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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/6 Centrales nucléaires: la retraite à soixante ans ? PAR JADE LINDGAARD ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 21 OCTOBRE 2013 Allonger ou non la durée de vie des centrales nucléaires : la question monte en puissance au fur et à mesure de l’indécision de l’exécutif sur sa politique en matière d’atome. Dernier épisode en date, un article du Journal du dimanche du 13 octobre annonçant, sur la base de plusieurs sources anonymes, que le gouvernement s’apprêterait à autoriser EDF à prolonger de 40 à 50 ans le temps d’usage des réacteurs. Les démentis de Pierre Moscovici (« aucune décision n’est prise ») et de Philippe Martin (« ce ne sont pas les commissaires aux comptes d'EDF qui déterminent et détermineront la politique énergétique de la France ») n’enlèvent rien à l’actualité du sujet, clairement posé sur la table. Par exemple, dans un rapport de la commission de régulation de l’énergie (CRE) de juin dernier, où figure l’hypothèse d’un allongement de dix ans de la durée des amortissements d’EDF afin de lisser la nécessaire hausse des tarifs (voir ici). La centrale nucléaire de Fessenheim (Wikicommons). Ou encore, dans le rapport que la Cour des comptes a consacré aux coûts de la filière électro-nucléaire en janvier 2012, où l’on peut lire : « Le scénario industriel implicitement retenu aujourd’hui, sans aucune assurance sur son acceptation par l’autorité de sûreté du nucléaire, est celui d’un prolongement au-delà de 40 ans de la durée de fonctionnement des réacteurs, les capacités de production de substitution rendues nécessaires par un scénario à 40 ans n’ayant pas été lancées ni même programmées. » « Le gouvernement est sur la ligne que les centrales sont une rente nucléaire et qu’il faut les garder », décrypte un expert indépendant. C’est en 2009 qu’EDF, unique exploitant des installations nucléaires hexagonales, a officiellement émis le souhait d’étendre leur durée de fonctionnement « significativement au-delà de 40 ans » et de « maintenir ouverte l’option d’une durée de fonctionnement de 60 ans » (voir ici). Officiellement, les centrales n’ont pas de date de péremption puisqu’elles ont été autorisées à fonctionner sans limitation temporelle. «Toutefois, 40 ans correspondent à la durée de fonctionnement des réacteurs initialement envisagée par EDF », explique l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) dans une note de juillet dernier. Pour appuyer sa demande, l’électricien a conçu un programme de « maîtrise du vieillissement » et de « réévaluation de sûreté » pour hisser ses centrales au niveau des actuelles normes internationales, bien plus élevées que dans les années 1980, a fortiori depuis l’accident de Fukushima. Ce programme est en cours d’évaluation par le gendarme du nucléaire qui doit rendre un premier avis, non définitif, en 2015. Le processus est long et particulièrement lourd. Il pourrait être à l’ordre du jour du prochain conseil de politique nucléaire, le 15 novembre. Mais la toute première autorisation de prolongement de réacteur à 50 ans (Tricastin 1) ne pourrait pas être délivrée avant 2021 – à la fin du prochain mandat présidentiel. En réalité, le gendarme du nucléaire ne respecte pas toujours scrupuleusement les anniversaires. L’examen de sûreté des 30 ans de la centrale de Fessenheim s’est ainsi déroulé avec plusieurs années de retard, au point que le deuxième réacteur atteignait 35 ans

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Centrales nucléaires: la retraite à soixanteans ?PAR JADE LINDGAARDARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 21 OCTOBRE 2013

Allonger ou non la durée de vie des centralesnucléaires : la question monte en puissance au fur età mesure de l’indécision de l’exécutif sur sa politiqueen matière d’atome. Dernier épisode en date, unarticle du Journal du dimanche du 13 octobreannonçant, sur la base de plusieurs sources anonymes,que le gouvernement s’apprêterait à autoriser EDFà prolonger de 40 à 50 ans le temps d’usage desréacteurs.

Les démentis de Pierre Moscovici (« aucune décisionn’est prise ») et de Philippe Martin (« ce ne sont pas lescommissaires aux comptes d'EDF qui déterminent etdétermineront la politique énergétique de la France »)n’enlèvent rien à l’actualité du sujet, clairement posésur la table. Par exemple, dans un rapport de lacommission de régulation de l’énergie (CRE) dejuin dernier, où figure l’hypothèse d’un allongementde dix ans de la durée des amortissements d’EDF afinde lisser la nécessaire hausse des tarifs (voir ici).

