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Changements guid´ es par les buts en argumentation : Cadre th´ eorique et outil Pierre Bisquert, Claudette Cayrol, Florence Dupin de Saint Cyr - Bannay, Marie-Christine Lagasquie-Schiex To cite this version: Pierre Bisquert, Claudette Cayrol, Florence Dupin de Saint Cyr - Bannay, Marie-Christine Lagasquie-Schiex. Changements guid´ es par les buts en argumentation : Cadre th´ eorique et outil. Septi` emes Journ´ ees Francophones Mod` eles Formels de l’Interaction - MFI 2013, Jul 2013, Lille, France. pp. 1-12, 2013. <hal-01140639> HAL Id: hal-01140639 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01140639 Submitted on 9 Apr 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.

Changements guidés par les buts en argumentation : … · pour atteindre ses buts sur une cible donnée. Mots-clés : Argumentation abstraite, Dynamique d’un ... Comment les utiliser

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Changements guides par les buts en argumentation :

Cadre theorique et outil

Pierre Bisquert, Claudette Cayrol, Florence Dupin de Saint Cyr - Bannay,

Marie-Christine Lagasquie-Schiex

To cite this version:

Pierre Bisquert, Claudette Cayrol, Florence Dupin de Saint Cyr - Bannay, Marie-ChristineLagasquie-Schiex. Changements guides par les buts en argumentation : Cadre theorique etoutil. Septiemes Journees Francophones Modeles Formels de l’Interaction - MFI 2013, Jul2013, Lille, France. pp. 1-12, 2013. <hal-01140639>

HAL Id: hal-01140639

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01140639

Submitted on 9 Apr 2015

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements d’enseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

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This is an author-deposited version published in : http://oatao.univ-toulouse.fr/Eprints ID : 12466

To cite this version : Bisquert, Pierre and Cayrol, Claudette and DupinDe Saint Cyr - Bannay, Florence and Lagasquie-Schiex, Marie-Christine Changements guidés par les buts en argumentation : Cadre théorique et outil. (2013) In: Septièmes Journées Francophones Modèles Formels de l'Interaction - MFI 2013, 1 July 2013 - 2 July 2013(Lille, France).

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Changements guidés par les buts en argumentation :Cadre théorique et outil

P. Bisquert

[email protected]

C. Cayrol

[email protected]

F. Dupin de Saint-Cyr

[email protected]

M.C. Lagasquie-Schiex

[email protected]

IRIT, Université Paul Sabatier,118 route de Narbonne, 31062 Toulouse, France

Résumé :Cet article définit un cadre théorique pour étudier le chan-gement en argumentation. Ce cadre permet de prendreen compte le raisonnement d’un agent qui désire mo-difier un système d’argumentation cible afin d’atteindrecertains buts. Les modifications sont des ajouts/retraitsd’arguments ou d’attaques. L’agent est contraint par sespropres connaissances représentées par un deuxième sys-tème d’argumentation. Nous présentons un logiciel ca-pable de calculer les opérations exécutables par un agentpour atteindre ses buts sur une cible donnée.

Mots-clés : Argumentation abstraite, Dynamique d’unsystème d’argumentation

Abstract:This paper defines a new framework for dynamics inargumentation. In this framework, an agent can changean argumentation system (the target system) in orderto achieve some desired goal. Changes consist in addi-tion/removal of arguments or attacks between arguments.The agent must respect some constraints induced by herown knowledge encoded by another argumentation sys-tem. We present a software that computes the possiblechange operations for a given agent on a given target ar-gumentation system in order to achieve some given goal.

Keywords: Abstract argumentation theory, dynamics inargumentation

1 Introduction

Un système d’argumentation abstrait [8] secompose d’un ensemble d’éléments nommésarguments et d’une relation binaire, nomméerelation d’attaque, qui représente des conflitsentre arguments. Une sémantique pour une tellestructure permet de déterminer des ensemblesd’arguments conjointement acceptables. Depuisquelques années, les chercheurs en argumen-tation ont commencé à s’intéresser à la dyna-mique de ces systèmes [6, 5, 7, 1, 10, 9].

Le changement en argumentation a amené desinterrogations classiques : “Comment le repré-senter ? Quelles en sont les conséquences ?”. Denouvelles questions se concentrant sur l’usagede tels changements ont aussi émergé : “A quisont destinés ces changements ? Comment lesutiliser de manière effective pour arriver à unbut précis ?”. Ce sont précisément ces deuxquestions : le changement optimal et la prise

en compte de l’audience, qui nous ont amenésà proposer un nouveau cadre théorique.

Le cadre que nous allons décrire dans ce papierest proche de la planification classique. On dé-sire modéliser le raisonnement d’un agent quipossède ses propres connaissances, un objectif,et qui a la possibilité d’agir sur un système cible.Ici, les connaissances de l’agent sont représen-tées sous la forme d’un système d’argumenta-tion. La cible sur laquelle il peut agir est aussiun système d’argumentation. Par exemple, lorsd’un débat public, les arguments échangés pu-bliquement ainsi que leurs interactions peuventconstituer le système cible. Les moyens d’ac-tions de l’agent sont des ajouts ou des retraitsd’arguments ou d’attaques sur le système cible.Dans un débat public, l’ajout d’un argumentconsiste simplement à l’énoncer. Le retrait d’unargument paraît moins naturel mais il peut seproduire [2] lors d’une objection ou d’une dis-qualification totale d’un énoncé que l’on ne re-connaît pas comme argument. L’ajout d’attaquepeut venir de la découverte que deux argumentsdéjà énoncés sont en conflit, le retrait d’attaquepeut être issu du constat que deux argumentsprécédemment jugés antagonistes sont en faitcompatibles.

L’originalité de notre formalisation du change-ment réside dans l’utilisation de deux systèmesd’argumentation : un pour l’agent et un pour lacible. Cela introduit des limitations aux actionspossibles de l’agent, (puisqu’il ne peut pas, parexemple, ajouter des arguments ou des attaquesqu’il ne connaît pas) et cela rend le problème dela réalisation de ses objectifs moins trivial.

