Cerri 473 7 Conversion Et Culture Dans Le Monde Grec Du Ive Siecle AP j c

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    Cahiers dtudes dureligieux. Recherchesinterdisciplinaires7 (2009)

    Rfrences littraires et juridiques la conversion (de lAntiquit nos jours)

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    Pierre-Louis Malosse

    Conversion et culture dans le monde

    grec du IVesicle ap. J.-C.

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    Rfrence lectroniquePierre-Louis Malosse, Conversion et culture dans le monde grec du IVesicle ap. J.-C. , Cahiers dtudes dureligieux. Recherches interdisciplinaires[En ligne], 7 | 2009, mis en ligne le 26 octobre 2009, consult le 19 janvier2016. URL : http://cerri.revues.org/473 ; DOI : 10.4000/cerri.473

    diteur : MSH-Mhttp://cerri.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur :

    http://cerri.revues.org/473Document gnr automatiquement le 19 janvier 2016.Tous droits rservs

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    Cahiers dtudes du religieux. Recherches interdisciplinaires, 7 | 2009

    Pierre-Louis Malosse

    Conversion et culture dans le monde grec

    du IVesicle ap. J.-C.

    Prologue : la conversion avant la conversion

    1 Le concept de conversion religieuse nest gure pertinent dans lAntiquit classique cest--dire paenne. Certes, il arrive quon se tourne vers un culte nouveau, quon se mette vnrerune divinit jusque l inconnue de sa famille ou de sa patrie ; la mythologie grecque est pleinedhistoires expliquant comment telle cit a adopt un culte qui lui est par la suite devenu propre,ainsi larrive de Dmter en Attique, y apportant la culture du bl. Les Romains se sont faitune spcialit de ce genre dimportation : en 204 av. J.-C., ils installrent solennellement chezeux la phrygienne Cyble, et ils avaient coutume, quand ils sengageaient dans une guerre,de se mettre sacrifier consciencieusement aux dieux de lennemi, en vue de se les rendrepropices et daffaiblir la protection quils accordaient jusque l leur peuple lu. Mais que ce

    soit pour les individus ou, ce qui arrive plus souvent, pour les collectivits, cela ne peut treappel conversion : nulle remise en cause des cultes et des croyances antrieures. Simplement,le nouveau sajoute lancien, ils sont dposs tous deux cte cte, quand il ny a pas, mme,fusion.

    2 Certains cultes, nanmoins, relevant du pan mystique de la religion grecque, impliquentquelque chose qui se rapproche dune vritable conversion : on songe linitiation auxMystres, qui fait de limptrant un homme nouveau, ou au culte de Dionysos.Les BacchantesdEuripide mettent en scne des personnages la famille mme du roi Penthe, alors que celui-ci refuse de se soumettre au nouveau dieu qui cdent brusquement Dionysos, abandonnentla vie quils menaient jusque l et sen vont courir les montagnes en criant voh ! . Mais iciencore, il manque le rejet des autres croyances, la lumire descendue du ciel sur quelque route

    de Syrie pour chasser les tnbres. De retour dleusis, liniti prendra sa place dans le cortgedes Panathnes ; Dionysos nexclut pas Apollon : ils cohabitent, comme ils le faisaient, parexemple, dans le sanctuaire de Delphes.

    3 Pas de concept, pas de nom non plus (comme, dailleurs, pas de mot correspondant strictement ce que nous entendons par religion ). De l, les difficults rencontres par les auteurschrtiens de lAntiquit tardive pour nommer la conversion au christianisme. Dans une tudequil a consacre rcemment ce sujet1, Jean Bouffartigue ne recense pas moins de vingt-deux termes ou expressions dans la langue grecque, comprenant non seulement epistroph, retournement vers , mot qui a fini par se spcialiser au sens de conversion, mais touteune srie de formules plus ou moins images : capture la chasse , croissance , soumission , acqurir la connaissance de , changer , se mettre croire ,

    rejoindre , sajouter , et dautres encore.4 En revanche, il existe bel et bien un type de conversion dans ce monde paen, la conversionphilosophique, et plus prcisment la conversion la philosophie. On devine que cest uneaventure qui est arrive trs tt dans lhistoire : un homme quitte le monde immdiat pourun autre monde, plus vrai, celui de la pense. Si lon met de ct les supputations sur lesorigines pour se tourner vers des cas avrs, le modle est socratique. Un jeune Athnien,de famille aise, jouisseur ou rvant une carrire politique, un jour quil se rend lAgora,se voit barrer le passage par Socrate et abandonne tout pour suivre le sage2. Ou encore,cest un homme englu dans une condition misrable et honteuse qui sen trouve sauv(Phdon). La philosophie de Socrate est dailleurs par essence une philosophie de conversion,de passage de lautre ct des apparences quotidiennes. De l, deux types de conversionpeuvent tre dfinis. Dans un premier cas, elle est un couronnement, laboutissement et le butdun enseignement qui dure plusieurs annes. Cest ainsi que la voient Platon et Aristote3,philosophes-professeurs, mais aussi la tradition pythagoricienne, dans laquelle une longue

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    ascse est ncessaire, commenant par une priode de silence. Cette ide dune conversionaprs tudes, fruit du travail et de la patience court tout au long de lAntiquit, ainsi dans laVie dApollonios de Tyaneou chez les noplatoniciens.

