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L’ARGUMENTATION DANS LA LANGUE Anscombre-Ducrot. 7p : On parle généralement pour exercer une influence : parmi les différents modes d’influence, il s’en trouve que l’on peut réaliser sans pour autant faire savoir que l’on cherche à l’exercer : pour consoler quelqu’un, il est souvent déconseillé de se donner le personnage du consolateur. 8p : Un locuteur fait une argumentation quand il présente un énoncé comme destiné à en faire admettre un autre : il y a dans la langue des contraintes régissant cette présentation. « Les particuliers y ont gagné autant que l’Etat » contre « l’Etat y a gagné autant que les particuliers » 10p : le linguiste est obligé d’utiliser comme signifiant dans son langage technique les mots de la langue objet. 11p : On peut décrire l’argumentation comme l’accomplissement de deux actes : l’énonciation de l’argument et un acte d’inférer opéré lorsqu’on exprime ou sous-entend la conclusion. 12p : Il y a des actes d’inférer tout-à-fait possibles dans un dialogue et qui ne peuvent donner lieu à une argumentation dans le discours suivi d’un même locuteur. « - Max se doute que Marie est là. tiens, Marie est donc là ? » ce dialogue où on fait une inférence à partir du discours ne peut cependant jamais se trouver sous forme de monologue ».

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L’ARGUMENTATION DANS LA LANGUE Anscombre-Ducrot.

7p : On parle généralement pour exercer une influence : parmi les différents modes d’influence, il s’en trouve que l’on peut réaliser sans pour autant faire savoir que l’on cherche à l’exercer : pour consoler quelqu’un, il est souvent déconseillé de se donner le personnage du consolateur.

8p : Un locuteur fait une argumentation quand il présente un énoncé comme destiné à en faire admettre un autre : il y a dans la langue des contraintes régissant cette présentation. « Les particuliers y ont gagné autant que l’Etat » contre « l’Etat y a gagné autant que les particuliers »

10p : le linguiste est obligé d’utiliser comme signifiant dans son langage technique les mots de la langue objet.

11p : On peut décrire l’argumentation comme l’accomplissement de deux actes : l’énonciation de l’argument et un acte d’inférer opéré lorsqu’on exprime ou sous-entend la conclusion.

12p : Il y a des actes d’inférer tout-à-fait possibles dans un dialogue et qui ne peuvent donner lieu à une argumentation dans le discours suivi d’un même locuteur. « - Max se doute que Marie est là. – tiens, Marie est donc là ? » ce dialogue où on fait une inférence à partir du discours ne peut cependant jamais se trouver sous forme de monologue ».

14p. L’argumentation et l’inférence appartiennent à deux ordres différents : l’argumentation se situe toute entièe au niveau du discours et l’inférence est liée à des croyances relatives à la réalité, c'est-à-dire à la façon dont les faits s’entre-déterminent.

16p. Les questions à poser en pragmatique sont : « tel énoncé est-il approprié à telle situation ? Est-il hors de propos ? Quels actes de parole permet-il d’accomplir ? Quelle réaction exige-t’il du destinataire ?

18p. La tendance à introduire dans la description des énoncés –dès le niveau le plus profond- des indications sur l’activité accomplie lorsqu’on les utilise : c’est le cas en sémantique générative.

19p. Dans le cas de « puisque », seul le premier membre de la phrase peut être pragmatiquement concerné par la conjonction : « * tu vas tout savoir puisque je vais partir ». L’opposition marquée par « cependant » concerne d’une part

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l’impossibilité de donner la démonstration (contenu informatif du premier segment) et, d’autre part, le fait d’indiquer les phrases essentielles (valeur pragmatique du second). Il faut pouvoir faire mention de l’énonciation dès le premier moment où on interprète les conjonctions et non pas seulement dans un second balayage qui réinterpréterait une lecture purement informative. Il est donc impossible de dire que la pragmatique doit travailler directement sur les bases de la sémantique.

21p. « à peine » implique une appréciation –informative bien qu’elle soit subjective- du type « 20 % est une proportion faible » ; un « mais » serait donc illogique puisque proposition principale et parenthèse convergent.

22p. Il existe en français des expressions, courantes, dont l’utilisation discursive est soumise à certaines restrictions impossibles à déduire de leur valeur informative.

25p. On peut poser que tout énoncé litotique n’exclut un énoncé plus fort que lui. On définit l’effet litotique en disant qu’un énoncé prend sa signification « plus forte » que sa signification littérale : mais comment savoir ce qui « est plus fort » ? Si la signification littérale de l’énoncé affirmatif est l’égalité, pourquoi la supériorité est-elle considérée comme une signification plus forte ? Et dans l’énoncé négatif où la signification est plus forte, pourquoi la signification est-elle cette fois l’infériorité ?