Nous proposons un outil logiciel qui prend enentrée le système d’argumentation d’un agent,un système cible et un but. Il fournit en sortie laliste des actions exécutables par l’agent afin deréaliser son but. Ce logiciel utilise des proprié-tés caractérisant le changement établies dans [7,4, 2]. Dans cet article, nous nous sommes limi-tés à présenter l’étude d’une sémantique parti-culière (la sémantique basique) mais le logicielpeut en traiter d’autres (les sémantiques préférée

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et stable). D’autre part, le logiciel réalisé cal-cule pour l’instant uniquement certains types dechangements.

Nous présentons en section 2 un exemple quinous permettra d’illustrer notre cadre théoriqueexposé en section 3. En section 4, nous décri-vons l’outil implémenté destiné à fournir les ac-tions à effectuer par l’agent pour atteindre sesobjectifs. Les résultats obtenus et les protocolesd’expérimentation utilisés sont donnés en sec-tion 5.

2 Exemple d’utilisation

Nous reprenons ici l’exemple décrit dans [4]. Ils’agit d’un exemple simple qui se prête bien àl’argumentation : une audience de tribunal. Bienentendu, si cet exemple permet d’illustrer aisé-ment les notions mises en jeu, il ne résume pasà lui seul toutes les applications de notre travail.Cet exemple sera présenté en deux parties, lapremière se concentrant sur les protagonistes etleurs buts, la seconde illustrant le déroulementde l’audience.

2.1 Protagonistes

Cet exemple s’inspire du fonctionnement d’uneaudience de tribunal mettant en scène quatre en-tités aux rôles bien distincts qui interagissentpour déterminer si un argument x0 est accep-table. Ici, l’argument x0 signifie que l’inculpén’est pas coupable.

– Le procureur veut faire rejeter l’argumentx0. Il a à sa disposition un ensemble d’argu-ments, éventuellement différents de ceux deson adversaire (l’avocat).

– L’avocat de la défense, disposant égalementd’un ensemble d’arguments, tente de faire ac-cepter l’argument x0.

– Le juge s’assure que le processus d’argumen-tation s’opère dans de bonnes conditions. Ilintervient lorsqu’une objection est faite par undes participants ; il peut alors accepter cetteobjection (donc faire retirer l’argument cor-respondant), ou la rejeter.

– Les jurés 1 ont le mot de la fin. Leur rôle estd’écouter les arguments du procureur et del’avocat et d’en tirer une conclusion concer-nant l’acceptabilité de l’argument x0. Ils n’in-terviennent pas durant les échanges entre le

1. Bien qu’au pluriel, les jurés sont une seule et même entité déci-

sionnaire.

procureur, l’avocat et le juge. Lorsque l’au-dience est terminée (i.e. lorsque ni le procu-reur, ni l’avocat ne peuvent, ou ne veulent,donner de nouveaux arguments), les juréspeuvent délibérer et déterminer si l’argumentx0 est acceptable ou non.

Dans cet exemple, le procureur et l’avo-cat ne sont pas intéressés par le fait de seconvaincre mutuellement. Par contre, ils sou-haitent convaincre les jurés qui vont prendrela décision finale. Les deux protagonistes vontdonc agir sur un système d’argumentation ciblereprésentant l’état des connaissances des jurés,ce dernier étant vide au départ. Ce système re-présente le lieu central d’échanges entre le pro-cureur et l’avocat, où chacun de ces derniers vaplacer à tour de rôle des arguments, de sortequ’à la fin les jurés penchent en sa faveur.

2.2 Protocole

Nous présentons un protocole gérant l’échanged’arguments dans l’exemple de l’audience.

1. Tout d’abord, l’argument x0 de l’audienceest mis en place. Par convention, c’est l’avo-cat de la défense qui prend la parole en pre-mier et énonce l’innocence de son client.Cette action prend pour cible le systèmed’argumentation des jurés, qui est modifié.

2. S’ensuit une séquence d’actions proposéespar les différents agents (soit le procureur,soit l’avocat) en fonction de leur propresystème d’argumentation. Deux types d’ac-tions sont possibles :– Les actions additives, c’est-à-dire l’ajout

d’un ou plusieurs arguments et/ou at-taques directement dans le système d’ar-gumentation des jurés.

– Les actions suppressives, c’est-à-dire leretrait d’un ou plusieurs arguments et/ouattaques du système d’argumentation desjurés, (par exemple objection). Notons lecomportement particulier de l’objection :elle consiste à demander au juge de sta-tuer sur la légalité d’arguments et/ou d’at-taques de l’adversaire. Si l’objection estrejetée, aucune modification du systèmedes jurés n’est effectuée. Si l’objectionest acceptée, les arguments ou attaquesobjectés sont retirés du système des jurés.

Il est aussi possible pour un agent de nerien faire. Ceci peut notamment arriver lors-qu’un agent n’a plus d’argument à avancer,

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ou lorsque le système des jurés est dans unétat lui convenant.

3. Un effet de bord des actions est le faitque si un des deux protagonistes n’a pasconnaissance de l’argument que son adver-saire énonce, il va l’ajouter à son propresystème. De même, si un argument est jugéillégal suite à une objection acceptée par lejuge, les deux agents doivent l’occulter afinde ne plus l’utiliser.

4. Lorsque les deux agents décident de ne plusrien faire, le jeu s’arrête et les jurés déli-bèrent grâce à leur système d’argumenta-tion.

Ce protocole met en évidence deux types dechangement :– changement opéré par un agent sur un sys-

tème cible autre que le sien,– changement opéré par un agent sur son propre

système.Ce dernier type de changement peut être étudiéen utilisant directement les travaux de [7] et nesera par conséquent pas traité ici.Dans ce papier, nous allons donc nous consacreruniquement à l’étude du premier type de chan-gement. Nous présentons ainsi un cadre théo-rique dans lequel un agent choisit une action enfonction d’un système cible, de son propre sys-tème et de ses buts.

3 Cadre formel et nouvelles défini-tions

Ce travail se base sur diverses notions que nousprésenterons et illustrerons au fur et à mesuresur l’exemple de la section 2. Nous aurons no-tamment besoin des systèmes d’argumentationet des opérations de changement présentés dans[8] et [7].

Au-delà de la notion de changement et des mo-difications qu’il implique, nous nous intéressonsà ce qui peut provoquer ce changement, c’est-à-dire, pourquoi et comment un système d’argu-mentation cible est modifié. Nous introduironsdonc la notion de but d’un agent et nous étudie-rons ce qu’un agent peut faire en termes d’opé-rations pour réaliser son but.

