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L’ESSENTIEL NOVEMBRE 2013 - JANVIER 2014 HORS-SÉRIE Cerveau Psycho & & & Cerveau Psycho 3’:HIKNQJ=UU[^Z[:?a@k@b@q@a"; M 03690 - 16 - F: 6,95 E - RD France métro. : 6,95e , Bel. : 8,20e , Lux. : 8,20e , Maroc : 90 MAD, Port. Cont.: 8,90e , Suisse :15FS, Canada : 11,99 $ CAN., TOM :1170XPF, DOM : 8,25e La personnalité Comment elle se construit Comprendre •  Le tempérament   des enfants •  Les différences  hommes-femmes •  Les troubles   de la personnalité Façonner •  Le rôle des gènes  •  Les mentalités   et les cultures •  Changer   de personnalité ? Décoder •  Le visage •  L’allure •  Le regard

Cerveau & Psycho_la personnalité

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Page 1: Cerveau & Psycho_la personnalité

L’ESSENTIEL novembre 2013 - janvier 2014

Hors-série

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La personnalitéComment elle se construit

Comprendre• Le tempérament    des enfants• Les différences   hommes-femmes• Les troubles    de la personnalité

Façonner• Le rôle des gènes • Les mentalités    et les cultures• Changer    de personnalité ?

Décoder• Le visage• L’allure• Le regard

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Cette personne est aimable, agréable, renfrognée, cassante, inflexible, lunatique, discrète, velléitaire, etc. La liste de ces qualificatifs est sans fin. Une telle prolifération illustre que chaque personnalité présente de multiples facettes, mais révèle aussi la

difficulté de définir autrui. On croit connaître untel, souriant et avenant, mais tout à coup, on ne le reconnaît plus tant il est devenu distant et blessant, parce que, par exemple, il est sou-cieux, contrarié ou malade. Et l’on voit déjà que si la personnali-té présente quelques traits stables, l’influence des circonstances et de l’environnement est déterminante. Définir la personnalité reste un défi que les psychologues tentent de relever.

D’où vient la difficulté ? L’injonction de Socrate – Connais-toi toi-même – souligne combien il est ardu (impossible ?) de son-der son propre caractère, ses idées, ses aspirations, ses capacités, et d’en faire une analyse critique et objective. Dès lors, comment peut-on espérer connaître autrui ? Toutefois, dès que l’on ren-contre quelqu’un, son allure, son comportement, ses yeux, ses mains, ses goûts, sa façon de parler sont autant d’indices utili-sés pour le définir. D’après les psychologues évolutionnistes, nombre de nos comportements ont été hérités de nos ancêtres : celui qui jaugeait rapidement une personne rencontrée, déci-dant s’il devait ou non s’en méfier, avait un avantage sur celui qui faisait aveuglément confiance ou, au contraire, refusait toute coopération ou entraide.

Qui plus est, l’image que l’on a de soi n’est pas toujours celle que perçoit autrui. Pire, pour répondre à l’image que renvoie l’autre, certains peuvent être tentés, plus ou moins consciem-ment, d’y adhérer pour plaire, ou de s’y opposer par réaction. Marcel Proust va même encore plus loin, puisqu’il soutient que « Notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. » Pourtant, les psychologues montrent que, même si elle est influencée par les gènes, l’éducation, le milieu familial et socioprofessionnel, la personnalité présente cinq dimensions universelles, elles-mêmes composées de plusieurs sous-dimen-sions. Seule varie la proportion de ces ingrédients, et chaque combinaison – chaque individu – est unique.

Si simple et si complexe

ÉditorialFrançoise PÉTRY

Pour la Science8 rue Férou, 75278 Paris cedex 06

Standard : Tel. 01 55 42 84 00

www.cerveauetpsycho.fr

Directrice de la rédaction : Françoise Pétry

L’Essentiel Cerveau & Psycho Rédactrice en chef : Françoise Pétry Rédactrice : Bénédicte Salthun-Lassalle

Cerveau & Psycho Rédacteur : Sébastien Bohler

Pour la Science  Rédacteur en chef : Maurice Mashaal Rédacteurs : François Savatier, Marie-Neige Cordonnier, Philippe Ribeau-Gesippe, Guillaume Jacquemont, Sean Bailly

Dossiers Pour la Science  Rédacteur en chef adjoint : Loïc Mangin

Directrice artistique : Céline Lapert

Secrétariat de rédaction/Maquette :  Sylvie Sobelman, Pauline Bilbault, Raphaël Queruel, Ingrid Leroy et Caroline Vanhoove

Site Internet : Philippe Ribeau-Gesippe

Marketing : Élise Abib, Ophélie Maillet, assistées d’Anaïs Grelet

Direction financière : Anne Gusdorf

Direction du personnel : Marc Laumet

Fabrication : Jérôme Jalabert, assisté de Marianne Sigogne

Presse et communication : Susan Mackie

Directrice de la publication et Gérante : Sylvie Marcé

Conseillers scientifiques : Philippe Boulanger et Hervé This

Ont également participé à ce numéro : Bettina Debû, Hans Geisemann, Pascale Thiollier-Dumartin

Publicité France Directeur de la publicité : Jean-François Guillotin ([email protected]), assisté de Nada Mellouk-Raja Tél. : 01 55 42 84 28 ou 01 55 42 84 97 Télécopieur : 01 43 25 18 29

Service abonnements Ginette Bouffaré : Tél. : 01 55 42 84 04

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Diffusion de Cerveau & Psycho : Contact kiosques : À juste titres ; Benjamin Boutonnet Tel : 04 88 15 12 41 Canada : Edipresse : 945, avenue Beaumont, Montréal, Québec, H3N 1W3 Canada. Suisse : Servidis : Chemin des châlets, 1979 Chavannes - 2 - Bogis Belgique : La Caravelle : 303, rue du Pré-aux-oies - 1130 Bruxelles Autres pays : Éditions Belin : 8, rue Férou - 75278 Paris Cedex 06

Toutes les demandes d’autorisation de reproduire, pour le public français ou francophone, les textes, les photos, les dessins ou les documents contenus dans la revue « Cerveau & Psycho », doivent être adressées par écrit à « Pour la Science S.A.R.L. », 8, rue Férou, 75278 Paris Cedex 06.

© Pour la Science S.A.R.L.Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et de représenta-tion réservés pour tous les pays. Certains articles de ce numéro sont publiés en accord avec la revue Spektrum der Wissenschaft (© Spektrum der Wis-senschaft Verlagsgesellschaft, mbHD-69126, Heidelberg). En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement la présente revue sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins - 75006 Paris).

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2  La personnalité © Cerveau & Psycho

 Les différentes personnalités La personnalité reflète les pensées et le comportement. C’est une combinaison de plusieurs traits, qui rend chaque individu unique, mais parfois prévisible !

 Forger sa personnalité Le tempérament – l’inné – et le caractère – l’acquis – façonnent la personnalité. Elle évolue avec l’âge et est influencée par la culture et les thérapies.

La personnalitéComment elle se construit 

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Qui êtes-vous ?  4Chaque individu est une combinaison unique de traits normaux, voire plus ou moins pathologiques.

Martine Bouvard

 Les différentes personnalités 

Les cinq dimensions  de la personnalité  8

Plusieurs questionnaires, tests et modèles permettent de révéler les cinq facteurs de la personnalité.

Martine Bouvard

Le tempérament  des jeunes évolue  14L’expression des caractéristiques innées du tempérament des enfants dépend de l’environnement familial et social. Grégory Michel

Quelles personnalités  pour quels leaders ?  20Quels sont les traits de caractère de ceux qui gouvernent le monde ? Les profileurs donnent quelques indices.

Pascal de Sutter

Les personnalités « difficiles »  28Certains individus sont paranoïaques, antisociaux, narcissiques, obsessionnels, etc. Que signifient ces termes ? Jean-Pierre Rolland

Êtes-vous… du soir ou du matin ?  36Footing à sept heures du matin ou veillées nocturnes ? Chacun aurait son tempérament, matinal ou vespéral. Hervé Caci

 Forger sa personnalité 

Entre gènes et environnement  40Quels gènes sont impliqués dans la personnalité, associant le tempérament – inné – et le caractère – acquis ? Aurélie Chopin et Diane Purper-Ouakil

Cultures et mentalités  46Les traits de la personnalité dépendent de la culture : la mentalité n’est pas la même partout. Pascal de Sutter

Peut-on changer de personnalité ?  52Des stratégies thérapeutiques peuvent atténuer certains traits de personnalité négatifs ou renforcer les positifs. Michel Hansenne

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  3

n° 16 - Hors-Série novembre 2013 - janvier 2014

 Les révélateurs de la personnalité Vos loisirs, vos amis, votre apparence, votre regard et vos attitudes en disent long sur vos pensées et comportements : ils révèlent qui vous êtes.

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Dominant ou dominé ?   58Un tempérament est soit dominateur, soit soumis. Deux régions de l’amygdale seraient en cause.

Jacques Fradin et Camille Lefrançois

Le leadership est (aussi)  un attribut féminin  64Le concept de leadership est plutôt un trait de caractère masculin. Mais cet a priori serait facile à balayer. Claudia Clos

 Les révélateurs de la personnalité 

Vos goûts artistiques dépeignent qui vous êtes  68Les goûts en matière de musique, de livres ou de peinture en disent long sur la personnalité. Christiane Gelitz

Que révèle le visage ?  72Chaque visage a une forme et des proportions spécifiques.Que disent ces traits ? Quel crédit leur accorder ?

Jean-Yves Baudouin

Des yeux… au caractère  78La couleur des yeux informe sur le tempérament d’une personne. Mais quelles conclusions en tirer ? Nicolas Guéguen

La démarche en dit long  sur le tempérament  83La démarche révélerait certains traits de personnalité, notamment la sociabilité, la dominance ou la vulnérabilité. Nicolas Guéguen

Les mains, reflet  de la personnalité  87Les mains et les longueurs des doigts renseignent sur la personnalité et les capacités athlétiques. Nicolas Guéguen

Art et neurosciences

Un pape intriguant  92La personnalité du pape Paul iii et de ses neveux se lit dans l’expression et la posture données par Le Titien. François Sellal

Test

Quelle est votre personnalité ?  95Un test simplifié vous permettra de déterminer votre personnalité selon les cinq dimensions fondamentales.

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Ce numéro comporte un encart d’abonnement Cerveau & Psycho broché sur la totalité du tirage.

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4  La personnalité © Cerveau & Psycho

« Chacun de nous possède une musique d’accompagnement intérieure. Et si les autres l’entendent aussi, cela s’appelle la personnalité. »Gilbert Cesbron, Journal sans date : Bonheur de rien, 1979

C’est ainsi que Gilbert Cesbron définissait la personnalité. Ce serait ce qui nous carac-térise et ce que notre entou-rage perçoit. Si les différents

modèles de personnalité s’accordent sur son caractère constant, c’est-à-dire prévisible, et sur l’importance des interactions de l’indi-vidu et de l’environnement dans sa construc-tion, parler de la personnalité d’un individu revient à décrire ses réactions, voire à prévoir son comportement dans telle ou telle situa-tion. La personnalité aurait une compo-sante génétique (le tempérament) et des traits acquis au cours de l’enfance (le carac-tère). Durant l’enfance, les traits de caractère seraient malléables, alors qu’à l’âge adulte, la personnalité serait stable – bien que certains traits puissent changer si des événements marquants surviennent.

La personnalité est un concept complexe, car elle comprend plusieurs facettes. Les

modèles la décrivant peuvent se résumer à deux grands courants. Ceux proposés par les psychologues s’appliquent à la person-nalité dite normale. C’est le cas des modèles de Hans Eysenck, de Paul Costa et de Robert Mc Crae, qui ont étudié les dimensions de la personnalité et cherché à la décrire par le nombre le plus réduit possible de dimen-sions. Pour H. Eysenck, deux dimensions, l’extraversion (la tendance à l’extériorisation ou à l’action) et le névrosisme (l’instabilité émotionnelle), seraient suffisantes, mais il a aussi ajouté le psychoticisme (l’impulsivité et la recherche de sensations).

De multiples facettes

Aujourd’hui, le modèle le plus utilisé pour décrire la personnalité normale compte cinq dimensions – extraversion, agréabi-lité, conscience (implication au travail), névrosisme et ouverture aux expériences (voir la figure page 10). Remarquons que l’extraversion et le névrosisme sont iden-tiques aux deux premières dimensions décrites par H. Eysenck. Ce modèle dit des Big Five fait consensus, car ces cinq dimen-sions se retrouvent chez tous les individus quels que soient leur genre, leur âge et leur

Qui êtes-vous ?

Martine Bouvard,

professeur de psychologie au Laboratoire de psychologie et neurocognition (LPNC) de l’Université de Savoie, a coordonné ce numéro.

Chaque individu est une combinaison unique de traits, normaux ou plus ou moins pathologiques.

Grâce à des modèles et à divers tests, on définit les grandes caractéristiques des personnalités.

Préface

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culture. Il est hiérarchique, c’est-à-dire que chacune des dimensions se subdivise en différentes facettes, que l’on peut assimiler aux traits de caractères. Êtes-vous anxieux ? Consciencieux ? Modeste ? Organisé ? Sûr de vous ? Pour répondre à ces questions, P. Costa et R. Mc Crae ont proposé un questionnaire qui est devenu la référence : le NEO PI R. Il permet de donner un profil de la personnalité selon les cinq dimen-sions fondamentales et leurs facettes. Ainsi, on détermine les traits de caractère d’un individu : anxieux, modeste, altruiste, etc., chaque facette étant quantifiée sur une échelle allant de pas du tout à beaucoup.

Personnalités normales  et pathologiques

Il existe aussi des modèles concernant la personnalité pathologique. Aujourd’hui, aussi bien l’Organisation mondiale de la santé que l’Association américaine de psychiatrie décrivent la personnalité patho-logique en termes de troubles de la person-nalité. Un trouble de la personnalité repré-sente une caractéristique rigide de l’individu et une déviation notable par rapport à son groupe culturel. Cet état s’accompagne d’une souffrance de l’individu concerné et d’une altération de son fonctionnement familial, social et professionnel. Ces troubles ne sont généralement diagnostiqués qu’à l’âge adulte, même si, pour certains (par exemple le trouble de la personnalité anti-sociale), quelques caractéristiques appa-raissent à l’adolescence.

D’après le Manuel diagnostique et statis-tique des troubles mentaux (dsm), il exis-terait dix troubles de la personnalité : les personnalités paranoïaque, schizoïde, schi-zotypique, narcissique, histrionique, border-line, antisociale, évitante, obsessionnelle compulsive et dépendante (voir l’encadré page 6). Ces différents styles ne sont pas indépendants : environ un individu sur dix

dans la population générale souffrirait plus ou moins de l’un ou de plusieurs de ces traits pathologiques. Mais insistons sur un point : même s’il vous semble parfois que vous êtes paranoïaque ou obsessionnel, cela ne signi-fie pas que vous souffrez d’un trouble de la personnalité ! Tant que ces traits ne nuisent ni à vous-même, ni à votre entourage, ils ne sont pas considérés comme pathologiques. Vous êtes peut-être plus vigilant et plus organisé que vos proches, mais ce ne sont que des facettes normales de la personnalité.

Toutefois, ces troubles ont des consé-quences délétères : l’espérance de vie des individus ayant un trouble de la personnalité avéré est plus faible que celle de la population générale, leur qualité de vie est moindre et ils ont plus de risques de devenir dépendants aux

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« Le manque de sincérité est-il une chose si terrible ? C’est simplement une méthode qui nous permet

de multiplier nos personnalités. » Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray, 1890

La personnalité est un édifice

complexe de traits, qui sont incrits dans les gènes et modelés par l’environnement

et les événements de la vie.

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6  La personnalité © Cerveau & Psycho

drogues et d’être violents (envers eux-mêmes ou envers leurs proches). La prise en charge est longue et le travail thérapeutique centré sur l’enfance et l’adolescence du sujet. Il est en effet difficile de changer un comportement ou un état d’esprit qui s’est forgé pendant des années et qui est en partie inscrit dans les gènes. La thérapie permet au patient de gommer, au moins partiellement, les traits pathologiques de sa personnalité.

Les schémas de la pensée

Nous pensons que la prise en charge théra-peutique doit intégrer une approche cogni-tive. En effet, d’après certains chercheurs tels que les psychiatres américains Aaron Beck et Jeffrey Young, une dépression ou un trouble de la personnalité serait l’expression d’une interprétation de la réalité selon des croyances acquises au cours de l’enfance. Ainsi, en thérapie cognitive, c’est l’interpré-tation des événements par l’individu, plutôt que l’événement lui-même, qui déclenche l’émotion négative et la conduite inappro-priée. De sorte que les personnes dépressives interprètent toutes les situations comme un échec et les sujets anxieux ont tendance à considérer les événements comme plus dangereux qu’ils ne le sont, du fait de l’exis-tence de croyances inadaptées.

Ces croyances particulières proviennent de « structures » de la pensée que l’on nomme

schémas. Un schéma est une règle de vie personnelle inconsciente selon laquelle le sujet transforme une information neutre en lui assignant une signification négative particulière, quand il souffre de dépres-sion par exemple. Le schéma est inactivé lorsque le sujet guérit de sa dépression, mais il reste latent.

La notion de schéma et l’approche cogni-tive de la psychopathologie permettent d’intégrer des états cliniques transitoires à la personnalité, pourtant définie comme permanente. Cela conforte l’idée que la personnalité peut changer et évoluer – dans une certaine mesure. Mais ce modèle catégo-riel de la personnalité pathologique fait l’ob-jet de vives critiques et certains aimeraient lui substituer un modèle dimensionnel tel le Big Five : se pose alors la question de définir le nombre de dimensions utiles pour décrire une personnalité pathologique.

La recherche dans ce domaine nous per- mettra, nous l’espérons, d’obtenir un consensus sur le nombre et le contenu des dimensions permettant de décrire la person-nalité, qu’elle soit normale ou pathologique. Dans ce dossier, vous découvrirez les diffé-rents traits de personnalité et comment ils évoluent. Votre comportement, vos attitudes et même votre apparence reflètent votre personnalité, et vos réactions sont presque prévisibles. Parions que vous allez apprécier ce numéro… n

Les troubles de la personnalité

La personne paranoïaque se méfie des autres qui ont, selon elle, des intentions malveillantes.La personne schizoïde n’a aucun besoin des autres et affiche peu d’expressions émotionnelles.La personne schizotypique est gênée dans ses relations aux autres, présente des distorsions cognitives et perceptives, et des comportements excentriques.La personne antisociale méprise et transgresse les droits d’autrui.La personne borderline est très impulsive, instable dans ses relations aux autres et a une mauvaise image d’elle-même.La personne histrionique a des réactions émotionnelles excessives et cherche en permanence l’attention d’autrui.La personne narcissique veut être admirée, présente peu d’empathie et a le sentiment d’être une personne géniale.La personne évitante est très inhibée socialement, a le sentiment de ne pas être à la hauteur et ne supporte aucun jugement négatif d’autrui.La personne dépendante a un comportement soumis lié à un besoin excessif d’être prise en charge par quelqu’un.La personne obsessionnelle compulsive se préoccupe de façon excessive de l’ordre et de la perfection, et contrôle tout ce qu’elle fait.

Bibliographie 

J.-P. Rolland, L’évaluation de la personnalité, le modèle à 5 facteurs, Bruxelles : Mardaga éditeur, 2004.G. Caprara et al., The “big five questionnaire” : A new questionnaire to assess the five factor model, in Personality and Individual Differences, vol. 15, pp. 281-288, 1993.P. Costa et R. McCrae, The NEO personality inventory manual revised, Psychological Assessment Resources, Odessa F.L., 1990.

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La personnalité reflète les pensées et le comportement. C’est une combinaison de plusieurs traits, qui rend chaque individu unique, mais parfois prévisible !

Les différentes  personnalités

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8  La personnalité © Cerveau & Psycho

Êtes-vous agréable, consciencieux, émotif, introverti ou anxieux ? Quelle est votre personnalité ? Avec l’aide d’un clinicien, vous pouvez répondre à des question-

naires et des tests qui permettent de décrire votre personnalité. Et c’est aujourd’hui un consensus international : la person-nalité « normale » serait formée de cinq dimensions, dites fondamentales, chacune comprenant différents traits de caractère. Ces derniers, influencés par l’environne-ment, permettent de décrire les caracté-ristiques d’un individu et de prévoir son comportement. En effet, avec des méthodes

statistiques, les scientifiques ont analysé le vocabulaire – dans le langage courant et les données scientifiques – utilisé pour parler d’une personne ; ils ont montré que cinq facteurs – et leurs combinaisons – suffisent à décrire un individu. Ces cinq dimensions sont obtenues systématiquement quelles que soient la méthode d’analyse utilisée, la procé-dure d’évaluation et la culture de l’individu.

Cinq facteurs universels…

Selon ce modèle en cinq facteurs (modèle dit des Big Five), les différences de person-nalité entre individus correspondraient à diverses combinaisons des cinq dimen-sions fondamentales. Quelles sont-elles ? L’extraversion, l’agréabilité, la conscience, le névrosisme et l’ouverture. Chaque dimen-sion forme un continuum – de très agréable à très désagréable, par exemple – et présente deux pôles opposés. Examinons quels traits de caractère renferment ces dimensions et les tests permettant de les évaluer.

L’extraversion est la tendance à l’extériori-sation ou à l’action ; à un pôle, la personne est extravertie, à l’autre, elle est introvertie. Les traits participant à cette dimension sont l’assu-rance en société et l’activité. L’agréabilité évalue

Les cinq dimensions  de la personnalité

Martine Bouvard

est professeur de psychologie au Laboratoire de psychologie et neurocognition (LPNC) de l’Université de Savoie.

Plusieurs questionnaires et modèles permettent de révéler la personnalité d’un individu. La plupart des psychologues

considèrent que cinq facteurs suffisent pour la décrire.

Les différentes personnalités

En bref •D’après la plupart des modèles, la personnalité se décompose

en cinq facteurs : l’extraversion, l’agréabilité, la conscience, le névrosisme et l’ouverture. •Chaque dimension comprend plusieurs « facettes », qui varient

avec les modèles. Selon le test NEO PI R, l’extraversion évalue la sociabilité, les affects positifs et le fait d’être sûr de soi. • Le NEO PI R repose sur 240 affirmations que l’on doit évaluer.

On obtient alors un score pour chaque trait de la personnalité : d’une telle analyse, il ressort que l’on est plus ou moins sociable, anxieux, consciencieux, ouvert aux expériences nouvelles, etc.

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  9

l’altruisme, la disposition à aider les autres, la confiance en autrui et la bienveillance. La dimension oscille d’un pôle « bienveillance envers autrui » à un pôle « attitude hostile vis-à-vis des autres ». La conscience est formée du besoin de réussite et d’une importante implication dans le travail. Elle comprend des traits de personnalité tels que les caractères méticuleux, scrupuleux et soigné. La dimen-sion varie d’une personne très consciencieuse et méticuleuse à une personne négligente et désorganisée. Le névrosisme se caractérise par l’instabilité émotionnelle et les émotions néga-tives (anxiété, tendance dépressive, irritabilité). Le continuum oscille de l’instabilité à la stabi-lité émotionnelles. Enfin, l’ouverture évalue l’imagination, la curiosité intellectuelle, l’envie d’avoir des expériences nouvelles. La dimension varie d’un pôle « esprit ouvert » à un pôle « esprit non ouvert ».

…mais différents modèles

Dans le modèle à cinq dimensions fondamentales, chacune représente le premier niveau d’une hiérarchie, et elles n’ont aucun lien les unes avec les autres. Puis, chaque dimension se divise en entités, les sous-dimensions, nommées également « facettes » et corres-pondant à des traits de carac-tère. Par exemple, l’extraversion comprend plusieurs facettes, telles que l’activité, les émotions positives, la recherche de sensa-tions… Toutefois, en ce qui concerne le nombre de facettes dans chaque dimension fonda-mentale, aucun consensus n’existe. Les scientifiques ne s’accordent que sur le nombre de dimensions fonda-mentales, pas sur leur nature ni leur contenu, notamment pour l’ouverture. Pour quelles raisons ?

En fait, il existe plusieurs modèles à cinq dimensions, chacun donnant lieu à un questionnaire spécifique et donc à une mesure différente. Nous nous attarderons sur les deux modèles les plus utilisés, le question-naire NEO PI R de Paul Costa et de Robert McCrae, du NIH (Institut américain de la santé) aux États-Unis, et le modèle de l’analyse lexicale. Ce dernier considère

que les différences de personnalité entre indi-vidus sont inscrites dans la langue parlée et écrite ; c’est Lewis Goldberg, de l’Université d’Oregon, qui le proposa en 1993. En analy-sant quel vocabulaire est utilisé pour décrire la personnalité d’un individu, il identifia les cinq dimensions. Certains questionnaires, tel l’Alter Ego (1993) de Gian Vittorio Caprara et de ses collègues, de l’Université de Rome, ont été construits à partir de ces cinq dimensions.

Quant au questionnaire NEO PI R, P. Costa et R. McCrae l’ont fabriqué en 1990 à partir d’un modèle théorique à trois dimensions fonda-mentales : le névrosisme (N), l’extraversion (E) et l’ouverture à l’expérience (O). Puis ils ont ajouté les deux autres dimensions, l’agréabilité (l’attitude conciliante vis-à-vis d’autrui) et la conscience (le sens du devoir), grâce aux résul-tats obtenus avec le modèle de l’analyse lexi-cale. Nous reviendrons sur le contenu de ces deux modèles – le NEO PI R et le modèle lexical.

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Dans tous les modèles, la première dimen-sion est l’extraversion et la deuxième, l’agréabi-lité ou l’amabilité. Mais le contenu de ces deux dimensions fondamentales diffère selon les modèles. Ainsi, L. Goldberg place « la chaleur » dans l’agréabilité, alors que pour P. Costa et R. McCrae, c’est une facette de l’extraversion. De même, en 1975, dans leur modèle à deux dimensions, Hans et Sybil Eysenck considé-raient que l’impulsivité fait partie de l’extra-version, alors que c’est une des facettes du névrosisme pour P. Costa et R. McCrae. En outre, l’hostilité est une facette du névrosisme dans le NEO PI R, alors qu’en général, elle repré-sente un pôle du facteur agréabilité.

En revanche, dans la plupart des modèles à cinq dimensions, le contenu du quatrième facteur – le névrosisme – est presque le même, et la troisième dimension est souvent semblable, bien qu’elle se nomme conscience

dans de nombreux modèles et volonté de réalisation dans les autres. Enfin, le cinquième facteur – l’ouverture – est sujet à polémique. Dans le modèle du NEO PI R, il représente l’ou-verture à l’expérience ; dans le modèle lexical, il devient l’intelligence ou l’imagination.

Les questionnaires d’évaluation

Pour illustrer ces différences entre les modèles, nous allons présenter le NEO PI R

et l’Alter Ego, qui ont été traduits en fran-çais et étudiés avec des participants franco-phones. Le questionnaire NEO PI R comprend 240 items répartis en cinq dimensions et 30 facettes (six par dimension). L’extraversion évalue ainsi la sociabilité, le besoin de compa-gnie, les affects positifs, le fait d’être sûr de soi. Par exemple, les sujets extravertis éprouvent

L’ouverture :- aux rêveries

- à l’esthétique- aux sentiments

- aux actions- aux idées

- aux valeurs

L’anxiétéLa colère-hostilité

La dépressionLa timidité sociale

L’impulsivitéLa vulnérabilité

Extraversion

AgréabilitéConscience

Névrosisme Ouverture

Les cinq facteurs de la personnalité  sont l’extraversion, l’agréabilité, la conscience, le névrosisme et l’ouverture. Ils comprennent chacun plusieurs facettes ou traits de caractère (ici ceux du test NEO PI R).

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La chaleurLe comportement grégaire

L’affirmation de soiL’activité

La recherche de sensationsLes émotions positives

La confianceLa droitureL’altruisme

Le respect des règlesLa modestieLa sensibilité

La compétenceL’ordre

Le sens du devoirLa recherche de la réussite

L’autodisciplineLa délibération

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des affects positifs (gaieté, entrain). Ses six facettes sont la chaleur, le comportement grégaire (la grégarité selon les termes des psychologues), l’affirmation de soi, l’activité, la recherche de sensations et les émotions positives (voir la figure page ci-contre).

L’agréabilité évalue l’altruisme, la dispo-sition à aider les autres et la confiance à leur égard. Ses six facettes sont la confiance, la droiture, l’altruisme, le respect des règles, la modestie et la sensibilité. La conscience correspond à la planification, l’organisa-tion et la mise à exécution des tâches. Ses six facettes sont la compétence, l’ordre, le sens du devoir, la recherche de la réussite, l’autodisci-pline et la délibération. Le névrosisme est la tendance à éprouver des affects négatifs. Ses six facettes sont l’anxiété, la colère-hostilité, la dépression, la timidité sociale, l’impulsivité et la vulnérabilité. Enfin, l’ouverture regroupe l’imagination, la curiosité intellectuelle, la sensibilité esthétique, l’attention prêtée à ses propres sentiments et les attitudes non dogmatiques. Ses six facettes sont l’ouverture aux rêveries, à l’esthétique, aux sentiments, aux actions, aux idées et aux valeurs. Dans ce questionnaire, les items sont des affirmations pour lesquelles le sujet évalue son degré d’ac-cord ou de désaccord (voir l’encadré page 12).

Actif, agréable, réfléchi…

Le questionnaire Alter Ego, proposé par G. V. Caprara et ses collègues en 1993 évalue aussi les cinq dimensions fondamentales. Les auteurs ont utilisé le modèle lexical pour élaborer les items. Comme la construction de l’Alter Ego a eu lieu après celle du NEO PI R, G. V. Caprara et ses collègues ont amélioré l’évaluation des dimensions fondamentales en soulignant les limites du NEO PI R. Ils ont notamment considéré que six facettes par dimension favorisaient les redondances et surtout augmentaient le risque de liens entre les différentes dimensions, alors que dans le modèle théorique des Big Five, les facteurs doivent être indépendants.

Ainsi, dans l’Alter Ego, les cinq dimen-sions du questionnaire comportent chacune deux facettes. Ce test diffère des autres du même type, par le nom et le contenu du premier facteur : l’énergie. Les auteurs ont voulu insister sur sa composante activité, plutôt que sur sa dimension interpersonnelle (extraversion). Cela permet d’éviter tout recouvrement avec le facteur agréabilité.

Pour ce facteur énergie, les personnes obtenant des scores élevés se décrivent plutôt comme étant dynamiques, actives, dominatrices et loquaces. Les deux facettes sont le dynamisme et la dominance. Les personnes ayant des scores élevés au facteur amabilité seraient coopératives, altruistes, aimables, généreuses et empathiques. Les sous-dimensions sont la coopération et l’attitude amicale. Les sujets ayant des scores élevés au facteur conscience seraient réfléchis, méticuleux, ordonnés, précis et persévérants. Les deux sous-dimensions sont la méticulosité et la persévérance. Les personnes obtenant des scores élevés à la dimension stabilité émotionnelle se décrivent comme peu anxieuses, peu vulné-rables, peu émotives et peu impulsives. Les

deux facettes sont le contrôle de l’émotion et le contrôle de l’impulsivité. Enfin, les sujets ayant des scores élevés à la dimension ouverture d’esprit seraient cultivés, infor-més, intéressés par les expériences nouvelles, ouverts au contact avec des cultures et des coutumes différentes. Les deux facettes sont l’ouverture à la culture et l’ouverture à l’ex-périence. Chaque affirmation est cotée sur une échelle en cinq points de A (tout à fait vrai) à E (tout à fait faux).

Des tests pour les enfants

Ces questionnaires sont-ils valables pour n’importe quel individu ? Oui, à condition qu’il s’agisse d’adultes. Mais aujourd’hui, on cherche également les dimensions fonda-mentales de la personnalité de l’enfant. Historiquement, on parlait de tempérament et de caractère pour l’enfant, et de personnalité pour l’adulte. De récentes études ont montré que le modèle des cinq dimensions pourrait être utilisé chez l’enfant afin de mieux le comprendre et d’éviter certains troubles.

Pour évaluer la personnalité de l’enfant et de l’adolescent, trois approches existent.

Les différences de personnalité entre individus correspondraient à diverses combinaisons des cinq dimensions.

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12  La personnalité © Cerveau & Psycho

Tout d’abord, on peut avoir recours à des questionnaires, tel le NEO PI R, avec les adolescents âgés de plus de 16 ans. Mais ces questionnaires ayant été construits pour les adultes, ils ne sont pas bien adaptés à cette tranche d’âge. De sorte que les cliniciens préfèrent interroger les parents pour détermi-ner les caractéristiques de la personnalité de leur enfant. En 2002, Ivan Mervielde et Filip de Fruyt, de l’Université de Gand en Belgique, ont utilisé l’approche lexicale pour produire un nouveau questionnaire : l’Inventaire hiérarchique pour enfants (HiPIC). Pour ce faire, ils ont demandé à de nombreux parents de décrire librement la personnalité de leur enfant. Puis ils ont classé ces descriptions en grandes catégories, qui correspondent, fina-lement, aux cinq dimensions fondamentales.

Cette méthode permet au clinicien d’obte-nir une description de la personnalité d’un enfant de plus de six ans à partir des obser-vations d’un adulte qui le connaît bien.

Ainsi, dans ce test pour enfants, l’extra-version a cinq facettes : la timidité, l’expres-sivité, l’optimisme, l’énergie et la vigueur. La dimension bienveillance (qui corres-pond à l’amabilité) aussi : l’égocentrisme, l’irritabilité, l’obéissance, la dominance et l’altruisme. La conscience a quatre facettes : la motivation, le soin-l’ordre, la concentra-tion et la persévérance. La stabilité émotion-nelle met l’accent sur le côté positif et a deux facettes : l’anxiété et la confiance en soi. Enfin, la cinquième dimension – l’imagina-tion – comprend trois facettes : la créativité, l’intelligence et la curiosité.

Les tests de personnalité

Extraversion« J’aime la plupart des gens que je rencontre »« Dans les réunions, je laisse parler les autres »« Mon rythme de vie est rapide »« Je ris facilement »

Énergie« J’ai le sentiment d’être une personne active et forte »« J’ai tendance à prendre des décisions rapidement »

« Je n’aime pas les ambiances de travail où il y a une forte compétition »

Agréabilité« Ma première réaction est de faire confiance aux gens »« Certains trouvent que je suis égoïste et que je ne pense qu’à moi »« J’essaie d’être modeste »« Si je peux, je fais un effort pour aider les autres »

Amabilité« Lorsque les gens ont besoin de mon aide,

je le comprends »« Je sais presque toujours comment répondre

aux exigences des autres »« J’aime bien me mêler aux gens »

Conscience« Je suis quelqu’un de très compétent »« J’ai des principes moraux et j’y adhère strictement »« J’ai beaucoup d’autodiscipline »« Il est rare que je prenne des décisions hâtives »

Conscience« Je supporte très difficilement le désordre »

« Je mets en pratique ce que j’ai décidé, même si cela comporte un engagement imprévu »

« J’ai du mal à abandonner une activité »

Névrosisme« Je suis une personne d’humeur égale »« Quelquefois, je me sens complètement sans valeur »« Je me sens souvent inférieur(e) aux autres »« J’ai du mal à résister à mes désirs »

Stabilité émotionnelle« Il ne m’arrive pas souvent de me sentir tendu(e) »

« Mon humeur est sujette à de fréquentes variations »

« Je n’ai pas l’habitude de réagir de façon impulsive »

Ouverture« J’ai une imagination très active »« La poésie a peu d’effets sur moi »« Je suis bien installé(e) dans mes habitudes »« Je trouve les discussions philosophiques ennuyeuses »

Ouverture d’esprit« Je suis toujours au courant de ce qui se passe »

« Je ne suis pas attiré(e) par des situations nouvelles »« Je considère qu’il n’existe pas de valeurs

ou d’habitudes éternellement valables »

Voici quelques exemples d’affirmations proposées dans deux questionnaires de personnalité, le NEO PI R et l’Alter Ego. Le sujet répond en disant s’il est tout à fait d’accord ; à peu près d’accord… ; pas du tout d’accord.

NEO PI R Alter Ego

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Qui plus est, en 2003, Claudio Barbaranelli, G. V. Caprara, Annarita Rabasca et Concetta Pastorelli, de l’Université de Rome, ont établi un questionnaire évaluant les cinq dimensions de l’enfant de plus de huit ans. Il comprend 65 items (13 par dimension). Avec ce test, le clinicien peut obtenir le point de vue de l’enfant, puis le comparer à celui des adultes qui l’entourent.

Toujours la même  personnalité ?

La plupart des chercheurs considèrent que les dimensions fondamentales de la personnalité seraient acquises très tôt dans l’enfance. Et en général, elles resteraient relativement stables au cours de la vie. Elles représenteraient donc des traits de person-nalité qui « obligent » l’individu à toujours réagir de la même façon (en l’absence d’évé-nements traumatisants). Elles permettent donc de prévoir le comportement, voire les pensées, d’un individu.

Nous venons de voir qu’il n’existe pas un seul modèle des cinq dimensions, mais plusieurs. Toutefois, le modèle du NEO PI R est le plus utilisé ; on peut ainsi décrire les caractéristiques d’une personne selon les

cinq dimensions, puis affiner le profil avec les facettes. Dès lors, un clinicien peut analy-ser les forces et les faiblesses d’un individu. L’âge aurait également peu d’influence sur les dimensions fondamentales, et les femmes ont tendance à avoir des scores plus élevés que les hommes dans deux dimensions : le névrosisme et l’agréabilité. Sont-elles plus instables émotionnellement, mais davantage tournées vers autrui ?

