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1 AVERTISSEMENT Ce texte a été téléchargé depuis le site http://www.leproscenium.com Ce texte est protégé par les droits d’auteur. En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori. Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation. Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs. Mon thé ou tes cendres

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AVERTISSEMENT

Ce texte a été téléchargé depuis le site

http://www.leproscenium.com

Ce texte est protégé par les droits d’auteur.

En conséquence avant son exploitation vous devez obtenir l’autorisation de l’auteur soit directement auprès de lui, soit auprès de l’organisme qui gère ses droits (la SACD par exemple pour la France).

Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe.

Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori.

Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre, MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit produire le justificatif d’autorisation de jouer. Le non respect de ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour la structure de représentation.

Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs.

Mon thé ou tes cendres

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Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.

Mon thé ou tes cendres

MarcChristiane : sa belle mèreLe facteur (Loïc) Dorianne / La voisine et plus si affinitéFrançois : un amiGaële : la femme de François (elle a parfois des problèmes de vocabulaire)

Durée : 90 Minutes

Marc est chez lui, il sirote sa bièreL’urne, contenant les cendres de sa femme est posée sur la tableSur un meuble, un portrait de la défunte

MARC / Tu peux bien dire ce que tu veux, je ne t’entends plus. Remarque, tu as raison ça faisait déjà pas mal de temps que l’on ne s’entendait plus. Tu la vois celle là (la bière), eh bien c’est pour Marco. Oh mais je le sais que c’est l’heure du thé, et que le thé c’est bon pour la santé, eh bien moi, c’est sans thé que je vais la retrouver, la forme. Toi, tu ne pourras pas en dire autant. Mais ça aussi c’est fini ! J’ai toujours détesté le thé, tu m’en as fait boire pendant 15 ans de ta pisse de chameau parfumée au clou de girofle, et bien tu as vu où ça t’a menée… Je te préviens, Christine, si je chope, non, pas de bière, là je n’ai pas envie de rire, je suis sérieux, et bien, si je chope la même merde que toi, tu vas m’entendre, ça ne sera pas la peine de me dire que tu l’avais lu dans jeune et jolie, parce qu’on a vu le résultat, et ça ne sera pas la première connerie que tu y auras lue dans ton magazine. Je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie, de toute façon au point où tu en es ça ne changera pas grand-chose, mais tes masques de beauté aux concombres, ils n’ont pas été d’une grande efficacité, c’est surtout aux producteurs de concombres que ça a profité. Ah pour l’odeur ça, ça marchait, même au crématorium, le type m’a dit « on dirait que ça sent le gratin de courgettes », je lui ai répondu, « ne cherchez pas, c’est normal, c’est ma femme » …Bon à la tienne (il boit). Je ne t’en propose pas une, je pense que pour ce qui est de la mise en boite et de la mise en bière tu as eu ta dose. Tu vois, moi, pour te rendre hommage, je contracte, je prends juste la boite de bière, et tu ne peux pas savoir comme je l’apprécie.Ah, au fait, tu veux que je te mette où ? Bon, déjà pas dans la chambre, tu vas râler parce que mes chaussettes traînent, et puis ….si j’ai de la visite… Ben quoi, tu ne crois tout de même pas que je vais mener une vie monacale, je ne t’ai pas été fidèle de ton vivant ce n’est pas pour y être après ta mort. Dans la cuisine, voilà, je vais te mettre à la cuisine. C’est bien la cuisine, tu t’y es toujours bien plue, une femme à la cuisine, elle y a tout de suite ses repères. Tu y seras dans ton élément, d’ailleurs tu m’as assez fait chier pour tes éléments de cuisine

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intégrée. Non, ne me remercie pas, je te devais bien ça, tu m’as toujours fait de bons petits plats, là-dessus tu étais une championne, tu vois, je crois que tu me manques déjà.Bon, ce n’est pas tout ça, je ne vais pas commencer à devenir sentimental, sinon, je suis foutu. J’ai décidé de vivre pour moi, de m’habiller comme j’en ai envie. Eh oui, tu n’es plus là pour me préparer mes affaires, alors je garde les mêmes plusieurs jours, et je t’assure que je ne m’en porte pas plus mal. Quoi ? Le slip ? Ah oui, le slip aussi, tu ne me crois pas ? Tu veux que je te montre (il baisse son pantalon) alors ? Elle est où la différence ? Parce qu’en fait, il n’y avait que toi que ça gênait. Moi, j’ai décidé de changer, de vie mais pas forcement de slip, chacun ses choix. (On sonne) Bon, c’était trop beau ? Toi, tu ne bouges pas, je reviens(Il sort) MARC / off : Christiane, quelle bonne surprise !CHRISTIANE / Je suis venue voir comment, ça allait mon petit Marc(Ils entrent) MARC / Christine, c’est ta mère, elle venue prendre de tes nouvelles CHRISTIANE / Oh Marc ! Vous êtes odieux, ce sont de vos nouvelles que je suis venue prendre.MARC / Ce n’était pas la peine CHRISTIANE / Oh si, la peine est là, toute cette maison sent la peine et la tristesse maintenant.MARC / Avant ça sentait le concombre, ça change. Mais vous savez, on s’habitue à toutes les odeurs.CHRISTIANE / (elle voit l’urne) Ah vous l’avez mise au milieu de la table, c’est bien, elle a toujours aimé être au centreMARC / Vous auriez mieux fait de dire : « Etre le centre de tout ». Mais rassurez vous, c’est du provisoire, elle va bientôt déménagerCHRISTIANE / Vous avez raison, elle sera mieux dans sa chambre. Oh, mais comme ça doit être pénible pour vous mon pauvre Marc. Votre vie doit être tellement vide sans elle. Elle qui y tenait une telle place….MARC / C’est sûr que maintenant, elle en tient beaucoup moins.CHRISTIANE / Je vais aller préparer la chambre et puis je l’y installerai.MARC / Vous n’allez rien faire du tout, elle reste ici pour l’instant, je me chargerai du déménagement.CHRISTIANE / Comme vous voudrez (elle va sortir vers la chambre)MARC / Où allez vous ?CHRISTIANE / Faire votre lit, je suis certaine qu’il n’a pas été fait depuis son départ. (Elle sort) MARC / Mais je… Trop tard, et puis qu’elle le fasse ! Au moins, il sera fait. (À l’urne) Eh oh, qu’est ce qu’elle croit ta mère ? Qu’elle va aller et venir ici à sa guise ! Alors là, elle se trompe, je ne supporterai pas longtemps ses incessants passages.CHRISTIANE / (de retour) Vous avez raison Marc. Dites, je ne vous ai pas posé la question, mais vous dormez à droite ou à gauche ?MARC / A droite, mais je ne vois pas en quoi ça vous regarde.CHRISTIANE / Vous avez encore raison, je m’adapterai, de toute façon à moi, ça m’est égal.MARC / Qu’est ce qui vous est égal ?CHRISTIANE / Que vous dormiez à droite ou à gauche.MARC / Encore heureux.CHRISTIANE / Je dormirai donc à gauche.

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MARC / Où ça ?CHRISTIANE / Mais dans le lit voyons, pas sur la table de la cuisine.MARC / Attendez, vous êtes en train de me dire que vous allez dormir dans mon lit…..CHRISTIANE / Eh bien, dites moi, vous êtes long à la détente aujourd’hui mon petit Marc, rassurez vous, je comprends, sans elle, vous êtes perdu. Et puis, elle m’avait prévenu.MARC / Qui ?CHRISTIANE / Mais Christine enfin, elle savait que vous seriez perdu après son départ. C’est elle qui m’a demandé de venir veiller sur vous, de la remplacer en quelques sortes.MARC / (pour lui) Non, ce n’est pas vrai, elle va me pourrir la vie même après sa mort.CHRISTIANE / C’est qu’elle vous aimait ma fille, votre bonheur passait avant le sien.MARC / Et c’est pour mon bonheur qu’elle vous a demandé ce serviceCHRISTIANE / Exactement. Au début, je dois vous avouer que j’ai un peu hésité. Vous comprenez c’est une situation un peu inhabituelle et pas banale.MARC / C’est le moins que l’on puisse direCHRISTIANE / Et Christine a su trouver les mots, elle m’a rassurée. Soyez sans crainte, elle m’a tout expliqué, elle m’a dit tout ce que vous aimiez.MARC / Tout ???CHRISTIANE / Tout. Et surtout, elle m’a dit ce qu’il fallait vous faire et ne pas vous faire.MARC / Tant mieuxCHRISTIANE / Et justement, pour commencer je vais vous faire votre petite gâterie habituelle.MARC / Pardon ???CHRISTIANE / C’est bien l’heure, il me semble. Bon, je comprends votre gène, je ne serai sûrement pas aussi douée que ma fille, mais à la longue et si vous m’aidez un peu je pourrais devenir experte. MARC / (inquiet) Sans douteCHRISTIANE / Tout d’abord, si vous commenciez par me montrer le paquet.MARC / Vous montrer le paquet ???CHRISTIANE / Eh bien, oui, voyons ! La première fois, si vous ne me le sortez pas je ne risque pas de le trouver.MARC / Vous n’en avez vraiment pas la moindre idée ?CHRISTIANE / Si vaguement, mais on a chacun nos habitudes, et puis vous en avez peut être plusieurs ?MARC / Ah non CHRISTIANE / Bon, vous venez, je suppose qu’on va le faire à la cuisine.MARC / Si vous y tenez. Oui, c’est peut être mieux que devant elle (l’urne) CHRISTIANE / C’est surtout plus pratique pour faire chauffer l’eau.MARC / (inquiet) Chauffer de l’eau ?CHRISTIANE / Elle m’avait dit que vous n’étiez pas bien doué, mais enfin tout de même Marc, pour faire du thé, il faut commencer par mettre de l’eau à chauffer.MARC / (soulagé) Faire du thé, vous voulez faire du thé ?CHRISTIANE / Mais oui, c’est bien l’heure de mon thé et du votre d’ailleurs.MARC / Ni mon thé, ni ton thé. Il n’y a plus d’heure du thé, il n’y a plus de thé, fini le thé, jeté le thé.CHRISTIANE / Jeté le thé, mais pourquoi avez-vous jeté le thé ?MARC / Pourquoi, j’ai jeté le thé ? Eh…eh bien, parce que ça m’était trop pénible de boire du thé sans Christine. Le thé, c’était, elle et moi (hypocrite) c’est tellement douloureux pour moi (il chante) tea for two, pas de tea for me. (Triste)