3.1 Argumentation abstraite

Considérons un ensemble Arg de symboles (no-tés par des lettres minuscules), représentant unensemble d’arguments.

L’ensemble Arg, ainsi qu’une relation R ⊆Arg × Arg, nous permettent de définir l’en-semble des arguments possibles avec leurs in-teractions, ce que nous appelons univers de réfé-rence. Plus précisément, Arg représente un en-semble potentiellement infini d’arguments uti-lisables dans un domaine particulier (e.g. si ledomaine est une base de connaissances alorsArg est l’ensemble de tous les arguments quipeuvent être construits à partir des formules dela base). Il est également possible, à l’instar del’exemple ci-dessous, de supposer que Arg estfourni explicitement.

Exemple 1 Lors d’une audience de tribunalconcernant un prévenu (M. X), de multiples ar-guments peuvent être mis en jeu pour détermi-ner sa culpabilité. La table 1 présente cet en-semble d’arguments i.e., l’ensemble Arg. La re-lation R est représentée dans le graphe de lafigure 1.

x0

M. X n’est pas coupable d’homicidevolontaire avec préméditation sur lapersonne de Mme X , sa femme.

x1

M. X est coupable d’homicidevolontaire avec préméditation sur lapersonne de Mme X , sa femme.

x2

L’accusé a un alibi, sa secrétaire ayantjuré sur l’honneur qu’elle l’avait vu àl’heure du crime.

x3

La personnalité effacée et influençablede la secrétaire ne peut que mettre endoute la véracité de ses propos.

x4

M. X aime si fort sa femme qu’il l’ademandée en mariage une deuxièmefois. Or, un homme qui aime sa femmene saurait en être le meurtrier.

x5

L’accusé est un homme connu pour êtrevénal et son “amour” pour une femmetrès riche ne pourrait être qu’appât dugain.

x6

L’accusé n’aurait eu aucun intérêt àtuer sa femme, puisqu’il n’était pas lebénéficiaire de l’énorme assurance viecontractée par celle-ci.

TABLE 1 – Arguments mis en jeu lors de l’audience detribunal.

Nous proposons une variante de la définitiond’un système d’argumentation au sens de [8] quiprend en compte l’univers de référence.

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x5 x6 x3 x2

x4 x1 x0

FIGURE 1 – Illustration de l’univers de référence de l’au-dience.

Définition 1 Un système d’argumentation surl’univers 〈Arg,R〉 est un sous-graphe partielde 〈Arg,R〉, c’est-à-dire une paire 〈A,RA〉, oùA ⊆ Arg est un ensemble non vide fini d’argu-ments et RA ⊆ R ∩ A×A est appelée relationd’attaque.Soit a, b ∈ A, aRAb signifie que a attaque b.〈A,RA〉 est représenté par un graphe d’argu-mentation G dont les sommets et les arcs corres-pondent respectivement aux arguments et auxattaques.Si x est un argument, x ∈ G est un abus de lan-gage signifiant x ∈ A.

Dans la suite de ce travail, étant donné un uni-vers 〈Arg,R〉, Gk = 〈Ak, RAk

〉 désigne le sys-tème d’argumentation de l’agent k sur cet uni-vers, ce qui représente la partie de l’univers deréférence connue par k.

Exemple 1 (suite) Le procureur ne connaît pastous les arguments présents dans l’univers (re-présenté dans la figure 1), la figure 2 illustre lesarguments et les attaques qu’il connaît (Gproc).

x5 x6 x3

x4 x1 x0

FIGURE 2 – Système d’argumentation du procureur(Gproc).

Les ensembles acceptables d’arguments (“ex-tensions”) sont déterminés à l’aide de séman-tiques dont la définition repose essentiellementsur les notions suivantes :

Définition 2 Étant donné un système d’argu-mentation 〈A,RA〉, soit a ∈ A et S ⊆ A– S attaque a ssi 2 ∃x ∈ S tel que xRAa.– S est sans conflit ssi il n’existe pas a, b ∈ S

tels que aRAb.

2. si et seulement si

– S défend un argument a ssi S attaque toutargument attaquant a. L’ensemble des ar-guments défendus par S est noté F(S) ;F est appelée la fonction caractéristique de〈A,RA〉. Plus généralement, S défend indi-

rectement a ssi a ∈⋃

i≥1

F i(S).

– S est un ensemble admissible ssi il est à lafois sans conflit et défend tous ses éléments.

L’ensemble des extensions de 〈A,RA〉 sous unesémantique donnée est noté E (avec E1, . . . , Endénotant les extensions). Dans cet article, nousne nous intéressons qu’à une seule sémantiqueparmi celles proposées par [8] :

Définition 3 (Sémantique basique) Soit E ⊆A, E est l’unique extension basique ssi E est leplus petit point fixe (par rapport à ⊆) de la fonc-tion caractéristique F .

Exemple 1 (suite) L’extension basique repré-sentant les arguments acceptables pour le pro-cureur est {x0, x3, x5, x6}.

Par ailleurs, le statut d’un argument est fonctionde sa présence dans les extensions de la séman-tique choisie. En l’occurrence, un argument est“accepté” s’il apparaît dans l’extension basiqueet “rejeté” sinon.

Ainsi, dans le cas du procureur, x0 est acceptéet x1 rejeté. Mais, bien qu’il ne possède pas lesarguments pour prouver indubitablement que leprévenu est coupable, le procureur souhaite quex1 soit accepté chez les jurés. La section sui-vante va nous permettre de voir comment le pro-cureur peut agir sur le système des jurés afin defaire accepter x1.

3.2 Changement en argumentation

Selon [7], un changement élémentaire est soitl’ajout/retrait d’un argument avec un ensembled’attaques le concernant, soit l’ajout/retraitd’une attaque. Afin d’être plus concis, nousconsidérons uniquement dans cet article les opé-rations concernant l’ajout ou le retrait d’un ar-gument.

Ainsi, nous raffinons la notion d’opération élé-mentaire au sens de [7] en quatre points : nousdéfinissons sa syntaxe ; puis nous la ramenonsà un agent pour déterminer si une opération est

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autorisée ou non pour celui-ci, c’est-à-dire s’ilconnaît les éléments mis en jeu dans l’opération.Nous prenons ensuite en compte la cible pourdéterminer si l’opération est exécutable : l’ajout(respectivement le retrait) d’argument n’est exé-cutable que si cet argument est absent (respec-tivement présent) dans le système cible. Enfin,nous définissons l’impact d’une opération surun système d’argumentation.