    5 La mouvance cynico-stocienne qui a pris de lampleur lpoque impriale prne linverseune conversion initiale, point de dpart de la pratique de la philosophie ; elle est, curieusement,plus fidle au modle socratique que les coles de filiation socratique directe4. Elle agit sur unjeune homme dbauch ou tout occup des affaires du monde et se produit par le hasard dune

    rencontre avec des hommes dexception, directement ou par lintermdiaire dun livre. Cestainsi que lon raconte que Znon, le fondateur du Portique, ayant dbarqu Athnes en tantque commerant chypriote, entra dans une librairie, y tomba sur un passage desMmorablesde Xnophon, demanda aussitt si lon pouvait rencontrer les gens dont parlait ce livre, etabandonna le commerce pour la philosophie. Cest un blouissement, on serait tent de dire : uneffet de grce divine. Aussitt, le converti rejette tout ce qui faisait son ancienne vie. CommeCrats, il distribue ses biens aux pauvres ; comme Hipparchia, il se dpouille de ses vtementslgants ; comme Chrysippe, il se dbarrasse des armes auxquelles il sexerait jusque l tousles jours. Comme Monime, aprs sa rencontre de Diogne, il jette par les fentres largentde sa banque, et tout le monde le croit pris de folie. Lanalogie nest pas troublante, maisde ncessit : non seulement le christianisme nat et grandit dans cette atmosphre, mais les

    premiers intellectuels chrtiens tiennent inscrire leur foi non dans le cadre de la religion,mais dans celui de la philosophie. Le premier et le plus clbre dfenseur de cette conceptionest Justin, mais il ne fait pas exception : chez la plupart des apologistes et des Pres,althsphilosophiaou vera philosophiadeviennent des priphrases topiques pour christianisme .

    I. Naissance dun problme6 Le cursus scolaire labor lpoque hellnistique et devenu la rgle dans tout lempire

    romain, y compris en Occident, est trois tages : aprs avoir appris lire et crire chezle grammatiste, les enfants dont les parents ont les moyens de leur payer des tudes vontdabord lcole du grammairien, puis, ladolescence, celle du sophiste5. Au terme de cetteducation (paideia) on a acquis la culture classique (paideia, le mot est le mme), signe de

    reconnaissance des lites. On fait partie despepaideumenoiqui furent si en honneur au tempsde la Seconde Sophistique (fin du Ier-IIesicle ap. J.-C.). Lucien raconte que, tout jeune, alorsquil hsitait sur la carrire quil devait embrasser, il vit paratre en songePaideiasous lestraits dune belle jeune femme. Elle lincitait la suivre en lui promettant gloire, richesse etinfluence et concluait : Sil arrive tes amis ou mme la cit tout entire quelque chosequi mrite dtre trait srieusement, cest vers toi que tout le monde se tournera6.

    7 Or cette paideia est imprgne de religion traditionnelle : chez le grammairien dontlenseignement est base de posie, principalement homrique, llve se remplit demythologie ; chez le sophiste, il apprend que pour convaincre, il faut tablir leconsensusavecson auditoire, donc adopter le langage commun paen , les valeurs communes paennes.Les arguments dautorit se fondent en dernier recours sur les dieux ; les enthymmes et les

    paradigmes sur la pit, les sacrifices et le kosmospaen. Si la manire dont lapaideiaestpaenne nest pas exactement la mme que celle dont la culture mdivale fut chrtienne cest un tressage intime, non un rapport dessence , le lien est serr. Mais, pendant les troispremiers sicles du christianisme, on ne saurait dire que conversion etpaideiaconstituent unequestion cruciale. Dabord, la conversion des lites cultives reste un phnomne limit, quine touche que des individus isols, quelle que soit la valeur ou la position de ces individus.Ensuite, se convertir au christianisme, cest se mettre en marge de la socit et de sa culture.Lepepaideumenosqui se convertit sort de lapaideia, dlibrment ou sans y faire attention,parce quil labandonne pour un souci plus haut qui accapare son attention ; il en est sorti aussiaux yeux des autres, qui le voient comme dchu. Se trouvant dsormais lcart, cet cartemplit sa vie ; il est comme un homme sorti dune maison qui voit celle-ci du dehors et nestplus en position de sintresser son amnagement intrieur. Certes, certains apologistes sesont pos la question, et par dfinition, puisque lapologie consistait en partie donner uneplace au christianisme au sein de lapaideiapour que lespepaideumenoipuissent envisager de

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    se convertir sans se renier eux-mmes. Mais cela restait marginal dans la socit, ne touchantque quelques cercles dintellectuels chrtiens Rome et Alexandrie.

    8 Tout change partir de la conversion de Constantin. La rvolution nest pas immdiate, en 312,mais progressive, au long du IVesicle. Il serait absurde de fixer une date sparant radicalementlavant de laprs, mais on finit par se trouver dans une situation inverse : partir dun certainmoment, se convertir revient sortir de la marginalit. Cest se placer dans laxe de la socit,se ranger du ct de lavenir, et du pouvoir. On devine (et on peut en reprer quelques cas

    indubitables) quil y eut alors beaucoup de conversions par intrt, les mmes personnagesapostasiant dailleurs quand Julien fut empereur. Cest aussi lpoque o se produisent desconversions en masse. Certaines taient spontanes, dautres forces. Marc le diacre, danssa Vie de Porphyre, 72-74, tmoigne de celles qui furent ainsi imposes Gaza : lvquePorphyre, aprs avoir hsit, dcide de les reconnatre, estimant quaprs tout elles pouvaientaboutir des conversions authentiques et que la contrainte tait acceptable si elle conduisait aubien. La conversion est donc devenue la rgle, le christianisme majoritaire, dans une socitdont la culture est lapaideia, toujours paenne quant elle. Paradoxe.

