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Jérémy Stauffacher Droit Public Droit de la Construction 1. Cours du 20 septembre 2012 Chapitre 1. L’aménagement du territoire §1. Généralités sur le droit public de la construction Le droit de la construction concerne tout particulièrement Fribourg (tradition de la construction). Ensuite, la jurisprudence liée au droit de la construction est extrêmement développée. En outre, c’est un droit ancré dans un contexte économique très important : l’immobilier. L’historique du droit de la construction est colossal : la police des constructions (règles par lesquelles on communique au citoyen comment il peut construire) est extrêmement ancienne (temps modernes, gestion du passage des chars). L’aménagement du territoire, par contre, date du siècle passé (début du 20 ème siècle). On a constaté qu’il fallait gérer l’utilisation du territoire. Les premiers plans (éléments de planification relatifs aux zones à bâtir) sont apparus en Suisse entre les deux guerres. L’aménagement au niveau cantonal est apparu à la suite de la seconde guerre mondiale. Au niveau national, l’aménagement du territoire date de 1979. Il a fallu dix ans pour appliquer l’article transférant la compétence à la Confédération (passé en votation populaire grâce à la IUR III 2012-2013 1

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Jérémy Stauffacher Droit Public

Droit de la Construction

1. Cours du 20 septembre 2012

Chapitre 1. L’aménagement du territoire

§1. Généralités sur le droit public de la construction

Le droit de la construction concerne tout particulièrement Fribourg (tradition

de la construction). Ensuite, la jurisprudence liée au droit de la construction

est extrêmement développée. En outre, c’est un droit ancré dans un contexte

économique très important : l’immobilier. L’historique du droit de la

construction est colossal : la police des constructions (règles par lesquelles

on communique au citoyen comment il peut construire) est extrêmement

ancienne (temps modernes, gestion du passage des chars).

L’aménagement du territoire, par contre, date du siècle passé (début du 20ème

siècle). On a constaté qu’il fallait gérer l’utilisation du territoire. Les premiers

plans (éléments de planification relatifs aux zones à bâtir) sont apparus en

Suisse entre les deux guerres. L’aménagement au niveau cantonal est

apparu à la suite de la seconde guerre mondiale. Au niveau national,

l’aménagement du territoire date de 1979. Il a fallu dix ans pour appliquer

l’article transférant la compétence à la Confédération (passé en votation

populaire grâce à la garantie de la propriété). Plus encore, il a fallu dix ans

supplémentaire pour que les communes appliquent les lois décidées à Berne.

Le droit de l’environnement, enfin, est encore plus récent (environ 20 ans,

environ 1985). Il s’agit d’un droit totalement fédéral, dépendant de la

compétence de la Confédération, chargée d’adopter une seule et même règle

au niveau Suisse. L’approche est donc totalement différente d’avec les deux

autres volets (rupture). De par la coexistence de ces trois systèmes, le droit

public de la construction est très compliqué. Le système n’est pas

véritablement organisé : il s’agit plutôt d’un accumulation de législation (pas

de code unique sur le modèle français). Ainsi, dans les années 1990, le TF a

inventé le principe de coordination entre les différentes lois.

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La branche de l’aménagement du territoire (planification) prend toujours plus

d’importance : en effet, la concentration des populations dans les villes

demande bien entendu de planifier les constructions, toujours plus

nombreuses. La protection de l’environnement va certainement perdurer, les

questions d’énergie étant toujours plus présentes dans notre société, ultra-

dépendante du pétrole et des autres énergies fossiles, dont la gestion relève

également du droit de la construction.

§2. Introduction à l’aménagement du territoire

I. Définitions et sources

Il s’agit de l’ensemble des règles relatives à la planification de l’utilisation du

sol. L’aménagement du territoire organise donc les constructions en fonction

du sol (droit de planification). Le droit de la planification a connu un

développement fulgurant (concept de plan directeur : pour l’armée, la gestion

des finances, etc.). Le droit de la planification s’attache à prévoir les

événements futurs. Malgré tout, il pose deux problèmes :

- Quelle est la portée juridique du plan, en lien avec sa nature ?

- Quelle est la procédure à suivre pour planifier ? La population doit-elle

être associée à ce genre de démarche ou l’exécutif est-il seul apte à

décider de la planification ?

Quant aux sources fédérales premièrement, on peut citer l’art. 75 Cst. comme

principe abstrait, qui est en plus repris en matière d’aménagement du

territoire. La LAT a été adoptée en application de cet art. 75. Cette loi est une

loi fédérale (liée à une compétence fédérale qui fut difficile à accepter : il a par

exemple fallu près de 30 ans pour zoner l’aéroport de Genève). La loi est

limitée aux principes : il s’agit d’une loi-cadre prévoyant l’obligation de

planifier et les types de zones (catégories de zones) qui peuvent être

attribués aux parcelles. Ainsi, la LAT définit la zone d’habitation à moyenne

densité et les communes se chargent ensuite de définir le type de zone pour

chaque parcelle. Enfin, la LAT fixe des règles de procédures, par rapport à

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l’obligation de consulter la population notamment (il existe un quatrième bloc

lié au financement et aux subventions). Le fait qu’il s’agisse d’une loi limitée

aux principes ne veut toutefois pas dire que la loi ne contient aucune

disposition précise. En effet, la LAT prévoit notamment quelques dispositions

pour éviter les dérogations (construction en zone agricole par exemple). La

LAT est complétée par une OAT (ordonnance), qui est extrêmement utile en

certains points. A côté de ces deux principales sources, le droit fédéral

comprend certaines lois annexes. En outre, il existait jadis des arrêtés

fédéraux urgents, chargés d’endiguer la multiplication des demandes de

permis de construire causée par le transfert de la compétence cantonale à la

Confédération (et causée actuellement par l’entrée en vigueur prévue en

2013 de la Lex Weber). Enfin, des ordonnances administratives et des

directives complètent le système fédéral.

Au niveau cantonal, l’art de bâtir (règles techniques relatives à la hauteur,

profondeur, sécurité, etc.) est défini dans les législations de la police des

constructions. Lorsque la LAT a été adoptée, les cantons ont dû la mettre en

œuvre (législation d’application de la LAT). Pour ce faire, on peut évoquer les

concepts monistes et dualistes. Fribourg a choisi une solution moniste

(aménagement du territoire et affectation réunie) et a adopté la LATeC

(appelée LATC dans le canton de Vaud) et le ReLATeC, deux lois

gigantesques (plusieurs centaines d’articles). L’approche dualiste prévoit, au

contraire de l’approche moniste, prévoit l’adoption de deux lois : d’un côté la

loi d’application de la LAT (régissant l’affectation du territoire) et une autre loi

séparée appelée LCI (loi sur les constructions et les installations). Malgré

tout, dans les deux cas, la procédure est unique : l’autorité (unique) chargée

d’appliquer la loi se tournera alors vers la ou les loi(s).

Enfin, les communes sont chargées de décider souverainement de

l’affectation des parcelles aux différentes catégories de zone (la LAT, en son

art. 15, ne précise rien et les cantons, dans les lois d’application, reprennent

bien souvent l’art. 15). Les communes doivent donc décider. En plus, elles

sont chargées de définir le contenu des zones par le biais d’un règlement,

qu’adopte chaque commune (règlement communal d’urbanisme,

d’aménagement, etc.). L’autonomie communale est donc très grande. Pour

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éviter trop d’incohérence, les cantons ont accepté d’unifier les lois cantonales

par le biais de concordats. Le concordat intercantonal sur la définition des

notions de construction, par exemple, tente d’unifier la manière avec laquelle

sont interprétées les règles de construction. Seul six cantons ont accepté de

ratifier ce concordat intercantonal (dont Fribourg).

II. Contenu et instruments

Il s’agit à présent d’analyser les buts et les principes de la planification

(art. 1 et 3). L’art. 1 reprend en fait le contenu de l’art. 75 Cst. (but général).

Ce but général est ensuite concrétisé par l’art. 1 al. 2 let. a-e (buts spéciaux).

Ainsi, il existe par exemple l’obligation pour les magasins de disposer d’un

certain stock, utile notamment en cas de guerre. Les principes (art. 3) sont

nombreux. D’ailleurs, les buts et les principes se confondent parfois : en tous

les cas, ils vont dans la même direction.

Ensuite, il existe des conditions pour obtenir une autorisation de construire : la

construction ou l’installation doit être conforme à l’affectation de la zone et le

terrain doit être équipé. En plus, le droit fédéral ou cantonal peut prévoir des

conditions supplémentaires, liées naturellement aux principes et aux buts.

Dans le canton de Fribourg, lorsque le préfet délivre une autorisation de

construire, il sait qu’il doit vérifier le respect des buts et des principes.

En matière d’aménagement, il y a deux visions : centralisée (tous au même

endroit) et décentralisée (chacun se fixe où il souhaite). La Suisse a combiné

les deux systèmes : concentration décentralisée : divers centres sont créés et

organisé. Aujourd’hui, le concept de la densification a été ajouté pour pallier

aux défauts de la concentration décentralisée. La densification propose de

renforcer les centres déjà existants (en lien avec la préservation de

l’environnement). Ainsi, plutôt que de continuer à disperser les constructions,

il s’agit de modifier les centres actuels pour qu’ils soient plus densifiés. Cela

permettrait de diminuer les problèmes de trafic automobiles autour des villes.

Il s’agit donc de diminuer au maximum les distances entre le lieu d’habitation

et le lieu de travail pour éviter ces déplacements problématiques.

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Dans un cas concret, on se demande toujours si l’élément litigieux est une

construction. Ainsi, on se pose la question de la nécessité d’une autorisation

(art. 22 LAT). Si l’élément en cause est bien une construction, il s’agit ensuite

de s’interroger sur la conformité de la construction. Si la construction n’est

pas conforme, une autorisation extraordinaire est requise (décision de

dérogation). Dans le cas d’une zone agricole, on se tourne vers l’art. 24 LAT,

qui prévoit deux conditions cumulatives (dans le cas d’espèce pour construire

une glaisière hors de la localité d’Einsiedeln) :

- La construction de la carrière ne peut être faite à aucun autre endroit.

Dans le cas d’une mine, il est logique qu’elle soit située près du

minerai qu’il s’agira de récolter.

- Aucun intérêt prépondérant ne doit s’opposer à la construction de la

carrière. Ces intérêts prépondérants correspondent aux buts et

principes des art. 1 et 3 de la LAT).

Dans le cas d’espèce, la première condition ne paraît pas poser problème.

Par contre, la question des intérêts prépondérants est plus délicate. Le TF

examine ainsi si chaque intérêt prépondérant est contraire ou non à la

construction de la carrière. Dans cet arrêt se pose la question de la pollution

des eaux (protection des eaux). Au final, le TF conclut (sur avis d’experts)

qu’il n’y a pas d’intérêt prépondérant à protéger les eaux. Ensuite, certains

estiment que la région est typique et que la construction risque d’atteindre ce

paysage. Les routes d’accès à la glaisière ont été organisées pour que cela

se fasse de manière discrète. De plus, la construction d’une carrière entraîne

des travaux lourds et son exploitation nécessite des engins massifs, pouvant

causer des tremblements, avec le risque que les terrains alentours ne

s’affaissent. Il n’y a donc pas d’intérêt mécanique qui pourrait être contraire à

l’autorisation. De ce fait, le TF conclut qu’aucun intérêt prépondérant ne

s’oppose à la construction de la glaisière. Le plan est donc le suivant :

autorisation, conformité, dérogation, buts et principes.

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2. Cours du 27 septembre 2012

III. Les limites constitutionnelles

a. La garantie de la propriété

Par nature, l’aménagement du territoire est une atteinte à la propriété. La

propriété n’est pas un bien absolu : elle est définie dans les limites de la

législation (art. 26 Cst.). On n’admet une atteinte à la propriété (expropriation)

que si l’État entre dans le périmètre des droits reconnus au propriétaire par la

législation. Le propriétaire n’a que les droits que la loi lui reconnaît. Un point

cause en particulier beaucoup de litiges : l’expropriation et les problématiques

de l’indemnisation. En effet, l’aménagement du territoire est parfois

susceptible d’entraver si fortement la propriété qu’il est nécessaire de fournir

une prestation pécuniaire (indemnisation en cas d’expropriation matérielle).

L’expropriation matérielle consiste en fait à vider le droit de propriété de sa

substance. Un mécanisme de compensation est donc nécessaire pour ce cas

de désavantage majeur (atteinte grave à la propriété). Ce mécanisme, qui

devait être mis sur pied dans chaque canton (loi cantonale sur

l’expropriation), a finalement été consacré au niveau fédéral en application du

principe constitutionnel de la garantie de propriété. Naturellement, la

compensation existe aussi en cas d’avantages. Lors de changement

d’affectation de zones, il est probable que la valeur d’un terrain augmente

considérablement (zone agricole vers zone à bâtir : 1-2 francs par m2 à

environ 500 francs le m2). Là encore, les cantons étaient chargés d’appliquer

ce système. A part Bâle-Campagne et Neuchâtel, aucun canton n’a adopté

une loi de compensation de la plus-value (mesure extrêmement impopulaire).

Dans ces cantons, il existe ainsi un fond de péréquation (les avantages

compensent les désavantages). Aux pages 12-14 du polycopié se trouve un

arrêt illustrant cette problématique de la compensation des avantages. Au

niveau fédéral, le principe de compensation est en train d’être repris

(introduction dans la LAT de la compensation de la plus-value). L’art. 5 LAT

sera donc modifié pour créer un régime impératif et détaillé. Un référendum a

en outre été lancé contre cette modification majeure de la LAT. Ce système

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ne doit pas être confondu avec les taxes de remplacement (redevances que

l’État prélève lorsqu’il dispense un citoyen d’une activité obligatoire, comme le

service pompier par exemple) ou avec les systèmes de remaniement

parcellaire (procédure de droit public à travers laquelle on redistribue les

droits de propriété, par le biais de syndicat de propriétaires : redistribution des

parcelles selon un plan clairement établi : des moins-values sont alors

possibles et doivent être compensées).

b. La liberté économique

L’aménagement du territoire a inévitablement un impact économique. Si le but

poursuivi dans la planification est l’organisation du territoire, l’atteinte peut

être admise. Au contraire, si le plan vise, sous couvert de la planification, à

restreindre la liberté économique, la LAT intervient. L’arrêt Globus illustre

cette problématique. Le canton de Bâle-ville avait prévu d’interdire tous les

magasins de plus de 8000 m2, décision contre laquelle les grands groupes ont

recouru. Le TF a validé cette loi en reconnaissant qu’elle visait l’organisation

et la planification du territoire (impact de ces lieux à haute fréquentation sur la

fluidité du trafic, sur la pollution, sur la saturation du réseau routier). L’impact

économique est donc toléré. Aux pages 15-18 figurent un deuxième arrêt

illustrant la question. Un autre arrêt (McDonald) exprime parfaitement la

difficulté.

La LDFR (loi fédérale sur le droit foncier rural) a comme objectif d’éviter que

toutes les exploitations agricoles disparaissent à cause de la promotion

économique. La pression économique sur la terre agricole passant en terrain

à bâtir est énorme. La loi encourage et maintient donc des entreprises

agricoles familiales. Il s’agit d’une intervention politique dans le système de la

libre concurrence. Pour ce faire, trois institutions ont été développées. En cas

de partage successoral premièrement, des règles ont été édictées quant à

l’attribution de l’entreprise agricole, basées sur la valeur de rendement (et non

pas sur la valeur vénale). Le terrain est en principe attribué à l’héritier qui

souhaite faire durer l’exploitation. Le montant de la soulte à payer aux autres

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héritiers pourrait alors être énorme. De ce fait, on se base sur la valeur de

rendement (en fonction de ce que rapporte le terrain) et non sur la valeur

vénale (valeur du terrain en cas de vente). En cas de vente ensuite, le

bénéfice doit alors être réparti entre les héritiers. Deuxièmement, une règle

prévoit l’interdiction du morcellement des parcelles agricoles. Troisièmement,

l’État prévoit des autorisations spéciales pour attribuer les terrains agricoles.

c. L’égalité de traitement

L’aménagement du territoire exige nécessairement de faire des choix : les

limites entre les zones doivent forcément passer à un endroit. Le principe veut

qu’en matière d’aménagement du territoire les exigences d’égalité de

traitement ne s’appliquent que de manière restreinte. Concrètement, un

propriétaire ne peut jamais invoquer l’égalité de traitement pour contester une

limite de zone. La propriété du code civil ne fait jamais obstacle à

l’aménagement du territoire : on ne tient donc jamais compte des propriétaires

pour tracer les limites des zones. De même, il n’y a en principe pas de

possibilité d’invoquer l’égalité de traitement entre propriétaires. Si l’un peut

construire et l’autre non, on ne peut contester cette décision. Malgré tout,

l’autorité chargée de prévoir l’affectation des zones se doit de se baser sur

des arguments, des motifs objectifs. Dans les procédures d’autorisation (zone

à bâtir créée, planification effectuée), l’égalité de traitement s’applique

(activité administrative) de manière normale. En matière de dérogation,

l’égalité de traitement s’applique également. Naturellement, le principe

général « pas d’égalité dans l’illégalité » s’applique aussi.

d. Les droits politiques

En matière de droits politiques, il faut partir de l’art. 4 LAT (information et

participation). Il existe des mécanismes informels appliqués en général pour

les plans directeurs (grands principes). Dans ce cas, une information

informelle suffit. Par contre, dans la planification d’affectation, beaucoup plus

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détaillée, l’art. 33 LAT s’applique en concours avec l’art. 4 et exige une

procédure de mise à l’enquête publique et d’opposition. Il y a donc des

grandes différences d’exigence entre planification directrice et planification

d’affectation. En effet, la première n’a en principe pas de conséquence sur les

citoyens, au contraire des plans d’affectation qui définissent les droits de

propriété et ont un effet contraignant direct pour chaque propriétaire. De ce

fait, une protection juridique stricte est nécessaire (mise à l’enquête et

opposition : art. 83 LATeC ; arrêts du polycopié p. 1 ss).

