune de l’eau et à favoriser ainsi le rapprochement entre les Républiques d’Asie centrale. Dans le cadre du Processus de Berlin, plusieurs projets ont été lancés au niveau politique, scientifique et du renforcement des capacités. Fait important : l’Afghanistan participe au processus en tant qu’observateur.

58. Le problème, toutefois, ne tient pas seulement à un manque de coopération régionale. L’Asie centrale, dans l’ensemble, ne souffre pas de pénurie d’eau. Ses réserves en eau sont importantes (20 525 m3/an) par rapport à des régions en situation de stress hydrique telles que le Moyen-Orient (7 922) (Khasanova, 2014). Par conséquent, le problème à résoudre est le manque d’efficacité de la gestion de l’eau. Les pays d’Asie centrale consomment et gaspillent de grandes quantités d’eau. Du fait de la dégradation des infrastructures d’irrigation, la perte d’eau par évaporation dans les canaux d’irrigation est de 30 à 50 %. Des industries peu respectueuses de l’environnement et une approche intensive de l’agriculture polluent depuis des décennies les sols et les eaux souterraines (FRIDE, 2014). Par conséquent, il serait judicieux que les efforts déployés dans ce domaine aux niveaux régional et international appuient davantage les initiatives prises au niveau national pour améliorer l’efficacité de l’utilisation de l’eau.

59. Troisièmement, la menace du séparatisme, qui émerge de temps à autre dans les pays d’Asie centrale, constitue une autre préoccupation majeure. Certaines informations font état d’activités indépendantistes dans la région autonome de Karakalpakstan, à l’ouest de l’Ouzbékistan, près de la mer d’Aral. Cette région – où vivent des peuples turciques (à savoir des Karakalpaks, Kazakhs et Ouzbeks) – entretient des liens historiques avec le Kazakhstan. Elle est aussi plus pauvre que le reste de l’Ouzbékistan, une situation qui génère un mécontentement au sein de la population.

60. L’aggravation de la fracture sociale est aussi une source de mécontentement au Kazakhstan, notamment dans la partie occidentale riche en pétrole où des signes manifestes d’insatisfaction se font jour. La région a connu en 2011 les troubles sociaux les plus graves de l’histoire du Kazakhstan indépendant, lorsque 15 civils sont morts au cours d’affrontements avec la police dans la ville défavorisée de Zhanaozen. La région a en outre été le théâtre de plusieurs attaques terroristes qui, aux dires de plusieurs observateurs, sont « aussi une forme de protestation » (Lillis, 2013). Lors de la récente visite de cette Commission au Kazakhstan, le ministre kazakh des Affaires étrangères, Erlan Idrissov, a fortement rejeté la possibilité d’une intervention russe dans le nord du Kazakhstan, une région habitée majoritairement par des citoyens russophones du Kazakhstan.

61. Des mouvements de protestation contre le gouvernement ont eu lieu en juin 2012 auGorno-Badakhshan, une région autonome reculée du Tadjikistan. Alors que le gouvernement de Douchanbé a accusé les trafiquants de drogue locaux d’être à l’origine de ces heurts, les manifestants ont déclaré qu’il s’agissait d’une « revendication pour obtenir davantage d’autonomie ». La région est différente du reste du Tadjikistan, à la fois sur le plan ethnique (la majorité sont des peuples du Pamir) et religieux (la majorité est chiite tandis que la plupart des Tadjiks sont des musulmans sunnites). Cela dit, si la région constitue 45 % du territoire tadjik, sa population est très peu nombreuse (seulement 3 % de la population du Tadjikistan) (Najibullah, 2014), ce qui rend la cause séparatiste un phénomène marginal. L’hiver rude de 2007-2008, qui a failli plonger la population rurale du Tadjikistan dans une crise humanitaire, doit également être prise en compte. Résultat : des manifestations publiques ont eu lieu pour la première fois depuis la fin de la guerre civile. Le recours à la force et la censure musclée des médias ont rapidement mis un terme à ces mouvements. La situation s’est désamorcée en raison du manque de

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structures de la société civile et du nombre élevé de travailleurs migrants. Pour autant, le mécontentement continue à grandir au sein de la population. D’autres éléments ont alimenté les tensions : des conflits permanents au sein même de l’entourage du président, et une série de scandales de corruption, dont un impliquant la banque nationale dirigée par le beau-frère du président et un autre, une compagnie d’aluminium à Tursunsoda. En outre, le retour de commandants d’Afghanistan, impliqués dans la guerre civile tadjike, a aussi fait naître des tensions.