    9 Se pose donc un problme de hirarchie dans le domaine culturel. De plus, lglise veutprendre en charge tout ce qui nest pas la vie matrielle, en sorte quelle empite sur leterritoire de lapaideia. Elle sempare de ce qui en relevait au premier chef, commencer par

    lducation7

    . La philosophie avait eu elle aussi cette prtention, mais elle la manifestait delintrieur de lapaideia, ce qui tait acceptable, malgr de vifs dbats avec la sophistique8.Et surtout, la philosophie ne soccupait que de quelques initis, un petit nombre de personnesdont la mise lcart ne faisait courir aucun danger la domination de la culture traditionnellesur la majorit. LAntiquit tardive, en particulier le IVesicle, se pose donc cette question :quelle attitude tous ces convertis doivent-ils adopter vis--vis de lapaideia? Corollairementet par raction, la conversion pose un problme auxpepaideumenoiqui ne se convertissentpas, ou du moins ne sont pas encore convertis. On ne stonnera pas, tant donn les termesdu problme, que ces trois solutions aient t envisages : lexclusion, la concurrence et lacomplmentarit. Mais il faut noter quelles ne sont nullement exclusives les unes des autres,les mmes auteurs les prnant simultanment. Nanmoins, le mouvement gnral, entre le

    dbut du IVe

    sicle et la fin du Ve

    , va de la premire la troisime, en passant par la deuxime.

    II. Lexclusion mutuelle10 Lide selon laquelle la conversion implique le rejet catgorique de lapaideia trouve ses

    modles dans le mouvement anachortique n en gypte la fin du IIIesicle. Celui qui devientchrtien abandonne le monde cultiv des villes pour sinstaller dans le dsert. Il ne saurait rienen emporter, surtout que le peu de temps qui reste, croit-on alors, avant le Jugement nest pas gaspiller pour acqurir de vaines connaissances alors que la seule vraie est conqurir sansaller lcole. Lapaideiaest un riche vtement (cest presque littralement ce quelle disaitelle-mme dans le songe de Lucien9), mais Dieu vous veut nu. Lapaideiaest un instrumentde vie parmi les autres hommes, mais Dieu vous veut seul dans le dsert. Dailleurs, ces

    gens qui sen vont sont souvent analphabtes (du moins en grec), commencer par lillustreAntoine, dont la Vie crite par Athanase dAlexandrie fut vite le brviaire des convertis10,jusque chez les dames romaines des grandes familles qui abandonnaient tout pour se rendredans les sables dOrient11. linfluence de ce modle sajoute sans doute un effet dantilepse,ce procd rhtorique qui consiste revendiquer comme honneur ce que ladversaire vousreproche comme faute : au mpris manifest par lespepaideumenoipaens, le converti rponden senorgueillissant davoir choisi lignorance et il mprise son tour ce dont ils se sententsi fiers. Quand on na pas la chance dtre n paysan dgypte, on peut sefforcer au moinsde renier ce quon a appris. Telle est la conversion : il faut dtruire le vieil homme pour fairenatre le nouveau.

    11 De plus, la venue du Christ a dmontis toutes les valeurs qui avaient cours avant lui. Passerde son ct impose non seulement de changer de hirarchie, mais encore de remettre en causetout ce quon prenait pour des savoirs, de mme que suivre Socrate, ctait cesser de croire la richesse et la russite sociale comme souverain bien. Dans sa misre davant le Christ,

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    lhomme avait essay de surnager en saccrochant aux dbris incertains du savoir quil pouvaitrecueillir par lui-mme. Mais dsormais, il y a la Bible, qui contient tout ce qui peut tre connude lhomme, un savoir cette fois garanti par Dieu et non par la vacillante raison humaine.Le mme raisonnement fut prt plus tard et par des chrtiens ! au conqurant musulmandAlexandrie dcouvrant la fameuse bibliothque : si ces connaissances se trouvent dj dansle Livre, il suffit de lire celui-ci ; si elles ne sy trouvent pas, elles sont fausses et dinspirationdiabolique. La culture peut mme tre perue comme un obstacle la conversion, et certains

    en voyaient la preuve dans le fait que les coles de philosophie et de rhtorique furent deslots de rsistance la christianisation, jusquau rgne de Justinien. On a gard la trace de cequil y eut des rticences et l accepter un vque trop plein depaideiapour quil restten lui assez de place pour la foi. Les historiens ecclsiastiques Socrate et Sozomne racontenttous deux quEusbe dmse, de noble famille et dot dune solide formation en littraturegrecque, fut accus par le peuple de sa cit de pratiquer lastrologie et pour cela chass deson sige piscopal12. Plus tard, en 387, les chrtiens dAntioche se tournent de prfrence entemps de crise vers le moine inculte Makdonios descendu de la montagne dsertique pluttque vers le troppepaideumenoset trop urbain vque Flavien13.