27p. L’introduction de l’argumentation dans le représentation la plus profonde des énoncés rend possible de prévoir, en vertu d’une loi générale d’abaissement, l’effet particulier de la négation sur le comparatif d’égalité. Si on utilise « presque A » pour une conclusion C, on reconnaît que A serait encore plus efficace en faveur de C. « Presque 20 % » ne peut ainsi pas être utilisé en faveur de la conclusion « peu » car 20 % conviendrait alors mieux ; il est absurde que 20 % aille plus dans le sens de « peu » que « presque 20 % » qui désigne des quantités inférieures.

28p. Argumenter pour C au moyen de A (employer A en faveur de la conclusion C), c’est présenter A comme devant amener le destinataire à conclure C.

31p. On peut tenir un argument pour possible et be pas utiliser cette possibilité ; dans les tournures concessives comme « bien que Max vienne, Jean restera », on reconnaît l’énoncé « Max viendra » apte à appuyer la conclusion « Jean ne restera pas. Mais on refuse de l’utiliser, parce qu’on a des raisons d’admettre la conclusion inverse. La structure grammaticale de la langue distingue donc argument possible et argument décisif. C’est un de ses avantages sur le langage logique qui ne connaît comme argument que la preuve. Une autre raison de ne

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pas utiliser un argument possible est qu’on le croit contestable ou faux : c’est la concessive irréelle ou potentielle : « même si Jean était venu, Max serait parti ». On accorde ici à la proposition subordonnée une certaine potentialité argumentative (cette venue est un argument possible pour le départ de Max), mais on refuse de la tenir pour vraie : on « estime A argumentativement utilisable. »

32p. Si on considère un argument A plus fort qu’un argument B en faveur de C, on peut penser que si quelqu'un utilise B en faveur de C, il doit croire A utilisable pour C, mais peut utiliser A sans pour autant croire B utilisable : on ne saurait utiliser « Pierre vient » sans admettre a fortiori qu’on utilise « Jean vient ». Il y a des circonstances où un locuteur peut utiliser A pour une certaine conclusion C, sans pour autant croire B utilisable pour C.

33p : C’est le principe des « échelles argumentatives » : on peut prendre pour B une comparaison d’égalité du type « Pierre est aussi grand que Marie », et pour A le comparatif de supériorité correspondant : on peut donc avoir « aussi grand et même plus grand » et jamais « aussi grand et même moins grand » ni « moins grand et même aussi grand ». Dans les situations à discontinuité brutale « élu »/  « presque élu » « mort », cela peut rendre invraisemblable la suite « presque A et même A. Mais cela ne signifie pas que les deux énoncés ne sont pas dans la même relation –explicitée par même- d’énoncé plus fort à énoncé moins fort.

34p : En utilisant A, il faut reconnaître, en utilisant « presque A » A comme (l’argument le plus fort) utilisable : pouvant être utilisé au cas où on l’estimerait vrai et où on n’aurait, d’autre part, aucune raison de refuser la conclusion. Lorsqu’on utilise « presque A » en faveur de C sans admettre qu’on puisse utiliser A, c’est que A suffit pour le conclusion non-C.

35p : « Presque A » peut être une raison contre C’ ; il se peut également que « presque A » ne donne pas une raison suffisante pour. On peut distinguer trois catégories de causes qui amènent à employer ou non un énoncé A en vue d’une conclusion C : a) les considérations d’opportunité : vues les circonstances ; b) Les raisons factuelles : on croit ou non à la vérité de A ou de C et au fait que celle du premier entraine celle du second c) La structure argumentative, objet de la rhétorique intégrée : c’est une orientation interne des énoncés vers tel ou tel type de conclusions, orientations non déductibles du contenu informatif. « Il est presque en ballotage » ne peut servir d’argument favorable pour la conclusion « les élections lui ont été favorables », conclusion qu’on peut appuyer en disant « il est presque élu au premier tour » ; pourtant les informations portées par les énoncés feraient prévoir l’inverse.

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42p : Soit « Max a eu du mérite de venir, il ignorait que cela ce passerait bien » on a C1 = posé de e =  venir était méritoire de la part de Jean ; C2 présupposé de e = Jean est venu ; C’1 posé de e’ = Jean ne pensait pas que cela se passerait bien ; C’2 présupposé de e’= cela s’est bien passé. Ce que fait l’énonciation, c’est non pas introduire une relation argumentative entre e et e’ mais présenter C’1 comme argument pour C1 et s’appuyant sur cette relation entre contenus, de conclure de e’ à e. Il serait d’ailleurs impossible de soutenir que C’1 est un argument en faveur de C acception, ou C’2 en faveur de C1 ou de C2.

43p : La loi d’abaissement –étendue aux contenus- stipule que l’effet de la négation sur un contenu se déduit de sa position sur un échelle argumentative. Or ni dans C1 ni dans C2 nous ne trouvons d’indications permettant de situer C1 (x) = « x a la même taille que marie » sur une échelle.

44p : Les contenus et non plus les énoncés apparaîtraient sur les échelles argumentatives : ainsi la distinction négation implicite / négation explicite n’a plus de raisons d’être : il n’y a plus qu’une seule négation, formelle, seule concernée par la loi de négation et qui interviendra dans l’interprétation tant de la négation implicite que de la négation explicite.