La centrale nucléaire de Fessenheim (Wikicommons).

Ou encore, dans le rapport que la Cour des comptesa consacré aux coûts de la filière électro-nucléaireen janvier 2012, où l’on peut lire : « Le scénarioindustriel implicitement retenu aujourd’hui, sansaucune assurance sur son acceptation par l’autoritéde sûreté du nucléaire, est celui d’un prolongementau-delà de 40 ans de la durée de fonctionnement desréacteurs, les capacités de production de substitutionrendues nécessaires par un scénario à 40 ans n’ayantpas été lancées ni même programmées. »

« Le gouvernement est sur la ligne que lescentrales sont une rente nucléaire et qu’il faut lesgarder », décrypte un expert indépendant. C’est en

2009 qu’EDF, unique exploitant des installationsnucléaires hexagonales, a officiellement émis lesouhait d’étendre leur durée de fonctionnement« significativement au-delà de 40 ans » et de« maintenir ouverte l’option d’une durée defonctionnement de 60 ans » (voir ici).Officiellement, les centrales n’ont pas de datede péremption puisqu’elles ont été autorisées àfonctionner sans limitation temporelle. «Toutefois,40 ans correspondent à la durée de fonctionnementdes réacteurs initialement envisagée par EDF »,explique l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN)dans une note de juillet dernier. Pour appuyer sademande, l’électricien a conçu un programme de «maîtrise du vieillissement » et de « réévaluationde sûreté » pour hisser ses centrales au niveau desactuelles normes internationales, bien plus élevées quedans les années 1980, a fortiori depuis l’accident deFukushima. Ce programme est en cours d’évaluationpar le gendarme du nucléaire qui doit rendre unpremier avis, non définitif, en 2015. Le processus estlong et particulièrement lourd. Il pourrait être à l’ordredu jour du prochain conseil de politique nucléaire, le15 novembre. Mais la toute première autorisation deprolongement de réacteur à 50 ans (Tricastin 1) nepourrait pas être délivrée avant 2021 – à la fin duprochain mandat présidentiel.

En réalité, le gendarme du nucléaire ne respecte pastoujours scrupuleusement les anniversaires. L’examende sûreté des 30 ans de la centrale de Fessenheims’est ainsi déroulé avec plusieurs années de retard,au point que le deuxième réacteur atteignait 35 ans

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d’usage à l’issue de sa troisième visite décennale. Lesprocédures sont complexes, le système de contrôlesouffre d’inertie.

Vue intérieure de la centrale de Creys-Malville (EDF).

Surtout, le cadre réglementaire a été conçu pourretarder le plus possible la mise à l’arrêt des réacteurs.En 2006, la loi relative à la transparence et à lasécurité en matière nucléaire, dite « loi TSN »,crée l’autorité de sûreté du nucléaire (ASN) et instituele premier régime légal complet des installationsnucléaires de base. Mais elle prive aussi le pouvoirpolitique de la capacité de fermer les réacteurs pourdes raisons autres que sécuritaires. « Aujourd’hui, laloi et les textes réglementaires font que la fermetured’une centrale relève de la décision de l’exploitant etde l’ASN », explique Francis Rol-Tanguy, bien placépour le savoir puisqu’il est le délégué interministérielà la fermeture de Fessenheim.

Alors qu’en 1997, le gouvernement de Lionel Jospina pu décider l’arrêt de la centrale de Creys-Malville en raison de son coût excessif, aujourd’huil’exécutif ne pourrait plus le faire. Le délai légalde clôture atteint quasiment quatre ans, soit presqueautant qu’un quinquennat. Cette substitution ducritère de sûreté aux critères de nature politique ouéconomique parmi les raisons légales de fermeturedes réacteurs avait été obtenue de haute lutte par lesénergéticiens, traumatisés par l’épisode Superphénix.Anne Lauvergeon, l’ancienne présidente d’Areva,s’en était ouvertement réjouie. Les parlementaires del’époque, pour une part d’entre eux en tout cas, n’yavaient vu que du feu. Si bien que, facile et fréquenteopération d’un point de vue technique, l’arrêt d’unréacteur est devenu un tabou politique.