    12 Cest sur cet axe que se situe la fameuse exclamation dvagre le Pontique : Bienheureuxcelui qui est descendu dans lignorance infinie 14. Jean Chrysostome dnigre la science

    des Grecs , lloquence des discours et lhabilet produire des sophismes , incapablesdatteindre la vrit laquelle les paysans et les simples parviennent directement par leurconversion15. Le motif est courant dans la littrature chrtienne du IVesicle. Mme Eusbede Csare, le plus grand artisan de ladaptation de la philosophie grecque au christianisme,il arrive de dclarer lducation et linstruction athes et mensongres 16. Dans la ViedAntoine, Athanase raconte plusieurs visites faites lermite par des savants qui veulentmoquer son ignorance. Mais le paysan gyptien leur cloue le bec en une vritable dialectiquesocratique : il leur fait reconnatre que lesprit prcde les sciences et que celles-ci ne sontdonc pas ncessaires celui qui a lesprit sain, que la connaissance de Dieu sacquiert bienmieux par la foi que par les dmonstrations logiques17.

    13 Il ne faut pas un grand effort dimagination pour comprendre que cette attitude renforce la

    conviction chez les lettrs paens de ce que le christianisme est un obscurantisme. Dans les1544 lettres et 64 discours conservs de Libanios, il ny a pas une seule rfrence la littraturechrtienne, pour lui nulle et non advenue. Elle est manifestement hors duchamp de la culture18.Le seul paen qui lui prte attention pour la combattre est Julien. Cest, comme on sendoute, pour la couvrir de sarcasmes, dans son Contre les Galilensou dans les attendus desa loi sur les professeurs19, o il invite ironiquement les professeurs chrtiens abandonnerHomre pour commenter les beauts stylistiques de Mathieu et Luc.

    III. La concurrence

    14 La conversion se substitue lapaideiacomme mode dacquisition de la connaissance ; elle esten cela rvolutionnaire. Comme on la vu propos du modle fourni par Antoine, lignorantqui se met croire devient instantanment savant. Il est dsormais capable de soutenir et victorieusement un combat intellectuel contre ceux qui ont t longuement polis par lapaideia. Il ne sagit pas seulement de la conversion au christianisme : dans son Discourssur Hlios Roi, Julien laisse percevoir la mme conception il est vrai que Julien est unpaen trs chrtien. La connaissance dHlios lui est venue, dclare-t-il, directement et nonpar les livres20. La connaissance vritable des dieux est de lordre du non-appris et repose surlexistence en nous dun principe divin. Comme le montre Jean Bouffartigue, il suffit queDieu brise les chanes qui emprisonnent lme et, comme le dit joliment Julien, "la scienceest l aussitt"21. Trs logiquement, dans sa rforme du clerg paen, il donne pour critrede recrutement des prtres la moralit et la pit, mais peu importe que les lus soient peulettrs ; et il ajoute ces considrations un index des livres dont la lecture leur est interdite22.La conversion donne comptence enseigner au autres en tous domaines, puisque celui de laconnaissance de Dieu (ou des dieux) les passe tous et les englobe tous.

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    15 Au contraire, les sophistes exaltent la valeur du travail, ce quils appellentphiloponia, travaillent qui dure des annes, indispensable lacquisition ou plutt limprgnation de lapaideia. Savoir poser les questions, savoir les rsoudre, savoir convaincre, cela ne sobtient pasen un jour. Libanios raconte ainsi comment ses bons lves travaillaient, sacharnant tudierle discours du matre, et le texte tait pour eux, pendant trois ou quatre jours, loccupationunique 23. Ailleurs, il fait lloge des vertus libratrices de ce travail opinitre24. La diffrenceentre les deux conceptions peut sapprcier quand on compare les rcits faits de la conversion

    de Julien par lempereur lui-mme et par son ami Libanios25.16 Y a-t-il aussi concurrence sociale ? En dautres termes, la conversion peut-elle remplacer

    la paideia comme diplme permettant daccder aux places ? On est tent de rpondrepar laffirmative si lon considre dune part les plaintes formules par Libanios contreles empereurs qui naccordent plus autant de valeur que par le pass la culture dans lerecrutement des gouverneurs et autres importants fonctionnaires ; si lon tient compte dautrepart de la manire dont un Constance II sest appuy de prfrence sur un personnel dhumbleorigine mais chrtien26plutt que sur les aristocrates paens. On devine (et lon en a parfoisla trace) que certains se convertirent pour appuyer leur carrire. Mais il serait excessif denfaire un systme : les formations concurrentes dont se plaint Libanios, sont surtout cellesdu droit, de la connaissance du latin et des savoirs techniques (secrtariat, tachygraphie)27.

    Inversement, il ne semble pas que Julien ait particulirement recrut ses hauts fonctionnairesparmi les pepaideumenoi. Le plus probable est que ce qui intressait au premier chef lesempereurs (et cela ds le Haut-Empire), ctaient la comptence et lobissance. Le seul postespcifiquement ouvert au converti tait celui dvque.

    La complmentarit

    17 Lide quon puisse concilier conversion et culture traditionnelle avait dj t dfendue parles Apologistes. La nouveaut du IVesicle est dans linversion de la perspective : ce nestplus, de la part des chrtiens, apologie de la conversion, mais apologie de lapaideia, cest--dire sa justification et son intgration titre de propdeutique de la conversion. Mme si lerejet et le mpris nont jamais totalement disparu mais souvent plus par pose provocatriceque par sentiment authentique , cest ce parti de conciliation qui a fini par prvaloir. Il a fondnotre culture. Outre le prestige de la culture classique, encore bien vivant et maintenu vivantpar lcole , jusqu lextrme fin de lAntiquit (VIesicle), et le fait quon ne se dbarrassepas facilement de quelque chose qui avait occup si longtemps tant de place, jy vois deuxraisons principales :

    18 1. quelques individus la foi seule peut suffire, jusqu tenir lieu de boire et manger. Mais unesocit entire ne peut se passer de culture, de ce que Dorothe de Gaza, au VIesicle, appelle la paideia du dehors 28, cest--dire profane. Les coles continuent, la vie quotidiennecontinue et, puisque la fin des temps ne semble plus si proche, il faut pourvoir ces besoins.