47p : Soit l’énoncé « même Pierre est venu » ; on a donc comme posé : « Pierre est venu », comme présupposé : « d’autres que Pierre sont venus » ; comme élément argumentatif : il y a un contenu c tel que « Pierre est venu » est un argument plus fort que « d’autres que Pierre sont venus ».

48p : Soit « une m vaut mieux qu’un a, même mauvais » ; cela se dérive de « une m vaut mieux qu’un a » et de « une m vaut mieux qu’un mauvais a » donc le premier est censé être un argument moins fort que le second ; or le premier implique le second, la réciproque étant fausse ; et c’est une loi générale de l’argumentation : si trois contenus Ca, Cb et Cc sont tels que Ca implique Cb, la réciproque étant fausse, et que Cb est argument pour Cc, alors Ca est un argument plus fort pour Cc que Cb.

49p : On a donc une description sémantique qui implique une composante linguistique a, attribuant aux énoncés des contenus affectés de marqueurs d’actes (présupposition, etc,.), une CLb, transforme les contenu à l’aide d’un calcul fondé sur les lois argumentatives (de négation, d’abaissement...) ; une CLc qui déduit compte tenu de cette transformation des contenus à travers CLb, l’orientation argumentative globale de l’énoncé et si celui-ci sert à accomplir un acte d’argumentation, à quel type de conclusion il peut être destiné.

52p : La relation d’argumentation paraît devoir remplacer celle d’implication, trop liée à une activité particulière : le raisonnement, pour pouvoir décrire des

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faits de langue généraux. Pour expliquer ce qui se passe dans l’assertion « j’ai un peu d’argent dans ma poche, nous nous servions d’une loi du discours dite d’exhaustivité : « quand on parle d’un certain sujet, on est tenu de dire, dans la mesure où cela est censé intéresser l’interlocuteur et où on a de plus le droit de le faire, tout ce que l’on sait sur le sujet.

53p : Une fois distinguées les valeurs fondamentales attachées aux phrases elles-mêmes, et les valeurs dérivées qu’elles prennent lors de l’énonciation, on décide que la valeur fondamentale de p est V1 et que l’enchâssement, phénomène syntaxique et sémantique profond opère sur V1 pour construire la valeur fondamentale V3 de la phrase totale. Au moment de l’énonciation, les lois du discours vont modifier les significations fondamentales. La fonction des lois du discours dans la description sémantique consiste à retarder l’apparition d’une nuance de sens (par exemple la lecture restrictive de « un peu ») exclue de l’énoncé et rapportée à l’acte d’énonciation : on a ainsi un échelonnement de l’interprétation.

54p : On sait depuis Sapir que certaines catégories sont orientées : glacial est plus que froid et froid est plus que frais (de même entre « brûlant, chaud et tiède » ou « onligatoire, conseillé et permis »). La relation « plus que » ne relie pas à proprement parler les morphèmes, mais les phrases construites en introduisant ces morphèmes dans un même contexte.

55p : La seconde hypothèse de GF est que la relation constitutive de l’échelle se déduit à partir d’une relation d’implication entre les phrases : « il fait glacial » impliquerait « il fait froid ».

57p : GF recourt à la maxime de quantité pour expliquer l’incongruïté de « Odette a deux enfants » quand elle en a en fait trois : dans la mesure où elle implique la phrase inférieure, la phrases supérieure « en dit plus » : la règle exigeant de donner le maximum d’informations pertinentes exige donc de recourir systématiquement aux phrases supérieures. En employant une phrases scalaire quelconque, on laisse entendre qu’on ne pouvait pas en employer une plus forte.

58p : Pour A-D, « même » a une valeur argumentative ; son apparition en cours d’énonciation présente une proposition P’ comme un argument en faveur d’une conclusion r, et un argument plus fort que les propositions p antérieures. « Même » révèle l’existence d’une organisation argumentative inscrite dans la langue et non déductible de valeurs informatives ou logiques : pour GF, au contraire, l’ordre établi entre deux propositions repose sur des implications liées à leur valeur informative : ce qui rend p plus fort, c’est que p’ implique p et non l’inverse.

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60p : Les impossibilités argumentatives de « même » sont parfois dues au fait (« Bac ») que l’adjonction des arguments de part et d’autre de « même » ne constitue pas un argument plus fort que ce qui le précède (« doctorat », etc,.). C’est donc d’autant plus difficile quand l’adjonction constitue un argument plus faible (« vin+cognac » pour la sobriété). Dans « X a enseigné dans trois universités : P, L et même A. » qui serait possible sans  « même », ou si on lui ajoutait « beaucoup » au lieu de « trois » : en effet chaque proposition, prise isolément, ne constitue pas un argument pour la conclusion r « X a enseigné dans trois universités » c’est une des raisons pour distinguer conclusion appréciative et conclusion informative.

61p : La condition pour que le scope de « même » soit la totalisation (p+p’) est que p et p’ soit argumentativement co-orientés. La simple totalisation ne saurait suffire.

