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Cerveau et motricité

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Page 1: Cerveau et motricité
Page 2: Cerveau et motricité

Cerveau et motr ici té

Fonctions sensori-motrices

Page 3: Cerveau et motricité

Collection dirigée par Raymond Thomas

Page 4: Cerveau et motricité

Pratiques corporelles

C e r v e a u e t m o t r i c i t é

Fonctions sensori-motrices

J E A N M A S S I O N Directeur de recherche au CNRS

P R E S S E S U N I V E R S I T A I R E S D E F R A N C E

Page 5: Cerveau et motricité

ISBN 2 13 0 4 7 5 9 1 4

D é p ô t l é g a l — 1 é d i t i o n : 1 9 9 7 , a v r i l

© P r e s s e s U n i v e r s i t a i r e s d e F r a n c e , 1 9 9 7

108 , b o u l e v a r d S a i n t - G e r m a i n , 7 5 0 0 6 P a r i s

Page 6: Cerveau et motricité

Sommaire

Introduct ion 9

Chapitre 1 / Position et mouvement 13

I | Le muscle et l 'appareil proprioceptif 14

A — Les unités motrices 14

1. Types d'unités motrices 14 2. Recrutement des unités motrices 15

3. Plasticité des unités motrices et fatigue musculaire 17 4. Activité musculaire de surface 17

B - Vecteurs de force et compartiments 17

1. Les compartiments musculaires 18 2. Les muscles biarticulaires 18

C - L'appareil propr iocept i f 19

1. Les récepteurs musculaires et tendineux 19 2. Les réflexes proprioceptifs 23 3. Servomécanisme de régulation de la longueur 23 4. Servomécanisme régulateur de la ra ideur 26

II | Maintien de la position 28

A - Le point d'équilibre 29

B - Théorie du point d'équilibre 30

C - Sens de la position et du mouvement 32

D — Rôle des afférences proprioceptives dans le maintien de la position 33

I I I | Mouvement 34

A — Généralités 34

B — Les mouvements intentionnels 36

1. Mouvement simple isotonique 36 2. Mouvement simple isométrique 40 3. Mouvement pluriarticulaire 41 4. Rôle des afférences sensorielles 43

5. Rôle des copies d'efférences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

Page 7: Cerveau et motricité

Chapitre 2 / Posture et équilibre 48 I | Posture et pesanteur 48

A - Le tonus postural 50 B - L'équilibre 51

1. Valeur de référence régulée 52 2. Schéma corporel postural 54 3. Messages détecteurs d'erreur 55 4. Stratégies et synergies 58

II | Posture « modulaire » : interface avec le monde extérieur 60

A - Evidence d'une organisation modulaire 60 B - Organisation centrale de la posture modulaire 61 C - Posture modulaire et organisation du mouvement 62

III | Coordination entre posture, équilibre et mouvement 63

Chapitre 3 / Locomotion 69

I | Bases neurophysiologiques de l'activité locomotrice 70

A — Cycle locomoteur et activité musculaire chez le quadrupède 70 B - Centre locomoteur spinal 72 C - Contrôles descendants 75

D - Modulation par le centre locomoteur des voies descendantes supraspinales 77

E - Rôle des afférences 78

II | La locomotion humaine 79

A - Caractéristiques du cycle 81 B — Initiation du pas et vitesse de la marche 83

Chapitre 4 / Le mouvement est-il programmé ? 88

I | Réseau « presse-bouton » versus programme d'ordinateur ............. 88

II | Les étapes du mouvement et les structures impliquées .................. 90

III | Organisation hiérarchique versus réseaux parallèles .................... 93

IV | Organisation de différents actes moteurs 96 A - Les référentiels 96 B — Mouvement de pointage vers une cible 96 C — Le mouvement de préhension 98 D - Saisie d'objets 100 E - Le positionnement de la jambe 100

Chapitre 5 / La moelle épinière 105

I | Etage de sortie 105

II | Voie finale commune et réseaux prémoteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

Page 8: Cerveau et motricité

III | Les voies descendantes 110

IV | Les voies ascendantes 112

Chapitre 6 / Généralités sur l 'organisation néocorticale 115

I | Cortex limbique, néocortex 115

II | Organisation du néocortex 116

A - Organisation en colonnes 117 B - Relation thalamo-corticales 118

C - Connexions cortico-corticales et réseaux interconnectés . . . . . . . . . . . 118