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CHRISTIANE / (elle le console) Je comprends. Oh, c’est bien ce que vous avez fait là mon petit Marc. Et moi, grosse nouille que je suis, je vous parle de thé. Oh je n’en rate pas une. Elle n’avait pas prévu ça, Christine. Alors, que voulez vous que je vous fasse à la place ?MARC / Mis à part me faire de la place, je ne vois pas.CHRISTIANE / Dans le lit ? Rassurez vous je saurai me faire discrète, j’attendrai.MARC / Quoi ?CHRISTIANE / Qu’il sonne.MARC / Qui ?CHRISTIANE / Le réveil, sauf si bien sûr, vous…Enfin si vous avez envie… (On sonne) MARC / Ça y est, c’est le réveilCHRISTIANE / Non, ça, c’est la porte MARC / Je vais donc aller ouvrirCHRISTIANE / En voilà une bonne initiative !MARC / (devant la porte) C’est le facteurCHRISTIANE / Eh bien faites le entrerFACTEUR / Bonjour, j’ai un recommandé à vous faire signer et pas mal de lettres à vous remettre.CHRISTIANE / Asseyez vous, mon gendre va vous signer ça. C’est quoi ce recommandé ?FACTEUR / Trésor public, sans doute des taxes impayées !CHRISTIANE / Vous n’avez pas payé vos impôts Marc ?MARC / J’en sais rien, je crois que si. (Au facteur) Mais qu’est ce que vous en savez vous ? Vous lisez le courrier avant de le distribuer ?FACTEUR / Pas la peine, rien qu’à l’enveloppe, et avec un peu d’habitude, on devine le contenu du courrier.CHRISTIANE / Eh bien signez Marc, et ouvrez le, qu’on sache ce que c’est.MARC / Inutile, puisque tout le monde le sait déjàFACTEUR / Signez quand même (Marc signe) Merci, rassurez vous vous n’êtes pas le seul.CHRISTIANE / Ah bon, les voisins aussi ! Ils n’ont pas payés leurs impôts non plus ?FACTEUR / Je n’ai pas le droit de vous le dire. Mais, vous savez, madame, quand les gens reçoivent une lettre du trésor public, c’est rarement pour leurs souhaiter la bonne année.CHRISTIANE / Vous êtes vraiment plein de bon sens, monsieurFACTEUR / Je peux également vous dire que vous, vous venez de perdre un être cher (à Marc). Condoléance, c’était votre femme ? MARC / OuiCHRISTIANE / Mais comment le savez vous ? Alors vous êtes voyant aussi ! FACTEUR / Non (il donne le tas d’enveloppes à Marc) mais, pour recevoir, autant de courriers le même jour, c’est forcement des condoléances MARC / Effectivement. Dites, vous restez prendre le café, ma belle mère allait justement en boire un.FACTEUR / VolontiersCHRISTIANE / Moi, j’aurais préféré du … (se reprenant) non, j’aime bien le caféMARC / Vous m’en direz des nouvelles, je vais le faire avec Christine. (Il prend l’urne) Allez viens chérie (il sort)FACTEUR / Ils devaient être très unisCHRISTIANE / Oh oui, c’est très dur vous savez !FACTEUR / J’imagineCHRISTIANE / Vous êtes mariés vous ?FACTEUR / Moi, je l’étais, mais ma femme moins.CHRISTIANE / Comment ça !FRANCOIS / C'est-à-dire, qu’elle est partie.

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CHRISTIANE / Ah, alors vous savez ce que c’est.FACTEUR / Oui, si on veut. La mienne a rencontré un comédien, qui l’a baratinée et elle est partie avec lui.CHRISTIANE / Ah dites donc ! Et vous l’avez laissé partir ?FACTEUR / Je ne pouvais pas lutter. Je n’ai jamais su jouer la comédie, moi. L’autre, il lui a fait des tonnes de compliments, tous plus ringards les uns que les autres, et cette cruche, elle a tout gobé. Je lui en aurais dit, ne serait-ce que le quart, qu’elle se serait foutue de ma tronche.CHRISTIANE / Ah, les comédiens, ils sont doués pour le mensongeFACTEUR / Ma femme aussi, ça promet. Ils ne risquent pas de jouer souvent au jeu de la vérité ces deux là.

Retour de MarcMARC / Votre café est en train de couler, vous m’en direz des nouvelles.CHRISTIANE / Vous vous rendez compte Marc, monsieur est seul également.MARC / Et vous lui avez proposé de rester dormir ici avec nous. Vous pensez que le lit sera assez grand ?CHRISTIANE / Mais enfin, Marc vous devenez fou. MARC / Vous êtes veuf également ?FACTEUR / Non, j’étais marié à une talentueuse actrice et je l’ignorais. Remarquez, je n’étais pas le seul, personne n’avait jamais remarqué qu’elle avait un quelconque talent. Mais voilà ; c’est comme ça, elle est partie faire l’actrice.MARC / Elle vous manque ? FACTEUR / Non, tout va bien, je suis heureux, je m’en suis très vite remis, je ne pensais pas que ça aurait été aussi vite, d’ailleurs.MARC / Moi pareil.CHRISTIANE / Pardon Marc ???MARC / (rectifiant) Je me suis très vite remis… au travail, sinon, je serais resté ici sans sortir et ce n’est jamais bon.FACTEUR / Tout à fait. Dites moi, je vois que nous avons pas mal de points communsMARC / A quel sujet ?FACTEUR / Sur le destin de nos épouses pour commencer.MARC / Oh, vous savez la mienne n’a jamais fait de théâtre.CHRISTIANE / Elle aurait pu, je suis sûre qu’elle aurait été très douée, elle avait une telle présence.MARC / Ah, pour ce qui est de la présence, je confirme.FACTEUR / Non, moi, je parlais des planches. Ma femme est partie brûler les planches et la votre est partie brûlée entre 4 planches.MARC / Bien, j’aime beaucoup…CHRISTIANE / (elle triait les enveloppes) Enfin, Marc, vous n’allez pas bien. Au lieu de dire n’importe quoi, vous feriez mieux de lire votre courrier. Tenez (elle lui en donne une) c’est celle de madame Beurdouche, ma voisine, elle m’a dit qu’elle vous avait écrit un petit mot qui allait vous remonter le moral. MARC / Bon, ben commençons par madame Beurdouche, puisqu’il faut en passer par làFACTEUR / Vous savez, quand vous en aurez lu une, vous les aurez toutes lues.CHRISTIANE / Mais absolument pas. Elle, elle vous a composé un poème spécialement pour l’occasion.MARC / (il a la carte entre les mains) Effectivement c’est un poème.CHRISTIANE / Lisez nous le à haute voix, je suis certaine que notre ami le facteur appréciera également