Par conséquent, les cinq dimensions permettent de décrire la personnalité normale d’une personne. Elles sont assez stables au cours de la vie, mais peuvent tout de même évoluer. Aujourd’hui, on s’intéresse au profil des individus ayant un trouble mental ou une personnalité difficile. Notamment, de nombreuses études ont déterminé le profil au NEO PI R d’individus souffrant de troubles de la personnalité (par exemple, le trouble de la personnalité évitante ou schizoïde). Et l’on se rend compte que la frontière entre les personnalités normales et difficiles est floue, l’intensité d’un trouble étant variable dans le temps. Toutefois, en cas de souffrance ou de détresse psychologique, un travail thérapeu-tique peut atténuer certains traits de person-nalité ; la stabilité de la personnalité au cours de la vie est donc toute relative… n

  Bibliographie

M. Bouvard, Questionnaires

et échelles d’évaluation de la personnalité,

3e édition, Paris : Masson, 2009.

C. Barbaranelli et al., A questionnaire

for measuring the Big Five in late childhood,

in Personality and Individual

Differences, vol. 34, pp. 645-664, 2003.

J.-P. Rolland, Inventaire de

personnalité NEO PI R, Éditions du Centre

de Psychologie Appliquée, Paris, 1998.

L. Goldberg, The structure

of phenotypic personality-traits,

in American Psychologist, vol. 48,

pp. 26-34, 1993.

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14   La personnalité © Cerveau & Psycho

« La jeunesse est la période où l’on se déguise, où l’on cache sa personnalité. C’est une période de mensonges sincères. » Pablo Picasso (1881-1973).

Le jeune « cache-t-il » sa person-nalité, comme le suggère Picasso ? Non. Si ce n’est pas une dissimu-lation volontaire, c’est une évolu-tion naturelle. D’après les résultats

récents sur la psychologie de l’enfant, ses comportements, attitudes et pensées ne sont pas stabilisés – son tempérament évolue. La personnalité étant un ensemble de proces-sus organisés qui donne à l’être humain son caractère unique et singulier, permettant de prévoir ses actions, on ne peut pas parler de personnalité chez l’enfant. En effet, les interactions de l’organisme avec l’environ-nement sont si importantes au cours du développement qu’une conception figée et déterministe de la personnalité n’a aucun sens : la personnalité met en jeu des carac-téristiques génétiques et biologiques, d’une part, et des facteurs éducatifs et contextuels, d’autre part. La question de l’inné et de l’ac-quis prend tout son sens.

Pour préciser ces deux versants de la personnalité, nous parlerons du tempérament et du caractère. Le tempérament correspond à des différences individuelles de réactions émotionnelles et de comportement qui sont identifiables et mesurables tôt au cours du

développement. En général, on admet que le tempérament a un fondement « constitution-nel », voire génétique, avec des caractéristiques biologiques identifiables, telle la concentra-tion en cortisol ou en testostérone, hormones qui interviennent dans le stress ou l’agressi-vité. Par exemple, Jerome Kagan, de l’Univer-sité Harvard, soutient l’hypothèse d’une forte héritabilité des traits de tempérament.

Interaction de l’inné et de l’acquis

Mais cette héritabilité ne traduit pas forcé-ment un déterminisme génétique rigide, car elle n’exclut pas l’influence de facteurs envi-ronnementaux. Ainsi, des facteurs biolo-giques et génétiques, mais aussi anténataux et périnataux, tel le stress de la mère, expliquent les différences de comportement : l’environ-nement joue très tôt un rôle dans le tempé-rament, et par exemple, les interactions (dites épigénétiques) des gènes avec l’environne-ment peuvent en modifier précocement les caractéristiques. Le tempérament est en fait la partie biologique de la personnalité.

Sur le versant non génétique, des cher-cheurs tels Robert Cloninger, de l’Université Washington à Saint-Louis, et Hagop Akiskal, de l’Université de Californie à San Diego, utilisent le terme de caractère pour désigner les aspects acquis et conscients de la person-nalité, soumis aux effets de l’apprentissage,

Le tempérament  des jeunes évolue

Grégory Michel

est psychologue clinicien, psychothérapeute et professeur de psychopathologie. Il dirige le Laboratoire de Psychologie, santé et qualité de vie, à l’Université de Bordeaux.

Le tempérament des enfants n’est pas figé : il se développe progressivement à partir de caractéristiques innées,

lesquelles sont façonnées par l’environnement.

Les différentes personnalités

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  15    

de la culture, des relations avec autrui et, de façon plus générale, de l’environnement. Aussi, chez l’enfant et notamment les plus jeunes, parlerons-nous davantage de tempé-rament que de caractère ou de personnalité, lesquels se façonnent progressivement avec le temps. En conséquence, la personnalité est une organisation dynamique reflétant l’interaction du tempérament et du caractère. Nous sommes loin des théories la définissant soit par le génome, soit par l’environnement.

Une « continuité changeante »

Dans le domaine de la personnalité et plus encore dans celui du tempérament, il est préférable de parler de continuité des traits, plutôt que de stabilité : la façon dont un individu se comporte dépend du contexte et de son développement cognitif. Même les caractéristiques individuelles à forte composante génétique ne s’expriment pas toutes dès la naissance ; certaines émergent plus tard et leur expression est susceptible de changer à certains moments de la vie. C’est notamment le cas des dimensions de la personnalité dites « de haut niveau », telles

En bref • Le tempérament représente l’ensemble des traits innés,

biologiques et génétiques d’un enfant. •Quant à son caractère, il est façonné par l’éducation

et l’environnement. La personnalité est la combinaison du tempérament et du caractère. •Un tempérament difficile ne fait pas forcément le lit d’une personnalité

antisociale ou pathologique, si l’environnement où grandit l’enfant est adapté à ses traits de personnalité.

qu’une forte impulsivité ou un tempéra-ment difficile, par rapport aux dimensions moins marquées telles que l’optimisme ou la curiosité. La plupart des enfants très impul-sifs ne le restent pas toujours toute leur vie ! L’expression comportementale d’un trait donné varie au cours du développement.

J. Kagan a beaucoup étudié cette variabilité, en particulier l’inhibition comportementale, c’est-à-dire le fait de ne pas interagir avec des objets ou des individus non familiers. L’enfant de moins de deux ans se comporte souvent de cette façon : il ne cherche pas à jouer long-temps avec un nouvel objet ou à créer des liens avec un inconnu. Puis, entre deux et quatre

1. Quelle personnalité  a cet individu ?

Si l’on peut déterminer les traits de son tempérament

quand il est enfant, il est difficile de savoir

quel adulte il deviendra…

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16  La personnalité © Cerveau & Psycho

Les cinq dimensions de la personnalité de l’enfant

Pour mesurer la personnalité d’un enfant de plus de six ans, on peut utiliser l’Inventaire hiérarchique pour enfants développé par Ivan Mervielde et Filip de Fruyt, de l’Université de Gand en Belgique. Les cinq dimen-

sions sont l’extraversion, la bienveillance, la conscience, la stabilité émotionnelle et l’imagination. Chacune présente deux à cinq facettes : un enfant est plus ou moins timide, optimiste, obéissant, altruiste, motivé, persé-vérant, curieux, anxieux, etc.

ExtraversionPlus ou moins de :

VigueurExpressivitéOptimisme

ÉnergieTimidité

BienveillancePlus ou moins de :

DominanceAltruismeIrritabilité

ObéissanceÉgocentrisme

ConsciencePlus ou moins de :

MotivationSoin - ordre

ConcentrationPersévérance

Stabilité émotionnellePlus ou moins de :

Confiance en soiAnxiété

ImaginationPlus ou moins de :

CréativitéIntelligence

Curiosité

fluence du caractère (acquis) est détermi-nante dans la formation de la personnalité chez l’adolescent et l’adulte, alors que chez l’enfant, c’est le tempérament (influence innée) qui prédomine.

La seconde façon d’expliquer pourquoi la personnalité est plus stable chez l’adolescent et l’adulte s’appuie surtout sur la notion de continuité du tempérament. Mais cette notion se décline soit en continuité homo-typique, soit en continuité hétérotypique. La première suggère que la personnalité reste stable et se manifeste toujours de la même façon quel que soit l’âge de l’individu… ce qui est relativement rare. Dans la plupart des cas, la continuité du tempérament est hétéro-typique : on a mis en évidence certaines varia-tions de la personnalité au cours du temps. Comment interpréter ces deux facettes du tempérament ? Le tempérament est relati-vement stable avec le temps (le noyau dur ne change pas), mais son expression (par exemple, l’impulsivité) varie en fonction de la maturité du sujet, de l’influence du caractère, de facteurs sociaux ou culturels, mais aussi car la part du tempérament dans l’expression de la personnalité diminue avec l’âge.

En d’autres termes, le caractère module l’expression du tempérament. Par exemple, quand le caractère est « fort » – l’individu gère

ans, il inhibe ses réactions surtout vis-à-vis d’un enfant inconnu (mais peu face à un objet ou un adulte non familier). Et entre quatre et six ans, il regarde souvent en direction d’un inconnu. L’enfant est prudent face à des situa-tions potentiellement dangereuses, car incon-nues. Il s’agit là d’un trait de tempérament inné, mais qui évolue au cours de l’enfance.

Tempérament des enfants, caractère des ados

Néanmoins, plusieurs données ont mis en évidence une relative stabilité de la personna-lité ou du tempérament à partir du moment où le jeune entre à l’école, et surtout quand il devient un adolescent. On définit d’ail-leurs, comme pour les adultes, cinq grandes dimensions de la personnalité chez le jeune : l’extraversion, la bienveillance, la stabilité émotionnelle, l’imagination et la conscience (voir l’encadré ci-dessus). Ce qui signifie que l’on pourrait prévoir la personnalité qu’aura un individu à l’âge adulte à partir de son comportement après l’entrée à l’école.

Comment peut-on l’expliquer ? D’abord, parce que la personnalité adolescente met en jeu davantage d’interactions avec les pairs et l’environnement social (non partagé avec les parents), que celle de l’enfant. En outre, l’in-

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bien ses émotions, a de bonnes connaissances des règles sociales et de lui-même, etc. –, il peut « contrôler » l’expression de l’impul-sivité en tenant compte des ressources de l’individu et des contraintes extérieures. Le psychologue américain Marvin Zuckerman définit le trait recherche de sensations comme un besoin de stimulations fortes et intenses via des conduites à risques ou sportives. Mais ce trait ne se manifeste pas de la même façon chez l’enfant ou chez l’adolescent ; le premier fait du skate-board à toute vitesse, le second expérimente l’ivresse alcoolique, par exemple. Aussi la combinaison entre un tempérament et un caractère déterminerait-elle la person-nalité (voir la figure 2).

À l’adolescence, l’influence des parents sur le fonctionnement du jeune diminue au profit de celle des pairs. Les adolescents se reconnaissent à partir des activités qu’ils pratiquent, des valeurs et des intérêts qu’ils partagent. Par exemple, un adolescent qui se drogue a tendance à fréquenter des camarades qui consomment aussi des toxiques, ce qui augmente le risque de continuer et de devenir dépendant. Le groupe de pairs est un environ-nement qui favorise l’accès aux drogues et renforce socialement leur utilisation.

L’influence des parents et des pairs

Ainsi, les caractéristiques individuelles impliquées dans l’usage de toxiques, par exemple l’énergie, une facette de la dimen-sion extraversion, sont partagées par la plupart des jeunes qui en consomment. En 1995, Ralph Tarter, de l’Université de Pittsburgh aux États-Unis, et ses collègues ont montré que les jeunes ayant par exemple un fort besoin d’activité chercheraient des réseaux sociaux répondant à leurs aspira-tions pour « satisfaire » leur tempérament. L’environnement social du groupe de pairs « catalyserait » une vulnérabilité individuelle à certains comportements spécifiques. Les adolescents ayant des traits de personnalité semblables se fréquentent, ce qui renforce des conduites communes et certaines facettes de la personnalité.

Dans les années 1950, à New York, Alexander Thomas et Stella Chess ont suivi de la naissance à l’âge adulte des milliers d’in-dividus pour préciser la notion de tempéra-ment et son développement. Certains traits définissent un tempérament difficile : une

humeur négative, une faible persévérance, une faible adaptabilité, une forte distracti-bilité, des réactions émotionnelles intenses, un niveau élevé d’activité et un retrait social. Ils ont montré que ce type de tempérament pendant l’enfance « prédit » relativement

bien des difficultés d’adaptation psychoso-ciale à l’adolescence et à l’âge adulte. D’autres études ont précisé ce lien. En 1984, Michel Maziade, de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec, et ses collègues ont analysé le devenir de 980 enfants et montré que les 39 enfants ayant un tempérament difficile à l’âge de sept ans ont plus de risques que les autres enfants de souffrir de troubles psychiatriques ou de personnalité antisociale à l’adolescence. Cependant, ce lien n’existe que s’il y a aussi un dysfonctionnement familial, par exemple l’absence de contrôle comportemental par les parents.

Un profil de personnalité difficile ?

En outre, un tempérament difficile n’est pas spécifique de l’émergence des conduites antisociales ; il est aussi en cause dans l’hy-peractivité avec trouble de l’attention, ainsi que dans les troubles anxieux et dépressifs. L’effet du tempérament sur la personnalité dépend de différents facteurs tels que l’atti-tude des parents, le soutien social, l’éduca-tion et le fonctionnement familial, comme l’ont confirmé plusieurs études.

Ces travaux montrent qu’il est indispen-sable de prendre en compte l’influence de l’environnement (notamment familial) dans l’analyse des liens entre personnalité et appa-rition d’un trouble psychopathologique chez l’enfant. Cette vulnérabilité liée au contexte familial pose une question fondamentale : la personnalité est-elle héréditaire ? Oui, d’un point de vue génétique, les traits de tempé-rament sont en partie hérités des parents.

L’effet du tempérament sur la personnalité dépend de différents facteurs tels que l’attitude des parents, le soutien social,

l’éducation et le fonctionnement familial.

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18  La personnalité © Cerveau & Psycho

Mais la vulnérabilité peut aussi résulter de pratiques éducatives qui ne seraient pas adaptées, par exemple une éducation trop coercitive, ou permissive, ou punitive, etc. L’éducation peut amplifier les difficultés de l’enfant. De fait, le tempérament difficile n’est pas pathologique en soi ; il le devient si l’envi-ronnement, notamment familial, est délétère.

L’éducation forge le tempérament

Ainsi, plusieurs modèles, tel celui d’A. Thomas et de S. Chess, ont révélé que certaines formes d’éducation interagissent avec les traits de personnalité de l’enfant. Mais tous les facteurs de « fragilisation » ne sont pas à interpréter dans une démarche déterministe, les uns indépendamment des autres : ce qui impose au sujet une sorte de vulnérabilité aux conduites à risques, ou aux comportements violents, c’est la conjonc-tion des relations familiales et les prédispo-sitions individuelles. L’âge même du sujet est un facteur de prédisposition, ou d’entretien, du comportement antisocial. Et il en est de même pour l’apparition des troubles anxieux ou dépressifs par exemple. Le risque d’en souffrir augmente si il y a une incompatibilité importante entre le tempérament de l’enfant – par exemple, il est très timide et inquiet – et les exigences de son entourage – par exemple, l’éducation valorise la prise de risques.

En 2006, Diane Purper-Ouakil, du Centre de psychiatrie et neurosciences à Paris, et moi-même avons montré que pour un même profil de tempérament difficile, des valeurs éduca-tives adaptées n’engendrent pas de troubles pathologiques ou de personnalité difficile. Au contraire, si l’éducation n’est pas adaptée, les conséquences développementales risquent d’être graves. Plusieurs explications ont été proposées. Les attitudes parentales seraient modulées par les traits de personnalité de l’enfant (par exemple, des parents réagissent violemment à la vigueur de leur enfant) ou l’effet des comportements parentaux diffé-rerait selon la réaction de l’enfant (quand il ne prendrait pas en compte les limites qui lui sont imposées). Dans tous les cas, en termes de prévention, il faut tenir compte du profil de tempérament de l’enfant pour mettre en place des comportements éducatifs appropriés.

Quelle que soit la réalité des contraintes biologiques du tempérament, elles s’inscrivent nécessairement dans une rencontre avec l’en-vironnement, dont le poids dans la formation de la personnalité est considérable et peut augmenter ou diminuer le risque de troubles psychopathologiques. La personnalité de l’en-fant se construit au fil du temps : elle résulte de l’interaction, quasi constante et dynamique, de différentes caractéristiques individuelles et familiales. Tous les enfants ont besoin d’une éducation adaptée à leurs traits de personna-lité, mais certains encore plus que d’autres. n

Bibliographie 

G. Michel et D. Purper-Ouakil, Personnalité et développement : Du normal au pathologique, Paris, Dunod, 2006.G. Michel, La prise de risque à l’adolescence : pratique sportive et usage de substances psycho-actives, Paris, Masson, 2001.M. Zuckerman, La troisième révolution du cerveau : Psychobiologie de la personnalité, Paris, Payot, 2001.C. R. Cloninger, Personality and psychopathology, Washington, D.C. : American Psychiatric Press, 1999.J. Kagan, La part de l’inné : Tempérament et nature humaine, Paris, Bayard, 1999.

2. La personnalité résulte de la combinaison d’un tempérament – les bases biologiques et génétiques des caractéristiques individuelles – et d’un caractère, modelé par l’environnement. En théorie, la personnalité ne se stabilise qu’après l’entrée à l’école, voire à l’adolescence. Il devient alors possible de la définir.

Tempérament Caractère

Personnalité

Enfance

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20  La personnalité © Cerveau & Psycho

C’est une arme. À l’OTAN, elle fait partie de ce que l’on nomme les NLW (pour Non-Lethal Weapons, armes non létales). Cette arme ne tue personne

directement. Mais elle peut sauver la paix ou déclencher une guerre, contribuer à la victoire ou à la défaite. Logiquement, toutes les nations devraient la posséder, car elle ne coûte presque rien : un million de fois moins que l’arme atomique. Or seuls quelques rares pays la maîtrisent.

« Connais-toi toi-même, et tu seras invincible »

De quoi s’agit-il ? C’est l’arme psycholo-gique. Et plus précisément, la Psychological profiling of key leaders (pour Analyse de personnalité de dirigeants clés). Plus de trois siècles avant notre ère, la compréhension de la psychologie du général ennemi était déjà considérée par le stratège chinois Sun-Tsu comme un atout décisif. « Connais l’adversaire et surtout connais-toi toi-même, et tu seras invincible », écrivait Sun-Tsu. La connais-sance vient du renseignement. L’espionnage de ses ennemis (et de ses amis) est pratiqué de façon quasi industrielle par les États-Unis qui

épient la planète entière. L’Europe, n’ayant ni suffisamment de solidarité ni suffisamment de moyens, se contente de petites actions éparses. Or, grâce aux progrès modernes en psycholo-gie, elle pourrait se doter de l’arme du profi-lage psychologique. En effet, les connaissances sur le fonctionnement du cerveau humain se sont développées de façon exponentielle. Ce qui relevait autrefois de l’intuition est aujourd’hui une science qui répond à des critères d’évaluation de plus en plus rigoureux.

Le profilage psychologique des leaders est né à la même époque que la bombe A et a été développé par la même puissance internatio-nale : les États-Unis. C’est William Donovan, directeur de l’Office of Strategic Services, ancêtre de l’actuelle CIA, qui en lança l’idée en 1942. Il engage à ce moment-là quelques-uns des plus éminents psychologues de son temps, dont Henry Murray, de l’Université Harvard. Il leur demande de dresser un profil psychologique détaillé du principal ennemi des États-Unis : Adolf Hitler. Quelques mois plus tard, l’équipe remet à son commanditaire un dossier épais de 1 721 pages : « Analyse de la personnalité d’Adolf Hitler avec prédic-tion de son comportement futur et sugges-tion de l’attitude à adopter avec lui, mainte-nant et après la reddition de l’Allemagne. »

Quelles personnalités pour quels leaders ?

Pascal de Sutter

est chercheur et enseignant à la Faculté de psychologie de l’Université de Louvain. Il est aussi consultant en psychologie politique et directeur de la Société Hermes profiling de conseil en psychologie politique, diplomatique et économique.

Les différentes personnalités

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  21

Quels sont les traits de caractère de ceux qui gouvernent le monde ? En quoi leurs personnalités influent-elles sur leurs décisions politiques ? Les profileurs psychologiques répondent à ces questions, participant ainsi aux négociations internationales.

Le raisonnement de Donovan est à peu près le suivant : « Si nous connaissons la personnalité d’Adolf Hitler, nous pouvons prévoir son comportement, et dès lors, antici-per ses actions et le manipuler. » Ce raisonne-ment évoque l’attitude des joueurs d’échecs, qui cherchent à prévoir les prochains coups de leur adversaire pour s’adjuger une longueur d’avance sur le déroulement du jeu.

Prévoir le suicide d’Hitler

Mais comment faire ? L’idéal est de connaître la façon dont l’autre réfléchit et agit. Pour cela, on analyse les « parties » précédentes de l’adversaire, tout comme les champions d’échecs. C’est ce que firent les psychologues de l’Office of Strategic Services, analysant les écrits et les discours d’Hitler. Ils interrogèrent aussi de nombreux témoins ayant rencontré le Führer, et analysèrent en détail sa biographie. Ils en tirèrent un profil psychologique, émirent plusieurs prévisions sur les décisions du dictateur et firent des suggestions sur la conduite à tenir avec lui.

Ce premier profil psychologique à distance comportait de nombreuses lacunes et faiblesses. Les connaissances du fonctionne-ment psychique humain en 1943 n’avaient

pas grand-chose à voir avec ce que l’on en sait aujourd’hui. Toutefois, ils en dressèrent un portrait de personnalité cohérent et découvrirent notamment que Hitler souf-frait de paranoïa. Ils prédirent également son suicide, deux ans à l’avance.

H. Murray et son équipe suggérèrent plusieurs idées originales pour manipu-ler Hitler afin de l’empêcher de mettre fin à ses jours. Car ils estimaient que le suicide apporterait une touche romantique et hono-rable à un personnage qui ne devait surtout pas devenir un héros. Ainsi, ils conseillèrent de faire courir le bruit qu’en cas de capture, Hitler serait exilé sur l’île de Sainte-Hélène.

En bref • L’arme psychologique est une arme aussi puissante que l’arme

nucléaire : aux États-Unis notamment, on connaît le profil psychologique de son adversaire avant même de le rencontrer. • En Europe, l’utilisation de ces techniques de profilage

est balbutiante. Pourtant, elles permettraient de mieux contrer l’espionnage américain de nos dirigeants et chefs d’entreprise. • Les profileurs utilisent et analysent toutes les données présentes

dans le domaine public et des interrogatoires de ses proches pour dresser le profil psychologique d’un leader.

F. Hollande (a),  B. Obama aux USA (b), M. Higgins en Irlande (c),

G. Napolitano en Italie (d),

V. Poutine en Russie (e) et X. Jinping en Chine (f)

exercent les plus hautes responsabilités

à la tête de pays comptant des millions,

voire des milliards, d’habitants. Leurs

personnalités sont pourtant différentes.

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22  La personnalité © Cerveau & Psycho

Profil psychologique de Nicolas Sarkozy

D ans la presse, la personnalité de Nicolas Sarkozy a fait l’objet de multiples spéculations. On l’a tel-

lement vu, revu et entendu, qu’on pense le connaître. Pourtant, quand on se fonde sur des méthodes d’ana-lyses scientifiques, on aboutit à des résultats à la fois plus mesurés et plus féconds.

Nous avons utilisé une méthode bien rodée en ana-lyse de la personnalité, à savoir la méthode Millon, du nom d’un psychologue américain qui a établi les règles de cet exercice rigoureux. Précisons que ce profil a été commencé près d’un an avant son élection en 2007, puis réévalué suite à l’exercice du pouvoir. Bien que l’entou-rage de N. Sarkozy proclame régulière-ment qu’« il a changé ! », nous n’avons pas observé de modifications impor-tantes dans son fonctionnement psy-chique. Certes, la fatigue et l’expérience liées à l’exercice du pouvoir présidentiel l’ont rendu plus mesuré sur certains traits de personnalité. Cependant, globa-lement, l’ex-Président conserve le même tempérament. Il ne s’est d’ailleurs pas adonné à beaucoup d’autocritiques ou de remises en question.

La méthode utiliséeOn connaît la validité scientifique de

certains tests de personnalité effectués par des experts sur des sujets qui remplissent des ques-tionnaires. Peut-on établir un profil psychologique à dis-tance, sans rencontrer le sujet ? Des obstacles existent, car les sources sont indirectes et parfois biaisées. Mais il y a aussi des avantages, car les sujets ne tentent pas de « tricher » en répondant aux questionnaires avec ce que l’on nomme « la désirabilité sociale ». Rappe-lons que le profilage psychologique à distance n’est pas une science exacte. Il dépend de la fiabilité des sources d’information et du talent de l’expert. Rien n’est jamais sûr à 100 pour cent.

Tout d’abord, nous avons étudié les documents écrits accessibles au public et avons privilégié le contenu des interviews (plus spontanés que les discours écrits par des conseillers). Puis nous avons travaillé avec les multiples livres et articles consacrés à N. Sarkozy, qui contiennent d’innombrables anecdotes intéressantes pour le psycho-logue. Bien sûr, ces éléments sont à prendre avec pré-caution, quelques dirigeants aimant censurer certaines descriptions les concernant. Nous avons rassemblé des milliers de phrases puisées dans ces multiples sources pour établir le Millon Inventory of Diagnostic Criteria. Nous avons ainsi répondu aux 230 questions nécessaires pour dresser un profil psychologique. Ensuite, nous avons com-

plété cet inventaire diagnostique à l’aide d’un question-naire simplifié (60 questions) que nous avons soumis à des proches de N. Sarkozy, ayant une opinion « plutôt positive » ou « plutôt négative ». Ces multiples questions portent sur 12 dimensions de personnalité, encore nom-mées axes de personnalité (voir l’encadré page 26).

Afin d’augmenter la fiabilité et de diminuer le risque d’in-terprétation personnelle, plusieurs psychologues formés au profilage ont répondu, séparément et sans se consulter, à l’ensemble des questions. Puis nous avons rassemblé nos résultats pour passer à ce que nous nommons, en jargon psychologique, l’encodage. Cette phase consiste à attribuer

les points prévus dans la grille d’évalua-tion pour chaque trait de personnalité.

Les résultats ont été envoyés à un profileur américain expérimenté pour qu’il donne ses impressions et commen-taires. Pour être certain qu’il ne soit pas influencé dans ses réponses, il n’était pas informé du nom des sujets à examiner. Le profil psychologique qui en résulte dé-crit la personnalité et permet de prévoir avec un niveau d’exactitude élevé le com-portement politique de N. Sarkozy, mais pas de savoir comment il se comporte en privé. L’être humain est polymorphe. Un individu peut être doux à son travail et agressif avec son conjoint. Il peut être

dominant avec ses employés et soumis devant ses propres enfants. Chaque être humain a différents profils psycholo-giques suivant les lieux, les personnes et les circonstances. Le profil psychologique que nous présentons est celui de N. Sarkozy, homme public contemporain.

Que révèle ce profil ?Le graphique permet d’abord de savoir ce que le sujet

n’est pas. Par exemple, N. Sarkozy se situe au niveau zéro sur l’axe 8, c’est-à-dire retrait-schizoïde, solitude, asocia-bilité, ennui, inertie. Il n’est pas un dirigeant solitaire qui, dans sa tour d’ivoire, prend des décisions schizoïdes.

Il obtient ensuite un faible score pour les axes 5A (humilité, modestie, sobriété, ascétisme, autodénigre-ment, défaitisme…) et 7 (inhibition, retenue, prudence, hésitation, timidité, irritationalité, inquiétude…). Toutefois, ce dernier axe n’est pas au plus bas, ce qui indiquerait qu’il reste peut-être chez N. Sarkozy une touche de ti-midité inquiète. Les axes 4 (soumission, adaptation, coo-pération, dépendance, incompétence) et 5B (opposition, non-conformisme, individualisme, entêtement…) sont présents de façon modérée, ce qui signifie que le sujet a quelques caractéristiques de ces traits, mais dans une proportion comparable à la moyenne de la population.

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Ambition Méfiance

Instabilité

Opposition

Où N. Sarkozy obtient-il les scores les plus élevés ? L’axe 1B (intrépidité, audace, précipitation, impulsivité, impétuosité…) est élevé, mais sans excès nuisible. Le sujet a une partie des traits de personnalités de cet axe, mais pas tous. Par exemple, on observe chez N. Sarkozy une personnalité audacieuse, sans pour autant verser systématiquement dans la précipitation et l’impulsivité : il réfléchit avant d’agir. L’axe 6 (méticulosité, discipline, organisation, rigidité, raideur, autoritarisme…) est bien plus élevé que la moyenne de la population, et de façon générale, il se retrouve chez les dirigeants.

Le plus intéressant est l’axe 3, qui désigne l’extraversion, la sociabilité, la théâtralisation, l’hystrionisme : il est très prononcé. L’extraversion est une qualité importante en politique, particulièrement aujourd’hui. Selon certaines études, le fait de posséder un score d’extraversion élevé est le premier « prédicteur » de succès pour un candi-dat à la présidence des États-Unis. L’électorat français est très différent de l’électorat américain, mais avec la média-tisation grandissante de la politique, ce trait d’extraver-sion a probablement contribué au succès remarquable de N. Sarkozy en 2007 et à son échec relatif en 2012.

Un ambitieux-dominantEnfin, ce graphique permet d’identifier les deux traits

saillants du sujet : les axes 1A de domination et 2 (ambi-tion, confiance…). Globalement, le profil de N. Sarkozy correspond donc à celui d’un profil nommé « pro-fil 2-1A », connu des psychologues.

Le profil 2-1A désigne une personnalité ambitieuse-dominante, avec une composante soupçonneuse. Ce type de profil se retrouve souvent chez les leaders po-litiques, notamment ceux qui sont arrivés au sommet sans être issus d’un milieu favorisant l’accès au pouvoir. Cela ne surprend pas chez celui qui répète depuis des années « qu’il s’est fait tout seul et qu’il ne doit rien à personne ». Napoléon, Mussolini, Jimmy Carter et Harry Truman relevaient du même profil ambitieux-dominant.

Au sein de ce profil dominant, qui définit une tendance générale, on peut caractériser plus finement N. Sarkozy comme une personnalité de type « narcissique com-pensatoire ». D’après la psychologue américaine Karen Horney, le narcissique compensatoire exagère certaines qualités de sa personne pour compenser un problème d’anxiété sous-jacent.

En outre, la personnalité narcissique compensatoire est l’objet de ce que l’on nomme des « exigences neuro-tiques », c’est-à-dire des pensées qu’elle rumine et qui influent sur son comportement. Ces pensées, ou cogni-tions, lui sont comme une petite voix intérieure qui inter-pose un prisme entre elle et la réalité. Pour donner un exemple, voici les pensées d’une personnalité « narcis-

sique compensatoire » telles que les proposent K. Hor-ney et ses successeurs : « Je dois être exigeant avec moi-même, je dois être aimé, je suis tellement imparfait que je dois être approuvé d’autres façons, je dois dominer la vie, j’ai besoin de reconnaissance et d’admiration, je dois donner tout le temps le meilleur de moi-même, j’ai be-soin d’être utile ou indispensable aux autres, je dois être un “personnage” hors du commun, je recherche toujours la meilleure façon de guider et contrôler la vie, je dois transformer le monde autour de moi pour confirmer ma propre personnalité, j’ai un immense désir de donner aux gens un sentiment de sécurité. »

Se retirera-t-il de la vie politique ?Ce besoin de transformer le monde pourrait expli-

quer la difficulté de N. Sarkozy à se retirer définitive-ment de la vie politique (comme il l’avait envisagé un moment). On imagine que l’ex-Président pourrait se poser en sage. Quitter le marigot politique pour s’éle-ver au-dessus des querelles partisanes en commenta-teur avisé. Il pourrait se consacrer au business lucratif ou à des causes désintéressées. Mais cela ne correspond pas du tout à son tempérament. Il semble incapable d’envisager avec philosophie que d’autres êtres humains que lui puissent diriger efficacement la France. Cette attitude est liée à sa personnalité la plus profonde.

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24  La personnalité © Cerveau & Psycho

Les psychologues pensaient que cette fin napoléonienne pourrait tenter Hitler, grand admirateur de l’empereur français. Dès lors, cela aurait augmenté les chances de le captu-rer vivant. En réalité, il aurait été placé en asile psychiatrique pour le restant de ses jours.

Dans les faits, la plupart des recomman-dations des psychologues ne furent pas suivies par le gouvernement américain, et ce premier profil psychologique de leader n’eut pratiquement aucune influence sur l’issue de la guerre… Peu après s’ouvre la guerre froide, opposant les blocs de l’Est et de l’Ouest dans un jeu stratégique ressemblant fort à une dangereuse partie d’échecs. Au cours de cette partie, l’intérêt du profilage psychologique des leaders refait surface.

Des profils psychologiques de Staline et de Khrouchtchev sont alors établis… Le travail prenant de plus en plus d’ampleur, on crée un service spécialisé, dirigé par le jeune psychiatre Jerrold Post, fondateur du Centre d’analyse de la personnalité et du compor-tement politique de la CIA. Sa mission est claire : dresser le profil psychologique des principaux dirigeants de la planète.

Le profilage psychologique fait alors son entrée sur la scène diplomatique : si le président des États-Unis doit rencontrer un homologue étranger, les services de J. Post sont chargés d’en dresser le profil psychologique et de formuler des recommandations sur la façon

de gérer la rencontre. Accompagné de divers experts (psychologues, anthropologues, socio-logues, historiens, etc.), le psychiatre dresse un portrait de la « cible » en tenant compte des connaissances scientifiques sur la personnalité et le comportement. Ensuite, il en présente un résumé sous forme de vidéo au Président ou à ses conseillers. Avec le recul dont on dispose aujourd’hui, on peut raisonnablement affir-mer que l’équipe de J. Post a contribué à la résolution pacifique d’un nombre important de conflits potentiels durant la guerre froide.

Le profileur politique travaille un peu comme un médecin établissant un diagnostic. Pour cela, il faut d’abord une bonne anam-nèse, c’est-à-dire une bonne connaissance des antécédents médicaux du « patient ». Mais comme le profileur psychologique ne peut en général pas s’adresser à son « patient », il rassemble un maximum d’informations indi-rectes (biographies, articles de presse, docu-ments filmés, interviews, témoignages de proches, etc.) pour étayer son travail. C’est le profil psychologique « à distance ».

Un art difficile, car les documents dispo-nibles ont souvent été censurés, occultés ou éliminés par le leader lui-même, ses conseil-lers ou les médias. En effet, le citoyen regar-dant un reportage à la télévision ne voit que les images présentant le dirigeant sous son meilleur jour. Le profileur doit donc essayer d’approcher des personnes qui le

Profil psychologique de François Hollande

Comme celui de N. Sarkozy, ce profil a été établi un an avant l’élection de François Hollande à partir du Millon

Inventory of Diagnostic Criteria, questionnaire de 230 items établissant l’intensité de 12 traits de personnalité.

Que dit ce profil ?Chaque colonne représente une

des 12 dimensions de la personnali-té inventoriées par le questionnaire de Millon. Plus le point est situé haut, plus le score est élevé. Le profil de F. Hollande est, pour un dirigeant de grande envergure, tout à fait atypique. Tout d’abord, son axe 1A domination est exceptionnellement bas pour un leader politique. Il semble que F. Hollande n’aime pas dominer pour dominer. Certes, il

possède une capacité naturelle à diriger une équipe, mais sans vraiment s’imposer aux autres. Deuxième facteur atypique : son axe 2 ambition, bien que présent, n’est pas très prononcé. Cela ne signifie pas que F. Hollande soit

dépourvu d’ambition, mais qu’il éprouve certaines difficultés à la manifester ou à l’assumer.

Troisième constat surprenant pour un diri-geant : le trait le plus saillant de son profil se situe sur l’axe 4 coopération. Selon Theodore Millon, ce type d’individu est « notablement coopéra-tif et amical. Il évite de contrarier directement les autres et adapte ses actions pour les rendre compatibles avec autrui. […] La cordialité et le compromis caractérisent ses relations interper-sonnelles. » Ces traits de personnalité peuvent être sources de difficultés pour un président en exercice. Un an avant son élection, je mentionnais : « (s’il se comporte de cette façon), l’électorat qui

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connaissent dans l’intimité ou du moins en dehors des caméras. Dans un premier temps, il faut reconstituer le cheminement person-nel du sujet. On peut ainsi détecter certains invariants de sa personnalité, qui forment son tempérament. Cet aspect du caractère est stable dans le temps, de sorte que le profileur politique peut établir des prévisions.

Établir un profil à distance

La précision du diagnostic est améliorée par la pluralité des examens réalisés. Le profi-leur politique utilise plusieurs méthodes diffé-rentes (notamment la méthode Millon, mais aussi la méthode CIA ou la méthode dite non-verbale) établies à partir de travaux scienti-fiques. Il recherche aussi l’avis de plusieurs spécialistes et travaille toujours en équipe pour confronter ses conclusions avec celles d’autres experts, afin de minimiser les erreurs.

La connaissance ainsi obtenue peut être ensuite utilisée à quatre fins : diploma-tique, économique, politique et militaire. Sur le plan diplomatique, citons à nouveau les travaux de J. Post. En septembre 1978, le président des États-Unis, Jimmy Carter, sert d’intermédiaire dans de difficiles négocia-tions de paix entre Israël et l’Égypte. Ce sont les accords de Camp David. Ce que peu de personnes savent à l’époque, c’est que Jimmy Carter a un avantage sur ses deux homolo-

gues : il s’est renseigné sur leurs personnalités. Dans ses mémoires, le président américain affirme d’ailleurs que les profils psycholo-giques de Anouar el-Sadate et Menahem Begin furent pour lui d’une importance capi-tale dans sa stratégie diplomatique.