    19 2. Les Pres du IVesicle et leurs successeurs, la plupart des vques et des autres cadres delglise sont issus de lapaideia, mme ceux qui tonnent contre elle. Mieux, ils ont t tentsde faire le mtier dy former les jeunes gens, et parfois ont rellement exerc ce mtier : Basilede Csare et son frre Grgoire de Nysse, fils dun sophiste et forms par lui, furent un tempssophistes ; Grgoire de Nazianze fut un lve enthousiaste et brillant29; Jean Chrysostome, dontla matrise de la techn rhetorikest vidente, garda bon souvenir de son professeur paen30;Svre dAntioche fut envoy Alexandrie pour tudier la grammaire et la rhtorique, tantgrecques que latines31; il en fut de mme pour Grgoire le thaumaturge32; au VIesicle, encore,Dosithe appliqua ltude des lettres la mme passion quil devait ensuite consacrer sa foi33.Ne voyons ici aucun paradoxe : il ny avait quune seule culture dans tout lempire et, puisqueles grands auteurs chrtiens taient forcment des hommes cultivs, ils taient ncessairementpasss par l. Quand ils critiquent lapaideia, ils le font avec les armes dont elle les a munis sinon, ils nauraient pu formuler leur mpris, et nous naurions pas les textes, y compris laVie dAntoine.

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    20 Cest un auteur latin (mais vivant en Orient et connaissant fort bien le grec), Jrme, qui donnela meilleure formulation de cette attitude nouvelle, tout en prenant soin de ltayer sur unerfrence biblique :

    Quoi dtonnant si, avec la culture profane, pour la grce de son loquence et la beaut de sesmembres, je dsire faire moi aussi dune servante captive une femme dIsral ? Si je lamputeou la rase de tout ce qui est mort en elle, lidoltrie, la volupt, lerreur, les dbauches, et que,munissant son corps entirement purifi, je lui fasse des enfants vrais serviteurs du Seigneur

    Sabaoth34

    ? 21 Et le brviaire est constitu par le petit trait de Basile,Aux jeunes gens sur la manire de tirer

    profit des lettres hellniques. Lide directrice est la mme : il sagit de couper le cordon quirelie la culture la vieille religion, lopration prsentant en outre lavantage de priver cettereligion de son dernier appui35. La mtaphore utilise par Jrme dune purification rituellesuivie de ce qui est somme toute un viol est prendre presque littralement : il faut effacersur le corps de lapaideiatout ce qui rappelle son origine, puis imprimer une marque nouvellesur ce corps et finalement lutiliser comme arme contre lancien matre. Basile prconise lemme travail de dcoupage et de tri, en des termes emprunts un autre registre : cestentirement limage des abeilles que nous devons tirer parti de ces ouvrages. Elles ne vontpas galement toutes les fleurs ; de plus, celles sur lesquelles elles volent, elles ne tchent

    pas de les emporter tout entires36. La thse dfendue par cespepaideumenoiecclsiastiquesest mme que lapaideiaest une prparation du jeune homme recevoir les vrits sublimes :

    En attendant que lge nous permette de pntrer dans la profondeur de leur ( =des Saints Livres)sens, cest sur dautres livres qui nen sont pas entirement diffrents, comme sur des ombres etdes miroirs, que nous nous exerons pas lil de lme, limitation de ceux qui se prparentau mtier des armes, et qui, ayant acquis de lhabilet dans la pantomime et la danse, au jour ducombat, recueillent le fruit de leurs jeux Il faut frquenter potes, historiens, orateurs et toushommes chez qui il y aura quelque utilit pour le soin de notre me37.

    22 Et Basile, aprs cette phrase dont la structure est typique des productions dcole, de multiplierles paradigmes la manire dun sophiste dveloppant une argumentation morale. Lapaideiafournit non seulement les armes aux soldats du Seigneur Sabaoth (la rhtorique), mais

    aussi une propdeutique la morale chrtienne (les philosophes et les grands hommes delhistoire grecque). Sont ainsi enrls, entre autres, Homre, Pricls, Socrate et Diogne, quiconstituent, pourrait-on dire, des esquisses de Jsus38. Comme nombre dvques du IVesiclesont issus de familles aises paennes, les Viesdes saints (quand il ne sagit pas danachortesincultes selon le modle dAntoine) prsentent parfois la conversion de leurs hros comme lecouronnement venant au bout dune ducation soigne. Cest par exemple le cas de Grgoire lethaumaturge et de Svre dAntioche39. Comme lAugustin des Confessions, le jeune homme,parvenu au terme de ses tudes brillantes, dpassant ses matres, connaissant tout ce quonpeut savoir des sciences du dehors , ressent nanmoins de linsatisfaction. Il se trouve lui-mme incomplet, jusqu ce quil dcouvre quil est une autre science, sublime, qui dpasseet englobe tout ce quil avait pu apprendre.