A Genève, l’aménagement du territoire ne suit pas la procédure habituelle. Le

canton est assimilé à la ville : il y a une centralisation complète : les

communes ne peuvent intervenir que dans une petite mesure. Dans les

années 1980, la LALAT a découpé le territoire genevois en zones

concentriques. Ce régime est ensuite modifié par fractions de plans. La

particularité genevoise tient au fait que c’est le législateur (Grand Conseil) qui

est chargé d’adopter les plans (et non pas les communes). Ainsi, les citoyens

qui souhaitent modifier un quartier envoient leur proposition au Grand Conseil

(commission d’aménagement du territoire, procédure législative). Plus encore,

une fois que le Grand Conseil a décidé, il n’y a aucune possibilité de recourir

contre la décision ailleurs qu’au TF (pouvoir cantonal suprême réunissant les

représentants des électeurs). Hors, un contrôle judiciaire est nécessaire,

contrôle absent dans le système genevois. Le considérant 7 de l’arrêt

explique pourquoi le système ne peut fonctionner et pourquoi un tribunal

cantonal de recours est absolument nécessaire. Les cantons ont en effet

l’obligation d’avoir un tribunal cantonal pour juger de toutes les affaires, y

compris administratives (art. 191b Cst.).

De même, l’art. 111 LTF prévoit que le tribunal fédéral n’intervient qu’après

une autorité cantonale judiciaire. L’art. 6 de la CEDH prévoit également cette

obligation. De ce fait, le canton de Genève a dû introduire un tribunal cantonal

pour revoir les décisions du Grand Conseil en matière d’aménagement.

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3. Cours du 4 octobre 2012

§3. Les plans

I. Généralités

Les plans sont les documents administratifs permettant à l’État d’organiser

son activité future. Il existe plusieurs types de plans (art. 10 ss LATeC) :

- Art. 12 ss : aménagement cantonal :

o Art. 13 : plan directeur cantonal.

o Art. 20 : plan d’affectation cantonal.

- Art. 23 ss : aménagement régional :

o Art. 26 : plan directeur régional.

- Art. 34 ss : aménagement local :

o Art. 38 : plan d’aménagement local.

o Art. 43 : plan d’affectation de zones.

La nature des plans a été discutée depuis l’invention de l’aménagement du

territoire. En effet, si l’on part du principe que les plans sont des législations,

cela entraîne trois conséquences plutôt néfastes :

- Leur adoption ne nécessite pas le respect du droit d’être entendu

(procédure législative, art. 57 CPJA, relatif aux décisions).

- L’adaptation des législations à l’évolution des circonstances est

quasiment inexistante. En effet, le principe de la légalité demande une

certaine rigidité de la loi (sécurité du droit).

- Le recours contre les lois est plutôt rare.

Si au contraire on part du principe que les plans sont des décisions, là

encore, cela entraîne diverses conséquences :

- La procédure d’adoption garantit le droit d’être entendu.

- En cas de modification des circonstances, l’autorité n’est pas libre mais

doit suivre le régime de la révocation des décisions administratives.

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- Le recours est possible et même obligatoire si la personne souhaite

contester le plan (délai de 30 jours).

Comme on le voit, la qualification joue un rôle central pour ces trois

domaines (adoption, adaptation et recours). Le TF a alors décidé de faire du

plan un acte mixte, sui generis, relevant à la fois de la décision et de la

législation (ATF 107 Ia 94). Il ajoute que la qualification n’importe au final peu

étant donné que le législateur répond aux questions d’adoption, d’adaptation

et de recours. En effet, la LATeC traite de la procédure d’adoption des plans

aux art. 83 ss LATeC, de leur adaptation à l’art. 82 LATeC et des recours en

matière de plans aux art. 33-34 LAT concrétisés par l’art 88 LATeC.

En plus des plans directeurs et des plans d’affectation (principaux), il existe

encore deux autres sortes de plans : les PAD et les plans sectoriels :

- Les PAD (plans d’aménagement de détail ou encore plans spéciaux,

art. 62 ss LATeC) : il s’agit de plans qui traitent de petites zones. Le

périmètre du plan est beaucoup plus petit que la zone centre alors que

le degré de détail est forcément beaucoup plus grand. Il s’agit donc de

sections de plans plus vastes sur lesquelles l’accent est mis. Leur but

est de tenir compte de tous les intérêts en présence dans une situation

compliquée, notamment lorsqu’il y a beaucoup d’éléments à gérer

(zones fortement urbanisées). Le centre d’une ville fait ainsi partie de

ces zones compliquées. Il existe en outre deux types de plans

d’aménagement de détail : les plans obligatoires et facultatifs :

o Les PAD obligatoires : parfois, les lois cantonales obligent la

création d’un plan de détail. Les zones pour lesquelles un PAD

est obligatoire sont listées à l’art. 28 ReLATeC.

o Les PAD facultatifs : c’est alors la commune qui décide

d’introduire ou non un PAD (autonomie communale) pour les

différents secteurs qu’elle gère.

En pratique, les PAD sont très appréciés par les constructeurs. En

effet, avec un PAD, il est possible de déroger partiellement à la zone.

A Fribourg par exemple, si la zone de centre prévoit que les façades

de Pérolles doivent présenter des vitrines carrées, le PAD permettra à

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un constructeur de déroger à cette règle en acceptant les vitrines

rondes. Il est donc possible de déroger ponctuellement au régime

général de la zone en question.

- Les plans sectoriels : ces plans n’existent qu’au niveau du droit fédéral

(art. 13 ss LAT). Il s’agit d’un plan fédéral lié à l’absence de

compétence territoriale de la Confédération. Le sol n’appartient en effet

qu’aux cantons et aux communes : il n’existe aucun canton fédéral

(au contraire des USA). La place fédérale de Berne appartient ainsi à

la commune de Berne. De ce fait, planifier une zone dont on n’est pas

propriétaire se révèle être assez compliqué. La Confédération oblige

donc les cantons à tenir compte de certains éléments qu’elle

superpose aux plans cantonaux. Il existe toute une série de plans

sectoriels : infrastructures aéronautiques, voies navigables, rail 2000,

gestion des déchets nucléaires, places d’armes et places de tir,

surfaces d’assolement. Il s’agit donc d’une atteinte à l’autonomie des

cantons, qui sont obligés de tenir compte des éléments mentionnés par

la Confédération dans les divers plans sectoriels.

II. Les plans directeurs

Les plans directeurs sont extrêmement importants (art. 6 ss LAT).

Aujourd’hui, il s’agit d’une réalité constante : à l’adoption de la LAT, le plan

directeur ne devait que fixer les buts et les principes de l’aménagement du

territoire et n’être révisé que tous les 20 ans. Or, la planification est

permanente. Les plans directeurs des cantons définissent la façon de

coordonner les activités relatives à l’aménagement du territoire (art. 8 LAT).

Considérant le nombre de buts des plans directeurs listés à l’art. 8 al. 3 LAT,

on voit que ces plans sont devenus des classeurs politiques généraux (de la

même manière que la Constitution fédérale). Les plans directeurs contiennent

des fiches de coordination permettant au législateur de définir des règles

générales concernant divers domaines de l’aménagement.

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L’élaboration des plans directeurs demande dans un premier temps la

coopération de nombreux experts qui établissent des cartographies de la

Suisse. On tentera par exemple d’identifier le nombre de m2 qui sera

nécessaire au canton de Fribourg dans les 50 ans. Il s’agit donc de cahiers

techniques qui fixent les faits et sur lesquels on se base pour dresser les

plans. Dans un deuxième temps, le Gouvernement doit se positionner sur les

plans. Le canton précise quelles doivent être les lignes directrices du plan en

conception (trafic, environnement, protection des lacs). Il s’agit donc de

décisions prises sur la base des faits établis. Dans un troisième temps, les

offices cantonaux établissent les différentes fiches et dressent la carte de

synthèse résumant l’ensemble. Dans un quatrième temps, un acte juridique

est nécessaire pour adopter le plan. Dans la plupart des cantons, c’est le

Grand Conseil qui adopte le plan par un arrêté formel. Enfin, dans un

cinquième temps, le Conseil fédéral approuve les plans directeurs et vérifie la

coordination et la complémentarité des plans entre les cantons. Très souvent,

les projets sont donc renvoyés aux cantons pour être améliorés.

Juridiquement, les plans directeurs ne posent jamais problème en raison de la

force obligatoire pour les autorités (art. 9 LAT). En clair, les autorités

cantonales et communales sont obligées par les plans. De ce fait, le plan

directeur cantonal porte atteinte à l’autonomie cantonale (naturellement que le

canton, chargé de dresser les plans, sera apte à les appliquer). Il existe des

cas où les plans directeurs cantonaux s’opposent à l’autonomie communale

(cas des golfs notamment, pour lesquels des fiches spéciales limitant leur

construction avait été prévues).

Enfin, comme on vient de la dire, l’autonomie communale peut être mise à

mal par les plans directeurs. Ainsi, à Fribourg, il n’y a pas d’autonomie

communale en matière de permis de construire. C’est en effet le préfet qui est

responsable d’octroyer ou non les permis. De ce fait, l’autonomie communale

semble violée et vidée de son sens. Pour éviter cette situation, tous les

projets de construction doivent passer devant la commune, qui donne alors

un préavis. Le préfet a ensuite l’obligation de lire le préavis communal et de

se déterminer par rapport à ce préavis (décision). La commune pourra ensuite

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recourir contre la décision du préfet si celle-ci lui déplaît. Un droit d’être

entendu au bénéfice de la commune a donc été créé.

III. Les plans d’affectation

Le contenu des plans d’affectation est double : ils sont constitués de deux

éléments centraux, toujours présents :

- La carte : un dessin des secteurs.

- Le règlement (RCU, règlement communal d’urbanisme) qui précise ce

qu’il est possible de faire et dans chaque secteur du plan.

La procédure d’adoption de ces plans est décrite aux art. 83 ss LATeC. Selon

l’art. 83, les plans d’affectation des zones, les plans d’aménagement de détail

et leur réglementation sont mis à l’enquête publique pendant 30 jours et sont

sujets à opposition (toute personne touchée, art. 84). Le Conseil communal

traite alors les oppositions. Pendant ce temps, le reste du plan (déduction des

zones sujettes à opposition) est approuvée et entre en vigueur. De ce fait,

même s’il y a des oppositions ou des recours, le plan entre en vigueur pour

les zones non contestées. Il y a donc dans un premier temps une mise à

l’enquête publique (art. 83 LATeC) puis une procédure d’approbation par les

cantons (art. 86 LATeC).

Les plans d’affectation ont force obligatoire pour chacun (effet contraignant).

Comme on l’a déjà dit, un citoyen mécontent du plan doit recourir contre ce

plan durant le délai imparti. S’il ne le fait pas durant ce délai, il perd dès lors

tout droit : le plan devient définitif.

4. Cours du 11 octobre 2012

Dans le cadre de l’effet contraignant des plans, il convient de parler de la

stabilité des plans par rapport à l’écoulement du temps. Le plan doit en effet

être modifié régulièrement (art. 21 al. 2 LAT). Hors, en cas de changements

rapides de plan, il se peut que des citoyens soient lésés (passage de zone à

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bâtir en zone verte : déclassement du terrain). Pour éviter cela, il est possible

d’invoquer le principe de la stabilité des plans, en lien avec la bonne foi

attachée au message administratif que le plan véhicule (sécurité du droit).

Ainsi, un plan ne peut être modifié que tous les 10 à 15 ans (jurisprudence :

concentration des arrêts autour de cette durée). Naturellement, ce principe ne

vaut pas en cas de circonstances extraordinaires (avalanches, risques

climatiques, accidents naturels ou autres). Dans ces cas, il ne s’agit pas d’une

volonté de dézoner mais bien plutôt d’une obligation liée au contexte.

Toujours en lien avec l’effet contraignant, il est nécessaire de parler de l’effet

anticipé des plans et de la zone réservée. Dans les mois qui précèdent

l’entrée en vigueur d’un plan, il est tout à fait possible que les citoyens

profitent du temps restant pour faire valider leurs constructions. A l’origine

(lorsque les plans ont été mis en place pour la première fois), pour éviter cela,

le système des arrêtés fédéraux urgents a été développé (AFU). Aujourd’hui

(des plans existent déjà mais sont parfois mis à jour), deux mécanismes ont

été développés : l’effet anticipé des plans et la zone réservée.

L’effet anticipé, premièrement, est en général négatif : il permet de suspendre

la procédure d’autorisation de construire qui démarre ou, si elle arrive à son

terme, de refuser temporairement l’autorisation de construire, en attendant

l’entrée en vigueur du nouveau plan (effet anticipé négatif du plan). Il est

possible qu’un effet anticipé positif existe (situation inverse) : il peut ainsi

arriver qu’une autorisation soit accordée en relation avec le futur plan qui

n’est pas encore en vigueur (rare). Cela est risqué puisque si le TF casse le

nouveau plan, la situation de l’autorisation devient problématique. Le TF a

développé lui-même ce concept de l’effet anticipé (ATF rue de Romont n° 16).

La garantie de propriété exige tout de même des cautèles : si le plan est

éventuellement susceptible de changer dans le futur, il n’est pas possible de

suspendre les procédures (limite fixée à 2 ans). Dans les lois cantonales

(art. 90-92 LATeC), des dispositions sur l’effet anticipé ont été créées pour

fixer la durée limite de suspension des procédures. Il ne faut pas confondre

effet anticipé et rétroactivité. La rétroactivité concerne une loi déjà entrée en

vigueur qui s’applique à un état de fait antérieur. Dans un cas de rétroactivité,

il y a donc application d’une loi déjà en vigueur à un état de fait terminé alors

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que dans un cas d’effet anticipé, il y a application d’un plan (ou d’une loi) pas

encore en vigueur à un état de fait actuel. Tous les cantons ne connaissent

pas l’effet anticipé négatif, le Valais par exemple.

La zone réservée, deuxièmement, est une intervention, en règle générale de

l’exécutif, sur le plan existant pour le paralyser. Le gouvernement adopte un

règlement complémentaire de la zone et y fait figurer un article qui en principe

reprend la formulation de l’art. 27 LAT. A l’intérieur de ces zones, il est

impossible d’obtenir une autorisation de construire qui pourrait entraver

l’application du plan futur. Une zone réservée ne peut être prévue que pour

une durée de 5 ans maximum, durée qui peut être prolongée par les cantons

(ce qui est en général le cas). Précisons qu’il existe des abus en matière de

zone réservée, ce mécanisme étant beaucoup utilisé. A l’échéance du délai,

la clause de réserve tombe et il est dès lors à nouveau possible d’obtenir des

autorisations pour la zone en question.

IV. La coordination des plans

La coordination formelle consiste à organiser la procédure de telle manière

que toutes les autorités impliquées dans la procédure complexe travaillent en

concertation afin de prévoir une solution finale stable. La coordination met

ainsi en œuvre un système de préavis entre les autorités pour unifier les

notifications. Elle nécessite également que l’autorité notifie une seule décision

regroupant l’ensemble des autorisations. De même, cette décision doit être

soumise à une seule voie de recours.

La coordination matérielle, quant à elle, exige que chaque autorité tienne

compte de tous les intérêts (publics) en présence. En effet, chaque autorité

travaille de son côté (tout en informant les autres autorités, préavis) mais

avec l’obligation de respecter (si possible) tous les intérêts en présence.

Il existe donc un principe de coordination administrative des décisions,

principe consacré par toutes les législations cantonales et fédérales (art. 25a

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LAT). L’al. 4, plus particulièrement, précise que la coordination s’applique à la

procédure de planification.

§4. Les zones

I. Généralités

Il s’agit des véhicules d’aménagement prévus par le législateur que le

planificateur affecte aux endroits disponibles. Le territoire doit en effet

distinguer les endroits où l’on construit des endroits où l’on ne construit pas.

Aujourd’hui, les géographes sont assez fiers d’avoir réussi à avoir des zones

construites denses et d’autres zones libres de construction (paysage

agréable, pas de construction sauvage). Le législateur fédéral adopte une loi

limitée aux principes : il a codifié les deux types de zones fédéraux : les zones

à bâtir (art. 15) et les zones agricoles (art. 16 ss). En plus de ces deux zones

majeures, il existe également des zones protégées (art. 17) et des autres

zones (art. 18), d’importance mineure. L’art. 18 permet ainsi aux cantons de

prévoir à leur convenance d’autres types de zone.

L’art. 18 al. 3 ne concerne pas la zone de forêt mais bien de l’aire forestière.

Une zone de forêt existerait si et seulement si une commune déciderait de

zoner la forêt (ce qui est plutôt rare car cela reviendrait à protéger la forêt). En

effet, cela supposerait la création d’un règlement spécial prévu pour la zone

de forêt. Il ne faut donc pas confondre l’aire forestière et la zone forestière.

L’aire forestière correspond à toute la surface de forêt en Suisse, en général

sans affectation particulière alors que la zone forestière dépend d’une

affectation administrative. Les cantons prévoient d’autres types de zones

(art. 43 LATeC pour l’art. général). Il est nécessaire d’être passablement

prudent avec l’art. 50 LATeC. La liste de zones prévue à cet article dépend en

effet directement de la zone à bâtir. Les cantons ont en effet la compétence

de concrétiser les principes développés par le législateur fédéral : ils ont ainsi

développé des types de zones à bâtir, comme le montre l’art. 50 LATeC, relié

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directement à l’art. 15 LAT et non pas à l’art. 18 LAT. Juridiquement, cela est

passablement important puisque si un règlement cantonal s’appliquant à un

type de zone à bâtir ne respecte pas les exigences de l’art. 15 LAT, il sera nul

(au contraire du règlement d’une zone autre, pour lequel le canton dispose

d’une plus grande marge de manœuvre).

II. La zone à bâtir (art. 15 LAT)

« Les zones à bâtir comprennent les terrains propres à la construction qui

sont déjà largement bâtis ou seront probablement nécessaires à la

construction dans les 15 ans à venir et seront équipés dans ce laps de

temps. » Un terrain est adéquat (adapté) à la construction s’il est :

- Techniquement adapté : il faut que le sol puisse recevoir la

construction, excluant ainsi les régions où il existe des risques

d’envahissement (eau, neige, boue) ou de glissement (pente forte,

glissement de terrain ou autre). Cet aspect se réfère donc à la solidité

du terrain et aux caractéristiques naturelles.

- Juridiquement adapté : il ne faut pas que des obstacles juridiques à la

construction existent. Ainsi, si une personne vend des parcelles en les

grevant de servitudes de vue, il sera juridiquement impossible pour la

commune de faire de ces parcelles une zone d’immeuble. Dans ce

genre de cas ainsi, le droit privé restreint l’autonomie du droit public

(restrictions de droit privé).