Chapitre 7 / Aire motrice primaire et aires prémotrices 122

I | Le cortex moteur 122

A - Efférences 122

B - Afférences 124

C - Organisation interne 125

D - Activité unitaire et codage du mouvement 128

E - Effet de la lésion pyramida le 130 F — Conclusions 131

II | Aires prémotrices 131

A - Aire prémotrice 132

B - Aire motrice supplémentaire 133

C - Aire oculomotrice f ron ta le 135

Chapitre 8 / Aires associatives préfrontales et pariétales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

I | Cortex préfrontal 138

II | Cortex pariétal postérieur 140

Chapitre 9 / Noyaux de la base 143

I | Organisation anatomique 145

II | Les compartiments 147

III | Afférences et efférences 148

IV | Organisation en boucles fonctionnelles 149

V | Analyse de l'activité unitaire 150

VI | Rôle fonctionnel des noyaux de la base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

A - Rôle moteur ou cognitif 151

B - Activité autoinitiée, plans d 'act ion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 C - Référentiels pos turaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

Page 9: Cerveau et motricité

Chapi t re 10 /Cervelet 155

I | Phylogénèse 156

II | S t ructure histologique 159

III | Afférences et efférences 162

A - Afférences 162

B - Efférences 163

IV | Fonction du cervelet 165

A - Adaptat ion, apprentissage, automatisat ion du mouvement .. . . . . 166 B - Contrôle sensori-moteur 169

C - Fonctions mentales 171

V | Conclusions 171

Chapi t re 11 / Apprentissage et automatisation du mouvement 174

I | Mise en évidence de l 'automatisation du mouvement 174

II | Automatisation et afférences sensorielles 179

III | Localisation des processus d 'automatisat ion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

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L'organisation des activités sensori-motrices est sous la dépen- dance du système nerveux. Celui-ci n'est cependant que l 'un des trois partenaires d 'un ensemble qui comprend en outre le système musculo-squelettique et le monde extérieur (fig. 1).

Le système musculo-squelettique est formé d 'une par t du sque- lette, composé d'éléments rigides, les os, et d 'autre part des mus- cles, qui par leurs propriétés viscoélastiques assurent la cohésion des éléments du squelette autour des articulations. Les muscles, par la contraction musculaire, génèrent des forces internes. Celles-ci assurent deux fonctions. La première est de régler la rai- deur articulaire par la co-contraction des muscles périarticulaires et, par là, la cohésion des éléments du squelette. La seconde est de provoquer le déplacement d 'un ou de plusieurs segments ou de l'ensemble du corps. La force musculaire s'exerce sur les éléments du squelette qui ont leur propre masse et leur inertie. Pour obtenir un déplacement donné, la commande musculaire doit tenir compte de l 'état du système musculo-squelettique. Les récepteurs musculo-tendineux et cutanés informent le système nerveux sur cet état et ajustent automatiquement la commande musculaire aux contraintes biomécaniques du moment.

Le monde extérieur est celui dans lequel se déroule l 'action. Le système nerveux est informé sur son état par un ensemble de récepteurs spécialisés. Ainsi, par exemple, les informations visuelles renseignent sur la structure et la topographie de l'envi- ronnement, sur la position du corps ou de l 'un ou l 'autre segment par rapport à cet environnement. Le monde extérieur est surtout la source des forces externes qui agissent sur le système musculo- squelettique. Certaines sont permanentes, comme la force de pesanteur, qui est à l'origine des forces de contact avec le sol ou tout autre support. D'autres sont transitoires, et sont à l'origine

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d'accélérations imposées, comme celles que l 'on subit au démar- rage d 'un train.

Le système nerveux doit tenir compte pour son action de la complexité des deux autres partenaires, le système musculo-sque-

Fig. 1 . - Schémat i sa t ion des trois « partenaires » de l 'acte moteur : le système nerveux central (SNC), le système musculo-squelettique et le monde extérieur. Les flèches indiquent les interactions entre les par tenai res . Le système nerveux est informé de l 'état du système musculo-squelettique et de celui du monde extérieur. Il provoque la contraction musculaire (forces internes). Le monde extérieur agit sur le système musculo-squelettique (forces externes).

Les pa ramèt re s généralement recueillis p o u r évaluer les variables réellement contrôlées p a r le système nerveux dans les mouvements plurisegmentaires sont l'activité électromyographique (EMG), la cinématique et les forces (plateforme de force). A p a r t i r de ces pa ramèt res , diverses analyses et modélisations permet tent de f a i r e a p p a r a î t r e la contribution spécifique de la commande nerveuse centrale dans les pa ramèt res recueillis.