    23 On constate qu partir de la fin du sicle les auteurs chrtiens nprouvent plus le besoinde justifier par les rfrences bibliques ou coup darguments multiplis et parfoissophistiqus leur fidlit lapaideia. Dj, Grgoire de Nysse explique un professeurpaen quil est le disciple de deux coles la fois : lune, qui lemporte de beaucoup, est celledes vangiles et des crits de Paul, lautre celle des sophistes40. Dsormais, non seulement ilest parfaitement licite pour un homme dglise dtre unpepaideumenos, mais encore cestdevenu un pralable quasi indispensable pour accder la dignit de Pre de lglise, commeen tmoignent, avec les Vies, lesHistoires ecclsiastiques.Quitte avoir frquent les colespaennes, autant avoir reu les leons des sophistes les plus clbres : on prte pour lvessoit Himrios, soit Libanios (et non quelque professeur moins illustre), soit aux deuxsuccessivement, Grgoire de Nazianze, Basile de Csare, Grgoire de Nysse, Thodore deMopsueste, Maxime de Sleucie, Jean Chrysostome et vagre dAntioche41. Et, pour confirmerce qui semblait une certitude (les saints ne pouvaient pas avoir t privs du meilleur), on a

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    reconstitu la correspondance cordiale que navaient pas manqu dentretenir, croyait-on, unBasile et un Libanios et ce dernier avec Jean Chrysostome42. Aux sicles suivants, la questionde la cohabitation de la foi et de la culture lintrieur du mme homme ne se pose plus43. Lesauteurs de lcole de Gaza, au VIe, sont tout naturellement et sophistes et thologiens44. Pendanttoute lhistoire de Byzance, on a lu et copi les uvres des Pres dans la double intention dytrouver des leons de christianisme et des leons de rhtorique : ainsi, les manuscrits runissantthorie pistolaire et florilge de pices imiter, si priss par les Byzantins, mlent lettres des

    grands auteurs paens et lettres des Pres du IVesicle, les mmentos techniques dinspirationscolaire et les conseils donns en la matire par Grgoire de Nazianze45.

    IV. Contrepoint : la rtroconversion

    24 Au IVesicle, avant que la solution de la complmentarit ne ft devenue la rgle, sest faitjour nanmoins la crainte, lisible tant dans les mises en gardemesures de Basile que dans lesattaques violentes dun Jean Chrysostome46, que les sductions de lapaideiane dtournent dela vraie voie les chrtiens ou ceux qui sont destins le devenir, bref quelles ne conduisent lapostasie : il faut , dit ainsi Basile, de toute notre vigilance surveiller notre me pourqu cause du plaisir pris aux lettres nous nabsorbions pas notre insu des principes mauvais,

    comme les gens qui avalent des poisons avec le miel

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    . Telle est prcisment la pense deJulien et plus encore de Libanios, ceci prs quen gens du dehors , ils nemploieraientpas le mot dapostasie, dont usent ceux du dedans pour fltrir ce quils voient comme unetrahison : il vaut donc mieux parler de conversion inverse ou de rtroconversion . En toutcas, le raisonnement est celui-ci : si, comme le rpte avec insistance la littrature chrtienne,la conversion est possible dans un sens, elle lest ncessairement dans lautre. poque deconversions en masse, le IVesicle fut aussi dans une bien moindre mesure bien entendu,mais quand mme en nombre non ngligeable48 celle de rtroconversions. Le court rgnede Julien fut le moment o celles-ci abondrent. Deux cas sont clbres : lvque Plage quidemanda son admission parmi les prtres du paganisme rform par Julien49, et le sophistekbolios, ancien professeur de lempereur, qui suivit la voie trace par son lve, puis, aprs

    la mort de celui-ci, revint publiquement au christianisme en se roulant dans la poussire devantlentre dune glise et en invitant les fidles le pitiner pour sa mortification. Socrateraconte cette anecdote pour donner un exemple des nombreuses apostasies qui eurent lieu sousJulien50. Mais le phnomne ne parat pas se limiter aux vingt-deux mois de la restauration dupaganisme tente par cet empereur. On note en effet dans le Code Thodosienla prsence dedix lois successives de Thodose Iersanctionnant lapostasie, indice de ce qu la fin du siclela rtroconversion ntait pas rare. Le successeur de Thodose, Arcadius, en promulgue encoreune, et deux autres sont signes de son propre successeur, Thodose II, en plein Vesicle51.

    25 La culture a-t-elle, comme le craignait Basile et lesprait Libanios, jou un rle dans cesrtroconversions ? Bien difficile de le savoir, faute de sources, si lon excepte laffirmation deJulien selon laquelle lacquisition de la culture fait automatiquement renoncer l athisme

    tout chrtien qui nest pas perverti de nature

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    . On mettra plutt en cause lintrt sous lergne de Julien et, sous les empereurs chrtiens, le contrecoup de conversions obtenues parla force ou opres par pur intrt. La seule conversion inverse dont on sache un peu quelquechose est celle de lApostat . Tt orphelin, il commena sa formation Constantinople,puis passa quelques annes en relgation dans le chteau de Macellum en Cappadoce, sousla responsabilit de lvque homen Georges. Puis il reprit ses tudes Constantinople et Nicomdie, avec kbolios pour professeur53. lge de vingt ans, ayant obtenu des empereurs(son cousin Constance et son demi-frre Gallus) une certaine libert de mouvement, il allatudier la philosophie dans la province dAsie et cest ce moment que se situe sa conversion,bien quil ait t contraint de la garder secrte pendant de nombreuses annes encore.