La restriction à des opérations élémentaires nefait pas perdre en généralité puisqu’une opéra-tion quelconque peut se ramener à une séquenced’opérations élémentaires, appelée programmedans la définition 5. Par ailleurs, nous supposonsdans ce travail que tous les systèmes considéréssont relatifs au même univers 〈Arg,R〉.

Définition 4 Soit k un agent, Gk = 〈Ak, RAk〉

son système d’argumentation et G = 〈A,RA〉un système d’argumentation quelconque.– Une opération élémentaire est un triplet o =〈op, arg, att〉 où op ∈ {⊕,⊖}, arg ⊆ Arg,att ⊆ R et– soit op = ⊕ avec |arg| = 1 et ∀(x, y) ∈att, (x 6= y) et (x ∈ arg ou y ∈ arg),

– soit op = ⊖ avec |arg| = 1 et att = ∅.– Une opération élémentaire 〈op, arg, att〉 est

autorisée pour k ssi arg ⊆ Ak et att ⊆ RAk

3.– Une opération exécutable par k sur G est

une opération élémentaire 〈op, arg, att〉 au-torisée pour k telle que :– si op = ⊕, alors arg 6⊂ A et ∀(x, y) ∈att, (x ∈ A ou y ∈ A),

– si op = ⊖, alors arg ⊆ A.– Une opération o = 〈op, arg, att〉 exécutable

par k sur G fournit un nouveau système d’ar-gumentation G′ = o(G) = 〈A′, RA′〉 tel que :– si op = ⊕ alors G′ = 〈A ∪ arg, RA ∪ att〉,– si op = ⊖ alors G′ = 〈A \ arg, RA \{(x, y) ∈ RA|x ∈ arg ou y ∈ arg}〉.

Exemple 1 (suite) À partir de l’univers de ré-férence représenté par la figure 1, voici une listenon exhaustive d’opérations élémentaires :– 〈⊕, {x2}, {(x2, x1)}〉,– 〈⊕, {x2}, {(x2, x1), (x3, x2)}〉,– 〈⊕, {x6},∅〉,– 〈⊕, {x6}, {(x6, x1)}〉.– 〈⊖, {x4},∅〉,

3. Dans le cas d’un ajout d’argument, il peut n’être fourni qu’une

partie des attaques connues ; il est donc possible pour un agent d’effec-

tuer un “mensonge par omission”, par exemple pour des raisons straté-

giques. L’agent n’est par contre pas autorisé à fournir des arguments ou

des attaques inconnus ; il ne peut donc mentir de manière “active” ; ceci

pourra être l’objet de travaux futurs.

– 〈⊖, {x2},∅〉.Parmi ces quelques opérations élémentaires, leprocureur n’est pas autorisé à utiliser cellesconcernant des arguments ou des attaques qu’ilne connaît pas. Ainsi, il ne pourra pas utiliserles opérations suivantes :– 〈⊕, {x2}, {(x2, x1)}〉,– 〈⊕, {x2}, {(x2, x1), (x3, x2)}〉,– 〈⊖, {x2},∅〉.Supposons que Gjures, donné par la figure 3, estle système des jurés (et donc la cible du procu-reur).

Gjures

x4 x1 x0

FIGURE 3 – Système d’argumentation des jurés

Ce dernier dispose donc, entre autres, des opé-rations exécutables suivantes sur Gjures :– 〈⊖, {x4},∅〉,– 〈⊕, {x5}, {(x5, x4)}〉,– 〈⊕, {x6},∅〉,– 〈⊕, {x6}, {(x6, x1)}〉.Et, enfin, si l’on considère l’impact dela seconde de ces opérations sur le sys-tème des jurés, ce dernier devient alors〈{x0, x1, x4, x5}, {(x1, x0), (x4, x1), (x5, x4)}〉 :

x5 x4 x1 x0

FIGURE 4 – Gjures après 〈⊕, {x5}, {(x5, x4)}〉

Nous considérons ci-dessous les suites d’opéra-tions exécutables par un agent sur un systèmed’argumentation, nommées programmes, don-nant la possibilité à un agent d’effectuer plu-sieurs opérations élémentaires en séquence.

Définition 5 Soit k un agent et G un systèmed’argumentation quelconque. Un programme pexécutable par k sur G est une suite ordonnéefinie de m opérations (o1, · · · , om) telle que :– m = 1 : o1 est exécutable par k sur G. On a

alors p(G) = o1(G).– m > 1 : (o1, · · · , om−1) est un programme p′

exécutable par k sur G tel que p′(G) = G′

et om est exécutable par k sur G′. On a alorsp(G) = om(G

′).– Par extension, une suite vide est aussi un pro-

gramme. On a alors p(G) = G.

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Il reste maintenant à définir ce que pourrait êtreun programme réalisant un but précis.

3.3 Buts et programmes

Comme nous l’avons déjà souligné, un agent ala possibilité d’agir sur un système cible pouratteindre des objectifs. Ces objectifs seront for-mellement traduits par des buts. Un but est re-présenté par une expression d’un langage quiexprime des conditions à satisfaire dans des sys-tèmes d’argumentation (celui de la cible et éven-tuellement celui de l’agent). Pour représenterces buts, nous utiliserons les symboles apparais-sant dans la typologie des propriétés du change-ment présentée dans [3], notamment :– les arguments (x, y, z, etc.),– les extensions (Ei et E ′

i),– les ensembles d’extensions (E et E′) ainsi que

leur cardinal (|E| et |E′|),– les ensembles de toutes les extensions conte-

nant un argument particulier x (Ex et E′x) et

leur cardinal (|Ex| et |E′x|),

– les opérateurs de comparaison classique (=,<, >, etc.),

– les quantificateurs ∀ et ∃,– l’appartenance (∈) et l’inclusion (⊆),– l’union (∪) et l’intersection (∩) d’ensembles,– les opérateurs logiques classiques (∧, ∨, →,↔, ¬).

Nous noterons bk le but de l’agent k.

Exemple 1 (suite) Le but bproc du procureurpeut être représenté par (x1 ∈ E ′) avec E ′ re-présentant l’extension basique dans le systèmedes jurés.

