Stratgique, 7e dition Gerry Johnson, Kevan Scholes, Richard Whittington, Frdric Frry

2005, Pearson Education France 1

Les leviers stratgiques

Benetton ou le maillage des ressources : Note pdagogique

1. En quoi les ressources humaines de Benetton ont-elles constitu un levier stratgique au cours de son dveloppement ? Quelles en sont les limites ?

Le poids des ressources humaines jou plusieurs niveaux :

Tout dabord, Benetton est une entreprise familiale, soude autour de la volont de venger le pre , entrepreneur rat, en dmontrant quun Benetton pouvait russir dans les affaires.

Deuximement, les Benetton ont su sentourer de proches amis ou membres de la famille pour occuper les postes clefs du systme (sous-traitants principaux, agents, propritaires des premires boutiques, etc.). Il sagissait dentretenir avec les acteurs les plus influents du rseau des relations qui allaient au-del de simples changes conomiques.

Enfin, le dveloppement de Benetton sest appuy lorigine sur le district industriel textile de la rgion de Trvise, qui a permis lentreprise de bnficier du tissu dense et structur de sous-traitants sans lequel elle naurait jamais pu crotre moindre frais.

Cependant, ce levier humain semble avoir atteint ses limites :

La gnration des fondateurs (Luciano, sa sur et leurs deux frres) est en train de passer la main ses enfants, qui sont plus intresss par les placements financiers que par la construction dun empire industriel. Compose de riches hritiers et non de pauvres orphelins, cette deuxime gnration risque de ne pas tre porte par les mmes ambitions.

Le problme est le mme pour les membres du rseau dorigine, qui eux aussi sont en train de se retirer. Or, le lien intime qui pouvait exister entre ces entrepreneurs et les Benetton ne survivra pas ncessairement au changement de gnration. Ce nest pas parce que les deux pres taient des amis de confiance que les deux fils le seront.

Si Trvise tait un district industriel pauvre dans les annes cinquante, cest dsormais notamment grce aux Benetton une rgion prospre. Par ailleurs, Benetton na pas trouv dans ses multiples diversifications (distribution, tlcoms, restauration, sport, etc.) un tissu social sur lequel appuyer son dveloppement. En cela, son mode de management dorigine na pas pu tre transpos ses nouvelles activits.

Plus largement, on peut amener les participants sinterroger sur la prennit dun mode de gouvernement dentreprise fond sur les relations personnelles, la famille, les amis et lappartenance une collectivit. En dehors des risques vidents de drive (npotisme, difficult dcarter des incomptents), cette approche prsente des limites inhrentes de dveloppement dans le temps (difficult du passage dune gnration lautre) et dans lespace (difficult dadaptation des cultures diffrentes, difficult dextension au-del de la communaut).

2. Que pensez-vous de la gestion de linformation au sein de lactivit textile de Benetton ? Peut-on dire quil sagit dune comptence fondamentale ?

La gestion de linformation a toujours t un lment clef du dveloppement de Benetton, que ce soit :

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2 2005, Pearson Education France

Au niveau de la collecte de linformation sur les volutions de la mode, avec le travail de reprage des agents.

Au niveau du traitement de linformation avec la mise en place du rseau informatique entre les boutiques et le centre logistique ou encore entre les usines et les sous-traitants. Benetton a t lune des premires entreprises textiles utiliser de manire massive les technologies de linformation.

Au niveau de la production dinformation avec le caractre trs spcifique des campagnes publicitaires provocatrices de la marque.

Les participants seront trs vraisemblablement intresss par des commentaires sur les campagnes publicitaires de Benetton. Ces campagnes sexpliquent essentiellement par le fait que Toscani utilisait dlibrment les mdias comme dmultiplicateurs gratuits de son budget publicitaire, ce qui lobligeait aborder des sujets suffisamment polmiques pour tre comments par les journalistes. De plus, le contenu devait rester loign de loffre de Benetton afin non seulement de ne pas abmer limage des produits mais surtout de dconnecter la valeur de la marque (proprit de Benetton) de celle des vtements (fabriqus par les sous-traitants). Mdiatiser les produits ou les boutiques aurait provoqu des tentations opportunistes chez les partenaires, qui se seraient interrogs sur la lapport de valeur de Benetton. En revanche, mdiatiser la marque jusqu ce quelle constitue une part significative de la valeur de loffre maintenait les partenaires au sein du rseau.

Si cette gestion trs originale de la publicit a certainement t une comptence fondamentale, cest moins le cas pour le reprage des volutions de la mode et surtout pour lintgration informatique, largement imite et mme dpasse par certains concurrents (Zara), voire devenue un produit informatique relativement banal au travers des Progiciels de Gestion Intgrs. Les comptences de gestion de linformation de Benetton taient donc bien gnratrices de valeur, mais leur caractre distinctif na pas t durable.

3. Quelles sont les spcificits financires de lactivit textile de Benetton, notamment en termes de rpartition des cots fixes et des cots variables ou en ce qui concerne les actifs immobiliss et les actifs circulants ? Comment expliquer que les diversifications de Benetton aient suivi une approche financire plus classique (prises de participations) ?

