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  • 7/25/2019 CG28-9-Dagnac

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    Cahiers de Grammaire 28 (2003), Morphologie et Lexique , pp. 163-182

    Les verbes dnominaux en franaisdAfrique : rles thmatiques

    et grilles argumentales

    Anne Dagnac*

    Cet article est la premire tape dune analyse des verbes dnominaux issus

    dun inventaire dafricanismes lexicaux (IFA). Il montre comment les

    rgularits smantiques et syntaxiques du corpus peuvent (partiellement) tre

    expliques par deux modles morphologiques, ceux de Di Sciullo et Williams

    (1997) et Hale et Keyser (1993 et 1997), et fait tat des difficults empiriques

    et thoriques rencontres.

    This article is the first stage of a study of denominal verbs, drawn from a

    dictionary of African varieties of French. It shows how the semantic and

    syntactic patterns displayed by the corpus can be (partly) accounted for by

    two morphological models, those of Di Sciullo & Williams (1997) and Hale

    & Keyser (1993 and 1997), and points to the empirical and theoretical

    problems revealed by the data.

    * Universit de Toulouse-Le Mirail et ERSS, UMR 5610, CNRS.

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    Cette tude1 est une toute premire approche de nologismes dnominaux

    recenss par lIFA (1988) pour un ou plusieurs pays dAfrique

    subsaharienne. Il sagit dafricanismes stabiliss, qui nincluent donc pas de

    crations spontanes. Notre corpus comprend des verbes base nominale

    dcrivant des procs pour lesquels la base semble correspondre un des

    participants smantiques. Il sagit essentiellement de verbes du premier

    groupe, obtenus par conversion ou suffixation2. Nous voulons montrer quil

    existe une rgularit dans les configurations liant leur base et leur

    construction syntaxique. Nous verrons successivement comment deux

    modles, celui de Di Sciullo et Williams (1987) et celui de Hale et Keyser

    (1993 et 1997), permettent den rendre compte, ainsi que les problmes quils

    posent.

    1. Di Sciullo et Williams (1987) : rles thmatiques1.1. Principes de base

    Dans ce cadre, la drivation est un phnomne morphologique, pr-

    syntaxique, qui entrane une opration sur les grilles thmatiques de la base et

    de laffixe. Pour notre corpus, les affixes ER, IR, -IS(ER) ou -IFI(ER) sontdots dune grille thmatique variable. Aux bases nominales est associ un

    rle thmatique R (pour rfrentiel ), qui reprsente leur aptitude rfrer.Lors de la drivation, les rles de laffixe et de la base se combinent, et les

    lments rfrentiels peuvent contrler un des rles de laffixe. Cette dernire

    opration est note par une co-indiciation des deux rles. Le driv est ainsi

    pourvu, en Lexique, dune grille thmatique originale, qui sassocie avec sesarguments en syntaxe.

    Cette approche considre les rles thmatiques comme des primitifs

    univoques, et lassociation entre rles thmatiques et arguments se fait selon

    un principe de hirarchie thmatique : les arguments sont associs aux rles

    thmatiques par ordre de prominence (Agent > Exprienceur > Thme >

    But/Lieu/Source, par exemple). Le rle le plus prominent est associ

    largument externe du verbe, le suivant lobjet direct, etc. Enfin, un mme

    rle thmatique ne pouvant tre attribu deux fois, les rles saturs par

    contrle lors de la drivation ne peuvent plus ltre en syntaxe, et ne peuvent

    donc plus sassocier un argument, ce qui contraint la construction du verbe.

    Une telle analyse permet donc en principe de prdire la construction

    syntaxique du driv selon les rles thmatiques impliqus par son sens et

    celui de la base. On peut classer les verbes de notre corpus selon deux

    1 Je tiens remercier Charlotte Essebe, qui ma force trouver le temps de me

    pencher sur ces faits, et Hamida Demirdache, pour tout.2 La suffixation en -IS(ER)/ -IFI(ER) apparat ici comme une simple variante

    formelle de la conversion, sans implication syntaxique ou smantique. Nous

    considrons donc les conversions comme des drivations affixe , les affixes

    pleins ntant que la variante marque de dans certains cas.

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    critres : leur construction et le rle que lie ventuellement la base. On

    obtient ainsi trois groupes de verbes transitifs, selon que la base correspond

    linstrument, au thme ou ltat final, et deux groupes de verbes intransitifs,

    o la base reprsente tantt le thme, tantt ltat.

    1.2. Drivs transitifs

    Nous avons regroup ici lensemble des drivs de notre corpus acceptant unargument interne direct. Lorsque lentre est numrote, cela signifie que le

    verbe accepte par ailleurs une autre construction. Les drivs transitifs se

    rpartissent en trois classes, selon la contribution smantique de la base.