Maintenant que le but du procureur peut être for-mellement représenté, nous pouvons donner lanotion de programme réalisant un but.

Définition 6 Soit k un agent, bk son but et G unsystème d’argumentation quelconque. Un pro-gramme p de k sur G réalisant bk est un pro-gramme exécutable par k sur G tel que p(G) =G′ et bk est satisfait dans G′ 4.

Exemple 1 (suite) Si l’on considère le butbproc représenté par (x1 ∈ E ′), les programmes(〈⊕, {x5}, {(x5, x4)}〉) et (〈⊖, {x4},∅〉) duprocureur sur Gjures réalisent bproc.

4. Ou dans (G,G′) si le but exprime une condition sur les deux

systèmes.

Comment déterminer les opérations qui réa-lisent le but d’un agent ? C’est ce que nous al-lons étudier dans la section suivante.

3.4 Caractérisations du changement

Une approche “naïve” est de calculer, pourchaque opération exécutable, l’ensemble des ex-tensions du système cible modifié et de véri-fier que le but est bien réalisé. Une autre ap-proche plus efficace utilise les caractérisationsdu changement qui ont été étudiées dans destravaux tels que [7] et [2]. Une caractérisationest une propriété donnant des conditions néces-saires et/ou suffisantes permettant de réaliser unbut particulier pour un type d’opération et unesémantique donnés.

Nous donnons deux exemples de caractérisa-tions :

Caractérisation 1 ([3]) Lors de l’ajout d’unargument z sous la sémantique basique, si zn’est pas attaqué par G et z défend indirecte-ment x et x 6∈ E , alors x ∈ E ′.

Cette caractérisation concerne un but de typeappartenance forcée 5 d’un argument x. Elleprécise également l’opération concernée : ils’agit de l’ajout d’un argument z. Ainsi, grâceà cette caractérisation, nous savons (sans avoirbesoin de tout recalculer) que si une opérationajoute un argument z sous la sémantique ba-sique, tel qu’il n’est pas attaqué et qu’il défendindirectement un autre argument x qui n’étaitpas accepté, alors x deviendra accepté.

Caractérisation 2 ([3]) Lors du retrait d’un ar-gument z sous la sémantique basique, si E 6= ∅

et z est attaqué par G, alors E ′ 6= ∅.

Le but, de type extension non vide, porte ici surl’évolution de l’extension. Cette caractérisationnous permet de savoir, sans tout recalculer, quesi une opération retire un argument z alors quece dernier est attaqué par au moins un argumentde G et que l’extension n’est pas vide avantle changement, alors l’extension obtenue aprèsle changement ne sera pas vide. Ceci peut, parexemple, être utile lorsque l’on veut s’assurerque la discussion ne se révèlera pas vaine.

5. L’appartenance forcée (“enforcement”, voir [1]) consiste à faire

en sorte qu’un argument qui était rejeté devienne accepté. Ainsi, on force

l’appartenance d’un argument à une extension.

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Ceci conclut notre cadre théorique. La sectionsuivante présente l’outil associé.

4 Présentation de l’outil

Cet outil s’organise autour de deux modulesspécifiques : un gestionnaire de systèmes d’ar-gumentation, et un moteur de calcul des opé-rations de changement. Les sorties du premiermodule servent d’entrée au deuxième module.

4.1 Le gestionnaire de systèmes d’argu-

mentation

Nous présentons ici la facette argumentative“pure” du programme, qui concerne la créationde différents systèmes d’argumentation. Nousavons implémenté la notion de système d’argu-mentation, et lui avons adjoint la possibilité decalculer ses propres extensions. Ce module estimplémenté en utilisant un langage à objet (Py-thon 2.7) pour la flexibilité et la facilité que celaprocure dans l’implémentation des notions uti-lisées.

Ainsi, pour créer un système d’argumentation,il faut fournir :– un ensemble d’arguments,– un ensemble d’attaques.Ce module gère la cohérence des données four-nies en vérifiant par exemple qu’un argumentn’apparaît qu’une seule fois, ou qu’une at-taque n’existe que si les arguments concernésexistent aussi. Ce module renvoie des informa-tions concernant les systèmes d’argumentationet lance si nécessaire le calcul des extensions re-lativement à une sémantique pouvant être four-nie en paramètre.

Conformément à notre cadre théorique, l’outilpermet donc de créer deux systèmes d’argumen-tation, celui de l’agent et celui de sa cible. Cettecréation s’effectue en fournissant la liste des ar-guments et des attaques de ces deux systèmes.De plus, la sémantique utilisée dans le systèmecible est aussi précisée (elle servira à vérifier lasatisfaction des buts de l’agent).

Les systèmes d’argumentation de l’agent et dela cible, ainsi que les extensions de ce derniersont alors transmis au deuxième module.

4.2 Le moteur de calcul

Ce deuxième module est destiné à calculer des“opérations de changement”. Plus précisément,

il permet de répondre à la question “Quellessont les opérations exécutables par l’agent surle système cible réalisant son but ?”.

Le moteur de calcul prend en entrée les sys-tèmes d’argumentation de l’agent et de la cible,ainsi que l’ensemble d’extensions de la ciblepour une sémantique donnée. En plus de cela,il est nécessaire de lui fournir :– un but correspondant à ce que l’agent cherche

à satisfaire dans le système cible,– une base de caractérisations permettant de vé-

rifier si une opération réalise le but fourni.Notons que l’utilisateur peut filtrer les résultatsen forçant le type d’opération attendu, il peutne s’intéresser qu’aux ajouts d’arguments parexemple.

Le cœur de ce module est une règle qui :– génère toutes les opérations exécutables par

l’agent sur la cible et réalisant le but,– et produit, pour chacune des opérations, la ca-

ractérisation justifiant ce résultat.Cette règle comporte deux parties, l’une se char-geant de construire les opérations, et l’autre vé-rifiant que l’opération correspond aux deside-rata de l’agent.

Une vision synthétique de l’outil, et donc del’articulation entre les deux modules de l’outil,est donnée par la figure 5.

FIGURE 5 – Architecture schématique de l’outil.

Notons que nous utilisons dans ce second mo-dule un langage de programmation logique

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(Prolog) pour deux raisons primordiales : lescaractérisations se traduisent naturellement enrègles logiques, ce qui facilite l’implémentation,et le mécanisme d’unification nous permet degénérer et de contraindre facilement des opéra-tions à partir des systèmes d’argumentation etdu but de l’agent.

