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__________________________________ Copyright © 2002 - École des Hautes Études Commerciales (HEC), Montréal. Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit est interdite. Les textes publiés dans la série des cahiers de recherche de la Maclean Hunter Chair of Entrepreneurship n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs Cette communication a été présentée lors du 18 e Colloque annuel de l’Association de science régionale de langue française (ASRLF) qui s’est tenu à Trois-Rivières du 21-23 août 2002. Cette recherche a été possible grâce à une subvention reçue du CRSH (Conseil de recherches en sciences humaines du Canada). Merci à James A. Brander, adjoint au doyen, Faculté de commerce et d’administration de l’Université de Colombie-Britannique à Vancouver qui assume la gestion financière de ce projet. Entrepreneuriat ethnique et développement local - Comparaisons des contributions des entrepreneurs ethniques au Canada : les Chinois, les Italiens, les Indiens/Sikhs par Charles Ramangalahy, Teresa V. Menzies, Louis Jacques Filion, Gabrielle A. Brenner, Dicarmel Michel Cahier de recherche 2002-08 Août 2002 ISSN: 0840-853X

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__________________________________ Copyright © 2002 - École des Hautes Études Commerciales (HEC), Montréal. Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit est interdite. Les textes publiés dans la série des cahiers de recherche de la Maclean Hunter Chair of Entrepreneurship n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs

Cette communication a été présentée lors du 18e Colloque annuel de l’Association de science régionale de langue française (ASRLF) qui s’est tenu à Trois-Rivières du 21-23 août 2002. Cette recherche a été possible grâce à une subvention reçue du CRSH (Conseil de recherches en sciences humaines du Canada). Merci à James A. Brander, adjoint au doyen, Faculté de commerce et d’administration de l’Université de Colombie-Britannique à Vancouver qui assume la gestion financière de ce projet.

Entrepreneuriat ethnique et développement local - Comparaisons des contributions des entrepreneurs ethniques au Canada : les Chinois, les Italiens, les Indiens/Sikhs par Charles Ramangalahy, Teresa V. Menzies, Louis Jacques Filion, Gabrielle A. Brenner, Dicarmel Michel Cahier de recherche 2002-08 Août 2002 ISSN: 0840-853X

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ENTREPRENEURIAT ETHNIQUE ET DÉVELOPPEMENT LOCAL : COMPARAISONS DES CONTRIBUTIONS DES ENTREPRENEURS ETHNIQUES AU

CANADA : LES CHINOIS, LES ITALIENS, LES INDIENS/SIKHS

Charles Ramangalahy, Université de Montréal, Pavillon Lionel Groulx, 3150 Jean-Brillant, bureau C-2048, Montréal, Québec, Canada, H3C 3J7. Tél.: (514) 340-6071; fax.: (514) 343-5753; courriel : [email protected] Teresa V. Menzies, Faculty of Business, Brock University, St Catherines, Ontario, Canada L2S 3A1. Tél.: (905) 688-5550, poste 4118; fax.: (905) 984-4188; courriel: [email protected] Louis Jacques Filion, HEC, 3000 chemin de la Côte Sainte-Catherine, Montréal, Québec, Canada, H3T 2A7. Tél.: (514) 340-6339; fax. : (514 ) 340-6382; courriel : [email protected] Gabrielle A. Brenner, HEC, 3000 Chemin de la Côte Sainte-Catherine, Montréal, Québec, Canada, H3T 2A7. Tél.: (514) 340-6456, fax: (514) 340-6382; courriel : [email protected] Dicarmel Michel, HEC, 3000 Chemin de la Côte Sainte-Catherine, Montréal, Québec, Canada, H3T 2A7. Tél.: (514) 340-6380; fax: (514) 340-6382; courriel: [email protected]

RÉSUMÉ

La contribution de l’entrepreneuriat ethnique au développement local représente un sujet qui a généré peu de recherches. Cette communication aborde cette problématique. Elle présente les différences entre les entrepreneurs et les non-entrepreneurs et tente d’évaluer leurs contributions au développement de leurs milieux. Cette étude rapporte les résultats partiels d’un programme de recherche pan-canadien. Les données d’une enquête menée auprès de 422 entrepreneurs et de 426 non-entrepreneurs chinois, italiens et indiens/sikhs dans les villes de Montréal, Toronto et Vancouver montrent que le départ en affaires est associé aux caractéristiques socio-démographiques des répondants. Les résultats tendent à confirmer globalement que les entrepreneurs se distinguent des non-entrepreneurs et que les entrepreneurs contribuent davantage au développement de leurs milieux respectifs.

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ENTREPRENEURIAT ETHNIQUE ET DÉVELOPPEMENT LOCAL : COMPARAISONS DES CONTRIBUTIONS DES ENTREPRENEURS ETHNIQUES AU

CANADA : LES CHINOIS, LES ITALIENS, LES INDIENS/SIKHS Charles Ramangalahy, Université de Montréal, Pavillon Lionel Groulx, 3150 Jean-Brillant, bureau C-2048, Montréal, Québec, Canada, H3C 3J7. Tél.: (514) 340-6071; fax.: (514) 343-5753; courriel : [email protected] Teresa V. Menzies, Faculty of Business, Brock University, St Catherines, Ontario, Canada L2S 3A1. Tél.: (905) 688-5550, poste 4118; fax.: (905) 984-4188; courriel: [email protected] Louis Jacques Filion, HEC, 3000 chemin de la Côte Sainte-Catherine, Montréal, Québec, Canada, H3T 2A7. Tél.: (514) 340-6339; fax. : (514 ) 340-6382; courriel : [email protected] Gabrielle A. Brenner, HEC, 3000 Chemin de la Côte Sainte-Catherine, Montréal, Québec, Canada, H3T 2A7. Tél.: (514) 340-6456, fax: (514) 340-6382; courriel : [email protected] Dicarmel Michel, HEC, 3000 Chemin de la Côte Sainte-Catherine, Montréal, Québec, Canada, H3T 2A7. Tél.: (514) 340-6380; fax: (514) 340-6382; courriel: [email protected]

INTRODUCTION Compte tenu de son importance socio-économique, l’entrepreneuriat ethnique est un sujet qui ne cesse de susciter l’intérêt. Nous connaissons peu son impact sur le développement local. Les recherches réalisées sur l’entrepreneuriat ethnique nous permettent de mieux connaître les facteurs susceptibles d’influencer la décision d’un immigrant de devenir entrepreneur, les problèmes rencontrés lors de la création puis de la gestion de la nouvelle entreprise ainsi que la contribution socio-économique de l’entrepreneuriat ethnique. Cet article traite des caractéristiques et contributions des entrepreneurs ethniques et suggère quelques réflexions sur l’impact de leurs activités sur le développement local. Un regard sur une société d’accueil permet de constater l’existence dans chaque groupe ethnique d’une catégorie d’immigrants qui optent pour devenir entrepreneurs tandis que d’autres optent pour des tâches de salariés. Dans le but de faire plus de lumière sur cette question, nous allons porter notre attention dans cette étude sur les caractéristiques personnelles et socio-démographiques qui distinguent les entrepreneurs et les non-entrepreneurs à partir de trois groupes ethniques différents évoluant dans les trois plus grandes villes du Canada : Montréal, Toronto, Vancouver. Dans un deuxième temps, il sera également question pour nous de tenter de cerner les caractéristiques de leur contribution au développement local.