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lettique et le monde extérieur. Son action vise à atteindre les buts fixés au moindre coût énergétique. Pour ce faire, il doit en per- manence utiliser au mieux les propriétés mécaniques du système musculo-squelettique et les forces mises en jeu par l 'environne- ment pour réaliser l'acte moteur. Ainsi, il se servira aussi bien des forces de pesanteur pour permettre l'inclinaison du tronc que des propriétés pendulaires des membres inférieurs pour réaliser le pas au cours de la marche. Le calcul permanent des forces en présence est trop complexe pour être réalisé efficacement. L'apprentissage permet de simplifier les processus de commande et de contrôle en réduisant le nombre de degrés de liberté contrôlés, en modifiant les circuits nerveux précâblés responsables d'activités automati- ques situés essentiellement au niveau de la moelle et du tronc céré- bral et en construisant de nouveaux réseaux adaptatifs qui assu- rent le contrôle de l 'action en tenant compte à la fois de l 'état le plus probable du système musculo-squelettique et de celui du monde extérieur. Ces réseaux adaptatifs nouvellement construits se situent principalement au niveau du néocortex, des noyaux de la base et du cervelet.

L'exploration des fonctions sensori-motrices fait appel à trois types d'approches :

1. L'exploration directe du système nerveux fait appel à des méthodes multiples et variées : enregistrement des activités électriques, imagerie cérébrale fonctionnelle, stimulation élec- trique ou magnétique, effet de lésions, études de réflexes, analyse neuropharmacologique.

2. L'exploration des effets indirects de l 'act ion nerveuse, pa r les méthodes d 'analyse du mouvement, p a r l 'analyse des forces et notamment des forces de réaction au sol, et p a r l 'électromyographie.

Une des principales difficultés de l 'approche biomécanique est d'identifier dans les paramètres recueillis ceux qui traduisent directement les variables contrôlées pa r le système nerveux et ceux qui dépendent soit des circuits de régulation automatique soit de l 'interaction entre les forces externes et le système musculo- squelettique. L'utilisation de la modélisation biomécanique et de méthodes d'analyse mathématique permettent actuellement de résoudre en grande partie cette difficulté en faisant la part dans les paramètres recueillis des effets « passifs » liés à l 'action exté- rieure et aux contraintes mécaniques et des effets « actifs », ces

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derniers traduisant la variable contrôlée par le système nerveux dans l 'action en cours.

Dans le présent ouvrage, nous nous proposons d'éclairer le lecteur sur le rôle du système nerveux dans l 'élaboration et le contrôle des activités sensori-motrices, en tentant de montrer les mécanismes des interactions complexes entre les trois partenaires que sont le système nerveux, le système musculo-squelettique et le monde extérieur, dans des actions simples comme le mouvement d 'une articulation mais aussi dans des actions complexes, comme la posture, l 'équilibre et la locomotion.

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1

P o s i t i o n et m o u v e m e n t

Le maintien d'une position et l'exécution d'un mouvement sont deux états de l'activité motrice qui sont généralement opposés l'un à l'autre.

Le maintien de la position d'un segment traduit en fait sa sta- bilisation par rapport à une valeur de référence. Celle-ci est sou- vent représentée par un autre segment corporel. Ainsi la position de l'avant-bras peut être stabilisée par rapport au bras. Dans ce cas, c'est l'angle du coude qui est maintenu constant. La valeur de référence peut aussi être représentée par un repère extérieur au corps. Ainsi, lorsque l'on tient un verre à la main, la position de la main est maintenue fixe par rapport à l'espace et non par rapport au corps; la position de la main dans l'espace ne se modifie pas lorsque l'on s'incline vers l'avant ou vers l'arrière, grâce à un changement de l'angle du coude, qui absorbe l'incli- naison du tronc et permet le maintien de la position du verre dans l'espace.

Le maintien de la position suppose donc l'existence de deux éléments : le premier est le choix d'une valeur de référence par rapport à laquelle le maintien se réalise et le second est le méca- nisme de contrôle qui permet la stabilisation proprement dite, à l'égard des perturbations qui seraient imposées par des forces externes ou internes.