Construction des opérations La construction desopérations découle directement de la défini-tion 4. Ainsi, nous générons directement uneopération exécutable, puis nous calculons sonimpact. Ceci permet d’éviter de considérer desopérations non autorisées ou non exécutables etainsi d’optimiser le temps de calcul.

Vérification des opérations Lorsqu’une opérationest générée par les règles de construction, celle-ci est traitée grâce aux caractérisations (parexemple, les caractérisations 1 ou 2). Ainsi,pour une opération donnée, s’il existe une ca-ractérisation correspondant au type de l’opéra-tion et au but recherché par l’agent et si lesconditions de cette caractérisation sont satis-faites, alors cette opération sera fournie à l’uti-lisateur avec la caractérisation correspondante àtitre d’explication.

Notons que l’outil ne traite pour l’instant quedes programmes réduits à une opération élémen-taire.

4.3 Application à l’exemple

Nous illustrons l’utilisation de l’outil surl’exemple de l’audience. Pour ce faire, consi-dérons la situation suivante : le procureur doitfaire en sorte que l’argument x1 soit accepté. Ila à sa disposition les arguments présentés dansla figure 2 et doit modifier le système d’argu-mentation des jurés, représenté par la figure 3.

Le procureur doit donc tout d’abord fournir àl’outil les données nécessaires, à savoir :– l’ensemble des arguments et des attaques

qu’il connaît : {x0, x1, x3, x4, x5, x6}et {(x0, x1), (x1, x0), (x4, x1), (x5, x4),(x6, x1)},

– l’ensemble des arguments et attaques connuspar les jurés (le système cible) : ({x0, x1, x4},{(x1, x0), (x4, x1)}),

– la sémantique utilisée par les jurés, que noussupposons ici être la sémantique basique.

L’outil déduira de ces données l’ensemble desextensions pour le système des jurés (E ={{x0, x4}}).

Le procureur doit aussi préciser le but qu’il sou-haite voir satisfait :

“x1 doit appartenir à l’extension basique.”

Et enfin il doit fournir une base de caractérisa-tions. Nous supposerons pour les besoins de cetexemple que cette base se résume à l’unique ca-ractérisation 1.

L’outil génère alors les opérations exécutablespar le procureur sur le système des juréspuis calcule leurs impacts. L’outil génère parexemple les opérations :

– 〈⊖, {x4},∅〉, qui passe avec succès les étapesde construction et dont l’impact est le systèmeayant pour ensemble d’arguments {x0, x1} etpour ensemble d’attaques {(x1, x0)},

– 〈⊕, {x5}, {(x5, x4)}〉, qui passe égalementavec succès les étapes de construction etdont l’impact est le système ({x0, x1, x4, x5},{(x1, x0), (x4, x1), (x5, x4)}).

Notons que les opérations concernant des ar-guments ou attaques inconnus de l’agent, ounon exécutables sur le système cible, ne sontpas générées par l’outil. Ainsi, l’opération〈⊖, {x6},∅〉 n’est pas générée car l’argumentx6 n’est pas présent dans le système des jurés.Ceci assure le caractère fini du processus.

Les opérations générées sont en même tempsexaminées au travers des caractérisations. Si uneopération ne correspond à aucune des caracté-risations, elle est rejetée ; si elle est concernéepar une ou plusieurs caractérisations, alors l’ou-til renvoie tous les couples (opération, caractéri-sation).

Dans notre exemple, l’opération 〈⊖, {x4},∅〉est rejetée car son type (retrait d’un argu-ment) ne correspond pas à celui spécifié dansl’unique caractérisation disponible. Par contre,le type de l’opération 〈⊕, {x5}, {(x5, x4)}〉 cor-respond ; l’outil doit donc vérifier que cette der-nière satisfait les contraintes spécifiées dans lacaractérisation, à savoir que z, en l’occurrenceapparié à l’argument x5, n’est pas attaqué etqu’il doit défendre indirectement x (ce dernierapparié à x1) tel que x n’appartient pas à l’ex-tension. 6 Ces conditions étant vérifiées, l’opé-ration réalise effectivement le but du procureur.

6. Les concepts nécessaires aux caractérisations ont été implémen-

tés. Nous comptons ainsi parmi eux les concepts d’attaque indirecte par

un argument, de défense directe et indirecte par un argument, d’attaque

et de défense d’ensembles, etc.

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5 Expérimentations

L’objectif de notre outil est de trouver un pro-gramme (au sens de la définition 5) réalisant unbut. Rappelons que nous nous restreignons dansun premier temps aux programmes ne conte-nant qu’une seule opération. Le travail auraitpu être fait directement en calculant l’impactd’une opération puis l’ensemble des extensionsdu graphe obtenu. Mais l’outil est conçu dansle but d’éviter de recalculer des extensions, cequi peut être très coûteux. En effet, si calculerl’impact d’une opération est aisé en termes d’ar-guments et d’attaques (car n’impliquant que destraitements “simples” d’ensembles), il est bienplus lourd de recalculer les ensembles d’exten-sions ([9]). Notre idée est de générer des opéra-tions exécutables et de les “tester” grâce aux ca-ractérisations, plutôt que de calculer les exten-sions pour chacun des systèmes résultants puisde vérifier que le but sélectionné est satisfait. Legain en termes de temps et d’espace reste encoreà évaluer, ce que nous comptons faire dans destravaux futurs.

Avant d’analyser les résultats produits par l’ou-til (section 5.2), nous présentons, en section 5.1,les protocoles expérimentaux utilisés, qui serontensuite critiqués en section 5.3.

5.1 Protocoles expérimentaux

Les deux protocoles expérimentaux mis enplace visent à vérifier en premier lieu la correc-tion des résultats, et dans un deuxième temps àmettre en lumière des lacunes au niveau des ca-ractérisations.

Hypothèse d’inclusion. Ces deux protocoles sup-posent que le système cible est un sous-graphepartiel du système de l’agent. Cette hypothèseparaît naturelle dans le cas de l’exemple de l’au-dience : le procureur et l’avocat entendent publi-quement ce qui a été dit au cours de l’audience.Ils sont donc au courant de tous les argumentsprésents dans le système d’argumentation desjurés (leur cible) 7.