Cet article s’inscrit dans la continuité de nos publications antérieures reliées à la problématique de l’entrepreneuriat ethnique : Brenner, Menzies, Ramangalahy, Amit et Filion (2000), Brenner, Menzies, Ramangalahy, Filion, Amit (2000a et b), Brenner, Ramangalahy, Filion, Menzies et Amit (2000a, b, c), Filion, Brenner, Menzies et Ramangalahy (2001), Filion, Menzies, Ramangalahy et Brenner (2002), Filion, Ramangalahy, Brenner et Menzies (2001), Menzies, Brenner, Filion (2002), Menzies, Brenner, Filion, Lowry, Perreault et Ramangalahy (2000), Menzies, Ramangalahy, Filion et Brenner (2001a et b), Ramangalahy, Brenner, Menzies, Filion

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(2001), Ramangalahy, Filion, Brenner, Menzies (2001 a et b), Ramangalahy, Filion, Menzies, Brenner, Cimper (2002). 1. Examen de la documentation pertinente 1. 1 Théories explicatives de l’entrepreneuriat ethnique. Il nous faut d’abord mentionner le nombre fort limité de recherches sur la contribution des entreprises ethniques au développement local. Toutefois, pour situer le lecteur quant à l’entrepreneuriat ethnique, nous présentons brièvement quelques théories de base parmi les plus pertinentes qui tentent d’expliquer les raisons qui poussent les immigrants ou leurs descendants à créer des entreprises : la théorie de la discrimination, la théorie des désavantages, la théorie culturelle, la théorie des ressources ethniques et la théorie structuraliste1. Les théories de la discrimination et des désavantages s’articulent autour de l’idée de marginalité sociale. À ce titre, ces auteurs soutiennent qu’à leur arrivée, les immigrants sont exclus des emplois avantageux et répondant à leurs aspirations (Bonacich, 1973). Ils sont forcés de gagner leur vie dans des conditions de travail souvent marginales. Kim et Locke (1980) abondent aussi dans ce sens en affirmant que l’absence de certains groupes ethniques dans des emplois privilégiés et bien rémunérés les poussent à devenir, au fil du temps, entrepreneurs dans des secteurs agricoles et commerciaux. En ce qui a trait à la théorie des désavantages, nous pouvons citer Light (1985) qui présente les désavantages tels que la pauvreté, le chômage, le sous-emploi et la discrimination sur le marché du travail comme des contraintes qui conduisent plusieurs immigrants à se tourner vers l’entrepreneuriat. D’autres auteurs, tel Evans (1984, 1987), considèrent plutôt les désavantages reliés à la langue, au manque d’éducation et d’emploi comme des facteurs décisifs et explicatifs de l’entrepreneuriat ethnique. Portes et Bach (1985) mettent aussi l’accent sur la langue pour expliquer la décision de l’immigrant de se lancer en affaires. Plusieurs acteurs abordent les désavantages en ajoutant la motivation comme facteur important de l’entrepreneuriat ethnique. Cronin (1981), cité par Toulouse et Brenner (1990), croit que la recherche du prestige est un élément motivateur qui pousse au fait de devenir entrepreneur. Les immigrants, victimes de situations discriminatoires dans la société d’accueil et de désavantages dus à un manque de maîtrise de la langue, à un bas niveau d’éducation et autres facteurs n’ont pas d’autres choix que d’accepter des postes en marge de leurs qualifications ne répondant pas à leurs aspirations. Pour en échapper, l’entrepreneuriat ethnique constitue une des voies vers une meilleure valorisation sociale. Selon les tenants de la théorie culturelle, les modes de sociabilité et d’organisation conduisent les immigrants à opter pour la création d’entreprises comme moyen d’insertion. En fait, c’est une théorie qui concerne la notion de «Class ressources», c’est-à-dire les moyens de production, la richesse individuelle, l’éducation et l’expérience. Ces éléments présentent peu de liens avec l’identité ethnique mais sont pertinents pour expliquer l’activité entrepreneuriale et le succès en affaires. Les ressources ethniques comprennent les facteurs culturels tels le sentiment de satisfaction, la solidarité, les valeurs ethniques, les liens intraethniques, les formes d’identités collectives parfois organisées autour d’institutions ethniques. Certains auteurs ont observé que les caractéristiques culturelles de certains groupes ethniques (capital social) stimulent des styles individuels d’expression entrepreneuriale alors que d’autres favorisent des styles collectifs. Une 1 Le lecteur intéressé par le sujet trouvera une discussion plus substantielle sur la documentation relative à l’entrepreneuriat ethnique dans Menzies, Brenner, Filion, Lowry, Perreault et Ramangalahy (2000).

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illustration de cette thèse est fournie entre autres par les travaux de Sowell (1978) qui compare l’influence de valeurs différentes chez les Noirs et chez les immigrés juifs, irlandais et asiatiques lors de leur insertion dans la société américaine. En réaction à cette théorie, certains auteurs (Célas, 1991) avancent qu’aucun groupe ethnique ne possède une culture qui facilite la création et le succès d’entreprises. De plus, ils reprochent aux théoriciens de cette approche l’absence d’analyses économiques de l’environnement dans lequel évolue l’immigrant. Certains mettent plutôt l’emphase sur les ressources ethniques qui fournissent ou facilitent l’accès aux ressources nécessaires à la création d’entreprises. En fait, devant réunir des ressources dont ils ne disposent pas en quantité suffisante, ceux-ci doivent recourir aux réseaux qui leur sont plus facilement accessibles, soit ceux formés par leurs compatriotes. De plus, les immigrants misent aussi sur les ressources léguées par leur famille ainsi que sur les valeurs partagées par les membres de leur communauté. En ce sens, Waldinger (1984, 1985) signale que les groupes ethniques qui maintiennent des liens intra-ethniques très étroits et de bons réseaux d’informations ont beaucoup d’avantages sur ceux qui se réfèrent seulement aux ressources culturelles.