63p : « Même » vise l’aspect appréciatif, lequel constitue la conclusion à laquelle il fait allusion. L’argumentation est dirigée vers des conclusions d’ordre appréciatif et non pas factuel : si on donne à « trilingue » une signification purement factuelle, (impossible avec « polyglotte »), dépouillé de tout élément appréciatif, on ne pourra pas dire : « Marie est secrétaire trilingue : elle parle anglais, allemand et même hébreu ». Du point de vue qualitatif, l’hébreu est nécessairement l’argument le plus fort : il n’y a donc ni totalisation-scope ni possibilité de permutation : si en revanche on substitue « hébreu » par « italien », c’est alors l’aspect quantitatif qui prévaut puisque aucune des langues citées ne prévaut qualitativement sur l’autre : la permutation redevient possible.

64p : Contrairement à ce dit GF, l’implication peut se faire de p vers p’ : « X a lu tous les livres de Chomski, même Bains de sang ». Pour ne pas être contradictoire « X a lu tous les livres de Chomski, sauf Bains de sang » nécessite une situation d’énonciation particulière (il vient de paraître), ou s’il est spécialiste de linguistique.

65p : Dans « Max a aux environs de 30 ans, je crois même 29. », l’implication se fait bien de p’ vers p, la possibilité est liée à la conclusion visée : seulement si on veut montrer la jeunesse de Max. Cette possibilité n’est donc pas liée à l’implication puisque elle est impossible si notre conclusion visée est inverse. Dans de nombreux cas, p et p’ sont même contradictoires logiquement : « le dîner est presque prêt, il est même prêt » ou « la combativité du prolétariat n’a pas varié, elle a même augmenté » : on le voit, tout est subordonné à la conclusion visée, il n’y a pas vraiment de contradiction informative car « n’a pas varié » est signifie (ou répond) en contexte « n’a pas diminué ». Cela revient à

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admettre le fondement argumentatif de l’effet de la négation (loi d’abaissement).

66p : La « loi de faiblesse » veut que si une phrase p est fondamentalement un argument pour r, et si certaines conclusions contextuelles étant remplies, elle apparaît comme un argument faible pour r, elle devient alors un argument pour « -r ».

67p : Ainsi fondamentalement « Vilas a abandonné trois jeux à son adversaire » est-elle orientée vers une conclusion r du type « Vilas a mal joué » : c’est la faiblesse de la quantité qui fait appliquer la loi de faiblesse et permet de conclure à « c’est un exploit ».

70p : Le comparatif d’égalité (autant, aussi que) impose que le thème soit donné par le sujet grammatical. L’attribution d’un thème à un certain propos n’exclut jamais que le thème soit justiciable d’autres propos de même nature, mais plus forts. Les assertions d’égalité constituées avec le même ou bien n’ont pas de thème, ou bien sont thématisées sur leurs deux arguments, ce qui oblige à considérer les attributions comme exhaustives

75p : En disant qu’un certain comportement n’est pas facultatif, on n’envisage pas la possibilité qu’il soit interdit ; on le présente au contraire comme obligatoire. L’interdiction implique la facultativité, mais on peut aussi dire qu’on considère une échelle où l’interdiction est au-dessus de la facultativité, échelle orientée vers la dissuasion (alors que permission et obligation sont sur une échelle inverse, orientée vers l’incitation) : déclarer une action facultative, c’est donner une raison de ne pas la faire, d’où : « c’est facultatif, mais tu as intérêt. De plus, les augmentatifs insistent sur la possibilité de ne pas faire l’action (« c’est absolument facultatif »), et non sur celle de la faire.

79p : Si la prise en considération du raisonnement semble linguistiquement pertinente , sa réduction logique (comme système des valeurs de vérité), en revanche, paraît plus difficilement acceptable.

85p : La signification d’une phrase n’est donc qu’un construit théorique en vue du calcul du sens de l’énoncé : elle ne saurait être confondue avec un prétendu « sens littéral ». Le calcul de la signification passera donc par la décomposition de la phrase en divers éléments , les « contenus », ayant éventuellement des statuts illocutoires différents. Cela explique que l’on puisse ajouter « mais il se trompe » après : « Max s’imagine que Jean viendra » et beaucoup plus difficilement après « Max a tort de croire que Jean viendra », alors que les deux énoncés donnent exactement la même information. Cette dernière est constituée de par deux contenus séparés : a = « M croit que J viendra » et b = « J ne viendra

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pas » : a et b ont des statut illocutoires inverses dans les phrases citées : a est asserté dans la première et présupposé dans la seconde, tandis que b est présupposé dans la première et asserté dans la seconde.

86p : Un énoncé a une forme « logicoïde » quand on estime que sa compréhension peut conduire à d’autres énoncés. Distinguons les propriétés discursives ou syntagmatiques, lisibles dans l’environnement effectif de l’énoncé des propriétés paradigmatiques, reliant cet énoncé à d’autres dont la présence, implicite ou explicite, n’est nullement nécessaire (relations in absentia). Parmi les phénomènes syntagmatiques, on peut établir des subdivisions entre ceux qui manifestent une activité de déduction que l’énonciateur prétend effectuer personnellement, et ceux qui tiennent seulement à une appréciation portée sur les conclusions possibles à partir de tel ou tel énoncé.