Anouar el-Sadate, le dirigeant égyptien, avait une très haute estime de lui-même au point que les profileurs politiques parlèrent de « complexe de prix Nobel de Sadate ». Ses rêves narcissiques de gloire pouvaient être utilisés positivement par les Américains. Ils l’invitèrent à de multiples émissions télévi-sées en le présentant comme le plus grand leader arabe de tous les temps. En outre, Sadate voyait les choses de façon globale et détestait les détails. À l’inverse, Menahem Begin (le premier ministre israélien) avait une personnalité de type plutôt « obsessive », telle que le moindre détail avait son impor-tance. Aussi, les profileurs conseillèrent à J. Carter d’éviter les contacts directs entre les deux hommes qui avaient des personnalités trop différentes pour s’entendre. J. Carter se contenta d’un rôle d’entremetteur, évitant au maximum les rencontres entre ces deux personnalités incompatibles.

Aux États-Unis, l’analyse du profil psycho-logique des protagonistes est un outil utilisé lors de chaque sommet international. Il est évident, bien que cela reste confidentiel, que tous les présidents français, y compris

l’aura porté au pouvoir serait alors immensé-ment déçu et sa popularité sombrerait. » Cela se produit aujourd’hui avec des scores dans les sondages historiquement très bas.

Il est méticuleux et va rebondirToutefois, F. Hollande obtient un score as-

sez élevé sur les axes 3 extraversion et 6 mé-ticulosité – ce qui est davantage compatible avec le profil habituel d’un chef d’État. Cela pourrait lui permettre de rebondir à long terme. D’une part, en se posant comme un travailleur infatigable qui effectue les tâches qu’il a promis d’accomplir (et qui obtient des résultats !). D’autre part, en se position-nant comme un rassembleur (le trait le plus marquant de sa personnalité) face à ceux qui veulent diviser les Français.

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François Hollande, ont fait l’objet de profi-lages psychologiques détaillés avant de rencontrer leur homologue américain.

De nombreux politiciens désirent évidem-ment connaître leurs adversaires. La pratique est courante aux États-Unis, et se rencontre dans plusieurs pays d’Europe du Nord. En France, les analyses psychologiques politiques sont encore balbutiantes, car elles ont pâti du rôle que jouent – encore – les psychanalystes. La psychologie et son enseignement sont très influencés par le courant lacanien. Ces psycha-nalystes attachent beaucoup de valeur aux interprétations personnelles et sont en général peu formés à l’expérimentation scientifique. Aussi, les décideurs politiques se méfient-ils – à juste titre – de ces « psys » au jargon abscons. Cela explique peut-être pourquoi ni l’ar-mée ni la diplomatie française ne disposent d’équipes spécialisées dédiées au profilage psychologique des dirigeants étrangers…

Le débat Hollande-Sarkozy

Pourtant, F. Hollande a utilisé des connais-sances de la personnalité de son adversaire pour marquer des points durant le débat télé-visé de la présidentielle de 2012. Il savait que Nicolas Sarkozy a une remarquable propen-sion à alterner agressivité et victimisation. Cela fait partie de son comportement psycho-logique habituel. Ainsi, l’ancien Président s’est plaint des agressions verbales à son égard : « Quand on m’a comparé à Franco, à Pétain, à Laval et pourquoi pas Hitler ? Vous n’avez pas dit un mot. » Au lieu de répondre à cette allé-gation, de se justifier, F. Hollande a opéré une manœuvre psychologique nommée « méta-

communication ». Il n’a pas parlé du contenu verbal explicite – « J’ai été insulté et vous ne m’avez pas défendu » –, mais du message émotionnel implicite : « Je suis une victime ». Ainsi, il a dit : « Monsieur Sarkozy, vous aurez du mal à passer pour une victime. Et pour un agneau qui vient de naître… ». De cette façon, il dévoilait publiquement le jeu comporte-mental de « victimisation » utilisé avec effi-cacité par son adversaire.

Le débat a aussi révélé que N. Sarkozy a sous-estimé la force de caractère du leader socialiste. Aujourd’hui encore, l’ancien Président ne cesse de répéter que son succes-seur est « nullissime ». L’analyse du langage non-verbal de N. Sarkozy face à F. Hollande montre bien, à plusieurs reprises, des expres-sions faciales de mépris. Révélant de façon éclatante les émotions qu’il éprouve réelle-ment pour son adversaire. Mieux on connaît la personnalité de son interlocuteur au cours d’un débat, d’une discussion ou d’une négociation, mieux on peut contrer ses manœuvres et marquer des points.

Les femmes et la politique

Y a-t-il un art « féminin » de la gouver-nance ? Que ce soit Christiane Taubira et Martine Aubry à gauche, ou Nathalie Kosciusko-Morizet et Nadine Morano à droite, elles ont toutes la réputation d’avoir des personnalités très « dominantes ». Il semble qu’une tendance à l’autoritarisme se manifeste chez les femmes qui exercent le pouvoir. Cela peut s’expliquer par le fait que si l’autorité est perçue comme un attribut naturel de la virilité, la féminité est commu-nément liée à la douceur, la faiblesse, l’indé-cision. Une femme est donc obligée de faire davantage preuve d’autorité que ses collè-gues masculins en politique.

Par ailleurs, lorsqu’un politique commet une erreur grotesque, l’attitude des jour-nalistes est différente selon le sexe. Si c’est un homme, les réactions iront de l’amuse-ment tolérant à une critique plus sévère. Si c’est une femme, elle sera immédiatement étiquetée comme « stupide » ou « incompé-tente ». Ainsi, en leurs temps, Édith Cresson, Christine Lagarde ou Ségolène Royal ont eu à subir les sarcasmes et procès en incompé-tences de leurs collègues masculins. On peut donc émettre l’hypothèse que les préjugés de l’électorat sur la féminité opèrent une sorte de sélection darwinienne des femmes en poli-

Douze dimensions de la personnalité

Voici les 12 axes de personnalité mesurés selon la méthode Millon à partir d’un questionnaire de 230 items.Axe 1A : Domination, autoritarisme, agressivité…Axe 1B : Intrépidité, audace, précipitation, impulsivité…Axe 2 : Ambition, confiance, prétention, arrogance, vanité, narcissisme…Axe 3 : Extraversion, sociabilité, excitation, théâtralisation, hystrionisme…Axe 4 : Soumission, adaptation, inaptitude, coopération, dépendance…Axe 5A : Humilité, sobriété, ascétisme, autodénigrement, défaitisme…Axe 5B : Opposition, non-conformisme, individualisme, obstination…Axe 6 : Méticulosité, discipline, rigidité, autoritarisme, organisation…Axe 7 : Inhibition, prudence, hésitation, timidité, irritation, inquiétude…Axe 8 : Retrait-schizoïde, solitude, asociabilité, ennui, inertie…Axe 9 : Méfiance, soupçons, vigilance, attitude paranoïde…Axe 10 : Instabilité, changements brusques d’humeur, tendance borderline…

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tique. Ne survivent dans la jungle politique que celles qui ont naturellement, ou ont déve-loppé, des traits de personnalité spécifiques.

Il est raisonnable de penser que le même phénomène opère auprès des hommes. Les individus timides, introvertis, humbles, modestes, soumis ou prudents arrivent rare-ment à un haut niveau politique. On retrouve presque toujours des hommes obtenant des scores élevés sur les axes domination, ambi-tion, intrépidité, extraversion et méfiance de l’échelle de personnalité de Millon. Ce qui explique pourquoi, depuis de Gaulle jusqu’à Sarkozy, la France a toujours eu des prési-dents aux personnalités particulièrement ambitieuses et dominantes.

F. Hollande fait exception

Hollande semble faire exception. Je suppose qu’il a bénéficié de ce que l’on nomme en psychologie « l’effet contraste ». Après avoir eu pendant cinq ans quelqu’un d’aussi « dominant » que N. Sarkozy à la tête du pays, l’électorat – surtout à gauche – voulait élire une personnalité très différente et à l’apparence plus consensuelle.

Aux États-Unis, les psychologues politiques ont observé que lors de la course à la prési-dentielle, c’est toujours la personnalité la plus extravertie qui l’emporte. Il existe donc des traits de personnalité (extraversion, humour, charisme, endurance, audace, etc.) indispen-sables au succès dans un système démocra-tique surmédiatisé. Toutefois, l’électorat est régulièrement déçu par l’exercice du pouvoir de ces hommes. Cela s’explique du fait que les qualités psychologiques pour être un bon candidat ne sont pas les mêmes que celles nécessaires à l’exercice du pouvoir.

Dans le même ordre d’idée, il est éton-nant d’observer que le trait de personnalité conscience soit si peu développé au sommet du pouvoir politique. Les hommes politiques intègres, moraux et honnêtes sont régulière-ment rejetés par les citoyens au profit de leurs concurrents à la morale plus « souple ». Que ce soit aux États-Unis, en France ou ailleurs, l’électorat préfère le bonimenteur qui promet monts et merveilles à celui qui « parle vrai ». Cela explique pourquoi il est sans doute rare de trouver au sommet du pouvoir un indi-vidu possédant une personnalité franche, honnête, scrupuleuse et sincère.

Les psychologues qui s’intéressent à la personnalité disent souvent que l’on a les

qualités de ses défauts et les défauts de ses qualités. Ainsi, de belles caractéristiques psychiques telles que l’honnêteté et la droiture sont souvent accompagnées de défauts tels que la rigidité et l’obstination. Robespierre, surnommé l’incorruptible, fut peut-être un homme franc et sincère, mais aussi un person-nage impitoyable. Bill Clinton, qui prenait certaines libertés avec la vérité et l’honnê-teté, se montra plus pacifique.

Toutefois, certains traits de personna-lité, que l’on retrouve chez presque tous les leaders sanguinaires, sont dangereux. Le plus important est la tendance à la para-noïa. Certes, la méfiance est indispensable à la carrière politique. Le jeune élu naïf qui croit que tout le monde l’aime ne survivra pas longtemps dans l’arène politique. Mais lorsqu’une saine méfiance dégénère en délire paranoïaque, il est temps que l’homme poli-tique soit évincé du pouvoir.

Une autre dérive psychique inquiétante est si répandue chez les dirigeants de tous les pays que l’on pourrait parler de « maladie profes-sionnelle ». Il s’agit de la mégalomanie.

Les psychoses du pouvoir

Dans ce cas, il est difficile de savoir si ce trait est présent au départ – comme dans le cas de de Gaulle ou de Mitterrand qui depuis leur plus tendre enfance se prenaient pour des demi-dieux –, ou si les premiers symptômes apparaissent seulement suite aux assauts de flagorneries de leurs courti-sans et l’isolement du pouvoir. Ce dernier point entraîne en outre un risque élevé de pathologie mentale. La solitude des sommets peut entraîner une forme de retrait schizoïde. Dans ce cas, le dirigeant se coupe de la réalité et n’écoute plus personne ou seulement un cercle restreint de conseillers proches. Il semble que ce fut notamment le cas de George W. Bush qui n’écoutait plus que les conseillers qui allaient dans son sens.

Qui plus est, les hommes politiques présentent souvent une personnalité bipo-laire. C’est-à-dire que l’enthousiasme, l’hy-peractivité et l’optimisme nécessaires au succès politique s’accompagnent presque toujours de phases de doute, d’épuisement et de pessimisme. La dépression guette presque tous les leaders de la planète. Le stress permanent, les responsabilités énormes et les pressions de l’entourage représentent de puissants facteurs de prédisposition. n

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28  La personnalité © Cerveau & Psycho

La personnalité correspond, selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), à « l’or-ganisation dynamique des systèmes psychophysiologiques qui détermine

l’adaptation unique d’une personne à son environnement ». Quant aux traits de la personnalité, ils représentent des différences entre les individus concernant la façon dont ils pensent, éprouvent des émotions ou agissent. Par exemple, une personne qui ressent souvent et de façon intense et durable de la peur ou de l’anxiété – qui, en soi, sont des états émotionnels normalement passagers et non des traits de personnalité – peut être considérée comme peureuse ou anxieuse. La peur et l’anxiété sont alors des traits émotionnels (des façons stables de réagir) qui caractérisent cette personne.

À chaque individu correspond donc une combinaison unique de traits. Mais quand les traits de personnalité sont rigides – ils n’évo-luent plus – et inadaptés au contexte ou aux événements, et qu’ils provoquent une souf-

france ou une altération du fonctionnement psychique, les psychologues et les psychiatres parlent de « troubles de la personnalité », de « personnalités difficiles » ou de « styles ou de tendances dysfonctionnels ».

Dix troubles qui s’entremêlent

Nous présentons ici ces personnalités diffi-ciles. Divers modèles décrivent ces troubles, mais nous abordons ici celui développé par l’Association américaine de psychiatrie (American psychiatry association ou APA), qui propose dix styles dysfonctionnels ayant fait l’objet de nombreuses recherches. L’objectif n’est pas de classer un individu dans une caté-gorie, mais de fournir un ensemble de repères pour comprendre la dynamique psycholo-gique des personnes ayant des troubles de la personnalité, qui ne sont pas – selon nous – des entités distinctes. Par exemple, un indi-vidu peut être à la fois narcissique et para-noïaque, à des degrés divers.

Les personnalités  « difficiles »

Jean-Pierre Rolland

est docteur en psychologie et professeur émérite à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, où il a été directeur de l’équipe de recherche EA 293. Il est membre de l’Association francophone pour l’étude et la recherche sur les troubles de la personnalité (AFERTP), dont il a été président, et de la Society for industrial and organizational psychology (SIOP).

Certains individus ont une personnalité pathologique, qui provoque une souffrance, voire une altération

du fonctionnement : ils sont paranoïaques, antisociaux, narcissiques, obsessionnels, etc. Que signifient ces termes ?

Les différentes personnalités

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La personnalité obsessionnelle compulsive

« Il est important d’être parfait en tout. Les erreurs sont mauvaises, je ne dois pas en commettre. Je ne peux compter que sur moi pour vérifier que les choses ont été bien faites. Je dois tout faire et tout organiser moi-même ou ce sera mal fait. Si je ne réussis pas à 100 pour cent, c’est un échec total. »

L es personnes obsessionnelles compul-sives se préoccupent, de façon exces-

sive, de l’ordre, des règles, et veulent tout contrôler. Elles établissent donc et respectent des règles, des procédures, des emplois du temps, des listes, etc., qui prennent plus d’importance que l’objec-tif de l’activité qu’elles peuvent perdre de vue. Elles sont très soigneuses, très méticu-leuses et ont tendance à vérifier et à répé-ter pour voir si elles n’ont pas fait d’erreur. Elles cherchent la perfection et sont de ce fait extrêmement attentives aux détails, ce qui peut aussi les détourner de l’essentiel. Si elles sont impliquées dans leur activité professionnelle, elles peuvent s’y consa-crer de façon excessive, au détriment des autres secteurs de leur vie (vie familiale, vie sociale, loisirs, relations amicales) et sans trouver le temps de se détendre. Les loisirs, le repos, les activités ludiques sont abordés avec sérieux et doivent également être structurés et organisés. Ce besoin de structure et de règles strictes se retrouve dans leur système de valeurs… qu’elles peuvent imposer, de façon rigide. Elles sont « à cheval sur les principes » et considèrent que les règles et les consignes doivent être appliquées strictement et non pas adaptées aux circonstances ou aux besoins. Elles ont beaucoup de mal à déléguer, car elles ne font confiance qu’à elles-mêmes. En géné-ral, elles insistent pour que tout soit fait à

leur façon, selon les règles et les instruc-tions très détaillées qu’elles donnent.

Dans le management ou la supervision, elles prévoient tout à l’avance, dans le détail, et ont tendance à suivre leurs col-laborateurs de très près. Ces personnes peuvent se trouver en difficulté quand elles doivent prendre des décisions imprévues et sans les informations qu’elles estiment indispensables. La prise de décision est dans ce cas retardée ou inhibée par leur perfectionnisme, leur rigidité et leur vo-lonté de contrôle.

Dans les formes les plus légères de ce trouble, il s’agit d’une minutie accordée aux détails et à la procédure pour atteindre un objectif. Mais si le style de personnalité est exagéré, l’individu peut se perdre dans les détails, la précision et la recherche de perfection. Il peut accorder plus d’impor-tance au respect de la procédure et à la recherche de la perfection absolue qu’au respect des délais.

Pour ces personnes, les relations avec autrui et les interactions sociales sont en-visagées comme un moyen de faire avan-cer les choses. Et plus elles contrôlent la situation, mieux elles se sentent. Souvent, elles aiment ranger, planifier des activités et peuvent mettre en œuvre des systèmes complexes et multiples de rangement et de classement… Elles perdent beaucoup de temps à les améliorer et les parfaire.

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La personnalité borderline

« Personne ne me comprend. Je suis un fardeau pour les autres. Il m’est impossible de me contrôler ou de me discipliner. Je ne me fais pas d’amis, car ils me feront de la peine. Je dois contrôler mes émotions ou quelque chose de terrible va se produire. »

C e style de personnalité se caractérise par une fra-gilité de l’image de soi (satisfaction-insatisfaction),

une grande instabilité dans l’évaluation des événements (optimisme-pessimisme) et des fluctuations dans les relations (admiration-mépris, amitié-hostilité, amour-haine, idéalisation-dévalorisation) et les émotions (fierté-honte, joie-tristesse, exaltation-dépression, dysphorie-euphorie). Ces personnes ont des difficultés à contrôler leurs émotions (la colère notamment), ce qui les rend à la fois imprévisibles (concernant leur humeur et leur point de vue) et prévisibles (pour leurs fluctuations). Ces changements intenses et rapides de leurs juge-ments et de leurs affects sont souvent associés à des comportements impulsifs qui peuvent engendrer des regrets et des remords.

Il n’y a pas vraiment de « zones neutres » dans leurs jugements : elles aiment ou elles détestent (soi, les

autres, les événements, leurs conditions de travail et de vie, etc.), elles voient tout en noir et blanc et basculent d’un point de vue à un autre de façon très déconcer-tante pour leurs interlocuteurs. En effet, ces personnes prennent, sous le coup de l’émotion (euphorie ou dé-tresse) ou du jugement du moment (satisfaction-insa-tisfaction), des décisions qu’elles regrettent vite quand l’état mental qui les a déclenchées s’apaise ou bascule dans le sens opposé.

Elles ont une image négative d’elles-mêmes, de sorte qu’elles pensent que les autres vont les aban-donner ; elles sont donc capables d’excès pour éviter cet abandon réel ou imaginaire. Elles ont tendance à se « saborder » juste au moment d’atteindre un objec-tif : ne pas se présenter à un examen ou à un entretien qui semble pourtant bien engagé, rompre brutalement une relation qui paraît prometteuse…

La personnalité antisociale

« On vit dans une jungle où seul le plus fort survit. Ce que je veux, j’y ai droit. Les gens sont faits pour être exploités. La force ou la ruse sont d’excellents moyens pour atteindre un objectif. Si je ne profite pas des autres, c’est eux qui profiteront de moi. Le mensonge et la tricherie sont autorisés du moment que l’on ne se fait pas prendre. Si les autres ne se protègent pas, c’est leur problème. »

L es personnes ayant un style de personnalité antisociale domi-

nant semblent manquer de repères (intériorisation et respect des règles sociales) et d’empathie (compréhen-sion et respect d’autrui). Elles ont tendance à considérer les normes so-ciales (conventions, règles, règlements, procédures, interdits, lois) comme des contraintes qui s’appliquent aux autres s’ils les acceptent : pour elles, les contourner est un moyen de s’en affranchir. Elles aiment et cherchent le risque, ainsi que les frissons qu’il procure, sans lesquels « la vie serait monotone et sans intérêt ». Il leur arrive de prendre des risques incon-sidérés et de franchir la limite pour des gains minimes, voire dérisoires.

Mais elles ont beaucoup de diffi-cultés à résister à ce besoin (cette tentation), et ce ne sont ni les règles et les conventions ni le respect des

autres qui les freinent. Ces per-sonnes sont anticonformistes et impulsives. Souvent, elles ont, au pre-mier abord, une grande force de sé-duction qui peut masquer cette ten-dance à se centrer sur leurs intérêts, à ne respecter ni les règles ni autrui. Pour exploiter les autres, elles savent utiliser le charme, la manipulation, la ruse, le mensonge et la dissimulation, et ce, avec calme et assurance. Elles se préoccupent peu de la vérité et n’ont presque pas de scrupules. Les expériences malheureuses et les sanctions n’ont presque pas d’effet sur elles : elles n’en tirent aucune leçon. Elles éprouvent difficilement des sentiments tels que regrets, remords ou culpabilité.©

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La personnalité  schizoïde 

« La vie est plus simple sans les autres. Les relations sont sources de problèmes. Je préfère garder mes distances. Je ne comprends pas pourquoi les autres sont heureux ensemble. Je suis inadapté(e) socialement. La vie est fade et ingrate. »

L es personnes ayant un style de per-sonnalité schizoïde « marqué » sont

introverties, distantes, renfermées, dis-crètes et effacées. Elles n’ont presque pas de relations sociales, sont impassibles et expriment peu d’émotions. Elles appré-cient la solitude et ne cherchent pas de compagnie. Elles se lient et se livrent peu et difficilement, sont indifférentes à autrui, à ses éloges ou à ses critiques, ne s’intéressent pas aux sentiments des autres ou ne les perçoivent pas. Ce que la plupart des personnes considèrent comme agréable, par exemple un bon dîner avec des amis, ne leur procure sou-vent que peu de plaisir.

On ignore encore comment distinguer les sujets atteints de ce style de person-nalité de ceux qui présentent les pre-miers signes d’une schizophrénie.

La personnalité dépendante

« Je suis faible et incapable de me débrouiller tout(e) seul(e). J’ai besoin des autres pour m’aider à prendre des décisions ou me dire ce que j’ai à faire. La pire des choses serait que l’on m’abandonne. »

L es personnes dépendantes ont des comportements

de type soumis et « collant », car elles ont besoin d’être prises en charge, soutenues et rassurées. Elles manquent de confiance en elles et pensent qu’elles sont incapables de se débrouiller seules. Elles craignent d’être abandonnées ou rejetées et ont de grandes difficultés à prendre des déci-sions, mêmes anodines, que ce soit dans la vie de tous les jours ou au travail. Dans ces situations de choix et de déci-sion, elles doivent être conseil-lées, voire rassurées. Elles ont donc tendance à s’appuyer sur les autres et à les laisser assumer leurs responsabilités. Ces personnes ont de grandes difficultés à exprimer leur dé-saccord, leur irritation ou leur colère. Persuadées de leur incompétence et de leur inap-titude à prendre des décisions, elles peuvent même accepter des solutions qu’elles estiment fausses ou inadaptées, pour ne

pas perdre le soutien d’autrui. Elles sont hypersensibles à des signes mineurs d’abandon (réel ou imaginaire), auxquels elles réagissent violemment. Elles peuvent faire des sacri-fices, accepter des demandes déraisonnables ou des rela-tions déséquilibrées, voire se laisser dominer et manipuler.

Ces personnes ayant une personnalité dépendante ont de grandes difficultés à conce-voir la vie sans le soutien d’une personne ; si elles perçoivent qu’elles peuvent perdre ce sou-tien, elles cherchent vite l’aide d’une autre personne. Elles considèrent les désaccords et les critiques comme des preuves de leur incompétence. Leur réseau relationnel tend à se restreindre aux personnes dont elles dépendent. Les situations où elles doivent prendre des ini-tiatives et où elles ne sont pas supervisées, ainsi que les signes de rejet ou d’abandon, leur pro-curent un profond malaise et beaucoup de stress.

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La personnalité paranoïaque

« Je ne peux pas faire confiance aux autres, car ils ont des motivations cachées : s’ils sont gentils, c’est pour me tromper ou m’exploiter. Je dois rester en permanence sur mes gardes. Il n’est pas prudent de se confier aux autres, ils en profiteront. »

L es personnes ayant un style de personnalité para-noïaque « marqué » sont méfiantes – de façon

excessive – et soupçonneuses envers les autres, pensant que leurs intentions sont malveillantes. Elles s’attendent – sans raisons suffisantes – à ce que leur entourage les trompe, leur nuise, les exploite. Elles ont des doutes injustifiés concernant la loyauté et la fidélité de leurs proches. Elles ne se confient pas, ne communiquent pas, de peur que les informations qu’elles donneraient soient utilisées contre elles. Elles

perçoivent des attaques, des menaces et des tentatives d’humiliations dans des événements anodins. Elles ne pardonnent pas, gardent rancune quand elles ont le sentiment d’avoir été humiliées, blessées, ignorées ou dédaignées. Elles réagissent à ces menaces, humiliations ou attaques supposées avec colère et contre-attaquent promptement. D’ailleurs, elles sont incapables de se remettre en cause et de se plier à une discipline col-lective. Elles refusent toute critique, sont autoritaires et ont toujours raison.

La personnalité histrionique

« Pour être heureux(se), j’ai besoin qu’autrui fasse attention à moi. Tant que je n’amuse pas ou que je n’impressionne pas les autres, je ne suis rien. Je dois être le centre de leur univers. Si j’amuse mon entourage, il ne remarquera pas mes faiblesses. Je sais charmer pour qu’on m’aide et qu’on m’aime. »

L es personnes histrioniques ont besoin d’être au centre de l’at-

tention ; elles le manifestent par une théâtralité flamboyante ou provo-cante, du panache dans le compor-tement, leur tenue vestimentaire et leur aspect physique, et par une vie émotionnelle (ressenti et expression d’émotions) excessive, envahissante, inappropriée et embarrassante pour les autres. Elles se sentent mal à l’aise et délaissées quand tous les regards ne se portent pas sur elles, ce qui les déprime. Elles ont besoin d’impres-sionner autrui et ont tendance à l’excès, à l’exagération et à la dra-

matisation. Elles abordent la réalité et les relations par la subjectivité et l’affect, de sorte qu’elles sont très sensibles aux ambiances et, de ce fait, très influençables.

En outre, elles entretiennent avec autrui des relations plutôt super-ficielles, fondées dans un premier temps sur la séduction et le charme, et dont l’objectif est souvent de sa-tisfaire un besoin affectif et d’attirer l’attention bienveillante ou admira-tive. Quand ces attentes ne sont pas satisfaites, elles ont des affects désa-gréables : amertume, morosité, irrita-tion, colère, tristesse, déprime, etc.

En général, les personnes histrio-niques font une première impression excellente (car elles ne jouent pas un rôle). Mais leurs démonstrations ex-cessives, leurs changements d’humeur et leur besoin constant d’attention deviennent vite lassants ou embarras-sants, et l’entourage s’en détourne. Devant ce changement, elles ont alors recours au charme et à la séduction. Si ces armes ne fonctionnent pas, c’est la rupture dans la dramatisation. Les relations avec elles sont donc une alternance de hauts et de bas : elles n’établissent que rarement des rela-tions sincères et profondes.

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La personnalité narcissique

« Je suis exceptionnel(le) et unique, je mérite donc un traitement de faveur et des privilèges. Si mon entourage ne montre pas le respect que je mérite, il doit être puni. Les autres doivent satisfaire mes besoins qui sont plus importants que les leurs. Aucune nécessité de quiconque ne doit interférer avec les miennes. »

L es personnes narcissiques se sentent importantes et excep-

tionnelles (supérieures, spéciales et uniques), méritant un traitement particulier. Si elles ne se sentent pas considérées à ce qu’elles estiment être leur juste valeur, leur réaction varie de la surprise à la colère. Elles ont besoin d’être admirées et ne manifestent aucune empathie pour les idées et les sentiments d’autrui. Elles s’attendent à ce que les autres partagent la haute opinion qu’elles ont d’elles-mêmes et leur pro-curent les marques d’admiration et de respect qu’elles pensent mériter. L’absence de ces manifestations les irrite beaucoup. Elles ont tendance à croire que les personnes « ordi-naires » ne peuvent comprendre ni leurs besoins spéciaux ni leur quête d’excellence. Elles consi-dèrent que leur travail et leurs missions sont essentiels et prio-ritaires et qu’elles doivent être ai-dées sans réserve et sans délai pour atteindre leurs objectifs importants. Elles peuvent donc se montrer très exigeantes, voire tyranniques, en-vers leurs collaborateurs.

Des difficultés dans les relations

Plusieurs paramètres peuvent frei-ner l’expression de leur potentiel et leur carrière : les difficultés qu’elles rencontrent dans leurs relations avec les autres (qui résultent du sentiment que tout leur est dû, du besoin excessif et constant d’admi-ration, de l’insensibilité envers les autres et de la grande difficulté à les écouter et à prendre en compte leurs besoins et leurs points de vue) ; et le fait qu’elles ne supportent pas les retours négatifs et les échecs.

Au premier abord, si les per-sonnes narcissiques ont du talent

et du charme, cette assurance et cette confiance en soi peuvent être impressionnantes et bien perçues. Mais elles en veulent toujours plus et finissent par être insupportables. En fait, sous cette carapace de confiance en soi – quelque peu déconnectée de la réalité –, se cache une estime de soi fragile. Dans ce cas, et dans certaines situations difficiles, quand une critique remet en question leurs compétences, les personnes narcis-siques, souriantes et sûres d’elles-mêmes, amicales et expansives, peuvent devenir hostiles et rancu-nières. Dans d’autres cas, la confiance

en soi égocentrique est si enracinée que les critiques les plus incisives ne les affectent pas : elles les interprètent comme de la jalousie et gardent le calme et la sérénité des individus assurés de leur grande valeur.

Au travail, ces personnes ayant un trouble de la personnalité narcis-sique peuvent poser des difficultés : elles ont tendance à penser que leurs compétences et leurs réalisations ne sont pas suffisamment reconnues et récompensées. Leur enthousiasme, leur assurance confiante, leur motiva-tion et leur énergie se transforment alors en insatisfaction et en rancœur.

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La personnalité évitante

« Je suis socialement incompétent(e). Les autres me sont supérieurs. Ils vont me critiquer, m’ignorer ou m’humilier. Si une personne me côtoie, elle va découvrir qui je suis réellement et me rejeter. Je dois éviter les situations déplaisantes à tout prix et ne pas prendre de risques. »

C e style de personnalité, où l’individu est prudent et timide, correspond à un

profond sentiment d’incompétence associé à une grande sensibilité à la critique et à la désapprobation. Les personnes « évitantes » craignent le jugement d’autrui, qu’elles consi-dèrent très fréquent et qu’elles évitent. Elles cherchent donc à fuir les relations avec autrui, ainsi que la plupart des situations qui peuvent susciter un jugement (nouvelles responsabilités, promotions, situations de confrontation ou d’opposition). Anticipant la critique, la contradiction, la désapprobation, elles préfèrent ne pas prendre position et ne pas s’exprimer pour ne pas s’exposer à l’hu-miliation et à l’embarras. Elles évitent aussi, dans la mesure du possible, toutes les situa-tions et les missions où elles seraient ame-nées à prendre des risques et des décisions.

Elles ont peu confiance en elles et ne se sentent jamais à la hauteur, de sorte qu’elles s’impliquent peu dans les relations. Si la situation les y contraint, elles peuvent faire face à cette peur d’être jugées, mais cela se révèle, à long terme, très coûteux. Dans quelques situations extrêmes, si elles se sentent particulièrement menacées, elles peuvent éviter la situation difficile en employant diverses stratégies plus ou moins adaptées, telles que l’absence à une réunion ou à un rendez-vous. Leur réseau relationnel restreint accentue encore leur isolement dans les situations difficiles et les freine dans leur carrière. De même, leur évitement des situations sociales néces-saires à la réalisation correcte d’une tâche ou d’une mission, ou utiles à leur promo-tion, représente un handicap important.

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  35

La personnalité schizotypique

« Ils essaient de m’influencer, mais je ne dois pas être manipulé(e) par qui que ce soit. J’ai certains pouvoirs, je capte des signes. Il y a des raisons pour toute chose, rien n’arrive par hasard. Parfois, mes perceptions m’indiquent ce qui va arriver. Et je sais ce que les autres pensent. »

L es personnes schizotypiques ont tendance à penser, s’exprimer, s’habiller et se comporter de façon dif-

férente, excentrique, maniérée, étrange, voire bizarre. Elles sont gênées, maladroites et gauches dans leurs relations avec autrui. Ces comportements étranges sont spontanés, ne visent pas à attirer l’attention et ne résultent pas d’un manque de respect délibéré. Ces personnes interprètent souvent de façon fausse des événements mineurs qui prennent, pour elles, une signification forte. Elles peuvent ainsi considérer des événements anodins comme des signes, des présages ou des messages. Elles ont parfois le sentiment de dis-poser de « pouvoirs » qui leur permettent de perce-voir des signes que les autres ne voient pas, de deviner des événements à l’avance, la présence de quelqu’un ou

de lire dans les pensées. Étant maladroites avec autrui, elles ont en général peu d’amis ou de proches auxquels elles peuvent se confier. Elles ne comprennent pas les « signes » habituels qui permettent de réguler les échanges sociaux. Mal à l’aise et tendues avec les autres, elles ont tendance à les éviter.

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Rappelons que ces dix personnalités ne sont dysfonctionnelles que si elles sont rigides, inadaptées et qu’elles provoquent une souffrance ou une altération notable du fonc-tionnement d’un individu. De nombreuses études ont montré que ces troubles sont associés à diverses conséquences (ou symp-tômes) ; par exemple, les individus ayant une personnalité dysfonctionnelle ont une espérance de vie plus faible, de 15 ans envi-ron, par rapport à la population générale. En effet, leur qualité de vie est détériorée (stress, angoisse, fatigue, etc.) et ils ont plus de risques de faire des tentatives de suicide.

Violences, souffrances et échecs

Souvent, ces personnes sont aussi plus violentes, envers elles-mêmes et envers autrui, et elles consomment davantage de substances addictives, tels l’alcool et des drogues. Elles ont des comportements délictueux, souffrent et font souffrir les autres, de sorte que leurs rela-tions sociales et amicales sont, la plupart du temps, mauvaises. Enfin, elles sont en général en échec personnel et professionnel et ont des difficultés à trouver et à garder un emploi.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces styles dysfonctionnels ne sont

pas si rares… La proportion de personnes concernées – par l’ensemble des troubles – est comprise entre 9 et 25 pour cent de la population générale (chiffre qui varie selon les études, l’âge, la nationalité et la méthode d’analyse utilisée). Récemment, au Royaume-Uni, une étude portant sur plus de 10 000 cadres a mis en évidence une préva-lence allant de 3,7 pour cent pour la person-nalité dépendante (avec des variations de 0,9 à 10,6 pour cent selon les secteurs d’acti-vité) à 11,6 pour cent pour la personnalité obsessionnelle compulsive (avec des varia-tions de 7,6 à 14,6 pour cent selon les secteurs d’activité). Un salarié sur dix environ présen-terait-il un trouble de la personnalité ?…

Ainsi, ces styles dysfonctionnels touchent de nombreuses personnes et ont des consé-quences graves – pour les sujets eux-mêmes, leur activité professionnelle, leur entourage, leurs collègues et leur entreprise. Mais des méthodes permettent de les détecter. Il semble donc souhaitable de prendre en compte ces personnalités difficiles, d’une part, pour accompagner les individus dans leur déve-loppement personnel, et d’autre part, pour les processus d’orientation ou de sélection dans les métiers où les comportements résultant de ces troubles représenteraient un danger pour la personne ou l’institution. n

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C’est bien connu : certains ont une énergie débor-dante dès l’aube, les autres deviennent effi-caces après la tombée

de la nuit. Question de tempérament ? Footing, travail, discussions : toutes ces activités requièrent un bon état de vigi-lance. Or cette vigilance dépend en grande partie de notre « horloge interne », métro-nome cérébral qui règle la fatigue et les concentrations hormonales dans le sang et dans le cerveau. En principe, l’horloge interne est calée sur la course du Soleil. Toutefois, il est bien rare qu’elle soit parfai-tement à l’heure. Elle avance chez certaines personnes et retarde chez d’autres.

Vous qui avez toutes les peines du monde à vous lever pour faire un footing à huit heures du matin, vous dont le rende-ment au travail est optimal après 20 heures, vous êtes vespéral. Et vous qui bâillez dès 19 heures, mais êtes en pleine forme en arrivant tôt au travail, vous êtes matinal.

Les matinaux se couchent tôt, s’endor-ment vite et profondément, et s’éveillent guillerets. Les vespéraux sont actifs en soirée, se couchent tard et peinent à trouver un sommeil profond. Fatigués au matin, ils sont lents à se mettre en train. Entre 40 et 50 pour cent de la population répondraient à l’une ou l’autre de ces descriptions extrêmes. Des tests de « matinalité » et de

« vespéralité » évaluent si l’on est efficace au travail avant 10 heures du matin, si l’on fait volontiers un footing au saut du lit, si l’on se concentre facilement après 20 heures ou si l’on a besoin d’une bonne nuit. Cha- cun obtient son « score de matinalité » : au-dessus d’un certain score, on est mati-nal, au-dessous, on est vespéral. Ces scores varient selon le sexe, l’âge et la culture.

Selon ces critères, il existerait envi-ron 12 millions de Français matinaux et 12 millions de Français vespéraux. Les autres ne sont ni vraiment du soir ni vrai-ment du matin. Vous pouvez déterminer votre style à l’aide du questionnaire de matinalité, dit CSM (Composite Scale of Morningness), proposé page ci-contre.

Femmes du matin

À en croire les études menées dans différents pays, les femmes seraient plus matinales que les hommes. On le constate en proposant des questionnaires à des milliers de personnes, ou bien en plaçant des hommes et des femmes pendant plusieurs jours dans une pièce à lumino-sité faible et constante. Dans ces condi-tions, chaque personne adopte le cycle de son horloge interne, et celui des femmes devance alors de 50 minutes celui des hommes. Ce phénomène biologique serait lié aux cycles hormonaux féminins.

Êtes-vous… du soir ou du matin ?

Hervé Caci

est pédopsychiatre au CHU de Nice et docteur de l’Université Paris 7, habilité à diriger les recherches par l’Université Nice-Sophia Antipolis.

Footing à sept heures du matin, réunion de travail à neuf heures : ce programme ne convient pas à tous.

De même pour les veillées nocturnes. Chacun a son tempérament, matinal ou vespéral.

Les différentes personnalités

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Questionnaire : matinal ou vespéral ?

L es 13 questions suivantes concernent vos rythmes veille-sommeil et activité-repos. Cochez une seule

réponse par question.