62. D’après les évaluations de la Banque mondiale, le Tadjikistan a reçu en 2014 les plus importants transferts de fonds de migrants (soit 42 % du produit intérieur brut). Le pourcentage au Kirghizistan voisin était de 32 %, soit un nombre similaire de travailleurs subissant les effets de la crise en Russie. Environ un million de citoyens kirghizes et plus d’un million de Tadjiks – soit à peu près la moitié de la population active de chaque pays – travaillent en Russie. Si l’impact économique qui résulterait d’un retour de ces travailleurs dans leur pays préoccupe, on craint également que des taux élevés de chômage n’exercent des pressions intenses sur la population et n’engendrent un malaise social dans les pays concernés (Kozhevnikov & Dzyubenko, 2014).

E. LE RISQUE DE L’EXTREMISME VIOLENT EN ASIE CENTRALE

63. La crainte d’une montée de l’extrémisme repose sur l’idée que les groupes extrémistes d’Asie centrale qui participent actuellement aux combats en Afghanistan reviendront, à un moment ou un autre, dans leur pays d’origine en Asie centrale. Cela dit, le problème majeur n’est pas l’offre (en Afghanistan) mais la demande (en Asie centrale) de djihadisme extrémiste. Cela étant, la demande actuelle en Asie centrale est faible. Les combattants qui rentrent ne représenteront pas nécessairement une menace réelle pour la stabilité car ils n’ont pas de soutien au sein de la population et ne sont peut-être même pas capables de résister face aux services de sécurité des pays d’Asie centrale. La majorité de la population de la région s’inquiète d’une éventuelle « djihadisation » de la société. Toutefois, les communautés tadjikes et ouzbeks en Afghanistan étant depuis toujours opposées aux talibans, il y a donc peu de chance que l’insurrection se propage en raison du lien ethnique. Il n’en reste pas moins possible que l’absence de développement économique ou de gouvernance dans la région d’Asie centrale ne fasse le lit de groupes extrémistes.

64. Des groupes violents, se réclamant de l’islamisme, ont émergé dans la région au début des années 90, principalement en Ouzbékistan et au Tadjikistan. Tachkent a fermement écrasé le mouvement islamique d’Ouzbékistan (MIO), contraignant ses membres à chercher refuge au Tadjikistan. Appuyée par les combattants du MIO, l’opposition islamiste tadjike a engagé un conflit armé avec le gouvernement laïc à Douchanbé. L’accord de paix, signé en 1997, au Tadjikistan a été une source de déception pour les membres tadjiks les plus modérés du MOI et poussa le mouvement à se replier dans les régions de l’Afghanistan contrôlées par les talibans. Plus tard, le mouvement islamique d’Ouzbékistan (qui, outre les Ouzbeks, inclut aussi des Kazakhs, Kirghizes et Tadjiks) et sa branche pro-al-Qaida, l’Union du djihad islamique (UDI), ont mené des actions antigouvernementales des deux côtés de la frontière afghano-pakistanaise. Apparemment impliquées dans plusieurs attaques terroristes de faible ampleur dans les Républiques d’Asie centrale, le MIO et l’UDI opèrent pour l’essentiel au sein d’organisations terroristes ayant un projet djihadiste violent et d’ampleur mondiale. Nombre de leurs nouvelles recrues n’ont pas l’intention de revenir se battre contre les régimes laïcs en Asie centrale. Les organisations djihadistes violentes d’Asie centrale présentes en Afghanistan et au Pakistan compteraient entre 2 000 et 3 000 combattants (Balci & Chaudet, 2014).