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FACTEUR / Oh, moi, vous savez, j’en ai soupé des poèmes, le dernier que j’ai entendu, il m’est resté sur l’estomac, c’était : « notre couple prend l’eau Alors je mets les voiles Je t’ai mené en bateau Moi je suis une étoile Je veux briller loin de toi Mène ta barque sans moi. »MARC / Elle aimait la merCHRISTIANE / Toute les filles aiment leur mère. Lisez donc le poème de madame Beurdouche.MARC / Si vous y tenez.CHRISTIANE / J’y tiens MARC / Vous l’aurez voulu. (Il lit) « Que sommes-nous sans elle ? Rien de moins qu’avec elle. Elle vous brisait les ailes Par malice et par zèle Le destin vous a libéré Alors, Marc, Vivez … » FACTEUR / Elle écrit bien !CHRISTIANE / (outrée) Mais qu’est ce qui lui arrive à la mère Beurdouche elle a pété les plombs. Je vais lui en toucher deux mots, elle s’est trompée, ce texte ne vous était pas destiné.MARC / (il regarde l’enveloppe) Si, c’est bien pour moi. Elle connaissait bien votre fille.CHRISTIANE / Elle n’y connaît rien du tout. C’est une célibataire aigrie et jalouse.MARC / Je lirai les autres plus tard, je vais vous chercher vos cafés (il sort)CHRISTIANE / Elle va me le payer, je n’ai jamais rien lu d’aussi débile. Je vais lui faire avaler moi, son poème à deux balles.FACTEUR / Je trouve ça plutôt bien écritCHRISTIANE / (agacée) Ah, parce que vous y connaissez quelque chose vous peut être ?FACTEUR / Vous oubliez madame que je suis un homme de lettresCHRISTIANE / Et bien, l’homme de lettres, il aurait mieux fait de s’occuper de sa femme, s’il était si doué, elle serait sûrement restée !MARC / (retour avec les cafés dans deux tasses) Attention, chaud devant, chaud dedansFACTEUR / Vous êtes en pleine forme.MARC / Oui, cette lettre et l’odeur de ce café, me remplissent de bonheurFACTEUR / C’est vrai qu’il sent très bonCHRISTIANE / J’espère qu’il est fort, j’en aurai bien besoin.MARC / Il est parfait vous m’en direz des nouvellesFACTEUR / Vous ne buvez rien ? MARC / Non, je vais lire d’autre lettres (ce qu’il fait)FACTEUR / N’allez pas croire qu’elles soient toutes aussi réconfortantes.MARC / Non, je le sais, je suis lucide. (Il lit) « Cher ami, laissez nous, partager votre peine »FACTEUR / Ça ne sera pas bien dur !MARC / EffectivementCHRISTIANE / Vous, vous buvez votre café, et vous vous taisez.FACTEUR / En tout cas, félicitations, il est très bon.CHRISTIANE / Ça, je dois dire que c’est vrai qu’il est bon, ce n’est pas du pure arabica, ça !MARC / Non, j’ai un petit secret de fabrication, un petit plus.CHRISTIANE / Je suis certaine que ma fille y est pour quelque chose.

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MARC / Comme toujours Christiane, tout ce que j’ai toujours fait de bien, c’est grâce à elle. FACTEUR / Il a un goût étrange, que je n’arrive pas à définirCHRISTIANE / Il a ce goût d’ancien, des aromes de chêne brûlé, c’est divin.MARC / C’est le secret d’une bonne torréfaction. (Il lit) « Ce départ à du vous causer une immense peine » ah c’est peu ça. (Il en prend une autre) « Ce départ subit a du vous causer une peine incommensurable » voila qui est plus juste.FACTEUR / C’est dingue comme les gens sont friands d’adjectifs dans ce genre d’occasions.MARC / (il en lit une autre) « Je ne trouve pas de mots pour exprimer » ce n’est pas plus mal, surtout ne les cherche pasFACTEUR / (il rit) Qu’est que c’est con ! Le poème de ma femme à côté, c’est le bateau ivre de RimbaudCHRISTIANE / Enfin, vous ne respectez vraiment rien tous les deux.MARC / Bon, j’en ai assez lu comme ça, (il donne le tas de cartes à Christiane) vous les lirez et vous y répondrez si ça vous chante. Moi, je ne garde que celle de madame Beurdouche, cette femme doit avoir quelque chose de plus que les autres.FACTEUR / Ça y est, j’ai trouvéCHRISTIANE / Ce qu’elle a de plus que les autres !FACTEUR / Non, l’arrière goût du café. Il a en bouche, un goût persistant d’aubergine, ou quelque chose comme ça.CHRISTIANE / Enfin, personne ne met d’aubergine dans le caféFACTEUR / C’est du concombre, ça sent comme les joues de ma femme après son masque aux concombresMARC / On devait avoir la mêmeCHRISTIANE / Vous n’avez tout de même pas mis de concombre dans le café, mon petit Marc ?MARC / Allez savoirCHRISTIANE / Excusez le monsieur, mais, ce n’est certainement pas ma fille qui lui a appris à faire le café aux concombres. Là dedans elle n’y est pour rien.MARC / Si vous le dites. Vous savez Christiane, votre fille m’a appris à ne pas gaspiller. FACTEUR / (se lève) Il faut que je reprenne ma tournée, il me reste à vous remercier. Pour une fois, je ne regrette pas d’être monté, je vais descendre, ravi de vous avoir connus et conscient d’avoir partagé avec vous, un peu plus que des souvenirs ! (Il sort)MARC / Sympas, ce facteur.CHRISTIANE / Oui, encore un mec qui est perdu depuis le départ de sa femme. Je l’ai tout de suite senti MARC / Ah vous avez le nez creux !CHRISTIANE / Et comment, un homme n’est plus rien sans sa femme.MARC / Surtout quand il n’était déjà pas grand-chose avec.CHRISTIANE / Que voulez vous dire mon petit Marc ?MARC / Rien, bon, je ne voudrais pas vous retarder (il se lève et lui ouvre la porte)CHRISTIANE / Vous sortiez ! Ah, mais cela ne me pose aucun problème, faites Marc, vivez, je suis là ! MARC / Est-ce compatible ?CHRISTIANE / Quoi donc ?MARC / Vivez et « je suis là »…je pense que je vivrais mieux sans …( on sonne) CHRISTIANE / Terminez votre phrase, vous irez ouvrir juste après.MARC / J’ouvre avant, sait-on jamais, peut être est-ce une agréable visite ?CHRISTIANE / C’est la journée des belles visites.MARC / Ou pas (il ouvre, et reviendra avec la voisine)DORIANNE / Bonjour Marc, comment ça va ce matin ?

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MARC / Très bien, merci.DORIANNE / Ah bonjour madame.MARC / C’est Dorianne, ma voisine.CHRISTIANE / Ah, je croyais que c’était un homme.DORIANNE / C’est bien la première fois qu’on me prend pour un homme.CHRISTIANE / Non, je vois bien que vous êtes une femme, d’ailleurs ce n’est pas fait pour me rassurer, mais votre prénom, Dorian, c’est un prénom d’homme.DORIANNE / Et pourtant.CHRISTIANE / Oui bref…c’était celui du mec qui ne voulait pas vieillir…enfin, de ça, on s’en moque un peu, si vous nous disiez quel est le but de votre visite ?DORIANNE / Je suis passée faire une petite visite à Marc. Histoire de voir comment il allaitCHRISTIANE / Très bien, il va très bien surtout depuis que je suis là.MARC / Dorianne, cette charmante personne est mon ex belle mère.DORIANNE / Ah je vois.CHRISTIANE / Pourquoi ex ?MARC / Je ne suis plus le mari de votre fille que je sache.CHRISTIANE / Oui, malheureusement, par la force des choses, mais vous restez mon gendre.DORIANNE / Je vais vous laisser, je repasserai plus tard.MARC / Non reste, Christiane allait partir.CHRISTIANE / Absolument pas, il faut d’abord que je réponde à toutes ces lettres de sympathie. Par contre, si vous tenez à repasser ma petite, ne vous en privez pas, il y a une pile de linge qui traine dans la chambre de Marc.DORIANNE / Oui je sais.CHRISTIANE / (surprise) Vous savez ???MARC / Dorianne veut dire qu’elle imagine.DORIANNE / Voilà !! Je sais…ce que c’est qu’un homme seul, ça se néglige un peu.CHRISTIANE / Ah je préfère ça !MARC / Tu veux du café, Dorianne, il en reste ?DORIANNE / Non merci, moi je suis plus thé… je ne digère pas le café CHRISTIANE / Vous avez tort, celui-ci est très bon. Il n’est pas comme d’habitudeMARC / Oh, un compliment, il va neiger !!! Disons que ce café passe bien car il marque un passage, une transition.CHRISTIANE / (à Dorianne) Je ne sais pas de quoi il parle, et je ne cherche plus à tout comprendre, il est si perturbé en ce moment.DORIANNE / On le serait à moins.CHRISTIANE / Ben ne restez pas planté là mon petit Marc, débarrassez la table et allez faire un thé pour notre amie.MARC / J’y allais (il débarrasse la table et sort)CHRISTIANE / Ne lui en voulez pas, il parait empoté comme ça, mais c’est un brave bougre.DORIANNE / Je ne lui en veux pas.CHRISTIANE / Parfait, il est un peu perdu depuis la disparition de Christine, c’était ma fille.DORIANNE / Je sais.CHRISTIANE / Vous la connaissiez également ?DORIANNE / Nous étions voisines.CHRISTIANE / Bien sûr, suis-je sotte. Vous savez donc à quel point tout le monde l’appréciait.DORIANNE / Absolument, ne dit-on pas que ce sont toujours les meilleurs qui partent les premiers.