88p : Admettre un énoncé signifie reconnaître la légitimité des actes illocutoires accomplis grâce à lui : cela peut exiger que l’on optempère, par exemple dans l’assertion, faire ce qui est demandé par l’énoncé assertif , c’est croire. Admettre un ordre, c’est bien sûr obéir.

89p : Soit «J est recalé à son examen » « -pourtant il a l’air tout content ! » : la réponse peut avoir deux sens différents. Soit elle est une réfutation, par déduction implicite, soit elle est seulement destinée à signaler une bizarerrie. Cela implique qu’il refuse de tirer lui-même cette conclusion. C’est plutôt la coexistence des deux données qui l’intéresse pour une autre conclusion : « j est exeptionnel ».

90p : Le versant paradigmatique est donc celui de l’inférence et des relations « logiques » : « la municipalité a fait beaucoup pour le village : depuis un an, la route de X a été partiellement remise en état » : cet enchaînement atteste une inférence (empirique) : faire « r », c’est être utile à la ville : on voit bien que si, on avait eu « pas totalement », l’aspect discursif aurait été modifié. On mesure la distortion entre la valeur inférentielle d’un énoncé et ses virtualités discursives « j’ai bu très peu » contre « j’ai bu très peu » ; le second ne pourrait pas être suivi de « je le reconnais ».

97p : On assigne ainsi des orientations déterminées : par exemple à « P est aussi grand que J », on assigne une orientation analogue à « P est grand ». C’est un contenu argumentatif présupposé qui spécifie qu’une relation argumentative unit le contenu de l’égalité factuelle et « P est grand ».

100p : La structure « si p, q », de type implicatif, suppose que le locuteur non seulement déclare q nécessaire après p, mais présuppose également que, d’une

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façon générale les propositions du type de p sont des arguments en faveur de q. La loi de négation exige donc qu’on ne puisse énoncer « si p, q » sans également reconnaître « si non-p, non-q ».

102p : Soit le « centrage », l’opération qui consiste à déduire le contenu relatif à l’orientation argumentative de l’asserté, par l’application des règles du second calcul aux contenus fournis par le premier (et en particulier aux contenus présupposés), ainsi « P a tort de croire qu’il est aussi grand que M » excluera l’enchaînement « mais il est assez petit », alors que « P s’imagine qu’il est aussi grand que M » excluera l’enchaînement « mais il est assez grand » 

103p : C’est la loi de négation qui permet de le déterminer, car on a les contenus suivants : a= - [taille de P = taille de M] ; B1 = [taille de P = taille de M] et [P est grand] sont co-orientés ; B2 [P croit que [taille de P = taille de M] ]. A ce niveau, rien ne permet de se déterminer, il faut donc un second niveau de calcul et y appliquer cette loi. Ainsi B’1 = [- [taille de P = taille de M] et [P n’est pas grand] sont co-orientés, c'est-à-dire B’1 = [ a et [P n’est pas grand ] sont coorientés]. On voit que le centrage peut s’effectuer sur a, mais il peut tout aussi bien dès lors que ce dernier est également présupposé, se faire sur l’asserté B2. (X est grand n’est pas à prendre en tant que tel, mais en tant qu’indicateur d’une scalarité).

104p : La loi d’inversion fait intervenir non plus un argument et une conclusion mais deux arguments et deux conclusions : « Si E’ est pour une conclusion C’ un argument plus fort que E pour C, alors non-E est , pour non-C, plus fort que non-E’ pour non-C’.

105p : Dans « Luc croit à la t, et même à la r », on donne la seconde croyance comme plus significative que la première pour la conclusion visée. Dans « j’y serai à temps, j’en ai pour une bonne demi-heure, pas plus », on va faire l’hypothèse que seul « pas plus » est l’argument tandis que « j’en ai pour une bonne demi-heure » joue alors le rôle d’une concession.

106p : En l’absence de « bonne », tous les enchaînements sont possibles ; il a donc un statut non pas informatif mais argumentatif. On voit sur ces deux exemples que C et C’ peuvent être soit distinctes, soit identiques.

107p : Il y a « mais » scalaire quand q est pour la conclusion C, visée par le locuteur de « p mais q », plus fort que p pour « non-C ». Soient QM1 proche de « cependant », marqueur d’opposition directe entre p et q, et QM2 marqueur d’opposition indirecte, exigeant que p soit explicitement ou implicitement la négation d’un certain p’, et que le locuteur considère, pour la conclusion visée C, comme plus fort que q.

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109p : La loi d’inversion, appliquée à « J’aime bien P, il est mal élevé, mais il a bon cœur » (on voit ici un QM2 où il n’y a pas d’opposition directe entre les deux éléments «   politesse   » et «   qualités de cœur   » ) ne rend pas impossible « J’aime bien P, il n’a pas bon cœur, mais il est bien élevé » qui relèvent d’un cadre de valeurs différent, une morale.