    1.2.1. Drivs transitifs sur linstrument

    Dans cette catgorie de drivs, assez fournie et homogne, la base indiquelinstrument grce auquel lagent-sujet effectue une action affectant le thme-

    COD. On peut rsumer ainsi lopration smantique en jeu dans cette

    drivation : N + ERVER: affecter X avec N.Dans le cadre de Di Sciullo et Williams (1987), on peut proposer pour

    lensemble de ces verbes lanalyse illustre en (1). Elle indique

    sommairement, par ses subdivisions, le type dobjet (anim / non anim) et

    comment lobjet est affect (avec ou sans contact, avec ou sans

    changement dtat).

    1A :TYPEFLCHER QQ

    UN

    1A.1 : Verbes de contact 1A.2 Verbes directionnels

    doigterX

    indexer X

    torcher X

    klaxonner X

    montrer X avec le doigt

    avec lindex

    clairer X avec une torche

    appeler X coups de klaxon

    1A.3 :Divers

    bastonner X

    chicotter X

    coutonner X

    coutoyer X

    fourcher X

    flcher X

    fusiller X

    hacher X

    lancer X

    frapper / blesser

    X

    avec un bton / une chicotte

    / un couteau / une flche, etc.

    balancer Xmaniveller X

    peser X avec une balance

    dmarrer X avec une manivelle

    pilipiler X

    confiturer X

    assaisonner X avec du pilipili

    enduire X avec de la confiture

    couder X

    manier X

    tter X

    bousculer X avec le coude

    toucher X de la main

    frapper X avec la tte ambifier (s) claircir sa peau avec de lambi(produit de beaut)

    grigriser X

    matabicher X

    envoter avec un grigri(s)

    corrompre par matabiche

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    (1) REPRESENTATION DE LA CLASSE 1A

    V(Ag,Th)

    N V

    flche ER

    ambi -IFI ER

    ( R i) (Ag, Th, Instrumenti)

    Laffixe a pour grille thmatique (Agent, Thme, Instrument). Le rle R de labase contrle linstrument. Celui-ci tant satur en morphologie, seuls lagent

    et le thme se projettent en syntaxe. Selon le principe de hirarchie

    thmatique, le driv est transitif direct : son sujet est associ au rle dagent,

    son COD au rle de thme, comme illustr en (2) :

    (2) Sosso a flch Sik

    Pour sambifier, lanalyse est quasiment la mme, sauf que le rflchi

    introduit une opration supplmentaire sur la grille thmatique, liant trs

    classiquement lagent et le thme.

    1.2.2. Drivs transitifs sur le thme

    On peut rpartir les drivs de cette catgorie en deux familles, selon que leprocs peut se gloser comme (3) ou comme (4) :

    (3) N + ER> VER: faire N X

    (4) N + ER>VER: donner N X

    Nanmoins, un premier problme apparat : le sens de faire dans la glose

    recouvre des ralits diffrentes, et le traitement de lobjet comme un thme,

    sil permet de maintenir le modle danalyse, nous semble trsproblmatique, notamment lorsquon a affaire un verbe support.

    1B :TYPE CADEAUTERQQUN1B.1 : donner 1B2 : faire

    cadeauter X

    cigaretter X

    friquer X

    solder 2 X

    matabicher X

    donner un cadeau. X

    une cigarette

    du fric

    sa solde(salaire)

    un matabiche

    cicatriser X

    injecter X

    exciser X

    faire des cicatrices X

    (scarifications rituelles)

    une injection(piqre)

    une excision

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    limiter X

    menotter X

    complimenter X

    fixer des limites X

    mettre des menottes

    X

    envoyer ses compli-ments(civilits) X.

    amourer X

    compliquerX

    contracter X

    entorser X

    farcer X

    faire l'amour X

    des complications

    un contrat (de travail)

    une entorse

    une farce

    confiancer X

    hontir X

    faire confiance X

    honte

    Deux drivs nanmoins paraissent plus spcifiques :

    intriguer X

    monnayer X

    tramer des intrigues contre qqn

    faire de la monnaie sur une somme X

    Dans ces divers cas, moyennant la rserve mise plus haut, on pourrait

    analyser ainsi la drivation :

    (5) REPRESENTATION DE LA CLASSE 1B

    V(Ag, But)

    N V

    ( Ri) (Ag, Thi, But)

    cicatrices/ cigarette ER

    Le Thme est satur en morphologie. Seuls lAgent et le But se saturent en

    syntaxe. Selon le principe de hirarchie thmatique, lAgent sassocie

    largument externe, et le But largument interne. Un seul rle tant

    associer un argument interne, celui-ci se ralise sous forme directe. Ceci

    explique que le COD corresponde au But, comme en (6) :