D’où la nécessité aujourd’hui d’une nouvelle loipour permettre à l’exécutif de fermer la centrale deFessenheim. Cette disposition devrait figurer dans leprojet de loi sur la transition énergétique attendue d’icila fin 2014 : « Le président de la République a ditque le projet de loi devait rendre leur responsabilitéaux politiques en la matière, c’est un élément trèsimportant », constate Francis Rol-Tanguy, qui pointeencore que « les procédures ont été écrites en 2007, àun moment où on ne s’attendait pas à passer aux actesle lendemain ».

L'effet falaise

Carte des centrales nucléaires (ASN).

S’il est aussi urgent de se demander si les centralesnucléaires françaises peuvent atteindre 50 ans ou plus,c’est parce qu’elles ont été construites dans un lapsde temps si rapproché que le couperet des 40 anspourrait tomber trop vite pour les remplacer au rythmede leur fermeture. À partir de 2017, il faudrait arrêterplusieurs réacteurs par an : ceux de Fessenheim, deuxau Bugey en 2018 et deux autres en 2019 ; en 2020pas moins de cinq réacteurs (à Dampierre, Gravelineset au Tricastin), en 2021 huit autres (au Blayais, àDampierre, Gravelines, Saint-Laurent, au Tricastin).Ce que les spécialistes appellent « l’effet falaise » :80 % du parc a été construit sur dix ans.Dans son scénario, l’association Négawatt modélisela fermeture du parc en 22 ans, en ne dépassant pas40 ans de vie industrielle (voir ici). Mais au prixd’un changement radical de paradigme énergétique,combinant baisse drastique de la demande et montéetrès forte des renouvelables. Ces deux objectifs sont,

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en théorie, ciblés par l’actuel gouvernement, mais dansles faits, pas du tout dans les proportions nécessairespour un tel basculement.Phénomène inhabituel au sein du monde del’atome, des responsables expriment ouvertementleurs réserves quant à la perspective d’un allongementde la durée de vie des centrales. « La poursuite dufonctionnement des réacteurs au-delà de quaranteans n'est pas acquise », a déclaré le président del’ASN, Pierre-Franck Chevet, selon qui « le rendez-vous des quarante ans est beaucoup plus exigeant queles révisions périodiques de la sûreté, qui ont lieu tousles dix ans » (voir ici).Affirmer que le gouvernement va offrir dix anssupplémentaires aux centrales, « ce n’est pas le refletde la réalité », explique Thomas Houdré, à la tête de ladirection des centrales nucléaires à l’ASN, « nous n’ensommes qu’au stade préliminaire de la discussion. Levolume des travaux va être colossal, sans communemesure avec ce qui a été fait sur le parc jusqu’àprésent ».

Henri Proglio, PDG d'EDF (Reuters).

EDF prévoit 50 milliards d’euros d’investissementpour mettre ses réacteurs au niveau d’exigence desûreté post-Fukushima et les rénover (le « grandcarénage »). Soit quasiment 1 milliard par réacteur(la France en compte 58), remarque Francis Rol-Tanguy, alors que ce chiffre ne comprend même pasles travaux à réaliser pour les prolonger de dix ans,qui ne peuvent être évalués puisque l’on n’en connaîtpas encore la teneur. Or ces milliards, « quelqu’unles paiera », à commencer par les consommateurs.« L’avenir amène à se poser la question de lafermeture d’autres centrales, ce serait bien de ne pasavoir à en choisir les noms à la veille du secondtour des élections présidentielles », poursuit le déléguéinterministériel, lors d’une conférence à l’Assemblée

nationale, le 15 octobre. Il fait le vœu que ce sujetpuisse être traité comme un autre, et non « dans uncadre extraordinaire ».

De son côté, l’ancienne ministre de l’écologie etde l’énergie, Delphine Batho, considère que « toutprolonger à 60 ans n’est pas une option soutenable.Il est important de diversifier les sources d’énergie ».Elle se dit favorable à la prolongation de certainescentrales mais à la fermeture d’autres afin de parvenirà un plafond de 50 % de nucléaire dans la productiond’électricité, la promesse de campagne de FrançoisHollande. À ses yeux, cet objectif n’est « pas lerésultat d’un accord politique mais une nécessité ».Or si l’on réduit de 25 % la part de l’atome dansle mix énergétique, tout en réduisant de moitié lademande, il est arithmétiquement nécessaire de fermerdes réacteurs.