    26 Pour Libanios, il ny a pas de doute : cest son travail opinitre pendant ses annes depaideiaet la frquentation des lettres qui conduisirent Julien connatre les vrais dieux et rejeterle faux54. Ce que dit Julien lui-mme est moins clair, mais semble aller dans le mme sens :bien quil parle, comme on la vu plus haut, dune illumination subite confre par Hlios, les

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    analphabte, mais simplement non lettr , cest--dire non frott depaideia.Certes, peutdsigner dans certains contextes, par effet de synecdoque, la culture littraire. Mais cela ne semblenullement tre le cas ici, dautant quAthanase prcise ensuite que la seule cole de son hros fut dcouterles lectures quon faisait lglise et den conserver la mmoire, mmoire qui, dit-il plus loin, luitenait lieu de livres ( , op. cit., 3, 7). Peu importe dailleursque le vritable Antoine ait su ou non lire et crire en grec : cest en tant que saint qui navait dautreconnaissance que sa foi et ce quil entendait lire lglise quil a t pris pour modle et cest ainsi quesa Viea t lue.

    11 Et lon sait le rle jou par cet ouvrage dans la conversion dAugustin (Confessions, VIII, 6-8).12 Socrate, HE, 2, 9 ; Sozomne, HE, 3, 6. Les accusations de pratiquer lastrologie, la magie etlinvocation des dmons sont appliques systmatiquement par les milieux populaires chrtiens ceuxquon voit lire des livres non chrtiens, en particulier aux philosophes.

    13 Voir les analyses dEmmanuel Soler,Le sacr et le salut Antioche, p. 516-524 (thse).

    14 Evagre, Kephalaia gnostica, 3, 88 : . Je laissede ct les interprtations thologiques auxquelles cette phrase peut prter (en atteignant linfini delignorance, on sapproche de linfini de Dieu et, par l, cette ignorance est science). De plus, il faut tenircompte de de la modalit et de lobjet : lvidence, vagre ne prne pas lignorance entire et de tout.

    15 Jean Chrysostome,PG61, 33 : ... .

    16 Eusbe,Prparation vanglique, 15, 42, 16.

    17 Vie dAntoine, 25-26.18 Libanios nest pasmuet sur les chrtiens, mais il nvoque que leurs actes ou leur influence, jamaisil ne les apprhende comme auteurs. Pourtant, il me parat impossible quil ait ignor lexistence decette littrature, quil nait pas su qu Antioche mme, quelques pas de son cole, on prononait deshomlies et quon usait pour cela dloquence (en imitant ses propres uvres).

    19 Julien,Lettres, 61c (Bidez = 42 Hertlein).

    20 Disc.XI, 1 ( = 131A).

    21 J. Bouffartigue, Lempereur Julien et la culture de son temps, Paris, 1992, p. 593 ; voir aussi lesp. 644-646.

    22 Lettres, 89.

    23 Disc.III, 17.

    24 VoirDisc.XXIII, 21.

    25 Voir le dtail enfin de la prsente tude.

    26 Voir ltude de Ch. Vogler, Constance II et l'administration impriale, Strasbourg, 1979. Libanios,de son ct, se flicite que Julien ait confi des postes importants des hommes de culture (Disc.XVIII,158).

    27 Il est vrai que, vivant sous des empereurs chrtiens, il pouvait difficilement protester ouvertementcontre le christianismeet quen affirmant que tel gouverneur est inculte il pourrait vouloir dire quil estdu nombre de ces incultes que sont les chrtiens.

    28 Vie de Dosithe, 105 : . La formule nest pas nouvelle : Basile de Csare, Auxjeunes gens sur la manire de tirer profit des lettres hellniques, 4, parle de connaissances du dehors , .

    29 VoirPomes, II, 1, 96

    30 Voir une jeune veuve, 104.

    31 Zacharie le scholastique, Vie de Svre, 11-13 (Kugener).

    32 Grgoire de Nysse, Vie de Grgoire le thaumaturge, 10-12.

    33 Op. cit., note 28. Jarrte l une liste dexemples qui pourrait tre plus longue. Dans le mondeoccidental, on songera au cas dAugustin, dont les ambitions et le dbut de carrire dans le domaine delapaideiasont voqus par les Confessions.

    34 Jrme,Lettre70, lorateur Magnus : Quid ergo mirum, si et ego sapientiam saecularem proptereloquii venustatem,et membrorum pulchritudinem, de ancilla atque captiva Israelitidem facere cupio ?et si quidquid in eamortuum est, idololatriae, voluptatis, erroris, libidinum, vel praecido, vel rado, etmixtus purissimo corpori vernaculos ex ea genero Domino Sabaoth ? Le rviseur du prsent article mesignale quOrigne stait dj rfr la belle captive pour dfendre des ides analogues.

    35 Julien et Libanios, par ailleurs assez divergents en matire religieuse, se rejoignaient dans leurtentative de sauver la vieille religion par la culture : le premier, on la vu, voulait rserver lenseignementde la seconde aux paens, le second les disait toutes deux indissolublement surs .

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    36 Basile,Aux jeunes gens, 4, trad. de F. Boulenger. Le style de Jrme est ici biblique, celui de Basiletypiquement tributaire de lapaideiagrecque.