Génération aléatoire. Ce protocole vise à gé-nérer aléatoirement deux systèmes (un pour

7. Le non respect de cette hypothèse signifierait que l’agent pour-

rait ne pas être d’accord avec la validité de certains arguments ou at-

taques entendus. On se pose là la question complexe de la différentia-

tion entre connaissance d’un argument ou d’une attaque et croyance en

sa validité. Cette question mériterait un approfondissement qui sort du

cadre de cet article.

l’agent et un pour la cible en respectant l’hy-pothèse d’inclusion) et un but à satisfaire :– un ensemble d’arguments de taille n est créé,

avec n ayant une valeur aléatoire entre 2 et 20,– un ensemble d’attaques entre ces arguments

de taille nb_att est créé, avec nb_att ayantune valeur aléatoire entre n ∗ 0.5 et n ∗ 1.5.

Ceci constitue le premier système. Il va servirde base pour créer un sous-graphe partiel repré-sentant la cible :– deux nombres suppr_arg et suppr_att sont

générés aléatoirement, avec suppr_arg ayantune valeur entre 0 et n−1 et suppr_att ayantune valeur entre 0 et nb_att− 1,

– suppr_arg arguments sont retirés aléatoi-rement de l’ensemble d’arguments, et pourchaque argument retiré nous soustrayons àsuppr_att le nombre d’attaques le concer-nant,

– suppr_att attaques sont retirées aléatoire-ment.

Ceci nous permet d’obtenir le deuxième sys-tème.

Et enfin, un but est choisi aléatoirement parmix ∈ E ′, x /∈ E ′, z ∈ E ′, E = E ′, E ⊆ E ′, E ⊂ E ′,E ′ ⊆ E , E ′ ⊂ E , E ′ = ∅ et E ′ 6= ∅, où x appar-tient au système cible, z appartient au systèmede l’agent et E (resp. E ′) est l’extension basiquede la cible avant (resp. après) le changement.

La génération d’opérations est alors lancée àpartir de ces deux systèmes et du but (voir lesrésultats obtenus en section 5.2).

Génération systématique. Bien que la générationaléatoire soit efficace, elle peut laisser de côtédes cas intéressants. Pour pallier ce problème,nous avons mis en place un autre protocole ex-périmental consistant à tester exhaustivementune liste de couples de systèmes.

Ainsi, pour n arguments, nous créons tous lescouples de systèmes tels que :– le premier système a un ensemble d’argu-

ments arg_agent (numérotés de 1 à n) etun ensemble d’attaques att_agent (dont lenombre va de 0 à n ∗ (n− 1)).

– le deuxième système a un ensemble d’argu-ments arg_cible variant parmi tous les sous-ensembles possibles de arg_agent, et un en-semble d’attaques variant parmi tous les sous-ensembles possibles de att_agent restreintaux arguments de arg_cible.

Nous procédons alors à la génération d’opéra-tions pour un but particulier donné (ici, on a

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testé le but d’appartenance forcée pour chaqueargument du système cible).

Notre protocole calcule l’extension basique dusystème résultant de l’opération. Ceci nous per-met de constater les problèmes de “couverture”de l’outil, c’est-à-dire les cas où aucune opéra-tion n’est trouvée pour réaliser le but alors qu’ilen existe une. Ces résultats de couverture sontprésentés dans la section suivante.

5.2 Résultats

Pour la génération aléatoire : Pour chaque couplede systèmes généré (en tout cinq millions), lepremier protocole expérimental affiche des in-formations concernant la génération des opéra-tions exécutables réalisant un but choisi aléa-toirement. L’exemple 2 propose un court extraitmontrant un cas de réussite de génération d’opé-rations.

Exemple 2 Considérons les systèmes suivantset le but x1 6∈ E ′ :

Agent Cible

x1 x2 x1

L’outil génère deux opérations : 〈⊕, {x2},{(x2, x1)}〉 et 〈⊕, {x2}, {(x2, x1), (x1, x2)}〉avec les caractérisations correspondantes (ici,il s’agit deux fois de la même – celle donnée parla proposition 16 de [3]).

Par ailleurs, le protocole propose également unrécapitulatif des résultats, pour chacun des buts,en détaillant le nombre de cas où une solutionest trouvée. La table 2 montre un exemple derésultats.

Selon le but considéré, l’outil trouve plus oumoins souvent des solutions. Plus précisément,il existe deux causes possibles amenant l’outil àne pas trouver d’opérations exécutables :– soit il n’existe pas d’opération exécutable réa-

lisant le but cherché ; notons que ce cas inclutcelui où il n’est pas possible de réaliser ce butavec une seule opération (cf. exemple 3).

– soit il manque une caractérisation à l’outilpermettant de trouver au moins une opération(cf. exemple 4).

ButNb. de Ensemble de sol.

%cas testés Non vide Vide

x ∈ E ′ 499216 443010 56206 88.7x /∈ E ′ 500009 397706 102303 79.6z ∈ E ′ 500196 443931 56265 88.8E = E ′ 499770 389933 109837 78.0E ⊆ E ′ 499116 499116 0 100.0E ⊂ E ′ 500697 489562 11135 97.8E ′ ⊆ E 499860 435600 64260 87.1E ′ ⊂ E 499546 402207 97339 80.5E ′ = ∅ 500728 27222 473506 5.4E ′ 6= ∅ 500862 279162 221700 55.7Total 5000000 3807449 1192551 76.1

TABLE 2 – Récapitulatif de résultats pour le protocolede génération aléatoire. Pour chaque but, la deuxièmecolonne indique le nombre total de couples de systèmesd’argumentation testés par l’outil. La troisième colonne(resp. quatrième colonne) indique le nombre de fois oùl’outil a renvoyé un ensemble de solutions non vide (resp.vide) pour un couple de systèmes. Enfin, la cinquième co-lonne indique le pourcentage des cas où l’outil a renvoyéun ensemble de solutions non vide par rapport au totaldes cas testés pour un but particulier.

Exemple 3 Considérons les systèmes suivantset le but E ′ = ∅ :

Agent Cible

x1 x2

x4 x3

x1 x2

x4 x3

L’outil ne génère aucune opération car il est im-possible d’avoir une opération exécutable réali-sant le but recherché : d’une part, il n’existe pasd’argument attaquant en même temps x2, x3 etx4 et étant attaqué par au moins l’un d’entreeux, et, d’autre part, il n’est pas possible de re-tirer tous les arguments en une seule opération.