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CHRISTIANE / Oh oui, quelle injustice, quand je pense à tous ces salauds qui sont toujours en vie et que ma pauvre petite n’est plus là.DORIANNE / On ne choisit pas ; et dans un sens heureusement.CHRISTIANE / Si vous saviez à quel point elle était appréciée. Toutes ces lettres en témoignent.DORIANNE / Ah, il y en a pas mal.CHRISTIANE / Oui, la votre est sans doute dans le tas.DORIANNE / Sans doute ! Comme celles de tout l’immeuble.CHRISTIANE / Elle laisse un tel vide.DORIANNE / C’est vrai que la résidence est un peu plus calme depuis son départ.CHRISTIANE / Comme c’est beau, tout l’immeuble porte le deuil et fait silence.DORIANNE / Je voulais surtout dire que c’est elle qui était très bruyante.CHRISTIANE / Elle chantait trop fort ?DORIANNE / Oui aussi, elle faisait tout trop fort.Retour de MarcMARC / Oui tout et surtout le café. CHRISTIANE / Vous revenez les mains vides ?MARC / L’eau chauffe. Et comme j’avais l’impression qu’ici ça risquait de chauffer aussi…CHRISTIANE / Absolument pas, nous évoquions la mémoire de Christine.DORIANNE / Oui, ta belle mère, ne connaissait pas bien ça fille on dirait.CHRISTIANE / Pardon. ?MARC / Et si on changeait un peu de sujet, Christine n’apprécierait pas qu’on parle toujours d’elle.DORIANNE / Non c’est vrai, ça non plus, elle n’apprécierait pas. CHRISTIANE / Elle était très difficile, mais elle avait bon gout.MARC / Le facteur a confirmé.CHRISTIANE / Le facteur était l’un de ses amis proches ? Je l’ignorais.DORIANNE / Il y a visiblement beaucoup de chose que vous ignoriez au sujet de votre fille.CHRISTIANE / C'est-à-dire ?MARC / C'est-à-dire que si vous voulez répondre à toutes ces lettres c’est le moment (il lui tend le papier qu’il avait sorti d’un tiroir un peu plus tôt) CHRISTIANE / Merci. DORIANNE / Ne vous cassez pas la nénette, mettez le même texte à tout le monde.CHRISTIANE / Je comptais personnaliser mes réponses.DORIANNE / Les gens s’en foutent, ils écrivent par convention, pas par conviction.CHRISTIANE / Pas du tout.DORIANNE / Et puis faites bien comme vous voudrez, moi je vais chercher mon thé. (Elle sort cuisine)CHRISTIANE / Faites comme chez vous ! (à Marc) Elle est très à l’aise dans votre maison.MARC / C’est une voisine, elle nous rend visite très souvent. CHRISTIANE / Je parie que ça devait énerver Christine.MARC / Pas plus que ça, elle ne venait que lorsque que Christine était absente.CHRISTIANE / Mais enfin Marc…ça ne se fait pas.MARC / Ah bon ! CHRISTIANE / Non, un homme marié ne reçoit pas de femme en l’absence de la sienne.MARC / Même en sa présence, elle n’aurait pas apprécié, donc… CHRISTIANE / J’espère qu’elle ne l’a jamais su, elle en serait morte.MARC / Et finalement…CHRISTIANE / Oh mon Dieu, oui, mais vous vous rendez compte de ce que vous me faites dire comme ânerie.

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MARC / Vous n’avez pas besoin de moi pour ça.CHRISTIANE / Que voulez vous dire ?MARC / Que vous n’êtes pas le genre de femme à être influençableCHRISTIANE / Oh que non !MARC / Voilà, donc vos conneries personne ne vous les suggèrent, elles viennent de vous, rien que de vous.CHRISTIANE / Vous avez de la chance que je vous aime bien mon petit Marc, car je pourrais me vexer.MARC / Et quelle chance !!! C’est drôle, je n’aurais pas employé ce mot là, moi !CHRISTIANE / N’en parlons plus, vous savez pour l’urne, vous la mettrez où vous voudrez, je ne voudrais pas m’imposer à vous.MARC / Quelle bonne nouvelle !CHRISTIANE / Le principal, c’est que les cendres de mon bébé, reposent en paix. Elle le mérite.MARC / Nous sommes d’accord, l’endroit compte bien peu, seul compte son repos. Retour de Dorianne avec sa tasse de thé.DORIANNE / Y avait pas mal de poussières sur ton plan de travail Marc, j’ai donné un coup d’épongeMARC / C’est gentil, mais j’aurais pu le faire. DORIANNE / Il avait mis de la poudre de café un peu partout.CHRISTIANE / Il est assez maladroit. DORIANNE / C’est bon, maintenant tout est clean.CHRISTIANE / Dites moi Dorianne, ça ne me regarde pas, mais vous avez quels genres de rapports avec mon gendre ?DORIANNE / Effectivement, ça ne vous regarde pas.MARC / Amicaux, comme des voisins qui s’apprécient.DORIANNE / Voilà ! On s’apprécie, et de plus en plus.CHRISTIANE / Parfait, on vous invitera à diner un de ces soirs. MARC / On ???CHRISTIANE / Enfin Marc, on, c’est vous et moi. Vous avez déjà oublié que je m’installe ici quelques temps, le temps que vous alliez mieux.MARC / (il fait le pitre) « je vais bien tout va bien »DORIANNE / Il m’a l’air en plein de forme.CHRISTIANE / Ah parce que pour vous, un homme qui fait de pareilles crétineries est quelqu’un qui va bien. Vous ne devez pas être très compétente en hommes, vous.DORIANNE / Parce que vous, oui ?MARC / Christiane est trois fois veuve et divorcée 2 fois…DORIANNE / Joli palmarès !!! Marie Besnard n’en a tué qu’un seul, elle ! CHRISTIANE / Qu’est ce qu’elle raconte, cette effrontée. Je n’ai tué personne. MARC / Elle a raison, un s’est jeté sous le train, le second s’est pendu, le troisième a voulu plonger dans le fleuve alors qu’il ne savait pas nager….DORIANNE / Et les deux autres se sont barré à temps !MARC / On peut dire comme ça. DORIANNE / Effectivement vous devez savoir ce que c’est qu’un homme qui va mal. CHRISTIANE / Oh que oui, j’ai eu ma dose de malheur. (Elle pleurniche) DORIANNE / (faussement compatissante) Et vous avez traversé toutes ces épreuves sans jamais vous remettre en question. Ça laisse sans voix ! MARC / Christiane a une grande force de caractère.CHRISTIANE / Il le fallait bien avec tous ces pleutres DORIANNE / Et maintenant vous avez décidé de vous occuper de Marc !

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CHRISTIANE / Oui, toujours tournée vers les autres, c’est une seconde nature chez moi.DORIANNE / Une nature morte bien souvent. Marc t’as fait ton testament ?MARC / Non pas encore, mais rassures toi Dorianne, je ne laisserai pas Christiane prendre mon destin en mainCHRISTIANE / Je n’aime pas trop ce genre d’insinuation, mademoiselle (vexée elle prend les lettres et le papier) Je vais aller répondre à coté.MARC / Faites comme chez vousCHRISTIANE / J’y compte bien (elle sort)MARC / Enfin, c’est juste une expression, ne la prenez pas au pied de la lettre.DORIANNE / De remerciements.MARC / Quels remerciements ?DORIANNE / Pour les condoléances, c’est un trait d’esprit, un peu d’humour, je suis contente d’être avec toi. (Elle lui saute dans les bras, baisé) MARC / (il la repousse rapidement) Doucement, elle n’est pas loin.DORIANNE / Je m’en fous !! Si elle n’a pas encore compris, c’est qu’elle est aussi bouchée que le périphérique aux heures de pointes.MARC / Patiente un peu, on en sera vite débarrassée.DORIANNE / Tu vas la tuer ?MARC / Je n’irai peut être pas jusque là, mais je vais la mettre à la porte.DORIANNE / Tu sais mon chéri, je comprendrais que tu veuilles la butter…et puis ça ne serait que justice, tu vengerais ces trois pauvres mecs qu’elle a poussé au suicide.MARC / Quand elle saura ce que j’ai fait des cendres de sa fille, je pense qu’elle ne cherchera plus à m’adresser la parole.DORIANNE / C’est vrai, raconte, t’en as fait quoi ?On sonneMARC / Je te le dirai pus tard, pour l’instant, je vais ouvrir.CHRISTIANE / (de retour) Marc on a sonné .MARC / J’ai entendu, je ne suis pas sourd.DORIANNE / Que de visites !MARC / Oui, heureusement, ce n’est pas tous les jours qu’on perd sa femme (il sort, entrée)CHRISTIANE / Marc va avoir une autre visite.DORIANNE / Oui et alors.CHRISTIANE / Alors, généralement, les gens bien élevés disent « bon, je ne voudrais pas déranger, je vous laisse »DORIANNE / Je ne vous ai pas entendu dire ça lors de mon arrivée.CHRISTIANE / Moi, ce n’est pas pareil.DORIANNE / Pareil pour moiRetour de Marc.MARC / Entrez mes amis (ce sont François et Gaëlle, un couple d’amis) FRANCOIS / Bonjour mesdames.GAELLE / Bonjour, tu as déjà de la visite Marc, on ne veut pas déranger, on repassera plus tard.MARC / Vous ne me dérangez pas du tout. Vous connaissez tout le monde.FRANCOIS / Oui, ça ne fait pas si longtemps ; on s’est vu à l’enterrement de Christine.GAELLE / Une bien belle fête.FRANCOIS / (rectifiant) Cérémonie, ma chérie !GAELLE / Oui, pardon, j’ai une fâcheuse tendance à me tromper de mots.CHRISTIANE / D’autres se trompent tout court !GAELLE / Mais c’est vrai que c’était bien, c’était émouvant, j’ai presque autant pleuré qu’en regardant Titanic.