Ensuite, le terrain doit être largement construit (ou probablement nécessaire à

la construction, condition alternative). Si tel n’est pas le cas, il faut démontrer

que les terrains seront, dans les 15 ans, nécessaires à la construction. Dans

ce cas, les terrains doivent être équipés durant ce laps de temps. Pour

déterminer quels seront les terrais nécessaires, un pronostic est nécessaire.

Il s’agit d’un avis d’expert fondé sur la méthode des tendances : l’urbaniste

examine la tendance de développement de la commune au cours des 15

dernières années pour prévoir le développement futur, en pondérant la

tendance en fonction des circonstances. Naturellement, ce pronostic n’est pas

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absolu et des erreurs existent. Aujourd’hui, en lien avec cet élément de la

nécessité, il existe 3 importants développements :

- La coordination régionale (utilisation rationnelle du territoire) : selon ce

principe, les communes doivent tenir compte de la situation (zones à

bâtir libres et occupées) dans les collectivités environnantes pour

fonder leur propre planification.

- Les fusions : le processus intensif de fusion de communes en cours a

un impact sur l’aménagement du territoire (multiplication des zones à

bâtir : réunion des zones à bâtir de chaque commune).

- La révision de la LAT : cette révision veut lutter contre l’abus des zones

à bâtir. Il n’est plus possible d’étendre à l’infini les zones à bâtir  : il est

nécessaire de densifier. Or, dans les années 1980, les communes ont

densifié de manière générale et généreuse. Aujourd’hui, il existe des

secteurs où les zones à bâtir ne respectent pas l’art. 15 : depuis 30

ans, certaines régions ne sont ni construites ni équipées. Il est donc

nécessaire de dézoner. Cela pose de gros problèmes financiers

(valeur du sol des zones à bâtir, en relation avec l’indemnisation). De

plus, cette révision pose le problème de la thésaurisation. Ce problème

veut que, dans une zone à bâtir, chaque propriétaire se réserve le

maximum de mètres carrés (en plaçant par exemple sa demeure au

centre de la parcelle pour occuper le terrain alentour). Or, pour

densifier le terrain, comme cela est nécessaire aujourd’hui pour

exploiter au mieux les parts de territoire restant, cela pose problème.

La LAT introduit des mécanismes violents pour forcer les propriétaires

à exploiter les mètres carrés à disposition (sous peine d’expropriation).

III. La zone agricole (art. 16 ss LAT)

La zone agricole ne pose pas de problème majeur. Les communes ne créent

en effet pas de zone agricole : elles existent partout (territoire totalement

agricole). Les problèmes surgissent en cas de dézonage (art. 15 LAT).

En principe, ces zones devraient être maintenues libres de toute construction.

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Les questions principales ne tournent donc pas autour de la création des

zones agricoles mais bien plutôt autour des constructions possibles dans ce

type de zone (en principe interdites, art. 16a LAT). La question se pose donc

par rapport aux autorisations de construire en zone agricole. Néanmoins, par

rapport à l’art. 16 LAT, il convient de préciser deux éléments :

- La zone agricole est multifonctionnelle : les buts sont multiples :

production agricole, protection du paysage et préservation de

l’environnement. L’agriculture ne rapportant plus assez, des

subventions publiques sont créées pour inciter les paysans à préserver

le paysage et à respecter l’environnement (revenu supplémentaire liés

aux buts des zones agricoles). Juridiquement, cela se manifeste par

une tendance à adopter des règlements relatifs aux zones agricoles.

- Les zones en hameau (petite entité urbanisée) : le risque de

l’aménagement du territoire est la ghettoïsation du peuple. Les

hameaux sont bien souvent entourés par la zone agricole, sans

toutefois en faire partie. De ce fait, on a inventé l’idée des zones de

hameau permettant à ces petites entités de survivre sur la base d’un

règlement spécial (rénovation des maisons, agrandissements

sommaires, travaux mineurs). Naturellement, le règlement ne permet

pas de construire de grands bâtiments.

IV. Les autres zones (art. 17-18 LAT)

En plus de la zone agricole et de la zone à bâtir, le droit fédéral a prévu deux

autres types de zones : la zone à protéger (art. 17 LAT) et les zones

réservées. En vertu de l’art. 17 LAT, les plans d’eau, certains paysages et

certaines localités jouissent d’une protection particulière (conservation de

l’état existant ou rétablissement de l’état ancien). Les zones réservées sont

des zones de blocage des constructions. Lorsqu’il n’existe pas encore de plan

d’affectation ou que l’adaptation d’un tel plan s’impose, l’autorité compétente

peut créer des zones réservées à l’intérieur desquelles les constructions sont

interdites si elles sont de nature à compromettre le futur plan (art. 27 LAT). Le

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Canton de Genève a beaucoup utilisé cette possibilité pour gérer l’extension

continue de la zone urbaine. Précisons enfin que l’art 18 LAT permet aux

cantons de créer d’autres zones d’affectation (zones d’utilité publique, zones

d’extraction de matériaux, zone de protection du paysage et autres).

5. Cours du 18 octobre 2012

§5. Les autorisations et la police des constructions

I. Généralités

L’autorisation est une décision administrative (art. 4 lit. a et c CPJA) qui lève

une interdiction générale de faire. Ainsi, il y a dans le territoire suisse une

interdiction générale de construction, sauf sous bénéfice d’une autorisation

qui lève cette interdiction en un temps donné et en un endroit donné (gestion

préventive du territoire). Il est en effet extrêmement difficile de démolir une

construction existante, d’où l’intérêt de prévenir les constructions illicites. Les

autorisations peuvent être de deux sortes :

- Une autorisation ordinaire (art. 22 LAT) vise une activité correspondant

à l’intérêt public : l’activité demandée est compatible avec l’intérêt

public. Concernant le droit de la construction, une autorisation ordinaire

suffit si la construction est adaptée (conforme) à la zone en question.

L’autorisation ordinaire génère un droit subjectif de l’obtenir si les

conditions d’obtention sont remplies.

- Une autorisation extraordinaire (art. 23 LAT) vise une activité contraire

à l’ordre public, pourtant, dans un cas donné et des circonstances

déterminées, il serait disproportionné de refuser l’autorisation

(dérogation). En matière de droit de la construction, si ce que l’on veut

construire n’est pas conforme à la zone, il faut une dérogation. Au

contraire des l’autorisation ordinaire, il n’existe aucun droit subjectif à

obtenir une dérogation (acte administratif résultant d’un pouvoir

d’appréciation de l’autorité). Ainsi, dans l’art. 24 LAT, la formulation

laisse entendre ce pouvoir d’appréciation : « peut accorder […] ». La

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situation est donc complètement différente. Plus encore, la dérogation

a été codifiée à l’extrême pour limiter fortement le pouvoir

d’appréciation (crainte de laisser trop de marge de manœuvre aux

communes et aux cantons).

II. Les autorisations (art. 22-23 LAT)

En matière d’autorisation, on se pose les questions suivantes :

- La nécessité d’un acte administratif : s’il n’y a pas besoin de procédure

ou d’acte, il est logique de s’en passer. Cela introduit notamment la

question des travaux ou des rénovations réalisés à l’intérieur d’une

maison. L’art. 22 LAT s’applique à toutes les zones. Les constructions

sont les bâtiments, les ouvrages, alors que les installations sont

d’autres types de créations. Il faut ensuite que ces éléments soient

créés ou transformés (plus nombreuses que les nouvelles créations).

L’art. 135 LATeC définit les éléments pour lesquels un permis est

nécessaire (résumé de jurisprudence) :

o L’objet est conçu pour durer (élément temporel).

o Il existe un lien étroit avec le sol (fixation au sol) : poser un objet

sur le sol ne suffit pas (constructions mobilières). Il faut donc

que le terrain soit modifié, que l’équipement soit assuré (accès à

la zone) ou que l’environnement soit atteint ou susceptible d’être

atteint (déchets par exemple).

o L’alinéa 2 précise qu’une autorisation est nécessaire dans

d’autres cas limites, dont celui de la démolition des

constructions, du remblai, du déblai ou du changement

d’affectation (modification dans l’utilisation d’un endroit en lien

avec les types de zone). Quoiqu’il en soit, la jurisprudence est

très stricte en matière d’autorisation : une construction minime,

un changement d’affectation mineur ou n’importe quelle autre

modification peu importante nécessite en principe une

IUR III 2012-2013 22

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autorisation. L’ATF p. 53 ss du polycopié illustre parfaitement la

situation (construction d’un parcours de Golf).

- La nature de l’objet : il faut distinguer clairement les objets ordinaires

des objets de minime importance : il faut déterminer si c’est un projet

de construction qui exige une procédure ordinaire (procédure selon

l’art. 140 al. 1 LATeC) ou si l’élément est si peu important qu’il ne

nécessite qu’une procédure simplifiée (art. 140 al. 2 LATeC). Les

différences sont importantes : en matière de procédure simplifiée, la

mise à l’enquête publique et le recours au préfet ne sont pas

nécessaires : c’est la commune qui est compétente pour décider

(art. 139 al. 1 LATeC). Les art. 84-85 ReLATeC définissent les

éléments qui doivent être considérés comme des objets minimes et qui

sont donc soumis à la procédure simplifiée.

- La conformité à la zone : pour ce faire, il faut consulter le règlement de

la zone en question, qui définit ce qu’il est possible de faire ou non.

Comme on l’a déjà dit, la conformité ou la non-conformité du projet par

rapport à une zone précise le type d’autorisation nécessaire à la

construction (ordinaire ou exceptionnelle). En zone à bâtir, il s’agit

d’analyser l’utilisation effective de l’habitation. En zone agricole, la

conformité du projet dépend de la nature de l’habitation : la ferme est

logiquement nécessaire à l’exploitation du sol et est donc compatible

avec la zone. Si l’on est en présence d’un projet conforme, une

autorisation ordinaire suffira, peu importe le type de zone dans lequel

on se trouve. Le type d’autorisation nécessaire ne dépend donc pas du

type de zone mais de la conformité du projet à la zone.

- Les conditions d’obtention de l’autorisation ordinaire (art. 22 al. 2-3) :

l’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est

conforme à l’affectation de la zone (logique) et si le terrain est équipé

(art. 22 al. 2 LAT). Concernant l’équipement (art. 19 LAT), un terrain

est réputé équipé lorsqu’il est desservi d’une manière adaptée à

l’utilisation prévue par des voies d’accès et par des conduites

auxquelles il est possible de se raccorder sans frais disproportionnés

pour l’alimentation en eau et en énergie, ainsi que pour l’évacuation

des eaux usées. Un terrain doit donc avoir une possibilité d’accès

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adéquate (voie d’accès), des canalisations pour amener l’eau et

l’énergie dont les habitants ont besoin et enfin des canalisations pour

récupérer les eaux usées et les eaux de pluie. L’équipement ne

comprend pas les commodités privées dont les gens ont besoin (wifi,

fibre optique, téléphone). Quant aux coûts et aux travaux, on distingue

l’équipement de base et l’équipement de détail (art. 19 al. 2-3 LAT).

Les collectivités publiques (communes) doivent fournir l’équipement de

base (routes, canalisations et collecteurs) mais les propriétaires

peuvent être amenés à participer. L’équipement de détail, par contre,

dépend du propriétaire privé (route d’accès jusqu’au perron de la

maison et lien des canalisations au réseau communal). En plus de ces

deux conditions, les droits fédéraux et cantonaux peuvent prévoir

d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). En matière fédérale, il faut ainsi

analyser le droit de la protection des eaux, de la gestion des déchets et

de moult autres législations techniques qui configurent l’installation des

ouvrages. En droit cantonal, c’est la police des constructions, présente

aux art. 165 ss LATeC et dans le ReLATeC aux art. 52 ss, qui est

applicable. Précisons que la loi exige l’équipement de base, quand

bien même le propriétaire prétend ne pas en avoir besoin.

Naturellement, les équipements doivent être adaptés à la situation

(adéquat) : la route d’accès doit être à la mesure de l’habitation. Si la

commune ne réalise pas les travaux, l’art. 19 al. 3 LAT permet de

conclure un contrat d’équipement (contrat de droit administratif qui

codifie une tâche de droit public) avec les propriétaires. Dans ce

contrat, le propriétaire (maître d’ouvrage) reçoit l’autorisation de

réaliser lui-même la route d’accès à ses frais. Ensuite, au fur et à

mesure de l’utilisation de la route par les nouveaux habitants, le

propriétaire recevra des contributions des nouveaux usagers de la

route. Naturellement, il faut prévoir l’avenir pour imaginer si ce genre

de contrat est bénéfique ou non pour les propriétaires, ce qui est très

souvent extrêmement compliqué. Pour terminer, il convient de parler

de l’équipement conforme aux exigences du droit de la protection de

l’environnement (bruit des voitures ou pollution de l’air principalement,

créant des nuisances pour les propriétaires déjà présents). En matière

IUR III 2012-2013 24

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de protection de l’environnement, le TF demande la vérification

technique mais également environnementale de la zone : l’utilisation

des routes doit ainsi respecter les ordonnances fédérales protégeant

les nuisances sonores ou chimiques. Ainsi, un terrain doit être

physiquement équipé mais également satisfaire le pronostic

d’équipement en matière de nuisances illicites. Ainsi, en matière

sonore, pour vérifier ce second point, un ingénieur acousticien sera

mandaté. S’il constate que la nouvelle zone entraînera un

dépassement des valeurs sonores prévues pour la zone, on conclura

qu’elle n’est juridiquement pas suffisamment équipée. Ainsi, la

condition d’équipement pour l’obtention de l’autorisation ordinaire ne

sera pas remplie et le projet ne pourra jamais voir le jour.

- Les conditions d’obtention de l’autorisation extraordinaire ou

autorisation dérogatoire (art. 23 LAT) en zone à bâtir, puis en zone

agricole : si le projet de construction n’est pas conforme à la zone, une

dérogation est nécessaire. Le droit fédéral ne régit pas les dérogations

dans la zone à bâtir et se contente de renvoyer à l’art. 23 LAT et de

déléguer la compétence aux cantons. Dans la LATeC, on retiendra

uniquement les éléments suivants :

o Pour savoir si une dérogation est nécessaire, on consulte le

règlement de la zone. Si le projet n’est pas conforme, une

dérogation (à la conformité) est nécessaire.

o Comme il s’agit de droit cantonal, il faudra juger la conformité du

projet mais également sa compatibilité avec la police des

constructions. Ainsi, les distances (imposées par les

règlements, voire par la LACC) entre les habitations posent

souvent problème. La dérogation est possible dans deux cas :

Soit il existe un intérêt public à la dérogation.

Soit le ou les voisin(s) concernés donnent leur accord,

très souvent à titre onéreux. Les dérogations

« concédées » sont alors annotées au RF pour que les

nouveaux propriétaires ne soient pas contraints de

démolir ce que leurs prédécesseurs avaient construit.

IUR III 2012-2013 25

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En zone agricole, l’obtention d’une autorisation extraordinaire est

extrêmement compliquée. Il existe en effet un grand nombre de

directives précisant, notamment, les m2 à disposition affectés à

différentes utilisations (proportion entre la surface de la zone agricole

et la taille autorisée des constructions). Naturellement, il faut donc une

autorisation, qui dépend de la construction en cause. Il faut en effet, à

ce stade, se poser la question de la planification pour déterminer si le

projet risque de vider la zone de sa substance. Un système de

dérogation ne peut être utilisé pour faire disparaître le caractère d’une

zone. Les autorisations ne sont valables que pour des constructions

ponctuelles, réduites à un objet. Ainsi, si l’objet recouvre la zone, il est

nécessaire de procéder à une replanification du secteur selon la

procédure de plan d’affectation. Ainsi, si un paysan souhaite

transformer ses champs en terrain de golf, l’autorisation extraordinaire

est inutile car celui-ci recouvrirait la zone agricole. Il est dès lors

nécessaire de replanifier la zone en zone de golf pour ensuite

demander une autorisation, ordinaire cette fois-ci, pour construire

effectivement le golf. Ainsi, avant de partir dans la procédure

d’autorisation, il faut se souvenir des problèmes de planification (tant

en matière de zone à bâtir que de zone agricole). Sur ce sujet, un arrêt

semble pertinent : l’arrêt de Champéry (129 II 63, p. 57 du polycopié,

considérant 2.1 prévoyant la liste des éléments pour lesquels une

planification est nécessaire). Une fois la question de la planification

posée, il faut distinguer 2 situations : transformation et construction :

o Transformation d’un patrimoine existant (art. 24a-24d LAT) : il

est important d’analyser en premier ces art. 24a-24d pour

déterminer s’il est possible d’exclure leur application. Avant l’an

2000, ces art. n’existaient pas : ils ont été introduits pour

assouplir le système au profit des paysans, pour leur permettre

de développer des activités parallèles. Or, leur application est

passablement compliquée, principalement en lien avec la

question de la conformité de la zone. En effet, En matière de

conformité à la zone agricole, il convient de parler de

IUR III 2012-2013 26

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l’agriculture industrielle. Ces 20 dernières années, les paysans

ont développé des usines de production (agriculture intensive,

développement interne). Ainsi, les usines à poulets permettent

de produire une quantité élevée de volailles (production de

viande et d’œufs). Ces types de procédés n’ont plus rien à voir

avec de l’agriculture traditionnelle. Dans l’ATF 117 (p. 61), le TF

affirme qu’une telle structure n’est pas conforme à la zone

agricole, nécessitant une autorisation exceptionnelle (procédure

de dérogation). Contre toutes attentes, le TF a ensuite décidé

d’octroyer cette autorisation dérogatoire. En 2000, le législateur

fédéral a repris cette jurisprudence et a déclaré les installations

d’agriculture industrielle conforme à la zone (art. 16a LAT),

créant ainsi un système assez surprenant de conformité à la

zone agricole. Malgré tout, les bâtiments de transformation

commerciale ne peuvent tous être construits en zone agricole :

ce qui n’est pas nécessaire à l’exploitation agricole ne peut être

construit en zone agricole (nécessaire à la production

dépendante du sol). L’art. 16a LAT prévoit donc ce qui est

conforme à la zone agricole et ce qui ne l’est pas (al. 1 par

rapport à la production du sol, al. 1bis par rapport à la biomasse

et al. 2 par rapport au développement interne). Le système de la

conformité en zone agricole est donc passablement complexe

de par la coexistence de visions traditionnelles et modernes de

l’agriculture. Dès lors, si l’on conclut que le projet n’est pas

conforme à la zone et n’est pas une construction nouvelle, 4

situations de transformation d’un bâtiment déjà existant sont

possibles, correspondant aux art. 24a à 24d LAT (il s’agit donc

des 4 cas d’autorisation exceptionnelle allégée, introduits pour

permettre aux agriculteurs de rénover et de modifier plus

facilement leurs installations) :

Changement d’affectation hors de la zone à bâtir ne

nécessitant pas de travaux de transformation (art. 24a) :

une dérogation peut être octroyée si des travaux ne sont

pas nécessaires, si le projet n’a aucune incidence sur

IUR III 2012-2013 27

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l’environnement, l’équipement et le territoire et s’il

respecte les lois fédérales.