    (6) Sosso a cigarett Sik

    1.2.3. Drivs transitifs causatifs (changement dtat)

    Cette catgorie, moins fournie, correspond au schma classique suivant :N +ER/ -IS(ER) > VER: causer que X soit N

    transformer X en N

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    Anne Dagnac

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    1C :TYPE CLIENTER QQUN

    clienterX

    charbonner X

    toubabiser X

    faire de X un client (habituel)

    transformer X en charbon(charbon de bois)

    transformer en toubab (imprgner des faons de penser ou devivre propres aux Europens. Toubabdsigne tout occidental, et

    par extension, tout Africain europanis)

    retraiterX transformer X en retrait (mettre la retraite)

    interner X

    externer X

    faire que X soit un interne, pensionnaire

    faire que X devienne un externe

    Lanalyse de ces drivs est nanmoins moins vidente que celle des

    prcdents. Ces verbes transitifs ont des arguments correspondant aux rles

    dagent et de thme, ce qui suppose un schma du type suivant :

    (7) REPRESENTATION DE LA CLASSE1C

    V (Ag, Th, R)

    N V

    (R ) (Ag, Th)

    client ER/ -IS(ER)

    Mais ici, la base ne contrle aucun des rles de laffixe (qui, sinon, ne

    pourrait plus se projeter en syntaxe). Normalement, le rle R ne peut se

    saturer que de deux manires : soit par rfrence, comme dans un SN sujet

    par exemple, soit par prdication, comme dans une structure attributive.

    Mais, sauf erreur, la thorie ne prvoit pas comment reprsenter que le rle R

    se sature ici en syntaxe par prdication sur llment associ au rle de

    thme. Lanalyse propose pour les drivs dadjectivaux ne peut sappliquer

    ici, du fait du rle R. Il faut donc soit considrer que les bases sont ici

    adjectivales (ce qui parat difficile au moins pour toubab et charbon), soit

    imaginer un principe permettant dintroduire une corfrence entre la base et

    largument-thme.

    1.3. Drivs intransitifs

    Les drivs intransitifs se rpartissent en deux catgories, selon quilsdsignent des activits ou des tats. Dans le premier cas, on doit considrer

    que la base sature le rle de thme dun verbe support, avec les mmes

    rserves que prcdemment.

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    1.3.1. Drivs intransitifs sur le thme

    Le schma drivationnel peut alors sanalyser globalement ainsi :

    N +ER> VER: faire N / avoir une activit impliquant N

    Ci-dessous, nous regroupons les drivs selon leur dominante smantique.

    2A :TYPE GREVER

    1/ Faire N abstrait /

    faire SNfigacheter

    courser

    commisionner 2

    fter

    grver

    mnager

    tourner

    siester

    nocer

    dmarcher

    exposer

    fauter

    faire des achats

    faire la course, courir

    faire les/des commissions

    faire la fte

    faire la grve

    faire le mnage

    faire un tour

    faire la sieste

    faire la noce, participer une fte

    faire des dmarches pour avoir une faveur

    des autorits

    faire un expos

    commettre une faute (orthographe, calcul)

    2/ Objets internes(danser N)

    cavacher

    javer

    danser la cavacha(danse dorigine zaroise)

    danser lajava(danse moderne)

    3/ Faire (produire) N ambiancer

    buter

    chameauser / ter

    fauter

    mettre de lambiance

    marquer un but

    faire un chameau (faute, part. de franais)

    faire une faute (de calcul, dorthographe)

    4/ Avoir une activitcentre sur N concret

    cigaretter 1

    faubrer

    linger

    loguer

    magaziner

    nivaquiner

    fumer des cigarettes

    passer la serpillire (fauber)

    laver, repasser le linge

    faire des exercices de logarithme

    (cf. Qubec) faire les magasins, des courses

    prendre de la nivaquine (anti-paluden)

    5/ Emplois absolus:faire/donner X ( N)

    accorder

    farcer

    pecquer

    donner son accord

    faire des farces, plaisanter

    donner lepec(salaire des ouvriers)

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    6/ Divers : V N bilaner

    ragoter

    boulotter

    charlater

    panner 1

    salonguer

    rpandre, raconter des bilans(rumeurs)

    rpandre, raconter des ragots

    travailler, avoir du boulot

    consulter un charlatan(gurisseur, sorcier)

    tomber en panne

    faire du salongo (travail collectifobligatoire)

    Le sujet tant agentif, on aura le schma suivant :

    (8) REPRESENTATION DE LA CLASSE 2A

    V(Ag)

    N V

    ( Ri) (Ag, Thi )

    grve ER

    Quelques drivs ont un sujet non agentif :

    2B :TYPEMAGOTER

    Recevoir N

    bnficier

    magoter

    solder 1

    faire des bnfices d'origine commerciale

    toucher son magot(somme dargent, salaire)

    recevoir sa solde(son salaire)

    (9) REPRESENTATION DE LA CLASSE2B

    V(But)

    N V

    ( Ri) (But, Thi)

    solde ER

    Dans ce cas, seul le But se projette en syntaxe : le verbe est intransitif.