65. L’information selon laquelle des contacts auraient eu lieu entre des extrémistes d’Asie centrale et l’organisation terroriste ‘Etat islamique’ est peut-être plus inquiétante. Durant leur visite au Kazakhstan et au Tadjikistan, les membres de cette Commission ont été informés qu’environ 200 citoyens des deux pays, dont l’ancien chef des forces spéciales tadjikes,

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Gulmurod Khalimov, ont rejoint les rangs du groupe terroriste Etat islamique et de groupes similaires. Les autorités ont engagé des actions pénales contre tous ceux qui sont partis se battre à l’étranger.

66. Les politiques de lutte contre le terrorisme en Asie centrale sont souvent centrées sur des mesures de répression. Toutefois, le Kazakhstan a également un programme spécifique pour prévenir la radicalisation des jeunes gens. Des comités spéciaux sont établis au niveau local pour mener des opérations de lutte contre la radicalisation. Au niveau national, le Centre de lutte contre le terrorisme du Comité de sécurité nationale (NSC) élabore des politiques nationales de lutte contre le terrorisme, surveille et analyse les menaces et assure la coordination des activités de tous les organismes contribuant à prévenir le terrorisme et à en neutraliser les auteurs.

67. Les Républiques d’Asie centrale ont récemment fait part de leurs inquiétudes face à une possible invasion directe de groupes radicaux étrangers sur leur territoire. Lors d’une visite au Tadjikistan en juin 2015, les membres de la Commission sur la dimension civile de la sécurité ont été informés par le président Rahmon et le ministre de la Défense, Sherali Mirzo, que plus de 3 000 militants s’amassent le long de la frontière opposée, longue de 1 400 kilomètres, qui sépare son pays de l’Afghanistan, et que la situation s’aggrave de jour en jour. Les forces armées tadjikes renforcent leur présence le long de la frontière avec l’Afghanistan et mettent en place de nouveaux postes de contrôle. Cela étant, le pays est tributaire de l’aide extérieure, en premier lieu de la Russie, qui maintient un contingent de 5 000 à 7 000 soldats sur le territoire tadjike. Les dirigeants tadjikes ont par ailleurs reçu une aide des pays membres de l’OTAN, notamment des Etats-Unis, mais les responsables tadjikes ont aussi demandé à la communauté euro-atlantique d’accroître son aide en matière d’équipements de protection des frontières.

68. S'il a été possible jusqu’à présent de contrôler la menace extrémiste en Asie centrale faute d’un soutien de la population et de la position résolument laïque défendue par les pouvoirs publics, les gouvernements ont cependant tendance à réagir de manière excessive face à ce défi et à s’en servir pour affaiblir l’opposition et restreindre les libertés civiles. Tous les mouvements que l’on appelle islamistes ne constituent pas forcément une menace pour la sécurité et ce serait une erreur de les ostraciser sous distinction. Les gouvernements devraient se concentrer davantage sur les causes profondes de la radicalisation, dont le manque de perspectives socio-économiques, au lieu de recourir exclusivement à des mesures répressives. Qui plus est, il faut renforcer les mécanismes démocratiques et civils de contrôle des structures de sécurité ou, dans certains cas, les créer de toutes pièces.

F. TRAFIC DE STUPEFIANTS

69. La capacité de lutter contre le trafic de stupéfiants provenant d’Afghanistan est l’un des principaux défis auxquels est aujourd’hui confrontée l’Asie centrale. En 2013, la production d’opium afghan représentait 80 % de la production mondiale d’opium. Selon l’Enquête sur la production d’opium en Afghanistan, la superficie totale consacrée à la culture du pavot à opium en Afghanistan était de 224 000 hectares en 2014, soit une hausse de 7 % par rapport à 2013. D’après les estimations, la production d’opium atteindra 6 400 tonnes en 2014, soit 17 % de plus par rapport au niveau de 2013 (5 500 tonnes). La Fédération de Russie reste un marché important pour la consommation d’opiacés illicites, des quantités importantes d’héroïne en provenance d’Afghanistan étant acheminées vers le nord via l’Asie centrale.