Le mouvement implique au départ le choix d'une nouvelle valeur de référence qui devient le but de l'action. Lors du mou- vement d'un segment autour d'une articulation, c'est un nouvel angle articulaire qui est prescrit et atteint au travers d'une tra- jectoire. Si le but est d'atteindre un objet dans l'espace, avec la

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main, le positionnement de la main dans l'espace autour de cet objet représente la nouvelle valeur de référence. Celle-ci est atteinte par le transport de la main au travers d'une trajectoire. Il apparaît dès lors que le mouvement s'apparente essentiellement à un changement de position.

I | LE MUSCLE ET L'APPAREIL PROPRIOCEPTIF

Pour comprendre le comportement du muscle lors du maintien de position ou lors du mouvement, il faut rappeler brièvement quelques notions sur ses caractéristiques et son innervation.

A — Les unités motrices

1 / Types d'unités motrices

Lorsqu'une électrode concentrique est introduite dans un muscle, elle recueille une activité électrique sous forme d'impul- sions de différentes forme et amplitude qui traduisent chacune l'activation d'une unité motrice.

L'unité motrice regroupe l'ensemble des fibres musculaires innervées par l'axone issu d'un motoneurone du noyau moteur. Chaque unité motrice est composée de fibres qui présentent les mêmes caractéristiques sur le plan de leur contraction, de leur composition enzymatique et de leur résistance à la fatigue. D'après Burke (1981), deux types de fibres ont été identifiées (voir tableau 1 et fig. 1).

— Les fibres lentes (S, type I) présentent une vitesse de contraction lente, une résistance élevée à la fatigue et une tension tétanique maximale faible (la tension tétanique est obtenue par la stimulation répétitive du nerf moteur; les contractions liées à chaque stimulus s'additionnent et tendent à fusionner pour des fréquences croissantes, atteignant une valeur maximale pour une fréquence donnée). Leurs propriétés enzymatiques sont aussi caractéristiques.

— Les fibres rapides (F, type II) ne forment pas un ensemble homogène. Elles ont été subdivisées par Burke (1991) en deux sous-groupes : les fibres résistantes à la fatigue (FR) dont les pro- priétés sont comparables à celles des unités lentes par leur résis- tance à la fatigue, mais s'en différencient par leurs propriétés enzymatiques, par leur vitesse de contraction élevée et leur ten-

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Tableau I. — Types de fibres musculaires.

sion tétanique maximale plus importante, et les fibres fatigables (FF) qui ont une vitesse de contraction élevée, une tension téta- nique maximale beaucoup plus forte, mais sont, pa r contre, peu résistantes à la fatigue. Entre les deux sous-groupes existent des fibres présentant des propriétés intermédiaires.

2 / Recrutement des unités motrices

La loi de Henneman caractérise le mode de mise en jeu des unités motrices lorsque le noyau moteur du muscle est activé soit de manière réflexe soit pa r une commande centrale (fig. 1C). Selon cette loi, les unités motrices innervant les fibres lentes entrent en activité avant les unités motrices innervant les fibres rapides du type II. Lors d 'une activité musculaire croissante, l 'augmentation de la force s'effectue donc par le recrutement d 'un nombre tou- jours plus important d'unités motrices, les dernières recrutées qui sont les plus rapides apportant un supplément de tension plus important que les premières (Henneman et Mendele, 1981).

L'accroissement de la force musculaire ne s'effectue pas seu- lement par le recrutement de nouvelles unités motrices. Il provient également de l'activation à fréquence accrue des mêmes unités motrices. Enfin, un mode particulier d'activation des unités motrices, l 'activation en « doublets » c'est-à-dire en paires d'impulsions à intervalle court (10 ms) a pour effet d 'accroître la tension des fibres musculaires de l 'unité motrice, bien au-delà de la somme des effets des activations isolées (fig. 1A).

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Fig. 1. — Caractéristiques des unités motrices.

A. Temps de contraction, force et contraction tétanique d 'une unité rapide F (à gauche) et lente (S à droite). En haut , réponse à 1, 2, 3, 4 chocs électriques sur le n e r f moteur, répétés à des intervalles de 10 ms (100 Hz). Les réponses aux différents chocs ont été superposées. Noter l'effet fuci l i ta teur du second choc sur la tension développée.

En bas, réponse tétanique obtenue à 36 Hz p o u r l 'unité rapide et à 14 Hz p o u r l 'unité lente. Notez la réduction de la tension tétanique au cours du temps p o u r les unités rapides (d 'après Burke, 1981 ).