1. En ne considérant que le rythme de vie qui vous convient le mieux, à quelle heure vous lèveriez-vous en étant entièrement libre d’organiser votre journée ?

❒ ⑤ : entre 5 h 00 et 6 h 30❒ ④ : entre 6 h 30 et 7 h 45❒ ③ : entre 7 h 45 et 9 h 45❒ ② : entre 9 h 45 et 11 h 00❒ ① : entre 11 h 00 et midi

2. En ne considérant que le rythme de vie qui vous convient le mieux, à quelle heure vous coucheriez-vous sachant que vous êtes entièrement libre d’organiser votre soirée ?

❒ ⑤ : entre 20 h 00 et 21 h 00❒ ④ : entre 21 h 00 et 22 h 15❒ ③ : entre 22 h 15 et 0 h 30❒ ② : entre 0 h 30 et 1 h 45❒ ① : entre 1 h 45 et 3 h 00

3. Dans des conditions adéquates (environnement favorable, sans contraintes particulières, etc.), à quel point cela vous est-il facile de vous lever le matin ?

❒ ① : pas facile du tout❒ ② : pas très facile❒ ③ : assez facile❒ ④ : très facile

4. Comment vous sentez-vous durant la demi-heure qui suit votre réveil du matin ?

❒ ① : pas du tout réveillé(e)❒ ② : peu éveillé(e)❒ ③ : relativement éveillé(e)❒ ④ : très éveillé(e)

5. Comment vous sentez-vous durant la demi-heure qui suit votre réveil du matin ?

❒ ① : très fatigué(e)❒ ② : plutôt fatigué(e)❒ ③ : plutôt en forme❒ ④ : tout à fait frais (fraîche) et dispos

6. Vous avez décidé de pratiquer un sport. Un ami vous suggère de faire deux fois par semaine des séances d’une heure. Le meilleur moment pour lui est de sept à huit heures du matin. Ne considérant que le rythme qui vous convient le mieux, dans quelle forme pensez-vous être ?

❒ ④ : bonne forme❒ ③ : forme raisonnable❒ ② : vous trouvez cela difficile❒ ① : vous trouvez cela très difficile

7. À quelle heure dans la soirée vous sentez-vous fatigué(e) au point de devoir aller vous coucher ?

❒ ⑤ : entre 20 h 00 et 21 h 00❒ ④ : entre 21 h 00 et 22 h 15❒ ③ : entre 22 h 15 et 0 h 30❒ ② : entre 0 h 30 et 1 h 45❒ ① : entre 1 h 45 et 3 h 00

8. Vous devez être à votre maximum de performance pour un examen écrit qui dure deux heures. On vous laisse libre de choisir l’heure à laquelle vous pensez être le (ou la) plus efficace. Ce sera :

❒ ④ : entre 8 h 00 et 10 h 00❒ ③ : entre 11 h 00 et 13 h 00❒ ② : entre 15 h 00 et 17 h 00❒ ① : entre 19 h 00 et 21 h 00

9. On entend souvent dire que telle personne est « du matin » et que telle autre est « du soir ». En ce qui vous concerne, vous seriez :

❒ ④ : tout à fait « du matin »❒ ③ : plutôt « du matin » que « du soir »❒ ② : plutôt « du soir » que « du matin »❒ ① : tout à fait « du soir »

10. À quelle heure vous lèveriez-vous en prévision d’une journée de travail de huit heures que vous êtes totalement libre d’organiser ?

❒ ④ : avant 6 h 30❒ ③ : entre 6 h 30 et 7 h 30❒ ② : entre 7 h 30 et 8 h 30❒ ① : après 8 h 30

11. Si vous deviez toujours vous lever à 6 h 30, cela vous paraîtrait :

❒ ① : affreusement difficile❒ ② : plutôt difficile et déplaisant❒ ③ : déplaisant sans plus❒ ④ : sans aucune difficulté

12. Après une bonne nuit de sommeil, combien de temps vous faut-il pour être pleinement réveillé(e) ?

❒ ④ : moins de 10 minutes❒ ③ : entre 10 et 20 minutes❒ ② : entre 21 et 40 minutes❒ ① : plus de 40 minutes

13. Dans quelle partie de la journée êtes-vous le (ou la) plus actif(ve) ?

❒ ④ : nettement actif(ve) le matin❒ ③ : plutôt actif(ve) le matin❒ ② : plutôt actif(ve) le soir❒ ① : nettement actif(ve) le soir

Additionnez les points obtenus à chaque réponse :- si vous avez moins de 25 points : vous êtes vespéral- si vous avez plus de 42 points : vous êtes matinal

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38    La personnalité © Cerveau & Psycho

En effet, le cycle de l’horloge interne des femmes ménopausées n’est presque pas décalé par rapport à celui des hommes.

Culture et biologie ont des rôles compa-rables. Ainsi, on est moins matinal dans les pays méditerranéens : les plages horaires d’ac-tivité sont nettement plus tardives en Espagne qu’en Allemagne. Par ailleurs, les enfants

sont plus matinaux que les adultes, mais deviennent plus vespéraux à la puberté. On pense que les hormones liées à la puberté inte-ragissent avec celles réglant les rythmes de la veille et du sommeil – notamment la mélato-nine, une hormone qui diminue la vigilance.

Enfin, une étude que nous avons réalisée en France auprès de 200 collégiens a révélé que les adolescents nés en mars ou en avril sont les plus vespéraux. Leurs scores de matinalité sont inférieurs de quatre points à ceux des personnes nées en octobre ou novembre, la moyenne de la population se situant entre les deux.

Comment expliquer ce phénomène ? La longueur des jours et des nuits façonne, dans le cerveau du nouveau-né, une région conte-nant son horloge biologique. Cette horloge cérébrale, qui règle ses rythmes de sommeil et de veille, est située dans une partie du cerveau nommée noyaux suprachiasma-tiques. Dans ces noyaux, l’expression cyclique de certains gènes commande une activité rythmique selon une période d’environ 24 heures. En outre, les noyaux suprachias-matiques contrôlent l’activité d’une autre région cérébrale, l’épiphyse, sur laquelle ils ont une action inhibitrice pendant la journée uniquement. Comme l’épiphyse synthétise et sécrète la mélatonine, l’état de vigilance oscille suivant une période de 24 heures.

Par ailleurs, la mélatonine informe toutes les cellules de l’organisme que la nuit est tombée et qu’il faut adapter les activités physiologiques en conséquence. Ce rythme fondamental est ajusté à celui des jours et des nuits par l’intermédiaire de la rétine, reliée

aux noyaux suprachiasmatiques. De jour, la rétine active ces noyaux, qui inhibent l’épi-physe : la sécrétion de mélatonine est stop-pée dès que la luminosité dépasse celle de l’aube et l’organisme est maintenu en état de vigilance. Ainsi, en été, lorsque les jours sont longs, elle est produite en moindre quantité et l’on a tendance à se coucher plus tard. Quand l’hiver vient, la concentration de mélatonine augmente plus vite et son effet sédatif se manifeste plus tôt dans la soirée.

Ce mécanisme expliquerait pourquoi les personnes nées au début de l’hiver sont plus matinales que les autres. Imaginons un bébé né en décembre. Pendant les premiers mois de sa vie, son cerveau est exposé à des jours courts et à des nuits longues. Son horloge biologique s’imprègne de ce rythme et les connexions neuronales dans les noyaux suprachiasmatiques pourraient subsister : plus tard, il serait enclin à se coucher de bonne heure, mais serait alerte le matin. Au contraire, les bébés nés au début de l’été ont un rythme de veille plus long : ils seraient peu fatigués en soirée, s’endormiraient plus tard et seraient moins dispos en matinée. Ajoutons que des facteurs génétiques pourraient aussi interve-nir, certaines mutations du gène CLOCK favo-risant une tendance à la vespéralité. Les cher-cheurs s’intéressent aussi aux interactions du fœtus et de sa mère pendant la grossesse, car les noyaux suprachiasmatiques du fœtus se synchronisent sur les rythmes maternels via la mélatonine qui traverse la barrière placentaire.

Vespéral ou impulsif ?

On a également constaté que les indivi-dus les plus vespéraux, nés en mars ou avril, sont plus impulsifs que la moyenne, c’est-à-dire qu’ils agissent souvent sans prendre connaissance de toutes les conséquences de leurs actes. Cette impulsivité correspondrait, dans certains cas, à des concentrations insuf-fisantes de sérotonine dans certaines régions cérébrales. Or la sérotonine est la molécule à partir de laquelle est synthétisée la méla-tonine. La sérotonine est-elle le dénomina-teur commun entre impulsivité et vespéra-lité ? Il faudra encore quelques années pour le savoir. Mais plusieurs équipes viennent de trouver certaines mutations du gène CLOCK chez des adultes présentant une hyperac-tivité avec trouble de l’attention. Or ces patients sont moins vigilants, plus impulsifs et ont des difficultés attentionnelles. n

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Les personnes nées au début de l’hiver sont plus matinales que les autres.

À la naissance, leur cerveau a été exposé à des jours courts et des nuits longues.

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014    39

Le tempérament – l’inné – et le caractère – l’acquis – façonnent la personnalité. Elle évolue avec l’âge et est influencée par la culture et les thérapies.

Forger sa personnalité

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40  La personnalité © Cerveau & Psycho

La personnalité comprend un ensem- ble de caractéristiques individuelles complexes qui associent des com- posantes supposées stables, innées, et des composantes acquises. Les

premières définissent de façon presque immuable comment nous réagissons à notre environnement – ce sont les traits de tempé-rament –, les secondes évoluent avec notre histoire – ce sont les traits de caractère. Notons que très souvent les termes tempé-rament et caractère sont utilisés sans distinc-tions, ce qui n’est pas le cas ici, car ce sont des composantes différentes de la personnalité. Les premières théories du fonctionnement humain faisaient référence aux déterminants innés de la personnalité, mais les conceptions plus récentes insistent sur le rôle de facteurs extérieurs dans son développement.

Du tempérament au caractère

La recherche d’indicateurs biologiques, notamment génétiques, des traits de person-nalité a évolué récemment avec les progrès des techniques neuroscientifiques. Comment mettre en évidence les relations entre person- nalité et processus neurobiologiques ?

Aujourd’hui, les scientifiques cherchent à identifier des traits de tempérament « basiques », plutôt que de comprendre les traits de personnalité complexes résultant de

Entre gènes et environnement

Aurélie Chopin

est interne en psychiatrie au CHU de Montpellier-Nîmes.Diane Purper-Ouakil

est professeur des universités et praticien hospitalier dans le Service de médecine psychologique de l’enfant et de l’adolescent à l’Hôpital Saint-Éloi de Montpellier. Elle mène ses recherches dans l’Unité INSERM 894 au Centre de psychiatrie et neurosciences de Paris.

Les traits de la personnalité sont autant innés que acquis. On ignore quels gènes sont impliqués, mais on sait

que l’environnement modifie leur expression.

l’interaction avec le milieu. Ainsi, on étudie les mécanismes impliqués dans les varia-tions individuelles de la personnalité.

Un autre aspect de la recherche neurobio-logique et génétique sur le comportement humain est l’étude des troubles de la person-nalité : quels sont les facteurs biologiques mis en cause dans l’apparition et l’évolution des troubles de la personnalité, tels que la personnalité borderline ou antisociale ?

Qu’elles s’intéressent aux traits ou aux troubles de la personnalité, les études géné-tiques donnent des résultats distincts selon les méthodes utilisées. Et ce parce qu’on ignore comment identifier les mécanismes biologiques sous-tendant les comporte-ments complexes, tels que l’intelligence et la personnalité. En effet, les interactions des gènes avec l’environnement interviennent non seulement dans le développement indi-viduel, mais aussi dans l’histoire de l’espèce. Nous allons retracer les principales étapes de la recherche en génétique de la personnalité et en décrire les enjeux.

Les études de jumeaux permettent aux scientifiques d’estimer l’importance des facteurs génétiques dans un trait de tempé-rament. On peut comparer la concordance d’un trait donné chez des jumeaux mono-zygotes (ayant le même matériel génétique) et chez des jumeaux dizygotes (qui partagent 50 pour cent de leurs gènes). On obtient alors l’« héritabilité » d’un trait, c’est-à-dire

Forger sa personnalité

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la part de sa variabilité (ou variance) expli-quée par des facteurs génétiques.

Par exemple, chaque individu est plus ou moins altruiste. On utilise des modèles statistiques pour déterminer la variabilité d’un trait – ici l’altruisme – dans la popula-tion générale. Puis le modèle est testé (sur un groupe d’individus) pour vérifier qu’il four-nit des résultats cohérents avec les données recueillies auprès de ces individus. Trois composantes principales sont étudiées dans les modèles les plus simples : les facteurs géné-tiques, l’environnement partagé (commun à tous les membres d’une fratrie) et l’environ-nement non partagé (spécifique de chaque individu). Ainsi, la concordance d’un trait donné entre jumeaux monozygotes élevés ensemble correspond à la somme des effets génétiques et de l’environnement partagé ; les différences entre vrais jumeaux étant forcé-ment dues à l’environnement non partagé.

La personnalité est à moitié héritée

Ainsi, les études de jumeaux montrent que des facteurs génétiques expliquent 40 à 60 pour cent de la variance des traits de personnalité, que l’on utilise un modèle de personnalité à cinq facteurs (voir la figure page 10) ou celui de Cloninger (où le tempé-rament repose sur trois dimensions, voir l’encadré page 44). L’un des traits communs aux différents modèles de personnalité est le névrosisme, ou stabilité émotionnelle, proche de la dimension évitement du danger du

De vrais jumeaux,  qui ont le même

patrimoine génétique, n’ont pas forcément les mêmes tempéraments :

l’environnement spécifique à chacun

d’eux façonnerait environ la moitié

de leurs traits de personnalité.

modèle de Cloninger. Les personnes obte-nant des scores élevés de névrosisme sont très instables émotionnellement : elles réagissent de façon anxieuse à de faibles stimulations environnementales. En 2006, David Rettew et ses collègues, de l’Université du Vermont aux États-Unis, ont étudié 3 301 adolescents néer-landais et montré que les facteurs génétiques expliquent 59 pour cent de la variabilité du trait névrosisme, tandis que l’environnement non partagé y contribue pour 41 pour cent.

En 2009, John Philippe Rushton et ses collègues, de l’Université de Western Ontario au Canada, ont défini un facteur « général » de personnalité, dérivé de différents modèles, qui combine des scores élevés d’ouverture aux expériences, d’agréabilité, de stabilité émotionnelle et d’intelligence émotionnelle. Ils ont montré que son héritabilité est impor-tante : les facteurs génétiques sont respon-sables de la moitié de la variabilité de ces traits.

La majorité des études de jumeaux montrent aussi que l’influence de l’environ-nement sur la variance des traits de person-nalité est surtout due à l’environnement non

En bref • Les études de jumeaux permettent aux chercheurs de déterminer

la part de l’héritage génétique dans les traits de personnalité : elle serait comprise entre 40 et 60 pour cent. •Mais les généticiens ont des difficultés à identifier

les gènes impliqués ; soit parce qu’ils sont très rares, soit parce que l’environnement en modifie l’expression.

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42  La personnalité © Cerveau & Psycho

Trouver les gènes de la personnalité

Pour identifier les gènes susceptibles de contri-buer aux traits de tempérament – on parle de

gènes candidats –, les chercheurs peuvent compa-rer l’ADN de personnes situées aux extrêmes d’une dimension de la personnalité : par exemple, l’une est très altruiste, l’autre très peu. D’abord, ils doivent trouver une région chromosomique, ou locus, impli-quée dans ce trait de personnalité ; pour ce faire, ils recherchent des séquences d’ADN répétées, ou mar-

queurs, réparties dans tout le génome. Si des mar-queurs particuliers apparaissent plus souvent chez les personnes très altruistes, ils examinent l’ADN proche du marqueur pour identifier les gènes voisins (a). Puis ils étudient ces gènes. Si les mêmes variants de gènes (ou polymorphisme d’un seul nucléotide, des séquences génétiques très semblables) apparaissent plus fréquem-ment chez les sujets très altruistes, cela peut signifier que le gène étudié contribue au trait agréabilité (b).

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partagé (spécifique), alors que la part de l’en-vironnement partagé (commun) est faible.

En effet, on peut estimer les effets de l’envi-ronnement partagé par une autre approche : on analyse les ressemblances en termes de traits de personnalité entre enfants adoptés par la même famille. De nombreuses études ont montré que ces enfants non apparentés du point de vue génétique ne présentent aucun lien significatif de leurs traits de personna-lité : c’est donc l’environnement spécifique d’un sujet donné qui influe sur le dévelop-pement de ses caractéristiques individuelles. L’environnement partagé, notamment la famille, participe probablement aux traits de personnalité, mais son influence est faible.

En théorie, l’importance de l’expression des gènes sur la personnalité pourrait varier au cours du développement, selon le sexe ou l’origine ethnique ; l’influence de ces paramètres dans l’architecture génétique des phénotypes complexes (l’ensemble des caractéristiques d’un individu) a été étudiée. Ainsi, en 2006, une large étude internationale

de jumeaux a révélé que la part des facteurs génétiques dans la variabilité des dimensions du modèle de personnalité à cinq facteurs est stable selon les pays. En 2010, on a aussi montré que les gènes contribuent à la stabi-lité des traits de personnalité au cours du développement, alors que l’environnement – notamment non partagé – participe à leur variabilité. En outre, les interactions du géno-type (l’ensemble des gènes d’un individu) avec le sexe sont rares ; en 2012, Jacqueline Vink, de l’Université d’Amsterdam, et ses collègues ont mis en évidence que, dans la plupart des traits de personnalité qu’ils ont étudiés, les mêmes gènes sont impliqués chez les hommes et les femmes.

Les contributions génétiques et environ-nementales commencent également à être mieux connues à différents stades de déve-loppement. En 2008, Kimberly Saudino et ses collègues, de l’Université de Boston, ont étudié les comportements de jeunes enfants âgés de moins de trois ans : l’héritabilité du niveau d’activité motrice est de 75 pour

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cent, celle de l’évitement de la nouveauté de 63 pour cent, tandis que les compétences sociales sont surtout influencées par l’envi-ronnement partagé (à 80 pour cent pour les filles et 69 pour cent pour les garçons). En 2012, on a montré que, chez les adoles-cents, les gènes participent de moins en moins au trait impulsivité entre le début et la fin de l’adolescence (de 62 à 50 pour cent), ce qui reflète probablement l’influence crois-sante de l’environnement spécifique, notam-ment celui du groupe des pairs.

Quels gènes impliqués ?

D’après ces travaux de génétique du comportement, on sait que des gènes inter-viennent dans différents traits de person-nalité, tout comme l’environnement, et que leur part relative varie avec le développe-ment, mais peu selon les cultures ou le sexe. Mais quels sont ces gènes ? Pour les identi-fier, certaines études comparent la fréquence d’expression des variants de différents gènes candidats (gènes potentiellement impliqués dans la neurobiologie du trait) entre des sujets situés aux extrêmes d’une dimension de personnalité. Rappelons que des variants génétiques sont des formes très proches d’un même gène, qui codent la même (ou presque) protéine. De surcroît, chaque parent transmet un variant – ou allèle – de chacun de ses gènes à ses enfants. Ainsi, les études d’« associa-tions familiales » permettent aux généticiens de chercher si un allèle parental a été davan-tage transmis aux descendants porteurs de la caractéristique étudiée que si la transmission avait été aléatoire. Mais ces analyses supposent l’existence d’un polymorphisme génétique, c’est-à-dire qu’un même trait puisse être dû à des facteurs génétiques distincts.

En 1996, Richard Ebstein, aujourd’hui à l’Université de Singapour, et ses collègues, ont montré que plusieurs allèles du récep-teur dopaminergique D4 sont associés au trait recherche de nouveauté. Ainsi, les indi-vidus porteurs des allèles longs devraient être davantage stimulés pour que suffisamment de dopamine – un neurotransmetteur impli-qué dans la sensibilité aux récompenses – soit libérée dans leur cerveau. Les données les plus récentes confirment cette association entre les allèles longs du récepteur D4 et le trait recherche de nouveauté, le lien étant toute-fois faible (estimé à quatre pour cent de la variabilité de ce trait).

L’émergence du trouble  de la personnalité psychopathique

C e trouble correspond à la personnalité antisociale : l’indi-vidu ne respecte pas les normes sociales, a peu de remords

et d’empathie et sait utiliser autrui pour servir ses intérêts. Selon Gerald Patterson, du Centre d’apprentissage social de l’Orégon aux États-Unis, et Brian Hicks, de l’Université du Mi-chigan, l’apparition de ce trouble est liée, comme pour la plu-part des personnalités pathologiques, à l’interaction de gènes avec l’environnement ; ils en ont décrit les étapes.

L’individu présenterait une vulnérabilité génétique – impulsi-vité, recherche de sensations et prises de risques marquées par exemple – et vivrait dans un environnement défavorable. Les pa-rents auraient des difficultés relationnelles et éducatives avec leur enfant, même au plus jeune âge ; cela amplifierait les troubles du comportement de l’enfant (opposition, colère, agressivité, etc.). Suivent alors l’échec scolaire et un rejet par les pairs ; l’enfant se renferme sur lui-même et risque de développer une dépression et des relations inappropriées avec des jeunes au comportement antisocial. Ces fréquentations peuvent aboutir à des prises de risques excessives et à la consommation de drogues. Le risque d’exclusion sociale, de délinquance, de difficultés financières et judiciaires se renforce alors. Gènes et environnement font donc le lit de ce trouble qui se met en place dans l’enfance.

Les études d’association pangénomiques (GWAS, Genome-Wide Association Studies) analysent de multiples variants de gènes chez de nombreux individus pour mettre en évidence des associations avec certaines carac-téristiques phénotypiques. Ces études utilisent des « marqueurs » régulièrement espacés et couvrant l’ensemble du génome (voir l’encadré page ci-contre). Ainsi, seules certaines localisa-tions génétiques semblent liées à des traits de tempérament. D’autres approches de type séquençage du génome se développent pour trouver des mutations rares éventuellement associées à tel ou tel trait.

Malgré l’héritabilité mise en évidence par les études de génétique du comportement, les

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travaux de génétique moléculaire n’ont iden-tifié que peu de polymorphismes précis impli-qués dans les traits de personnalité. Et quand des liens existent entre un gène et un trait de personnalité, ils ne contribuent que pour une faible part à la variabilité du phénotype. Comment expliquer cette différence ?

L’héritabilité manquante

On parle d’« héritabilité manquante ».Plusieurs mécanismes permettent de comprendre ce phénomène. D’abord, l’hé-térogénéité génétique : de multiples gènes participent à un même trait. La contribution de chaque gène à un trait serait donc faible. Ensuite, il existe des variants rares : les traits de personnalité seraient liés à des muta-tions rares, plutôt qu’à des polymorphismes communs. Par exemple, en 2010, on a montré qu’une mutation rare du gène d’un récepteur de la sérotonine – un neurotransmetteur – est impliquée dans les comportements agressifs. Or il est encore difficile d’identifier ces muta-tions rares. En outre, certains gènes intera-

gissent avec d’autres et modifient leur expres-sion (on parle de processus épistatiques) ; un gène n’est jamais responsable à lui seul d’un trait de personnalité.

Enfin, les gènes interagissent avec l’envi-ronnement. Les relations entre le génotype et le phénotype sont alors modifiées. Il existe trois grands types de ces interactions. Selon le premier type, des facteurs génétiques peuvent augmenter ou diminuer l’impact d’un facteur environnemental et moduler ses effets protec-teurs ou délétères. On a mis en évidence ce type d’interactions pour les comportements agressifs et antisociaux : les sujets à haut risque génétique sont aussi plus sensibles aux violences environnementales. Certaines de ces études concernent des variants géné-tiques précis. Ainsi, en 2002, Avshalom Caspi, du King’s College à Londres, et ses collègues ont suivi une cohorte de garçons de l’enfance à l’âge adulte ; ils ont montré qu’un enfant maltraité a d’autant plus de risques de déve-lopper des comportements violents à l’âge adulte s’il présente un polymorphisme géné-tique donné de la monoamine oxydase A, une

Le modèle de tempérament de Cloninger

Selon le psychiatre et généticien américain Robert Cloninger, les traits de tempérament – les compo-

santes stables et innées de la personnalité – se répar-tissent continûment sur des échelles dont les extré-mités correspondent à des troubles de la personnalité. Des gènes codent des protéines, participant au fonc-tionnement des cellules et des neurones. Ces réseaux cellulaires seraient responsables des fonctions cogni-tives et des émotions, qui sont le socle de la personna-lité. Le tempérament serait alors la tendance naturelle d’un individu à activer, inhiber ou maintenir un com-portement, et aurait trois dimensions : la recherche de nouveauté, l’évitement du danger et la dépendance à la récompense. Chaque dimension reposerait sur le fonctionnement de circuits cérébraux et de neuro-transmetteurs (respectivement la dopamine, la séro-tonine et la noradrénaline).

Mais peut-on réduire la personnalité à des réseaux neuronaux ? R. Cloninger a amélioré son modèle en ajoutant une dimension au tempérament (la per-sistance, le fait d’agir sans tenir compte des consé-quences) et en introduisant la notion de caractère, les composantes de la personnalité déterminées par l’environnement et l’apprentissage. Les dimensions de

caractère sont l’autodétermination (la capacité d’un individu à contrôler et à adapter ses comportements pour faire face à une situation), la coopération (le fait d’accepter autrui) et la transcendance (la dimension spirituelle d’une personne qui a des croyances).

Recherche de nouveauté

Personnalité

Tempérament Caractère

Dépendance à la récompense

Évitement du danger

Persistance

Autodétermination

Coopération

Transcendance

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enzyme impliquée dans le métabolisme des catécholamines (des molécules de communi-cation entre cellules et neurones). Dans une autre étude, en 2003, ils ont montré que les individus porteurs d’un génotype particulier du transporteur de la sérotonine sont plus vulnérables aux stress environnementaux et ont un risque accru de développer des troubles dépressifs et des comportements suicidaires.

Deuxième type d’interactions des gènes avec l’environnement : ce dernier peut modifier l’expression d’un gène. On parle d’épigénétique. Il n’y a alors pas de chan-gement de la séquence d’ADN du gène ; seul l’accès au génome est modifié, parfois de façon durable, via la méthylation, c’est-à-dire l’ajout de groupes méthyle, à l’ADN ou aux histones. Ces protéines contrôlent l’accès du gène à la machinerie de traduc-tion qui permet son expression. Ainsi, la « contrainte » génétique serait nuancée par les régulations épigénétiques qui, elles-mêmes, dépendent de l’histoire de l’individu. Comme le précise Alain Prochiantz, cher-cheur en neurobiologie au Collège de France à Paris, les caractéristiques innées peuvent être considérées comme le point de départ d’une infinité de personnalités distinctes.

Les conséquences d’un stress précoce

Plusieurs facteurs environnementaux participent aux processus épigénétiques : par exemple, la pollution, l’exposition à certains médicaments, l’alimentation et l’environne-ment pré- ou périnatal. L’exposition précoce à un environnement violent (violences physiques ou abus sexuels) augmente la vulnérabilité de l’individu au stress. Cette vulnérabilité est liée à une hyperactivité de l’axe corticotrope (l’axe du stress). Les effets de l’adversité précoce sont durables et sous-tendus par des mécanismes épigénétiques.

En effet, en 2012, Benoît Labonté et Gustavo Turecki, de l’Institut universitaire de santé mentale Douglas à Montréal, ont montré que l’expression du gène codant le récepteur des glucocorticoïdes est dimi-nuée dans certaines régions cérébrales, chez des personnes qui se sont suicidées et qui ont été exposées à un environnement maltraitant. Or cette diminution modifie les réactions au stress jusqu’à l’âge adulte. Par ailleurs, les gènes s’expriment dans un envi-ronnement cérébral donné : des variations

de cette expression auraient des consé-quences sur la configuration du cerveau (et donc sur le comportement).

D’autres relations existent entre gènes et environnement : les caractéristiques géné-tiques de l’individu peuvent favoriser la survenue de certaines situations, via des traits de personnalité ou des comporte-ments spécifiques. Par exemple, les individus

ayant un score élevé pour le trait recherche de sensations « sélectionnent » davantage d’événements, de métiers ou d’activités à risques (voir l’encadré page 43).

La diversité génétique, la plasticité cérébrale et les déplacements de populations sont les principaux mécanismes adaptatifs des orga-nismes vivants. Selon une perspective évolu-tionniste, les traits de personnalité peuvent résulter de conditions passées ayant favorisé leur maintien dans l’espèce – on parle alors de pression de sélection positive. La person-nalité peut influer sur les capacités de survie et de reproduction d’un individu dans un environnement donné et les gènes qu’il porte sont ainsi transmis à la descendance. Mais une autre part de la variabilité génétique sous-tendant les traits de personnalité peut être due à des mutations, qui ont lieu au hasard ; cette « dérive génétique » n’est pas influencée par une quelconque pression de sélection. En outre, la variabilité des traits peut être liée à des différences d’expression des gènes, provoquées par l’environnement précoce.

En conséquence, les données scienti-fiques reflètent la complexité génétique et environnementale des principaux styles de comportements humains. Comprendre les mécanismes impliqués est un enjeu majeur. Des progrès sont attendus dans plusieurs domaines : l’identification de caractéris-tiques individuelles « basiques » mesurables et stables, l’association de la génétique et de l’imagerie cérébrale, la prise en compte de l’environnement et la généralisation des méthodes de génétique moléculaire. n

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C’est l’environnement spécifique d’un sujet donné qui influe sur le développement

de ses caractéristiques individuelles.

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46  La personnalité © Cerveau & Psycho

Cultures et mentalités

Pascal de Sutter

est chercheur et enseignant à la Faculté de psychologie de l’Université de Louvain. Il est aussi consultant en psychologie politique et directeur de la Société Hermes profiling de conseil en psychologie politique, diplomatique et économique.

Les traits de la personnalité sont identiques dans tous les groupes humains. Mais ils sont plus

ou moins marqués chez chaque individu et dépendent de la culture : la mentalité n’est pas la même partout !

Forger sa personnalité

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Les Écossais sont avares, les Italiens bavards, les Polonais buveurs, les Belges benêts, les Anglais distants, les Espagnols fiers, les Allemands travailleurs, les Français râleurs, etc.

Des caractéristiques, des modes de fonction-nement ou des traits de personnalité sont souvent attribués aux différentes nationali-tés. Il est de bon ton aujourd’hui de qualifier ces jugements de « préjugés ». Cependant, si nous voyageons à l’étranger, nos préju-gés peuvent disparaître ou être renforcés. Prenons l’exemple du préjugé : « les Anglais sont distants ». Si vous prenez une bière dans un pub londonien le soir d’une victoire du club de football d’Arsenal, vous trouverez au contraire les Anglais chaleureux, conviviaux, bavards, familiers – tout sauf distants. Et vos préjugés, notamment sur le flegme britan-nique et leur self control, seront modifiés au contact des supporters déchaînés.

Alors existe-t-il des spécificités nationales dans le comportement et la personnalité des individus ? Il semble que non. Pourtant, plusieurs études scientifiques montrent que les caractéristiques des populations changent d’un groupe culturel à l’autre. Par exemple, les Anglais se touchent moins, en moyenne, le bras ou l’épaule que les Français quand ils communiquent ; et ils se serrent la main moins souvent et moins longtemps. Ces résultats confirment en quelque sorte l’im-pression de « distance » que ressentent les Français vis-à-vis des Britanniques. Dans ce cas, le préjugé serait partiellement fondé.

Les préjugés sur la « race »

L’idée selon laquelle les traits de personna-lité changent avec la culture n’est pas récente. Durant l’Antiquité déjà, les Égyptiens attri-buaient aux Hébreux plusieurs caracté-ristiques négatives : « C’est une abomina-tion pour les Égyptiens de manger avec les Hébreux » (Livre de la Genèse). Longtemps, ces différences de fonctionnement (réelles ou imaginaires) ont été attribuées à la « race » plutôt qu’à la culture…

Plus près de nous, disons quelques mots des délires du neurologue et psychiatre français Edgar Bérillon qui exprimait son opinion – qu’il qualifiait de scienti-fique – sur les Allemands, dans son livre La psychologie de la race allemande : « L’odeur de la race allemande a toujours produit les impressions les plus désagréables sur la

fonction olfactive de nos compatriotes [...]. [À cela] s’ajoutent les critères psycholo-giques : pédantisme, mimétisme parasitaire, servilisme, fétichisme, rituélisme et colère agressive. Ces dispositions mentales se rattachent toutes à l’insuffisance du pouvoir de contrôle cérébral. Elles témoignent d’une infériorité très accentuée dans le domaine psychologique aussi bien que dans le domaine moral. » N’oublions pas que ces propos étaient tenus dans un contexte de guerre et de propagande anti-allemande. « Il y a plus de différences entre un Français et un Allemand qu’entre un chien et un loup. » précisait encore E. Bérillon.

Le « physique » n’a rien à voir avec la personnalité

Le terme de race fut souvent utilisé au XIXe siècle pour tenter de hiérarchiser les hommes d’après leurs caractères morpholo-giques et culturels, et pour trouver la « race supérieure ». Aujourd’hui, cette terminolo-gie a été battue en brèche, car aucun argu-ment scientifique ne justifie cette notion. Toutefois, elle était fréquente au début du XXe siècle. À chaque race correspondaient alors des caractéristiques physiques : taille du crâne, forme du nez et des oreilles, distance entre les yeux, etc. Et ces parti-cularités étaient associées à des traits de caractère. E. Bérillon ajoutait, pour l’Alle-mand : « L’ampleur de la saillie des joues, la profondeur du sillon nasolabial, l’étendue de la cavité buccale, l’épaisseur de la lèvre infé-rieure indiquent la prédominance de la fonc-tion digestive. » Ce qui expliquait (évidem-ment !) des traits de personnalité telles la gourmandise, la voracité et l’agressivité…

Ainsi, si les « experts » observaient tant de divergences entre un Français et un Allemand, on imagine facilement ce qu’ils pensaient des différences entre un Européen

En bref •On ne peut pas classer les individus en différentes catégories

de personnalités ; les traits de caractère sont universels, mais chaque individu est plus ou moins extraverti, ouvert aux expériences nouvelles, consciencieux, etc. • Toutefois, ces caractéristiques sont influencées par la culture :

les mentalités – liées à l’éducation, aux valeurs, etc. – diffèrent d’un groupe social à un autre.

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48  La personnalité © Cerveau & Psycho

L’éducation et les valeurs changent beaucoup d’une culture à l’autre :

ces différences renforcent ou affaiblissent certains traits de caractère.

et un Pygmée. Pour eux, les différences corporelles expliquaient les différences de

personnalité. Dans les années 1920, le psychiatre allemand Ernst Kretschmer avait regroupé les être humains en trois

catégories : le leptosome, le pycnique et l’athlétique. Il voulait montrer que les « petits gros » (pycnique) étaient

plutôt sociables et joyeux, tandis que les « grands minces » (leptosome) étaient davantage rêveurs, sensibles et risquaient de développer une schizophrénie.

Bien entendu, plus aucun psychologue ne tient ce genre de propos. Aucune étude scien-tifique n’a confirmé toutes ces théories selon lesquelles le caractère serait lié au physique. Et le concept même de race a disparu.

Des traits universels

Après la Seconde Guerre mondiale et les abominations provoquées par les théo-ries racistes, les psychologues ont tenté de trouver les points communs à tout homme – ce qui semblait plus humaniste. Dans les années 1960, le psychologue américain

Paul Ekman a exploré la Nouvelle-Guinée à la rencontre d’hommes n’ayant jamais été en contact avec les Occidentaux. Ces personnes, vivant pratiquement encore à l’âge de pierre, semblaient très différentes de nous. Pourtant, P. Ekman a constaté que ces hommes et ces femmes avaient de nombreux traits de personnalité et de

caractère semblables aux nôtres. Il a notamment montré que plusieurs expressions faciales sont universelles :

les émotions telles que la peur, la colère, le dégoût, la surprise et la joie sont expri-

mées de la même façon par tous les êtres humains – qui auraient donc un fonction-nement psychique commun, au moins dans l’expression des émotions.

Puis de nombreux anthropologues ont confirmé que, dans toutes les cultures, même

les plus éloignées de la « civilisation occiden-tale », l’homme présente les mêmes traits de personnalité. Partout, il y a des hommes violents et doux, des femmes courageuses et capricieuses, des enfants rebelles et obéis-sants. À partir de 1995, j’ai vécu quatre ans dans une communauté isolée d’Amérin-diens Cris au Nord du Canada (à 1 800 kilo-mètres de Montréal). J’y ai rencontré toutes sortes de personnalités avec les mêmes quali-tés et les mêmes défauts qu’ailleurs. Là-bas, on retrouve les mêmes gens adorables et les mêmes personnes insupportables que partout dans le monde.

Alors peut-on classer les hommes selon leur personnalité ? Pas vraiment. Il existe une palette de personnalités si large qu’il est impossible de faire entrer tout un chacun dans une catégorie précise. Aujourd’hui, l’approche des Big Five – la personnalité comprend cinq dimensions fondamentales – semble la plus prometteuse : il ne s’agit pas de ranger les différentes personnalités dans des catégories, mais de définir des traits plus ou moins accentués chez chaque être humain. De cette façon, les variations sont infinies. Ce modèle des Big Five rassemble toutes les caractéristiques d’une personne en cinq dimensions (voir la figure page 10) : l’ouverture, la conscience, l’extraversion, l’agréabilité et le névrosisme.

Ce système a été établi à partir du voca-bulaire anglais sur des populations améri-caines. Toutefois, plusieurs études ont vérifié sa validité pour d’autres popula-tions. C’est le cas pour les Allemands et les Hollandais. Mais aussi pour les populations russes, israéliennes, turques et chinoises. Par exemple, on retrouve des individus très extravertis dans tous ces pays. Cependant, la façon d’exprimer l’extraversion varie d’une culture à l’autre : un Américain extraverti parle plus fort, avec des gestes plus marqués, qu’un Chinois extraverti.