70. Lors de leur visite en juin 2015 au Tadjikistan, les membres de cette Commission ont été informés par le ministre de l’Intérieur que l’entrée de drogues provenant d’Afghanistan est demeurée stable après le retrait progressif de la FIAS. Il a dit craindre toutefois que le flux ne reprenne si l’instabilité de l’Afghanistan s’aggravait. D’après lui, le Tadjikistan intercepte quelque 70 % des drogues transitant clandestinement sur son territoire. Le rapport 2015 sur le trafic de stupéfiants du département d’Etat des Etats-Unis fait toutefois mention d’un pourcentage

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considérablement plus bas en matière d’interception d’héroïne. Les dirigeants politiques et les forces de l’ordre devraient bientôt disposer d’informations plus fiables et à jour sur l’évolution de la production afghane de stupéfiants grâce au « Système de déclaration des droguesd’Afghanistan », récemment mis en ligne. Ce projet conjoint du ministère de la Lutte contre les stupéfiants et de l’ONUDC prévoit le partage de données vérifiées provenant de toutes les institutions compétentes dans ce domaine.

71. Le trafic de stupéfiants est source de problèmes majeurs pour l’Asie centrale. Premièrement, la consommation d’opiacés en Asie centrale touche 0,8 % de la population adulte – deux fois plus que la moyenne dans le monde. Deuxièmement, le trafic de stupéfiants alimente des réseaux criminels illicites et des organisations extrémistes violentes, notamment dans la vallée de Ferghana. Avec le développement rapide de laboratoires de transformation en Asie centrale, des organisations criminelles réalisent des profits énormes au niveau local avant d’acheminer les produits vers la Russie et l’Europe. Et troisièmement, le trafic de stupéfiants favorise la corruption au sein des administrations locales, étatiques et des services répressifs, compromettant leur légitimité et altérant la confiance que leur porte la population. Selon des informations disponibles, de manière générale, le trafic de stupéfiants est dû à la très forte corruption des autorités en Asie centrale et au fait que les barons de la drogue entretiennent des liens avec des dirigeants politiques. En conséquence, la priorité donnée au système de contrôle des frontières physiques dans les politiques menées pour lutter contre ce fléau est inefficace : l’essentiel du trafic est possible non pas en raison de la porosité des frontières mais parce que les responsables des postes de contrôle aux frontières choisissent de fermer les yeux. Renforcer l’intégrité et éradiquer la corruption chez les gardes-frontières et au sein d’autres structures étatiques est par conséquent essentiel pour résoudre ce problème (FRIDE, 2014). Quant à l’Afghanistan, les pays occidentaux et le gouvernement afghan doivent poursuivre les efforts qu’ils mènent pour réduire la production de stupéfiants et trouver des cultures de remplacement pour les agriculteurs, notamment le safran. Ensemble, les gouvernements d’Asie centrale doivent collaborer avec les organisations régionales et internationales pour contribuer à mettre fin à la culture, à la production, au commerce et au trafic illicite de stupéfiants dans la région.

G. COOPERATION MULTINATIONALE EN ASIE CENTRALE

72. Les relations entre l’OTAN et les Républiques d’Asie centrale remontent au tout début de leur indépendance. Au sommet d’Istanbul de 2004, les dirigeants de l’OTAN, dans le cadre de la mission de la FIAS, ont qualifié l’Asie centrale de zone « d’intérêt particulier ». L’Alliance a nommé un Représentant spécial auprès du Secrétaire général pour la région, et un officier de liaison en Asie centrale. Dans le cadre du programme de Partenariat pour la paix, chaque pays d’Asie centrale peut adapter son niveau de coopération avec l’OTAN en fonction des besoins, des ambitions et des capacités qui lui sont propres. La plupart des Républiques d’Asie centrale estiment que l’Alliance est un partenaire de valeur qui fournit une aide concrète dans des domaines tels que la réforme du secteur de la défense, la sécurité des frontières, la destruction des stocks excédentaires de munitions, la « Science pour la paix et la sécurité », et les plans civils d’urgence. Par ailleurs, pour les pays d’Asie centrale, la coopération avec l’OTAN est souvent vue comme un moyen de maintenir un équilibre entre leurs divers accords de sécurité, et partant de préserver leur indépendance stratégique vis-à-vis de la Russie et de la Chine. En contrepartie, les pays d’Asie centrale ont fourni un soutien logistique important au transit pour l’approvisionnement de la FIAS. L’ampleur et les domaines de coopération varient d’un pays à l’autre.