Activités accessoires non agricoles hors de la zone à

bâtir (art. 24b) : les cas les plus fréquents sont ceux de

vente à la ferme (vente sur place de la production

agricole). Il s’agit alors d’activité accessoire non agricole.

Il en va de même pour les activités de chambres ou de

tables d’hôte (transformation des combles de la ferme en

chambres), qui procurent un revenu accessoire.

Constructions et installations existantes sises hors de la

zone à bâtir et non conformes à l’affectation de la zone

(art. 24c) : il s’agit du principe de la garantie de situation

acquise (il ne s’agit absolument pas de droits acquis). Le

problème concerne l’entretien des bâtiments.

Régulièrement, le propriétaire demande la modernisation

de son bâtiment, ce qui, en l’espèce, pourrait être

contraire à l’art. 16a LAT (il avait reçu sous l’ancien droit

une autorisation pour une construction qui aujourd’hui

n’est plus conforme). Par souci de proportionnalité, il

serait illogique d’empêcher le propriétaire de rénover ses

infrastructures en refusant l’autorisation pour moderniser

un bâtiment jadis autorisé et actuellement utilisé

conformément à sa destination initiale (l’utilisation doit

donc rester la même qu’à l’origine : l’art. 24c ne permet

que de maintenir la structure existante). Cela n’a rien à

voir avec les droits acquis : personne n’a assuré que le

propriétaire pourrait rénover à jamais son bâtiment

(aucune promesse). Naturellement, les propriétaires

abusent de cet article pour modifier leurs installations.

Habitations sans rapport avec l’agriculture, détention

d’animaux à titre de loisir, constructions et installations

dignes de protection (art. 24d) : l’art. 24d comprend toute

une série d’éléments divers. La transformation d’une

ferme en résidence fait notamment partie de cette

IUR III 2012-2013 28

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catégorie résiduelle. En l’absence de cet article,

beaucoup de fermes tomberaient en ruine. Ainsi, pour

protéger le patrimoine bâti (à la mort du paysan

notamment), il est utile de pouvoir transformer les fermes

en maison d’habitation. Il en va de même pour les

mayens valaisans ou les rustici tessinois. Ainsi, toute

personne désirant transformer sa ferme ou sa résidence

agricole en résidence secondaire (chalet de vacances),

pourra utiliser l’art. 24d LAT.

o Construction nouvelle (art. 24 LAT) : en matière de nouvelles

constructions, il existe deux conditions cumulatives

(autorisations exceptionnelles ordinaires, par opposition aux

autorisations exceptionnelles allégées) :

L’art. 24 lit. a : les nouvelles constructions sont alors

imposées par leur destination et nécessaires à l’endroit :

Positivement imposée : la construction est

objectivement imposée par la zone (une gravière

sera construire dans une région riche en gravier).

Négativement imposée : la construction projetée

pourrait être faite à plusieurs endroits, mais

nécessairement en zone agricole, en particulier à

cause des nuisances diverses (nuisances sonores

d’un chenil par exemple).

L’art. 24 lit. b : aucun intérêt prépondérant ne doit

s’opposer à la nouvelle construction (art. 1 et 3 LAT). La

protection de l’environnement constitue un des principaux

intérêts pouvant s’opposer à la construction.

III. La procédure en matière d’autorisation

En matière de procédure administrative liée aux autorisations et dans le

Canton de Fribourg, le schéma est celui du tableau de la page 40 (demande,

art. 8 et 137 LATeC, 6 et 88 ReLATeC, examen de la demande par le Conseil

IUR III 2012-2013 29

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Communal, art. 90 ReLATeC, mise à l’enquête publique, art. 91 ReLATeC,

préavis du Conseil Communal, art. 94 al. 1 ReLATeC, transmission du

dossier au SeCa, art. 94 al. 1 ReLATeC, consultation des services intéressés,

art. 94 al. 2 ReLATeC, préavis du SeCa, art. 94 al. 3 ReLATeC, et enfin

décision du préfet, art. 139 al. 1 LATeC et 96 al. 1 ReLATeC). Précisons que

lorsque la construction concerne une zone agricole, le schéma est modifié

pour tenir compte de la compétence cantonale (art. 25 al. 2 LAT). Ainsi, le

SeCa ne donne plus seulement un préavis mais il rend une décision

supplémentaire, qui s’ajoute à la décision du préfet. Il faut donc obtenir deux

autorisations pour pouvoir construire : celle du préfet et celle du canton.

Précisons également qu’après 2 ans, le permis de construire (autorisation)

devient caduc. On veut en effet éviter qu’une construction autorisée en 1990

ne puisse être réalisée en 2014 (art. 145 LATeC). Il s’agit d’un cas de

déchéance et non pas de révocation : le permis « meurt » automatiquement

après 2 ans. La question se pose alors de savoir quand les travaux sont ou

ne sont pas commencés (le risque existe que le propriétaire débute les

travaux quelques jours avant la déchéance du permis). Naturellement, en cas

d’abus, l’autorité peut intervenir.

Ensuite, il faut aussi relever l’art. 65 LATeC relatif au contrôle des travaux. De

nombreux inspecteurs sont chargés de garantir le respect de normes diverses

et variées : protection de l’environnement, sécurité au travail, conformité par

rapport aux permis de séjour (risque de travail au noir).

A la fin du chantier, une fois la construction terminée, l’art. 168 prévoit une

nouvelle procédure pour occuper les locaux : un permis d’occupation doit être

délivré. Cela permet d’assurer un dernier contrôle à la fin des travaux :

l’architecte (art. 166 LATeC) doit établir un certificat de conformité, dans

lequel il atteste que ce qui a été construit correspond à ce qui était prévu à

l’origine. En cas de faux témoignage, l’architecte risque le retrait de sa

patente. Enfin, l’art. 169 LATeC prévoit l’obligation d’entretien pour des

raisons de sécurité et de salubrité, que ce soit pour des constructions ou des

terrains non bâtis. Il est en effet nécessaire d’entretenir les infrastructures

pour éviter le délabrement.

IUR III 2012-2013 30

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6. Cours du 25 octobre 2012

IV. La police des constructions

Il s’agit d’un ensemble de règles relatives à la façon dont on configure les

bâtiments (règles sur l’art de bâtir). Les art. 119 ss LATeC (52 ss ReLATeC)

concernent la police des constructions. De manière générale, il n’y a

pratiquement pas de droit fédéral : la police des constructions existent depuis

très longtemps et est traditionnellement locale (et ce dans tous les pays). En

Suisse, ce sont donc principalement les cantons et les communes (art. 120)

qui gèrent la police des constructions : les communes peuvent édicter des

règles de construction dans leurs règlements. Le concept du RCU (règlement

communal d’urbanisme) dans le PAL (plan d’aménagement local) est

directement lié à la police des constructions. Malgré tout, le droit fédéral

intervient de plus en plus en matière de police des constructions :

progressivement, le droit fédéral fixe des standards nationaux (incursion). En

matière d’égalité des chances des personnes handicapées (LHand : loi sur

l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées), le droit

fédéral prévoit un certain nombre de standards minimaux que doivent

appliquer les cantons.

En plus de la tradition cantonale et des incursions fédérales, il existe

également certaines interventions intercantonales. Les cantons essayent en

effet de résister aux interventions fédérales en utilisant les concordats (accord

intercantonal approuvé par la Confédération primant sur le droit cantonal). En

matière de police des constructions, on peut mentionner le concordat sur la

terminologie de la construction (distance entre les maisons, hauteur des

bâtiments, surface brut de plancher, détermination des m2 : uniformisation des

méthodes de calcul et autres procédés relatifs aux mesures). Ce concordat

n’a été ratifié que par 6 cantons (dont Fribourg) puisqu’il est établi sur la base

du modèle zurichois. On peut également citer le concordat sur l’élimination

des obstacles techniques au commerce (AIEC), qui n’a aucun lien avec la

construction. Pourtant, il existe en Suisse une volonté de favoriser les 4

IUR III 2012-2013 31

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libertés fondamentales. Pour ce faire, on supprime les barrières techniques

au commerce (domaine de la normalisation). Pour essayer de garantir la libre

circulation des marchandises, on a introduit en Suisse la loi sur la sécurité

des produits qui fixent les normes à respecter. Or, en matière de produits de

construction, ce sont les cantons qui sont compétents. Il était ainsi nécessaire

prévoir un accord intercantonal pour uniformiser ces lois (et éviter ainsi 26 lois

cantonales visant à éliminer les obstacles techniques en matière de produits

de construction). La plupart des principes de cet accord sont directement

repris du droit européen.

Les 80% du droit matériel sont édictés par des associations professionnelles

non-étatiques. Cela est logique : il est inconcevable que des juristes

déterminent les règles de construction d’un tunnel (avantage). L’inconvénient

est que nous ne sommes pas un pays de normalisation (pas d’AFNOR ou du

DIN) : les normes sont édictées par des professionnelles (système de milice).

De plus, la plupart des personnes qui ont édicté les normes sont des

constructeurs, et non pas des citoyens propriétaires. Ainsi, les solutions

choisies sont très souvent intéressantes pour les vendeurs mais pas

forcément pour les consommateurs (prostitution des citoyens face à

l’industrie). Pourtant, le TF a validé le système de la délégation aux normes

privées, estimant que c’était dans l’intérêt de la bonne application de la loi

(auto-régulation du système).

Voyons maintenant un certain nombre de disposition. L’art. 121 LATeC traite

des dangers naturels. Actuellement, cet article est en chantier : dans tous les

cantons alpins et lacustres (à savoir tous les cantons), les dangers naturels

sont analysés, cartographiés pour tenter de les prévoir. Des règles sont donc

édictées pour éviter ces catastrophes naturelles (interdiction d’usage à des

fins d’habitation pour certains bâtiments, interdiction de construction :

problème d’expropriation matérielle.

L’art. 124 LATeC concerne l’ordre des constructions (distance entre les

fonds). Cet article fonde le respect des limites entre les parcelles et crée les

systèmes d’ordre non contigu et d’ordre contigu (en fonction de l’endroit sur la

IUR III 2012-2013 32

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parcelle que la construction doit occuper). Dans le ReLATeC, l’art. 54 précise

la notion d’ordre contigu.

L’art 125 LATeC introduit la clause d’esthétique, qui impose le respect d’une

certaine harmonie dans chaque quartier (environnement construit et paysager

donnant un sentiment de qualité et d’uniformité). Cela vise un but d’intégration

des bâtiments dans le tissu environnemental et naturel en cause. En pratique,

imaginons une personne faisant opposition, sur la base de l’art. 125, à un

projet de son voisin désirant construire une maison en forme de cube avec

panneaux et installations solaires. Ce seront alors soit la commune, soit le

préfet qui traiteront la question. Naturellement, aucune règle précise ne peut

être appliquée : tout dépendra du pouvoir d’appréciation des personnes

chargées de juger. Dans le cas où le projet est accepté (par la commune ou

le préfet) et que la personne mécontente fait recours, le tribunal cantonal fera

usage de son pouvoir de cognitio en fait et en droit avec la plus extrême

retenue. Il est donc extrêmement compliqué d’obtenir gain de cause dans un

recours fondé sur la clause d’esthétique. Malgré tout, la clause d’esthétique

interdit les éléments choquant, détonnant fortement avec le contexte. Les

clauses positives sont tout à fait admissibles (règlements prévoyant des

volets d’une couleur déterminée, ou autre). De même, il est impossible par

une clause d’esthétique de vider la planification de sa substance : ce qui est

conforme à la zone doit pouvoir rester possible (il est interdit de refuser un

immeuble de trois étages lorsqu’on se trouve dans une zone permettant

précisément les bâtiments de trois étages).

Prenons un exemple concret : la maison peinte avec le drapeau américain sur

la façade. Premièrement, une autorisation était nécessaire mais n’a pas été

demandée. Une autorisation subséquente est alors demandée par le

propriétaire. Le Conseil Communal autorise alors la peinture mais certains

citoyens font recours (construction de minime importance, la commune est

compétence, le recours est traité par le préfet). Le préfet commence alors par

refuser la qualité pour recourir à certains voisins : la clause d’esthétique ne

fonde pas une qualité pour recourir pour tous : le fait d’être régulièrement

confronté à un bâtiment inesthétique n’est pas suffisant. Il faut qu’il existe une

atteinte physique à la propriété du voisin : l’esthétique contestée doit se

IUR III 2012-2013 33

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manifester par des éléments physiques qui portent atteinte au voisin. Dans le

cas d’espèce, restent deux voisins touchés qui ont la qualité pour recourir. Le

préfet rend sa décision en exerçant son contrôle avec retenu : si la commune

veut tolérer le bâtiment, c’est à elle d’en juger. Il examine alors la question

sous l’angle de l’arbitraire. Premièrement, le règlement communal

d’urbanisme ne prescrit pas de couleurs spéciales. Deuxièmement, il n’y a

dans la quartier aucun caractère esthétique commun. Ainsi, la décision n’est,

au sens du préfet, pas arbitraire. Suite à cela, personne n’a recouru auprès

du tribunal cantonal et le jugement du préfet est donc entré en force : la

façade peinte aux couleurs américaines peut être admirée chaque jour.

L’art. 126 LATeC concerne l’énergie. De tout temps, il y a eu des règles

destinées à éviter le gaspillage d’énergie. Or, les techniques de construction

ont considérablement évolué. Actuellement, non seulement on souhaite éviter

le gaspillage (règle négative) mais en plus on cherche à diminuer la

consommation d’énergie (règles incitatives : normes Minergie et Minergie +).

Ainsi, pour favoriser l’économie d’énergie, l’État propose des bonus d’indice

(dérogation légale permettant, notamment, de construire des surfaces

supplémentaires), des déductions fiscales pour les travaux effectués ainsi que

des primes pour travaux réalisés.

L’art. 127 LATeC traite des normes SIA (normes sismiques). Concrètement,

on tente notamment d’éviter l’effet « galette » (entassement des étages des

bâtiments). Naturellement, il est impossible d’intervenir une fois le bâtiment

construit. Il faut donc agir lors de la construction.

L’art. 131 LATeC concerne le rapport d’indice (méthode pour calculer le

rapport entre la surface construite et la surface de la parcelle). Le CUS

(coefficient d’utilisation du sol) et le COS (coefficient d’occupation du sol) sont

deux concepts liés à l’indice. Le premier concerne l’utilisation « à plat » du sol

alors que le deuxième prend en compte les surfaces habitables :

naturellement, un bâtiment de plusieurs étages aura une surface habitable

supérieure à sa surface d’utilisation du sol.

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7. Cours du 8 novembre 2012

§6. Procédures, remise en état et expropriations

I. Garanties de procédure et voies de droit

Concernant les garanties de procédure et les voies de droit cantonales et

fédérales, la LAT contient un certain nombre d’articles contraignants pour les

cantons. En vertu de l’art. 4 LAT, les cantons doivent associer la population

aux procédures de planification. L’art. 25 précise ensuite que les cantons

organisant la procédure comme ils le souhaitent. Le chapitre sur la protection

juridique est très important (titre 5, art. 33-34 LAT). L’art. 33 est une

dérogation à l’art. 25 (ingérence dans la liberté d’organisation cantonale). Cet

article prévoit la mise à l’enquête publique des plans d’affectation (al. 1) et

l’existence d’au moins une voie de recours cantonale (al. 2). Le droit fédéral

exige donc une seule voie de recours (tribunal cantonal à Fribourg). Dans

certains cantons (Bâle, Zurich), il existe deux voies de recours (commissions

de recours en matière de construction puis tribunal cantonal). Dans d’autres

cantons (Tessin), avant le tribunal cantonal, c’est d’abord le Conseil d’État qui

traite les recours (raisons politiques et traditionnelles). Il fixe ensuite la qualité

pour recourir (al. 3 lit. a) et le libre pouvoir d’examen (al. 3 lit. b). Cet alinéa

affirme donc que la qualité pour recourir et le pouvoir de cognitio sont les

mêmes devant la procédure de recours cantonale que devant la procédure

fédérale (TF). On exige donc qu’au niveau cantonal, les juges aient le même

pouvoir d’examen que le TF et qu’ils soient également contraints d’accorder la

qualité pour recourir à tous ceux qui l’auront pour recourir au TF. Cela est

logique : il serait dans le cas contraire possible de gangrener le droit fédéral.

L’art. 33 al. 3 lit. a LAT renvoie donc à l’art. 111 LTF. Il en va de même pour le

pouvoir de cognitio : la dernière instance cantonale doit examiner le recours

avec au moins la même compétence que le TF. Aujourd’hui, cela signifie que

le pouvoir concerne les faits et le droit : dans le CPJA, l’art. 77 précise les

motifs de recours (faits et droit). Il faut alors superposer la question de

l’opportunité. Comme la plupart des tribunaux cantonaux, le tribunal cantonal

fribourgeois ne peut juger en opportunité (sauf dans certains domaines

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précis). L’art. 33 a été conçu dans l’idée que l’opportunité était possible au

niveau cantonal. Enfin, il précise la nécessité d’un recours unique (al. 4) en

cas d’application de l’art. 25a al. 1 LAT, ce qui est toujours le cas (en toute

circonstance, le principe de coordination s’applique).

L’art. 34 (recours fédéraux) organise les recours au niveau fédéral : il s’agit

d’une compétence cantonale (et non plus seulement d’une ingérence).

L’alinéa 1 supprime le système spécifique pour la construction (comme il

existait jusqu’en 2007). Désormais, on applique donc la PA, la LTF et la

LTAF. La Confédération a décidé d’ouvrir des centres fédéraux (bâtiments

fédéraux sur le territoire cantonal). Or, les communes refusent toujours

l’implantation de ces centres, prétendant qu’il s’agit d’un changement

d’affectation de la zone concernée. Pour supprimer ce problème, on a décidé

de libérer la Confédération de la procédure d’approbation communale du

changement d’affectation en faisant du problème une procédure fédérale. De

ce fait, le recours contre l’implantation de ces centres se fait auprès du TAF (il

en va de même des aéroports, des installations portuaires). Il s’agit dans ces

cas de domaines de compétences exclusivement fédérales, prévoyant un

recours au TAF puis au TF. Dans l’énorme majorité des autres cas, la

procédure est alors cantonale. Dans ce cas, l’art. 34 n’intervient qu’en

dernière instance (tribunal cantonal). L’alinéa 2 précise la qualité pour recourir

des cantons et des communes.