    1.3.2. Drivs intransitifs dcrivant un tat

    Certains verbes intransitifs sur base nominale dcrivent non pas une activit

    mais un tat, dfini par la base :

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    2C :TYPEMISERER

    misrer 1

    carencer

    goter

    frousser

    vivre dans la misre

    prsenter une carence, une incomptence

    avoir du got

    avoir la frousse

    Llment en position sujet de surface est le sige dun phnomne (carence /

    got / frousse). Selon quil est anim (frousser) ou pas, on pourrait lanalyser

    comme un Exprienceur ou comme un Lieu dans lequel se situe le

    phnomne3.

    (10) REPRESENTATION DE LA CLASSE2C

    V(Lieu/Exp)

    N ER

    (Ri) (Lieu, Thi )

    misre (Exp., Thi )

    Le thme tant satur en morphologie, le lieu / exprienceur (ou sige ) est

    associ la position syntaxique de sujet.

    1.4. Problmes

    Hormis le problme danalyse dj signal pour les causatifs de changement

    dtat, qui exigent une opration supplmentaire, une analyse de ce type

    soulve plusieurs difficults pratiques ou thoriques.

    1.4.1. La varit des affixes et la hirarchie thmatique

    Pour obtenir toutes les grilles adquates, il faut postuler au total lensemble

    des affixes suivants et de leurs grilles thmatiques :

    1A (flcher qqun) : ER(Ag, Th, Inst) > V (Ag, Th)

    1B (cadeauter qqun) : ER(Ag, But, Th) > V (Ag, But)

    1C (clienter qqun) : ER

    (Ag, Th) > V (Ag, Th, R)

    2A (grver) : ER(Ag, Th) > V (Ag)

    2B (magoter) : ER(But, Th) > V (But)

    2C (misrer) : ER(Lieu/ Exp., Thme) > V (Lieu/Exp.)

    3 Pour misrer1, on pourrait envisager linverse : X est dans la misre, la base

    reprsente le lieu,Xle thme.

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    Dune part, cela oblige poser plusieurs affixes homonymes : mme si,

    de fait, la contribution de la base et des arguments syntaxiques est trs varie

    dans ce type de drivation, cette solution est toujours peu satisfaisante.

    De plus, il faut pouvoir prdire le rle qui va tre contrl par la base,

    faute de quoi il suffirait dinventer linfini des affixes nuls grille sur

    mesure pour tout expliquer, sans pouvoir justifier, par exemple, que le

    contrle du rle dAgent soit agrammatical. La hirarchie thmatique, dj

    utilise pour le passage du lexique la syntaxe, pourrait jouer ce niveau

    aussi. On peut proposer que la base lie le rle le moins prominent de

    laffixe. On expliquerait ainsi quelle lie le thme en 2 A/C :

    2A :ER(Ag, Th) > V (Ag)

    2C :ER(Lieu/ Exp., Thme) > V (Lieu/Exp)

    Mais lunanimit nexiste pas sur le dtail de la hirarchie, qui elle seule

    semble ne pas pouvoir rendre compte de toutes les associationsarguments/rles en syntaxe (cf. Grimshaw 1990, Dowty 1991, Pinker 1989).

    Dans notre cas, pour expliquer 1B, il faudrait que le Thme soit plus bas que

    le But, et pour 1A, que linstrument soit plus bas que le thme :

    Agent < Exprienceur / But / Lieu < Thme < Instrument

    Il reste justifier cette hirarchie par des arguments indpendants. Il nest pas

    sr que la syntaxe puisse nous en fournir. Dune part, dans cette approche, lamorphologie constitue un niveau autonome : rien nempcherait donc en

    principe que syntaxe et morphologie aient recours une hirarchie diffrente.

    Dautre part, en syntaxe, il nest pas sr quun simple principe de hirarchie

    thmatique puisse rendre compte de la ralisation des rles dans les divers

    types darguments. Ainsi, dans remplir le verre deau / verser leau dans le

    verre, le But et le Thme sassocient lobjet direct et lobjet indirect enmiroir, et dans Jai ouvert la porte avec cette cl / Cette cl ouvre la porte,

    linstrument est tantt objet indirect, tantt sujet, cest dire tantt au-

    dessous , tantt au-dessus du thme (voir respectivement Pinker 1989 et

    Grimshaw 1990 pour une analyse de ces cas et des propositions originales).

    1.4.2. La dfinition des rles thmatiques

    Au-del de la hirarchie des rles thmatiques, cest leur dfinition mme

    qui, dans de nombreux cas, est problmatique, et ce aussi bien pour le rle R

    de la base que pour ceux des affixes.