73. Les relations de l’Union européenne avec l’Asie centrale se fondent sur sa Stratégie 2007 pour l’Asie centrale, laquelle est centrée sur la défense des droits humains, l’éducation, l'Etat de droit et des projets de gestion des frontières. Compte tenu des maigres résultats obtenus, l’UE procède à une révision de sa stratégie. Les Etats membres de l’Union européenne ne semblent pas d’accord sur la question de savoir si l’UE doit se montrer plus ambitieuse vis-à-vis de la

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région. D’autre part, les pays les plus autoritaires de l’Asie centrale sont rebutés par l’insistance de l’UE concernant les principes démocratiques et les droits humains.

74. La présidence lettone du Conseil de l’Union européenne considère la collaboration avec les pays d’Asie centrale comme l’une de ses priorités au vu de l’évolution de la situation géopolitique. Federica Mogherini, haute-représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, a signalé en début d’année que la nomination de Peter Burian, nouveau représentant spécial de l’UE pour l’Asie centrale, est le signe d’une coopération soutenue entre l’UE et l’Asie centrale. Cette nomination assure une présence importante de l’UE et un engagement continu à l’égard des principaux enjeux d’intérêt commun dans la région, Les négociations entre l’UE et le Kazakhstan sur un Accord de coopération et de partenariat renforcé ont progressé. Cela étant, la rapporteure pense que l’Asie centrale n’occupe toujours pas la place qu’elle mérite dans l’agenda politique de l’Union européenne.

75. La plupart des Républiques d’Asie centrale ont participé aux initiatives de la Russie visant à réintégrer d’anciennes Républiques soviétiques. Deux projets sont à noter. Premièrement l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), conçue, d'une certaine manière, pour être le pendant à l’OTAN dans l’ancien espace soviétique. L’OTSC a été critiquée sur le plan interne pour son inefficacité, notamment en raison du manque d’unité entre ses membres, et pour ne pas être intervenue, par exemple, durant la crise de 2010 au Kirghizistan. Cela dit, ces dernières années, l’organisation a pris des mesures pour améliorer sa réputation, promouvant sa force de réaction rapide et intensifiant le programme d’exercices conjoints.

76. Deuxièmement, la réponse russe à la structure de l’UE – l’Union économique eurasienne (UEE) – a été officiellement inaugurée en janvier 2015. Elle a pour but de lever progressivement les derniers obstacles qui entravent la libre circulation des produits et des travailleurs au sein de l'UEE. En adhérant à l’UEE, deux pays d’Asie centrale – le Kazakhstan et le Kirghizistan – ont calculé que les avantages d’une collaboration plus étroite avec la Russie l’emportaient sur les risques liés au ralentissement actuel de l’économie russe. Le Tadjikistan analyse encore le pour et le contre (notamment la dépendance du pays à l’égard des envois de fonds en provenance de Russie par rapport au fait que l’essentiel des échanges du Tadjikistan se fait avec l’Ouzbékistan, qui n’est pas membre de l’Union eurasienne) ainsi que l’expérience vécue par les nouveaux membres de l’Union eurasienne, tels que le Kirghizistan. Les précédentes tentatives d’intégration économique d’anciennes Républiques soviétiques ayant échoué, il n’est pas certain que ce projet soit couronné de succès.

77. Un autre projet multilatéral – l’Organisation de coopération de Shangai (OCS) – est particulièrement important car un acteur économique de premier plan de la région y participe – la Chine (en plus de la Russie). L’OCS constitue un puissant vecteur pour promouvoir la présence économique de la Chine dans la région. L’Asie centrale est essentielle pour faire avancer l’ambitieux projet chinois de 140 milliards de dollars « la nouvelle route de la soie  » (également appelé « Une ceinture, une route »), qui est le pendant chinois de la stratégie américaine désignée sous le nom de « Pivot vers l’Asie ». Le rôle joué par l’OCS en matière de sécurité a été jusqu’à présent limité. Néanmoins, en juillet 2015, le ministre chinois de la Défense, Chang Wanquan, a annoncé l’intention de la Chine de collaborer étroitement avec les ministres de la Défense des pays membres de l’OSC dans l’espoir d’intensifier la coopération en matière de défense et de sécurité au sein de l'OCS. La Chine s’est par ailleurs engagée à accroître la coopération en matière de sécurité avec l’Afghanistan en fournissant des équipements de sécurité, des technologies et une aide à la formation.