D’autres auteurs soutiennent de préférence la théorie structuraliste et citent par exemple la politique gouvernementale qui favorise l’accès aux sources de financement. Du nombre de ceux qui appuient cette théorie, nous pouvons citer Marger (1989) de même que Waldinger, Aldrich et al. (1990). D’autres auteurs ont soulevé l’influence de la structure industrielle de la société d’accueil. Cette théorie suppose l’existence de niches que les immigrants peuvent identifier et exploiter mieux que les nationaux. Cette thèse a été surtout développée par Waldinger, Aldrich et al. (1990) de même que par Morokvasic, Phizacklea et al. (1986). Des recherches ont aussi montré que la thèse de la société traditionnelle mettant en exergue la dynamique des relations entre la communauté d’accueil et celle de la communauté immigrante est susceptible de porter les immigrants vers l’expression entrepreneuriale. Dans certaines de ces sociétés, le commerce n’est pas une activité valorisée en vertu des valeurs traditionnelles. Les activités commerciales y sont exercées par des étrangers qui eux n’adhèrent pas aux valeurs culturelles de cette société. Ces secteurs d’activité sont alors occupés par des étrangers. À ce sujet, Toulouse et Brenner (1992) ont apporté un éclairage en reprenant un exemple de Loewen (1991) puisé dans la vallée du Mississipi où des familles chinoises opèrent des épiceries au service de la communauté noire. En effet, selon cet auteur, ce phénomène résulte des rapports de tensions existant entre les noirs et les blancs. Les Noirs ne peuvent pas établir une épicerie dans ces milieux parce qu’ils n’ont pas accès aux ressources et les Blancs ne peuvent pas non plus exploiter des épiceries parce que cette pratique serait réprimée par les Noirs. Parmi les théories ci-dessus, celles des désavantages et des discriminations sont particulièrement intéressantes pour expliquer la création d’entreprises par les immigrants car elles tiennent compte des particularités personnelles des immigrants pour expliquer leur démarche entrepreneuriale. 1.2 : Entrepreneuriat ethnique et développement local Il nous faut souligner d’une part que les spécialistes en développement local n’ont pas évalué les contributions des entreprises ethniques au développement local (Benko, 1998; Carvalho, 1997; Chevalier, 1999; Joyal, 2002; Julien, 1997; Prévost, 1993, 2001a et b; Proulx, 1994, 2001). D’autre part, il faut mentionner la quasi absence de recherches sur l’entrepreneuriat ethnique qui ont abordé la dimension de l’impact sur le développement local. Les quelques recherches sur le sujet sont relativement marginales. Elles ont été réalisées aux États-Unis et leurs données

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demeurent fragmentaires. Nous allons néanmoins nous inspirer de ces quelques études pour réfléchir à l’impact économique des entreprises ethniques sur le développement local. Ehrenhalt (1993) souligne que l’immigration constitue une force potentielle importante qui contribue au renforcement de l’économie grâce à l’arrivée d’immigrants plus jeunes, plus innovateurs et plus entrepreneuriaux. Parmi les auteurs qui se sont penchés sur l’impact économique de l’entrepreneuriat ethnique, Waldinger (1986) soutient que la revitalisation des petites et moyennes entreprises aux États-Unis est la résultante d’une forte représentation des entreprises ethniques. Les études de Lachman et Brett (1996) s’inscrivent dans le même ordre d’idées et attribuent la renaissance du commerce dans certaines régions périphériques et dans plusieurs petites villes des États–Unis à la présence des immigrants entrepreneurs. Quant à Mandell et Farell (1992), ils font état de l’apport des entreprises ethniques dans l’accroissement des exportations que les auteurs expliquent en raison de l’intérêt pour la globalisation et les contacts internationaux. Reeves et Ward (1984) dégagent l’importance des enclaves en faisant ressortir que les entrepreneurs immigrants antillais aux États-Unis ont beaucoup plus de succès que ceux de la Grande-Bretagne parce qu’on compte plus de villes américaines où les enclaves se structurent rapidement. C’est le cas de New York, Miami, Los Angeles et San-Francisco. Selon Célas (1991) à Miami, à la petite Havane, dans un espace de neuf kilomètres carrés, naguère quasi désertique, on a recensé, au début des années 1980, 97 restaurants ou cafés, 81 magasins d’alimentation et supermarchés, 49 stations d’essence, 48 commerces de vêtement, 46 salons de coiffure et instituts de beauté. En Allemagne, Blaschke et Ersoz (1986) observent que Kreuzberg, un quartier d’immigrants turcs, est le centre d’un grand réseau d’entreprises turques à Berlin Ouest. Au Canada, une étude économique de Head et Ries (1998) rapporte que les immigrants entrepreneurs ont accru les exportations vers leur pays d’origine à un rythme dix fois plus élevé par rapport à la moyenne des exportateurs canadiens entre 1980 à 1992. Les auteurs expliquent ce dynamisme économique par le fait que les immigrants ont non seulement une meilleure connaissance mais aussi une plus grande facilité à pénétrer les marchés de leur pays d’origine. Une autre étude de Helly et LeDoyen (1994) rapporte que les immigrés créent plus facilement leur propre entreprise que les locaux. Selon une étude conduite au Québec par la firme Cojbel en 1987-1988 pour le compte du gouvernement et relatée par Toulouse et Brenner (1992) sur la contribution économique apportée par les immigrants investisseurs, il est ressorti que cette contribution avoisine le milliard de dollars. Au niveau du nombre d’emplois créés, cette contribution a atteint également des proportions considérables. En effet, selon l’auteur de cette enquête, les immigrants investisseurs ont créé environ 23 390 emplois/année. Une étude de Li (1988 ) sur les entrepreneurs chinois à Vancouver montre que la ségrégation vivifie la vie économique des enclaves chinoises (Chinatown) et facilite le succès en affaires tout en augmentant la visibilité des produits et services.

En dehors des considérations d’ordre économique, les immigrants ont également apporté une contribution dans d’autres domaines d’activités. En effet, dans un message publié en 1992 par la ministre des communautés culturelles et de l’immigration du Québec d’alors, celle-ci mettait en exergue la participation de l’immigration dans le développement économique et le renforcement démographique des régions. Selon elle, des immigrants motivés, dynamiques et qualifiés contribuent à l’enrichissement des patrimoines régionaux par la variété de leurs expériences, la diversité de leur savoir-faire et les possibilités d’innovation qu’ils apportent dans les domaines culturel, social et économique.

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2. Démarche méthodologique de la recherche

Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet visant à comprendre les caractéristiques puis les contributions entrepreneuriales de certaines communautés ethniques au Canada. Pour arriver à cette fin, nous avons procédé à une collecte de données dans les trois métropoles canadiennes, trois grandes villes à forte proportion d’immigrants : Montréal, Toronto et Vancouver. Cet article porte sur trois des groupes ethniques très présents dans ces trois grandes villes : les Chinois, les Italiens et les Indiens/Sikhs. Les données de cette étude sont tirées d’une enquête menée auprès de 848 entrepreneurs et non-entrepreneurs de ces trois groupes ethniques. Les entrepreneurs sont au nombre de 422 et les non-entrepreneurs sont 426. Toutefois, nous nous devons de mentionner que les données statistiques présentant la totalité des populations de ces groupes dans ces villes dataient de quelques années au moment de notre enquête. Nos données ne peuvent donc pas être considérées comme étant exactement et statistiquement représentatives de ces populations dans les villes étudiées. Nous nous devons cependant de mentionner que nous avons choisi ces groupes parce que les données des recensements antérieurs les situaient parmi ceux qui se trouvaient en plus grand nombre dans les trois villes concernées. Ces réserves ayant été mentionnées, les analyses qui suivent ne peuvent donc pas être étendues à l’ensemble de ces populations. Ainsi, ces résultats sont considérés ici uniquement pour les fins de cette présentation. 2.1 Questionnaires de l’enquête. Deux types de questionnaires ont été utilisés pour collecter les données de cette recherche, l’un était consacré aux entrepreneurs et l’autre aux non-entrepreneurs. Par contre, ces deux questionnaires résultent de l’adaptation de ceux utilisés dans des études préalables par Brenner, Célas et Toulouse ( 1992a et b ). Les questionnaires sont conçus de sorte qu’on puisse cerner le profil socio-démographique des répondants, les entreprises et l’expérience entrepreneuriale des entrepreneurs. Lorsque la littérature le permettait, des questions fermées ou à choix multiples ont été utilisées pour recueillir les informations recherchées. C’est par exemple le cas dans les questions portant sur le niveau d’éducation, la langue d’usage, les sources de financement, le chiffre d’affaires, les raisons de partir en affaires, etc. Dans le cas contraire, des questions ouvertes ont été plutôt utilisées demandant aux répondants d’ordonner leurs réponses. 2.2 Collecte et analyse des données Dans le but de faciliter ce travail de collecte des données, l’initiative a été prise d’utiliser des personnes appartenant à chacun des groupes ethniques pour administrer les questionnaires sur le terrain. Cela a permis un meilleur climat de confiance tout en permettant de surmonter des barrières relatives à la langue et de favoriser l’identification d’autres répondants. À partir des données collectées, certains articles ont déjà été présentés dont ceux portant sur les caractéristiques de ces trois groupes ethniques, l’importance que revêt l’utilisation des réseaux comme ressources au moment de partir en affaire et les différences liées à l’ethnicité et à la localisation. Ici, nous allons poursuivre cette démarche en mettant cette fois-ci l’accent sur les facteurs qui déterminent la décision d’un immigrant de partir en affaires et pour un autre de rester salarié. Dans un deuxième temps, une attention sera portée sur la contribution économique apportée par ces entreprises ethniques au développement local. Pour arriver à cette fin, les données des tableaux suivants serviront de référant à l’analyse.

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3. Présentation des résultats Les entrepreneurs de notre échantillon sont formés dans une plus grande proportion d’hommes que de femmes. En effet, en ce qui a trait aux entrepreneurs participants, nous avons obtenu un nombre de 316 hommes (74%) et 104 femmes. Quant aux pays de naissance des entrepreneurs appartenant aux trois groupes ethniques, les réponses se révèlent être très diversifiées tout en observant l’existence d’une certaine proéminence au niveau de ceux qui sont nés dans un pays autre que le Canada. 3.1 Caractéristiques socio-démographiques des entrepreneurs et des non-entrepreneurs Les données du tableau 1 portent sur la durée de la résidence, les expériences de travail réalisées par les entrepreneurs de cette enquête ainsi que sur leur niveau d’études. La répartition selon l’expérience réalisée au Canada et ailleurs nous montre que ce sont les Italiens qui sont arrivés en première position en ce qui concerne le nombre d’années travaillées au Canada. En effet, nous avons constaté que les Italiens ont travaillé en moyenne pendant 11,16 années avant de créer leur entreprise. Par contre, ils ont travaillé moins longtemps avant d’immigrer soit pour seulement 1,32 année. Les Chinois ont travaillé pendant 4,88 années au Canada pour 8 années avant d’immigrer. Les Indiens ont réalisé une expérience de travail de 8.28 années au Canada contre 2,10 années à l’extérieur. Au niveau des études réalisées, les entrepreneurs Indiens/Sikhs sont ceux qui ont atteint le niveau d’études le plus élevé, suivis des Chinois et des Italiens. En effet, toujours selon les données du tableau, il découle qu’avec un score de 3,4, les Indiens constituent la catégorie qui se rapproche davantage des études universitaires. Les Chinois sont arrivés en deuxième position avec un indice de 3,2 et les Italiens de 2,5 Les données sur la durée de résidence des entrepreneurs permettent de constater qu’ils ont résidé en moyenne pendant 23,31 ans dans la société canadienne. En ce qui a trait aux groupes qui sont sur place depuis le plus longtemps, les Italiens sont arrivés en première position avec une durée de 39 années contre 16 années pour les Chinois et 21,44 pour les Indiens/Sikhs. Ces résultats ne font que corroborer le fait que l’immigration la plus ancienne au Canada a été traditionnellement de souche européenne.

Tableau 1 Caractéristiques socio-démographiques des entrepreneurs

.

Échantillon total Comparaison selon le sexe Comparaison selon l’origine ethnique Variables analysées Fréquence/ Moyenne a

% σb

Homme Femme χ2

F anovac Chinois Italien Sikh

χ2

F anovac Durée de résidence : Expériences de travail (ans) - au Canada - avant d’immigrer Niveau d’étude - atteint (1) - visé(1)

23.31a 8.0 a 4.2 a 3.1a 1.7a

12.6b 7.4 b 7.1 b 1.4 b 1.7 b

23.64 7.9 3.7 3.1 1.8

22.66 8.3 5.3 3.1 1.4

0.39c 0.24c 3.32c 6.03 5.60

16.00 4.88 8.00 3.2 0.6

39.00 11.16 1.32 2.5 2.3

21.44 8.28 2.10 3.4 2.7

190.7*** 29.3*** 43.6*** 56.2*** 209.8***

Niveau de signification *:p<=0.05 **:p<=0.01 ***:p<=0.001 (1):0=Aucune étude, 1=Études élémentaires, 2=Études secondaires, 3=Études collégiales, 4=1er cycle universitaire, 5=2nd cycle universitaire.

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Les différences liées à la localisation suggèrent que les trois métropoles ont une capacité d’attraction différenciée en ce qui a trait aux immigrants. Montréal semble attirer des immigrants qui parlent plus français, plus expérimentés et davantage issus de familles entrepreneuriales. Toronto attire pour sa part des immigrants plus âgés, parlant davantage une autre langue que le français et l’anglais tant au domicile qu’au travail, et partant en affaires davantage par tradition. Enfin, Vancouver attire des immigrants plus scolarisés, plus expérimentés et dont le départ en affaires est plus motivé par des raisons monétaires. 3.2 : Comparaisons des caractéristiques socio-démographiques des entrepreneurs et des non-entrepreneurs Pour ce qui a trait aux non-entrepreneurs, leur échantillon est constitué de 426 participants dont 245 sont des hommes et 179 femmes. Comme il est présenté dans le tableau 2, les répondants non entrepreneurs affichent une moyenne d’âge de 37,01 ans. Au niveau éducationnel, ils ont atteint en moyenne un niveau d’études très proche du 1er cycle universitaire. Ils représentent un nombre très considérable de 133 répondants, soit un pourcentage de 31,4 % à être nés au Canada et le reste de nos répondants sont partagés dans des proportions moindres entre l’Italie, l’Inde, la Chine, Hong-Kong et les autres pays du monde. Des non-entrepreneurs nés au Canada, les Italiens constituent le groupe ethnique qui présente la plus forte concentration des répondants. En effet, avec un effectif de 89 répondants, ils constituent un pourcentage de 64,5 %, ensuite viennent les Indiens/Sikhs avec 41 répondants et les Chinois avec 3 seulement.