B. Effets de la fa t igue sur les différents types d'unités motrices (S: lentes; FR: rapides résistantes à la fa t igue; FF: rapides fatigables) au cours d'une stimulation répétitive à 80 Hz. Noter la réduction beaucoup plus précoce de la force p o u r les unités rapides fat igables (FF) (d 'après Kernell, 1990).

C. Loi de Henneman. Lors d 'une contraction isométrique lente du muscle, chez l 'Homme, deux unités motrices (UM1 UM2) entrent en activité p o u r des seuils de force différents (d 'après Desmedt et Godaux, 1981 ).

D. Transformation des propriétés des unités motrices lors de la stimulation chronique du n e r f moteur d 'un muscle composé essentiellement de fibres rapides chez le chat. Stimulation à 10 Hz ou 40 Hz pendan t 50 % du temps à différentes fréquences du n e r f moteur d ' un côté pendan t 8 semaines. Le côté non stimulé sert de contrôle. Superposition des courbes de quatre animaux différents. Noter la t ransformation des propriétés mécaniques du muscle, qui de « rapide » est devenu « lent ». Les amplitudes de force ont été normalisées pour permettre de comparer les décours temporels des contractions (d 'après Clamann, 1990).

Page 18: Cerveau et motricité

I l e x i s t e c e p e n d a n t q u e l q u e s e x c e p t i o n s à l a lo i d e H e n n e m a n . A i n s i , l o r s d e c e r t a i n e s a c t i v i t é s m u s c u l a i r e s b r è v e s e t i n t e n s e s

c o m m e le s a u t , u n e c o m m a n d e p r i v i l é g i é e d e s f i b r e s r a p i d e s f a t i -

g a b l e s se p r o d u i t . C e r t a i n e s a f f é r e n c e s c u t a n é e s p o u r r a i e n t é g a l e - m e n t i n v e r s e r l ' o r d r e d u r e c r u t e m e n t . D e m ê m e , l o r s d e l a

c o n t r a c t i o n m u s c u l a i r e q u i s ' o p p o s e à l ' a l l o n g e m e n t d u m u s c l e ,

l ' a c t i v a t i o n d e s f i b r e s r a p i d e s f a t i g a b l e s p r é d o m i n e .

3 / P l a s t i c i t é d e s u n i t é s m o t r i c e s e t f a t i g u e m u s c u l a i r e

L e s p r o p r i é t é s d e s u n i t é s m o t r i c e s n e s o n t p a s i m m u a b l e s ; e l l e s

p e u v e n t ê t r e m o d i f i é e s s o u s l ' e f f e t d e s c o n t r a i n t e s a u x q u e l l e s l e m u s c l e e s t s o u m i s . A i n s i , l a s t i m u l a t i o n é l e c t r i q u e d u n e r f m o t e u r

d u m u s c l e à b a s s e f r é q u e n c e , r é p é t é e c h a q u e j o u r p e n d a n t u n

m o i s , a p o u r e f f e t d e t r a n s f o r m e r les f i b r e s r a p i d e s e n f i b r e s

l e n t e s . C e l l e s - c i é t a n t r é s i s t a n t e s à l a f a t i g u e , il s ' e n s u i t q u e le

m u s c l e a i n s i t r a n s f o r m é p e u t m a i n t e n i r d e s e f f o r t s b e a u c o u p p l u s

p r o l o n g é s (fig. 1D) . A l ' i n v e r s e , l e s é j o u r p r o l o n g é e n m i c r o g r a v i t é

t e n d à t r a n s f o r m e r les f i b r e s l e n t e s e n f i b r e s r a p i d e s . L ' a b s e n c e

d e c o n t r a i n t e p o s t u r a l e a b o u t i t a u m ê m e r é s u l t a t : l a t e c h n i q u e

d u r a t s u s p e n d u p a r l a q u e u e p e r m e t d e s u p p r i m e r l ' e f f e t d u p o i d s

d u c o r p s s u r les m u s c l e s d e s m e m b r e s p o s t é r i e u r s . C e u x - c i v o i e n t

l e u r c o m p o s i t i o n e n f i b r e s r a p i d e s s ' a c c r o î t r e s e n s i b l e m e n t . L a

p l a s t i c i t é d e s u n i t é s m o t r i c e s e s t u n e p r o p r i é t é i m p o r t a n t e q u i d o i t

ê t r e p r é s e n t e à l ' e s p r i t l o r s q u ' i l s ' a g i t d ' e n t r e p r e n d r e l a r é é d u -

c a t i o n d e p a t i e n t s i m m o b i l i s é s . E l l e a s u s c i t é a u s s i u n i n t é r ê t

c o m p r é h e n s i b l e d a n s le d o m a i n e d e l ' e n t r a î n e m e n t s p o r t i f .