110p : « P a tort de croire qu’il est plus grand que M, et même qu’il est aussi grand ». On a l’asserté a = - [taille de P > taille de M] et deux présupposés dont l’un est argumentatif B1 = [ [taille de P > taille de M] et [ P est grand ] sont coorientés] ; en appliquant l’axiome, on voit que [taille de P > taille de M] est un argument plus fort que [taille de P = taille de M] : en appliquant la LI on obtient le nouveau contenu Y’= [- [taille de P = taille de M] est argument plus fort que - [taille de P > taille de M]].

112p : Le problème de l’approche logique est qu’elle indiscrimine le discours, les occurrences : en réalité la plupart des énoncés élémentaires des langues naturelles n’ont pas de conditions de vérité assignables.

116p : Dans « p mais q », on reconnaît à p une certaine valeur argumentative –il peut autoriser telle conclusion r- mais le seul acte d’argumentation auquel donne lieu le discours est accompli à partir de la valeur argumentative de q, et dirigé vers « -r ». Il faut distinguer valeur argumentative et valeur indicielle   : dans « est-ce-que p », en tant qu’indice d’ignorance, la question est symétrique entre p et –p, mais au plan de la valeur argumentative, elle est disymétrique et privilégie –p.

117p : Dans le cas des justifications « c’est bête de partir : tu trouveras mieux à Lyon ? », l’interrogation pourrait aisément être remplacée par « -p » (tu ne trouveras pas mieux à Lyon), mais pas par p. On ne peut pas pour autant parler de question rhétorique car il n’y a pas d’évidence de la réponse négative.

118p : « Il fait beau aujourd’hui, mais fera-t-il beau demain ? » : on voit bien que l’enchaînement est possible du fait que la seconde question argumente dans le même sens que « -p ». La conclusion générale de cette phrase pourrait d’ailleurs être « peut-être faut-il remettre l’excursion ».

119p : Pour que l’on ait l’enchaînement contraire « mais fera-t-il mauvais demain ? », il faudrait un cadre discursif particulier, comme par exemple l’adage faisant qu’après chaque jour de beau temps il y a un jour de pluie. Pour « Il fait mauvais aujourd’hui, mais fera-t-il mauvais demain ? », la mise en doute d’un argument défavorable tout en étant orientée comme un argument favorable, a cependant moins de poids en ce sesn que n’en a en sens opposé la mise en doute d’un argument favorable. Parler pour est plus contraignant que parler contre.

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122p : Prenons par exemple « l’hôtel est hors de prix » cela est souvent perçu comme un argument fort contre l’hôtel ; son inversion argumentative dans « est-ce que p ? » sera produira un argument faible en faveur de l’hôtel (conséquence de la LI). Question et négation sont toutes deux des formes de la négation argumentative, la première étant plus faible que la seconde. Ces deux raisons expliquent qu’il soit très difficile pour l’énoncé interrogatif « est-ce qu’il est hors de prix ? » de servir d’argument second pour « j’ai envie d’aller à l’hôtel ». Coordonner par « même » deux énoncés , c’est les présenter comme coorientés vers une conclusion commune.

123p : « il est facile de A » et « il est possible de A » sont sur une même échelle (une échelle absolue) : donc l’inversion produite par l’interrogation donne encore des arguments coorientés. Soit « est-ce que c’est difficile de A et même est-ce qu c’est possible ? ». Ce ne sont pas ici les arguments intrinsèques qui sont mis en relation, mais les évènements constitués par les apparitions de E1 et E2 : c'est-à-dire le fait même qu’ils soient énoncés : l’alternative difficile/facile est intérieure à celle possible/impossible, liée elle à E2 ; de sorte que l’énonciation de E2 en tant qu’indice d’ignorance est plus forte que celle de E1, d’où la possibilité d’un enchaînement certes argumentatif mais prenant en compte au titre de l’argumentation les situations psychologiques liées à l’énonciation.

125p : Il faut opérer une distinction entre « anaphore » et « enchaînement argumentatif », et également prendre en compte le cadre de valeur « calme » selon qu’il est vu comme positif ou négatif conditionnera l’enchaînement.

126p : Il faut également distinguer « valeur argumentative » de « valeur explication » (qu’on ne peut faire suivre de « d’ailleurs »).

130p : Une interrogation rhétorique est inversée si le locuteur fait entendre la voix de l’interlocuteur. On peut identifier dans «   est-ce-que p   ?   » les trois éléments suivants   : l’assertion préalable de p   ; l’expression d’une incertitude concernant p et la demande faite à l’interlocuteur de choisir entre une réponse p et «   -p   » .

131p : Tout énoncé négatif « -p » est polyphonique dans la mesure où il comporte ne assertion de p attribuée à un énonciateur qui n’est bien sûr pas le locuteur de « -p » ; en posant la question « est-ce-que p ? » le locuteur fait entendre un énonciateur qui affirmerait que p. Les démonstratifs qui renvoient à un énoncé interrogatif dans sa totalité ne considèrent cet énoncé qu’au travers de son énonciation préalable « tu sais si P vient ? Cela me ferait plaisir. » C’est encore l’assertion préalable qui fonde les enchaînements explicatifs : dans « est-

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il bruyant ? » on présente l’assertion éventuelle, « le A est bruyant » - qu’on ne prend pas à son compte- comme une explication possible.