La culture disparaît-elle ?

En conséquence, les différents traits de personnalité sont répartis dans divers groupes humains. La personnalité humaine serait universelle, et il y aurait peu de différences entre les hommes. On pourrait donc trouver plus de différences de personnalités entre dix membres d’une même famille qu’entre cinq Touaregs et cinq Inuits. Cette vision « univer-saliste » bat en brèche la vision « différentia-

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liste », qui considère que les groupes humains ont une vision du monde, des personnalités et des comportements distincts.

Ainsi, les grandes multinationales ont cru que l’on pouvait gérer le « personnel » de la même façon partout dans le monde. L’idée circule encore que la mondialisa-tion de l’économie et de la culture gomme-rait vite les différences interculturelles… Si nous mangeons tous chez McDo, portons des vêtements Gap ou Zara, des culottes Sloggy, des chaussures Nike, en écoutant Lady Gaga (ces marques étant les plus vendues au monde), peut-être aurons-nous tous la même personnalité… Le concept de culture disparaîtrait de lui-même.

Comment la culture influe sur la personnalité

Or ce n’est pas le cas. Dans les années 1970, le psychologue néerlandais Geert Hofstede travailla pour la multinationale IBM. Il collecta des milliers de données sur les employés de l’entreprise dans toutes ses succursales. Il en conclut qu’il existe de grandes différences dans la façon dont les individus travaillent et réflé-chissent. Il regroupa ces identités culturelles selon quatre axes : la distance hiérarchique, le contrôle de l’incertitude, l’individualisme et la dimension masculine-féminine (voir l’encadré page 50). Par exemple, les habitants des pays scandinaves ont une personnalité caractérisée par un faible niveau de « masculinité » (il y a peu de différences entre les hommes et les femmes), une faible distance hiérarchique (ils sont presque tous égaux), un faible contrôle de l’incertitude (ils ont le goût de l’innova-tion) et un individualisme moyen.

Cette idée est séduisante, car elle explique les choix collectifs de certaines sociétés. Selon ce raisonnement, une certaine « mentalité scandinave » justifie une façon de penser, de se comporter et donc certains traits de personnalité. Par exemple, on pourrait dire qu’il existe moins d’hommes dominants, inquiets et conservateurs en Suède qu’en Arabie Saoudite…

Mais cette théorie perd de sa valeur quand on se penche sur la façon dont G. Hofstede définit les cultures. En effet, il les classe selon les nationalités. Ainsi, pour lui, les Belges sont des latins, et il assimile leur personnalité à celle des Français. Cela se comprend pour un Néerlandais qui considère que tout ce qui est au Sud de l’Escaut est d’influence franco-

phone. Mais c’est beaucoup moins pertinent pour les Flamands (60 pour cent de la population belge) qui se considèrent plus germaniques que latins. Les problé-matiques politiques belges actuelles sont d’ailleurs largement liées au fait que les Flamands estiment ne pas partager les mêmes valeurs ni les mêmes traits de personnalité que les Wallons. Les mêmes remarques s’appliquent à l’Inde ou à la Chine, où il existe une grande variété de cultures et de sous-cultures.

Existe-t-il aussi des traits de personnalité typiquement français ? Le fonctionnement psychique des Parisiens est-il le même que celui des villageois savoyards ? Les menta-lités sont-elles identiques à Quimper et à Nice ? En Lorraine et au Pays Basque ?

Quand j’ai vécu dans le village Amérindiens du Nord du Canada, j’ai observé les mêmes traits de personnalité chez les Cris que chez les Bruxellois. Cependant, j’ai aussi constaté des différences notables. J’ai parti-cipé à une campagne de vaccination dans les écoles de Montréal : dans certaines écoles

Les déterminants de la personnalité

T rois facteurs caractérisent la personnalité d’un individu : les déterminants physiologiques, génétiques et environne-

mentaux. D’abord, les pensées et le comportement d’un sujet dépendent de son état physiologique. Quand on est malade, on est souvent moins enthousiaste que quand on est en bonne santé. Par exemple, une hypersécrétion d’hormone thyroïdienne – liée à une maladie de la thyroïde – provoque de l’agitation, une humeur instable et de l’insomnie. D’autres molécules neurochi-miques influent sur la personnalité (la testostérone, la séroto-nine, la dopamine, la noradrénaline, etc.). Certains médicaments ou les drogues modifient aussi la personnalité – ce qui confirme l’intuition populaire : « Il n’est plus le même quand il a bu ». En outre, des émotions fortes perturbent l’équilibre neurochimique du cerveau et transforment la personnalité d’un sujet.

En outre, tous les traits de personnalité ont une composante génétique. Mais aucun trait n’est plus héréditaire qu’un autre. Par exemple, l’extraversion n’est pas plus influencée par la génétique que la curiosité. Ce qui réfute, notamment, l’hypothèse du « chro-mosome du crime » : la propension à la violence ne dépend pas plus de la génétique qu’un autre comportement. Enfin, une partie de la personnalité d’un sujet adulte dépend de ses expériences et de ses apprentissages. C’est l’influence de la famille, de l’édu-cation scolaire et religieuse, des pairs et des médias. C’est sur ce dernier déterminant que revêt toute l’importance de la culture.

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où il y avait de nombreux élèves immigrés d’origine orientale, les enfants avaient une personnalité « rebelle » aux injections sous-cutanées. La majorité d’entre eux (surtout les garçons) pleuraient, se débattaient, hurlaient, s’enfuyaient et parfois même insultaient les infirmières ou tentaient de les frapper. Lors de la même campagne de vaccination dans les villages Amérindiens, pas un enfant ne montra le moindre signe de rébellion : tous se soumettaient en silence aux injections ; tous étaient doux et bien-veillants avec les infirmières. J’avais même l’impression qu’ils étaient insensibles. Cette différence observée sur des centaines d’en-fants n’était pas seulement due au hasard : il s’agissait d’une spécificité culturelle.

Selon Charles Carver, de l’Université de Miami, et Michael Scheier, de l’Université Carnegie Mellon, aux États-Unis, la person-nalité est « une force interne qui détermine comment les individus se comportent. […] Elle est formée de patterns de réactions récurrents et stables ». Face au stimulus désagréable « vaccin par injection », chaque individu réagit selon sa personnalité d’une façon récurrente et stable. Par exemple, les personnalités extraverties ont à chaque fois une réaction plus théâtrale. Les intro-vertis sont plus discrets. Mais même les

Les identités culturelles

S elon le psychologue néerlandais Geert Hofstede, les individus des différentes sociétés ne se comportent

pas et ne pensent pas de la même façon. Leur iden-tité culturelle comprend quatre axes : la distance hié-rarchique, le contrôle de l’incertitude, l’individualisme et la dimension masculine-féminine. La répartition des individus sur ces axes change avec la culture.

La distance hiérarchiqueC’est le degré d’inégalité attendu et toléré par les membres d’une société. Quand le niveau sur cet axe est élevé, les individus tolèrent de grandes inégalités : ils trouvent « normal » que ceux qui ont le pouvoir jouissent de privilèges.

Le contrôle de l’incertitudeC’est la façon dont les membres d’une société gèrent la prise de risque et l’incertitude. Quand le niveau

sur cet axe est élevé, les individus sont d’une nature « inquiète » et cherchent à contrôler les événements et les aléas de leur environnement.

L’individualismeC’est le degré d’autonomie et de liberté toléré chez les individus. Quand le niveau sur cet axe est élevé, les membres de la société recherchent leur bien-être individuel avant celui du groupe.

La dimension masculine-féminineC’est un continuum entre les valeurs traditionnelle-ment « masculines » (réussites sociales, matérielles, etc.) et celles « féminines » (coopération, bien-être, famille, etc.). Quand le niveau sur cet axe est élevé, les membres de la société suivent des valeurs mas-culines et travaillent d’une façon discriminatoire selon les sexes.

enfants Cris très extravertis restent calmes. L’influence culturelle serait plus forte que la personnalité individuelle. Alors comment la culture influe-t-elle sur la personnalité ?

Tempérament, caractère et mentalité

La personnalité dépend de trois facteurs : les déterminants physiologiques (l’état de santé par exemple), génétiques et envi-ronnementaux (voir l’encadré page 49). La culture intervient sur les facteurs environ-nementaux. Le débat sur l’inné et l’acquis a fait couler beaucoup d’encre, mais on sait aujourd’hui que ces deux éléments intera-gissent. Tous les criminels ne naissent pas méchants. Cependant, tous les criminels ne sont pas non plus des gentils qu’une société mauvaise a poussés au crime. En revanche, certaines prédispositions génétiques associées à des conditions socio-économiques difficiles peuvent les conduire à fréquenter des envi-ronnements favorisant la délinquance.

Prenons par exemple un sujet né avec une prédisposition génétique à la recherche de nouveauté et au goût du risque. Un tel individu cherchera volontiers à fréquen-ter des milieux plus violents qu’un sujet né avec une tendance à éviter le danger. Mais

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si des valeurs éthiques importantes lui sont enseignées par ses parents, transmises par son école et confirmées par la société où il vit, il ne commettra peut-être jamais le moindre acte délictueux. Ce qui explique que même s’il existe des psychopathes dans toutes sociétés humaines, la criminalité varie beaucoup d’un pays à l’autre. Par exemple, en Islande, les vols sont rares et en moyenne une seule personne (ou moins !) est assas-sinée par an (sur 220 000 habitants). Or chaque année, 7 104 individus sont tués au Honduras (dont 10 pour cent d’enfants) sur une population de plus de 7 millions d’habitants ; soit environ un crime pour 1 000 citoyens. Il y a donc 300 fois plus de risques de se faire assassiner au Honduras qu’en Islande. Les Honduriens ont-ils une personnalité plus violente que les Islandais ?

Il existe certainement quelques Islandais très violents et de nombreux Honduriens très doux. Mais la situation politique, écono-mique et les traditions culturelles hondu-riennes représentent un environnement particulier… qui favorise sans doute l’expres-sion de comportements violents parmi les personnalités prédisposées au passage à l’acte. Précisons toutefois que la culture n’est pas figée. La plupart des Islandais sont des descen-dants des Vikings, qui n’ont pas toujours eu une réputation de non-violence… Une société peut adopter des valeurs favorisant certains aspects de la personnalité.

Ainsi, la personnalité se construit sur un terrain génétique – c’est le tempérament – et certains bébés sont dès les premiers jours plus agités que d’autres. Puis elle se déve-loppe selon les expériences et l’éducation – c’est le caractère. Enfin, certains traits de personnalité sont inhibés ou renforcés par la culture – c’est la mentalité.

Cris contre Canadiens

Revenons à l’exemple des Cris du Nord du Canada ; ils ont chacun leur tempéra-ment et leur caractère. Cependant, la menta-lité crie présente différentes caractéristiques qui façonnent leur personnalité. Ainsi, le groupe y est plus valorisé que l’individu. Pour des raisons de survie, les Cris auraient toujours combattu l’égocentrisme. Dès lors, on comprend l’incompréhension culturelle des enseignants blancs nord-américains dans les écoles cries, qui encouragent l’indi-vidualisme des étudiants, la compétitivité et

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Cambridge University Press, 1972.

le succès personnel et qui s’étonnent du peu d’ambition de leurs élèves cris. Mal connaître la mentalité qui caractérise la personnalité de certains groupes culturels a parfois des conséquences malheureuses.

Soyons peu « politiquement corrects » et estimons que certaines mentalités fonc-tionnent mieux (ou moins bien) ensemble que d’autres. Ainsi, l’extraversion individua-liste nord-américaine s’accommode mal de l’introversion solidaire des Cris. Des études scientifiques ont montré que des personna-

lités s’accordent mieux à vivre en couple que d’autres. Par exemple, le risque de divorce des couples exogames (où les deux protago-nistes ont grandi dans des groupes sociaux distincts) est plus élevé que celui des couples endogames (proches culturellement). En est-il de même pour les groupes culturels ? La question mériterait que l’on y consacre des études scientifiques sérieuses et objectives.

En résumé, la personnalité varie d’un individu à l’autre, mais les mêmes traits existent dans toutes les cultures du monde. Il y a parfois plus de différences de person-nalité et plus d’incompatibilités entre deux frères qu’entre un Indien d’Amazonie et un montagnard du Valais. Toutefois, l’éduca-tion et les valeurs changent beaucoup d’une culture à l’autre : ces différences renforcent ou affaiblissent certains traits de caractère. Il existe donc des mentalités qui peuvent carac-tériser la personnalité de certains groupes sociaux. Plus le brassage et le métissage culturels sont grands, moins ces différences seraient marquées. Mais les êtres humains ont « besoin » d’identité culturelle… Aussi, para-doxalement, plus des identités culturelles sont proches (par exemple, les Allemands et les Français en 1917), plus les sujets tentent de se différencier de ceux qu’ils considèrent (à tort ou à raison) comme ayant une personnalité (ou une mentalité) différente de la leur. n

Si nous mangeons tous chez McDo, portons des vêtements Gap ou Zara,

des culottes Sloggy, des chaussures Nike, en écoutant Lady Gaga, peut-être

aurons-nous tous la même personnalité…

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Peut-on changer  de personnalité ?

Michel Hansenne

est professeur de psychologie à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Liège, où il dirige le Service de psychologie de la personnalité et des différences individuelles.

52  La personnalité © Cerveau & Psycho

La personnalité régit la façon dont nous nous comportons, mais aussi dont nous pensons, ainsi que nos représentations mentales des autres et du monde. Elle

contribue à une intégrité individuelle qui nous rend unique. Bien que la personnalité soit influencée par des facteurs génétiques sur lesquels nous n’avons pas d’emprise, elle est aussi façonnée par l’expérience et l’apprentissage qui, jusqu’au début de l’âge adulte, peaufinent ce que nous sommes.

Un concept central en psychologie de la personnalité est celui de stabilité. En effet, de nombreuses études ont montré que les grandes dimensions de la person-

nalité (voir la figure page 10) sont relati-vement stables dans le temps pour une même personne, ce qui permet d’ailleurs de prévoir de façon fiable comment un individu se comportera dans telle ou telle situation. Si la personnalité n’était pas stable, il serait inutile, lors d’un entretien d’embauche par exemple, de la mesurer afin de trouver la personne correspondant au profil souhaité par l’employeur.

D’autres études ont aussi mis en évidence une relation assez forte entre les tempéraments des jeunes enfants et leur personnalité à l’âge adulte ; un enfant réservé et timoré sera sans doute anxieux et introverti à l’âge adulte ; un enfant curieux

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La personnalité se modifie tout au long de la vie et dépend des expériences vécues. Cette évolution se fait sans que nous en ayons conscience. Des stratégies thérapeutiques peuvent atténuer certains traits négatifs ou renforcer les positifs.

et souriant sera vraisemblablement extra-verti à l’âge adulte. Dès lors : peut-on envi-sager de changer de personnalité ?

On peut tous changer

Oui. Heureusement, la personnalité peut évoluer. D’abord, naturellement avec l’âge. Ensuite, parce qu’elle change en fonction des différents événements que nous vivons. Enfin, parce qu’elle peut se transformer suite à des interven-tions thérapeutiques.

Avant d’aborder ces trois points, il est important de comprendre que la personnalité n’est pas dichotomique :

ce n’est pas tout ou rien ; c’est un conti-nuum. Autrement dit, il n’y a pas les personnes extraverties d’une part et les introverties d’autre part, mais au contraire chaque personne se situe sur un axe extraversion-introversion allant de 0 à 100. La mesure de la personnalité permet d’ajuster la position d’un indi-vidu sur cette échelle. La plupart des personnes se situent au milieu de l’axe, ce qui signifie qu’elles peuvent, selon les situations, adopter une attitude soit extravertie, soit introvertie. En revanche, plus un individu s’écarte du milieu, plus son comportement devient saillant, visible et moins facile à moduler.

Forger sa personnalité

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54     La personnalité © Cerveau & Psycho

Par exemple, il est difficile, voire impos-sible, de convaincre quelqu’un de très réservé de faire une leçon publique devant 300 personnes ; l’individu accepte seulement s’il est modérément réservé, voire extraverti. De même, une personne très impulsive ne peut s’empêcher de faire ce dont elle a envie ; elle y arrive si elle est moyennement impul-sive et le fait naturellement si elle est réfléchie.

Cela a des conséquences importantes sur la modification de la personnalité ; plus un individu a des traits de personnalité extrêmes, plus il lui est difficile de changer sa façon de se comporter. Donc, oui, la person-nalité peut changer, mais de façon relative : un extraverti ne deviendra pas introverti, et quelqu’un de tolérant et de chaleureux ne sera jamais intolérant et froid.

Tout au long de la vie, la personnalité évolue avec l’âge. Toutefois, elle se stabi-lise vers l’âge de 30 ans. Ainsi, en observant des individus âgés de 21 à 96 ans, des études

ont montré que la personnalité change peu entre 30 et 36 ans. Cela signifie que la varia-tion individuelle de la personnalité diminue avec l’âge, même si elle est encore présente. Les comportements deviennent plus stables quand la personne parvient à acquérir une vision cohérente d’elle-même en se fixant des objectifs clairs, en prenant conscience de ses capacités et en s’acceptant. C’est donc dans la troisième décennie de la vie que la person-nalité se modifie le moins.

L’illusion de la fin du changement

Néanmoins, il ne faudrait pas croire pour autant que tout est fixé de façon définitive après 36 ans, même si on le pense parfois. Ne dit-on pas : « Maintenant, je sais clai-rement qui je suis et ce que je dois faire, ma décision est la bonne » ? Et ce, alors que l’on sait très bien que l’on a changé par rapport au moment où l’on a pris des décisions que l’on trouvait alors très pertinentes… Par exemple, les personnes qui se marient pensent qu’elles ont trouvé le (ou la) conjoint(e) parfait(e), celles qui se font faire un tatouage sont certaines de l’apprécier toute leur vie, etc. Quand on s’engage dans une direction de vie, on croit que c’est la bonne. C’est ce que l’on nomme l’illusion de la fin du changement.

Or, en 2013, Jordi Quoidbach et ses collè-gues, de l’Université Harvard aux États-Unis, ont montré que l’on sous-estime le chan-gement de sa personnalité, et ce, à tout âge. Autrement dit, une personne de 35 ans, tout en reconnaissant qu’elle a changé depuis cinq ans, considère qu’elle ne changera plus à partir de ce moment, alors qu’en réalité, sa personnalité se sera modifiée quand elle aura 40 ans. Cela s’observe aussi pour un individu de 70 ans, avec toutefois moins de variations.

Indépendamment de la diminution de la variabilité individuelle de la personnalité avec l’âge, les cinq grandes dimensions de la personnalité sont liées à l’âge, et de façon quasi identique pour chaque individu. En effet, l’extraversion diminue avec l’âge, ainsi que l’ouverture (aux expériences nouvelles) et l’instabilité émotionnelle (le névrosisme), alors que l’agréabilité et la conscience (l’en-vie de bien faire) augmentent. Ces rela-tions sont modérées, mais significatives, et s’expliquent simplement ; par exemple, l’extraversion représente le côté grégaire, la recherche de sensations et le besoin d’être

1. En vieillissant, un individu devient plus réfléchi. Mais des personnes très extraverties à 30 ans le seront toujours plus à 60 ans qu’un trentenaire introverti – préférant regarder Questions pour un champion, plutôt que de boire un verre !

En bref • La personnalité évolue avec l’âge et les événements – heureux

ou traumatisants – que l’on vit. Elle peut même être modifiée par des interventions thérapeutiques. •Contrairement à ce que l’on pense, un acte réalisé à une période

de la vie ne serait pas fait de la même façon quelques années plus tard. On sous-estime souvent le changement de sa personnalité. •Mais plus un trait de personnalité est marqué, moins il est modulable.

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souvent en activité : des attitudes qui dimi-nuent forcément avec l’âge. De même, la conscience implique le respect des règles, l’ordre et la planification, autant de compor-tements qui se développent avec l’âge et l’ex-périence. Quand on a 65 ans, on est moins enclin à traverser le désert du Sahara ou à partir en sac à dos en Amérique du Sud qu’à 30 ans, alors qu’on réserve souvent un voyage six mois à l’avance en prévoyant déjà les différents sites à visiter.

Mais il existe quand même des personnes âgées davantage extraverties et moins consciencieuses que des personnes plus jeunes ! Tout dépend du niveau individuel. Ainsi, quelqu’un de très extraverti et d’ouvert (qui a différentes idées et valeurs) à 30 ans le sera toujours plus à 60 ans qu’une personne de 30 ans peu extravertie et conventionnelle.

On vit ce que l’on est

Qui plus est, les expériences et les événe-ments que l’on vit influent sur la personna-lité, qui peut donc se modifier. Néanmoins, différentes études montrent que les trajec-toires de vie et les événements associés dépendent dès le plus jeune âge de la person-nalité : c’est ce que l’on nomme l’inné et l’acquis. Autrement dit, les prédispositions génétiques conduisent chaque individu à choisir des environnements particuliers. Ainsi, un enfant réservé s’oriente vers des activités et des expériences où il est souvent seul, alors qu’un enfant curieux et extraverti multiplie les activités et les contacts avec autrui ; un adolescent instable au niveau émotionnel s’isole davantage qu’un autre. De même, une personne agréable et chaleureuse vit en général plus d’événements positifs qu’un individu triste.

Il y a une forme de « contrainte » naturelle à choisir certains environnements plutôt que d’autres. Mais il ne faut pas y voir un déterminisme. Procurer un environnement rassurant à un enfant anxieux lui permet de diminuer son instabilité émotionnelle ; en revanche, si le milieu est anxiogène, l’ins-tabilité se renforcera. Le changement de certains éléments de l’environnement peut ainsi modifier la personnalité. C’est d’ail-leurs le principe de certaines interventions thérapeutiques, dont l’objectif premier n’est pas de modifier la personnalité, mais qui changent la façon dont on se comporte et pense (nous y reviendrons).

C’est aussi le cas des événements négatifs et positifs. Les plus « dévastateurs » sont les accidents et les décès. Un adolescent extra-verti et affectivement stable, qui vit habi-tuellement des émotions positives dans des contextes favorables, peut, suite au décès de son père ou de sa mère par exemple, afficher une personnalité introvertie et instable, d’au-tant plus que l’environnement nouveau ne le soutient pas. Un adulte sociable et extraverti peut, suite à un événement traumatisant tel qu’une agression physique ou un accident de la route, développer des symptômes anxieux, qui finalement modifieront son comporte-ment et donc sa personnalité.

Pour les événements positifs, les plus favorables sont la réussite dans divers domaines. Un jeune adulte réussissant ses études, tout en ayant une relation affective épanouissante, a une bonne estime de lui-même et une vision claire de ses objectifs. Sa maturité se renforce, ce qui est bénéfique pour stabiliser sa personnalité. Par ailleurs, outre ces événements majeurs, de petites modifications de comportements dues à des interventions externes peuvent progressive-ment changer la façon dont on se comporte ; si quelqu’un se rend compte qu’en étant chaleureux et sympathique, il reçoit des remarques positives et agréables, il renforce ces attitudes et sa personnalité évolue.

L’âge modifie la personnalité ; les événe-ments vécus la façonnent et peuvent la chan-ger. Voilà la preuve que la personnalité évolue, qu’elle n’est pas une entité figée. Peut-on la transformer par des interventions thérapeu-tiques ? Oui, mais n’oublions pas qu’il est

2. Les thérapies,  notamment celles

incluant les méthodes de la psychologie positive (pensée

positive et relaxation par exemple), peuvent

moduler certains traits de personnalité en changeant la façon

dont on pense et dont on agit.

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56  La personnalité © Cerveau & Psycho

difficile de faire évoluer la personnalité d’un individu ayant des traits extrêmes. L’objectif principal d’une prise en charge psycholo-gique consiste, en se fondant sur les plaintes du patient, à modifier sa façon de se compor-ter et d’envisager les événements. Cela change sa manière d’être, donc sa personnalité.

Thérapies  de la personnalité

Souvent, ces interventions cherchent à diminuer les émotions et pensées négatives, ainsi que les comportements délétères. Mais la tendance actuelle, issue de la psychologie positive, vise aussi à augmenter les émotions et pensées positives des individus afin de les rendre plus heureux. L’idée principale est que, même en l’absence de souffrance psycholo-gique, on peut augmenter son bien-être.

Partant de cette position, une série d’études a montré qu’il est possible de modifier la personnalité de jeunes adultes après une intervention psychologique portant sur les compétences émotionnelles. En effet, comme les deux grandes dimensions de la personna-lité que sont l’extraversion et le névrosisme sont associées respectivement aux émotions positives et négatives, on peut changer la

personnalité en augmentant les premières et en diminuant les secondes.

Les participants ont été soumis à une formation présentant six modules de trois heures qui portaient sur quatre compétences émotionnelles : l’identification des émotions, leur compréhension, leur régulation et leur utilisation. Ce programme comportait des sessions théoriques et pratiques (mises en situations et jeux de rôles), et les partici-pants devaient aussi appliquer dans leur vie les notions abordées, en complétant notam-ment un carnet de bord qui était analysé et commenté lors des sessions suivantes.

Les résultats sont surprenants : le bien-être des participants augmente et se maintient six mois après le programme, et leurs relations sociales, leur santé physique et leurs perfor-mances au travail sont meilleures. En outre, on a observé des changements pour les dimen-sions de personnalité extraversion et névro-sisme : après six semaines d’entraînement aux compétences émotionnelles, les participants sont devenus plus extravertis et plus stables émotionnellement, et le sont restés six mois (au moins) après la fin du programme.

Ces modifications émotionnelles et de personnalité s’accompagnent évidemment de changements d’activité cérébrale. Nos

Bibliographie 

M. Hansenne, Psychologie de la personnalité, 4e édition, Bruxelles, De Boeck, 2013.J. Quoidbach et al., The end of history illusion, in Science, vol. 339, pp. 96-98, 2013.C. Fergusson, A meta-analysis of normal and disordered personality across the life span, in Journal of Personality and Social Psychology, vol. 98, pp. 659-667, 2010.D. Nélis et al., Increasing emotional intelligence : (How) is it possible ?, in Personality and Individual Differences, vol. 47, vol. 36-41, 2009.V. Paquette et al., Change the mind and you change the brain : Effects of cognitive-behavioral therapy on the neural correlates of spider phobia, in Neuroimage, vol. 18, pp. 401-409, 2003.

Différentes personnalités, différents cerveaux

Tout comportement, toute pensée, s’ac-compagnent d’activations cérébrales

spécifiques. Quand un trait de personnalité évolue, on observe des changements d’acti-vité dans différentes régions cérébrales. Par exemple, après une formation aux compé-tences émotionnelles, des participants sont devenus plus extravertis et stables au niveau émotionnel. Leurs émotions négatives sont

limitées lors de la présentation d’images à contenus négatifs, car les régions cérébrales pariétales – lobe pariétal inférieur bilatéral et sillon intrapariétal – et le gyrus précen-tral droit sont moins activés. Or ce n’est pas le cas des participants n’ayant pas suivi la formation. Le changement de personna-lité est dont associé à une modification du fonctionnement cérébral.

Lobe pariétal inférieur Sillon intrapariétal

Gyrus précentral

© Cerveau & Psycho

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actes, nos pensées et notre façon d’être sont le reflet d’activités neuronales spéci-fiques, et changer notre personnalité passe forcément par des modifications de notre cerveau. Après avoir suivi la formation aux compétences émotionnelles, les participants, comparé au groupe contrôle, présentaient des diminutions d’activité dans certaines régions pariétales et le gyrus précentral. Ce qui montre que ces régions cérébrales asso-ciées au contrôle cognitif étaient moins utilisées (voir l’encadré page ci-contre).

Le remodelage du cerveau

D’autres études cliniques ont aussi mis en évidence des modifications cérébrales asso-ciées aux changements comportementaux. L’activité du cortex préfrontal et parahippo-campique de patients atteints de phobie des araignées, caractérisés par un contrôle cognitif excessif et une hypervigilance à la menace, s’est atténuée après une prise en charge cognitivo-comportementale. De même, chez des patients dépendants à l’alcool, la thérapie s’est traduite par une diminution des activités du striatum ventral et dorsal, du cortex cingulaire antérieur

et des régions frontales. À l’inverse, engendrer des modifications cérébrales par stimula-tion magnétique transcranienne par exemple entraîne des changements comportementaux et émotionnels. Différentes études ont montré qu’une stimulation électrique du cortex préfrontal gauche chez des patients déprimés a un effet thérapeutique, c’est-à-dire que leur attitude et leur personnalité changent.

La personnalité, notre façon de nous com- porter habituellement, n’est pas immuable. Certes, en l’absence d’événements drama-tiques ou sortant de l’ordinaire, et sans aucune intervention thérapeutique, nos traits de personnalité subissent des modi-fications qui restent minimes avec l’âge. Toutefois, nous savons désormais que la personnalité peut changer de façon spon-tanée et durable, par action de l’environne-ment ou par le biais des psychothérapies. n

Les addictions ne concernent plus seulement les drogues, mais aussi des comportements, tels que le jeu ou le travail. Cerveau & Psycho se penche sur ces addictions comportementales et décrit les recherches récentes qui permettraient de « reconfigurer » les neurones pour sortir de la spirale de la dépendance. Découvrez aussi pourquoi certains deviennent agressifs dès qu’ils sont au volant de leur voiture, ou comment la flore intestinale influe sur... le cerveau !

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Les modifications émotionnelles et de personnalité s’accompagnent

de changements d’activité cérébrale.

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58   La personnalité © Cerveau & Psycho

Regardez autour de vous : avez-vous remarqué que certains individus, dans votre environnement fami-lial ou professionnel, tendent à imposer leurs décisions, à exer-

cer parfois des pressions psychologiques sur leur entourage, tout en refusant la critique ? Avez-vous constaté que d’autres semblent au contraire s’effacer, faire l’ob-jet de toutes les attaques et parfois se cul- pabiliser eux-mêmes ? Les rapports de domi-nation façonnent la structure des groupes et suscitent parfois la formation d’étranges tandems : une personne ayant tendance à se rabaisser peut se lier à une autre dotée d’un ego surdimensionné, qui ne perd pas une occasion de la critiquer ou de l’humilier…

Comment expliquer que certains indivi-dus aient de l’ascendant sur leur entourage et que d’autres plient l’échine ? Les rapports de domination trouvent leur origine dans

Dominant ou dominé ?

Jacques Fradin,

docteur en médecine, cognitiviste et comportementaliste, est membre de l’Association française des thérapies cognitives et comportementales et directeur de l’Institut de médecine environnementale (IME) à Paris.Camille Lefrançois

est chercheur en psychologie cognitive au Laboratoire de psychologie et neurosciences à l’IME.

Nos attitudes révèlent notre tempérament, plutôt dominateur ou plutôt soumis. S’il est difficile d’en dévier,

des thérapies peuvent aider à surmonter des formes pathologiques de domination ou de soumission.

Forger sa personnalité

une forme primitive d’interaction sociale. Selon les recherches en psychologie sociale et clinique, en éthologie et plus récemment en neuropsychologie, ce type d’interactions est l’une des facettes du comportement humain et aurait été hérité des sociétés qui nous ont précédés. Il y a bien longtemps, ces rapports de domination auraient eu pour fonction de maintenir la structure des communautés. Sans cette forme élémentaire de rapport social, chaque individu – et à terme l’espèce – aurait été plus vulnérable.

La « peur sociale » dans le cerveau

Dans le cerveau, un noyau – un groupe de neurones – semble entrer en jeu lorsqu’on domine autrui ou que l’on subit sa domina-tion. Il s’agit de l’amygdale, responsable selon le neuropsychologue américain Antonio Damasio de la « peur sociale », que nous subissons ou que nous infligeons. La pertur-bation de l’activité de cette zone cérébrale profonde, relativement ancienne du point de vue de l’évolution, serait responsable de comportements de type prédateur, destruc-teur, pervers, violent, manipulateur, mais également à l’inverse de troubles de person-nalité de type attaque de panique, phobie, mélancolie, trouble obsessionnel compulsif, etc. Ce phénomène a donc bien plus de consé-quences que le simple abus de pouvoir, mais

En bref •Certains individus dominent leur entourage, tandis que d’autres

ont tendance à se soumettre. Dans leur cerveau, deux régions de l’amygdale fonctionnent différemment. • Le style de domination ou de soumission proviendrait

de comportements archaïques, liés à l’évolution des espèces. Mais il pourrait être pathologique. •Dans ce cas, l’individu soumis peut atténuer son comportement

en « jouant » le rôle du dominant, et inversement.

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comme nous le verrons, des exercices appro-priés pourraient en diminuer l’ampleur.

Dans les années 1950, le psychosocio-logue américain Stanley Milgram a étudié le comportement de soumission inappropriée à l’autorité : il avait imaginé une expérience où un responsable demandait à un subordonné d’infliger des chocs électriques à une tierce personne. Le responsable et le supposé marty-risé étaient de mèche, mais la personne à qui l’on donnait l’ordre d’administrer des chocs électriques de plus en plus intenses l’igno-rait. S’ils avaient été réels, ces chocs auraient été très douloureux, voire fatals. Ce type de soumission serait une manifestation de la tendance, chez certaines espèces, à respecter un ordre hiérarchique entre les individus. De cette façon, chacun saurait où est sa place et ne perturberait pas la structure du groupe, ce qui le préserverait des agressions extérieures. Au sein de telles espèces, des individus dominants et agressifs coexistent avec d’autres soumis, plus dociles et craintifs. Ces rapports sociaux se caractérisent notamment par des droits différents, tels que l’accès privilégié au butin de la chasse pour les dominants et aux restes pour les soumis (c’est le cas, par exemple, chez les loups ou les chimpanzés).

On comprend aisément comment une telle organisation de la société a pu apparaître : un groupe où chacun occupe un rang de domi-nation bien précis a plus de chances de fonc-tionner qu’un groupe où chacun cherche à être le chef, ou encore qu’une communauté où personne ne veut commander. Ainsi, il est vraisemblable que les rapports de domi-nation soient un fruit de l’évolution, qui assurerait le fonctionnement des groupes en dotant chacun d’un niveau spécifique de domination ou de soumission.

Aujourd’hui, certains « jeux » des adoles-cents participeraient à la mise en place de telles hiérarchies : c’est le cas du Rough and tumble play, une forme plus agressive du jeu du chat et de la souris où les individus s’af-frontent physiquement, mais amicalement, et exécutent des mouvements dévoilant leur force et leur agilité. Quand ce sont des hommes qui participent à ce jeu, sa fonc-tion implicite serait d’établir une hiérarchie. Quand le jeu est mixte, il participerait aux conquêtes sexuelles. On observe une pratique équivalente chez certaines espèces de singes et chez les rats.

On parle de positionnement grégaire pour préciser si un individu est dominant ou

1. Le Haka néo-zélandais, 

de l’équipe de rugby des All Blacks, a pour

objectif d’intimider l’adversaire. À l’origine, cette danse permettait

aux Mahoris de s’encourager avant le combat

ou d’impressionner d’autres tribus.

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60  La personnalité © Cerveau & Psycho

soumis dans un groupe (il existe aussi une catégorie neutre, ni dominante ni soumise). Cette tendance présente différents niveaux d’intensité qui ont été gradués par des spécialistes, de 1 pour le degré le plus faible à 5 pour le degré le plus élevé (voir l’enca-dré ci-dessous). Le positionnement grégaire permet à chacun de répondre instinctive-ment à la question : « Où est-ce que je me situe dans le groupe ? »

Comme la plupart des comportements qui ont été sélectionnés par l’évolution, le posi-tionnement grégaire repose sur une struc-ture cérébrale. Des études ont montré qu’une lésion de l’amygdale, chez diverses espèces animales ou chez l’être humain, fait dispa-raître le sentiment de peur à l’égard d’une menace, notamment sociale ou apprise : un rat dont l’amygdale a été lésée s’approche sans crainte d’un chat, et, dans les mêmes condi-tions, un être humain manifeste un état de confiance totale à l’égard d’inconnus, même avec lesquels il a vécu une mésaventure ! Une ablation de l’amygdale fait aussi disparaître le comportement d’agressivité et la capacité à s’insérer dans un groupe social. Ainsi, le neurologue américain d’origine autrichienne Karl Pribram a montré que des singes domi-nants opérés deviennent soumis et placides. Par ailleurs, un singe opéré et remis en liberté ne parvient pas à se réinsérer dans son groupe d’origine ni dans un autre, faute de pouvoir produire et reconnaître les signes traduisant le rang social, tels que soutenir le regard d’un congénère, se déplacer le torse bombé, etc. L’amygdale serait donc responsable d’une organisation sociale primitive, bâtie sur des relations de crainte.

Le rôle de l’amygdale

Qu’est-ce qui, dans ce contexte, détermine-rait le niveau de soumission ou de domination d’un individu ? En réalité, l’amygdale peut être décomposée en deux parties : les noyaux basolatéraux et les noyaux corticomédians. Il semble que le comportement d’agressivité offensive relatif à la domination résulte de l’activation des noyaux basolatéraux, et que le comportement de soumission soit dû à l’acti-vation des noyaux corticomédians, qui inhi-beraient l’agressivité. Ainsi, plus un individu aurait un positionnement grégaire dominant, plus ses noyaux basolatéraux seraient actifs. Inversement, un individu de positionnement grégaire soumis aurait une forte activité de ses noyaux corticomédians, activité d’au-tant plus intense que son comportement de soumission serait prononcé.

S’ensuivent alors toute une série de comportements caractéristiques. La domi-nation et la soumission sont des comporte-ments miroirs qui s’emboîtent parfaitement : le soumis tend à se culpabiliser irrationnelle-ment et, pour cela, à s’imaginer (sans raison) capable du pire ; à l’inverse, le dominant

Les interactions dominants-dominés

Niveau 1Alibis et actes socialement acceptables

(mais sous-tendus par des impulsions non assumées)

Flatterie et jeux de séduction déstabilisant autrui et réduisant la confiance qu’il a en lui

Perfectionnisme par crainte excessive de la faute, crédulité vis-à-vis des dominants

Niveau 2Alibis et actes socialement acceptables (mais sous-tendus

par des impulsions visibles, mais non assumées)

Manipulation consciente des sentiments cherchant une aliénation (par culpabilisation et apitoiement)

Servilité par rapport aux dominants, sensiblerie à l’égard de leurs souffrances réelles ou supposées

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L e positionnement grégaire permet de préciser si une per-sonne est dominante ou soumise dans un groupe. Il existe dif-

férentes intensités de domination et de soumission, que l’on peut représenter sur une échelle graduée du niveau 1 au niveau 5.