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FRANCOIS / Chérie, ça n’a aucun rapport, il ne s’agissait pas d’un film mais de l’oraison funèbre de notre amie Christine.CHRISTIANE / Votre mari a raison, il ne faut pas confondre réalité et fiction.GAELLE / Je suis désolée mais le Titanic, c’est une histoire vraie aussi, et les personnages sont attachants donc on les pleure, tandis que Chri…FRANCOIS / (la coupe) Christian Clavier est un acteur comique.DORIANNE / Il ne joue pas dans Titanic.FRANCOIS / Non mais c’est le premier Chri qui m’est venu.CHRISTIANE / Un cris ! Quand avez-vous crié ?FRANCOIS / En regardant Titanic, je criais « à gauche toute » pour qu’ils évitent l’iceberg.CHRISTIANE / Et ils ne vous ont pas écouté.FRANCOIS / Eh non !GAELLE / En même temps, c’était un peu trop tard… le film était fait. Et puis ça aurait été moins beau, si le bateau avait évité l’iceberg.MARC / Les gens aiment les histoires qui finissent mal.CHRISTIANE / Au cinéma, pas dans la vie ! Mais c’est vrai que ça attire beaucoup de monde.GAELLE / Ah oui, j’en ai été la première surprise, l’église était pleine !CHRISTIANE / Je parlais des salles de cinéma.GAELLE / Excusez moi, moi je parlais de l’enterrement de Christine.CHRISTIANE / Oui, c’était réconfortant ne savoir qu’elle était aimée, que tous ses amis étaient là !DORIANNE / Il n’y avait pas que ses amis.MARC / Et si nous parlions d’autre chose…FRANCOIS / Marc a raison, ce n’est pas bon de ressasser tous ses mauvais moments.GAELLE / Vous avez raisons. Parlons des bons moments. Vous vous souvenez quand le prêtre a dit que Christine était une femme douce et effacée…on a tous failli pouffer de rire.CHRISTIANE / Pas moi (sèche) GAELLE / Ah bon, pourquoi ?CHRISTIANE / Je préfère retourner à coté, écrire me fera le plus grand bien (elle sort).GAELLE / Elle écrit un roman ?MARC / Non, elle répond aux lettres de condoléances.FRANCOIS / Elle est surtout partie car elle est vexée…et par la faute de qui ? Miss gaffe, comme d’hab !GAELLE / Et voilà, ça va encore être de ma faute.FRANCOIS / Ben oui, tu n’étais pas obligée de lui dire que tous les compliments dits par le prêtre nous ont fait marrer car ça sonnait terriblement faux.GAELLE / Ah tu vois, toi aussi tu le dis.FRANCOIS / Oui mais pas devant Christiane.GAELLE / Oui mais devant Marc, c’est pire.MARC / Non car moi, je sais ce que vous pensiez de Christine et vous savez que je suis d’accord avec vous.GAELLE / Alors il est où le problème ? C’est elle (Dorianne) ?MARC / Non, elle, elle partage mon avis.DORIANNE / Et bien d’autres choses.FRANCOIS / Le problème c’est Christiane qui idolâtrait sa fille !GAELLE / Oui ben moi c’est pareil, j’idolâtrais Plastic Bertrand et quand on m’a dit que ce n’était pas lui qui chantait et ben ça ma fait un choc.FRANCOIS / Tu vois.GAELLE / Oui, mais je m’en suis remise.

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DORIANNE / Elle s’en remettra aussi. Elle se remet de tout, il suffit de lire son CV.GAELLE / C’est son précédent roman ?DORIANNE / Non, c’est le catalogue qui relate le sort réservé à ses maris.GAELLE / Elle en a beaucoup ?DORIANNE / 5 !GAELLE / Ah oui, quand même ! C’est autorisé d’avoir 5 maris ?MARC / Oui car ce n’était pas en même temps !GAELLE / Ah d’accord. Elle doit être chaude !MARC / Oui sans doute.DORIANNE / Mais elle les a refroidis.FRANCOIS / En parlant de froid, tu vas pouvoir venir avec moi voir les matchs de hockeyMARC / Ben okFRANCOIS / Super, comme au bon vieux temps.GAELLE / Finalement, t’es bien mieux qu’avant Marc !MARC / Tu veux dire physiquement ?GAELLE / Non, je veux dire que tu es plus libre, tu peux faire ce que tu veux, tu n’as plus ton berbère sur le dos!DORIANNE / Tu as vécu avec un berbère, Marc ? (inquiète)MARC / Mais non.FRANCOIS / Je pense qu’une fois encore, Gaëlle s’est trompée de mot, elle parlait de cerbère.GAELLE / Oh c’est pareil, le chien qui garde l’enfer quoi !DORIANNE / Vous êtes un couple génial. Vous comprenez même ce qu’elle ne dit pas.FRANCOIS / L’expérience. Quand on est marié à un lapsus sur pattes, il faut savoir s’adapter à toutes les situations.GAELLE / Oh oui, je ris en repensant à lapsus … il m’appelle « mon petit lapsus » Et bien ça prête à confusion. Au début je croyais qu’il voulait que je lui…FRANCOIS / (il la coupe) fasse un bol de lait chaud.GAELLE / N’importe quoi, il n’aime pas le lait.FRANCOIS / C’est le premier truc qui m’est venu.MARC / En parlant de ça. Vous voulez un café ?GAELLE / Je ne parlais pas de café moi.MARC / Je sais bien Gaëlle, je sais bien. Mais moi je te demande si tu en veux un.GAELLE / N’en fais pas exprès pour nous.MARC / Non, il est déjà fait !FRANCOIS / Alors dans ce cas, pourquoi pas ! MARC / Je vais vous le chercher, vous m’en direz des nouvelles.GAELLE / Ben tu sais, pas grand-chose de neuf, on a rien de spécial à te raconter.FRANCOIS / Si, tu t’es quand même acheté une nouvelle robe.GAELLE / Oui ça c’est neuf.MARC / Parles-en avec Dorianne, je reviens dès que possible (il sort) GAELLE / C’est qui Dorianne ?DORIANNE / C’est moi, Marc ne vous a pas encore parlé de moi ?GAELLE / Si si bien sûr, beaucoup beaucoup beaucoupFRANCOIS / Chérie, à quoi bon mentir, non, il ne nous a pas encore parlé de vous. Pourquoi, il aurait du ?DORIANNE / ça ne saurait tarder.FRANCOIS / Et de quoi aurait il du nous parler exactement ?GAELLE / Ben de ma robe, c’est de ma nouvelle robe qu’on est censé parler.DORIANNE / Oui c’est vrai, excusez nous, Gaëlle.

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GAELLE / Y’a pas de mal. Ben voilà, en fait c’est tout con, dès que j’ai une occasion un peu particulière, une petite fête, j’aime bien avoir de nouveaux vêtements.DORIANNE / On est toutes pareils.GAELLE / Alors pour l’enterrement de Christine, je me suis achetée une petite robe de mousseline noire…magnifique, j’étais magnifique ! Pas vrai chéri ?FRANCOIS / Et comment, on ne voyait que toi.GAELLE / On a la classe ou on ne l’a pas.FRANCOIS / La grande classe même, une robe ouverte jusque dans le creux des reins pour un enterrement, pour le coup, ça ne pouvait pas rater… tout le monde se retournait.GAELLE / Il faut toujours qu’il exagère. Il n’y a que le prêtre qui a laissé tomber son missel quand je suis allée faire la farandole.FRANCOIS / L’offrande.GAELLE / Oui, c’est pareil ! DORIANNE / Il devait être surpris.GAELLE / Christine était une amie chère.FRANCOIS / Presqu’autant que ta robe GAELLE / Bon c’est vrai, elle était un peu chère, mais je ne le regrette pas car, il y avait vraiment beaucoup de monde, bien plus que prévu. Et la vendeuse m’a dit « c’est pour une occasion particulière », je n’allais pas lui dire non !FRANCOIS / Non, mais tu aurais du lui préciser la nature exacte de la cérémonie.GAELLE / Elle m’a demandé si c’était habillé. S’il y avait un thème, une couleur imposée ?DORIANNE / Et tout naturellement vous avez répondu le noir !GAELLE / Bien sur !! Et entre nous le curé aussi, il a fait fort. Moi, les paillettes dorées, je n’ai pas osé ! DORIANNE / Heureusement pour vous, Christiane pleurait tellement qu’elle n’a pas du remarquer.GAELLE / La tenue du curé ?FRANCOIS / Non la tienne, celle du curé était de circonstance.GAELLE / Par contre, Marc, il n’a pas versé une seule larme.FRANCOIS / ça ne prouve rien. Il avait l’air très peiné quand même.GAELLE / Surtout quand il regardait le cercueil, il devait « pensé quel gâchis »FRANCOIS / C’est vrai qu’elle est partie bien jeune !GAELLE / Mais non, quel gâchis de mettre autant de fric dans un cercueil qu’on va bruler 3 heures plus tard !DORIANNE / Elle a raison, c’est un achat qui coute très cher pour pas grand-chose.GAELLE / Il aurait mieux fait de le louer.FRANCOIS / Oui ma chérie, mais le principe de la location, c’est de rendre l’objet dans le même état qu’on l’a pris.GAELLE / Ah ben oui, et avec le cercueil ce n’est pas possible.FRANCOIS / Non, surtout après une crémation, il n’allait pas rendre une poignée de cendres. Retour de Marc avec les deux cafés.MARC / Voilà, 2 bons cafés tout chauds. GAELLE / Il m’a l’air très parfumé.Arrivée précipitée de Christiane CHRISTIANE / Invité, ça prend 2 T ?GAELLE / Merci, on a déjà du café.CHRISTIANE / Qu’est ce qu’elle raconte celle là, je veux savoir si l’on met deux T, au verbe inviter ?DORIANNE / Non un seul.MARC / Et qui souhaitez-vous inviter ?