    1.4.2.1. Le rle des bases

    Nous avons d poser que les bases N ont toutes un rle R et aucun autre.

    Pour cela, il faut considrer quil sagit de noms concrets, de noms

    dvnements rsultatifs ou de noms dvnements simples (Grimshaw

    1990). Ce peut tre discut pour les possessions inalinables, pour confiance,

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    complications, contrat, injection, honte, aide(classe1B), pour client, retrait,

    interne et externe (classe 1C), pour achats, course, commissions, grve,

    sieste, dmarches, expos, but, solde(classe 2A/B). De plus, dans le cadre de

    Grimshaw, on peut sinterroger, en particulier pour les noms, sur le statut

    exact dans le lexique (donc dans ces drivations) des participants

    smantiques qui ne sassocient pas la grille argumentale.

    1.4.2.2. Le driv et sa glose

    Nous avons par ailleurs dfini les rles thmatiques impliqus dans ces

    drivations partir de la glose du driv. Mais dans certains cas, nous avons

    forc leur interprtation pour pouvoir prdire correctement les faits.

    Ainsi, dans la classe 2A (faire N / avoir une activit impliquant N), trshtroclite, nous avons considr comme des Thmes les complments de

    faire. Mais peut-on rellement attribuer un rle de Thme au complment de

    fairedans Faire N abstrait et Faire SN fig ? Et aux objets internes (cavacha

    etjava)4?

    De plus, dans quelle mesure les gloses proposes sont-elles fiables ?

    Certains drivs de la classe 1A (transitifs sur linstrument, type flcher)correspondent aussi bien affecter X avec N qu dplacer N vers/sur X.

    Selon la glose choisie, on se retrouve avec une combinaison Thme +

    Instrument ou But + Thme5. Cf. notamment les mots suivants :

    confiturer X = enduire X avec de la confiture / mettre de la confiture sur X

    flcher X = blesser X avec une flche / faire quune flche soit sur/dans X

    pilipiler X= assaisonner X avec du pilipili / mettre du pilipili dans X

    matabicher X = corrompre avec un matabiche / donner un matabiche X

    Une approche des verbes dnominaux en termes de rles thmatiques

    pose donc un certains nombre de problmes non triviaux, qui exigent une

    exploration plus approfondie aussi bien des configurations et de leur analyse

    que des prolongements thoriques. Certains de ces problmes, notamment

    ceux lis la dfinition et lventuelle hirarchisation des rlesthmatiques, peuvent tre sinon rgls du moins vits dans le cadre des

    propositions de Hale et Keyser (1993, 1997).

    2. Incorporation (Hale et Keyser 1993 et 1997)

    Dans ce cadre, les rles thmatiques ne sont pas des primitifs. Aux mots duLexique nest pas associe une grille thmatique, mais une structure

    lexicale relationnelle (LRS), dont les rles thmatiques ne sont quun effet

    4 Si oui, cadeauter un T-shirt N, quoiquattest, viole le critre thmatique : le

    Thme est la fois contrl par la base et ralis en syntaxe.5 Cf. les constructions tudies pour la syntaxe par Pinker (1991) :to fill the glass

    with water / to pour water into the glass.

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    Anne Dagnac

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    secondaire. Cette reprsentation lexicale est une structure smantique

    abstraite organise de manire syntaxique. Elle obit ainsi des rgles et

    contraintes syntaxiques (X-barre, branchement binaire, contraintes sur les

    mouvements des ttes, ), qui excluent certains drivs. On peut poser

    diverses classes de V dont les LRS prdisent des proprits distinctes. Pour

    les dnominaux, la LRS est obtenue par incorporation dune tte (Baker

    1985). Cette opration, base sur le dplacement de la tte nominale, est donc

    soumise la contrainte sur le mouvement des ttes : une tte ne peut se

    dplacer que sous une autre qui la gouverne proprement. Parmi ces verbes,

    Hale et Keyser distinguent plusieurs classes. On trouve dune part les

    inergatifs (type to laugh), qui sont des intransitifs purs, auxquels on peut

    rattacher nos classes 2A, 2B et 2C, et dautre part trois classes de transitifs :les location verbs(type to shelve a book), les locatum verbs(type to saddle a

    horse) et les ergatifs(to clearthe screen), dont nous verrons comment elles

    peuvent englober ou non nos classes 1A, 1B et 1C.