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Tableau 2 Comparaisons des caractéristiques socio-démographiques des entrepreneurs et

des non-entrepreneurs

Échantillon Total Comparaisons entrepreneurs/non entrepreneurs Variables analysées Fréquence/

Moyenne a % σb

Entrepre neurs

% σ

Non-entrepre neurs

% σ

χ2

F anovac

Niveau d’étude - atteint (1) - visé(1) Age du répondant (2) Sexe - Homme - Femme - Omissions Pays de naissance : - Canada - Autres pays - Omissions Possession d’une entreprise par la famille : - Père - Mère - Père et Mère - Famille - Autres Durée de la résidence au Canada (3) Raisons de la venue au Canada : - Entrepreneuriales - Familiales - Politiques - Économiques - Autres

3.24 a 1.75 a

40.78 a

561 283 4

206 639 3

117 14 61 79 52

19.61a

62 214 84 228 66

1.40b 1.81b

11.96b

66.2 33.4 0.4

24.3 75.4 0.3

13.8 1.7 7.2 9.3 6.1

12.96b

9.7 33.5 13.1 35.7 10.3

3.07 a 1.69 a 44.58 a

316 104 2

73 348 1

61 7

27 47 32

22.31 a

41 106 42 141 28

1.35b 1.70b 10.60b

74.9 24.6 0.5

17.3 82.5 0.2

14.5 1.7 6.4 11.1 7.6

12.64b

9.7 25.1 9.9 33.4 6.6

3.41 a 1.81 a 37.01 a

245 179 2

133 291 2

56 7

34 32 20

16.36 a

21 108 42 87 38

1.43b 1.92b 12.05b

57.5 42.0 0.5

31.2 68.3 0.5

13.2 1.6 7.9 7.5 4.7

12.61b

4.9 25.6 9.9 20.4 8.9

11.3c*** 0.774c

90.9c***

28.8*** 28.8***

-

22.6*** 22.6***

-

0.462 0.003 0.648 3.681 3.364

35.3c***

3.646 5.9*

0.776 7.8** 4.3*

*:p<=0.05 **:p<=0.01 ***:p<=0.001 (1): 0=Aucune étude, 1=Études élémentaires, 2=Études secondaires, 3=Études collégiales, 4=1er cycle universitaire, 5=2nd cycle universitaire. (2): Pour l’ensemble des répondants comme pour les non-entrepreneurs l’âge oscille entre 16 et 86 ans alors qu’il varie entre 21 et 80 ans pour les entrepreneurs. (3): La durée de résidence est calculée jusqu’en 2000. La durée de résidence des non-entrepreneurs ici au Canada est en moyenne de plus de 16 ans et leur immigration au Canada a toujours été motivée par des raisons familiales. En effet, sur les 462 participants non entrepreneurs à cette enquête, 108 d’entre eux ont avancé cette raison comme argument pour justifier leur venue au Canada. Ensuite, nous avons retrouvé par ordre décroissant les raisons d’ordre économique, politique, autres et entrepreneurial. Ces résultats sont intéressants dans la mesure où ils nous permettent de constater que les raisons entrepreneuriales ne semblent pas avoir contribué pour beaucoup à expliquer la venue des non-entrepreneurs ici au Canada. Et ceci, en dépit du fait qu’ils sont plus ou moins nombreux à avoir une entreprise dans leur famille. D’une façon générale, aucune différence significative n’a été retenue pour expliquer le choix des non-entrepreneurs de leur ville de résidence. En effet, pour ceux qui sont nés au Canada, ils sont répartis dans une proportion quasiment égale entre les trois villes. Là où la différence se fait le plus sentir se situe au niveau des Indiens/Sihks qui ont porté leur dévolu dans une proportion de

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27,8 % sur la ville de Toronto. De toute évidence, le choix qu’ont fait les Indiens/Sihks de cette ville pourrait être intimement lié à l’affinité avec la langue anglaise. Nous avons également constaté une très grande présence des Chinois de Hong-Kong dans la ville de Vancouver. Connaissant l’engouement des Chinois de Hong-Kong pour cette ville, ces résultats ne surprennent pas. Nous pouvons noter en résumé que les non-entrepreneurs forment une catégorie de gens qui ont une plus grande tendance à être nés au Canada et sont généralement plus jeunes. Sur le plan éducationnel ils se retrouvent avec un niveau d’études plus élevé que les entrepreneurs. Le fait que leur naissance aie eu lieu au Canada pourrait leur avoir conféré une meilleure capacité d’intégration dans le système éducatif du pays. Contrairement aux entrepreneurs, les non entrepreneurs immigrants n’ont pas affiché une durée de résidence trop longue et leur décision d’immigrer était beaucoup plus liée à des raisons d’ordre familial qu’entrepreneurial. Bien que nous ne disposions pas des informations relatives à leur âge au moment d’arriver au Canada, mais tenant compte de leur niveau d’âge relativement peu élevé, cela nous laisse l’impression qu’ils ont, peut-être, été nombreux à suivre leurs parents dans leur immigration. Ce qui peut être retenu comme élément explicatif quant à leur possibilité de réaliser des études beaucoup plus avancées que les entrepreneurs dont la survie de la famille semble représenter au départ la motivation première. Dès le départ, il s’était avéré tout à fait évident que certains facteurs devraient être à l’origine de la décision de certains immigrants de se lancer en affaire ou d’essayer de trouver un emploi de préférence dans une entreprise existante. Mais l’explication qui nous paraissait la plus plausible s’articulait autour des particularités personnelles des immigrants par rapport aux structures des villes d’accueil. Suite aux résultats observés, nous avons constaté des différences significatives entre les entrepreneurs et les non-entrepreneurs relativement au niveau d’études, à l’âge, au sexe, aux pays de naissance, à la durée de résidence au Canada et, dans le cas des immigrants, aux raisons de leur immigration. En ce sens, on note que les entrepreneurs sont moins scolarisés, plus âgés, plus majoritairement composés d’hommes que de femmes, plus fréquemment nés ailleurs qu’au Canada, établis au Canada depuis plus longtemps et plus souvent partis en affaires pour des raisons économiques mais moins pour des raisons familiales. 3.3 : Contribution des entrepreneurs et des entreprises ethniques à leur milieu