4 / A c t i v i t é m u s c u l a i r e d e s u r f a c e

L ' a c t i v i t é é l e c t r i q u e m u s c u l a i r e r e c u e i l l i e à l a s u r f a c e d u

m u s c l e e s t p r o p o r t i o n n e l l e a u n o m b r e d ' u n i t é s m o t r i c e s a c t i v é e s

e t p e u t ê t r e c o n s i d é r é e , d a n s c e r t a i n e s l i m i t e s , c o m m e p r o p o r t i o n -

n e l l e à l a f o r c e e x e r c é e p a r l e m u s c l e . C e p e n d a n t , l a d é c h a r g e d e s u n i t é s m o t r i c e s l e n t e s é t a n t r e l a t i v e m e n t f a i b l e , l e u r c o n t r i b u t i o n

à l ' a c t i v i t é é l e c t r o m y o g r a p h i q u e e s t s o u v e n t n é g l i g e a b l e , d e s o r t e

q u ' u n e c o n t r a c t i o n m u s c u l a i r e l i m i t é e à ces f i b r e s p e u t é c h a p p e r à l ' a n a l y s e d e s u r f a c e .

B — V e c t e u r s d e f o r c e e t c o m p a r t i m e n t s

L a c o n t r a c t i o n m u s c u l a i r e se t r a d u i t p a r le d é v e l o p p e m e n t

d ' u n e f o r c e q u i s ' e x e r c e a u n i v e a u d e s p o i n t s d ' i n s e r t i o n d u

Page 19: Cerveau et motricité

m u s c l e s u r les s e g m e n t s p é r i a r t i c u l a i r e s . L e v e c t e u r d e f o r c e

i n d i q u e l a d i r e c t i o n e t l ' a m p l i t u d e d e l a f o r c e d é v e l o p p é e .

S e l o n l e u r s c a r a c t é r i s t i q u e s d ' i n s e r t i o n , les m u s c l e s p e u v e n t ê t r e s u b d i v i s é s e n d e u x g r o u p e s : l es m u s c l e s à v e c t e u r d e f o r c e

u n i q u e e t l es m u s c l e s à v e c t e u r s d e f o r c e m u l t i p l e s . P o u r les p r e -

m i e r s , le v e c t e u r d e f o r c e e s t i d e n t i q u e p o u r t o u t e s les p a r t i e s d u

m u s c l e . P o u r l e s s e c o n d s , les d i f f é r e n t e s p a r t i e s d u m u s c l e p r é s e n t e n t d e s v e c t e u r s d i f f é r e n t s .

1 / L e s c o m p a r t i m e n t s m u s c u l a i r e s

D e n o m b r e u x m u s c l e s n e s o n t p a s a c t i v é s d ' u n e m a n i è r e glo-

b a l e à p a r t i r d e l e u r n o y a u m o t e u r , m a i s p r é s e n t e n t d e s c o m p a r -

t i m e n t s q u i p e u v e n t a c t i v é s d e m a n i è r e i n d é p e n d a n t e à p a r t i r d e s u b d i v i s i o n s d u n o y a u m o t e u r .

L e s m u s c l e s à v e c t e u r s d e f o r c e m u l t i p l e s p r é s e n t e n t d e s c o m -

p a r t i m e n t s q u i s o n t m i s e n j e u e n f o n c t i o n d u v e c t e u r d é s i r é .

A i n s i , le m u s c l e d e l t o ï d e p r é s e n t e p l u s i e u r s c o m p a r t i m e n t s c o r r e s -

p o n d a n t a u m o u v e m e n t d u b r a s v e r s l ' a v a n t , e n a b d u c t i o n o u v e r s

l ' a r r i è r e . I l e n e s t d e m ê m e d u m u s c l e b i c e p s d u b r a s q u i p r o v o q u e

à l a fo i s u n m o u v e m e n t d e f l e x i o n d e l ' a v a n t - b r a s e t d e s u p i n a t i o n

d u p o i g n e t . L e s u n i t é s m o t r i c e s a c t i v é e s l o r s d e l a f l e x i o n d u c o u d e

s o n t l o c a l i s é e s d a n s u n e z o n e m u s c u l a i r e d i s t i n c t e d e ce l l e s q u i

i n t e r v i e n n e n t l o r s d e l a s u p i n a t i o n .