Age moyen de fermeture, en 2009 : 23 ans

Age des réacteurs nucléaires dans le monde, en 2009. (©Y. Marignac).

Mais au fait, combien de réacteurs nucléaires dans lemonde atteignent 50 ans de fonctionnement en 2013 ?Aucun. 45 ans ? Un seul, en Suisse, à la centrale deBeznau. Plus de 40 ? 31, soit 7 % du parc mondial(ces chiffres proviennent d’Elecnuc, une publicationdu CEA). « Il n’y a pratiquement pas d’expérienceau-delà de la quarantième année de fonctionnement »,explique Bernard Laponche, physicien et membre del’association Global Chance, qui ajoute que « tous lesréacteurs arrivant à ces âges-là ont été conçus bienavant les accidents de Tchernobyl, en 1986, et mêmede Three Mile Island, en 1979 ». Au-delà du paradoxe,le vieillissement est un phénomène nouveau dansle nucléaire, comme le résume l’expert indépendantYves Marignac dans une note publiée sur le site deGlobal Chance.Au total, 121 réacteurs ont été définitivement arrêtésdepuis la mise en service du premier appareil (ce fut en1954, en Union soviétique). En moyenne, leur durée

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de vie n’a pas dépassé 23 ans, et seuls 14 d’entre euxavaient atteint 40 ans, indique Yves Marignac. Le plusancien lors de sa fermeture, Calder Hall (au Royaume-Uni), affichait 46,5 ans d’exploitation. Quant à latechnologie utilisée dans les centrales françaises, lafilière des réacteurs à eau pressurisée (REP), elle estla plus partagée à l’international mais aussi parmi lesplus jeunes. Leur âge moyen de fermeture était de 23ans en 2009.Ce passé n’interdit pas de réfléchir à l’allongementde leur durée de vie mais révèle que le retourd’expérience est très limité. En vingt ans, entre 1986et 2006, le nombre d’événements « significatifs » desûreté recensés par l’IRSN, les experts de l’ASN, n’acessé d’augmenter, comme l’indique le graphique ci-dessous.

Nombre d'événements "significatifs"recensés par l'IRSN. (© YM).

Pour l’IRSN (voir ici), « il apparaît que lesmécanismes de vieillissement sont à l’origine d’unepart importante des événements ayant conduit àdes défaillances matérielles. Celles-ci peuvent êtredifficiles à détecter et avoir des conséquencessignificatives ».Aux États-Unis, ces dernières années,plusieurs centrales ont vu leur autorisation defonctionnement prolongée à 60 ans, un exemplesouvent cité par le lobby du nucléaire. Mais en France,la durée de fonctionnement des centrales est comptée àpartir de la première divergence (les premières fissionsnucléaires) alors qu'aux États-Unis, elle est comptée àpartir du début de la construction. « Cela peut faire unedizaine d'années de différence, voire plus », préciseBernard Laponche. En 2012, trois de ces réacteurs ontpourtant fermé, et un quatrième est en cours d’arrêt.La raison ? L’électricité qu’ils produisent est devenuetrop chère sur le marché.

À partir de 40 ans, tous les réacteurs français serontamortis (en 2010, ils l’étaient à 75 %), c’est-à-direqu’ils auront généré assez de recettes pour compenserleur mise en marche. Mais pour la Cour des comptes, ilfaudra nécessairement augmenter les investissementsde maintenance, en plus des évaluations de sûreté post-Fukushima (entre 5 et 10 milliards d’euros). Cetteenveloppe pourrait aboutir à une hausse de 10 % ducoût de production et représenter 3,7 milliards d’eurospar an jusqu’en 2025.

À 50 ou 60 ans, les réacteurs français seront-ilsencore compétitifs sur le marché européen du kilowatt/heure ? L’été dernier, EDF a dû payer pour vendre sesélectrons, pendant quelques heures, du fait de « prixnégatifs » sur le marché de gros européen : jusqu’à –200 euros le mégawattheure (MW), un record. Dansla foulée, l’électricien a mis à l’arrêt cinq réacteurset réduit la puissance de dix autres. Il y avait tropd’offre, pas assez de demande, l’énergie d’originerenouvelable étant qui plus est prioritaire. L’annéedernière, un rapport du Sénat avait établi qu’en casde prolongement de la vie des centrales à 60 ans,le coût réel du MWh pourrait atteindre jusqu'à 75euros en coût courant économique, contre 49,5 eurosaujourd’hui selon la Cour des comptes.