Nous avons tenté de mettre en relief divers éléments qui expliquent pourquoi les membres de trois groupes ethniques se lancent en affaires. Mais qu’en est-il exactement de la contribution économique générée par ces entreprises au développement local? Pour y voir plus clair, nous allons poursuivre notre analyse à partir des données du tableau suivant. Il s’avère nécessaire de mentionner que deux tendances semblent se dessiner dans le choix d’un point d’ancrage par un membre de groupe ethnique dans une société d’accueil. Une tendance qui consiste à jeter le dévolu sur les grandes métropoles comme lieu de résidence et une autre qui veut que le membre d’un groupe ethnique puisse habiter n’importe où, pourvu qu’il trouve un emploi intéressant. De toute évidence, l’adhésion à l’une ou à l’autre de ces tendances semble être tributaire, encore une fois, des caractéristiques personnelles de chacun. En effet, pour les membres de groupes ethniques qui sont des professionnels dans des domaines très recherchés par la société d’accueil, un plus grand nombre de portes sont ouvertes, aussi bien dans les régions que dans les grandes agglomérations. Par contre, pour les membres de groupes ethniques et en particulier les immigrants peu instruits, les grandes villes semblent représenter les endroits les plus favorables où ils peuvent trouver de

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l’emploi. En effet, si les possibilités d’emploi qui existent dans les régions sont très souvent spécialisées, demandant ainsi une certaine éducation, la structure industrielle des grandes villes offre plus d’opportunités aux immigrants qui ne disposent pas d’une profession. Fort de cette réalité, on constate que, de plus en plus, les grandes villes tendent à devenir cosmopolites. Nous en avons pour preuve la ville de Montréal qui comporte des dizaines de groupes ethniques. Même situation pour Toronto et Vancouver. Toutefois, il convient de souligner que le Canada ne détient pas le monopole de la problématique de la prépondérance des immigrants dans les grandes villes. L’expérience des autres pays en matière de répartition interne de l’immigration (Dumont, 1991) montre que la concentration des immigrants dans les métropoles est un phénomène généralisé dans tous les pays d’immigration, à des degrés variables, il est vrai.

Il y a lieu de constater que la grande concentration des groupes ethniques dans les grandes villes ne reste pas sans répercussion sur le choix des entrepreneurs ethniques quant au lieu d’établissement de leur entreprise. En effet, compte tenu du fait que les entreprises ethniques visent, dans une certaine proportion, à satisfaire une clientèle ethnique, les grandes villes constituent ainsi pour eux des points stratégiques. En dehors de la clientèle ethnique, les grandes possibilités d’approvisionnement en produits ethniques offertes par les grandes villes n’en demeurent pas moins importantes aussi dans la décision de ces entrepreneurs. Cependant, en dépit de la forte concentration des immigrants dans les métropoles, il s’avère quand même nécessaire de retenir la présence de quelques immigrants qui arrivent à se tailler une place dans les régions. Au Québec, dans une étude réalisée sous la tutelle du ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration intitulée «Une richesse à partager», il ressort qu’en dehors ces groupes traditionnels d’immigration(Europe du Nord et États-Unis qui sont prépondérants dans les régions), plusieurs communautés issues de la nouvelle immigration (Portugal, Vietnam, Kampuchéa, Chili, Haïti, Liban, etc.) occupent une place modeste mais réelle qui, à l’échelle d’une ville régionale, peut jouer un rôle positif pour l’attraction et la rétention de futurs immigrants. En fait, il ne suffirait que de mettre sur pied un certain nombre de mesures visant à développer chez ces immigrants une sorte de fidélisation à leur région. Nous estimons que les entrepreneurs ethniques choisissent dans une plus grande proportion de s’établir à l’intérieur des grandes villes. Ainsi, les retombées économiques générées par les activités de ces entrepreneurs sur le développement local sont évidentes. Nous sommes tout à fait ici dans ce que Joyal qualifie de développement par la base (Joyal, 2002). Pour cerner la contribution des entreprises ethniques, nous avons retenu un certain nombre de variables sur les caractéristiques: le montant total de l’investissement initial, le nombre total d’employés, le niveau du chiffre d’affaires, les ventes et les achats de ces entreprises au groupe ethnique et à l’étranger et autres variables sont autant d’éléments que nous allons essayer de prendre en considération. Selon les données du tableau 3, les entrepreneurs ont investi en moyenne un capital de 157 470 dollars dans la création de leur entreprise. Parmi les trois groupes ethniques étudiés, les Sikhs se révèlent être ceux qui investissent le plus dans leur entreprise. En effet, avec un capital moyen de 210 400 dollars investis, ils arrivent en première position, suivis des Italiens avec 148 500 dollars en moyenne et des Chinois avec 114 750 dollars. Pour ce qui a trait à la localisation de ces entreprises, nous avons constaté que ce sont les investisseurs de Toronto qui placent beaucoup plus d’argent dans la création de leur entreprise. Généralement, ils investissent un montant de 192 020 dollars en moyenne dans leur entreprise. Quant aux investisseurs de Montréal, ils contribuent en moyenne pour un capital de 169 400 dollars à l’ouverture de leur entreprise. Et

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finalement les entrepreneurs de Vancouver apportent un capital de 88 670 dollars lors de la création de leur entreprise. Pour constituer ce capital nécessaire à la création de leur entreprise, les sources utilisées par ces entrepreneurs se différencient d’un groupe ethnique à un autre. Et ces données sont d’autant plus significatives qu’elles présentent une certaine adéquation entre le montant du capital investi et l’expérience acquise par ces entrepreneurs dans la société canadienne. En effet, si les Indiens/Sikhs sont ceux qui investissent le montant le plus élevé dans la création de leur entreprise, ils se révèlent être également ceux qui ont une plus grande expérience canadienne, soit 10 à 15 ans de travail avant de se lancer en affaires. Toutefois les Chinois sont ceux qui possèdent la plus grande part dans le capital investi et font appel dans une plus grande proportion aux membres de leur famille pour constituer le montant nécessaire. Toujours dans le tableau 3, il ressort que le nombre total d’emplois à temps plein créés par les entreprises ethniques de notre échantillon s’articule en moyenne autour de 7 emplois à temps plein et de 3 emplois à temps partiel. Les entreprises qui sont génératrices du plus grand nombre d’emplois sont celles des Italiens qui créent en moyenne plus de 9 emplois à plein temps, suivis de celles des Indiens/Sikhs avec 5,77 et des Chinois avec 4,14. Toutefois, les entreprises qui disposent du plus grand nombre d’employés à temps plein se retrouvent à Montréal, soit une moyenne de 10,13 employés. Les entreprises de Toronto génèrent en moyenne 4,91 emplois et celles de Vancouver 4,43. Cependant, il s’avère nécessaire de rappeler ici que les données obtenues de cette enquête ne traduisent pas nécessairement la réalité concrète, compte tenu du fait que l’échantillon utilisé n’a pas été constitué d’une façon totalement aléatoire.