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CHRISTIANE / ça ne vous regarde pas (elle sort) FRANCOIS / Tu n’es plus maitre chez toi, mon pauvre vieux !MARC / Attends, je vais bientôt lui mettre les points sur les I FRANCOIS / Fais le rapidement, plus tu attendras plus elle s’incrustera.MARC / Je le sais, je la laisse répondre aux lettres de condoléances et après du balais.GAELLE / (elle a bu un peu de café) T’as pas du lait, il est amer ton café ? MARC / C’est possible, l’amertume résiste aux plus grosses chaleurs !GAELLE / Tu veux dire que je fais devoir le boire froid ?MARC / Je n’en dirai pas plus, ça risquerait de jeter un froid.La lumière s’éteint

Quelques jours plus tard.Christiane sort de la cuisine avec des amuses gueules, gâteaux apéritifs….CHRISTIANE / Bon, je pense que je n’ai rien oublié. Il faut vraiment que je fasse tout dans cette maison. Arrivée de Marc par la porte d’entrée.CHRISTIANE / Ah ben vous voilà enfin.MARC / Quel bel accueil. Bonjour Christiane.CHRISTIANE / Oui bonjour. Vous savez que nous avons des invités.MARC / Que vous avez des invités. (Rectifiant)CHRISTIANE / Oui si vous voulez, mais si j’ai invité Dorianne, François et Gaëlle, c’est essentiellement pour vous faire plaisir.MARC / Et le facteur, c’est pour faire plaisir à qui ?CHRISTIANE / C’est un garçon fort sympathique.MARC / Vu le temps qu’il passe ici chaque matin avec vous, je n’en doute pas.CHRISTIANE / Mais c’est qu’il serait jaloux mon petit Marc, est ce que je chronomètre le temps que vous passez chez la voisine, moi ?MARC / Encore heureux.CHRISTIANE / Je sais très bien que vous y passez la nuit.MARC / Je ne m’en cache pas. Et c’est un peu grâce à vous.CHRISTIANE / Ah oui !MARC / Oui, c’est bien vous qui squattez mon lit depuis 15 jours !CHRISTIANE / C’était convenu comme ça ! MARC / Une convention bi partite, dans laquelle je n’ai pas eu droit au chapitre.CHRISTIANE / Hypocrite va, ma présence vous arrange bien. Vous avez une femme de ménage à l’œil.MARC / Oui c’est mieux qu’une belle mère qui vous a dans le nez. CHRISTIANE / Et la belle mère, elle vous rappelle qu’aujourd’hui, si elle a fait cette petite fête, c’est parce que c’est le jour de l’urne.MARC / Y’a des élections ?CHRISTIANE / Ne faites pas l’andouille, c’est aujourd’hui qu’on va disperser les cendres de Christine.MARC / Oui enfin, s’il ne pleut pas !CHRISTIANE / Vous me l’aviez promis.MARC / Je vous ai dit que je le ferais, je ne pensais pas qu’on irait en délégation.CHRISTIANE / Si ; c’est un geste assez pénible, vous aurez bien besoin du soutien de vos proches.MARC / Bien sur !

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CHRISTIANE / Vous ne m’avez pas l’air convaincu. Mais faites-moi confiance, pour une fois.MARC / Oui, c’est vrai, j’oubliais que vous avez une grande expérience en la matière. Ils sont où d’ailleurs vos maris ?CHRISTIANE / J’ai épandu leurs cendres au même endroit, comme ça, je gagne du temps quand je veux aller me recueillir.MARC / Vous pensez à tout.CHRISTIANE / On peut le dire.MARC / Et c’est où exactement ?CHRISTIANE / Au pied d’un arbre dans le parc.MARC / Tout de même pas au pied de l’arbre auquel votre mari s’est pendu.CHRISTIANE / Bien sur que si, s’il a choisit cet arbre, c’est parce qu’il lui plaisait bien. Ainsi, je respectais son choix de vie.MARC / Choix de vie, ouais si on veut !CHRISTIANE / Ensuite j’ai eu l’idée d’y disperser celles de mon premier mari, elles trainaient dans un placard. Ben oui, le second ne supportait plus de voir l’urne, alors j’ai pensé que pour le suivant ça serait pareil.MARC / Ah vous saviez déjà qu’il allait mourir.CHRISTIANE / Non, mais je me doutais qu’il ne supporterait pas de voir 2 urnes à la maison. MARC / Ah oui, la fameuse intuition féminine, vous savez mieux que nous ce qui nous ferait plaisir.CHRISTIANE / Tout à fait, c’est d’ailleurs pour ça que j’ai ouvert un paquet de Curly.MARC / Quelle délicate intention !On sonne.MARC / Ce doit être Dorianne, je lui avais pourtant dit de ne pas sonner.CHRISTIANE / C’est normal, elle n’est pas chez elle.MARC / (fort) Entre, chérie, c’est ouvert CHRISTIANE / Chérie !!!! Eh bien dites moi c’est rapide. Entrée du facteur, il est en civil.FACTEUR / Bonjour. Ce n’est peut être pas moi que vous attendiez.CHRISTIANE / Mais si, mais si.FACTEUR / J’ai cru entendre « entre chéri ».CHRISTIANE / Oui c’est Marc, il est très hospitalier.MARC / C'est-à-dire que je pensais que c’était quelqu’un d’autre. CHRISTIANE / Ah ça change de vous voir comme ça.FACTEUR / Comment ça ?CHRISTIANE / Ben comme ça, pas habillé.FACTEUR / Je ne suis pas nu non plus !CHRISTIANE / Oui, je le vois bien, mais je veux dire que ça change de vous voir autrement qu’en tenue de facteur.FACTEUR / Ah !MARC / Christiane aime beaucoup l’oiseau bleu de la poste.CHRISTIANE / Mettez vous à l’aise et installez vous.FACTEUR / Merci.CHRISTIANE / Toujours célibataire, elle n’est pas revenue ?FACTEUR / Non, toujours pas.CHRISTIANE / C’est mieux non ?FACTEUR / Oui, honnêtement elle ne me manque pas.

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CHRISTIANE / Pourtant on a toujours besoin d’une présence féminine à ses cotés. N’est ce pas Marc ?MARC / Ben, oui, peut-être, je ne sais pas trop.CHRISTIANE / Ne l’écoutez pas monsieur le facteur, d’ailleurs, je ne vais pas vous appeler facteur aujourd’hui vous n’êtes pas en service.FACTEUR / C’est exact, je me prénomme Loïc.CHRISTIANE / C’es très joli. Donc Loïc, ne prêtez pas trop d’attention aux propos de mon gendre, c’est un menteur.FACTEUR / Très bien.CHRISTIANE / Non pas très bien. Il va vous faire croire qu’un homme n’a pas besoin de femme dans sa vie, alors que lui, sa femme n’est pas encore dispersée qu’il est déjà dans le lit de la voisine.FACTEUR / Ah oui, effectivement, c’est rapide.MARC / Qui vous dit que je n’y étais pas avant. FACTEUR / C’est vrai, alors dans ce cas, ce n’est pas pareil, il ne trahit pas la mémoire de sa femme CHRISTIANE / Ne revenons pas la dessus, tournons la page et écrivons notre livre à nous.FACTEUR / Qui ça nous ?MARC / Christiane s’est découvert une passion pour l’écriture.FACTEUR / J’ai effectivement constaté qu’elle écrivait beaucoup.CHRISTIANE / Et c’est là que j’ai découvert que nous sommes complémentaires.FACTEUR / Comment ça ?CHRISTIANE / Sans vous Loïc, personne n’aurait eu le plaisir de lire mes jolies lettres.FACTEUR / Je ne faisais que mon métier.CHRISTIANE / Non, plus, vous m’avez encouragée à écrire, encore, et encore, toujours plus MARC / (pour lui) Tu parles, il lui vendait des timbres à la pelle.FACTEUR / L’écriture est un excellent moyen d’évacuer ce qu’on a en nous.CHRISTIANE / Oui, vous m’avez fait un bien fouFACTEUR / Ravi de vous faire du bien CHRISTIANE / Et je sens que ce n’est pas fini.FACTEUR / (inquiet) Ah !Entrée de Dorianne.DORIANNE / Bonjour tout le monde.FACTEUR / Bonjour madame.CHRISTIANE / Vous pourriez sonner.DORIANNE / Marc m’a dit de faire comme chez moi, et bien figurez vous que je ne sonne pas pour rentrer chez moi.CHRISTIANE / C’est bien dommage.FACTEUR / Non, c’est inutile, surtout si on est seul, personne ne risque de venir nous ouvrir.CHRISTIANE / Vous voyez que la solitude vous pèse.FACTEUR / Je n’ai rien dit de tel.CHRISTIANE / Je l’ai lu dans vos pensées, votre réponse n’est pas anodine.MARC / Eh oui facteur, l’intuition féminine.FACTEUR / LoïcDORIANNE / Moi c’est Dorianne.FACTEUR / Je le sais.DORIANNE / Ah ah, monsieur s’est renseigné à mon sujet (minaude), une petite enquête discrète.