L e s m u s c l e s à v e c t e u r d e f o r c e u n i q u e p e u v e n t é g a l e m e n t p r é -

s e n t e r d e s c o m p a r t i m e n t s . I l s p e u v e n t ê t r e s i t u é s e n p a r a l l è l e ,

c o m m e p o u r les m u s c l e s j u m e a u x o ù j u s q u ' à c i n q c o m p a r t i m e n t s

s u p e r p o s é s o n t é t é i d e n t i f i é s , o u e n s é r i e , c o m m e p o u r le m u s c l e c o u t u r i e r . C e l u i - c i e s t u n m u s c l e b i a r t i c u l a i r e d u m e m b r e i n f é -

r i e u r d o n t les c o m p a r t i m e n t s s u p é r i e u r e t i n f é r i e u r s o n t a c t i v é s

d a n s d e s p h a s e s d i f f é r e n t e s d e l a l o c o m o t i o n .

L a m i s e e n é v i d e n c e d e s c o m p a r t i m e n t s m u s c u l a i r e s l a i s s e à

p e n s e r q u e le m u s c l e e t s o n n o y a u m o t e u r n e c o n s t i t u e n t p a s

l ' u n i t é f o n c t i o n n e l l e f i n a l e s u r l a q u e l l e a g i t le s y s t è m e n e r v e u x

p o u r e x e r c e r u n e a c t i o n m o t r i c e . L e s é l é m e n t s d ' a c t i o n se s i t u e n t

à l ' i n t é r i e u r d e s n o y a u x m o t e u r s e t d e s m u s c l e s e t l e u r o r g a n i s a - t i o n e n u n i t é s f o n c t i o n n e l l e s e s t r é a l i s é e e n a m o n t , a u n i v e a u d e s i n t e r n e u r o n e s .

2 / L e s m u s c l e s b i a r t i c u l a i r e s

L e s m u s c l e s b i a r t i c u l a i r e s o n t p o u r p a r t i c u l a r i t é d e s ' i n s é r e r

s u r d e s s e g m e n t s a p p a r t e n a n t à d e u x a r t i c u l a t i o n s v o i s i n e s . L e

Page 20: Cerveau et motricité

v e c t e u r d e f o r c e q u ' i l s e x e r c e n t d é p e n d à l a fo is d e l a p o s i t i o n

r e s p e c t i v e d e c h a q u e a r t i c u l a t i o n e t d e s c o u p l e s e x e r c é s à l e u r n i v e a u .

P o u r V a n I n g e n S c h e n a u e t a l . ( 1 9 9 5 ) , l e u r f o n c t i o n s e r a i t

d ' o r i e n t e r les f o r c e s e x e r c é e s p a r les m u s c l e s m o n o a r t i c u l a i r e s d e

m a n i è r e à les a d a p t e r à l a t â c h e . A i n s i , le c y c l i s t e q u i p é d a l e

e x e r c e u n e f o r c e à p a r t i r d e s e x t e n s e u r s d u g e n o u p o u r a p p u y e r

s u r l a p é d a l e . C e t t e f o r c e d o i t ê t r e o r i e n t é e d ' a b o r d v e r s le b a s e t

v e r s l ' a v a n t p u i s v e r s le b a s e t v e r s l ' a r r i è r e . L a c o n t r a c t i o n d u

m u s c l e b i c e p s f e m o r i s b i a r t i c u l a i r e p e r m e t t r a i t d ' o r i e n t e r l a f o r c e

e x e r c é e p a r l e m u s c l e e x t e n s e u r d u g e n o u , le d r o i t a n t é r i e u r s e l o n le v e c t e u r n é c e s s a i r e à l ' a c t i o n .

C - L ' a p p a r e i l p r o p r i o c e p t i f

P o u r c o m p r e n d r e le c o m p o r t e m e n t d u m u s c l e l o r s d u m a i n t i e n

d e p o s i t i o n o u l o r s d u m o u v e m e n t , il f a u t r a p p e l e r b r i è v e m e n t

q u e l q u e s n o t i o n s s u r s o n i n n e r v a t i o n .