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  61

favorise cette attitude de culpabilisation en l’accusant fréquemment et en se montrant dur ou cruel envers lui. Le soumis se montre à la fois naïf et hésitant, le dominant ment avec aplomb et force de conviction, mena-çant ou dévalorisant le soumis, ou ce à quoi il tient le plus. Il prend éventuellement les autres membres du groupe à témoin, accu-sant l’autre de manquer d’humour s’il n’ap-précie pas le jeu. Le soumis dévoile facilement ses complexes et ses points faibles, le domi-nant peut exercer des formes d’intimidation, de chantage, de prédation (symbolique ou réelle), et isoler sa proie. Le soumis peut avoir tendance à se soucier davantage des autres que de lui-même, à céder sa place à autrui ou à s’en croire indigne. Le soumis s’accuse lui-même avant d’accuser autrui, le domi-nant accuse avant d’être accusé. Enfin, les deux « partenaires » surestiment la peine du dominant et sous-estiment celle du soumis.

Les logiques  sadomasochistes

Soumission et domination peuvent se manifester à divers degrés. Chaque degré représente un niveau de positionnement grégaire, et plus ce niveau est élevé, plus l’indi-vidu est attiré par une autre personne présen-tant un positionnement grégaire opposé. Ces logiques de couple dominant-dominé s’observent en psychologie d’entreprise et en psychologie familiale, mais peuvent aussi donner lieu à des consultations psychia-triques, lorsque le couple dominant-dominé devient pathologique. Ces couples sont assi-milés à une forme de sadomasochisme. Mais qu’on ne s’y trompe pas, seuls les dominants ou les personnes non impliquées prétendent que le soumis prend plaisir à se trouver dans ce type de situation, et ce afin de mieux justi-fier leurs agissements. Le soumis est piégé et mû par la culpabilisation et l’aliénation, mais il ne les subit pas parce qu’il aime souffrir.

La difficulté de ces situations vient du fait que, lorsqu’un dominant rencontre un soumis, les tendances de chacun s’accentuent. Le comportement du dominant renforce celui du dominé, qui renforce celui du dominant, déclenchant un cercle vicieux. Concrètement, le dominant commence par repérer un soumis à quelques signes qui ne lui échappent pas : c’est une personne qui se culpabilise volontiers, se montre hésitante ou manifeste une attention extrême pour les autres. Le

Niveau 3Affichage social, dans le discours, des « intentions »

Le faible est déstabilisé, tourné en ridicule, psychologiquement ou socialement

Superstition, crainte « assumée » du bonheur, crainte irrationnelle d’une sanction

Niveau 4Actes impulsifs et peu contrôlables, dont les mobiles

sont conscients, mais non encore assumés socialement

Actes violents et inquiétants contre des objets, associés à un mutisme ou des sous-entendus obscurs, cherchant à inquiéter

Attaque de panique, peur de devenir fou, culpabilité déraisonnable avec idées non avouées de suicide

Niveau 5Affichage social, dans les comportements, de l’état, allant jusqu’au prédélire ou au délire (rapt de la conscience)

Sadisme, cruauté, discours mêlant rires, sarcasmes, violences, vulgarité, affichant la perversion du plaisir à faire souffrir le faible

Actes d’automutilation ou suicide

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62  La personnalité © Cerveau & Psycho

dominant s’approche d’elle et s’apitoie sur son sort, avant de lui faire remarquer un de ses défauts, ce que l’autre prend pour un gage de sincérité, de lucidité, voire d’amitié. Le soumis se culpabilise encore davantage, se persuade effectivement qu’il n’est pas à la hauteur, en déduit que le dominant avait raison et le lui dit parfois avec de l’admiration ; le dominant, constatant que son comportement porte ses fruits, le renforce. Quand la « victime » a la possibilité de se plaindre auprès des autori-tés ou d’une tierce personne, il est fréquent qu’elle se ravise, mue encore une fois par un sentiment de culpabilité, par la peur d’une sanction ou d’une aggravation de la situation. Ces interactions malsaines entre dominants et dominés sont plus ou moins patentes et revêtent différentes intensités et formes qui vont des violences conjugales au harcèle-ment au travail ou au racket à l’école.

Cela soulève une question : normalement, si ce système est fait pour la stabilité des groupes, il ne devrait pas dépasser certaines bornes. Un dominant qui obtient un signe de soumission de la part d’un dominé devrait arrêter son jeu et s’occuper de ses préroga-tives (chasser, se reproduire). Que se passe-t-il dans ces situations en société humaine ?

Le rôle du groupe est souvent très impor-tant pour asseoir la domination : le dominant se sert souvent d’apparences trompeuses afin de « diviser pour mieux régner » ou renforcer la déstabilisation du soumis. Pousser la victime à bout sans que l’entourage s’en aperçoive permet de la faire réagir de façon exagérée en public (par une crise de nerf, un accès de colère ou la perte complète de ses moyens), ce qui sert de gage au dominant pour proclamer l’agressi-vité, le ridicule ou le caractère pathologique de

la victime. Le dominant est souvent un grand faiseur de morale et de présages. Mais lorsque le soumis surprend parfois le dominant en train de se livrer à un acte peu moral, il lui cherche volontiers des excuses ou confond son effronterie avec de l’intelligence.

De cette façon, il semble bien que le domi-nant et le soumis soient co-impliqués dans un enchaînement de mécaniques infracons-cientes : chez le dominant, la pulsion qui l’attire vers une personne présentant certaines carac-téristiques de soumission est inconsciente. Pourtant, il constate consciemment les effets de sa conduite : il est à même d’observer que le soumis se laisse impressionner. La pulsion est inconsciente, mais le comportement est visible. C’est pourquoi certains dominants se rendent compte des effets de leurs agisse-ments, même s’ils ne peuvent y résister…

Dominé pour la vie ?

L’entourage, quant à lui, peut être selon les cas catalyseur (en manifestant un compor-tement de fascination pour le dominant) ou réprobateur (en lui signifiant son désac-cord). Quand on est victime d’un compor-tement de domination, qui peut prendre la forme de l’intimidation, de la menace, de la culpabilisation, de l’apitoiement ou de la séduction, il faut éviter d’entrer soi-même dans un registre émotionnel qui conduirait à s’apitoyer sur le sort du dominant, à se culpabiliser ou à se mettre en colère.

Dans la mesure du possible, face au domi-nant, il est préférable de rester factuel, d’avoir un comportement neutre ou indifférent et, si nécessaire, une certaine fermeté. Il convient surtout de conserver des traces écrites de communication (e-mail, par exemple), de ne pas céder à l’isolement ni à la honte, et, au besoin, de contacter des organismes spécia-lisés à même de vous aider. Il est cependant très difficile pour un sujet en état de soumis-sion d’adopter ce type de comportement, et s’il l’adopte, il peut être l’objet d’un « effet rebond » qui lui fera éprouver rapidement des sentiments de peur ou de culpabilité. Ces réactions de peur doivent être contenues, car elles représentent le premier déclencheur des comportements de domination. Si vous parvenez à les limiter, le dominant pourrait bien se désintéresser de vous, à mesure qu’il n’obtiendra plus les réactions qu’il attend.

Malgré des fluctuations qui peuvent surve-nir selon les partenaires et les circonstances,

2. Les sociétés  de grands singes  sont fondées sur les rapports de domination, qui garantissent la stabilité des hiérarchies.

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le positionnement grégaire se maintient à un niveau moyen par un phénomène d’autorégu-lation intrinsèque. Considérons par exemple un individu ayant un profil de soumission de niveau deux dans notre échelle clinique qui s’étend de zéro à cinq : si un heureux événe-ment tend à diminuer momentanément son degré de soumission (jusqu’au niveau un), il se produira un effet rebond qui tendra à faire retourner le système à son niveau initial, voire à un niveau supérieur. Le niveau de soumis-sion augmentera d’autant (niveau trois), pour revenir à sa position moyenne.

Un comportement hérité de l’enfance

Ainsi, le niveau de positionnement grégaire serait assez difficile à modifier chez une personne. Il est vraisemblablement hérité de l’enfance, l’éducation modelant durablement les circuits de l’amygdale : un discours auto-ritaire pourrait suractiver les noyaux corti-comédians et « fabriquer » de futurs adultes soumis, tandis qu’une attitude éducationnelle qui consisterait à tolérer toutes les volontés d’un enfant, voire à les encourager, aurait tendance à suractiver les noyaux basolaté-raux. Le profil de domination ou de soumis-sion acquis, l’adulte ne peut guère, en situa-tion sociale habituelle, s’en éloigner.

Il arrive qu’une personne vienne consul-ter parce que son positionnement grégaire extrême lui cause difficultés et souffrances mentales. On comprend aisément cela de la part d’un individu présentant un fort niveau de soumission, mais c’est tout aussi vrai dans l’autre sens. Certains individus, à force d’entrer systématiquement dans des rapports de domination à l’égard de leurs collègues, de leur conjoint ou de leurs amis, voient les gens s’éloigner d’eux, se rendent compte qu’ils sécrètent de la souffrance et qu’ils se trompent sur de nombreuses situations, car ils ne savent pas reconnaître leurs torts. Dès lors, une thérapie peut leur être profitable.

D’un point de vue psychiatrique, nous avons observé que les troubles du positionne-ment grégaire correspondent à des compor-tements et des commentaires stéréotypés. Par exemple, un comportement consistant à systématiquement tourner en dérision ce que dit autrui ou à persuader son entourage que l’on est victime des mauvais agissements des autres représente un comportement ou une pensée typique d’un individu dominant. Se

culpabiliser à l’excès est un comportement stéréotypé de personnalité soumise. Nous avons fait l’hypothèse qu’il est possible de moduler le positionnement grégaire en agis-sant sur les comportements stéréotypés. Nous avons donc tenté de perturber ou d’inverser ces messages en faisant pratiquer aux patients des exercices cognitifs et comportementaux : des jeux de rôles « antidotes ».

Ainsi, à un individu soumis, nous faisons simuler un état de domination typique et caricatural (faites comme si c’était les autres qui n’étaient pas à la hauteur, accusez-les, etc.) et inversement pour un individu domi-nant (simulez la panique et le fait de penser que vous n’êtes pas à la hauteur, etc.).

Inverser les rôles

Nos premiers résultats ont révélé qu’un exercice de cinq à dix minutes diminue sensiblement la soumission de l’individu et permet un changement significatif au terme d’une semaine d’exercices quotidiens, en comparaison avec un groupe d’indivi-dus n’ayant pas effectué d’exercices et pour lesquels aucun changement n’a été observé.

Toutefois, à moins d’être pratiqués de façon régulière, ces exercices ne sauraient faire complètement changer le positionne-ment grégaire d’une personne, qui semble une caractéristique relativement pérenne. Pour stabiliser ces effets, nous avons constaté qu’il est en général nécessaire de pratiquer ces exercices chaque jour durant au moins six mois (voire plusieurs années selon l’an-cienneté et la gravité des troubles).

Pour limiter les troubles de la personna-lité, notre société devrait cesser de penser en termes de rapports de force, de pouvoir et d’argent, d’individualisme et de violence gratuite, paramètres qui stimulent les vieilles structures cérébrales amygdaliennes et peuvent faire régresser notre fonctionne-ment mental individuel et collectif. n

Une personne ayant tendance à se rabaisser peut se lier à une autre

dotée d’un ego surdimensionné.

  Bibliographie

C. Lefrançois et al., Deux cas de TOC

traités par thérapie comportementale

du Positionnement Grégaire, in Journal

de Thérapie Comportementale

et Cognitive, vol. 23, pp. 113-123, 2013.C. Lefrançois et al., 

L’affirmation de soi revisitée pour diminuer

l’anxiété sociale, in Journal de Thérapie

Comportementale et Cognitive, vol. 21,

pp. 17-23, 2011.A. Pellegrini 

et J. Long, A sexual selection theory

longitudinal analysis of sexual segregation

and integration in early adolescence,

in Journal of Experimental Child Psychology, vol. 85, pp. 257-278, 2003.

J. Aggleton, The amygdala :

A functional analysis, Oxford University

Press, 2000.

Page 66: Cerveau & Psycho_la personnalité

64  La personnalité © Cerveau & Psycho

Votre chef est-il est un homme ou une femme ? Plus on s’élève dans la hiérarchie d’une entre-prise, plus la réponse à cette question a des chances d’être :

un homme. Si la proportion des femmes actives a notablement augmenté au cours des dernières décennies (passant environ de 55 pour cent en 1997 à 65 pour cent en 2007), cette évolution ne transparaît pas dans la répartition des hommes et des femmes aux postes de direction. En France, comme en Allemagne, plus de 70 pour cent des entre-prises sont dirigées par des hommes. En France, les femmes ne représentent que 15 pour cent des membres des conseils d’ad-ministration, cette proportion ne dépassant pas 11 pour cent en Allemagne.

Les femmes sont systématiquement désavantagées quand il s’agit de gravir les échelons de l’échelle professionnelle. Elles

Le leadership est (aussi) un attribut féminin

Claudia Clos

est psychologue à Munich, en Allemagne.

Pourquoi les femmes sont-elles rares aux postes de direction des entreprises ? Dans les mentalités,

le concept de leadership est plutôt associé à un trait de caractère masculin. Mais cet a priori serait facile à balayer.

Forger sa personnalité

doivent travailler plus que les hommes pour être promues et elles sont souvent nommées à des postes où le risque d’échouer est élevé, selon les psychologues Alexander Halsam et Michelle Ryan, de l’Université d’Exeter en Grande-Bretagne. En outre, les femmes occupant un poste de direction perçoivent un salaire inférieur d’environ un tiers à celui de leurs équivalents masculins.

Des femmes moins payées

Quelles sont les raisons de telles inéga-lités ? D’après les psychologues, les stéréo-types jouent un rôle important. Au quoti-dien, nous nous fions à des jugements implicites, inconscients, pour donner un sens au monde qui nous entoure, et ces a priori influent sur la façon dont nous perce-vons notre environnement. De tels préjugés sont à l’œuvre notamment dans le milieu professionnel, et les psychologues les quali-fient de théorie implicite du leadership. Cette dernière nous permet d’évaluer rapi-dement le comportement de notre supérieur et d’y réagir de façon appropriée.

Lorsqu’un chef hausse le ton et met la pres-sion sur ses collègues, parce que la date de remise d’un projet arrive, nous le qualifions d’« ambitieux » ou de « dominant ». Quand nous attribuons de tels qualificatifs à notre chef, nous faisons mieux face à la situation,

En bref • La proportion des femmes actives augmente,

mais pas celle des femmes occupant des postes de direction. • Selon des stéréotypes bien ancrés, une femme n’aurait pas les qualités

requises pour diriger une équipe ni, a fortiori, un grand groupe. •Heureusement, quelques expériences simples

montrent que ces stéréotypes peuvent être inversés.

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  65

nous essayons de le calmer et promettons de tout faire pour respecter les délais.

Comment réagissons-nous selon que notre chef est un homme ou une femme ? Depuis une grande étude de référence faite en 1990 à échelle internationale par les psychologues John Willen et Deborah Best, de l’Université Wake Forest à Wilston-Salem en Caroline du Nord, de nombreuses enquêtes ont confirmé que nous attribuons en général des traits de caractère très diffé-rents aux hommes et aux femmes : les femmes sont dites « orientées vers le social » – elles se soucient du bien-être des autres et s’efforcent d’entretenir de bons rapports sociaux ; elles sont considérées comme serviables, aimables et empathiques.

Quant aux hommes, ils sont considérés comme centrés sur eux-mêmes ou sur leurs obligations. Ils sont indépendants, ambitieux, compétitifs. L’aspiration à la domination et l’obstination font partie des qualificatifs considérés comme typiquement masculins. Ils sont dits « orientés vers l’action ».

Le biais de genre

Les Anglo-Saxons utilisent même le slogan Think manager, Think male, que l’on pourrait traduire par : « Si vous cherchez un dirigeant, choisissez un homme ! » Cela sous-entend qu’une femme ne serait pas à sa place, car trop émotive, trop sensible, ces caractéris-tiques étant incompatibles, voire handica-pantes, pour un directeur. Ces jugements implicites doivent bien sûr être remis en question, mais, aujourd’hui, ils sont encore profondément ancrés dans les mentalités.

En 2006, les psychologues Kristyn Scott, de l’Université de Toronto, et Douglas Brown, de l’Université de Waterloo, ont cherché à évaluer à quel point ces stéréo-types sont répandus. Ils ont présenté à un groupe d’étudiants différentes descriptions de comportements de leaders, par exemple : « Sue souligne souvent que son équipe doit être la meilleure. » Ensuite, ils ont montré aux étudiants une suite de lettres constituant ou non un mot. Si le mot avait un sens, il s’agissait alors souvent d’un trait de caractère important pour un dirigeant, par exemple autorité ou ambition. Les sujets devaient indiquer s’ils reconnaissaient ou non le mot, en appuyant très vite sur une touche.

Comme prévu, les participants réagis-saient plus vite si le comportement décrit

correspondait au trait de caractère véhi-culé par le mot. Mais les psychologues ont constaté que les étudiants étaient moins rapides quand les qualificatifs décrivaient le style de direction d’une femme.

Cette distorsion, dite biais de genre, appa-raît lors d’une étape précoce du traitement cognitif, car les participants n’avaient pas conscience qu’ils associaient plus difficile-ment les attributs de leadership (ambitieux ou agressif) à une femme qu’à un homme.

Mais selon les psychologues Niels van Quaquebeke, de l’Université Erasmus à Rotterdam aux Pays-Bas, et Anja Schmerling, de l’Université de Hambourg en Allemagne, de tels stéréotypes peuvent être modifiés. Pour le montrer, ils ont présenté à leurs sujets une suite de prénoms masculins et féminins. Puis ils ont testé dans quelle

Angela Merkel, depuis qu’elle est

chancelière, devrait modifier l’image

du leadership politique en Allemagne ;

les femmes aussi peuvent gouverner !

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Page 68: Cerveau & Psycho_la personnalité

66  La personnalité © Cerveau & Psycho

mesure certains prénoms étaient associés au concept de leadership.

Les psychologues ont réparti les sujets au hasard en deux groupes de même taille. Ils ont présenté à l’un des groupes des images de personnalités féminines (par exemple Angela Merkel) et à l’autre groupe des images de personnalités masculines (par exemple Barack Obama). Les participants devaient réagir très vite à une série de mots (par exemple « plani-fier » ou « contrôler ») en appuyant sur une

touche. Il y avait deux catégories de touches : quand un prénom masculin ou un nom asso-cié aux fonctions de direction apparaissaient sur l’écran, les sujets devaient appuyer sur la touche de droite. Quand un prénom féminin ou un verbe associé aux fonctions de direc-tion apparaissaient, il fallait appuyer sur la touche de gauche. Les touches étaient inver-sées après quelques passages et on mesurait le temps de réaction des sujets.

Des jugements implicites

En effet, les personnes réagissent d’autant plus vite à des concepts que le traitement cognitif est simple : elles accèdent plus faci-lement à des informations dont la signifi-cation est similaire qu’à des informations qui leur semblent contradictoires. Ainsi, les sujets à qui l’on avait présenté des photogra-phies de femmes influentes associaient aussi rapidement le concept de leadership aux femmes qu’aux hommes. Mais l’effet était plus marqué chez les femmes que chez les hommes – sans doute parce que les femmes intègrent d’emblée les traits de caractère féminins à leur propre concept de leadership.

De plus, nous avons tendance à mieux estimer le groupe auquel nous apparte-nons. Si nous voyons les portraits d’Angela Merkel ou de Hillary Clinton dans le jour-nal, cela modifie notre représentation impli-cite. Nous apprenons que les femmes aussi peuvent réussir aux postes de direction.

Mais il n’y a pas que les images de femmes puissantes qui influent sur notre façon de voir les choses – notre entourage peut aussi y contribuer. Nilanjana Dasgupta et Shaki Asgari, de l’Université du Massachusetts aux États-Unis, ont examiné si les interactions des étudiants avec des enseignantes influaient sur leurs jugements implicites. En effet, ceux qui avaient plus souvent des professeurs femmes présentaient en moyenne moins de jugements stéréotypés sur les femmes. Les étudiantes en sciences, dont les enseignants sont plus souvent des hommes, avaient une représentation plus classique de la réparti-tion des rôles que dans les disciplines où les femmes sont plus nombreuses à enseigner.

Les stéréotypes évoluent

Quand une femme occupe un poste de direction, elle peut, grâce à ses compétences, faire évoluer le jugement de ses collègues féminines : ces dernières associent mieux les concepts de femme et de leadership, et se sentent aussi plus capables d’assumer elles-mêmes un poste de direction. Au contraire, les personnes n’ayant que des supérieurs masculins restent dans l’idée que les femmes ne sont pas faites pour assumer des postes à responsabilité, et qu’elles ont moins de chances de progresser dans leur carrière.

Ce phénomène est répandu, comme l’a montré Virginia Schein, de l’Université de Gettysburg aux États-Unis. Dans une étude à grande échelle, elle a comparé la représen-tation qu’ont les gens de la répartition des rôles en fonction du sexe aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Chine et au Japon : les stéréotypes de répartition des rôles sont plus marqués chez les hommes que chez les femmes. Toutefois, diverses expériences montrent que ces stéréotypes sont susceptibles d’évoluer.

Pour progresser vers l’égalité hommes-femmes, les entreprises et les adminis-trations auraient donc intérêt à davan-tage soutenir leurs éléments féminins. Les femmes occupant un poste de direction devraient être mieux prises en compte dans la communication de l’entreprise. Les médias peuvent également y contribuer en montrant les femmes qui occupent des postes de pouvoir. Le fait qu’Angela Merkel ait déjà été deux fois élue chancelière devrait avoir modifié l’image du leadership poli-tique… au moins en Allemagne. n

Bibliographie 

A. Rosette et al., Agentic women and communal leadership : how role prescriptions confer advantage to top women leaders, in Journal of Applied Psychology, vol. 95, pp. 221-235, 2010.K. Scott et al., Female first, leader second ? Gender bias in the encoding of leadership behavior, in Organizational Behavior and Human Decision Pocesses, vol. 101, pp. 230-242, 2006.N. Dasgupta et al., Seeing is believing ; Exposure to counterstereotypic women leaders and its effect on the malleability of automatic gender stereotyping, in Journal of Experimental Social Psychology, vol. 40, pp. 642-658, 2004.

Les femmes doivent travailler plus que les hommes pour être promues et elles perçoivent un salaire inférieur d’environ

un tiers à celui de leurs équivalents masculins.

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Vos loisirs, vos amis, mais aussi votre apparence, votre regard et vos attitudes en disent long sur vos pensées et comportements : ils révèlent qui vous êtes pour qui sait décrypter ces indices.

Les révélateurs  de la personnalité

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Page 70: Cerveau & Psycho_la personnalité

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Un ami vous invite dans son appartement. Tandis qu’il met en route un vieux disque de jazz, vous cherchez des yeux un endroit où vous asseoir au

milieu du désordre qui règne dans la pièce. Des ouvrages de philosophie et de littérature sont empilés sur un mètre de hauteur à côté du bureau. La reproduction d’un Picasso est accrochée au mur avec des punaises. Une collection de films étrangers et de documen-taires s’entasse dans un carton entrouvert.

La chambre de son colocataire – que vous apercevez à l’autre bout du couloir – est totalement différente : une reproduction encadrée d’un tableau de Monet est suspen-due au-dessus d’un lit bien fait ; des CD des succès à la mode et des DVD des séries télé-visuelles sont alignés sur des étagères ; des

magazines people bien rangés remplissent un porte-revues. Sans avoir rencontré son colo-cataire, vous êtes prêt à parier que ces deux-là ne cohabiteront pas longtemps.

Et vous avez probablement raison. Un nombre croissant d’études psychologiques révèle des liens forts entre les traits de person-nalité et les goûts esthétiques. Selon ces études, les aficionados de jazz – qui préfèrent les livres difficiles et l’art abstrait – ont une plus grande probabilité d’être extraver-tis et ouverts aux expériences nouvelles. C’est le contraire pour les fans des succès du moment. Comme il apprécie l’impres-sionnisme, le colocataire est probablement agréable et consciencieux. Bien sûr, cette façon de tracer des profils psychologiques est grossière, et nous connaissons tous des contre-exemples de ces stéréotypes : les intel-lectuels fainéants ou qui adorent les opérettes à l’eau de rose et la musique pop. Néanmoins, les données actuelles montrent que, dans une large mesure, le titre d’un livre permet de jauger le lecteur : si vous aimez les défis, il est probable que vous les recherchez dans les ouvrages que vous achetez.

Si vous êtes grégaire et social, vous gravi-tez probablement autour de la chanson, des

Vos goûts artistiques dépeignent qui vous êtes

Christiane Gelitz

est psychologue et journaliste scientifique à Heidelberg.

Les Beatles ou Brahms, Van Gogh ou Mondrian : vos goûts en matière de musique, de livres

ou de peinture en disent long sur votre personnalité.

Les révélateurs de la personnalité

En bref • Les personnes qui ont l’esprit ouvert apprécient les expériences

esthétiques exigeantes ; celles qui sont émotives apprécient l’art moins ésotérique. • L’appréciation d’une musique active les régions cérébrales

impliquées dans le circuit de la récompense et les émotions.

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  69

magazines et des séries télévisées. Si vous êtes émotif, vous recherchez sans doute récon-fort et distraction dans les arts et la culture. En effet, votre personnalité – encore plus que votre intelligence ou votre éducation – influe sur ce que vous lisez, écoutez et regardez.

De nombreuses études dont l’objectif est d’associer nos préférences culturelles à notre personnalité cherchent des éléments des cinq dimensions fondamentales de la personnalité : l’extraversion, l’ouverture, le névrosisme (ou instabilité émotionnelle), l’agréabilité et la conscience (voir la figure page 10). Dans quelle mesure êtes-vous réservé ou social ? Êtes-vous curieux ou non ? Êtes-vous émotionnellement instable, ou au contraire, difficile à déstabiliser ? Êtes-vous coopératif – ce qui signifie que vous avez un caractère agréable – ou concerné par vos propres intérêts ? Êtes-vous autodisci-pliné ou spontané dans vos réactions ?

Agréable et consciencieux : il préfère le classique

Parmi ces cinq facteurs, c’est l’ouverture à l’expérience qui semble contraindre nos goûts en matière d’art. En 2009, Thomas Chamorro-Premuzic et ses collègues, de l’Uni-versité de Londres, ont collecté sur Internet des données de plus de 90 000 personnes âgées de 13 à 90 ans. Ils ont demandé aux participants d’indiquer dans quelle mesure ils aimaient 24 tableaux de quatre styles diffé-rents – cubisme, style Renaissance, impres-sionnisme et style japonisant – et ensuite de remplir un questionnaire évaluant les cinq dimensions de la personnalité. Résultat : seule l’ouverture a une influence forte et constante sur les orientations artistiques ; les personnes les plus ouvertes apprécient plus souvent les tableaux cubistes, de la Renaissance et japoni-sants, tandis que les personnes plus classiques – qui ont des scores faibles en ouverture, mais élevés en agréabilité et en conscience – préfèrent l’impressionnisme.

Ce que nous lisons reflète aussi notre degré d’ouverture à l’expérience, selon Samuel Gosling, de l’Université du Texas à Austin. En 2005, il a demandé à des sujets d’inspec-ter une pièce, puis de décrire la personne qui y vivait. Les participants concluaient souvent que les espaces remplis de journaux, de revues, de CD ou de livres appartenaient à des personnes ouvertes aux expériences nouvelles. Le type de médias présents s’est révélé être un

meilleur indicateur que le nombre de livres, magazines, etc. En revanche, les bandes dessi-nées – ainsi que les livres sur la musique et la philosophie – ne fournissaient guère d’infor-mations sur leur propriétaire. Au contraire, les magazines d’information ainsi que les livres sur l’art, la poésie et la psychologie indi-quaient plutôt une personnalité ouverte. Les personnes plus conservatrices tendaient à avoir des recueils de blagues et des livres sur des questions de politique.

De même, en 2004, Nicolas Schutte et John Malouff, de l’Université de Nouvelle-Angleterre en Australie, ont montré que des étudiants ayant des scores élevés en ouver-ture aimaient plutôt la littérature classique et les rubriques arts et culture des journaux. L’ouverture était aussi souvent présente chez ceux qui appréciaient les livres ou les maga-zines scientifiques. Une prédilection pour les écrits scientifiques était par ailleurs liée à un haut niveau dans la dimension conscience. Au contraire, les passionnés de la presse people et des histoires d’amour à l’eau de rose avaient des scores plus faibles que la moyenne pour l’ouverture, mais supérieurs pour l’extraversion.

En 2005, Gerbert Kraaykamp, de l’Univer-sité de Nimègue, et Koen van Ejick, de l’Uni-versité Erasmus de Rotterdam, ont complété ces résultats : ils ont montré que les esprits

1. Si vous aimez le rock ou le punk,

vous êtes peut-être plus ouvert

aux expériences nouvelles que

la moyenne de la population. C’est

ce qui a été montré en 2003 auprès

de 3 500 étudiants de l’Université

du Texas.

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70  La personnalité © Cerveau & Psycho

ouverts fuyaient les livres romantiques et les feuilletons à l’eau de rose. Ce type de passe-temps était plutôt le lot des sujets qui se décri-vaient comme plus émotifs. Ainsi, les résul-tats de la plupart des études convergent : les personnes qui ont des scores élevés en névro-sisme ou en agréabilité préfèrent les activités de loisir peu exigeantes, ni intellectuellement ni émotionnellement complexes. Les indivi-dus ouverts à l’expérience préfèrent des acti-vités culturelles plus stimulantes.

Préférences musicales et sensations fortes

D’autres chercheurs ont examiné comment les goûts sont liés à la recherche de sensations, un trait de caractère associé à l’extraversion. Les amateurs de sensations prennent facile-ment des risques et sont avides d’expériences intenses. En 2001, Adrian Furnham et ses collègues, de l’University College de Londres, ont rapporté que plus une personne est à la recherche de sensations, plus elle apprécie l’art abstrait, le pop art et le surréalisme, et plus elle déteste la peinture figurative.

En outre, les amateurs de sensations fortes préfèrent le rock ou la musique clas-sique, plutôt que les musiques de film ou les hymnes. En effet, de récentes études montrent que la personnalité influe sur nos goûts musicaux. En 2006, S. Gosling et son collègue Peter Rentfrow, de l’Université de Cambridge, ont demandé à des sujets d’écou-ter dix chansons, puis de décrire la personne – un inconnu – qui les avait choisies. D’après

cette seule liste, les participants ont été capables d’émettre des jugements corrects sur l’ouverture aux expériences nouvelles de l’inconnu et sur son degré d’extraversion.

En 2003, S. Gosling et P. Rentfrow avaient déjà analysé les goûts musicaux de plus de 3 500 étudiants de l’Université du Texas : la musique intense ou rebelle – par exemple le rock et le punk – attirait les jeunes dont les scores en ouverture étaient supérieurs à la moyenne. La musique dynamique et rythmique plaisait surtout aux extraver-tis et les airs joyeux classiques attiraient une audience d’extravertis, ainsi que des personnes agréables, appliquées et conser-vatrices sur le plan politique.

Marc Delsing et ses collègues, de l’Univer-sité d’Utrecht, ont confirmé ces résultats cinq ans plus tard. Ces chercheurs ont utilisé des données collectées au cours d’une enquête réalisée auprès de plus de 2 000 jeunes Néerlandais âgés de 12 à 19 ans. Ils ont plus ou moins identifié les quatre mêmes regrou-pements de préférences musicales et de personnalités que S. Gosling et P. Rentfrow. Ils n’ont trouvé qu’une différence : tandis que les Américains plaçaient la musique gospel dans la même catégorie que la pop, M. Delsing l’a trouvée associée au jazz et à la musique classique.

Toutefois, des études plus récentes ont remis en question les profils musicaux de S. Gosling et P. Rentfrow. En 2008, Hasan Tekman, de l’Université Uluda en Turquie, a ajouté un nouveau style musical, la musique folk turque. Ses résultats ont montré que les fans de musique folk turque ont typique-ment des scores élevés en agréabilité, des scores supérieurs à la moyenne en conscience et des scores légèrement au-dessus de la moyenne en névrosisme. De plus, H. Tekman a trouvé des associations très différentes entre d’autres styles musicaux et les cinq dimensions de la personnalité. Par exemple, dans l’échantillon turc, les personnes aimant les styles musicaux complexes n’étaient en général pas ouvertes – contrairement aux Américains et aux Néerlandais.

Ainsi, il existe certaines associations entre préférences musicales et personnalité, à condition de tenir compte des genres musi-caux locaux. En bref, ceux qui écoutent la radio seraient moins craintifs, mais aussi moins ordonnés, consciencieux et disciplinés que la moyenne ; les fans d’opéra ou de heavy metal seraient désordonnés ; les amateurs de

Les personnes ouvertes à l’expérience

En général, elles sont caractérisées par :• Une grande imagination• Un intérêt pour les arts, la musique, la science et la littérature• La recherche d’émotions• Une curiosité intellectuelle• La recherche de la nouveauté• La capacité de remettre leurs valeurs en question.

2. Cette peinture de style impressionniste, exposée dans votre chambre, indiquerait que vous êtes probablement agréable et consciencieux…

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rap et de hip hop manqueraient d’autodis-cipline et de sincérité, et seraient impulsifs, ouverts et sociaux.

En 2007, Adrian North, de l’Université Heriot Watt à Édimbourg, et David Hargreaves, à Londres, ont interrogé 2 500 Britanniques âgés de 18 à 60 ans sur leurs choix musi-caux et leur style de vie. Ils ont trouvé que les amateurs de comédies musicales auraient des vies « exemplaires » : ils éviteraient l’alcool et les drogues, se conformeraient aux règles et feraient des dons aux œuvres de charité. Les amateurs de musique classique, de jazz, de blues et d’opéra faisaient partie des personnes ayant fait les études les plus longues, et les fans de hip hop et des pistes de danse étaient plus susceptibles de consommer des drogues.

En 2009, Juul Mulder et ses collègues d’Utrecht ont découvert des configurations similaires dans une étude néerlandaise de plus de 7 000 adolescents : les fans de punk, hard rock, techno et reggae consommaient plus de drogues que les fans de jazz mainstream, pop ou musique classique. Cependant, ils ne se droguaient que s’ils étaient en contact avec d’autres fans qui consommaient des drogues. La recherche de sensations – un trait qui serait en grande partie inné – relierait certaines cultures musicales à la consommation de drogues. Les personnes plus conservatrices n’ont pas besoin de prendre le même type de risques pour ressentir des émotions intenses.

Stimuler fortement les extravertis !

La personnalité contribuerait aussi à expliquer pourquoi une chanson est capable de pousser une personne à se lever et à danser, mais pas une autre. Les amateurs de sensations pourraient avoir physiquement besoin d’un plus haut niveau de stimulation pour ressentir les frissons qui descendent le long de leur colonne vertébrale et les picote-ments qui les parcourent jusqu’au bout des orteils. De même, les personnes ouvertes à l’expérience auraient besoin de mélodies plus travaillées ou de rythmes plus compli-qués pour que cela leur plaise.

Qu’est-ce qui provoque ces euphories musicales ? En 2009, Valorie Salimpoor et ses collègues, de l’Université McGill au Canada, ont demandé à 26 sujets d’écouter leurs morceaux favoris et des chansons qui les laissent indifférents. Comme prévu, le sentiment d’exaltation que les participants

ressentent en écoutant leurs chansons préfé-rées résulte d’une stimulation du système nerveux autonome : les moments de félicité musicale sont associés à une augmentation des fréquences respiratoire et cardiaque, ainsi qu’à une baisse de la tension artérielle et de la température corporelle. Ces modifications physiologiques ne se produisent pas lorsque les participants écoutent des chansons qu’ils n’aiment pas particulièrement.

Le cerveau émotionnel

En 2005, Daniel Levitin, de l’Université McGill, et Vinond Menon, de l’Université Stanford, ont mis en évidence que l’apprécia-tion musicale modifie l’activité d’un réseau de neurones impliqué dans d’autres émotions positives. En particulier, l’aire tegmentale ventrale, un groupe de neurones qui joue un rôle essentiel dans le circuit de la récompense, modifie les interactions de trois structures – le noyau accumbens, l’hypothalamus et l’insula – qui régulent l’éveil.

En 2002, Eckart Altenmüller, de l’Institut de physiologie de la musique à l’Université de Hanovre en Allemagne, a montré que la musique que l’on apprécie coïncide aussi avec une augmentation de l’activité corticale dans l’hémisphère gauche – une région que d’autres études ont liée aux émotions positives. Il a de plus trouvé une association entre les émotions musicales négatives et l’activation du cortex dans l’hémisphère droit. En 1999, Anne Blood, de l’Université Harvard, et ses collègues, de l’Université McGill, ont composé six variations musicales – de l’harmonie parfaite à la cacophonie –, et les ont jouées à un groupe de dix sujets. Plus la mélodie était dissonante, moins les sujets l’appréciaient. De plus, l’imagerie cérébrale a révélé que l’écoute des morceaux dissonants coïncidait avec une augmentation du flux sanguin cérébral dans certaines régions de l’hémisphère droit.