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FACTEUR / ça fait trois ans que je distribue votre courrier, il y a votre prénom sur les courriers que vous recevez !DORIANNE / Et il l’a retenu….le petit curieux.CHRISTIANE / A quoi elle joue, celle-ci. Vous laissez faire ça, Marc ?MARC / Dorianne, moi aussi j’ai retenu ton prénom.DORIANNE / Oui et alors ?MARC / Alors rien. FACTEUR / Il faut dire que votre prénom n’est pas banal, on ne l’oublie pas.DORIANNE / C’est une idée de mon père.FACTEUR / C’est sûr qu’il aurait pu vous appeler Denise, Denise Grey, mais il y en avait déjà eu une.DORIANNE / Tandis que Dorianne, c’était tellement plus symbolique, tellement plus originale, tellement plus…CHRISTIANE / Tellement plus con !DORIANNE / On ne choisit pas.MARC / Certains parents ont beaucoup d’imagination, d’autres beaucoup moins.CHRISTIANE / Pourquoi, il me regarde comme ça, celui là !MARC / Pour rien, c’est juste qu’il faut une sacrée dose d’imagination pour appeler sa fille Christine quand on s’appelle Christiane ! CHRISTIANE / C’était plus simple, ainsi, à ma mort, je pouvais lui donner ma chevalière, mes draps brodés…DORIANNE / Et ben pour le coup, c’est raté.CHRISTIANE / Oui la vie est mal faite.DORIANNE / Absolument, c’est vous qui devriez être dans l’urne pas elle.CHRISTIANE / Eh doucement, je n’ai pas dit ça non plus ! MARC / Bon vous ennuyez Loïc, je suppose qu’il n’est pas venu ici pour ça.FACTEUR / Je suis ici parce que madame m’y a invité.CHRISTIANE / Christiane, appelez moi Christiane.FACTEUR / Très bien, donc Christiane ma gentiment invité et comme je n’avais rien de mieux à faire et bien j’ai accepté l’invitation.CHRISTIANE / Ah ben c’est gentil (un tantinet vexée)On sonne.CHRISTIANE / Ce sont les amis de Marc. (Marc sort)FACTEUR / Eh oui il y a les amis de marque et il y a les autres !CHRISTIANE / Vous êtes notre ami également Loïc, ne soyez pas jaloux.FACTEUR / C’était juste pour faire un mauvais jeu de mots. Marc revient avec ses amis.Tout le monde se salueGAELLE / On fête quoi au juste ?MARC / Tu poseras la question à Christiane, c’est une idée à elle.GAELLE / Et bien, je la lui pose.CHRISTIANE / Et je vous réponds que j’ai réunis les amis de Marc pour le soutenir lors d’une épreuve qui va s’avérer difficile.FRANCOIS / Tu t’es remis au sport !CHRISTIANE / Ne faites pas le malin, c’est sérieux, il va aller répandre les cendres de Christine, il aura besoin du soutien de ses amis.GAELLE / Ah c’est coolFRANCOIS / Tu peux compter sur nous, vieux.GAELLE / Et lui c’est qui ? (Loïc)MARC / Loïc, notre facteur.

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GAELLE / Et c’est ton ami ?FACTEUR / Ah parce que, d’après vous, on ne peut pas être ami avec son facteur.MARC / Disons que c’est surtout celui de Christiane.CHRISTIANE / Voilà, et comme tout le monde est là, je propose à ceux qui sont débout de s’asseoir, on va pouvoir attaquer ce petit apéro. Je vais vous chercher la boisson.MARC / Ne bougez pas, François et moi allons y aller.FRANCOIS / Ah bon ?MARC / Oui, je suppose que c’est au frais dans le frigo.CHRISTIANE / Effectivement, on ne laisse que très rarement un punch au micro ondes.FRANCOIS / Et bien c’est parti (en sortant) Je suppose que tu as quelque chose à me dire en privé.MARC / Bien vu. (Ils sont sortis) GAELLE / Dites moi Christiane, il va les semer où les cendres de Christine ?CHRISTIANE / Semer, n’est pas le mot qui convient.DORIANNE / Non car je doute fort qu’elle repousse !GAELLE / Oui bon, vous m’avez comprise.CHRISTIANE / Il ne me l’a pas dit, mais moi j’aimerais bien qu’elle repose au pied d’un arbre.GAELLE / Oui c’est bien, c’est ombragé. DORIANNE / Elle ne craint plus les coups de chaud !FACTEUR / Et c’est le vent qui se chargera de disperser ses cendres.CHRISTIANE / Pas du tout, on ferra un petit trou.GAELLE / Oui, sinon ça va être désagréable pour les passants, déjà une poussière dans l’œil c’est chiant, mais un bout de Christine, c’est un coup pour perdre la vue.DORIANNE / Moi je suis comme Loïc, je trouve ça plus poétique.FACTEUR / Certes, mais moi je déteste la poésie, vous savez.DORIANNE / Ah, non, je ne savais pas.CHRISTIANE / Sa femme, lui a écrit un poème en guise de lettre de rupture.GAELLE / Ouahhh, c’est super original. C’est chouFACTEUR / Mais ça fait aussi mal que si c’était par SMS ! Tenez, je crois même que j’aurais préféré un post-it sur le frigo.DORIANNE / Qui dirait quoi ? « Le frigo est plein, mais moi je me barre ».FACTEUR / Oui par exemple.GAELLE / Ben moi je vous plains. Je n’aimerais pas que mon mari me fasse un coup pareil. Heureusement, il est incapable d’écrire un poème. Retour de François avec des verres.FRANCOIS / Voilà les verres, c’est un bon début.FACTEUR / Pour un poème oui.GAELLE / Attends François, ne me dis pas que tu vas te mettre à faire un poème.FRANCOIS / Présentement non, je bois d’abord l’apéro, mais après deux ou trois verres, je peux essayer.GAELLE / Ne t’y avises pas.FRANCOIS / Ah, bien madame ! GAELLE / Parce que le coup du poème, je connais, je ne me ferai pas avoir, moi.FRANCOIS / De quelle poème parles tu ?GAELLE / Je ne sais pas, je parle de quoi ?FACTEUR / Du bateau ivre.GAELLE / Voilà de celui là, le coup du bateau qui picole, très peu pour moi.FRANCOIS / C’est pourtant ce qui risque d’arriver.Arrivée de Marc avec la boisson.

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FRANCOIS / Aujourd’hui l’alcool coule à flot.CHRISTIANE / Doucement, c’est assez fort quand même.Marc sert tout le monde.GAELLE / Tu sais chéri, il n’y a que nous qui sommes normales.TOUS / Normaux.GAELLE / Oui si vous voulez ! DORIANNE / Non, on ne veut pas, vous pouvez préciser le fond de votre pensée.GAELLE / Ben, on est en couple nous. Marc, il est veuf, Loïc sa femme s’est barrée. La voisine n’a jamais pu trouver un mec et Christiane, elle ça compense, elle en a eu plein, mais elle en a plus non plus.FACTEUR / Est-elle déjà ivre ?FRANCOIS / Malheureusement non !GAELLE / Pas du tout, je fais juste un constat.CHRISTIANE / Et bien, si vous regardiez un peu plus loin que le bout de votre nez, vous verriez que nous sommes six.GAELLE / (elle compte) Oui et …CHRISTIANE / Et ça peut très vite faire trois couples.FACTEUR / Je n’ose pas demander avec qui vous m’avez mis.GAELLE / Ben c’est simple. Vu que François et moi, on est pris, il n’y a plus que 3 possibilités.DORIANNE / Et vu que ça fait déjà pas mal de temps que je couche avec Marc.CHRISTIANE / Ah, je l’avais dit.DORIANNE / Et bien maintenant, j’officialise.GAELLE / Donc, le facteur est avec Christiane.CHRISTIANE / Enfin, ne précipitons rien, vous le faites rougir.(vous le mettez mal à l’aise) FACTEUR / Ben, c'est-à-dire que j’étais juste venu prendre l’apéro, je ne pensais pas que c’était meetic.FRANCOIS / On va fêter ça. Un autre punch Christiane ?CHRISTIANE / Non, j’ai vite la tête qui tourne vous savez.FRANCOIS / Justement (il la ressert) CHRISTIANE / Doucement, sinon, je ne me contrôle plus.FACTEUR / Je crois que je vais vous laisser. (Il se lève, Marc le force à s’asseoir)MARC / Ne craignez rien Loïc, nous sommes là, on ne la laissera pas vous violer.CHRISTIANE / Oh tout de suite. Je n’ai jamais eu besoin de violer personne. Les hommes se bousculaient pour obtenir mes faveurs.FACTEUR / Oui sans doute, mais c’était avant.CHRISTIANE / Avant quoi ?FACTEUR / Ben avant…avant…DORIANNE / Avant que les hommes deviennent timides.FACTEUR / Voilà c’est ça.CHRISTIANE / Ne vous en faites pas Loïc, je trouve ça touchant un homme timide.FRANCOIS / Mon cher Loïc, je sens que vous allez être très vite affranchi.GAELLE / Tu t’es trompé de mot, chéri, tu vois, à toi aussi ça t’arrive.FRANCOIS / Ah ; et lequel n’est pas le bon selon toi ?GAELLE / Ben « cher ». FRANCOIS / Et j’aurais du dire quoi ?GAELLE / Ben, je ne sais pas, mais tu le connais pas assez pour dire cela !FRANCOIS / Ouais.MARC / Gaëlle n’a pas tort. Il faudrait que l’on se tutoie. Loïc, qu’en penses-tu ?FACTEUR / Oui, si vous voulez.