    2.1. Les inergatifs ( intransitifs sur le thme / tats)

    Les inergatifs sont des intransitifs qui ne connaissent pas dalternancetransitive causative. Smantiquement, ils peuvent sanalyser comme have/do

    N, o have/do est un verbe support abstrait, et ont une LRS de syntagme

    verbal simple (contenant une seule tte V, et pas de spcifieur). La tte N,

    proprement gouverne, est incorpore sous V :

    (11) REPRESENTATION DES INERGATIFS

    VP

    V

    V NP

    (do/have) N

    laugh

    La plupart des nos intransitifs de classe 2A (type grver) correspondent

    effectivement unfaire (support) + N, ceux de la classe 2C (type misrer), et

    deux de la classe 2A.7 un avoir+ N6

    :

    6 Ltoile indique que seuls certains verbes de la sous-classe sont concerns.

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    VP VP

    V V

    V NP V NP

    N N

    1 (faire) achats / sieste / mnage (avoir) misre / carence

    2 (danser/faire) cavacha/java got / frousse4* (faire) magasins / logarithmes 7*(avoir) boulot / panne

    5*(faire) farces

    6*(faire) salongo

    3 faire (produire) ambiance / but /

    faute / chameau

    Cette analyse rgle le problme des rles thmatiques des bases,particulirement gnant dans cette classe : ce ne sont pas eux qui justifient la

    drivation. Mais dautres problmes surgissent.

    Dune part, certains des drivs ne peuvent sanalyser en faire/avoir

    N. Cest le cas pour cigaretter, nivaquiner, linger, faubrer, charlater,

    accorder, pecquer, bilaner, ragoter. Sils peuvent tous sanalyser en V + SNavec un verbe relativement contraint (fumer une cigarette, passer le fauber,

    etc.), combien de verbes supports abstraits peut-on poser sans que lanalyse

    devienne ad hoc ? On pourrait proposer pour les cinq premiers utiliser N, le

    sens spcifique provenant de lutilisation canonique des objets en jeu. Mais il

    reste rendre compte des quatre suivants, qui obligeraient introduire

    comme verbe support donner et rpandre, ainsi que de la classe 2B,

    signifiant recevoir(magot/solde). Il est possible que solderne relve pas de

    cette catgorie, car il connat une alternance transitive7(solder X : donner sa

    solde X), mais cela ne change pas le fond du problme : multiplier les

    verbes supports sans leur trouver une unit, la thorie perdrait en intrt. Si

    cette approche parat sduisante lorsque la base indique un tat ou une

    activit (sieste, grve, carence, ), elle reste creuser pour les bases

    concrtes.

    7 Ce point reste dailleurs problmatique pour langlais : certains verbes en do N

    connaissent une alternance causative : to jump / to jump the horses.

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    2.2. Les drivs transitifs

    Hale et Keyser ne sintressent qu trois types de dnominaux transitifs

    (causatifs). Les deux premiers (location et locatum verbs) sont sans

    alternance intransitive et contiennent une ide de mouvement, mais le nom

    incorpor y reprsente respectivement le but ou lobjet dplac, comme dans

    to shelve bookset to saddle a horse. Le troisime, celui des ergatifs, baseadjectivale, dcrit des changements dtat et connat une alternance

    intransitive (cf. to clear the screen). Ils ont des LRS apparentes, bases sur

    les embotements de VP de Larson (1988) :

    (12) LOCATION VERBS= to cause [books put on a shelf]

    LOCATUM VERBS= to cause [a horse provided with a saddle]

    VP1

    V1

    V1 VP2

    (Cause)

    NP V2

    [+affect]

    V PP

    (Put) (on) shelf

    (Provide) (with) saddle

    (13) ERGATIVES= to cause [the screen become clear]

    VP1

    V1

    V1 VP2

    (Cause)

    NP V2

    [+affect]

    V AP(become) clear

    La diffrence de structure entre locationet locatumreflte les donnes :

    (14) to saddle a horse / * to horse a saddle

    (15) * to book a shelf / to shelf books

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    Leur paralllisme est introduit pour justifier la possibilit de constructions

    moyennes en anglais avec ces deux types de verbes :

    (16) This horse saddles easily

    (17) These books shelf easily

    Les structures et les verbes supports proposs permettent de rendrecompte de ces deux faits : la position en spcifieur du VP2 est ainsi

    uniformment dote du trait affect , qui rend licite la construction

    moyenne8, et cest llment N le plus bas qui sincorpore successivement en

    Prep puis en V1. Dautre part, dans les trois types de LRS, cest la prsence

    du PP / AP qui force celle du NP en spcifieur de VP2, puisque la prsencedu NP dans cette position doit tre rendue licite par une relation deprdication avec largument de V2, qui, selon Hale et Keyser, ne se vrifie

    quavec un argument de type PP ou AP. Ce NP en spcifieur prdit la

    prsence dun COD quand N/A est incorpor sous V1. Enfin, la diffrence

    entre les verbes de type location et locatum repose sur la nature de la

    prposition abstraite : to/on/into/ (prpositions de concidence finale) vswith(prposition de cocidence centrale ( possessif )).