Aucun chercheur n’a encore étudié le lien entre la façon dont nous réagissons biologi-quement à l’art et notre personnalité. Quand l’un d’eux le fera, il sera confronté à une difficulté majeure : l’appréciation de l’art évolue, c’est-à-dire que ce qui commence comme une rébellion culturelle devient souvent un classique. Les Rolling Stones ont été appréciés des amateurs de sensations fortes des années 1960, mais ils ne stimule-raient sans doute plus la nouvelle généra-tion qui apprécie Lady Gaga ! n

  Bibliographie

T. Chamorro- Premuzic et al.,

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Page 74: Cerveau & Psycho_la personnalité

En 2007, une équipe de psycho-logues de l’Université de Stirling en Angleterre publiait une étude surprenante sur le visage des poli-ticiens. Au moyen de logiciels de

transformation des visages, ces chercheurs avaient transféré des traits du visage de Tony Blair et de son rival William Hague aux élec-tions générales de 2001 au Royaume-Uni sur un même visage humain prototypique. Ainsi, ce visage avait « quelque chose de Tony Blair » ou « quelque chose de William Hague », sans pour autant que quiconque ne soit en mesure de reconnaître ces politiciens.

Or quand on a demandé à des passants dans la rue pour lequel de ces deux inconnus ils voteraient en cas d’élections anticipées, ils ont été 53 pour cent à choisir le visage qui avait « quelque chose de Tony Blair » et 47 pour cent à choisir celui qui avait « quelque chose de William Hague » (voir la figure 1). Ces chiffres ont été confirmés ensuite à la déci-male près lors de l’élection réelle.

L’impression associée au premier regard

Anthony Little et son équipe ont réalisé les mêmes expériences pour l’élection améri-caine entre George W. Bush et John Kerry en 2003, et pour les élections australiennes. Avec le même succès. En fait, les visages trans-mettent un certain nombre d’impressions quant à la personnalité, et ces impressions sont de diverses natures, qu’elles concernent l’autorité, la compétence, la maturité, ou le caractère attirant ou disgracieux.

Les auteurs de cette étude ont pris soin de préciser qu’ils n’avaient pas identifié les caractéristiques des visages qui assuraient le succès des politiciens. Pourtant, une

Que révèle le visage ?

Jean-Yves Baudouin

est maître de conférences à l’Université de Bourgogne et membre du Centre des sciences du goût et de l’alimentation (UMR-CNRS 6265, UMR-INRA 1324).

Rond, joufflu, à mâchoires carrées, à bouche fine ou charnue, aux grands yeux, au front étroit : chaque

visage a une forme et des proportions spécifiques. Que disent ces traits ? Quel crédit leur accorder ?

Les révélateurs de la personnalité

En bref • Le visage révèle quelques aspects de la personnalité d’un individu :

autorité, compétence, maturité ou attirance. •Un visage est d’autant plus attirant qu’il présente

des caractéristiques propres à son sexe ; par exemple, de grands yeux, des sourcils hauts et fins, un petit nez, pour une femme ; un menton fort, des sourcils fournis, pour un homme. •Un visage mature serait jugé plus compétent et un visage aux traits

enfantins plus sympathique et sincère. Mais tous les individus au visage rond ne sont pas gentils pour autant !

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74  La personnalité © Cerveau & Psycho

réflexion est engagée depuis quelque temps dans les milieux scientifiques sur les carac-téristiques faciales qui transmettent une impression de beauté ou d’autres proprié-tés de la personnalité. Que peut-on en dire aujourd’hui ? La plupart de nos réactions face à un visage sont dictées par des attri-butions de catégorie, c’est-à-dire que nous sommes habitués à reconnaître certaines caractéristiques faciales chez les individus que l’on peut regrouper schématiquement en différentes catégories : les hommes, les femmes, les enfants, les personnes âgées et les personnes atteintes de malformations d’origine génétique ou développementale. Notre système visuel extrait d’un visage ce

qui peut être rattaché à l’une de ces catégo-ries et teinte en conséquence l’impression que nous en avons de divers attributs : juvé-nile, mature, compétente, sincère, saine, etc.

Ces jugements présentent un point commun : le niveau d’attirance que l’on éprouve pour les visages. De nombreuses recherches ont montré que la perception de la beauté d’un visage est liée à diverses caractéris-tiques de la personnalité. La beauté – si discu-tée par les philosophes – est donc un élément important dans la première impression.

Les canons de la beauté

De nombreuses recherches scientifiques ont dressé un inventaire des caractéris-tiques qui rendent le visage plus ou moins « beau ». Au-delà de l’inventaire lui-même, le fait qu’il ait été possible de le dresser montre qu’il existe des critères communs de la beauté, qui sont partagés par l’ensemble des êtres humains. Leur existence remet en cause l’idée selon laquelle la beauté réside dans l’œil de l’observateur, dépendant de ses goûts, de sa personnalité et de sa propre

histoire. Mais quelles sont les caractéris-tiques les plus appréciées, et pourquoi le sont-elles ? En 1990, une idée originale a été mise en avant par les psychologues améri-caines Judith Langlois et Lori Roggman : un visage « moyen », dont chaque caractéristique (largeur du nez, taille des yeux, du menton, etc.) serait intermédiaire par rapport à toutes les variantes existant dans la population, serait particulièrement attirant. Pourquoi ? Probablement parce que ce caractère proto-typique ne présente pas d’anomalies, puisque toutes les caractéristiques sont moyennées.

Visage symétrique et bonne santé

De même, certains travaux tels ceux de Randy Thornhill et de Steven Gangestad, de l’Université du Nouveau-Mexique, ont montré que la symétrie augmente l’attirance d’un visage. Cela peut se comprendre à partir des études sur les comportements de reproduction chez les animaux. Dans bon nombre d’espèces, une asymétrie peut être liée à une anomalie génétique ou se manifeste chez les individus qui ont été exposés à des perturbations envi-ronnementales – pollutions, parasites ou mala-dies. Dans ce cadre, la symétrie est un indi-cateur de la santé et de la valeur reproductive des concurrents. L’homme étant un animal (presque) comme les autres, ce modèle animal lui a été transposé avec un certain succès.

La forme de certains traits du visage favoriserait aussi l’attirance. C’est le cas par exemple des caractéristiques sexuelles secondaires, qui différencient les femmes des hommes. Il existe ainsi des traits faciaux typi-quement masculins ou typiquement fémi-nins. Pour la femme, on a recensé un certain nombre de ces traits : grands yeux, sourcils hauts et fins, petit menton, petit nez, arcades sourcilières peu prononcées, mâchoire étroite. Pour l’homme, on cite au contraire un menton fort, des arcades sourcilières pronon-cées, des yeux plus petits, des sourcils plus fournis et plus rapprochés de l’œil. Ces carac-téristiques sont plus ou moins archétypiques chez tel ou tel individu, ce qui peut le situer à divers endroits d’un continuum facial entre le pur féminin et le pur masculin. De façon générale, un visage est d’autant plus attirant qu’il présente certaines des caractéristiques propres au sexe de la personne ; par exemple, des sourcils fins et hauts pour une femme. La présence de traits caractéristiques du sexe est

Un visage est d’autant plus attirant qu’il présente certaines des caractéristiques

propres au sexe de la personne ; par exemple, des sourcils fins et hauts

pour une femme.

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alors interprétée comme indiquant un déve-loppement physiologique réussi, gage d’une adaptation fonctionnelle adéquate.

Devant n’importe quel interlocuteur, nous interprétons instantanément et auto-matiquement ces différents paramètres comme des signes d’appartenance plus ou moins prononcée à un groupe social qui peut être celui des femmes ou celui des hommes. Les personnes que nous trouvons androgynes se situent à mi-course du conti-nuum masculinité-féminité.

D’autres caractéristiques faciales sont aussi associées à l’âge ou à l’état émotion-

nel. Pour l’âge, les caractéristiques qui apparaissent au moment de la puberté (par exemple, les pommettes deviennent plus saillantes) indiquent le statut postpubère de la personne, favorisant ainsi l’attirance : ils sont un signe que cette personne constitue éventuellement un(e) partenaire sexuel(le) dont l’union sera féconde. Toutefois, l’at-tirance sera également favorisée par la présence de caractéristiques néoténiques (qui évoquent l’apparence d’un nourris-son, c’est-à-dire des joues pleines, de grands yeux et une mâchoire peu développée), qui suggèrent une certaine jeunesse. Elle sera au contraire altérée par la présence de traits indiquant le vieillissement.

Évidemment, les visages se déforment selon les émotions ressenties ; par exemple, l’intérêt s’accompagne de sourcils arqués. Mais certaines personnes ont naturellement une conformation des traits du visage qui évoque ces expressions. Ainsi, une implan-tation arquée des sourcils se présente natu-rellement chez certains individus, qui donnent ainsi l’impression d’être intéressés par ce qui les entoure. De même, des yeux

légèrement plissés et une bouche dont les coins remontent donnent l’impression d’un tempérament jovial, et des sourcils en « V » suggèrent l’agressivité, par analogie avec les expressions naturelles des émotions. Allons plus loin : une des caractéristiques faciales féminines typiques est la hauteur des sour-cils, plus précisément la distance entre l’œil et le sourcil. Une femme s’épilant le bas des sourcils accroît cette distance et le caractère de féminité qui lui est implicitement associé.

En tenant compte de ces différents éléments, les chercheurs qui s’inspirent du modèle animal – selon lequel l’attirance

est déterminée dans le cadre de la sélection naturelle – font l’interprétation suivante : les caractéristiques faciales recensées sont attirantes, car elles nous informent sur les compétences reproductives de la personne. Elles le font au travers d’indices sur sa viabilité génétique et son état de santé, sur ses capacités d’adaptation sociale et fonc-tionnelle ainsi que sur sa disponibilité. L’apparente universalité de ces indices suggère même un certain déterminisme de notre sensibilité à leur égard.

Le visage du plus doué

Le débat reste cependant ouvert. Beaucoup de chercheurs, notamment en psycholo-gie sociale, mettent en cause la validité de ces indices. Le débat porte sur les théories dites physiognomistes (dont la morphopsy-chologie est un exemple), selon lesquelles les compétences et la personnalité peuvent se voir sur le visage. Par exemple, en 2008, Nalini Ambady et Oliver Rule, de l’Université du Massachusetts, ont montré à des volon-taires les photographies des dirigeants des

1. Un visage (a) a été obtenu en introduisant

des caractéristiques du visage de Tony

Blair (b) dans un visage standard. La même opération (c) a été

réalisée avec le visage du rival de T. Blair

aux élections, William Hague (d). Une majorité

de personnes ont déclaré qu’elles voteraient pour

le visage associé à Tony Blair (a), plutôt que pour le second (c),

si elles avaient à choisir.

a b c d

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76  La personnalité © Cerveau & Psycho

25 premières entreprises du classement du magazine Fortune, et leur ont demandé d’es-timer le degré de compétence, de dominance, de fiabilité et de maturité des personnes en question. Les psychologues avaient constaté que les bénéfices des entreprises étaient liés aux scores que les volontaires attribuaient aux dirigeants dans ces différents domaines, sur la base de leur visage. La question se pose donc ; est-il légitime de se demander si certaines particularités de la personnalité se « lisent » sur le visage ?

D’après l’un des postulats de ces théories physiognomistes, la beauté physique renvoie à une sorte de « beauté intérieure ». Dans ce cadre, un phénomène a été particulièrement étudié : le stéréotype « Ce qui est beau est bon », examiné par les psychologues Karen Dion, Ellen Berscheid et Elaine Walster dès 1972. Dans cette étude, des volontaires devaient observer les photographies de trois personnes présentant trois « degrés » de beauté : peu attirante, moyennement ou très attirante. Les volontaires devaient estimer différents aspects de la personnalité, notam-ment le succès professionnel ou le bien-être global dans la vie. Les résultats révélèrent que le niveau d’attirance est relié à ce que les auteurs ont nommé la désirabilité sociale, à savoir que les hommes et les femmes les plus beaux et attirants physiquement sont

perçus comme ayant une réussite supérieure en société et occupant des postes plus pres-tigieux. On les considère aussi plus heureux.

En examinant de près de nombreux travaux sur ce sujet, mon collègue Guy Tiberghien et moi-même avons retenu le fait suivant : lorsqu’une dimension d’évaluation a un pôle positif et un pôle négatif, les personnes atti-rantes se situent presque toujours plus vers son pôle positif. Ainsi, elles sont souvent jugées plus intelligentes ou plus compétentes, plus sympathiques, plus honnêtes, etc. Ces études, outre le fait qu’elles traitent de stéréo-types (ce qui diminue en soi la validité des déductions que l’on en tire), montrent que le niveau d’attirance d’un visage est utilisé invo-lontairement pour tirer plusieurs conclusions à propos des divers aspects de la personnalité ou de la compétence du sujet.

Mais est-ce vraiment l’attirance qui suscite le jugement de compétence ? Des recherches plus précises ont montré que l’effet est plus complexe : il semble que certains traits du visage influent à la fois sur l’impression de beauté générale et sur le jugement en matière de compétence, d’intelligence, de maturité, etc. L’attirance et la compétence ne seraient que deux effets simultanés d’une même conformation faciale.

Belle, compétente,  sympathique, honnête...

Concrètement, les expériences montrent qu’un visage adulte aux traits matures est jugé plus compétent qu’un visage adulte aux traits néoténiques. À l’inverse, le visage adulte à caractéristiques néoténiques est implicitement jugé plus sympathique et sincère. Ainsi, le visage adulte aux traits matures est doté de caractéristiques qui favorisent l’attirance et donnent l’impres-sion de compétence. Le visage néoténique, quant à lui, est doté de caractéristiques juvé-niles qui le font paraître moins compétent, mais plus sympathique, honnête et sincère.

En conséquence, l’attirance ne favorise l’impression de compétence qu’à la condi-tion d’être associée à des caractéristiques matures. Elle favorise au contraire l’impres-sion de sympathie si elle est associée à des caractéristiques néoténiques.

Que peut-on finalement apprendre à la simple vue d’un visage ? Le système visuel permet d’apprécier avec une bonne fiabi-lité l’âge ainsi que le sexe, tout comme l’état

2. La féminité  se distingue sur le visage par quelques caractéristiques stables : la distance entre l’œil et le sourcil, la hauteur des pommettes et les lèvres saillantes.

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Page 79: Cerveau & Psycho_la personnalité

© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  77

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émotionnel d’une personne. Il se pourrait même que certains aspects du caractère, notamment les émotions les plus fréquem-ment exprimées par une personne, soient perçus par le biais de ce qu’on nomme les rides d’expression, qui fixent d’une certaine façon les expressions émotionnelles les plus souvent adoptées par un visage.

Le visage est également un bon indica-teur de l’état de santé d’autrui. Les variations faciales liées au sexe, à l’âge, à l’état émotion-nel ou à des pathologies sont très proches, voire identiques, pour les différentes origines ethniques. Tout comme certaines des carac-téristiques psychologiques et sociales qui y sont associées. Ainsi, les jeunes enfants ont une tête proportionnellement plus grande par rapport au reste du corps et des yeux plus grands. Ils sont aussi plus spontanés et leurs compétences sont en général inférieures à celles des adultes. Il n’est donc pas surprenant que les personnes ayant des caractéristiques faciales enfantines soient considérées comme plus sympathiques, fragiles et sincères.

Il est toutefois rare que les chercheurs ayant étudié l’attirance faciale aient inclus des enfants, des personnes trisomiques ou encore des personnes âgées dans la base des visages qu’ils donnaient à évaluer à des volontaires. Les variations dans les jugements d’attirance, qu’elles soient liées à la proximité du proto-type, à la symétrie ou à certaines caractéris-tiques faciales, opèrent entre des adultes ne présentant aucun problème de santé parti-culier. Si les critères que nous avons décrits influent sur les évaluations, ce n’est donc pas parce qu’ils indiquent un état biologique particulier, mais parce qu’ils l’évoquent. Cette nuance est capitale, car elle représente évidemment une source d’erreur. En effet, les mécanismes cognitifs à l’œuvre dans les évaluations de l’attirance du visage sont forcément des mécanismes de généralisation. Comme le cerveau humain est habitué à attri-buer certaines caractéristiques aux personnes porteuses d’une maladie génétique, aux enfants ou aux personnes âgées, la présence de certains traits caractéristiques d’une de ces catégories sur un visage d’adulte sain entraîne un jugement en conséquence.

La validité des conclusions que nous en tirons, qu’elle porte sur l’attirance ou sur une autre dimension, souffre de cette généralisa-tion ; ce n’est pas parce qu’un adulte a gardé ses grands yeux d’enfant qu’il en a gardé la candeur… De même, si la trisomie est asso-

ciée à un faciès particulier, une personne dont les traits tendent légèrement vers ce faciès n’est pas forcément porteuse de cette anomalie génétique et n’en présente donc pas les particularités psychologiques. Surtout, les caractéristiques qui sont généralisées relèvent

assez souvent de stéréotypes (« Les enfants ne mentent pas »), ce qui amenuise encore leur validité. Il faut garder cela à l’esprit quand on se sent animé d’un courant de sympathie pour une personne à cause de ses grands yeux ou de ses joues rebondies, ou s’il s’agit d’em-baucher un individu à la large mâchoire, qui semblera compétent sans l’être pour autant.

Le visage peut-il mentir ?

La part de vérité dans ce que dit le visage est donc difficile à cerner. Même si par certains aspects le visage ne peut pas mentir, il est bien des domaines où la fiabilité des informations qu’il nous apporte est relative et discutable. L’accord universel entre les juges n’est pas un gage de validité ; il s’ex-plique par la mise en place de processus de généralisation fondés sur les caractéristiques morphologiques des différents groupes humains (femme, homme, enfant, etc.).

Les traits du visage associés aux différentes catégories sociales sont, quant à eux, le plus souvent universels et entraînent l’appa-rente universalité des avis à leur égard. Cette unanimité nous conduit à avoir des attentes comparables vis-à-vis de personnes qui présentent des traits du visage similaires. La question qui se pose dès lors est de savoir dans quelle mesure ces attentes ne vont pas constituer une pression sociale sur la personne, l’amenant à adopter le comporte-ment attendu. Cette rétroaction aurait pour conséquence de confirmer le stéréotype et d’en augmenter l’impact sur la perception. C’est une piste à explorer. n

D’après l’un des postulats des théories physiognomistes,

la beauté physique renvoie à une sorte de « beauté intérieure ».

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78  La personnalité © Cerveau & Psycho

Le physique n’est certes pas la chose la plus importante dans la vie. Mais il influe sur notre personnalité et sur nos relations sociales… Par exemple, la taille a un impact sur la

réussite professionnelle, les hommes les plus grands ayant plus de succès. Les individus les plus beaux ont aussi des situations profession-nelles plus élevées… Et le sourire augmente les chances que nos interlocuteurs se souviennent de nous. Alors que dire des yeux, miroirs de l’âme, et notamment de leur couleur ?

La couleur des yeux reflète un héritage génétique issu de la mère et du père ; or le

psychologue britannique Anthony Little et ses collègues, de l’Université Saint-Andrews à Fife au Royaume-Uni, ont montré que les hommes et les femmes recherchent plus volontiers un partenaire ayant une couleur des yeux proche de la leur. Cela expliquerait pourquoi on observe souvent une concen-tration de telle ou telle couleur des yeux dans certaines zones géographiques. Toutefois, l’effet de la couleur des yeux ne s’arrête pas à la préférence des partenaires potentiels : des travaux montrent aujourd’hui que ce critère peut révéler certains traits de personnalité.

À l’Université de Dallas au Texas, le psycho-logue William Tedford a mis en évidence que, dans certains tests, la réactivité des personnes ayant des yeux de couleur foncée est supé-rieure à celle des personnes aux yeux clairs. Dans cette expérience, des étudiants mascu-lins et féminins devaient appuyer le plus vite possible sur une barre de contact pour éteindre une lumière dès qu’elle s’allu-mait. La vitesse d’exécution était alors prise en compte. Les résultats montrent que les personnes ayant les yeux foncés (noirs ou marron) ont été plus rapides à cette tâche.

Pour expliquer ce constat, les chercheurs invoquent une hypothèse dite de « l’ins-

Des yeux… au caractère

Nicolas Guéguen

est enseignant- chercheur en psychologie sociale à l’Université de Bretagne-Sud, et dirige le Laboratoire d’Ergonomie des systèmes, traitement de l’information et comportement (LESTIC), à Vannes.

La couleur des yeux livre de précieuses indications sur le tempérament d’une personne. Mais jusqu’où tirer

des conclusions, sans verser dans le réductionnisme ?

Les révélateurs de la personnalité

En bref • Les personnes aux yeux sombres et celles aux yeux clairs n’ont,

statistiquement, pas les mêmes tempéraments. •Un individu aux yeux sombres est généralement plus instinctif,

moins analytique, et plus doué pour les activités demandant de la vivacité et de la réactivité. • Les personnes aux yeux clairs, en général, sont plus douées

pour les activités nécessitant réflexion, retenue et recul. • Les individus aux yeux bleus sont plus réservés et sujets au stress,

alors que ceux aux yeux sombres sont plus souvent autoritaires.

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  79

tinctivité » : les personnes aux yeux sombres contrôleraient moins leurs comportements que celles ayant les yeux clairs – elles seraient plus instinctives –, ce qui se traduirait par des temps de réaction plus courts dans divers domaines. Cette explication peut sembler étrange, mais la théorie de la réactivité est volontiers invoquée par les chercheurs travail-lant sur l’influence de la couleur des yeux.

Yeux foncés : instinct et rapidité

Ainsi, certaines expériences montrent que, dans le domaine sportif, des différences de performances s’observent selon la couleur des yeux. John Beer et Paula Fleming, de l’Université du Kansas, ont demandé à des élèves de primaire de réaliser une tâche de précision consistant à faire passer un disque dans un anneau. Les performances des enfants étaient enregistrées en même temps que la couleur de leurs yeux. Les résultats

ont montré que les enfants aux yeux marron ont été plus précis que ceux ayant des yeux clairs, bleus ou verts par exemple.

La théorie de la réactivité (dite aussi de plus faible inhibition), tout comme celle de l’instinctivité, suppose que les personnes aux yeux foncés seraient plus réactives, car elles inhiberaient moins leurs réactions spontanées : elles seraient plus rapides dans les activités sportives. En revanche, les personnes aux yeux clairs seraient plus analytiques, plus observatrices, de sorte que leurs temps de réaction seraient supérieurs. En contrepartie, elles inhiberaient plus faci-lement certaines réactions inappropriées.

Et dans le domaine sportif, cette dernière faculté confère des avantages : certains sports requièrent une capacité de réaction instinctive immédiate, d’autres au contraire nécessitent de pouvoir freiner les mouve-ments impulsifs. De fait, les recherches scientifiques mettent en évidence des diffé-rences de performances sportives selon la

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couleur des yeux. Ainsi, en boxe, on constate que les sportifs aux yeux foncés obtiennent de meilleures performances que ceux dont les yeux sont clairs – réflexe, esquive et coup d’œil sont décisifs. C’est nettement moins le cas au bowling, au golf et au tir à l’arc, où l’on peut prendre le temps de préparer son coup. Or dans ces disciplines, les sportifs aux yeux clairs se révèlent meilleurs que ceux aux yeux foncés…

Différentes aptitudes sportives

Dans un même sport, selon la position occupée, l’un ou l’autre prend l’avantage. Par exemple, au base-ball, les frappeurs aux yeux foncés qui doivent taper à l’instinct avant l’ar-rivée de la balle ont le dessus, tandis que ceux qui envoient la balle au frappeur, analysent sa position à l’avance et anticipent la trajectoire de la balle sont statistiquement meilleurs lorsqu’ils ont les yeux clairs.

Cette différence entre tempéraments instinctif et analytique modifie aussi les juge-ments esthétiques. La psychologue Cynthia Whissell, de l’Université de l’Ontario au Canada, a montré que, dans le domaine du jugement esthétique de formes géomé-triques, les personnes aux yeux foncés sont plus sensibles à la symétrie, alors que les personnes aux yeux plus clairs s’intéressent également aux formes asymétriques, par nature plus complexes. Encore une fois,

la théorie de la réactivité est invoquée. Les personnes aux yeux foncés repèrent instinc-tivement l’absence de symétrie, ce qui, immédiatement, influe sur le jugement de ce type de forme moins structurée, normalisée. À l’inverse, une forme dissymétrique est plus complexe et, dès lors, intéresse plus les esprits analytiques, apparemment plus représentés chez les personnes aux yeux clairs.

Constatant ce tempérament plus instinc-tif des personnes aux yeux foncés, le psycho-logue Alan Markle, du Centre de santé de Huntsville-Madison aux États-Unis, a supposé que ces personnes devaient aussi réagir plus vite et plus intensément à des stimulations survenant dans leur environ-nement. Dans une de ses expériences, des étudiants aux yeux marron ou bleus, mascu-lins et féminins, écoutaient des séries de mots enregistrés, dont certains étaient neutres et d’autres choquants. Dans une autre tâche, on leur montrait des diapositives présentant des scènes neutres (paysages), violentes (accidents de voiture) ou sexuelles. Ce stimulus, violent, choquant ou sexuel survenait à l’improviste, étant mêlé de façon imprévisible à des stimu-lations neutres. Les personnes soumises à ces stimulus étaient reliées à un instrument enre-gistrant leurs paramètres physiologiques : rythme respiratoire, rythme cardiaque, pres-sion artérielle, conductivité électrique de la peau. Les résultats ont révélé que les hommes – tout comme les femmes – aux yeux marron ont manifesté des réactions physiologiques plus intenses que les participant(e)s aux yeux bleus. Ce serait, une fois de plus, la preuve d’une plus forte réactivité instinctive des personnes aux yeux foncés.

Une telle sensibilité à l’environnement expliquerait également certaines diffé-rences de comportement alimentaire, selon la couleur des yeux. Ainsi, les psycholo-gues Charles Salter et Helen Bloom, du Laboratoire militaire de recherche et de développement de Natick aux États-Unis, ont étudié la fréquence de consommation de produits de restauration rapide chez des hommes et des femmes de type cauca-sien, selon la couleur de leurs yeux. Ils ont ainsi découvert que les personnes aux yeux sombres sont de plus grands consomma-teurs de restauration rapide que celles aux yeux clairs. Ces personnes seraient plus sensibles aux indices présents dans leur environnement et obéiraient davantage aux publicités pour la restauration rapide.

1. Dans les sports,  telle la boxe, où la réactivité est essentielle, les individus aux yeux sombres obtiennent statistiquement de meilleurs résultats.

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Comment expliquer que les personnes aux yeux sombres soient plus instinctives et celles aux yeux clairs plus analytiques ? Partant de l’observation selon laquelle les différences de réactivité apparaissent dès l’enfance, le psychologue Robert Kaplan et ses collè-gues, de l’Université d’Ottawa au Canada, ont demandé à des enseignants d’évaluer les comportements d’enfants âgés de quatre à cinq ans. Ainsi, les garçons aux yeux bleus (mais pas les filles) seraient plus inhibés, présenteraient des comportements plus réser-vés et auraient plus de difficultés personnelles que les enfants aux yeux marron. On trouve-rait chez eux, toujours d’après les enseignants, plus de réserve, de retenue et de prudence.

Hormones et couleur d’iris

Selon R. Kaplan, une des causes serait de nature biologique, certaines hormones étant produites en quantité variable chez les indi-vidus aux yeux clairs ou aux yeux foncés. Ainsi, chez les personnes aux yeux bleus, la production de l’hormone alpha stimula-trice des mélanocytes (α-MSH), impliquée dans la pigmentation, serait moindre. Or un des facteurs limitant la production de cette hormone est la présence de fortes concen-trations de cortisol et de noradrénaline, deux hormones associées aux réactions de stress. Cela expliquerait que les enfants en produisant beaucoup sont plus inquiets et inhibés dans leurs comportements.

Mais cette hypothèse a un talon d’Achille : pourquoi les filles échapperaient-elles à cet effet ? Des différences d’éducation entre-raient aussi en ligne de compte. Notamment, certaines normes sociales dans l’éducation des filles tendraient à réprimer les réactions trop spontanées ou exubérantes, de sorte que, devenues adultes, elles seraient plus inhi-bées – qu’elles aient les yeux clairs ou foncés ! Et quand l’enfant grandit, il conserverait ou amplifierait sa tendance initiale. Ainsi, les psychologues Gary Davis et Paul de Vivo, de l’Université du Tennessee, ont montré que les personnes aux yeux foncés, lors d’une réunion en groupe, font des révélations plus intimes sur leur vie que les personnes aux yeux clairs, plus réservées. Quant aux individus dont les yeux ont une teinte intermédiaire, ils se confieraient plus que ceux aux yeux clairs, mais moins que ceux aux yeux foncés…

Voilà qui suggère quelques recommanda-tions utiles : lors d’une séance de travail en

psychothérapie, le thérapeute gagnera à déve-lopper des stratégies mettant en confiance une personne aux yeux clairs, afin qu’elle accepte de se livrer. Les différences observées dans la tendance à s’épancher pourraient expli-quer d’autres phénomènes jusqu’alors énig-matiques. Par exemple, Jonathan Bassett et James Dabbs, de l’Université de Géorgie, ont montré, dans deux études distinctes menées auprès d’Américains blancs, que les personnes ayant des yeux clairs ont plus souvent des problèmes liés à l’alcool que celles aux yeux foncés. Le lien entre ces observations pourrait être le suivant : étant plus inhibées et confiant moins facilement à autrui leurs difficultés, les personnes aux yeux clairs auraient plus de risques de trouver un refuge (illusoire) dans l’alcool ou d’utiliser cette substance pour surmonter leurs inhibitions.

Évidemment, les yeux ont aussi un effet sur l’entourage et suscitent des impressions ou des jugements contrastés. Les psychologues Stephen Franzoi et Mary Herzog, de l’Univer-sité du Wisconsin, ont notamment montré que les yeux représentent le deuxième critère physique que les femmes observent chez un homme (après les mains), alors que c’est seulement le cinquième critère de séduction pris en compte par les hommes (ces derniers accordent plus d’importances à d’autres critères morphologiques). D’ailleurs, lorsque des étudiants masculins ou féminins doivent se rappeler les caractéristiques physiques de visages d’hommes ou de femmes observés préalablement, la couleur des yeux est plus souvent évoquée par les femmes.

2. Les garçons   aux yeux clairs sont

généralement un peu plus « analytiques » dans leur approche

du monde, mais aussi plus stressés que leurs

camarades aux yeux sombres, plus instinctifs

et moins inhibés. Les hormones

en seraient la cause…

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Bien entendu, la couleur des yeux n’est pas seulement prise en compte dans les rencontres amoureuses. Dans de multiples situations de la vie (cadre professionnel, amical, scolaire), nous fondons en partie nos impressions ou jugements sur la couleur des yeux. Par exemple, le psychologue Karel Kleisner et ses collègues, de l’Université de Prague, ont présenté à des étudiants des photos d’hommes et de femmes dont on avait, selon les cas, colorisé les yeux en marron ou en bleu. Afin d’éviter que d’autres effets n’interviennent, les expérimentateurs avaient pris soin de choisir des personnes n’ayant le teint ni trop pâle ni trop foncé, et des cheveux châtains.

Les participants devaient évaluer le niveau de dominance de chacun des individus présentés : a-t-il tendance à s’imposer dans un groupe ? Préfère-t-il dire aux autres ce qu’il faut faire, ou plutôt faire ce qu’on lui demande ? Les résultats ont montré que si la couleur des yeux n’a pas d’effet sur le juge-ment de dominance porté sur les femmes, elle en a un chez les hommes : des visages d’hommes dont les yeux avaient été colori-sés en marron ont été perçus comme plus dominants que les mêmes visages dont les yeux avaient été colorés en bleu.

Les yeux marron des dominants

Plusieurs explications peuvent être four-nies à ce phénomène. Notamment, un méca-nisme d’influence lexicale. Des expressions telles qu’« un regard sombre » ou « des yeux noirs », évoquant la colère ou l’agressivité, pourraient déteindre sur la perception que l’on a des individus aux yeux sombres. On les jugerait, en partie pour cette raison et de façon inconsciente, plus agressifs ou domi-nateurs. Toutefois, une surprise est apparue lorsque K. Kleisner et ses collègues ont repro-duit leur expérience en inversant la couleur des yeux des participants : les hommes aux yeux marron ont été retouchés de façon à avoir les yeux bleus, et vice versa. Dans ces conditions, il s’est avéré que les observateurs

jugeaient toujours les hommes ayant initia-lement les yeux marron plus dominants (malgré le changement de couleur de leurs yeux). Cela pouvait indiquer que d’autres éléments du visage traduisent une impres-sion de dominance. Les psychologues se sont alors aperçus que les hommes aux yeux bruns ont souvent des mentons plus larges et plus robustes, des nez plus forts, les yeux plus rapprochés et des sourcils plus proéminents que les hommes aux yeux bleus : or ce sont des caractéristiques associées à la dominance.

Une influence jusque dans la mort

Outre d’éventuels facteurs génétiques et biologiques à explorer (on évoque la piste de la testostérone comme facteur influant à la fois sur la couleur des yeux et sur la forme du visage), comment expliquer de tels liens entre la physionomie, la couleur des yeux et la dominance ? Dans le registre des conjectures, les chercheurs proposent que les personnes aux yeux bruns, perçues comme plus domi-nantes, seraient accoutumées à voir leur entourage les traiter comme telles, en adop-tant des comportements soumis ou conci-liants. Ces individus finiraient par devenir réellement plus dominants, jusqu’à ce que certaines expressions de domination s’impri-ment dans les contractions de leurs muscles faciaux, aboutissant sur le long terme à une physionomie exprimant ce trait de person-nalité. Signalons que, contrairement à ce que laisseraient supposer certains clichés, la couleur des yeux ne semble pas avoir d’in-fluence sur le caractère plus ou moins atti-rant des hommes pour les femmes.

Enfin, jusque dans la mort, des diffé-rences s’observent selon la couleur des yeux. Le psychologue David Lester a étudié les modes de suicides employés par des Blancs américains, et observé que la pendaison et le poison seraient plus utilisés par les hommes aux yeux bruns, les armes à feux ou la noyade par ceux qui ont les yeux bleus. Ainsi, pour des comportements extrêmes, expliqués par la détresse et la souffrance psychologique, des variations comportementales liées à la couleur des yeux semblent se manifester. C’est dire que ce facteur a de fortes proba-bilités d’intéresser, pour longtemps encore, les chercheurs en psychologie et en biolo-gie, notamment pour élucider les causes possibles de ces étonnantes différences. n

Bibliographie 

K. Kleisner et al., Eye color predicts but does not directly influence perceived dominance in men, in Personality and Individual Differences, vol. 49, pp. 59-64, 2010.J. F. Bassett et al., Eye color predicts alcohol use in two archival samples, in Personality and Individual Differences, vol. 31, pp. 535-539, 2001.R. J. Coplan et al., Shyness and little boy blue : Iris pigmentation, gender, and social wariness in preschoolers, in Developmental Psychobiology, vol. 32, pp. 37-44, 1998.

Dans de multiples situations de la vie, nous fondons en partie nos impressions ou jugements sur la couleur des yeux.

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La démarche en dit long sur le tempéramentLa démarche révélerait certains traits de personnalité, notamment la sociabilité, la dominance ou la vulnérabilité. Mais aussi les émotions, voire le désir sexuel…

Les révélateurs de la personnalité

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Dis-moi comment tu marches, je te dirai qui tu es. Est-ce une promesse abusive ou un soupçon de vérité ? Les psychologues et psychomotri-

ciens dissèquent aujourd’hui la démarche et révèlent comment la personnalité, mais aussi les émotions, modifient ses paramètres.

Se tenir debout et marcher sont deux caractéristiques de l’espèce humaine façon-nées par l’évolution. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces actions ne sont pas uniquement consacrées au dépla-cement. La démarche transmet un message, qui remplit plusieurs fonctions : renseigner les autres sur le statut social d’un individu, sur son sexe, sa capacité de reproduction, voire certains aspects de son tempérament, sa vulnérabilité et son état émotionnel.

Le langage de la marche

C’est déjà le cas chez certains animaux : la démarche peut renseigner un membre d’un groupe sur l’état d’un congénère et sur sa position hiérarchique. Des travaux montrent que l’être humain n’est pas loin de fournir les mêmes renseignements par son déplacement. Preuve, encore une fois, que l’homme est le produit d’une longue évolution qui a conservé des traces subtiles d’anciennes méthodes de communication. Si le « langage de la marche » doit remplir une fonction, ce doit être en premier lieu l’identification d’autrui : de loin, sans que l’on distingue précisément les caractéristiques corporelles ou le visage d’une personne, la façon dont elle se déplace doit informer notamment sur son sexe. Dans une société ancestrale encore dépourvue de langage, les individus à la recherche d’un partenaire pour se reproduire devaient deviner de loin le sexe et le statut social de l’autre, et s’il s’agissait, ou pas, d’un individu dominant.

Concernant l’identification du sexe, Joann Montepare et Leslie Zebrowitz-McArthur, de l’Université du Massachusetts, ont demandé à des enfants, des adolescents, des jeunes adultes et des personnes plus âgées de marcher tout en étant enregistrés par un système permettant ensuite de modéliser la démarche sous forme de points lumineux fixés sur des zones mobiles du corps (genoux, chevilles, épaules, poignets, hanches). De cette façon, la forme du corps ne peut être perçue ni sa taille. Des spectateurs devaient ensuite, à partir de ces enregistrements de points lumineux en mouvement, détermi-ner à la fois l’âge de la personne et son sexe.

Ainsi, les observateurs sont en mesure de préciser s’il s’agit de la démarche d’un homme ou d’une femme, et quel est son âge. Les mouvements des hommes sont plus amples au niveau des épaules, ceux des femmes au niveau des hanches, et l’âge a tendance à ralentir le mouvement et à dimi-nuer son amplitude et sa souplesse.

Puis les psychologues américains ont demandé aux spectateurs de qualifier les démarches en utilisant divers adjectifs. La démarche des individus jeunes est qualifiée de « puissante », « forte » et « joyeuse » ; celle des femmes serait plus attirante sexuellement.