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GAELLE / ça commence mal.FACTEUR / C’était une réponse à la cantonade.GAELLE / A la cantonade, c’est pas une recette de riz ça ?DORIANNE / Si aussi !GAELLE / Ben, je ne vois pas le rapport avec la choucroute.FRANCOIS / Ce n’est pas grave, on est heureux de compter Loïc parmi notre cercle d’amis.FACTEUR / Merci, je le suis également.CHRISTIANE / T’as pas chaud toi Loïc ?FACTEUR / Ah, parce que nous aussi, on se tutoie ? CHRISTIANE / Ben nous surtout. Ben moi en tous cas j’ai chaud. (Elle se déboutonne un peu) FRANCOIS / Et quand il fait chaud, il fait soif (il la ressert).CHRISTIANE / Ce n’est pas faux.DORIANNE / (à Marc en aparté) Je rêve ou tu lui as demandé de la soûler.MARC / Tu ne rêves pas.DORIANNE / Et bien, c’est bien parti. Oh le pauvre Loïc.MARC / Ne t’en fais pas, on ne la laissera pas le décacheter comme une vulgaire enveloppe.CHRISTIANE / Et bien Loïc, tu ne bois pas ?FACTEUR / Je n’ai pas l’habitude de boire.GAELLE / Pourtant un facteur ça doit être bien rodé, la moyenne, c’est 2 ou 3 apéros par jour durant les tournées non ?FACTEUR / Pas moi, je vous l’assure.GAELLE / Tu ne dois pas être un marrant toi, je comprends que ta femme se soit barrée.FACTEUR / Je te remercie. En clair, je n’ai que ce que je mérite FRANCOIS / Ne le prends pas mal Loïc, ce n’est pas ce qu’elle voulait direGAELLE / Oh que si.CHRISTIANE / (un peu pompette) Tu sais Loïc, c’est un mal pour un bien. FACTEUR / Je crains le pire.CHRISTIANE / Ben oui, si ta femme ne s’était pas barrée, tu ne serais pas libre.FACTEUR / Certes.CHRISTIANE / Donc moi je dis merci madame (elle lève son verre) Portons un toast à cette femme charmante, elle s’appelait comment déjà ?FACTEUR / ElodieCHRISTIANE / A Elodie…hello, Elodie, où que tu sois je te dis merci.FRANCOIS / A Elodie.FACTEUR / ça ne m’amuse pas beaucoup. FRANCOIS / T’inquiète, ça va vite se terminer, elle est déjà bien mûre.GAELLE / François, là tu dépasses les bornes, on ne parle pas de l’âge d’une dame.FRANCOIS / ça tombe bien, je n’en parlais pas.GAELLE / Oh lala, ça roucoule sec, là-bas ( Dorianne et Marc)CHRISTIANE / Bonne idée, cul sec ! Allez mon petit François, remettez-moi ça. Vous le faites avec moi ?FRANCOIS / Chiche. (Ils se servent, mais lui boira, gardera tout en bouche et ira aux toilettes)GAELLE / Où vas-tu chéri ?CHRISTIANE / Ah ces hommes, ils ne tiennent pas la distance, on en a la pieu..la pieu..la pieuvre . Je n’avais jamais remarqué que les murs de cette pièce tournaient. Vous le saviez vous Marco ?MARC / Non, je le découvre en même temps que vous.CHRISTIANE / C’est bien…mais ça…ça…tourne.

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FACTEUR / Les jeunes qui picolent, ce n’est pas chouette, mais les vieilles, je crois que c’est encore pire.CHRISTIANE / Mon petit Lolo, y faut pas dire ….pipi pipi picole.DORIANNE / Elle tombe dans combien de temps d’après vous ?MARC / La vache, c’est qu’elle tient bien la route !GAELLE / Je me trompe encore de mot, si je dis que ça à l’air de vous amuser ?MARC / Non, ceux là, m’ont l’air de tous parfaitement s’emboiter les uns avec les autres.CHRISTIANE / C’est une bonne iiiiiiiidée ! Hein dis Lolo que c’est une bonne idée !FACTEUR / Je ne sais pas.MARC / Dis lui oui.FACTEUR / Oui mais si…MARC / Ne t’en fais pas, on est là.

Retour de François.CHRISTIANE / ça fait tellement longtemps.FRANCOIS / J’ai juste fait l’aller retour.CHRISTIANE / Justement, moi ça fait trop longtemps. (Elle essaie de se lever)GAELLE / Non là, ça va trop loin. (Christiane tombe)DORIANNE / Ben en fait pas tant que ça ! MARC / Je crois que c’est bon.GAELLE / Elle est morte ?MARC / Mais non, elle est cuite.FRANCOIS / Loïc, approche toi d’elle ?FACTEUR / Pourquoi moi ?FRANCOIS / Si tu ne lui fais aucun effet, c’est qu’elle dort vraiment. (Loïc s’approche timidement, se penche vers elle, quand soudain le bras de Christiane le happe) CHRISTIANE / Tu es venu me sauver, mon héros (elle tente de l’embrasser) FACTEUR / Au secours. (Il se débat un peu, elle retombe dans un sommeil plus profond)FRANCOIS / Cette fois, je crois que c’est bon.MARC / Allez François aide moi, Dorianne, ouvre nous les portes, on la conduit dans la chambre.FACTEUR / Et surtout vous fermez bien la porte à cléFRANCOIS / Aucun risque, avec ce qu’elle a bu, elle va cuver pendant 12 bonnes heures. MARC / François, choisit ton bout.FRANCOIS / Je te laisse la tête, vous êtes habitués à de longs tête à tête tous les deux. Je prends les pieds.MARC / C’est partis (ils la portent et la sortent direction chambre) FACTEUR / A quoi jouent-ils ?GAELLE / Ben ça se voit, ils vont mettre Christiane au lit, car elle n’est pas en état d’y aller toute seule.FACTEUR / ça j’avais bien compris. Mais pourquoi l’ont-ils mis dans cet état ?DORIANNE / Ainsi, elle ne suivra pas Marc quand il ira vider l’urne, elle ne verra pas que ..FACTEUR / (réalisant) L’urne était déjà vide. Génial !GAELLE / Ah bon, l’urne est vide. Les gens du planétarium ont oublié de mettre les cendres dedans ?DORIANNE / Crematorium ;GAELLE / Oui, c’est pareil ! DORIANNE / Non, ils les avaient mises.GAELLE / Ben, elles sont où alors ? Non ne me dites pas que quelqu’un les a volées !! Mais ce n’est pas vrai, on vole tout de nos jours. Et pour quoi en faire, je vous le demande ?

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FACTEUR / Oui, on se le demande tous. GAELLE / Tu devrais peut-être aller prendre des nouvelles de Christiane, toi Loïc.FACTEUR / Ah bon, et pourquoi ?GAELLE / Ben, j’ai cru comprendre que vous étiez en couple ou presque, ça se fait de s’inquiéter pour sa promise.FACTEUR / Ce n’est pas ma promise, je ne suis promis à personne.GAELLE / Ah, ben pourquoi il est ici, alors ?FACTEUR / Pour discuter, pour échanger, pour rompre ma solitude, mais je ne comptais pas pour autant venir chercher une compagne. GAELLE / Ah j’y suis, ce n’est pas une, il est venu pour Marc !DORIANNE / (inquiète) C’est vrai ? Alors là, autant te le dire tout de suite, tu fais fausse route.GAELLE / Tous les chemins mènent à Venise.DORIANNE / A Rome.FACTEUR / Non, pas plus à Rome qu’à Venise, mais comment vous le dire, c’est dingue ça, je suis monté pour boire l’apéro, pas pour jeter mon dévolu sur Pierre Paul Jacques !GAELLE / T’as des enfants Loïc ?FACTEUR / Non.GAELLE / Ouais, je vois…FACTEUR / Et moi je ne vois pas le rapport.GAELLE / Justement, peut-être que tu ne l’as pas vu souvent le rapport.DORIANNE / Bon, Gaëlle arrête, tu deviens lourdes, je t’assure.GAELLE / C’est bon, je ne dirai plus rien. (Discrètement à Loïc) Ne t’avise pas de t’approcher de mon François !Retour de FrançoisFRANCOIS / Voilà, une bonne chose de faite (il va machinalement s’asseoir à coté de Loïc)GAELLE / Viens un peu par là, toi (elle le tire vers elle)FRANCOIS / T’as un problème Gaëlle ? Mais je t’assure que je n’y suis pour rien, c’est une idée de Marc.DORIANNE / D’ailleurs, il fait quoi Marc ?FRANCOIS / Il termine Christiane.GAELLE / Il veut la tuer ?

Non tout de même pas ….Pour le savoir, ça et tout le reste, contactez moi [email protected]

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