Au TF, les recours peuvent être de deux types : art. 82 ss (recours en matière

de droit public) ou 113 ss LTF (recours constitutionnel subsidiaire). Avant

2007, le système était très compliqué. Depuis là, le système prévoit le recours

en matière de droit public comme recours ordinaire (art. 82 lit. a LTF) : dès

qu’il s’agit d’un cas de droit public, il y a recours en matière de droit public. Il

faut toutefois prendre garde à l’art. 95 LTF : le recours peut être formé pour

violation du droit fédéral, international, des droits constitutionnels cantonaux

et autres. Il n’y a donc aucune trace du droit cantonal en tant que grief. D’une

certaine manière, seul le droit fédéral est invocable pour un recours en

matière de droit public. Il faut distinguer grief et objet du recours (ajouter à

l’art. 95 lit. a « constitution »).

IUR III 2012-2013 36

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Le recours constitutionnel subsidiaire n’est possible que lorsqu’il est

impossible de former un recours ordinaire (art. 83). Il n’est possible de former

un recours constitutionnel subsidiaire que lorsqu’on est en présence d’une

des exceptions de l’art. 83 LTF (sûreté intérieure, naturalisation ordinaire,

droit des étrangers, asile et autres). En matière de construction, il n’existe

aucune exception ! Dans le domaine de l’aménagement du territoire ordinaire

(sauf nucléaire), le recours constitutionnel subsidiaire est impossible.

II. La procédure de remise en état

Concernant la question de la remise en état, il fut une époque où on profitait

de la lenteur des procédures, de la légèreté des peines et des éventuelles

relations pour construire comme on le souhaitait. De ce fait, les remises en

état étaient plutôt rares. Aujourd’hui, celui qui démarre une construction sans

autorisation en espérant éviter les conséquences néfastes risque gros. Il y a

dans ce cas deux cas, qui entraînent les mêmes conséquences :

- La personne ne demande aucune autorisation (construction sauvage).

- La personne demande une autorisation mais ne l’a pas respectée.

Il est alors possible d’agir au cours de la construction (art. 167 LATeC). En

cours de procédure, il est possible de faire cesser les travaux (mesures

superprovisionnelles et mesures provisionnelles) : « lorsque le ou la

propriétaire exécute des travaux sans permis ou en violation des plans, des

conditions du permis ou d’une mesure de protection, le préfet ordonne,

d’office ou sur requête, l’arrêt total ou partiel des travaux ». Très rapidement,

le propriétaire obligé de stopper ses travaux va demander une autorisation

subséquente (art. 167 al. 2 LATeC). Dans le cas contraire, il n’y aurait aucune

autre solution que de faire détruire la construction pour ensuite demander une

autorisation et, en cas d’acceptation, reconstruire ce qui avait été débuté

(violation du principe de proportionnalité). Ainsi, il est obligatoire de vérifier s’il

existe un moyen de légaliser la construction (conséquence en cas

IUR III 2012-2013 37

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d’inexistence de tel moyen : art. 167 al. 3). La procédure pour ce type de

demande sera alors la même (procédure ordinaire, avec les recours

ordinaires : préfet, TC, TF).

Imaginons un cas où le préfet, le TC et enfin le TF refusent l’autorisation

subséquente. On se retrouve donc avec une construction qui définitivement

n’a pas à être là. Dès lors est prise une décision de remise en état. On

constate donc qu’il y a deux procédures : les mesures provisionnelles ne

risquent pas de provoquer la destruction de la maison : les deux procédures

sont parfaitement distinctes. Le principe de proportionnalité s’applique dans

tous les cas : même la mauvaise foi n’empêche pas l’invocation de ce

principe. Naturellement, dans un cas de mauvaise fois, l’État fera moins

attention aux conséquences économiques pour l’administré. Or, le TF a dit

que l’administré était toujours de mauvaise foi s’il construit sans autorisation.

Le catalogue des mesures est alors vaste : destruction totale (remise en état

totale), destruction partielle (coupure d’électricité, de chauffage,

remplacement des fenêtres par des panneaux en bois ou toute autre mesure

riante pour décourager le propriétaire de profiter de sa construction illicite). En

matière de destruction partielle, le débat sera intense entre l’avocat de

l’administré et l’État : on peut envisager une amende (jusqu’à 500'000 francs

pour les cas graves, art. 173 LATeC souvent en lien avec l’art. 292 CP), une

sanction financière administrative (il est ainsi possible de confisquer le gain

réalisé par l’administré, calculé en fonction de la durée d’amortissement).

Aujourd’hui, sauver un bâtiment en payant une amende est devenu plus rare

(injustice pour les citoyens : les collectivités publiques sont plus strictes).

Imaginons un cas où toutes les autorités concluent à la nécessité de détruire

la construction. On passe donc en procédure d’exécution (art. 171 LATeC et

surtout art. 70 ss CPJA), dont les étapes sont les suivantes :

- Art. 70 CPJA : la décision doit être définitive et exécutoire. Or, au

moment où le préfet écrit au propriétaire pour lui demander de détruire

son bâtiment, la décision n’est pas définitive et exécutoire : il faudra

donc procéder à une troisième procédure ordinaire de recours

IUR III 2012-2013 38

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(procédure d’autorisation subséquente, procédure concluant à la

démolition, décision de démolition et recours contre cette décision).

- Art. 72 CPJA (décision pécuniaire) : il ne s’agit pas de décision

d’origine pécuniaire mais d’une décision portant sur un acte matériel

(art. 73 CPJA : décisions non pécuniaires). Or, la question se terminera

de toutes façons par une question pécuniaire.

- Art. 75 CPJA : les cantons exigent un acte par lequel on menace le

citoyen des conséquences (commination). Cet avertissement peut être

signifié dans la décision ou dans un acte postérieur. La commination

est une décision juridique indépendante si elle modifie la situation

juridique de l’administré. De ce fait, il est naturellement bien plus

intelligent de faire figurer la commination dans la décision de démolir,

sans quoi l’administré tentera de recourir contre la commination pour

perdre encore quelques années (2 ans pour chaque procédure,

environ. Une fois la décision de démolition entrée en force (à savoir

une fois toutes les voies de recours épuisées), il est nécessaire de

confirmer cette décision par un acte de confirmation (qui doit reprendre

strictement les éléments de la décision confirmée, sans quoi

l’administré tentera de recourir).

- Si l’administré ne procède pas lui-même à la démolition, il convient de

lancer une procédure d’exécution par substitution (art. 73 CPJA). Il

existe alors deux situations :

o Lit. a : l’administration exécute elle-même la décision.

Naturellement, ce genre de décision n’aide pas les politiciens,

qui s’arrangent souvent pour faire durer la procédure. Souvent,

l’administration déléguera à un tiers. Précisons que les

procédures d’exécution ne sont pas soumises aux règles des

marchés publiques. Naturellement, cela est extrêmement

impopulaire pour une société, d’où le recours à une entreprise

qui ne soit pas locale. Vient alors le moment de l’exécution

effective par un tiers. A ce stade, deux problèmes surviennent,

consacrant des questions qui, cette fois, sont d’ordre pécuniaire

(dommages-intérêts et frais de démolition) :

IUR III 2012-2013 39

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L’administré pourrait attaquer l’État en dommages-

intérêts pour les dommages causés, par exemple à

l’intérieur de la construction (mobilier, objets précieux).

Les frais de démolition sont facturés à l’administré. Or,

cela nécessite une décision et donc une procédure

ordinaire de recours (encore). Dès lors, il faudra que le

TF reconnaissance l’attribution des frais pour que

l’administré puisse envoyer un commandement de payer.

Malgré tout, l’État ne peut facturer que des montants

raisonnables à l’administré pour respecter, encore une

fois, le principe de la proportionnalité.

o Lit. b : on force alors l’administré à agir (expulsion d’une maison

dans un territoire à risque, évacuation après une inondation).

III. L’expropriation formelle

L’expropriation formelle est l’institution par laquelle l’État supprime le droit de

propriété d’un citoyen. C’est l’État, ou un tiers (délégataire du droit

d’expropriation), qui exécute l’expropriation formelle. C’est la Commission

d’expropriation qui gère la procédure. Au terme de la procédure, on trace le

propriétaire exproprié au registre foncier et on inscrit l’État comme nouveau

propriétaire : l’administré perd formellement son droit. Les plus gros

expropriants sont des délégataires : CFF (département expropriation).

On exproprie pas des biens mais des droits : on n’exproprie jamais des

avantages de fait. Si une personne profite de sa situation proche de

l’autoroute pour installer des panneaux publicitaires et que l’État construit de

hauts murs anti-bruit, l’administré ne pourra pas se plaindre d’expropriation

formelle (requête en expropriation formelle pour recevoir une indemnité) car il

n’avait aucun droit à faire de la publicité.

Ces droits sont la plupart du temps le droit de propriété : expropriation d’un

terrain pour implanter un pilonne pour construire un pont ou pour exploiter

une carrière. On peut également exproprier des objets mobiliers : un canton

qui souhaite défendre le patrimoine peut acheter un tableau de grande valeur

IUR III 2012-2013 40

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que son propriétaire voulait vendre aux jaunes. Il est également possible

d’exproprier des droits réels limités (servitudes notamment) ou les contrats

(droits personnels). Imaginons qu’une banque achète un ordinateur valant 12

millions de francs pour équiper ses locaux loués. Il sera alors possible

d’exproprier le contrat de bail de la banque (et éventuellement de payer une

nouvelle machine).

Les droits du voisinage sont une catégorie à part, à priori inclassable. Ces

droits, intimement liés à la propriété, ne sont pas vendables, il n’existe aucun

marché des droits du voisinage. Le TF en a donc fait une catégorie à part de

droits du voisinage sujets à expropriation. Il est donc possible d’exproprier

quatre types de droit : le droit de propriété, les droits réels limités, les droits

personnels et les droits du voisinage.

L’expropriation est une prérogative de l’État (des cantons) : une loi fédérale

gère l’ensemble et 26 lois cantonales concrétisent le principe. Il faut savoir

quand la loi fédérale ne s’applique pas pour l’utiliser intelligemment : le

contenu matériel de toutes les lois (fédérale ou cantonales) est le même mais

la loi fédérale s’applique beaucoup plus souvent. Ainsi, par souci de

simplification, on utilise la loi fédérale, en étant conscient des cas

d’application des lois cantonales (art. 3 LEx : fédérale ; Lex : cantonale). Il est

possible de conférer le droit d’expropriation à des tiers (art. 3 al. 2 lit. a-b LEx)

par le biais d’une loi fédérale ou d’un arrêté fédéral ou par le biais d’une

concession (art. 3 al. 3). En définitive, il y a énormément de cas pour lesquels

c’est la loi fédérale qui s’applique. En effet, chaque fois que ce sont des

entités auxquelles la Confédération a concédé le droit d’exproprier, on

applique la loi fédérale. Les cantons sont donc responsables des petits cas

d’expropriation : les lois cantonales d’expropriation s’appliquent aux cas

mineurs d’expropriation. Les étapes de la procédure, résumées sur le tableau

35, sont les suivantes :

- Requête (art. 27 LEx) de l’autorité souhaitant exproprier. Précisons

qu’il n’est parfois possible de lancer la procédure d’expropriation que si

les discussions n’ont pas abouti, ce qui peut durer très longtemps.

- Actes préparatoires (art. 15 / 28 LEx) sur le terrain.

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- Procédure d’avis (art. 30 ss LEx) : le citoyen peut alors réagir de deux

manière différente à la procédure d’avis :

o Opposition au projet (art. 35 LEx) : une audience de conciliation

sera organisée (art. 45-48 LEx). S’il refuse catégoriquement,

une procédure de type administratif portant sur le principe de

l’expropriation (existence d’un intérêt public) sera lancée,

débouchant sur un recours au TF (82 LTF)

o Prétention (art. 36 LEx) : conscient que l’État finira par obtenir

ce qu’il souhaite, l’administré articule un chiffre, demandant une

indemnisation. S’il n’y a aucun moyen de s’entendre, la

procédure continue et la commission d’expropriation va

procéder à l’estimation pour fixer l’indemnité (art. 57 ss LEx),

débouchant sur un recours au TAF (77 LEx).

8. Cours du 15 novembre 2012

Le mécanisme d’indemnisation, par contre, est extrêmement important (art.

19 al. 1-2 LEx). Il existe plusieurs hypothèses dans lesquelles l’État

indemnise le citoyen :

- Indemnisation pour acte illicite (responsabilité de l’État).

- Indemnisation pour acte licite : plusieurs types :

o Indemnisation pour les interventions de police licites : lors de

l’utilisation d’un canon à eau, on peut imaginer des

débordements (qui ne sont pas des actes illicites).

o Expropriation formelle, matérielle ou des droits de voisinage :

l’art. 19 LEx est l’élément central en matière d’indemnité.

o Droit au respect des promesses (en cas de droits acquis).

Comme on vient de le souligner, l’art. 19 introduit une obligation d’indemniser

en cas d’expropriation. L’art. 16 définit ensuite l’expropriation en général

(en lien avec l’art. 26 Cst.). Le calcul de l’indemnité se fait sur la base de

l’art. 19 LEx et distingue trois éléments cumulatifs à indemniser :

- Art. 19 lit. a : la pleine valeur vénale du droit exproprié : on calcule

l’impact au sol (emprise) de l’expropriation et on indemnise chaque m2.

IUR III 2012-2013 42

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On calcule donc la surface expropriée et la valeur de chaque unité.

Pour chiffrer les m2, il existe plusieurs méthodes. La plus simple est la

méthode comparative : on compare la situation actuelle avec des

ventes privées de terrains au même moment au même endroit. Il faut

comparer avec des ventes réalisées, des opérations économiques et

non pas simplement avec des terrains. Les prix sont connus par le

conservateur du registre foncier (en fonction des taxations de droits de

mutation). De même, pour tenir compte de l’évolution du prix, on se

place au moment de l’expropriation et plus précisément, au sens de

l’art. 19bis, au jour de l’audience de conciliation (convocation). Enfin, un

coefficient de correction permet de tenir compte des différences avec

les ventes de terrain comparées. Ce coefficient prend en compte

l’ensoleillement, la vue, la proximité avec certaines infrastructures, la

taille du terrain. On indemnise donc l’emprise au sol, autrement dit ce

qui est enlevée de la propriété de l’exproprié. Vraisemblablement,

lorsqu’une expropriation coupe un terrain en deux (passage d’une ligne

de chemin de fer), le propriétaire va demander l’extension de

l’expropriation. En effet, si une petite partie du terrain se retrouve

isolée, le propriétaire demandera à l’État d’acheter en plus la section

isolée (question sur laquelle le Tribunal se prononcera).

- Art. 19 lit. b : la réduction de la valeur vénale due à des expropriations

de bâtiments liés : le propriétaire demande également souvent une

indemnisation pour la partie restante. Cet aspect de l’indemnisation

n’entre en compte qu’en cas d’expropriation partielle. On tient donc

compte de l’expropriation d’une zone pour estimer son influence sur le

reste de la parcelle. On détermine ainsi les m2 restants que l’on

compare avec la valeur de m2 avant l’expropriation pour compenser la

perte de valeur de la surface (indemnisation de la perte économique de

la surface due à l’expropriation).

- Art. 19 lit. c : le montant des autres préjudices : parfois, l’exproprié aura

d’autres revendications. Il pourrait ainsi dire qu’il souhaitait, avant

l’expropriation, construire une maison sur sa parcelle, qui sera

désormais traversée par une ligne de chemin de fer. On indemnise

donc l’administré pour les conséquences économiques de

IUR III 2012-2013 43

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l’expropriation. Ainsi, si un administré avait déjà dépensé de l’argent

pour des travaux d’architecte, il sera indemnisé. Naturellement, il n’est

possible de réclamer une indemnisation que pour les éléments qui sont

en causalité directe avec l’expropriation (art. 19 al. 1 et lit. c LEx).

Imaginons qu’une ligne de chemin de fer passe à côté d’une parcelle, sans

nécessiter d’expropriation. Même si l’ensemble de la parcelle perd de la

valeur, il n’est pas possible de réclamer indemnisation pour les lit. a, b et c. Il

serait uniquement possible de demander une indemnité en vertu d’une

expropriation des droits de voisinage (que nous verrons plus loin). Plus

encore, pour des motifs de sécurité, il existe une règle d’alignement en

matière de lignes de chemin de fer (interdiction de bâtir à proximité des lignes

de chemin de fer). Dans ce genre de cas, l’interdiction de bâtir ne provient

pas de l’acte d’expropriation mais de l’homologation des plans de construction

de la voie ferrée. En effet, l’interdiction résulte de la législation technique

ferroviaire. Dès lors, l’art. 19 lit. b n’est pas applicable (ni l’art. 19 lit. a et c

d’ailleurs). Il faudra ainsi se tourner vers les règles applicables aux cas

d’expropriation matérielle.

IV. L’expropriation des droits du voisinage

L’art. 5 LEx précise quels sont les objets d’expropriation du droit du voisinage.

La loi contient donc un chapitre traitant expressément des droits du voisinage.

Ce concept a été inventé pour concrétiser en droit public les actions des

art. 679 CC (actions défensives et réparatrices). En effet, le CC a été inventé

à une période où les problèmes massifs de circulation étaient rares. De

même, le CC vise des situations entre droits privés. Dans l’arrêt Werren de

1968, le TF a donc inventé un système jurisprudentiel. Il a commencé par

paralyser le CC lorsque les nuisances proviennent du fonctionnement normal

des installations qui appartiennent à l’État ou à un concessionnaire (CFF :

installations étatiques ou concédées par l’État). Dans ce cas, on remplace les

règles du CC par les règles sur l’expropriation des droits du voisinage. On

considère dès lors que les droits du voisinage, immatériels, sont expropriés

IUR III 2012-2013 44

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contre indemnisation. Il y a ainsi constitution d’une servitude de tolérance

obligatoire (construction intellectuelle et dogmatique : pas d’inscription au RF

ou d’actes authentiques), sur la base du modèle civil. Au final, cela signifie

que si la nuisance ne provient pas de l’État (directement ou indirectement),

c’est le Code civil qui s’applique. De même, si la nuisance provient du

patrimoine fiscal de l’État, le CC s’appliquera également. Il faut ainsi que l’État

agisse à titre étatique (agissement de la puissance publique), sur le domaine

public ou en matière de patrimoine administratif. Enfin, l’État ne peut

exproprier que si cela est inévitable (principe général). Il faut réduire l’action

au minimum expropriable (principe de proportionnalité). En matière

d’autoroute ainsi (arrêt Werren), il existe de nombreux mécanismes :

panneaux anti-bruit, détournement et autres.