Exemple 4 Considérons les systèmes suivantset le but E ′ 6= ∅ :

Agent Cible

x1 x2

x4 x3 x4

L’outil ne génère aucune opération, et pourtant,ne rien faire (entre autres choses) suffirait à réa-liser le but ; il manque donc à l’outil au moinsune caractérisation affirmant que lorsque l’onne fait rien, les extensions ne changent pas (la

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possibilité de ne rien faire n’avait pas été envi-sagée dans [3]).

L’ensemble des solutions fourni par l’outil peutdonc être vide pour des raisons très diffé-rentes mais qui ne sont pas distinguées par ceprotocole. C’est pour mettre en évidence desexemples relevant du deuxième cas (montrantdes lacunes dans les caractérisations) que nousavons mis en place le deuxième protocole ex-périmental, dont nous donnons maintenant lesrésultats.

Pour la génération systématique : En considérantun but particulier, et en traitant tous les caspossibles, ce protocole nous a permis de nousconcentrer sur les cas où le système ne trouvepas de solution et ainsi de pouvoir détecter lesmanques dans notre base de caractérisations.

Nous avons ainsi pu compléter notre base de ca-ractérisations de telle sorte qu’actuellement lagénération automatique pour n = 3 ou = 4ne détecte plus aucun manque de caractérisationpour le but correspondant à l’appartenance for-cée d’un argument à l’extension basique.

5.3 Critiques des protocoles

Notre protocole de génération aléatoire a permisde tester un grand nombre d’exemples (avec dif-férents buts). Cependant, nous n’avons pas étu-dié la pertinence du choix de ces exemples, i.e.les choix effectués ne sont pas forcément repré-sentatifs de tous les cas.

Quant à la génération systématique, elle est trèscoûteuse : pour une génération concernant n ar-

guments, il y a 2n∗(n−1) systèmes possibles pour

l’agent et dans le pire des cas 2n∗(n−1) + (n ∗2(n−1)∗(n−2)) + · · ·+ (n ∗ 20) cas possibles pourla cible. Le nombre de couples possibles to-

tal est de l’ordre de 2n∗(n−1) ∗ (2n∗(n−1) + (n ∗2(n−1)∗(n−2))+ · · ·+(n∗20)). Ceci est tolérablepour un petit nombre d’arguments. Par exemple,pour n = 3, il y a 26 ∗ (26 + 3 ∗ 22 + 3) = 5056couples possibles. Mais cela devient rédhibi-toire à partir de cinq arguments. Ce problème esten partie dû à la génération inutile de couples degraphes isomorphes.

Le deuxième inconvénient de ce protocole estqu’il dépend du choix du but. Il faut donc redé-finir un protocole à chaque nouveau but.

6 Discussion et conclusion

Nous avons présenté un cadre théorique et unoutil permettant de trouver une opération dechangement qui réalise un but donné sur un sys-tème d’argumentation cible à partir d’argumentsou d’attaques prises dans un système d’argu-mentation “source” (représentant les connais-sances d’un agent). Nous avons étudié le com-portement de cet outil au moyen de deux pro-tocoles expérimentaux. Néanmoins les expéri-mentations ne sont pas terminées, puisque nosprotocoles ne permettent pas d’évaluer exhaus-tivement tous les exemples possibles.

Les perspectives de ces travaux sont promet-teuses et peuvent se décliner suivant trois axes.Le premier axe concerne l’outil lui-même :– Nous nous pencherons tout d’abord sur la

complexité. Puisqu’un calcul des extensionsaprès changement est très coûteux (malgré lesprogrès faits dans [9]), notre objectif est demontrer que notre approche l’est moins. Celanécessitera la détermination de la complexitéde l’algorithme du moteur de calcul de l’opé-ration (écrit en Prolog), une des difficultésétant d’intégrer à ce calcul la complexité liéeà la vérification de l’applicabilité de certainescaractérisations 8.

– Par ailleurs, nous prévoyons de lever la res-triction de ne considérer qu’une seule opé-ration élémentaire. Intégrer des séquencesd’opérations permettra d’effectuer des modi-fications plus complexes et donc de trouverplus de solutions.

– Nous avons évoqué l’utilisation de l’outilpour repérer des lacunes de caractérisation ;il pourrait être intéressant de développer unanalyseur plus fin qui détecterait toutes lesopérations exécutables que l’outil ne trouvepas.

Le deuxième axe concerne les expérimentationsréalisées grâce à l’outil et ses applications :– La poursuite d’expérimentations, telles celles

présentées dans cet article, est importantepuisqu’elle permet de créer des “benchmarks”dans le domaine de l’argumentation.

– Il pourrait être intéressant de considérerdes cas réels d’argumentation pour établird’autres “benchmarks”, plus concrets. En par-ticulier, les débats en ligne (sur des réseauxsociaux par exemple) semblent bien se prêterà cet exercice.

8. En effet certaines caractérisations utilisent des notions difficiles

à calculer : par exemple la défense indirecte d’un argument par un en-

semble.

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– Le point précédent constitue également unepiste d’applications, permettant éventuelle-ment à un utilisateur d’être guidé dans sonchoix d’arguments à avancer lors de débats enligne.

Le troisième et dernier axe concerne les avan-cées théoriques :– Lors de l’étude de nos protocoles d’expéri-

mentation, nous avons posé l’hypothèse d’in-clusion du système cible dans le système d’ar-gumentation de l’agent. Cette question de laconnaissance complète ou non du système surlequel l’agent veut agir et de la mise à jour parl’agent de son propre système mérite d’êtreétudiée et approfondie.

– Il paraît nécessaire d’étendre notre applica-tion du procès de façon à permettre uneréelle interaction entre le procureur et l’avo-cat. De manière plus générale, ceci impliqueque nous étudiions les changements opéréspar un agent sur son propre système lorsqueun autre agent effectue une modification dusystème cible.

– Enfin, nous nous sommes jusque-là limités àun dialogue de persuasion, avec des agentsayant des buts contradictoires. Il pourraitêtre intéressant de considérer d’autres typesde dialogues mettant en jeu une coalitiond’agents coopérant pour réaliser un but encommun, par exemple plusieurs avocats ten-tant d’étoffer une défense.

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