    37 Basile, op. cit., 2, trad. de F. Boulenger (modifie).

    38 Voir Basile, op. cit., 5, 7, 9.

    39 Grgoire de Nysse, Vie de Grgoire le thaumaturge, 16 ; Zacharie le scholastique, loc. cit.

    40 Grgoire de Nysse,Lettres, 13.

    41 Cest ce quaffirme en particulier Socrate le scholastique,Histoire ecclsiastique, 4, 26 et al. loc.

    42 La correspondance, probablement apocryphe, de Basile et Libanios a t publie avec les lettresauthentiques de Basile dans la Cuf (Belles Lettres). Le corpus pseudpigraphique de Libanios, publi parFrster (coll. Teubner) comprend une pice dans laquelle Libanios est cens fliciter Jean Chrysostomepour son art rhtorique.

    43 Jusqu sa rsurgence, sous une forme diffrente, au temps de Gmisthe Plthon (XVesicle).

    44 Lloge de Procopede Chorikios de Gaza (Disc.8), la fois loge dun brillant sophiste et logedun grand thologien, en donne la preuve la plus explicite.

    45 Voir A.-J. Malherbe,Ancient Epistolary Theorists, Atlanta, 1988 ; P.-L. Malosse,Lettres pour toutescirconstances. Les traits du Pseudo-Libanios et du Pseudo-Dmtrios de Phalre, Paris (Belles Lettres),2004.

    46 Voir, entre autres, ses propos dans sonHomlie sur Babylas.

    47 Basile, op. cit., 4 (trad. de Boulenger modifie).

    48 On le devine plutt quon nen a la preuve, car nos sources sont presque exclusivement chrtiennes.

    49 Julien,Lettres, 79 (Bidez-Cumont).

    50 Socrate,Histoire ecclsiastique, 3, 13.

    51 Signalons en Occident le tmoignage du Carmen ad senatoremdu Ps.-Cyprien, qui semble devoirtre dat de la fin du IVesicle voir J.-M. Poinsotte, Le consul de 382, Fl. Claudius Antonius, fut-il unauteur antipaen ? ,Revue des tudes Latines60 (1982), p. 298-312. Lauteur chrtien anonyme dplorelapostasie dun snateur romain qui, apparemment, stait antrieurement converti du paganisme auchristianisme.

    52 Cette affirmation appartient un ouvrage polmique, le Contre les Galilens, 229C : ( =) ' ( = ) .

    53 Les annes de formation de Julien ont t tudies avec prcision par Jean Bouffartigue, op. cit.(n. 21), p. 13-49.54 Libanios,Disc.12, 33. Voir aussi leDisc.18, 18.

    55 Julien,Lettres, 106 et 107 (Bidez-Cumont).

    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Pierre-Louis Malosse, Conversion et culture dans le monde grec du IVesicle ap. J.-C. , Cahiersdtudes du religieux.Recherches interdisciplinaires[En ligne], 7 | 2009, mis en ligne le 26 octobre2009, consult le 19janvier 2016. URL : http://cerri.revues.org/473 ; DOI : 10.4000/cerri.473

    propos de l'auteur

    Pierre-Louis Malosse

    Matre de confrencesHDR de grec, Universit Paul Valry - Montpellier 3, Laboratoire EA 4424CRISES

    Droits d'auteur

    Tous droits rservs

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    Rsums

    Rarement la conversion concept, vnement, acte a tenu une place telle quau IVesicle aprs Jsus-Christ, dans les annes qui mnent de la conversion dun empereur(Constantin) celle de lempire. Dans le monde oriental, domin par la culture hellnique, laconversion religieuse rencontre un modle depuis longtemps reconnu, celui de la conversionphilosophique (ou la philosophie). Entre l'une et l'autre, il existe une certaine porosit,plus ou moins consciente, comme l'attestent en des directions opposes le cas des milieuxphilosophiques alexandrins y compris peut-tre Arios , ou celui de Julien. D'autre part, l'ore du IVe sicle, la conversion chrtienne a dj une longue histoire. La nouveautde l'Antiquit tardive, outre le changement d'chelle, du petit nombre la masse et dumarginal l'officiel avec le soutien de l'tat, est de poser la question du rapport de laconversion religieuse la culture traditionnelle, question qui ne se posait pas propos de laconversion philosophique, puisque celle-ci tait une composante de cette culture, question quise pose particulirement au moment o les convertis prtendent prendre en charge la culture.Plus prcisment, il s'agit d'une confrontation avec la paideia, concept qui embrasse et unittroitement culture et ducation. Chez les auteurs qui sy rfrent, que ce soit explicitementou implicitement, la conversion se dfinit par rapport la paideia tour tour en termes

    dexclusion, de concurrence et de complmentarit.

    Conversion and culture in the 4th century AD Greek world

    Conversion as a concept, as an event and as a deed was seldom as imporant as it was duringForth Century AD, from the conversion of an emperor (Constantine) to the conversion of thewhole Empire. In the Greek speaking and thinking East, religious conversion came acrossphilosophical conversion model, which had been known and admitted for a long time. So,philosophical conversion could affect religious one, and, at the beginning of Fourth Century,christian conversion was not something new. But the novelty is the stress on the problemof relations between conversion and traditional culture, which was called thenpaideia (i.e.education and culture). The writers who were concerned with this problem dealt in turn with

    it in form of exclusion, competition and complementarity.

    Entres d'index

    Mots-cls :antiquit tardive, Constantin (empereur romain), Julien (empereur romain),Libanios, littrature chrtienne, littrature grecque, paganisme, philosophie grecqueKeywords :christian literature, Constantine (Roman emperor), greek literature, greekphilosophy, Julian (Roman emperor), late Antiquity, Libanius, paganism