En outre, il existe deux types d’atteintes :

- Les émissions : cela concerne le bruit et les turbulences des avions,

les nuisances sonores des voitures et autres atteintes indirectes. Les

émissions peuvent être de deux types :

o Les émissions positives : il s’agit des émissions physiques :

bruit, pollution de l’air, particules diverses. Il y a une nuisance

réelle, matérielle (sans toutefois usurpation et pénétration sur le

fonds voisin car il s’agit alors d’usurpations directes). Il peut

aussi s’agir d’émissions positives morales, résultant de la

proximité d’un abattoir ou d’un asile. Jusqu’à aujourd’hui, ces

émissions positives immatérielles n’ont jamais été expropriées

et donc indemnisées en droit public.

o Les émissions négatives : il s’agit des éléments immatériels

comme la privation de lumière, d’ensoleillement ou de vue.

Très vite, le TF s’est rendu qu’il ne pouvait pas indemniser tous les

voisins touchés. Il a donc introduit l’idée que les propriétaires doivent

accepter un certain handicap au nom de l’intérêt public, pour faciliter la

vie en société. La jurisprudence a donc développé 4 conditions : ne

seront ainsi indemnisées que les émissions :

IUR III 2012-2013 45

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o Imprévisible : la concession d’aéroport a débuté en 1903. Dès

lors, le volume des avions en trafic a perpétuellement

augmenté. Dans un arrêt de 1984, le TF a estimé que 15 ans

après la guerre (1er janvier 1961), il était prévisible que l’industrie

allait redémarrer, entraînant forcément une forte augmentation

des avions. Ainsi, une personne achetant sa parcelle après

cette date ne pouvait recevoir d’indemnité. Le critère

d’imprévisibilité est donc très important (et un brin arbitraire par

rapport au chiffre de 15 ans). Ainsi, ce qui est prévu dans le

cours ordinaire des choses n’est pas indemnisé.

o Spéciales : le TF n’indemnise que les cas spéciaux. Aujourd’hui,

le TF juge que ne sont spéciales que les situations qui

dépassent les VLI (valeurs limites d’immissions). En dehors de

ces normes, il n’y a aucune indemnisation.

o Graves : l’atteinte doit provoquer une diminution de la valeur de

la surface. La gravité est la mesure du dommage : si la valeur

du bien n’est pas réduite d’au moins 10%, il n’y a pas

d’indemnisation possible.

o Non-prescrites : logiquement, le droit d’agir pour l’atteinte en

cause ne doit pas être prescrite. La jurisprudence fixe la

prescription pour les indemnisations (principe de la bonne foi).

Même en l’absence de base légale, on applique une prescription

de 5 ans au droit à obtenir une indemnisation. Le problème se

pose ensuite par rapport au moment à partir duquel débute la

prescription. A partir du moment où la nuisance existe et où le

riverain se rend compte de la possibilité de l’indemnisation et

peut raisonnablement le faire, le délai court.

Si toutes ces conditions sont remplies, l’administré a droit à une

indemnisation, qui peut être versée de deux manières :

o Isolation : dans la législation environnementale, des art. précise

qu’il est nécessaire d’isoler les bâtiments lorsque les valeurs

limites d’immissions sont dépassés (au frais des propriétaires).

Le TF a donc repris ce principe en matière d’émissions

IUR III 2012-2013 46

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étatiques : l’argent de l’indemnité sert à payer l’isolation. Il y a

donc indemnisation en nature (art. 18 LEx). L’État prend dès

lors en charge les factures d’isolation du bâtiment.

o Argent : une partie de la parcelle n’est naturellement pas

isolable (jardin notamment). Pour ces parties, l’État fournit une

indemnité en argent (solde pour les zones non isolables).

Les développements ci-dessus ne concernent pas les nuisances de

construction ou les nuisances d’accident de construction. Dans ce cas-

là, on applique également la procédure d’expropriation.

- Les usurpations directes : il y a alors véritablement atteinte physique

de la propriété et non plus seulement la survenance d’éléments

indirects. Contre ce genre d’atteinte, il y a également indemnisation (et

non pas droit à la cessation de l’atteinte). Naturellement, cela pose la

question de l’étendue verticale du droit de propriété. En droit civil, la

propriété s’arrête à la surface utile (500 mètres : jurisprudence).

9. Cours du 22 novembre 2012

V. L’expropriation matérielle

Il n’existe aucune loi sur l’expropriation matérielle, seulement quelques bases

légales topiques (art. 26 al. 2 Cst.). Il s’agit d’une restriction de la propriété qui

équivaut à une expropriation (Canada dry = whisky). L’art. 5 al. 2 LAT prévoit

une compensation en cas de restriction équivalant à une expropriation. Outre

cela, il s’agit d’un concept jurisprudentiel : depuis l’arrêt Barret, le TF répète le

même mécanisme, basé sur deux cas :

- L’atteinte importante : l’usage actuel d’une chose ou son usage futur

prévisible est interdit ou restreint d’une manière particulièrement grave,

le lésé se trouvant ainsi privé d’un attribut essentiel de son droit.

L’atteinte peut nuire à l’usage d’un terrain (souvent, rarement d’une

construction mobilière) actuel ou prévisible (les citoyens ont acquis un

terrain en étant persuadés qu’ils pouvaient construire mais finalement,

pour des raisons matérielles, en sont empêchés). Le propriétaire

conserve la propriété de son bien : il n’y a pas de perte du droit de

IUR III 2012-2013 47

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propriété (il s’agit alors d’une expropriation formelle). L’usage doit être

prévisible : le propriétaire doit avoir pris des mesures concrètes en vue

de l’utilisation de son terrain. L’atteinte interdire totalement l’usage ou

restreindre de manière particulièrement grave : la substance du droit

de propriété doit être atteinte. Le simple fait de limiter la hauteur, la

surface ou les conditions de construction n’est pas susceptible de

constituer une expropriation matérielle. Une prérogative liée au droit de

propriété doit être touchée pour qu’une indemnité soit possible.

- Le sacrifice particulier : un ou plusieurs propriétaires sont frappés de

manière telle que, s’ils n’étaient pas indemnisés, ils devraient supporter

un sacrifice par trop considérable en faveur de la collectivité, de

manière incompatible avec le principe de l’égalité de traitement. La

mesure d’aménagement du territoire pénalise alors un propriétaire et

l’égalité de traitement veut qu’on l’indemnise. Dans un arrêt récent, une

collectivité publique avait décidé de classer les terrains situés au

sommet du flanc d’une montagne en zone de protection. Dès lors, le

propriétaire de ce terrain sacrifie son terrain en faveur des autres

propriétaires. Dans ce type de cas, très rares, le propriétaire qui

sacrifie son droit de propriété peut demander une indemnisation à

cause de l’expropriation matérielle de son terrain : il conserve son droit

de propriété mais ne peut construire dessus, celui-ci étant classé en

zone de protection, sur laquelle il est interdit de construire.

A partir de l’un de ces deux cas (mécanisme de pré-condition pour entrer en

matière), on établit une nouvelle distinction : soit il s’agit d’un cas de

déclassement, soit il s’agit d’un cas de non-classement :

- Déclassement : il y a déclassement lorsque l’usage futur prévisible

empêché résulte d’un dézonage discrétionnaire (il s’agit d’une mesure

d’aménagement du territoire libre, sans obligation juridique) : il n’y a

aucune obligation pour la commune de modifier la zone mais elle le fait

quand même (sur la base du pouvoir démocratique de la commune).

Dans ce genre de cas, une indemnisation est nécessaire. Ces cas sont

rarissimes : les communes ont conscience des conséquences

probables d’un dézonage et agissent donc avec retenue.

IUR III 2012-2013 48

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- Non-classement : les cas de non-classement sont beaucoup plus

fréquents. En général, il n’y a pas d’indemnisation : le non-classement

ne donne droit, en principe, à aucune indemnisation. Ainsi, il n’y a pas

d’indemnisation du non-classement lorsque le passage dans une zone

moins favorable résulte d’une obligation juridique pour la commune.

On ne se trouve plus dans un cas de dézonage discrétionnaire : la

commune a l’obligation de le faire (dézonage prononcé sur la base des

prévisions d’avalanches des experts). C’est donc une situation

physique ou juridique qui fonde l’intervention de la commune. Il s’agit

d’une adaptation de la propriété à l’état réel. De même, il n’y a aucune

indemnisation pour les mesures de police prises en vue de prévenir un

danger en faveur de l’intérêt public de la sécurité. Ce principe ne vaut

pas que pour les mesures d’aménagement du territoire mais pour

l’ensemble des domaines du droit. En 1980, la LAT a créé la zone à

bâtir (art. 15). Les cantons ont donc zoné (en zone à bâtir) des terrains

gigantesques. Des années plus tard, la commune décide de créer un

parc (zone de verdure). Le propriétaire lésé (zone à bâtir – zone de

verdure) se plaint auprès du TF. Le TF a déclaré qu’il n’y avait aucune

indemnisation possible dans ce genre de cas : la zone à bâtir

« accordée » à l’origine n’étant pas conforme. En effet, le manque de

sérieux du travail de la commune ne peut fonder une indemnité : autant

de zones à bâtir n’étaient pas nécessaires. Il ne s’agit pas d’un

déclassement : la zone dans laquelle se trouvait la personne était

illicite et ne correspondait pas à la LAT. On considère donc que la zone

à bâtir était inexistante. Ainsi, tous les cas où le dézonage équivaut à

la première planification qui respecte la LAT ne donnent pas lieu à

indemnisation (cas de non-classement sans indemnisation). Au mois

de mars, la population votera sur les modifications de la LAT dont un

art. 15 al. 2 LAT qui aurait la teneur suivante : « les zones à bâtir

surdimensionnées doivent être réduites ». Dès lors, même si certains

politiciens l’affirment, une indemnisation est plus que douteuse : les

zones surdimensionnées ne seraient pas conformes à la LAT (et ce

malgré les modifications des mécanismes d’indemnité liés à l’art. 5).

Aujourd’hui, le TF considère que la garantie de propriété n’intègre pas

IUR III 2012-2013 49

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le droit de construire sur une zone non conforme à la LAT. En

revanche, à titre exceptionnel, le TF accorde tout de même une

indemnisation pour non-classement dans trois cas différents :

o La protection de la confiance : le principe de la bonne foi veut

que le propriété non-classé ayant reçu des assurances

particulières soit indemnisé. Ainsi si un propriétaire parvient à

obtenir une lettre signée, il est envisageable de l’indemniser.

o La création d’une zone à bâtir de fait (milieu largement bâti) : s’il

y a une certaine logique à la construction (brèche non construire

entre deux espaces largement construits), on peut accorder une

indemnisation car le propriétaire pouvait légitimement penser

que la zone était une zone à bâtir conforme à la LAT.

o Dans la même ligne que le cas précédent, si le terrain est classé

de manière non-conforme à la LAT mais qu’il est équipé

(écoulement des eaux, électricité), il peut y avoir indemnisation.

10. Cours du 29 novembre 2012

Chapitre 2. La protection de l’environnement

§7. Notions et principes

I. Les sources

Le concept d’environnement n’est défini nulle part. Il s’agit pourtant d’un

thème phare, en droit comme en politique (notion d’écologie notamment).

Le droit de l’environnement au sens strict, la protection de l’équilibre

écologique, les protections spéciales ainsi que les protections indirectes sont

les 4 domaines du droit de l’environnement :

- Le droit de l’environnement au sens strict : l’environnement est apparu

en l’an 2000 dans la Cst. à l’art. 73-75 (équilibre durable entre la nature

et l’utilisation de l’être humain). De même, l’art. 2 Cst. fait référence à

la protection de l’environnement (idée du développement durable).

L’art. 74 Cst. en particulier consacre la protection de l’environnement et

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le développement durable (équilibre entre nature et êtres humains,

capacité de renouvellement). En outre, les volontés de préserver

l’environnement et d’assurer le développement durable sont placées

avant l’aménagement du territoire. En fait, l’aménagement du territoire

est un moyen pour atteindre les buts visés. Ces buts sont d’éviter les

atteintes particulièrement graves (autoroute, avion, trafic lourd) et non

pas les nuisances mineures. En outre, ces nuisances ne sont plus

définies (au contraire de l’ancienne Cst. qui précisait que le bruit et la

pollution de l’air constituaient des nuisances) : la protection concerne

donc tous les types de nuisances. La LPE (loi sur la protection de

l’environnement) a été adoptée sur la base de l’art. 74 Cst. mais a pris

du temps avant d’être appliquée concrètement. Les mentalités

prennent en effet du temps à évoluer. Ainsi, tous les délais transitoires

d’assainissement ont été violés puis modifiés. La LPE n’est pas une loi

cadre contrairement à la LAT mais une loi directement applicable par

les tribunaux. Elle contient des mandats exigeant du Conseil fédéral de

fixer des standards dans de très nombreux domaines, consacrés par

des ordonnances : OEIE (impact sur l’environnement), OPB (bruit),

OPair (pollution de l’air), OPAM (protection contre les accidents

majeurs : cette ordonnance est destinée à prévenir les catastrophes et

les dommages liés aux catastrophes. Si l’on est détenteur d’une

installation dangereuse, chimique notamment, il faut définir le

périmètre de létalité et prendre des mesures de protection appropriée),

Osol (protection du sol), OSites (sites contaminés : dans le canton du

Jura, les usines bâloises ont enterré des quantités folles de tonneaux

chimiques, nécessitant l’assainissement du site), OCOV, OTAS (ces

deux dernières ordonnances ont pour but d’inciter les citoyens à moins

polluer, par le biais de subventions ou de taxes à la pollution, des

mesures obligatoires étant plus difficiles à mettre en œuvre), ODO

(organisation habilitée à recourir), ORNI (rayonnement ionisant :

téléphones portables et antennes de téléphonies), OTD (traitement des

déchets : les déchets ont été juridisés) LBCF / OBCF (assainissement

du bruit des chemins de fer : une loi spéciale a été créée en la matière

pour deux raisons : premièrement, cette loi ne respecte pas le principe

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de causalité qui veut que celui qui pollue paye. En effet, c’est la

Confédération qui paye les mesures d’assainissement des pollutions

sonores. Deuxièmement, l’indemnisation va au-delà des atteintes). En

l’absence de telles ordonnances (donc lorsque les mandats ne sont

pas exercés, ce qui est très rare), c’est la LPE qui s’applique.

- La protection de l’équilibre écologique : la protection des eaux est en

Suisse extrêmement compliquée du fait des très nombreuses surfaces

d’eau (lacs, rivières, eaux souterraines). La protection des eaux

comprend deux volets : qualitatives et quantitatives.

- Les protections spéciales : les protections spéciales concernent

notamment les forêts, la nature et le paysage, la protection des

animaux (chasse et pêche entre autre), en lien avec les art. 77-78 Cst.

- Les protections indirectes : il s’agit de droit privé (art. 679, 684 CC)

ainsi que d’autres législations (aménagement du territoire, produits

chimiques, travail, aviation, routes nationales, matières nucléaires,

expropriation, transport des combustibles et autres).

A côté de ces 4 domaines de droit fédéral principalement, il existe en droit

cantonal toute une série de clauses générales et de règlements. La question

des priorités entre les droits pose alors problème. L’OEIE (fédérale), par

exemple, prévoit une procédure particulière pour les parkings de plus de 500

places. Or, le canton de Genève a prévu une étude d’impact pour les parkings

non pas de 500 places mais de 50 places. Le TF a reconnu que l’ordonnance

fédérale était exclusive mais également que l’étude d’impact proposée par le

canton de Genève visait un but différent (à savoir vérifier si le parking collectif

ne crée pas un bouchon par exemple). Dans ce cas, la compatibilité entre

droit fédéral et cantonal a donc été admise. Le droit fédéral peut donc tout à

fait coexister avec le droit cantonal, quand bien même il est exclusif. Souvent,

comme on l’a dit, les lois cantonales (LATeC) prévoient des clauses

générales (construction autorisée si elle ne provoque pas d’émissions

excessives : concept est fortement inspiré du CC). Le TF a déclaré que ces

clauses n’avaient plus de portée autonome.

En outre, un grand nombre de conventions internationales ont aussi une

certaine importance en matière de droit de l’environnement. La question

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principale a trait au degré de précision en matière de textes internationaux.

En effet, la plupart de ces textes ne sont pas suffisamment précis pour être

invoqués directement devant un Tribunal suisse. Il s’agit donc principalement

de conventions adoptées par les États mais sans effet direct. L’art. 8 CEDH,

quant à lui, n’a aucun lien avec l’environnement. Malgré tout, la jurisprudence

de la Cour a exploité la protection de la vie privée pour fonder une base de

protection de l’environnement (un environnement malsain, nauséabond,

bruyant ou autres nuit au bon déroulement de la vie privée des gens). La

Suisse n’a jamais été condamnée pour une violation de l’art. 8 CEDH : le TF

comme la CEDH ont reconnu que les mécanismes de protection de

l’environnement étaient suffisants. Enfin, de très nombreuses normes

techniques jouent un rôle en droit de l’environnement. Ainsi, l’OPB (art. 32,

protection contre le bruit) renvoie directement aux normes 181 SIA (normes

industrielles des ingénieurs et des architectes), avec tout le problème de la

valeur juridique de ces textes. Le droit de l’environnement étant très

compliqué, ces normes sont appliquées directement.

II. Les mécanismes de protection

Les concepts de rattachement (p. 199 ss) définissent le champ d’application

de la LPE. Ainsi, une atteinte à l’environnement est tout d’abord nécessaire.