132p : Les préfixes de doute fonctionnent la plupart du temps pour ce qui est de la ccordinnation discursive comme des formes de négation affaiblies. Pour l’incertitude, l’élément positif est l’objet de l’acte d’assertion alors que l’élément négatif apparaît seulement dans un acte d’expression . Le locuteur n’affirme pas son incertitude, il la joue. Elle est l’objet d’un dire et non pas d’un montrer ( comme dans « hélas ! » ou « aïe ! »).

134p : Dans les enchaînements, seul l’aspect positif est anaphorisé («   ...   ? cela serait... «   )   : il est, à la différence de l’aspect négatif, l’objet d’une assertion préalable. L’incertitude dans «   Est-ce que p   ?   » est celle d’un énonciateur généralement assimilé au locuteur L en tant que tel. (dans l’interrogation rhétorique polyphonique, l’interlocuteur est donc également énonciateur.

136p : Si un enchaînement argumentatif porte sur l’acte de demande, , il ne se fonde alors pas sur la valeur argumentative intrinsèque de la question (celle-ci étant liée à l’expression de l’incertitude, second élément pragmatico-sémantique distingué) mais sur l’énonciation de la question et en particulier sur le fait d’avoir prétendu créer une obligation de réponse. L’acte d’énonciation est celui qui consiste dans le fait même de choisir un énoncé marqué pour tel ou tel acte spécifique. Les enchaînements argumentatifs peuvent donc être fondés soit de façon intrinsèque, sur l’un des actes spécifiques (l’expression de l’incertitude), soit de façon extrinsèque, sur le fait de l’énonciation.

140p : « Au moins » conserve l’effet argumentatif des affirmations dans lesquelles il apparaît. Son orientation qualitative fait qu’on ne peut énoncer « au moins X » sans se présenter comme satisfait de l’état des choses décrit. On constate l’impossibilité de « ne va pas dans cet hôtel, il est calme, mais au moins, il n’est pas confortable », or « au moins », sans lequel l’énoncé deviendrait viable, ne modifie pas l’orientation argumentative (mais la qualitative).

144p : C’est une loi du discours souvent mise en œuvre que celle de faire apparaître une argumentation faible en montrant la possibilité d’une argumentation plus forte.

148p : « Au moins » est incompatible dans un contexte interrogatif avec des morphèmes polarisés négativement (« ne pas y aller de main morte », compatible en revanche avec l’interrogation pure). L’explication est qu’il enlève

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aux interrogations leur caractère argumentativement négatif : il annule l’effet sémantique négatif.

150p : On a vu que « est-ce que P est venu ? » suggère des conclusions que l’on pourrait tirer de la négation. La question montre ainsi une divergence entre aspect argumentatif et aspect thématique, qui peuvent bien-sûr éventuellement converger dans le cas des affirmations.

153p : Tout acte illocutoire A de contenu p possède parmi ses fonctions discursives essentielles, celle de constituer un mondeM, imaginaire, où la proposition p est vérifiée : c’est l’une des composantes de « l’aspect thématique de l’énonciation ». Dans le cas de l’affirmation, le locuteur se porte en outre garant de ce que M coïncide avec le monde réel R : pour l’ordre, contraindre l’interlocuteur à faire coïncider M et R, dans une supposition, M est distingué de R et dans l’interrogation, le locuteur prétend ignorer si M et R coïncident. « Au moins porte sur un acte illocutoire accompli dans énonciation en ne prenant pas en considération les actes de présupposition, qui par nature échappent aux enchaînements. Il décrit ainsi le phénomène Fdécrit dans p comme étant dans un monde M, le « lot de consolation ».

154p : Pour « au moins, est-ce que l’hôtel A est calme ? », on imagine un monde M à l’intérieur duquel A est en effet calme : dans M, on compare A à un hôtel B qui lui ne l’est pas. Donc dans M, on a un fait favorable, la supériorité de ce point de vue.

156p : On dira, dans une argumentation fondée sur le lieu commun « il faut économiser ce que l’on possède en faible quantité », « Baisse le C, on va peut-être manquer de F », et non pas « ne baisse pas... ».

160p : La valeur argumentative ne saurait donc se déduire à des indications factuelles ou informatives, ni même à des nuances appréciatives.

163p : Lorsqu’on parle d’argumentation, on se réfère souvent à des discours comportant au moins deux énoncés E1 et E2, l’un justifiant ou autorisant l’autre.

166p : Tout énoncé est l’objet de l’acte d’argumenter ; cela fait partie de son sens. En effet il se présente toujours comme attribuant à un ou plusieurs objets un certain degré dans l’ordre d’une qualité. R sera la qualité par rapport à laquelle l’énoncé situe l’objet et r désignera les conclusions implicites ou explicites tirées de l’énoncé dans le discours. Les deux éléments ne sont pas indépendants.