Le principe de base de la structure historique de Benetton consiste externaliser les investissements auprs de partenaires, ce qui revient transformer les frais fixes en frais variables. On peut ainsi bnficier dun effet de levier considrable (avec peu dinvestissement de dpart il est possible de construire une vaste structure) et dun seuil de rentabilit particulirement bas (mme en cas de conjoncture dfavorable, on peut dgager des profits).

Par ailleurs, Benetton a cherch sassurer de la collaboration des partenaires auprs desquels les actifs immobiliss avaient t externaliss (sous-traitants, propritaires de boutiques) en contrlant la quasi-totalit des actifs circulants tout au long du systme. Pour les membres de son rseau, Benetton reprsente soit lunique client soit lunique fournisseur, ce qui lui donne la matrise de leur trsorerie. Au sein du rseau, il sagit de contrler les flux et non les nuds. linverse dune structure de groupe classique, plutt que de contrler le haut de bilan de ses sous-traitants et distributeurs (capital et actifs), Benetton contrle leur bas de bilan (crances clients ou dettes fournisseurs), ce qui lui donne un pouvoir quivalent sans aucune des responsabilits ou des risques dinvestissement affrents.

Si Benetton na pas adopt une structure quivalente dans ses multiples diversifications, cest essentiellement du fait que ses nouvelles activits avaient avant tout pour objectif dabsorber les profits dgags par le textile. En effet, les bnfices de lactivit textile ne pouvaient pas y tre rinvestis en totalit : acheter des usines ou des boutiques aurait perverti le systme externalis sur lequel tait fonde la stratgie de lentreprise. Il tait donc ncessaire dinvestir ces profits ailleurs. Les diversifications ont donc eu tout du moins lorigine un rle de placement financier des surplus du textile.

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2005, Pearson Education France 3

4. Quel a t le rle de la technologie dans le dveloppement de Benetton ? Comment expliquez-vous sa capacit dinnovation ? Quel rle pourrait-elle jouer lavenir ?

Benetton a construit son succs sur trois innovations : la structure en rseau (innovation organisationnelle), les boutiques en libre service (innovation commerciale) et la teinture en plonge (innovation technologique). ct de la technique de battage de la laine brute importe dcosse et de lutilisation de mtiers tisser circulaire, limpact de la technologie de la teinture en plonge a t considrable, puisquelle a dfini le positionnement du produit, la diffrentiation de lentreprise et mme lidentit du groupe (avec le jeu de mots sur United Colors ).

Dans les annes 1990 et 2000, le dveloppement technologique est rest une priorit chez Benetton, avec notamment le rseau logistique, lentrept automatis, la connexion des boutiques au sige ou encore lutilisation massive de la CAO (avec machines commandes numriques et dcoupe au laser) dans la conception des modles.

Cependant, on ne trouve plus aujourdhui dinnovations majeures nes chez Benetton, comme la teinture en plonge dans les annes 1950 et 1960. Il sagit plutt dadaptation de technologies utilises parfois mieux par des concurrents (notamment par Zara).

Une explication possible de cette moindre innovativit est le fait qu ses origines, cartel entre une norme ambition et des ressources financires ngligeables, Benetton a t contraint dinnover pour construire une stratgie originale. Aujourdhui, devenu un groupe puissant et prospre, la contrainte de linnovation y est nettement moins pressante. On retrouve ici la logique qui veut que la contrainte est crative et le confort est conformiste . On peut aussi voquer les travaux de Miller sur le Paradoxe dIcare : Benetton sest progressivement enferm dans son modle gagnant et a dautant moins cherch innover que le succs le confortait dans ses certitudes.

5. Selon vous, quest-ce qui contribue le plus lintgration des ressources au sein de Benetton ? Le plan de relance annonc en 2003 vous parat-il cohrent avec cette combinaison de ressources ?

Cette question permet de rsumer les points soulevs lors des questions prcdentes. Lintgration des ressources de Benetton repose essentiellement sur :

Le tissu social et familial dorigine, socle du rseau. La valeur de la marque, ciment du rseau. La puissance du systme logistique, irrigation du rseau

Il est difficile de dterminer lequel de ces trois lments a le plus contribu lintgration des ressources et comptences. Ce qui est certain, cest quils semblent tous les trois mis en cause :

Le tissu social et familial est menac par le changement de gnration. La valeur de la marque est battue en brche par les campagnes trop violentes de Toscani. Le systme logistique est moins aboutit que celui de Zara.

Devant la triple faillite de son systme, Benetton a brutalement retourn son approche organisationnelle avec son plan de relance de 2003, en rachetant grand frais ses principaux fournisseurs, en substituant ses sous-traitants des usines implantes dans des pays bas cot de main duvre et en remplaant les petites boutiques indpendantes par des mgastores possds en propre. Le modle dexternalisation maximale a laiss la place une intgration verticale classique, certainement par imitation de Zara, mais galement par puisement de lintgration sociale, mdiatique et logistique qui avait jusque l sous-tendu le rseau. Il est clair que ce plan de redressement nest pas cohrent avec la combinaison de ressources qui a fait le succs de Benetton. Cependant, cette combinaison ayant manifest des signes vidents drosion, il tait peut-tre temps den changer.

On peut conduire les participants discuter la prennit dune cohsion sociale ou familiale, de la valeur dune marque ou du caractre distinctif dun systme logistique.

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