La LPE définit ainsi à l’art. 7 al. 1 ce qu’est une atteinte (pollution

atmosphérique, bruit, vibration, pollution des eaux, modification de

patrimoines génétiques et autres interventions diverses). L’art. 7 al. 3 précise

ensuite la nature des pollutions atmosphériques. En outre, l’art. 7 al. 1 exige

qu’une installation soit construite ou exploitée. L’acte de construction en lui-

même peut déjà constituer une atteinte (chantiers de longue durée

notamment). Les installations sont définies à l’art. 7 al. 7 LPE : les bâtiments,

les voies de communication ou autres ouvrages fixes ainsi que les

modifications de terrain. De même, les outils, machines, véhicules, bateaux et

aéronefs sont assimilés aux installations. La définition est donc très large (et

ne correspond pas à la définition au sens du droit de la construction : un

permis de construire n’est pas nécessaire pour une voiture : le but des deux

droits est totalement différent). L’arrêt du Banntag (fête assimilée à Carnaval ;

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polycopié p. 100 ss) est un bon exemple de cette interprétation large du

concept d’installation. Lors de cette fête baloise, la population tire au fusil vers

le ciel. Or, le TF, suite à des plaintes, a considéré que les fusils étaient des

installations et donc qu’un règlement du Banntag était nécessaire pour définir

dans quels quartiers il était possible de tirer au fusil.

11. Cours du 6 décembre 2012

§8. La protection contre les immissions

I. La double limitation des émissions (art. 11 al. 1 LPE)

Lorsque la LPE s’applique, son fonctionnement est assez simple. Il faut

commencer par distinguer émission et immission (analogie à la distinction

entre dette et créance). Les émissions sont des atteintes sortant des

installations alors que les immissions sont ces mêmes atteintes considérées

du point de vue de la destination des émissions (art. 7 al. 2 LPE). En matière

de VLI (valeurs limites d’immissions, art. 13 ss LPE), on mesure les

immissions et on regarde si les VLI (chiffres déterminant le plafond

admissible) sont dépassées. Si tel est le cas on imposera des mesures à la

source. Ainsi, on se réfère aux VLI (art. 13 ss) mais la conséquence dépend

des art. 11 ss (section 1 : émissions). Pour protéger l’environnement, on

applique deux méthodes de limitation des émissions :

- L’intervention à la source : il s’agit alors de limiter les émissions à partir

de leur provenance. Il s’agit donc de mesures actives prises au niveau

des polluants. Par opposition à ce système, on aurait pu choisir

l’intervention à la destination. Il s’agit de mesures passives visant à

protéger les pollués contre la pollution. On décide alors d’accepter les

pollutions mais de préserver les personnes polluées par des mesures

passives de protection. Ce système n’a pas été choisi et ces mesures

dites passives sont donc exceptionnelles.

- Le principe de causalité (art. 74 Cst. et 2 LPE) : ce principe veut que

celui qui est à l’origine de la pollution paye les mesures. Là encore, on

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aurait pu appliquer le principe contraire : les pollués auraient pu être

chargés de payer eux-mêmes les mesures pour se protéger. Des

exceptions à ce principe sont prévues à l’art. 20 al. 2 LPE. Si au

moment de la demande du permis de construire les valeurs limites

d’immissions étaient déjà dépassées, le principe de causalité ne

s’applique pas. Malgré tout, hors cas particuliers, le principe de

l’antériorité ne s’applique pas. Ainsi si l’autoroute passe à proximité

d’une zone à bâtir, les gens peuvent lancer une procédure pour

demander la construction de barrières anti-bruit aux frais de

l’autoroute, quand bien même l’autoroute était présente avant les

constructions sur la zone à bâtir. On a donc voulu imposer au

détenteur de l’installation l’obligation d’assainir.

Le livre liste encore d’autres principes, moins importants. Pour maîtriser le

sujet, les art. 11-18 LPE sont particulièrement importants, en lien avec le

tableau 43. Il s’agit des points suivants (art. 11 ss LPE).

II. La limitation préventive (art. 11 al. 2 LPE)

La limitation préventive est le premier niveau du système. En toutes

circonstances, le détenteur d’une installation polluante doit faire tout ce qu’il

peut pour réduire la pollution qu’il génère. Le principe de prévention est basé

sur l’idée que si aujourd’hui tout le monde prend toutes les mesures possibles

la situation sera demain améliorée. Le droit de l’environnement est un droit

préventif : si le risque se concrétise, il est extrêmement difficile d’assainir la

situation. Peu importe les circonstances, chaque pollueur doit, pour lui-même,

faire des efforts (même s’il est seul pollueur d’une région déjà écologiquement

dévastée). Ce principe très dynamique paraît donc sans limite : tout ce qu’il

est possible de faire doit être entrepris, ce qui engendre une certaine

insécurité juridique. Pour limiter cela, les différents principes de droit public

s’appliquent. Le principe de proportionnalité notamment (art. 11 al. 2) prévoit

que les mesures doivent être admises par l’état de la technique (les mesures

doivent être répandues) et les conditions d’exploitation (les mesures doivent

être peu incisives sur l’exploitation de l’installation : elles ne doivent pas

empêcher l’exploitation). De même, elles doivent être économiquement

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supportables (les mesures ne doivent pas réduire massivement les revenus

ou augmenter radicalement les charges). Voyons quelques exemples :

- Une personne exploite une ferme et dispose d’un silo à foins au milieu

d’un quartier de villa. Ce silo fait un bruit certain. Naturellement, les

propriétaires alentours se plaignent du bruit du silo et ouvrent une

procédure administrative. Il s’agit bien d’une installation causant une

atteinte, la LPE s’applique. Il existe de nombreux ventilateurs causant

moins de nuisances : on demande donc au paysan de prendre une

mesure à la source pour réduire les nuisances sonores. Il ne peut pas

dire que les conditions d’exploitation de sa ferme sont perturbées (au

contraire) ni qu’il s’agit de mesures contraires à la technique. Il

prétendra par contre que ce ventilateur est trop cher. Un expert est

donc mandaté pour calculer le nombre d’années nécessaires à

l’amortissement du nouveau ventilateur. En l’espèce, l’expert a jugé

qu’il était supportable économiquement de réaliser cette dépense.

- Des propriétaires vivent à côté d’un court de tennis, transformé en

hiver en patinoire musicale. L’exploitant décide de construire à la place

du cabanon de rangement un nouveau bâtiment (restaurant). La PPE

voisine fait opposition à la construction de ce nouveau bâtiment. Dans

ce cas, l’art. 11 al. 2 s’applique (atteintes sonores provenant d’une

installation) et va permettre d’imposer à l’exploitant toute une série de

mesure (valeur limite de bruit, organisation obligatoire du parking,

limite de fréquentation des zones et autres mesures). Toutes ces

petites mesures sont proportionnelles et vont permettre de gérer

l’exploitation de la patinoire hivernale et du restaurant.

- Voyons l’exemple d’une mesure insupportable : des riverains ont

demandé aux CFF de changer tous les wagons à cause du bruit

causé. Cette mesure coûterait beaucoup trop cher et ne pourrait

résoudre tous les problèmes (trains étrangers traversant la Suisse).

Pour préciser l’art. 11 LPE, l’art. 12 prévoit des prescriptions qui codifient la

prévention. Il s’agit de VLE (par opposition aux VLI servant à mesure les

immissions pour ensuite réduire les émissions). Il s’agit de données

techniques figurant dans des textes légaux précisant les quantités de pollution

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que l’on tolère à la source (et donc non pas que l’on tolère à la destination).

En l’absence de normes, on applique l’art. 12 al. 2 LPE. Dans le cas de la

patinoire ainsi, l’autorité administrative impose un catalogue de mesures

qu’elle estime possible et qui sont destinées à réduire la nuisance.

III. La limitation plus sévère (art. 11 al. 3 LPE)

La limitation sévère est le deuxième niveau du système. Les émissions seront

limitées plus sévèrement si les immissions sont nuisibles ou incommodantes

(en dépassant un seuil inadmissible). Si les VLI sont dépassées, la technique,

l’exploitation et l’économie n’entrent plus en compte pour appliquer des

mesures de protection. On donne dès lors la priorité à l’environnement.

Certes le principe de proportionnalité s’applique toujours mais l’exploitation de

l’installation n’entre plus en ligne de compte. Il est ainsi possible de limiter les

heures d’ouverture des installations. La loi précise parfois ce qui est nuisible

ou incommodant. Ainsi, l’OPB (en matière de bruit des aéronefs, des chemins

de fer, des bruits industriels et autres) contient les VLI dans les annexes

(comme dans toutes les autres annexes d’ailleurs). Ce sont ainsi les annexes

des ordonnances qui contiennent les VLI. Ainsi, l’annexe 6 de l’OPB prévoit

les valeurs limites d’exposition dans un tableau passablement important. Le

lien entre l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement est

effectué par le biais des degrés. Dès lors, selon le degré, les VLI en matière

de bruit sont différentes. Ainsi, l’aménagiste peut influencer la protection de

l’environnement par le biais des degrés. Ensuite, le tableau prévoit 3 valeurs :

- Les valeurs d’alarmes sont des valeurs très élevées, dangereuses pour

la santé. Si les valeurs d’alarme sont dépassées, l’assainissement est

premièrement immédiat au sens de l’art. 16 al. 4. En effet, le cas est

tellement grave qu’une intervention immédiate est absolument

nécessaire. Deuxièmement, un allégement n’est plus possible

(art. 17 al. 2 LPE). Enfin troisièmement, à partir du dépassement de ce

seuil et lorsque les mesures actives ne sont pas suffisantes, des

mesures passives à la source peuvent être ordonnées (art. 20 al. 1).

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- Les valeurs limites d’immissions : il s’agit des valeurs références, seuil

normal au-delà duquel il est possible de prendre des mesures sans

tenir compte de l’exploitation des installations. Si les bruits ne

dépassent pas ces valeurs, il est alors nécessaire de tenir compte de

l’exploitation de l’installation (coûts, impact sur l’exploitation).

- Les valeurs de planification (art. 23 ss LPE) : ces valeurs servent pour

les installations qui ne sont pas encore construites (art. 25) : le bruit

mesuré sur les façades environnantes devra respecter les valeurs de

planification. Pour mesurer le bruit d’une installation non construire, on

se fie à des statistiques des constructions similaires (analogie et

extrapolations statistiques : pronostic de bruit fondé sur l’étude

d’impact). Ces valeurs servent également pour les zones à bâtir qui

seront créées autour d’un bruit déjà existant (art. 24). Dès lors, on

place des capteurs où les constructions futures seront placées pour

enregistrer les bruits déjà existants, bruits qui devront respecter les VP.

IV. L’assainissement (art. 16 LPE)

L’assainissement concerne toutes les mesures prises par décision

administrative pour forcer le propriétaire à améliorer l’exploitation de son

installation et respecter le droit de l’environnement. L’art. 18 LPE précise que

pour transformer ou agrandir une installation sujette à assainissement, il faut

effectuer l’assainissement global. Toutefois, la nouvelle partie de l’installation

doit péjorer l’ensemble pour que l’assainissement soit global. Cela signifie

que si la nouvelle partie n’aggrave pas l’atteinte, l’assainissement ne

concernera que la partie déjà existante. En outre, l’art. 17 LPE prévoit des

allégements si l’assainissement ne respecte pas le principe de

proportionnalité (la jurisprudence est très restrictive). Pour mettre en œuvre

ce système, il est possible de lire l’arrêt en page 108 ss du polycopié (arrêt

concernant la fabrication d’électricité à base de biogaz).

L’art. 31 OPair, qui n’entre pas dans le mécanisme, traite du plan des

mesures. Le système actuel impose des mesures préventives et plus sévères

à chaque polluant : chacun est assujetti à l’art. 11 al. 2-3 LPE. En matière de

protection de l’air, il est impossible de déterminer de qui émane la pollution.

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Une fois la pollution répandue dans l’air, il n’est plus possible d’attribuer la

pollution à un polluer. Dès lors, on a inventé le plan des mesures (apparentés

à un plan directeur, contre lequel il n’est pas possible de recourir) qui prévoit

des mesures visant à réduire la pollution de l’air. Ces plans s’appliquent dans

deux cas au sens de l’art. 31 OPair : lorsqu’il existe des infrastructures de

transports et lorsqu’il existe une concentration d’usine. Dans ces cas, on

prévoit différentes mesures pour limiter la pollution. De plus, dans ce genre de

cas, même si le quartier est pollué et que les VLI sont dépassées, il restera

possible de construire une nouvelle installation polluante. En effet, le

législateur a estimé qu’il n’était pas équitable d’empêcher une usine de

s’implanter lorsque tous les autres ont déjà pu pollué sans problème.

Naturellement, tous seront alors soumis au respect des mesures prévues par

le plan, quand bien même l’usine étant implantée avant la mise en place du

plan des mesures (construction de nouvelles routes, aménagement de

protection, mesures diverses et autres).

12. Cours du 21 février 2013

Chapitre 3. Droit économique

§9. Généralités

I. Les concepts et leurs délimitations

Le droit économique est l’ensemble des normes par lesquelles l’État organise,

configure et conduit l’économie. Le droit économique constitutionnel est le

pilier du droit économique (art. 24 et 97 ss Cst.). Le droit administratif

économique, ensuite, permet d’appliquer les grands principes et gère la

participation de l’État dans l’économie. Le droit commercial traite quant à lui

de l’organisation des sociétés (droit public à la base qui s’est privatisé). Le

droit du marché concerne énormément de réalités économiques. Le droit

international privé économique se développe. Enfin, le droit des affaires,

concept encore moins parlant que les notions présentées ci-dessus, est un

amalgame d’éléments divers. On peut considérer que le droit de la

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construction constitue du droit des affaires dans la mesure où l’immobilier est

un des marchés le plus rentable (lien avec les permis de construire).

Le droit économique est un droit éminemment actuel : de plus en plus de

professions touchent au droit administratif. Il est inséparable d’une certaine

conception de la société politique, philosophique ou religieuse. Beaucoup de

principes sont l’émanation d’une conception économique de société.

II. Panorama général de l’intervention étatique

En l’état actuel de notre ordre juridique, l’intervention de l’État est délimitée

par des contraintes : la liberté économique et les différents principes de l’État

(proportionnalité, bonne foi et autres). La marge de manœuvre de l’État

concerne tant les interventions directes qu’indirectes. De manière générale

(partie générale des distinctions suivantes), on peut distinguer plusieurs

concepts (on présentera ensuite quelques exemples, parties spéciales) :

- Les interventions normatives à but économique (directes) : cela nous

amène à préciser quatre interventions à but économique direct :

o Historiquement, la création d’un marché commun (1) fut la

première tâche de l’État helvétique (zone de libre échange,

similaire au traité de l’UE). Cela a naturellement pris beaucoup

de temps : il a fallu unifier les conditions. De même, les

différents droits cantonaux devaient être reconnus par leurs

voisins pour que la libre circulation soit assurée.

o La création de monopole de droit (2) fut un second objectif. La

Poste, par exemple, possède un monopole sur certains

secteurs. Les secteurs monopolisés échappent à la liberté

économique (intervention normative à but économique).

o Des mesures de politique économique (3) furent prises pour

diriger l’économie selon un plan établi. Ces mesures favorisent

une meilleure cohabitation entre les concurrents. Naturellement,

cela passe par des interventions au sein même de la

concurrence. En matière juridique, il s’agit souvent de prouver

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que la mesure contre laquelle on désire recourir est bien une

intervention normative de politique économique.

o Les mesures de promotion économique (4) ne sont pas des

atteintes à la liberté, même si le but est économique.

- Les interventions normatives à effet économique (indirectes) : il s’agit

de tous les domaines dans lesquels l’objectif n’est pas économique

mais les conséquences le sont (effets indirects). Ce sont donc des

mesures qui visent un autre but (santé, environnement ou autres) mais

qui ont des conséquences économiques, parfois drastiques. Ainsi

toutes les interventions normatives en matière de politique sociale ont

des conséquences économiques (mécanismes de contrôle des coûts

de la santé : politique social à impact économique évident). Dans

quantité de cas, des impacts économiques, volontaires ou involontaires

et de degrés différents, se font sentir : politique migratoire, droit de

l’environnement et autres. Presque tous les domaines juridiques et

tous les textes normatifs ont des conséquences économiques

indirectes, parfois mineures, parfois majeures.

- Les interventions de fait : l’État est un acteur économique primordial :

o L’État en tant qu’employeur : pour fonctionner, l’État emploie de

nombreuses personnes (jadis fonctionnaires à régime spécial,

aujourd’hui agents de l’État sans privilège particulier).

o L’État en tant que gestionnaire de capitaux : même pauvre,

l’État reste la personne la plus riche du pays. Les caisses de

pension sont un bon exemple de gestion de capitaux.

o L’État en tant que gestionnaire de biens : il s’agit du domaine

public au sens étroit et du patrimoine administratif de l’État.

o L’État financé : quantité d’activités économiques de l’État se font

moyennant emprunts de l’État (à taux extrêmement bas). Les

impôts financent l’État (droit fiscal : activité économique).

o L’État financeur : l’État finance de nombreux secteurs divers.

o La consommation de biens et de services : il s’agit d’un renvoi

aux marchés publics : l’État est consommateur de biens.

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De manière plus concrète (partie spéciale), on peut citer (de manière

absolument non exhaustive) le droit des finances publiques, le droit industriel,

le droit agricole, le droit de l’approvisionnement et de l’énergie (électricité

notamment), le droit des voies de communication, le droit des entreprises

mixtes, le droit du commerce extérieur, le droit douanier, le droit des marchés

(concurrence), le droit des assurances ou encore le droit des banques.

III. La politique économique en droit fédéral

Jusqu’au 18ème siècle, les activités économiques en Suisse étaient régies par

des corporations datant du Moyen-âge. La liberté économique apparaît au

19ème siècle (1848). A la fin du 19ème siècle, on entre dans une ère

d’interventionnisme : l’État développe sa toile : transport, communication,

électricité ou poste. A partir de 1960, la Suisse a connu une phase de

déréglementation : certaines barrières d’accès aux activités (globalisation) ont

été supprimées. Aujourd’hui encore, Minder pourrait frapper (rerégulation).

Le droit constitutionnel économique est constitué par toutes les dispositions

de la Cst. liées au droit économique : art. 27 Cst. et 94 ss. Les piliers de cette

Cst. économique peuvent être résumés en cinq éléments :

- Un espace économique unifié doit être créé (marché commun).

- Les cantons peuvent intervenir mais ils doivent respecter la liberté.

- L’économie ne peut être organisée selon un plan (sauf exceptions).

- Il est possible de faire de la politique économique seulement en se

fondant sur une disposition constitutionnelle (base légale).

- La Confédération et les cantons peuvent prendre des mesures de

police économique en respectant l’intérêt public et la proportionnalité.