Repérer le maillon faible

Des qualités plus personnelles peuvent être également repérées à travers la démarche. La psychologue Rebekah Gunns et ses collègues, de l’Université de Canterbury à Christchurch en Nouvelle-Zélande, ont utilisé le même type de représentation des déplacements d’une personne au moyen de points lumi-neux ; ils ont constaté que des observateurs jugent certaines démarches comme étant celles de personnes ayant davantage de risques de se faire agresser et d’adopter une attitude soumise ou passive en pareil cas. Ces différences ont été perçues tant chez des hommes que chez des femmes et semblent traduire une personnalité plus soumise ou vulnérable. Ainsi, les petites enjambées, de faibles balancements des bras et une façon prudente de poser le pied sur le sol signale-raient les personnes vulnérables, alors que les grandes enjambées, d’amples balancements des bras et un contact résolu du pied sur le sol dissuaderaient les agresseurs.

Les psychologues Kikue Sakaguchi et Toshikazu Hasegawa, de l’Université

Nicolas Guéguen

est enseignant- chercheur en psychologie sociale à l’Université de Bretagne-Sud, et dirige le Laboratoire d’Ergonomie des systèmes, traitement de l’information et comportement (LESTIC), à Vannes.

En bref • Les psychologues et comportementalistes commencent à repérer

à quel type de caractère ou d’émotion est associé tel ou tel type de démarche. • La démarche fournit des indices sur l’âge, le sexe, le statut

de dominant ou de dominé, voire la concentration de certaines hormones dans le sang. • Selon les chercheurs, la façon de marcher aurait représenté

un protolangage renseignant sur les intentions d’autrui, avant l’apparition du langage oral.

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de Tokyo, ont soumis des femmes à de multiples tests de personnalité et leur ont demandé dans quelle mesure, et avec quelle fréquence, elles avaient pu être la cible de contacts de nature sexuelle non désirés (par exemple, avoir été touchées par un inconnu sur des parties intimes du corps dans une rame de métro bondée).

La démarche de ces jeunes femmes était enregistrée et des hommes devaient indiquer à partir de ces enregistrements à quel point ils seraient susceptibles de faire des avances sexuelles à cette personne et de la toucher sans son consentement. Les résultats ont mis en évidence un lien entre les évaluations des hommes et les événements auxquels ces femmes avaient pu être confrontées : celles qui ont fait part de fréquents contacts tactiles non désirés exercés par des hommes étaient aussi celles dont les hommes disaient, en observant leur démarche, qu’ils seraient plus susceptibles de faire eux-mêmes de tels gestes.

L’analyse des tests de personnalité au cours de cette même expérience a révélé que les femmes à la démarche « vulnérable » obtenaient des scores plus faibles dans une dimension dite de sociabilité : générale-ment en retrait, peu enclines à engager la conversation, moins à l’aise en société, plus timides. En outre, elles obtenaient de faibles scores sur une échelle d’optimisme (elles pensent souvent que les choses vont mal tourner) et de maîtrise de soi (elles gardent peu de contrôle sur les situations et peuvent laisser les autres prendre les commandes).

Que ces traits de personnalité corres-pondent à un tempérament moins domina-teur et par conséquent plus vulnérable aux actes mal intentionnés, cela paraît naturel. Mais que cela se remarque dans la démarche, voilà qui est plus surprenant ! Selon cette étude, la démarche refléterait en partie le degré d’importance de ces qualités chez une personne. Il serait possible de « sentir », en

voyant quelqu’un marcher, si cette personne est plutôt sociable et optimiste. L’amplitude des enjambées et des mouvements des bras ainsi que l’attaque du talon sur le sol semblent jouer un rôle important.

Quel tempérament ?

Ainsi, le degré de dominance ou de soumission d’un individu (la dominance se manifeste par une facilité à imposer ses opinions, à se mettre en avant, à monopoliser la parole, se faire obéir, etc.) serait en partie identifiable dans la démarche. C’est ce qu’ont confirmé J. Montepare et ses collègues, de l’Université Brandeis aux États-Unis : des personnes observant des points lumineux enregistrés sur les parties mobiles de corps en mouvement distinguent bien les sujets domi-nants des dominés. Pour ces chercheurs, une rapide analyse visuelle de la démarche rensei-gnerait sur la vulnérabilité d’une personne,

et les individus mal intentionnés les identi-fieraient aussi dans une foule.

En outre, nous ne marchons pas de la même façon selon la concentration sanguine de certaines hormones. C’est notamment le cas des femmes, selon qu’elles sont dans une phase fertile ou non de leur cycle mens-truel. Ainsi, dans une de nos expériences, des jeunes filles étaient invitées à se rendre dans une salle d’attente du laboratoire pour participer à une tâche de décision lexicale. En arrivant, elles pouvaient constater qu’un autre participant attendait déjà dans la salle : il s’agissait en réalité d’un compère de l’expérience, au physique agréable. Chaque jeune fille patientait avec l’homme pendant une minute, puis l’expérimentateur revenait leur dire que la salle d’expérimentation était prête et qu’ils pouvaient l’y précéder, car il avait un dernier détail à régler.

Tout cela n’était que prétexte pour analy-ser la démarche de la jeune fille. Le compère

1. Pour étudier   la démarche

d’une personne, on utilise la technique

dite des « mouvements de points lumineux » :

de petites lampes sont fixées aux poignets,

hanches, épaules, genoux et chevilles,

et l’individu est filmé dans le noir, pendant qu’il marche. Le film

révèle le mouvement de points lumineux

sur un fond noir, ce qui est interprété par le système visuel

comme le mouvement de la marche.

  Sur le web

Site du laboratoire d’étude de la démarche,

avec des vidéos :http://www.

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marchait derrière elle, et grâce à une caméra dont l’objectif était caché dans un bouton de sa veste, il filmait la jeune femme de dos. Puis l’expérimentateur arrivait, les faisait entrer dans la salle et mesurait, par test salivaire, l’hor-mone lutéinisante indiquant la phase du cycle.

Outre une mesure du temps mis par le couple pour atteindre la salle, l’expérience consistait à faire visionner par des hommes les vidéos réalisées, et à leur demander d’éva-luer le caractère aguicheur de la démarche de chaque jeune fille. Les résultats ont été surprenants : en période d’ovulation, les filles ont, d’une part, mis plus de temps pour parcourir la même distance que celles qui n’étaient pas en phase fertile, et, d’autre part, elles ont adopté une démarche plus atti-rante sexuellement avec des mouvements du bassin plus suggestifs. Ainsi, sans en avoir conscience, les femmes en période d’ovula-tion modifieraient leur démarche de façon à paraître plus attirantes aux yeux des hommes.

Marcheur triste ou épanoui ?

Enfin, l’état émotionnel influe sur notre façon de marcher, ce qui permet à l’en-tourage de « lire » nos émotions. Ainsi, le psychologue Daniel Janssen et ses collègues, de l’Université de Mayence en Allemagne, ont demandé à des étudiants de s’imagi-ner angoissés, tristes, heureux ou d’hu-meur neutre. Leur démarche était filmée par la technique des points lumineux et les séquences ont été projetées à des specta-teurs, qui ont réussi à diagnostiquer chacun de ces états. Puis les psychologues ont suscité ces états émotionnels en diffusant différents

types de musique, relaxante ou énergisante, deux minutes avant d’enregistrer la démarche des sujets exposés à ces extraits. Là encore, les observateurs ont réussi à trouver quel type de musique avait été diffusé aux marcheurs : le détail déterminant serait la fluidité et la vélo-cité dans les rotations des épaules et du bassin au moment des changements de direction (quand on tourne au bout d’un couloir, par exemple) : les émotions positives, suscitées par une musique énergisante, augmentent cette vélocité et cette fluidité, alors que les émotions négatives, telles l’angoisse et la tristesse, ralentissent et rompent l’aspect « coulé » des changements de direction.

Un rien peut modifier la démarche : John Bargh et ses collègues, de l’Université Yale, ont montré que la démarche d’un individu jeune peut être imperceptiblement modi-fiée et « vieillie », à condition de lui faire lire ou écouter des mots évoquant la vieillesse. Dans cette expérience, de jeunes étudiants effectuaient une première tâche consistant à reconstituer des phrases dont les mots étaient placés dans le désordre. Certains participants devaient manipuler des mots évoquant la vieillesse (vieux, seul, dépendant, prudent, grincheux, etc.). Quand ils avaient terminé, on mesurait la vitesse à laquelle ils quittaient le laboratoire et on observait avec soin leur démarche. Ainsi, les individus ayant mani-pulé des mots liés au concept de vieillesse marchaient plus lentement, en adoptant une posture plus courbée… Corps et démarche s’ajustent à l’état d’esprit.

En conséquence, la démarche renseigne sur des aspects fondamentaux de la person-nalité, qui jouent un rôle de premier plan dans la vie sociale : âge, sexe, domi-nance, vulnérabilité, sociabilité, émotions et concepts présents en mémoire. Ce qui suggère que la démarche aurait rempli un rôle de communication instantanée et impli-cite, avant même que le langage n’apparaisse. Comme nos ancêtres devaient prendre leurs précautions en cas de rencontre inopinée, ils devaient repérer ces états ou dispositions d’autrui à distance. Ce qui explique qu’au-jourd’hui encore l’homme est en mesure de poser ces différents « diagnostics ». C’est peut-être ce qui se passait autrefois quand on distinguait un petit point se déplaçant au loin. On avait le temps de se préparer avant de voir le visage de l’individu. S’il avait fallu attendre une telle proximité, il aurait été trop tard pour réagir. n

Bibliographie 

K. Johnson et M. Shiffrar, Perception of the human body in motion : Findings, theory, and practice, Oxford University Press, 2011.K. Sakaguchi et T. Hasegawa, Person perception through gait information and target choice for sexual advances : comparison of likely targets in experiments and real Life, in Journal of Nonverbal Behavior, vol. 30, pp. 63-85, 2006.

2. La démarche   des femmes signalerait leur vulnérabilité, notamment la probabilité qu’elles ont de se faire agresser.

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La main de l’homme présente des caractéristiques qui la rendent très singulière dans le règne animal et qui expliquent en partie le degré d’évolution technique de l’homme

aujourd’hui. La main n’est pas seulement la terminaison du bras, c’est aussi un prolon-gement du cerveau, un outil élaboré capable de construire de merveilleuses choses, de modifier l’environnement, de créer des œuvres qui traversent les siècles.

Index contre annulaire

Malgré cette singularité, les psycholo-gues ont longtemps étudié d’autres aspects morphologiques du corps, délaissant la main. Ce n’est que récemment qu’ils se sont intéressés à certaines caractéristiques des mains. L’un des aspects importants de la recherche menée sous l’impulsion des psychologues évolutionnistes est fondé sur la différence de longueur des doigts.

Le rapport entre la longueur de l’index (deuxième doigt de la main ou 2D) et celle de l’annulaire (quatrième doigt ou 4D) est certainement celui qui a fait l’objet du plus grand nombre de recherches. On le nomme rapport 2D:4D. Pour le calculer, on pose la main à plat sur une surface plane, et on mesure la longueur de la base de la première phalange (à partir du pli avec la paume) jusqu’à l’extrémité du doigt ; et ce, pour l’in-dex et l’annulaire. Il suffit ensuite de diviser la longueur de l’index par celle de l’annu-laire. Ce rapport est également nommé indice de Manning, du nom du chercheur, John Manning, de l’Université de Liverpool en Grande-Bretagne, qui a donné ses lettres de noblesse à ce champ d’études. Car ce rapport fournit divers renseignements.

Pour comprendre les effets qui ont été répertoriés, il faut savoir que les recherches ont montré que la longueur de l’index est

directement influencée par la quantité d’es-trogènes chez le fœtus humain, tandis que la longueur de l’annulaire serait influencée par la testostérone. Outre le niveau d’exposition à l’une et l’autre de ces hormones, on a constaté que l’annulaire renferme davantage de récep-teurs à la testostérone, ce qui suggère que plus ces récepteurs reçoivent des concentrations élevées de testostérone, plus ce doigt se déve-loppe au cours de l’embryogenèse. Ainsi, en raison de cette relation entre l’exposition aux stéroïdes sexuels et la longueur de l’index et de l’annulaire, la recherche sur le rapport 2D:4D ne se résume pas à une lecture des lignes de la main d’une diseuse de bonne aventure !

La longueur de ces deux doigts renseigne-rait sur le degré d’exposition aux hormones sexuelles au stade fœtal, ce qui pourrait expliquer un certain nombre de différences de comportements et de traits de person-nalité. On sait en effet que l’exposition à ces stéroïdes influe sur divers aspects morpho-logiques, par exemple la symétrie du visage, et que les variations de ce degré d’exposition sont aussi liées à des différences comporte-mentales et de personnalité.

Le sexe au bout des doigts

En premier lieu, le rapport 2D:4D permet de déterminer le sexe d’une personne. Hommes et femmes ne sont pas exposés aux mêmes concentrations d’hormones sexuelles, ce qui entraîne des différences dans ce rapport. Les psychologues Johannes Hönekopp et Steven Watson, de l’Univer-sité de Newcastle au Royaume-Uni, ont montré, dans une synthèse des travaux sur les différences entre hommes et femmes, qu’un index plus long que l’annulaire (un rapport 2D:4D supérieur à 1) s’observe chez 50 pour cent des femmes, mais seulement 15 pour cent des hommes. En revanche, près d’un tiers des hommes présente un annu-laire plus long que l’index (le rapport 2D:4D

est inférieur à 1), ce qui n’est le cas que pour 10 pour cent des femmes. En calculant une moyenne statistique du rapport 2D:4D pour les hommes et une pour les femmes, on a montré que les empreintes de mains retrou-vées sur les murs des grottes préhistoriques étudiées par les paléontologues étaient celles de mains d’hommes, mais aussi de femmes.

Outre le sexe, le rapport 2D:4D semble égale-ment être un prédicteur de certaines diffé-rences morphologiques qui dépendent de la

En bref • La longueur de l’annulaire et celle de l’index dépendent

des concentrations de certaines hormones (testostérone et estrogènes) auxquelles le fœtus a été exposé in utero. •Une observation minutieuse des mains livre de nombreuses

informations sur un individu. • Les capacités athlétiques (force physique, niveau d’excellence

dans divers sports tels le football ou l’escrime) sont également reflétées par la longueur relative des doigts.

Page 90: Cerveau & Psycho_la personnalité

Les mains, reflet  de la personnalité

Nicolas Guéguen

est enseignant- chercheur

en psychologie sociale à l’Université

de Bretagne-Sud, et dirige

le Laboratoire d’Ergonomie

des systèmes, traitement

de l’information et comportement (LESTIC), à Vannes.

Vos mains disent-elles quelque chose sur votre personnalité ? Oui, révèle un nombre croissant d’études scientifiques. Et ce n’est pas de la chiromancie.

Les révélateurs de la personnalité©

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  Sur le web

Site Internet consacré au rapport 2D:4D :

http://www. handresearch.com/

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concentration des hormones sexuelles. Ainsi, In Ho Choi et ses collègues, du Département d’urologie de l’Université de Gachon en Corée du Sud, ont montré, auprès d’un échantillon de 144 hommes, qu’un rapport 2D:4D faible serait associé à une plus grande longueur du pénis. D’autres travaux ont montré qu’un rapport plus faible chez des hommes tradui-rait des caractéristiques masculines plus accentuées, un rapport plus élevé étant associé à des caractéristiques féminines plus déve-loppées. Or ces différentes caractéristiques morphologiques dépendent de l’imprégna-tion hormonale à un stade précoce.

Dans le même ordre d’idée, le psychologue allemand Harald Schneider et ses collègues, de l’Institut Max Planck à Munich en Allemagne, ont constaté que des hommes transsexuels présentent un rapport 2D:4D plus élevé (donc plus proche de celui des femmes) qu’un groupe d’hommes non transsexuels. Pour ces chercheurs, une plus forte imprégnation des fœtus masculins par les estrogènes (entraî-nant un accroissement de la longueur de l’index) pourrait expliquer cette observation.

Choisir un métier en fonction de ses mains

Certaines aptitudes cognitives et intellec-tuelles pourraient à leur tour être prédites par le rapport 2D:4D. Dans certains cas, il ne paraît pas absurde de conseiller le choix de tel ou tel métier selon ce rapport, voire de demander une photographie du plat des mains d’un candidat à un entretien d’embauche.

Ainsi, John Coates et ses collègues, de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni, ont calculé les rapports 2D:4D de traders de la City de Londres, pour les confronter à leurs performances mesurées d’après leurs reve-nus, eux-mêmes liés à leurs gains annuels. Les résultats ont révélé qu’en moyenne chez les traders hommes ayant un rapport faible (donc un annulaire bien plus long que l’index), les revenus annuels atteignaient 679 680 livres, contre 173 160 livres pour

les traders ayant un rapport plus élevé (un annulaire très légèrement plus long que l’in-dex), et 61 320 livres pour les traders ayant un rapport proche de 1 (un annulaire de même longueur que l’index).

En outre, les chercheurs ont montré que le premier groupe (rapport le plus faible) gagnait 2,5 fois plus que les derniers (rapport équivalent à 1) quand il s’agissait de jeunes traders, mais 11 fois plus avec les traders les plus expérimentés. Ce qui tend à prouver que non seulement ce rapport est prédictif des performances à l’entrée dans le métier, mais qu’il le demeure et s’accentue avec l’expérience professionnelle.

Les psychologues ont également établi une corrélation entre le temps de pratique en tant que trader et le rapport 2D:4D ; les traders

La longueur de l’annulaire et celle de l’index renseigneraient sur le degré d’exposition aux hormones sexuelles au stade fœtal, ce qui pourrait

expliquer un certain nombre de traits de personnalité.

1. La forme des mains joue un rôle dans la séduction. Les psychologues James Roney et Dario Maestripieri, de l’Université

de Chicago, ont demandé à des femmes, qui venaient d’interagir avec des hommes dans le cadre d’une conversation banale,

d’évaluer ces derniers en termes d’attrait physique et d’attirance pour un éventuel flirt. Le comportement de ces femmes était

étudié afin de repérer celles qui, par leur comportement (postures, gestes…), paraissaient plus ou moins amicales envers

leur partenaire masculin. Les résultats ont révélé que plus le rapport 2D:4D du garçon était faible, plus la jeune femme

le trouvait attirant physiquement, et plus elle se montrait susceptible de flirter avec lui. Ces hommes, plus exposés

à la testostérone au stade fœtal, présenteraient des caractéristiques plus masculines qui attirent les femmes.

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ayant le rapport le plus faible sont également ceux qui restent traders le plus longtemps… Selon les auteurs, l’exposition précoce à la testostérone au stade fœtal (qui tend à allon-ger l’annulaire) expliquerait ces différences de performances. Un surcroît d’agressivité et de combativité représenterait un avantage dans ce métier où règne la compétition. Toutefois, les travaux ne précisent pas s’il existe ou non une relation entre le rapport 2D:4D et l’éthique professionnelle dans ce milieu, ni si la plus grande fraude de l’histoire commise par Bernard Maddoff pouvait être prédite par ce rapport digital.

La longueur des doigts prédit l’agressivité

La prise de risques, certainement utile aux traders, serait également liée au rapport des longueurs de l’index et de l’annulaire. Ainsi, le psychologue Andreas Schwerdtfeger et ses collègues, de l’Université de Mayence en Allemagne, ont constaté, chez des conduc-teurs masculins, qu’un faible rapport 2D:4D (l’annulaire plus long que l’index) coïncide avec un grand nombre de points perdus sur le permis. Là encore, d’après les chercheurs, l’exposition précoce à la testostérone serait un déterminant de ces effets sur la conduite automobile. Les hommes qui ont été expo-sés in utero à la testostérone auraient une

conduite plus impulsive et plus agressive, ce qui expliquerait la perte d’un plus grand nombre de points. Cet effet de l’agressivité est d’ailleurs confirmé par une étude de Zeynep Benderlioglu et Randy Nelson, de l’Université de l’Ohio, qui ont observé que des individus aux rapports 2D:4D réduits tiennent des propos plus agressifs envers des expérimentateurs qui les avaient préa-lablement rudoyés.

Le rapport 2D:4D a été également mis en relation avec d’autres données biolo-giques associées aux concentrations d’hor-mones prénatales. C’est le cas de certaines pathologies : J. Manning et son collègue Peter Bundred, de l’Université de Liverpool en Grande-Bretagne, ont observé que des hommes avec un rapport 2D:4D élevé (un index supérieur ou égal à l’annulaire) présentent des risques précoces d’infarctus tandis que chez ceux ayant un rapport plus faible, les attaques cardiaques se produisent en moyenne plus tard. Un long annulaire reflète de fortes concentrations de testostérone in utero, et cette hormone protégerait contre les risques de maladie cardiaque. Il pourrait donc être conseillé, en raison de la commodité de cette mesure, de repérer les individus présen-tant un rapport 2D:4D élevé et de renforcer la prévention de ces risques cardiaques : alimentation équilibrée, exercice physique, absence de consommation de tabac…

Compensation d’un risque cardio-vascu-laire élevé : les hommes à l’annulaire court ont moins de risques de développer un cancer de la prostate. Mais selon les travaux du psychologue allemand Bernhard Fink, de l’Université de Göttingen, ils sont plus vulnérables à la consommation d’alcool…

Certaines fonctions cognitives essen-tielles sont également liées au rapport 2D:4D. J. Manning et son collègue Rogan Taylor, de l’Université de Liverpool, ont montré que les plus faibles rapports 2D:4D sont associés à des performances accrues dans des tâches de visualisation spatiale. Selon ces chercheurs, un tel lien résulte encore une fois de l’action de la testostérone chez le fœtus ; celle-ci favorise la croissance de l’hémisphère droit du cerveau, impliqué dans le traitement visuo-spatial.

Et le petit doigt ?

Le psychologue Devasis Ghosh, de l’Hôpital Furness à Barrow, au Royaume-Uni, a étudié le rapport des longueurs de l’annulaire et de l’auriculaire, afin de le mettre en relation avec certains traits de personnalité. Il a ainsi observé qu’une dimension de la personnalité nommée névrosisme (qui regroupe une vulnérabilité au stress, aux émotions négatives, à l’anxiété et à la dépression) est plus élevée chez les personnes dont l’extrémité de l’auriculaire ne dépasse pas la base de la phalange supérieure de l’annulaire…

2. Impulsif, amateur de risques, introverti, timide ? Homme, femme ? Certaines réponses à ces questions se lisent dans les longueurs comparées de l’index et de l’annulaire.

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  Bibliographie

J. T. Manning, The finger ratio,

Faber & Faber, 2008.H. J. Schneider 

et al., Typical female 2nd-4th finger length

(2D:4D) ratios in male-to-female

transsexuals-possible implications for prenatal

androgen exposure, in Psycho-neuroen-

docrinology, vol. 31, pp. 265-269, 2006.Z. Benderlioglu et al., Digit length

ratios predict reactive aggression in women,

but not in men, in Hormones

and Behavior, vol. 46, pp. 558-564, 2004.

Pour d’autres compétences qui dépendent plutôt de l’exposition aux estrogènes, le lien entre le rapport 2D:4D et les performances cognitives s’observe aussi : ainsi, Mary Pulin et ses collègues, de l’Université Mary Baldwin à Staunton en Virginie, ont montré que les femmes présentant un rapport 2D:4D élevé (exposées à de fortes concentrations d’estro-gènes in utero) ont aussi des performances plus élevées lors de tâches de rappel d’infor-mations imagées. Or des concentrations élevées d’estrogènes au stade fœtal favo-risent, par la suite, de telles performances.

Motivé au travail, impulsif et dominant

D’autres aptitudes étonnantes semblent s’exprimer à travers le rapport 2D:4D. Par exemple, Vanessa Sluming, de l’Université de Liverpool, a montré que des musiciens de haut niveau d’un orchestre sympho-nique présentent, comparativement à un groupe contrôle de non-musiciens, des rapports 2D:4D plus faibles. Or la compétence musicale exige à la fois des qualités cogni-tives et une motivation forte pour le travail, ce qui serait l’apanage des individus qui ont été fortement exposés à la testostérone.

Les qualités athlétiques et sportives dépendent beaucoup du développement embryonnaire et de l’influence des hormones, au premier rang desquelles la testostérone. À ce titre, le psychologue Rie Tamiya et ses collègues, de l’Université d’Osaka au Japon, ont calculé le rapport 2D:4D de lutteurs de sumo japonais. Pour chaque lutteur, la proportion de victoires et le classement ont été également mesurés. Les résultats ont montré qu’un rapport 2D:4D faible est asso-cié à un rang plus élevé et à une proportion plus importante de victoires. L’interprétation est quasi directe : la testostérone, qui favorise le développement du système cardio-vascu-laire, la vitesse de réaction, l’agressivité et la dominance serait favorable aux sports de combat qui exigent ces qualités.

Cet effet du rapport 2D:4D a été mis en évidence pour de multiples sports récla-mant aptitudes physiques et puissance ; c’est le cas du rugby, mais aussi des sports plus techniques tels que l’escrime, le surf… ou d’autres réclamant des aptitudes de souplesse, par exemple la gymnastique ou le ski. Statistiquement, le rapport 2D:4D des joueurs de football professionnels apparaît plus faible

que dans un échantillon de la population générale. Les mêmes études ont révélé que les joueurs internationaux ont des rapports 2D:4D plus faibles que les joueurs de division inter-médiaire, et que les grands champions, tels Zidane ou Maradona, ont des rapports 2D:4D parmi les plus faibles mesurés…

Mains de sportifs

Ces effets seraient en grande partie dus aux qualités musculaires (force, vitesse de contraction) favorisées par la testosté-rone… ; ainsi, d’autres études ont mis en évidence que les individus ayant les plus faibles rapports 2D:4D obtiennent les perfor-mances les plus élevées dans des épreuves de mesure de la puissance musculaire, qu’il s’agisse de pression de la main, de puissance du bras ou de la jambe…

Les mains sont donc une vitrine du tempérament, à condition de savoir obser-ver les caractéristiques qui comptent. Actuellement, la plupart des travaux scien-tifiques insistent sur le rapport entre les longueurs de l’index et de l’annulaire. Celui-ci permet d’obtenir des informations sur le caractère plutôt agressif, enclin à la prise de risques, les capacités de repérage spatial ou les qualités sportives.

Mais d’autres doigts, notamment l’auri-culaire, font l’objet de premiers travaux (voir l’encadré page ci-contre) et révèlent des liens avec la stabilité émotionnelle. Plus les études seront nombreuses à confirmer ces corrélations, plus cette nouvelle approche sera prise au sérieux. n

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3. Les grands footballeurs, 

par exemple Zidane et Maradona,

ont un rapport 2D:4D particulièrement faible.

Page 94: Cerveau & Psycho_la personnalité

François Sellal

dirige le Servicede neurologieà l’Hôpital Pasteurde Colmar.

Art et neurosciences

Un pape intriguantEntre 1545 et 1546, Le Titien peint le pape Paul iii

avec ses neveux : la personnalité de chaque protagoniste transparaît dans son expression et sa posture.

Tiziano Vecellio (né vers 1488, décédé en 1576), connu en France sous le nom du Titien, était un portraitiste italien si remarquable que Charles Quint, archiduc d’Au-

triche et prince des Espagnes qu’il a souvent représenté avec majesté, l’avait élevé à la dignité de comte palatin et de chevalier de l’Éperon d’or. Le pape Paul III, issu de la famille Farnèse, avait beaucoup insisté pour que Le Titien, pourtant déjà âgé de 55 ans et peu enclin à quitter Venise, vienne à Rome pour peindre son portrait. Ce fut pour Le Titien l’occasion de découvrir la Ville Éternelle.

Il représente ici le pape et deux de ses petits-fils, Alexandre et Octave, situation étonnante, car elle témoigne que cet homme d’Église avait eu une concubine, qui lui donna trois fils et une fille. Nepos (à l’origine des mots neveu et népotisme) désignant en latin à la fois le petit-fils et le neveu, on comprend mieux pourquoi ce tableau est resté connu sous le titre de Paul III avec ses neveux. Il est frap-pant de voir comment un spectateur profane, ignorant les personnalités des trois acteurs du tableau, en devine aisément la nature.

Paul III donne à première vue l’image d’un souverain pontife fatigué et débon-

naire (il a 77 ans). Le visage est discrètement émacié, la barbe négligée ; il est assis, le dos voûté, alors que ses petits-fils, dans la force de l’âge, se tiennent debout. À cette époque, le pape accumulait le poids des ans, mais aussi des préoccupations, car les protestants allemands contestaient son autorité et qu’il peinait à convoquer le concile de Trente pour organiser la Contre-Réforme.

Un esprit vif et intelligent

Pourtant, le discret sourire lancé à Octave (à droite) et le regard pétillant en coin suggèrent une intelligence vive, un esprit malicieux, voire calculateur, et une emprise sur autrui. Et les faits confirment qu’il était fin négociateur : Paul III avait réussi à faire venir le très casanier Titien, malgré les dangers du voyage, en promettant une abbaye pros-père à son fils… promesse qu’il ne tint pas. Il était aussi en train d’utiliser Octave dans des arrangements maritaux, pour obtenir des alliances avec Charles Quint et François Ier, afin de contrer les protestants. Or le pape, une fois ses projets réalisés, ne rétribua jamais Le Titien, et ne donna pas à Octave les duchés de Plaisance et de Parme qu’il lui avait promis.

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© L’Essentiel n° 16 / novembre 2013 - janvier 2014  93

Alexandre, qui se tient à gauche, donne l’image de quelqu’un de distingué, mis en valeur par la tenture : son port est altier, sa tenue soignée, la barbe bien taillée. C’est le seul à regarder, de façon discrète et faus-sement absente, vers nous, donc vers le peintre. Est-ce le signe d’une certaine conni-vence ? Certains y ont vu une allusion au fait que c’est lui qui a effectué les tractations pour faire venir Le Titien à Rome. Sous des aspects posés et sérieux, on sent cependant l’ambition de l’homme, dont témoigne sa proximité physique avec le pape Paul III, sa façon de le dominer par sa position et sa main droite tenant le dossier du siège pontifical. Alexandre participera en effet à sept conclaves avec le vain espoir d’être élu pape. Quant à Octave, il donne une tout

autre impression, tant par sa posture, assez guindée, que par son visage. Normalement, toute personne saluant le pape doit faire trois révérences avant de lui baiser le pied, que l’on voit dépasser de sa robe. Mais le mouvement semble inachevé, comme s’il en coûtait à Octave et qu’il se sentait mal à l’aise. Son visage, peu expressif, voire triste, semble porter un masque. Aurait-il quelques projets fâcheux à dissimuler ? En effet, l’in-trigant s’apprête à sceller une alliance secrète avec Charles Quint – son beau-père – et le pape, contre son père, Pierre Louis Farnèse ; alliance qui échouera.

Dans ce tableau, Le Titien illustre qu’une image peut remplacer de longs discours : le visage et le corps des protagonistes trahissent leurs personnalités. n

  Bibliographie

Rose-Marie et Rainer Hagen,

Les dessous des chefs-d’œuvre,

vol 1 ; pp. 248-253, Taschen, 2005.

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Tout à fait vrai

Plutôt vrai

Plutôt faux

Tout à fait faux

1. J’aime faire des activités variées et nouvelles. 4 3 2 1

2. J’aide les autres quand ils ont besoin de moi. 4 3 2 1

3. Je suis fidèle aux engagements que je prends. 4 3 2 1

4. Je m’inquiète et m’angoisse très facilement, même pour des choses sans importance. 4 3 2 1

5. J’aime plaisanter et m’amuser avec les autres. 4 3 2 1

6. Je me cultive en lisant et en regardant des émissions scientifiques ou culturelles à la télévision. 4 3 2 1

7. J’aime faire plaisir à ma famille et mes amis. 4 3 2 1

8. J’ai beaucoup d’imagination. 4 3 2 1

9. Je m’investis beaucoup dans tout ce que j’entreprends. 4 3 2 1

10. Je me vexe souvent. 4 3 2 1

11. J’aime me tenir informé(e) et savoir ce qui se passe dans le monde. 4 3 2 1

12. Je suis poli(e) et respectueux(se) quand je parle aux autres. 4 3 2 1

13. Je travaille dur jusqu’à ce que j’obtienne ce que je souhaite. 4 3 2 1

14. Je me dispute facilement avec les autres pour des choses sans importance. 4 3 2 1

15. Je suis très sociable et me fais facilement des amis. 4 3 2 1

16. Je suis souvent de mauvaise humeur. 4 3 2 1

17. J’aimerais beaucoup voyager et découvrir les coutumes et les habitudes de vie des autres pays. 4 3 2 1

18. Je pense que la plupart des personnes sont honnêtes et gentilles. 4 3 2 1

19. Je suis respectueux(se) des règles et des interdits. 4 3 2 1

20. Je dis aux autres ce que je pense. 4 3 2 1

21. Je fais les choses avec soin et vérifie que mon travail est bien fait. 4 3 2 1

22. Je me sens triste. 4 3 2 1

23. Je partage mes affaires avec mes amis. 4 3 2 1

24. Je parle facilement, même avec des inconnus. 4 3 2 1

25. J’aime connaître et apprendre des choses nouvelles. 4 3 2 1

Test de personnalité

Quelle est votre personnalité ?

Grégory Michel, Université de Bordeaux

C e questionnaire permet d’évaluer certains aspects de votre personnalité. Il est dérivé du modèle des

Big Five et du test NEO PI R de Paul Costa et de Robert McCrae, du NIh (Institut américain de la santé). Ce questionnaire mesure les cinq dimensions fondamen-tales de la personnalité : l’extraversion (la tendance à l’extériorisation et à l’action), l’agréabilité (la bienveil-lance et le besoin d’aider les autres), le névrosisme (l’instabilité émotionnelle et les émotions négatives), la conscience (le besoin de réussite et l’implication

au travail) et l’ouverture (aux expériences nouvelles). Il s’applique aussi bien à l’enfant (de plus de six ans) qu’à l’adulte. Votre personnalité, c’est-à-dire les com-portements et les attitudes qui vous caractérisent, se construit dès l’enfance et se forge tout au long de la vie. Elle est le fruit des interactions de facteurs biologiques (ce que vous avez hérité de vos parents) avec votre environnement social et culturel (votre éducation, vos amis, vos lectures…), et vos expériences personnelles. Ce test peut éclairer votre façon d’être et d’agir.

Pour chacune des affirmations suivantes, choisissez la réponse qui vous ressemble le plus et reportez-vous à la page 96.

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Test de personnalité

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Imprimé en France – Roto AIsne– Dépôt légal novembre 2013 – N° d’édition 076916-01 – Commission paritaire : 0713 K 83412 –Distribution NMPP – ISSN 2115-7197 – N° d’imprimeur 13/10/0012 – Directrice de la publication et Gérante : Sylvie Marcé

Extraversion Faites la somme de vos points aux items 1, 5, 15, 20 et 24.

Cette dimension correspond à un engagement im-portant dans la vie sociale.

Plus votre score est faible, plus vous êtes introverti(e) et peu expansif(ve). Vous avez tendance à être calme, modéré(e) et peu impliqué(e) dans la vie des autres. Le plus souvent, vous préférez être seul(e).

Si votre score est élevé, vous êtes plein d’énergie et éprouvez, le plus souvent, des émotions positives. Vous avez tendance à être enthousiaste et actif(ve). Vous êtes très à l’aise en groupe et attirez l’attention sur vous.

AgréabilitéFaites la somme de vos points aux items 2, 7, 12, 18 et 23.

Cette dimension reflète la recherche de l’harmonie et du consensus dans les relations avec autrui.

Si votre score est faible, vous avez tendance à douter des intentions d’autrui. Vous préférez entrer en com-pétition plutôt que de coopérer, et défendez davantage vos intérêts que ceux du groupe.

Plus votre score est élevé, plus vous êtes prévenant(e), amical(e), serviable et disposé(e) à trouver un terrain d’entente en cas de conflit. Sensible, vous êtes digne de confiance et foncièrement altruiste.

ConscienceFaites la somme de vos points aux items 3, 9, 13, 19 et 21.

Cette dimension concerne la façon dont on gère ses pulsions. Elle prend en compte l’autodiscipline et l’ordre.

Si votre score est faible, vous éprouvez beaucoup de plaisir à pratiquer des activités de courte durée, et avez des difficultés à rester concentré(e) sur vos objectifs.

Impulsif(ve), vous êtes perçu(e) comme une personne amusante en société.

Si votre score est élevé, vous savez éviter les diffi-cultés et atteignez facilement vos objectifs grâce à vos capacités d’anticipation et d’organisation, et votre volonté de réussir. Vous êtes une personne prudente, fiable, réfléchie et déterminée.

NévrosismeFaites la somme de vos points aux items 4, 10, 14, 16 et 22.

Cette dimension reflète les sentiments négatifs et la stabilité émotionnelle.

Plus votre score est faible, plus vous êtes émotion-nellement stable. Vous êtes en général calme, d’hu-meur égale et détendu(e). Vous affrontez les situations stressantes sans vous déstabiliser, avec confiance.

Si votre score est élevé, vous éprouvez souvent de l’anxiété, de la colère ou de la peur. Vous êtes très réactif(ve) sur le plan émotionnel. Vous avez tendance à interpréter des situations ordinaires comme menaçantes et des événements mineurs comme insurmontables.

OuvertureFaites la somme de vos points aux items 6, 8, 11, 17 et 25.

Cette dimension caractérise votre propension à l’ima-gination et à la créativité.

Si votre score est faible, vous avez peu de centres d’inté-rêts et privilégiez les aspects pratiques. Vous préférez tout ce qui a déjà fait ses preuves, plutôt que la nouveauté.

Plus votre score est élevé, plus vous êtes curieux(se), appréciez l’art et les activités non conventionnelles. Vous écoutez vos sentiments et avez tendance à penser et à agir de façon personnelle, voire non conformiste (vous êtes indépendant(e) dans vos jugements).

Pour évaluer chacune des dimensions de votre personnalité, faites le total des points obtenus aux questions correspondantes. Le score maximal par dimension est égal à 20.

Grégory Michel est psychologue clinicien, psychothérapeute et professeur de psychopathologie. Il dirige le Laboratoire de Psychologie, santé et qualité de vie, à l’Université de Bordeaux.

Page 99: Cerveau & Psycho_la personnalité

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