    Les LRS proposes ne couvrant quune partie des dnominaux

    transitifs, comment peut-on appliquer ce type danalyse au corpus ?

    2.2.1. Transitifs sur le thme (classe 1B)

    Comment obtenir la fois une glose acceptable et une LRS prdisant les

    proprits de ces drivs ? On pourrait de prime abord les analyser commecauser que X ait N, o avoirsignifie tantt tre possesseur de N in fine

    (cf. cadeauter X, cigaretter X), tantt tre physiquement affect par N (cf.

    cicatriser X, amourer X). Mais cette formulation immdiate pose deux

    problmes. Dune part, certains des drivs de 1B lui chappent (cf. intriguer

    X, monnayer X). Dautres part, les structures correspondant immdiatement

    ces gloses (causer que X ait N, ou donner/faire N X) ne peuvent pas servirdirectement de base la LRS. La premire est exclue car largument de V2

    (le COD de donner), ntant pas prdicatif selon Hale et Keyser, ne peut

    lgitimer la prsence de X en spcifieur de V2. La seconde, qui sanalyserait

    en causer N tre X, est exclue car N, ntant pas proprement gouvern

    (canoniquement, cf. Hale & Keyser 1997), ne pourrait sincorporer V1 sans

    violer la Head Movement Constraint :

    8 Il nest pas sr nanmoins que cette justification soit transposable au franais,

    cf.La Tour Eiffel se voit de loin, pour lequel il est difficile de maintenir que la

    tour Eiffelvrifie le trait affect .

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    VP2 VP1

    *X V V

    V NP2 V VP2

    (avoir) (limites, cigarette,) * N1

    (limites)

    Pour rendre compte de ces drivs, il faut en fait supposer une LRS du

    type provide X with N (cf. to saddle)

    VP1

    V

    V VP2

    (Causer)

    NP V

    X

    V PP

    (pourvoir)

    P NP

    (avec) N

    avec N = {Cicatrice, Excision, Injection, Farce, Cadeau, Confiance,

    Cigarette, Honte, Fric, Contrat, Solde, Menotte, Matabiche, Limite,

    Complications, Compliments}. Seuls intriguer, amourer et monnayer (peut-

    tre mal classs), semblent difficiles analyser en pourvoir X

    dintrigues/amour/monnaie.

    Pour valider cette analyse, il faut nanmoins tester que les prdictions

    qui en dcoulent se vrifient.

    Cela suppose tout dabord que ces verbes ne prsentent pas une

    alternance intransitive. Daprs les donnes de lIFA, il semble que ce soit le

    cas avec la plupart de ces drivs, cf. (18) :

    (18) * Soko a cadeaut (= a eu un cadeau) / matabich / honti / contract/

    Nanmoins, il faut tester les donnes avec prcision auprs de locuteurs.Dautre part, solder et hontir semblent admettre une telle alternance (mais

    dans deux pays distincts pour hontir, ce qui exige de vrifier sur le terrain),

    cf. (19) :

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    (19) Jai sold (1) vsje nai pas t sold (2)

    Il ma honti (SEN) vsJai honti (CAM)

    Lanalyse prdit galement que, si lon exprime un objet interne, la

    structure aura la forme illustre en (20) (Hale & Keyser 1997) :

    (20) injecter quelquun avec une seringue rouille / cigaretter quelquun avec des

    gauloises / friquer quelquun avec / de 200 FF

    Si intuitivement ces structures nous semblent possibles, elles doivent

    galement tre testes auprs des locuteurs. Le seul exemple dobjet interne

    donn par lIFA concerne cadeauter, et il na pas la structure attendue : jaicadeaut un T-shirt Sik.

    Enfin, si les donnes de langlais et du franais convergent, ces verbes

    permettraient une construction moyenne : Les femmes se cadeautent

    facilement, Un douanier, a se matabiche, etc. Il nest nanmoins pas certain

    que cette proprit soit transposable en franais (cf. note 8).

    2.2.2. Les instrumentaux (classe 1A)

    Comme prcdemment, la structure devrait tre du type suivant :

    VP1

    V1

    V1 VP2

    (Cause)

    NP1 V2

    X

    V2 PP

    P NP2

    N

    Il reste dterminer quel V2 abstrait et quelle prposition abstraite poser.

    Smantiquement, le plus vident serait causer que X soit affect par N.Mais il nest pas clair queparcre une interrelation (prdication) qui force la

    prsence de NP en spcifieur de V2, comme le requiert la thorie. Leproblme ici est que linstrument naffecte X quindirectement. De plus, la

    prsence dans la LRS d'un V2 passif est problmatique.

    Si lon maintient cette analyse, sous rserve dclaircir plus tard le lien

    entre Prep et N, elle devrait prdire

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    (a) l'absence dalternance intransitive,

    (b) lexistence dune construction moyenne.