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Tableau 3 Comparaisons des contributions des entreprises ethniques au développement local

Origine ethnique des répondants Sexe des répondants Localisation des répondants

Variables étudiées Fréquencea Moyenneb

Échantillon Chinoise Italienne Sikhs Khi-deux

F anova Hom me

Fem me

Khi-deux F anova

Montréal Toronto Vancouver

Khi-deux F anova

Investissement initial : - Montant total (en milliers) - Part possédée Nbre d’employés : - Temps plein - Temps partiel Chiffre d’affaires: - 0 à 100 000 - 100 001 à 250 000 - 250 001 à 500 000 - 500 001 à 1 million - 1 à 2,5 millions - 2,51 à 10 millions - Plus de 10 millions Ventes au groupe ethnique (%) Achats (%): - au groupe ethnique - dans le pays d’origine Ventes exportées (%)

157.47b

77.29b 6.50b 2.67b 137a 70a 63a 33a 35a 30a 10 a 51.44b 31.29b 14.81b 1.63b

114,75 83,83 4,14 2,23 65 27 23 8 11 5 1 60,20 39,43 20,57 2,91

148,50 76,88 9.89 3.47 30 20 16 11 8 14 7 44,19 26,46 12,52 0,96

210.40 71.12 5.77 2.37 42 23 24 14 16 11 2 48.76 27.40 10.99 0.85

1.0 6.0**** 4.4** 0.9 10.3*** 0.2 0.4 2.6 1.9 7.7** 9.1*** 7.6***** 5.4**** 4.6*** 1.9

182.7 74.30 7.79 2.98 90 48 55 27 30 27 9 47.85 30.35 13.30 1.38

82.20 86.57 2.64 1.76 46 22 7 6 5 3 1 62.60 33.82 19.84 2.48

2.39 11.6***** 7.40*** 1.66 11.4***** 2.65 6.52*** 0.66 1.97 3.48* 1.10 13.2***** 0.67 3.94** 0.89

169.40 72.74 10.13 2.44 37 22 27 13 7 13 7 41.24 26.75 13.67 1.82

192.02 76.03 4.91 2.71 62 34 13 13 16 11 2 60.02 38.95 16.88 0.93

88.67 84.88 4.43 2.88

38 14 23 7 12 6

1 51.79 26.37 13.38 2.41

1.11 4.88*** 4.97*** 0.10 4.18 3.14 11.83**** 0.81 3.20 1.62 6.24** 10.5***** 5.51**** 0.66 0.74

* : p≤ 0.10 ** : p≤ 0.05 *** : p≤ 0.01 **** : p≤ 0.005 ***** : p≤ 0.001

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Pour ce qui est du chiffre d’affaires généré par ces entreprises, nous avons constaté des différences assez significatives entre les différentes entreprises. Ce qui nous permet d’avoir également une idée sur la taille de ces entreprises. En effet, cette variable étant exprimée sous la forme de classes allant de 0 à plus de 10 millions de dollars de chiffre d’affaires, il nous a été possible de classer chaque entreprise dans une classe bien déterminée. Ainsi, nous avons trouvé dans cette enquête des entreprises qui se situent autant dans la fourchette de 0 à 100 000 dollars que celles qui dépassent les 10 millions de dollars de ventes annuelles, avec toutefois une certaine prédominance dans la catégorie de 0 à 100 000 dollars. Mais cela n’empêche pas que pas moins de 10 entreprises de cette enquête disposent d’un chiffre d’affaires dépassant les 10 millions de dollars. Au niveau de la localisation de ces entreprises, nous avons obtenu également des informations intéressantes sur leur taille dans les villes. À cet égard, nous avons constaté que si la ville de Toronto et dans une moindre proportion celle de Vancouver ont l’avantage d’avoir un plus grand nombre d’entreprises avec un chiffre d’affaires se situant entre 0 et 100 000 dollars, soit 62 pour Toronto et 38 pour Vancouver, Montréal se démarque par la plus grande taille de ses entreprises. En effet, sur les 40 entreprises de notre enquête qui dépassent les 2,5 millions dollars de chiffre d’affaires, 20 se situent à Montréal et 7 d’entre elles génèrent des ventes de plus de 10 millions de dollars. Par contre, la ville de Toronto ne dispose que de deux entreprises qui correspondent à cette catégorie. Il convient toutefois d’émettre une certaine réserve sur la représentativité de ces données.

Les ventes réalisées par les entreprises de notre enquête ont ciblé dans une grande proportion, à l’exception de celles des Chinois, le grand marché dans son ensemble. En effet, il est ressorti que les ventes réalisées par les entreprises chinoises aux membres de leur communauté accusent des chiffres qui dépassent les 60% de leurs ventes. La part des ventes générées par les entrepreneurs des deux autres groupes ethniques, soit les Italiens et les Indiens/Sikhs, auprès de leur propre communauté est respectivement de l’ordre de 44,19% et de 48,76%. Le modeste pourcentage de ventes réalisées par les Italiens à leur groupe ethnique ne fait que corroborer les arguments relatifs à leur grande capacité d’intégration à la société d’accueil déjà mentionnée dans la première partie de cette étude. Les données de cette enquête semblent nous indiquer que c’est à Toronto que les entrepreneurs étudiés réalisent le plus grand nombre de ventes à leur groupe ethnique, avec un pourcentage de 60 %, suivies de Vancouver à 51 % et de Montréal à 41 %. Quant aux ventes à l’étranger, les entrepreneurs de cette recherche en ont réalisées en moyenne 1,63 %. Mais à cet égard, il convient de souligner que ce sont les entrepreneurs chinois qui exportent le plus, en moyenne 2,91% contre 0,96% pour les Italiens et 0,85% pour les Sikhs. Les comparaisons des ventes à l’étranger montrent que ce sont les entrepreneurs ethniques de Vancouver qui exportent le plus, suivis de Montréal et de Toronto. Les résultats obtenus en ce qui concerne les achats de ces entrepreneurs nous permettent de constater qu’ils sont réalisés davantage auprès de leur groupe ethnique que dans leur pays d’origine. En effet, pour une moyenne de 31,29 % des achats effectués auprès des groupes ethniques, 14,81% sont faits dans le pays d’origine. Parmi les entrepreneurs des trois groupes ethniques participant à cette recherche, les Chinois se révèlent être ceux qui réalisent la plus grande proportion d’achats aussi bien au niveau de leur groupe ethnique que dans leur pays d’origine. Pour des achats de l’ordre de 26,46 % réalisés par les Italiens auprès de leur propre groupe ethnique et de 27,40% pour les Indiens/Sikhs, les Chinois ont procédé en moyenne à des achats de l’ordre de 39,43 % auprès de leur propre groupe ethnique. Il en est de même pour les achats effectués dans leur pays d’origine où ils dépassent les deux autres groupes d’entrepreneurs.