1 / L e s r é c e p t e u r s m u s c u l a i r e s e t t e n d i n e u x

L e m u s c l e e s t é q u i p é d e r é c e p t e u r s q u i r e n s e i g n e n t s u r s a l o n -

g u e u r e t s a v i t e s s e d ' u n e p a r t e t s u r s a f o r c e d e c o n t r a c t i o n

d ' a u t r e p a r t .

• L e s f u s e a u x n e u r o - m u s c u l a i r e s s o n t d e s o r g a n e s s i t u é s à

l ' i n t é r i e u r d u m u s c l e , f o r m é s d e f i b r e s m u s c u l a i r e s s p é c i a l i s é e s

q u i r e ç o i v e n t u n e i n n e r v a t i o n m o t r i c e s p é c i f i q u e e t q u i s o n t le

s u p p o r t d e r é c e p t e u r s .

— F i b r e s m u s c u l a i r e s d u f u s e a u

C e l l e s - c i s o n t d e d e u x t y p e s , l es f i b r e s à s a c e t l es f i b r e s à

c h a î n e . L e s f i b r e s à s a c , a u n o m b r e d e d e u x à t r o i s , c o m p r e n n e n t

u n r e n f l e m e n t c e n t r a l o u s a c d é p o u r v u d e m y o f i b r i l l e s o ù s o n t

g r o u p é s d e s a m a s d e n o y a u x ; e l les s o n t d e d e u x t y p e s d i f f é r e n -

t i a b l e s s u r le p l a n m o r p h o l o g i q u e e t f o n c t i o n n e l , a p p e l é s 1 e t 2 .

L e s f i b r e s à c h a î n e a u n o m b r e d e q u a t r e à s ix p a r f u s e a u s o n t

d é p o u r v u e s d e r e n f l e m e n t e t p r é s e n t e n t d e s n o y a u x d i s p o s é s e n

c h a î n e s u r l a l o n g u e u r d e s f i b r e s (fig. 2 ) .

— L e s r é c e p t e u r s

L e s f i b r e s m u s c u l a i r e s d u f u s e a u s o n t l e s u p p o r t d e d e u x t y p e s

d e f i b r e s a f f é r e n t e s : l es f i b r e s a f f é r e n t e s p r i m a i r e s ( l a ) e t l es

f i b r e s s e c o n d a i r e s ( I I ) . L e s f i b r e s p r i m a i r e s l a ( d i a m è t r e : 12-

Page 21: Cerveau et motricité

Dans le dé rou lemen t des activités de la vie c ourante, les m o u v e m e n t s paraissent harmonieux. Leur organisation résulte cependant d'interactions complexes entre le système nerveux, l'appareil musculo-squelettique et l'envi- ronnement. Comment le cerveau peut-il tenir compte des lois de la mécanique

e t cons t ru i re une représentation du monde extérieur pour définir son action ? D e quelle manière des activités complexes comme l'équilibre ou la marche peuvent-elles être structurées à partir des centres nerveux et ajustées par les informations sensorielles? Comment le système nerveux peut-il apprendre la commande de tâches simples ou complexes et s 'adapter à de nouvelles contraintes imposées par le monde extérieur? Le présent ouvrage tente de répondre à ces questions à partir de trois approches complémentaires. Une premiere s 'adresse à des activités motrices familières, simples ou complexes comme la marche ou la préhension d'objets pour tenter de comprendre, à l'aide d 'analyses cinématiques, cinétiques et électromyographiques comment s e caractérisent les commandes nerveuses qui les sous-tendent. Une seconde porte sur les structures nerveuses centrales et périphériques pour en décrire la structure et la fonction. Une troisième approche plus synthétique tente de définir les règles qui prés ident à l 'organisat ion de l'action et à s o n apprentissage. L'ouvrage s 'adresse à tous ceux, étudiants, praticiens, enseignants et scienti- fiques, qui sont confrontés aux problèmes de l 'analyse du mouvement dans les domaines de la neuro- et de la psychophysiologie, des activités physiques et sportives, de la psychomotricité, de la pathologie nerveuse, de la rééducation.

Jean Massion est Directeur de Recherche au Centre National de la Recherche Scienti-

fique à Marseille, à l'Institut des Sciences du Cervbeau. Il est l 'auteur de nombreux

travaux dans le domaine de l'analyse du mouvement .

Page 22: Cerveau et motricité

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