    A premire vue (a) parat vrifie, cf. (21), mme si les donnes restent

    tester avec des locuteurs :

    (21) * Les haricots ont balanc (= sont devenus pess par une balance)

    * Paul a flch (= est devenu bless par une flche), etc.

    Il est plus difficile de statuer sur (b), surtout pour des varits non standard,

    mais il nest pas sr que le facteur dcisif soit, en franais, le trait affect de

    lobjet. Les phrases en (22) semblent intuitivement possibles dans desvarits africaines, mais doivent, elles aussi, tre vrifies :

    (22) ? Dans une foule, un passant se coude facilement

    ? Un ballon de handball ne se tte pas facilement

    Les lus de ce pays se matabichent facilement

    Ces voitures se manivellent facilement

    Il reste donc tester extensivement les donnes, et vrifier pour le franais

    (central et africain) les liens entre LRS, trait [+ affect] et construction

    moyenne. Indpendamment dailleurs de (b), il nest pas sr que le NP soit

    homognement dot du trait [+ affect] : naturel pour certains, il lest moins

    pour balancer, doigter, indexer etklaxonner.

    Il reste galement voir si les diffrences smantiques entre ces drivs

    ont une incidence sur la dfinition de la LRS. Ainsi, par exemple, pour

    affecter le patient, certains verbes supposent un dplacement de linstrument

    (classe deflchersauffusiller, classepilipiler), alors que pour dautres, cest

    moins vident (torcher, grigriser, maniveller, et balancer / doigter / indexer /

    klaxonner). De plus, ils sont plus ou moins compatibles avec une alternance

    agentive/causative, cf. (23) :

    (23a) ? la balance a pes les haricots / ? le coude a bouscul le passant

    (23b) la flche a bless Paul / la torche a clair la grotte

    Une fois tablies les proprits des diverses sous-classes de 1A, on

    pourra observer dans quelle mesure ces verbes se comportent comme ceux de

    1B, et si les ventuelles divergences peuvent dcouler de la diffrence deprposition abstraite dans leur LRS.

    2.2.3. Les changements dtat

    Hale et Keyser nanalysent que les dadjectivaux, alors que notre corpus

    contient quelques dnominaux, pour lesquels on ne peut adopter la mme

    analyse. On ne peut adapter la structure de leur VP interne NP1 (devenir)

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    AP en NP1 (devenir) NP2, car NP2 est pour eux par dfinition non

    prdicatif, ne peut lgitimer la prsence de NP1 dans la structure.

    De plus, leurs proprits divergent : nos drivs ne sont pas ergatifs,

    puisquils ne prsentent pas dalternance intransitive (cf. (24)) et les

    constructions moyennes nous paraissent acceptables (cf. (25)).

    (24) * Fatou a client (= est devenue une cliente fidle) / * Fatou toubabise,

    (25) Une pharmacienne, a se cliente facilement

    Ces verbes, dont lobjet est affect par le changement dtat, se

    rapprochent donc plutt des verbes de mouvement, et nous proposons pour

    eux une LRS avec prposition abstraite de concidence finale , lechangement dtat tant mtaphoriquement le passage dun tat un autre.On aurait ainsi :

    VP2

    V

    (Cause) NP1 V

    X

    V PP

    (transform)

    P NP2

    (en) N

    client / interne / toubab /

    externe / retrait / charbon

    3. Conclusion trs provisoire

    A ce tout premier stade de lanalyse, les deux approches permettent

    dexpliquer une partie (diffrente) des dnominaux du corpus. Celle de Di

    Sciullo et Williams (1987), en contre-partie de sa richesse, soulve desproblmes aux implications plus profondes, notamment sur la dfinition et la

    hirarchie des rles thmatiques. Sils font cho certaines questions dj

    souleves en syntaxe, il reste voir comment lautonomie de la morphologie

    trouve sa place en la matire. Les propositions successives de Hale et Keyser,qui contournent de fait le problme des rles thmatiques, crent une voie

    dexploration fconde, notamment pour les drivs sur le thme , transitifs

    et intransitifs. Mais nos drivs, par leur diversit, supposent une extension

    des LRS proposes, qui, pour ne pas tre stipulatives, et pour avoir un

    pouvoir rellement prdictif, requirent dtre approfondies et valides par

    des arguments indpendants (applicables au franais). Les deux voies exigent

    V

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    donc un complment danalyse, et des tests auprs des locuteurs. Ce travail

    nous parat ncessaire si lon veut disposer darguments concrets pour tudier

    la source de ces nologismes (influence des substrats, du systme du franais,

    et/ou de la grammaire universelle ). Reste un mystre , dont nous ne

    sommes pas sre quil peut tre lev directement par ce type dapproches :

    pourquoi ttersignifie-t-il frapper avec la tte et doigter montrer avec le

    doigt et non le contraire ?

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