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Comparativement aux Italiens et aux Indiens/Sikhs qui ont procédé respectivement à des achats dans des proportions de 12,57% et de 10,99% dans leurs pays d’origine, les Chinois totalisent des achats de 20,57% dans leur pays d’origine. Cette plus grande propension des Chinois à s’approvisionner auprès de leur groupe ethnique et dans leur pays d’origine pourrait être reliée au fait qu’ils visent d’abord à desservir une clientèle ethnique. Au niveau des trois villes de références, il ressort que c’est à Toronto que les entrepreneurs ont réalisé un plus grand nombre d’achats auprès de leur groupe ethnique. En effet, les entrepreneurs ethniques de Toronto effectuent 60% de leurs achats auprès de leur propre groupe, alors que cette proportion est de 26,75% pour Montréal et 26,37% pour Vancouver. La même logique est suivie au niveau des achats réalisés à l’étranger où les entrepreneurs de Toronto sont arrivés en première position.

Conclusion

En résumé, nous pouvons avancer que les entrepreneurs ethniques qui ont participé à cette enquête apportent une contribution certaine au développement du milieu dans lequel ils évoluent en créant des emplois et en investissant et en dépensant de l’argent dans l’économie, même s’il s’agit d’achats réalisés en grande partie auprès de leur propre groupe ethnique. En effet, ces entrepreneurs investissent en moyenne un capital initial de 157 470 dollars à l’ouverture de leur entreprise. Ils créent également en moyenne plus de 6 emplois. Les résultats enregistrés sur les achats réalisés par les entrepreneurs de cette enquête s’articulent en moyenne autour de 31,29 %. Et pour les ventes réalisées à l’étranger, on dénote une moyenne de 1,63 % de leurs ventes totales.

La ville qui bénéficie davantage des retombées de ces entreprises au niveau du capital investi est Toronto. Au niveau des emplois créés, c’est la ville de Montréal qui sort gagnante. Ce résultat est probablement influencé par le fait que Montréal est également détentrice de la majorité des plus grandes entreprises de cette enquête. En outre, les entrepreneurs de Vancouver se révèlent être ceux qui achètent le plus auprès de leur groupe ethnique et qui réalisent le plus grand nombre de ventes à l’étranger. Au niveau du montant investi au moment du démarrage, la palme revient aux entrepreneurs Indiens/Sikhs . Par contre, les Italiens ont l’avantage de créer le plus grand nombre d’emplois. Il convient également de souligner que sur les 10 plus grandes entreprises de notre enquête, 7 sont des intérêts italiens. Les Chinois de notre enquête sont réputés pour être les entrepreneurs qui achètent le plus auprès de leur groupe ethnique, et ce sont eux aussi qui réalisent le plus grand nombre de ventes à l’étranger. Ces résultats suggèrent quelques réflexions relatives aux retombées économiques des entreprises ethniques faisant partie de notre enquête. Nous pouvons ainsi évaluer un impact certain des entrepreneurs ethniques sur le développement local par le truchement du nombre d’emplois créés, des achats réalisés par leur entreprise et du capital initial investi. Et les non-entrepreneurs semblent contribuer aussi mais dans une proportion moindre et essentiellement par la vente de leur travail sur le marché de l’emploi. Nous pourrions même émettre l’hypothèse que plus le groupe ethnique concerné est considérable, plus les retombées économiques des entreprises ethniques seront élevées.

Mentionnons quelques études qui font état de la prépondérance des entreprises ethniques dans des grandes villes et particulièrement dans des milieux à forte proportion d’immigrants. À cet égard, Reeves et Ward (1984) ont particulièrement mis l’accent sur la grande présence des entreprises ethniques dans les enclaves. Même considération pour Li (1988 : 4-5) qui dans une étude sur les entrepreneurs chinois à Vancouver a montré que la ségrégation vivifie la vie économique des enclaves chinoises (Chinatown) et facilite le succès des affaires tout en augmentant la visibilité des produits et services.

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Ces études tendent à confirmer le fait que les entrepreneurs ethniques cherchent à établir leur entreprise dans des endroits qui leur permettent de desservir une clientèle ethnique. Effectivement, il est plutôt rare de constater des entrepreneurs, en dehors de ceux qui évoluent dans le domaine de l’agriculture, qui optent pour les régions. Le choix des immigrants qui optent pour des régions pourrait aussi s’inscrire dans une logique de l’exercice d’une profession ou de la vente de compétences distinctives sur le marché du travail.

En dépit du fait que l’entrepreneuriat ethnique n’exerce pas un impact marqué sur le développement des régions plus périphériques, ce phénomène n’en demeure pas moins important dans l’épanouissement de l’économie d’une société. En effet, l’injection des capitaux d’investissement dans une économie, par la création de ces entreprises ethniques, a l’avantage d’augmenter la valeur ajoutée de cette économie en créant de la richesse. Par leurs achats et leurs ventes, ces entreprises ethniques contribuent à une plus grande circulation de la richesse à l’intérieur de l’économie et influent par conséquent sur la valeur ajoutée. Ces investissements sont d’autant plus importants qu’ils créent de nouveaux emplois dans la société donnant ainsi l’opportunité à de nombreux employés d’être générateurs d’une demande solvable de biens et de services. En effet, il est reconnu que le défi le plus important de tout gouvernement consiste à fournir au plus grand nombre possible de gens de la population un emploi afin d’assurer la bonne marche de la société. De plus, grâce aux impôts perçus sur les salaires des employés et des entreprises, le gouvernement arrive à alimenter sa caisse pour être en mesure de répondre aux obligations qui lui sont dévolues. En ce sens, les créations d’entreprises apportent une contribution considérable non seulement au développement local, mais aussi à la pérennité de l’État. Les groupes ethniques apportent ici des contributions substantielles.

Toutefois, cette étude est loin de permettre de mesurer l’impact des retombées économiques des entreprises ethniques sur le développement régional et local. En effet, comme nous avons tenté de le souligner, les activités des groupes ethniques sont génératrices de retombées économiques certes modestes, mais réelles. Les grandes villes en sont les principales bénéficiaires. En réaction à cette situation, les autorités politiques pourraient envisager des mesures pour inciter davantage les entrepreneurs ethniques à contribuer au développement de certaines régions périphériques ciblées. Mais il s’agit là d’un phénomène complexe qui doit tenir compte des configurations des tissus sociaux en cause.

En terminant, qu’il nous soit permis de partager avec le lecteur quelques questions relatives à des thématiques de recherches futures que nous avons soulevées au long de ce projet de recherche sur lequel nous travaillons depuis quelques années. Nous remarquons une forte propension entrepreneuriale parmi les premières et deuxièmes générations de certains groupes ethniques. Il apparaît cependant que la culture entrepreneuriale de certains groupes s’effriterait avec les générations. Celle d’autres groupes qui avaient moins produit d’entrepreneurs parmi les premières générations semble s’affiner et ils semblent en générer davantage au fur et à mesure qu’ils s’intègrent. Par exemple, les groupes asiatiques qui immigrent au Canada semblent véhiculer des valeurs entrepreneuriales plus fortes que celles des autres groupes au moment de l’immigration. Il serait intéressant de concevoir des modèles qui montreraient l’évolution des valeurs entrepreneuriales et les contributions aux milieux chez les premières, deuxièmes et troisièmes générations de divers groupes ethniques.

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