78. Autre projet notable auquel participent, en tant qu'acteurs cruciaux, les cinq Républiques d'Asie centrale (dont le Turkménistan) et l’Afghanistan : « le cœur de l’Asie » ou le « Processus d’Istanbul ». Lancé en 2011, il a pour but de rapprocher des pays de la région ainsi que des

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puissances développées et des organisations internationales. Il vise officiellement à promouvoir la paix et la prospérité en Afghanistan ainsi que dans l’ensemble de la région. Essentiellement un cadre de coordination, le projet « Cœur de l’Asie » ou « Processus d’Istanbul » n’a pas vocation à se substituer aux efforts que déploient les organisations régionales, mais à collaborer avec elles, et à compléter leurs activités, le cas échéant, notamment lorsqu’elles ont trait à l’Afghanistan.

79. Les projets de développement d’infrastructures et de coopération multinationale, quel que soit leur axe géographique, sont objectivement d’une importance fondamentale pour l’Asie centrale, région sans littoral. Si, pour l’instant, l’interconnectivité de la région avec les marchés mondiaux demeure limitée, un nombre impressionnant de projets en sont à divers stades de développement et de mise en œuvre. Les plus importants sont notamment :

Le projet de transfert et de commerce d’énergie électrique CASA-1000 (1 milliard de dollars américains) devrait, d’ici à 2020, améliorer le commerce de l’électricité entre le Tadjikistan et le Kirghizistan d’une part, et entre l’Afghanistan et le Pakistan, d’autre part.

Le gazoduc TAPI (10 milliards de dollars), une fois achevé dans les années à venir, acheminera du gaz naturel de la mer Caspienne et du Turkménistan jusqu’au Pakistan et en Inde, en passant par l’Afghanistan.

Le projet ferroviaire Turkménistan-Afghanistan-Tadjikistan (1,5-2 milliards de dollars) devrait améliorer les échanges entre les pays d’Asie centrale. Il devrait être opérationnel en 2018 et pourrait être prolongé dans d’autres pays de la région.

Un projet de « méga autoroute », appuyé par le Kazakhstan, couvrira l’ensemble du territoire de ce dernier pour relier la Chine à la Russie et à l’Europe. Durant la visite de la Commission au Kazakhstan, les membres de la délégation ont été informés qu’une fois achevée, à l’horizon 2019-2020, l’autoroute sera une alternative viable aux échanges maritimes entre la Chine et l’Europe occidentales. La Chine et le Kazakhstan prévoient aussi de construire une nouvelle ligne ferroviaire qui traversera le Kazakhstan, de la frontière avec la Chine jusqu’au port d’Aktau sur la mer Caspienne, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie chinoise « Une ceinture, une route ».

80. Cela étant, les pays d’Asie centrale, curieusement, envisagent différemment la coopération multinationale. Si le Kazakhstan, le Kirghizistan et, dans une moindre mesure, le Tadjikistan ont tendance à s’associer au plus grand nombre possible de cadres d’intégration et de coopération, l’Ouzbékistan, et plus particulièrement le Turkménistan, poursuivent une approche non alignée, voire isolationniste. Le Turkménistan refuse d’envisager une quelconque adhésion à l’UEE, à l’OTSC et à l’OCS, et entretient des relations très limitées avec l’UE et l’OTAN. L’Ouzbékistan est devenu membre de l’OCS en 2001, cinq ans après les membres fondateurs, et a décidé, en 2012, de mettre un terme à son adhésion à l’OTSC. L’Ouzbékistan n’a pas l’intention de devenir membre de l’UEE dans un proche avenir. Si le Tadjikistan semble davantage disposé à adhérer à l’UEE, la décision concernant son adhésion n’a toujours pas été prise. A noter également qu’il n’y a aucun projet d’intégration ou de cadres de coopération auxquels participeraient exclusivement les cinq Républiques d’Asie centrale.