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167p : La même information peut en effet présenter le « dîner » comme étant à prendre dans une relation de proximité ou bien comme étant encore distant. Le rapport de p à r, dans une argumentation se fait toujours par l’intermédiaire de R, c'est-à-dire, à travers la qualité que l’acte d’argumenter attribue à tel ou tel degré à l’objet de l’énoncé-argument. Ce n’est jamais directement qu’une conclusion est atteinte mais toujours par l’intermédiaire d’une propriété abstraite. On a souvent noté que les argumentations accomplies dans les discours reposent sur des lieux communs ou des règles de vraisemblance (les topoï d’Aristote) comme par exemple : si A avait intérêt à faire X, il y a des chances que A ait fait X ; ces lieux communs régissent les rapports entre r et R.

169p : L’informativité est en fait seconde par rapport à l’argumentation. La prétention à décrire la réalité serait en fait une forme de travestissement d’une prétention plus fondamentale à faire pression sur les opinions de l’autre, même s’il existe incontestablement des énoncés à vocation exclusivement informative. Pour les ascriptivistes, l’aspect descriptif (attribution d’un prédicat à un objet) des énoncés est illusoire : ils ont en fait pour fonction d’accomplir un acte d’éloge ou de blâme qui est à l’origine du jugement de valeur, et en rien fondé sur l’attribution d’une propriété intrinsèque. Ainsi il serait absurde de déclarer « vrais » ou « faux » de tels énoncés. Dire « cet hôtel est bon » n’est pas le caractériser mais le recommander, de même pour « Pierre est intelligent ».

170p : Si cela n’était pas le cas, la sémantique devrait postuler qu’il existe un concept « intelligent » scientifiquement défini dans son métalangage. Mais il ne faut pas oublier qu’on dit parfois, sans contradiction, « cet hôtel est bon, mais je ne te le recommande pas ».

171p : La relation sémantique marquée par l’enchâssement concerne non pas l’acte prétendu, mais une entité qui a toutes les caractéristiques d’une proposition, au sens logique du terme ; c’est le cas pour l’enchâssement dans les conditionnelles introduites par « si », ce qui fait que la théorie ascriptiviste rend impossible de comprendre « si cet hôtel est bon, il doit être cher ».

172p : En nuançant la théorie ascriptiviste, on pourra dire que « cet hôtel est bon» a pour sens premier d’argumenter, acte dont R est quelque chose comme « vision favorable de l’hôtel » : il peut alors se faire que cet acte d’argumenter donne lieu à une argumentation effective dont le r serait « je te recommande cet hôtel ».

173p : Nous disons qu’E2 est dérivée de E1 si premièrement le signifiant de E2est formé sur celui de E1 et si deuxièmement, le signifié S2 de E2 fait intervenir non pas le signifié S1 de E1 (ce qui est le cas dans les dérivations non délocutives comme (maison-maisonnette ; table-attablé) mais une valeur

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pragmatique liée à l’énonciation de E1. La dérivation est lexicale lorsque le signifié S2 est un prédicat de type « objectif » désignant une propriété ou une entité, E1 étant une expression dont la valeur sémantique est l’accomplissement d’un acte illocutoire : le substantif « j’menfoutisme » (E2) est un dérivé délocutif (lexical) de l’expression « j’m’en fous » (E1). Le signifié de E1 est un prédicat objectif car il prétend désigner un trait psychologique. Ce trait l’attitude censée commune aux personnes qui énoncent je m’en fous pour manifester leur indifférence.

174p : C’est une dérivation délocutive qui est à l’origine du prédicat « être bon », compris comme attribuant une propriété aux chose. A l’origine de E2 on place E1= X être bon ; E1 a pour sens S1 l’accomplissement d’un acte d’argumenter en faveur de X. Mais une loi du discours générale veut que l’énonciation qui accomplit un acte d’argumenter se présente comme justifiée par une propriété de l’objet à propos duquel on argumente. Une fois constitué par délocutivité lexicale le prédicat objectif E2 « être bon », les énoncés « X est bon » pourront alors être relus comme des assertions affirmant que l’objet X possède la propriété désignée par le prédicat. Enchâssé dans des structures complexes, la relation marquée par l’enchâssement concerne la propriété et non l’acte d’argumenter. « Si cet hôtel est bon » peut ainsi être paraphrasé par « Si cet hôtel a les propriétés légitimant l’acte d’argumenter que l’on accomplit en disant cet hôtel est bon ». On voit donc que l’informatif est un dérivé délocutif l’argumentatif.

176p : Lorsque l’on dit, « la place coûte trente francs (E’), tu ne te ruineras pas (r’) », r’ représente la conclusion de son argumentation et non pas l’objet de son acte d’argumenter. La polyphonie peut consister à attribuer diverses dimensions (axiologiques, topiques, normes) aux énonciateurs hétérogènes pour segmenter son argumentation. On peut par exemple prendre en charge directement l’acte d’asserter. Les lois du discours peuvent ainsi également agir dans l’intervalle entre locuteur et énonciateur qui peut accomplir par exemple un acte en sens inverse.