La centrale nucléaire de Springsfield, dans le dessin animé des Simpsons.

Ce n’est pas qu’une affaire de sous. Fabriqués il y a 40ans, certains composants des installations nucléairesn’existent tout simplement plus. L’électromécaniquepar exemple. « Une solution serait de passer à latechnologie numérique, mais ce serait une grosserénovation », précise Thomas Houdré de l’ASN.Il constate aussi que « le tissu industriel de laFrance n’est plus ce qu’il était : la chaudronnerie, lamétallurgie… au moment de la construction du parc,il y avait une filière pour le soutenir ».

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Du point de vue technique, le chantier du « post 40ans » est double : « maîtrise du vieillissement » etamélioration de la conception des réacteurs. Parmi lesfailles identifiées par l’ASN : le sort des piscines. Danstoutes les installations, à part l’EPR en constructionà Flamanville, les combustibles usés sont stockés enpiscine avant d’être convoyés à l’usine d’Areva àLa Hague. Mais pour l’autorité, « l’état actuel despiscines de désactivation restera en écart notable avecles principes de sûreté qui seraient appliqués à unenouvelle installation ». Si bien qu’« EDF doit révisersa stratégie en matière de gestion et d’entreposage ».De son côté, l’IRSN (voir ici) s’est inquiété de latenue en service de l’acier des cuves des réacteursde 900 MW, que l’on retrouve dans une bonnepartie du parc (au Blayais, au Bugey, à Chinon,Cruas, Gravelines, Saint-Laurent, et au Tricastin).Sous l’effet de l’irradiation, leur température monteavec les ans, ce qui crée un risque de rupture en casde choc thermique. Par exemple, s’il fallait déverserbeaucoup d’eau sur un réacteur en cas d’accident,comme à Fukushima.

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Or, à cause de la standardisation des centraleshexagonales, en cas d’incident sérieux sur un réacteur,il faudrait arrêter tous ses semblables simultanément,a récemment expliqué l’ASN. Une mise à l’arrêtcollective et non négociable, la sûreté primant sur tousles autres critères de décision.

Et si, en fin de compte, l’allongement à 50 ansn’était que comptable ? C’est la position que défendaujourd’hui Delphine Batho, l’ancienne ministre del’écologie. EDF n’y est pas opposé. Le prolongementde vie serait virtuel. Il s’agirait alors d’un simple jeud’écriture, permettant de réduire chaque année le poidsde son amortissement. Tout bénéfice pour une sociététrès endettée ? (34 milliards d’euros en 2013.) Pas

si simple. Car une fois les réacteurs quarantenairesfermés, les recettes de leur activité s’éteindraient,déséquilibrant les comptes de l’entreprise. « Un acteurprivé peut décider comptablement de la durée deses investissements, analyse un expert indépendant,mais c’est plus compliqué si c’est de la reprise deprovisions. » L’électricien est obligé par la loi deprovisionner de l’argent pour le démantèlement futurdes centrales pour chaque kilowattheure produit. S’ilse mettait à puiser dans ses réserves pour financerson activité, c’est la collectivité qui se retrouveraitprise en otage de ses difficultés. « C’est de lacavalerie financière ! Ce genre de bulle finit parexploser », met en garde Denis Baupin, députéEELV et coordonnateur du groupe de travail sur lacompétitivité des entreprises dans le débat sur latransition énergétique.

Vue intérieure de la centrale de Springsfield.

Physique ou de papier, le surplus de vie qu’EDFs’échine à obtenir pour ses réacteurs rayonne d’unehaute valeur symbolique : la résistance à la transitionénergétique. Refuser de préparer l’arrêt de sescentrales permet de continuer à occuper l’espace,et conserver sa place de premier électricien. Uneforme de cordon sanitaire pour se protéger desbouleversements induits par le tournant énergétiqueallemand et l’inexorable essor des renouvelables enEurope, mais aussi du boom mondial du charbon, autretendance massive de fond. Mais difficile de dire pourcombien de temps.

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