IV. REMARQUES FINALES

81. En conclusion, la rapporteure spéciale tient à souligner qu’une gouvernance plus efficace est essentielle pour assurer la stabilité en Afghanistan et dans la région d’Asie centrale. En Afghanistan, les efforts déployés par le président Ghani et le chef de l’exécutif Abdullah doivent être soutenus pour créer un gouvernement d’unité nationale qui fonctionne et pour mettre en œuvre des réformes ambitieuses, notamment dans le domaine de la lutte contre la corruption. Le bon déroulement des élections du parlement et des conseils de district consoliderait la démocratie afghane. La mise en œuvre de mesures décisives pour garantir aux femmes

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afghanes que leurs droits seront protégés est une condition préalable à un règlement politique définitif, notamment l’apaisement avec le mouvement insurrectionnel. L’Afghanistan aura besoin dans les années à venir d’une aide économique et matérielle internationale ainsi que du soutien d’experts, et il est impératif que la communauté internationale honore les engagements qu’elle a pris envers ce pays. Cela étant, pour assurer une aide adéquate de la part des pays développés, les institutions afghanes doivent redoubler d’efforts pour élaborer et mettre en œuvre des réformes de fond. Le principe de l’Union européenne "donner plus pour recevoir plus" doit être au centre de la politique d’aide internationale.

82. Si la situation en Afghanistan a bel et bien un impact sur la stabilité en Asie centrale, la plupart des problèmes de chaque Etat de la région sont d’origine nationale. L’accumulation de ces problèmes – dont la transition incertaine des équipes au pouvoir; le népotisme et la corruption endémiques; les tensions entre les Etats concernant l’eau et les conflits frontaliers; les minorités ethniques; le développement économique déséquilibré auquel s’ajoutent des préoccupations sociales et environnementales liées notamment à l’exploitation des ressources naturelles; le secteur de la défense et de la sécurité non réformé échappant à tout contrôle parlementaire; le défi que constituent le trafic de stupéfiants et la criminalité organisée pourrait provoquer des tensions importantes sur les plans politique, économique et social. Si l’on veut assurer l’efficacité des stratégies de la communauté euro-atlantique envers l’Asie centrale, il est important de se rendre compte que l’effet de contagion de l’Afghanistan n’est qu’un des facteurs affectant la stabilité de l’Asie centrale, et non le principal. Quoi qu’il en soit, la communauté euro-atlantique doit concevoir des politiques plus ambitieuses et volontaristes pour cette région stratégique. L’Asie centrale n’est « l’arrière-cour » d’aucun pays ; les pays de la région veulent des relations équilibrées avec l’ensemble des principaux acteurs régionaux et mondiaux, et la communauté euro-atlantique, et notamment l’UE, doit faire davantage pour répondre à la demande d’une présence accrue dans la région. Des efforts publics, notamment en matière de diplomatie parlementaire, doivent être intensifiés pour en finir avec certains mythes concernant l’OTAN.

83. Qui plus est, une solution durable aux problèmes de la région passe par le renforcement de projets de coopération économique en Afghanistan et dans l’ensemble de la région. Cette dernière dispose d’un vaste potentiel qui peut et doit être utilisé pour favoriser la prospérité. Notamment les projets communs actuellement mis en œuvre, tels que les chemins de fer transfrontaliers, les autoroutes et les infrastructures énergétiques. Tous les pays de la région doivent s’employer à mettre en place des normes et des mécanismes de contrôle et à assurer des sources de revenus économiques, tout en attirant les investissements étrangers nécessaires, notamment dans le secteur minier.

84. Il est en outre important de comprendre que la capacité des pays occidentaux ou des institutions multinationales à jouer un rôle dans la région est limitée du fait de la présence notable de la Russie et de la Chine. Face à des fléaux tels que le trafic de stupéfiants, la criminalité organisée et l’extrémisme violent, la communauté euro-atlantique doit offrir une coopération plus étroite, notamment avec la Russie voisine, pour y faire face et favoriser l’intégration régionale. Il est également important de rappeler aux pays d’Asie centrale que leur contribution à la sécurité régionale et mondiale est reconnue et appréciée.

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