Il existe deux façons de concevoir la Constitution économique : soit on

considère que la liberté est sacro-sainte et que toutes normes économiques

est une restriction à la liberté (ancienne conception), soit on part du principe

que la politique économique fait partie de la Constitution et que des

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interventions de politique économique sont possibles si elles favorisent le but

libéral (politique en matière de concurrence, art. 96 s.).

13. Cours du 7 mars 2013

§10. La liberté économique

I. La notion

La notion de la liberté économique est présente dans la Constitution : ainsi la

liberté économique « comprend notamment le libre choix de la profession, le

libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice ».

C’est donc le contenu qui définit le principe (art. 27 al. 2 Cst.). En outre, il faut

consulter la LMI : « la présente loi garantit à toute personne ayant son siège

ou son établissement en Suisse l’accès libre et non discriminatoire au marché

afin qu’elle puisse exercer une activité lucrative sur tout le territoire suisse »

(art. 1 al. 1) et « par activité lucrative au sens de la présente loi, on entend

toute activité non régalienne ayant pour but un gain » (art. 1 al. 3 LMI).

La liberté économique est un élément de droit public : elle est constituée de

deux aspects : l’aspect institutionnel (institution qui crée notre ordre

économique libérale, en lien avec le §9) et l’aspect individuel (moyen juridique

de s’opposer à l’État). C’est surtout le deuxième aspect, garantissant à

l’individu une sphère d’indépendance contre les organes étatiques. Cela a

deux conséquences : premièrement, l’État doit s’abstenir d’agir : le contenu

du droit est négatif et ne peut en aucun cas être utilisé pour obtenir des

prestations positives de l’État. Deuxièmement, cela signifie que la liberté

économique régit les rapports entre l’État et les particuliers, et non entre les

particuliers (liberté contractuelle). Avec l’évolution des législations, les deux

institutions (liberté économique et liberté contractuelle) se rapprochent à

travers l’égalité de traitement. Certains auteurs vont même jusqu’à considérer

la liberté contractuelle comme un droit fondamental. Dans notre cours, nous

nous concentrerons sur l’élément individuel de la liberté économique,

IUR III 2012-2013 63

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octroyant à l’administré un droit de s’opposer à l’État. Tout de même, il

convient à présent de faire un certains nombres de délimitations :

- Par rapport à la garantie de la propriété : durant des années, on a

estimé que la liberté de l’industrie et du commerce avait la priorité sur

la garantie de la propriété. Aujourd’hui par contre, on parle de

coordination (concours ou encore coexistence) entre les deux principes

constitutionnels : il faut donc coordonner ces deux principes d’égale

valeur. L’affaire Globus (102 Ia 104 dans le polycopié vert) concernait

une ordonnance cantonale qui interdisait les centres commerciaux de

plus de 8'000 m2. L’association des commerçants a fait recours en

affirmant qu’il s’agissait d’une mesure de politique économique servant

à favoriser les petits commerçants. Si le TF parvient à la conclusion

que le législateur visait un objectif d’aménagement du territoire, alors la

loi est admissible, malgré les conséquences économiques : la liberté

économique et la garantie de la priorité est respectée. Au contraire, si

le TF conclut que le but est d’influencer le jeu de la concurrence, il

s’agit d’une mesure de politique économique contraire à la Constitution

économique, violant ainsi la garantie de la propriété. En matière de

garantie de la propriété, il convient de parler de trois lois :

o La LFAIE (ou Lex Friedrich, p. 124-133 polycopié) est apparue

dans les années 1960, à un moment où on a constaté que le sol

national était bradé par des ventes massives (notamment des

tessinois qui vendaient aux allemands). Suite à des initiatives

populaires, la LFAIE a été adoptée. Précisons que la loi a été

mise en œuvre avant son entrée en vigueur par des arrêtés

fédéraux urgents. Depuis, elle a régulièrement été assouplie.

Aujourd’hui, tous considèrent qu’elle permet de réguler un peu

le marché de l’immobilier. Le but de cette loi est fixé à l’art. 1 :

limiter les immeubles par des personnes à l’étranger (et non pas

par des étrangers) afin de limiter l’emprise étrangère sur le sol

suisse. L’art. 2 définit ensuite le champ d’application de la loi

(tout particulièrement l’art. 2 al. 2 LFAIE). La loi s’applique pour

éviter le placement de capitaux et non l’implantation

IUR III 2012-2013 64

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d’entreprises ou d’industries. Il ne s’agit donc pas de verrouiller

le sol suisse mais d’éviter les placements immobiliers à but de

placement émanant de personnes étrangères. La notion

d’entreprise est définit dans la loi : il doit s’agir d’un

établissement commercial stable (notion extrêmement

complexe). Aujourd’hui, cette loi ne s’applique en fait qu’aux

immeubles d’habitations. Ensuite, l’art. 4 précise l’ensemble des

restrictions : achat, usufruit, droit de superficie et diverses autres

opérations assimilées à une vente. L’art. 5, logiquement, précise

ensuite qui est considéré comme étranger. L’art. 9 al. 2-3

précise que les cantons peuvent disposer que l’autorisation peut

être accordée dans certains cas (logements ou appartements de

vacances). Ce type d’achat est contingenté pour chaque canton.

L’art. 14 LFAIE fixe la procédure d’autorisation en matière

d’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger. Enfin,

les art. 25 ss LFAIE prévoit des sanctions très sévères. En cas

d’abus, l’autorisation est révoquée d’office. De même, la loi, de

nature administrative, régit les sanctions civiles : le contrat

d’achet est déclaré nul et une action en cessation de l’état illicite

est intentée afin de rétablir l’état antérieur licite.

o La Lex Weber (p. 133-144 polycopié) est constituée de l’art. 75b

de la Constitution. L’ordonnance va rester en vigueur jusqu’à ce

que le parlement la remplace par une loi. L’art. 2 définit le

concept de résidences secondaires. Ensuite, l’art. 3 précise que

si le 11 mars 2012 la résidence a déjà été achetée, il n’y aura

aucun changement (la personne pourra sans problème la

transformer en résidence secondaire). L’ordonnance vise donc

la création de nouvelle zone constitutionnelle. L’art. 4 est le

cœur du système et précise le sort des nouvelles constructions.

Suite à l’adoption de la loi, des milliers de gens ont demandé

une autorisation de construire (sans besoin), contre lesquelles

des associations ont massivement recouru. Il existe un

deuxième problème : le champ d’application de l’ordonnance

IUR III 2012-2013 65

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pour les autorisations accordées après le 11 mars mais avant le

1er janvier 2013. Selon Weber et Helvetia Nostra, toutes ces

autorisations devraient être nulles. Naturellement, en face, les

principaux intéressés jugent que le Conseil fédéral avait la

compétence pour retarder l’entrée en vigueur de la loi, déclarant

donc les autorisations valables. Naturellement, si l’on admet la

validité des ces autorisations, on se posera la question de la

durée de validité des autorisations (en principe de 2 ans). Il y

aura donc certainement des demandes de prolongation

d’autorisation et des tentatives de construction déguisées

(premiers travaux de déblaiement, actes de volonté de

construction, bétonnage ou autres). On se demandera dès lors

quand un terrain peut être considéré comme construit et

pendant combien de temps les travaux peuvent être maintenus.

La commune peut exiger que la construction soit terminée dans

un certain délai. Enfin, un problème concerne les communes

ayant adopté, déjà avant la Lex Weber, un règlement communal

visant à limiter (contingenter) les résidences secondaires. Ainsi,

des conflits de fédéralisme vont éclater entre l’ordonnance (et la

future loi) fédérale et les éventuels règlements communaux,

prévoyant déjà des restrictions de construction.

o La révision de la LAT : comme pour la Lex Weber, la révision de

la LAT va causer de nombreux problèmes juridiques. Ainsi,

l’art. 15 al. 2 prévoit le dézonage des zones trop importantes.

Naturellement, se pose alors la question des indemnisations qui,

si le régime actuel est maintenu, seront extrêmement rares. En

effet, les indemnités ne sont pas octroyées en cas de dézonage

d’une zone à bâtir qui a été créée de manière illicite. Or, le

zonage massif est illicite. De plus, l’art. 5 LAT précise que la

mise en zone demande une participation à la plus-value. Cette

disposition, plus facile à mettre en œuvre, entraînera tout de

même de très nombreux recours. La question du prix des loyers

est difficile à trancher pour l’instant : l’avenir nous le dira.

IUR III 2012-2013 66

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- Par rapport à l’égalité de traitement : il faut décider comment s’articule

la relation entre droits constitutionnels. La jurisprudence a longtemps

hésité, jusqu’à un arrêt 121 I 129 (p. 1 ss, 6 en particulier).

- Par rapport à la liberté personnelle : les activités économiques ont

presque inévitablement un élément physique. Dès lors, la question de

l’organisation entre les deux libertés s’est posée. Dans plusieurs arrêts,

le TF a affirmé que la liberté économique n’englobe pas le droit de

pratiquer des professions nécessitant des capacités physiques ou

intellectuelles. Concrètement, les professions soumises à examen

(avocat et notaire particulièrement) ne peuvent être exercées si cela

n’est pas possible. Ainsi, une personne tout à fait intelligente ne pourra

obtenir une dispense d’examen (du barreau notamment) sous prétexte

qu’elle ne supporte pas le stress. Il en va de même par une personne.

Il n’y a donc pas de droit d’invoquer la liberté économique pour justifier

la pratique d’une profession diverse (guide de montagne handicapé).

- Par rapport à la LMI (loi sur le marché intérieur) : la loi s’adresse

principalement aux cantons. Le principe général de la LMI se base sur

le Cassis de Dijon (reconnaissance mutuelle) : le produit ou le service

qui remplit les conditions d’un canton peut être vendu ou proposé dans

les autres cantons sans nouvelle procédure et aux conditions du

canton d’origine (art. 2 al. 1 et 3 LMI). En plus du principe, un

mécanisme de reconnaissance du droit de tous les cantons est alors

nécessaire (calqué sur le modèle des directives de l’UE) : des

standards minimaux doivent exister pour concrétiser le principe. Il

existe tout de même quelques limites en matière de LMI. Dans l’arrêt

SJ 2000 I 49 (p. 71 polycopié), un guérisseur voulait ouvrir un cabinet

médical à Zurich, prétextant que dans son canton d’origine aucun

diplôme n’est requis. Or, les professions de santé sont strictement

règlementées à Zurich. Le TF a jugé qu’il était impossible d’utiliser la

LMI pour contourner des exigences de base (comme le fait d’avoir un

diplôme). De même, à Neuchâtel, un examen pour restaurateur et

cafetier a été supprimé, causant des risques de distorsion de la

concurrence. La LMI s’applique de manière intracantonale : l’accès au

marché doit être garanti de la même manière sur tout le canton, peu

IUR III 2012-2013 67

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importe que celui-ci soit soumis à plusieurs régimes juridiques. La LMI

ne s’applique par contre pas de manière internationale : un canton ne

peut pas appliquer les conditions d’un autre pays prétextant qu’il s’agit

du lieu d’origine. Le canton de Genève ne peut pas appliquer le droit

taiwanais s’il engage une entreprise taiwanaise pour effectuer des

travaux en Suisse. L’art. 9 LMI prévoit la procédure en matière de

marché intérieur : la LMI peut être invoquée directement (elle est donc

justiciable). Malgré tout, il s’agit d’un domaine de droit cantonal : il est

impossible d’invoquer devant le TF la violation de divers règlements

cantonaux (au sens de l’art. 95 LTF). Par contre, la LMI fait partie du

droit fédéral et peut donc être invoquée devant le TF. Le grief de la

violation du la LMI suffit donc à fonder un recours au TF.

II. Le contenu

La liberté économique protège l’activité économique privée (art. 27 Cst.), par

opposition à l’activité étatique. Toutes les activités sont concernées (sans

toutefois qu’une liste précise ne soit établie), qu’il s’agisse d’une activité

principale ou accessoire, professionnelle ou non. Par contre, le législateur

restreint parfois l’accès à certaines professions : il est ainsi impossible d’être

médecin à titre non professionnel et accessoire. C’est l’activité qui est

déterminant, et non pas le résultat : la faillite n’est donc pas une violation de

ce principe. La liberté économique garantit le libre choix aux professions. La

jurisprudence est très prolixe sur la question des examens. Il faut bien

distinguer le certificat de capacité (examen attestant des connaissances) de

la patente (autorisation soumise à conditions). Ensuite, la liberté économique

garantit également la libre organisation de l’activité économique : une

personne est libre de fonder une SA, une SàRL, de travailler les jours qui

conviennent ou autres. Là encore, les lois spéciales prévoient un certain

nombre de restrictions : il est ainsi impossible d’ouvrir une étude d’avocat

dans un local trop ouvert (local commercial avec vitrine). De même, la

jurisprudence a totalement reconnu que la publicité faisait partie des

instruments nécessaires à l’activité. De ce fait, la publicité est garantie.

IUR III 2012-2013 68

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La liberté économique peut être utilisée lorsque l’activité est exercée sur le

domaine public. Il faut tout de même que l’activité exercée soit compatible

avec le domaine public. Il faut d’ailleurs maîtriser les concepts de domaine

public (au sens large, au sens étroit). De même, il faut distinguer les trois

types d’utilisation du domaine public au sens étroit (commun, accru ou

exclusif). Il faut ensuite connaître les régimes applicables à chaque degré

d’utilisation : l’usage commun n’est soumis à aucun régime, l’usage accru

demande une autorisation et le paiement d’une redevance (taxe) et l’usage

exclusif exige une concession. Il faut donc se munir de la loi fribourgeoise sur

le domaine public afin de connaître ces distinctions.

14. Cours du 14 mars 2013

III. Les titulaires

Les personnes physiques et morales sont titulaires de la liberté économique.

Les étrangers, en soi, bénéficient de la liberté économique car elle n’est pas

rattachée à la nationalité (art. 95 al. 2 Cst.). Toutefois, dans certaines

jurisprudences très critiquées (et en évolution), le TF a considéré que

certaines professions pouvaient être interdites aux étrangers qui ne sont pas

au bénéfice d’un permis d’établissement (permis C). De même, certaines lois

spéciales règlent la question des professions. Ainsi, la LLCA (loi sur la libre

circulation des avocats), seule loi fédérale concernant les avocats, établit trois

types d’avocats : les avocats suisses, européens ou étrangers. Des règles de

reconnaissance sont ensuite prévues pour chacun des trois groupes. En

Suisse, la libre circulation des personnes et la reconnaissance nécessaire des

diplômes est assurée avec l’UE. Dès lors, la jurisprudence n’a plus de prise

sur ce domaine du droit. Les personnes liées à l’État (personnes physiques

en rapport juridique spécial avec l’État : fonctionnaires, armée et prisonniers)

ne bénéficient pas de la liberté économique pour leur activité étatique. On se

demande donc si l’État doit accepter l’activité économique de ses sujets en

dehors de leurs obligations étatique. Cela est en principe possible mais avec

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un certain contrôle : l’activité exercée conjointement doit être compatible avec

les responsabilités étatiques.

IV. Les restrictions

La liberté économique n’est pas un bien juridique absolu (comme le serait

l’intégrité physique ou la propriété) : elle peut donc être restreinte. Dans ce

cours, nous allons reprendre les catégories du TF. Il existe ainsi trois

catégories de restrictions : les mesures de police, les mesures de politique

sociale et les mesures de politique économique (Griessen, ATF 97 I 499).

Traditionnellement, on ne distinguait que les restrictions de police et de

politique économique : l’arrêt Griessen a intégré une nouvelle catégorie de

restrictions : les mesures de politique sociale (ou de police sociale). Les biens

de police constituent le noyau dur de l’intérêt public. Les mesures de politique

sociale concerne les éléments nécessaire au bien-être de la population et

garantissent l’amélioration du niveau de vie (éléments non fondamentaux

mais apportant certains bénéfices). Les mesures de politiques économiques,

quant à elle, perturbent l’équilibre concurrentiel du marché, sans toutefois

protéger un bien de police. Le rôle des juristes est de savoir jongler entre les

différentes conditions applicables à chacune des trois catégories : en effet, les

conditions d’une mesure de politique économique sont plus strictes.

Actuellement, la ville de Genève met en concours (appel d’offre) le marché du

nettoyage des bâtiments publics de la ville. S’agissant d’une ville socialiste,

Genève souhaite favoriser les entreprises qui payent mieux leurs employés.

Naturellement, l’association des entreprises de nettoyage lutte contre cette

mesure en prétendant qu’il s’agit d’une mesure de politique économique

tandis que la ville considère qu’il s’agit uniquement d’une mesure de police.

A côté des trois types de restriction, il convient de parler des monopoles :

dans ces cas, c’est l’État qui est propriétaire et qui peut décider d’exécuter lui-

même la compétence ou de rétrocéder la compétence. De même, il ne faut

pas confondre les restrictions avec les mesures de promotion économique :

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ces dernières ne sont pas des atteintes à la liberté économique mais des

aides destinées à favoriser certains secteurs.

Reprenons à présent les différentes restrictions, en commençant par les

mesures de police. La base constitutionnelle des mesures de police est l’art.

95 al. 1 Cst. (la question des compétences est laissée de côté). Pour qu’une

mesure de police en matière économique soit considérée comme valable,

trois conditions doivent être remplies (art. 36 Cst. : restrictions des DF) :

- Légalité : il faut une loi, peu importe laquelle : loi fédérale, loi cantonale

ou loi communal (règlement). La nature de la loi requise dépend de

l’intensité de l’atteinte : l’art. 36 al. 1 précise que les restrictions graves

doivent être prévues par une loi au sens formel (la loi doit avoir été

adoptée selon une procédure précise par un organe au sens législatif,

que ce soit le parlement fédéral, le grand conseil ou le conseil général,

voire l’assemblée communale, ou un organe exécutif ayant reçu des

compétences législatives). En matière de liberté économique, le fait de

soumettre certaines activités à un régime d’autorisation est une atteinte

grave : en effet, l’autorisation est un moyen de lever une interdiction

générale (interdiction qui est évidemment une restriction grave). Il en

va de même pour les obligations d’affiliation : dans un certain nombre

de cas, le législateur a prévu qu’il fallait être membre d’une certaine

association pour pratiquer un quelconque métier.

- Intérêt public : l’intérêt public est extrêmement évolutif : ce qui peut être

admis aujourd’hui ne l’était pas jadis (et inversement). Il faut donc être

prudent avec l’intérêt public, qui est très volatile et dépend des

considérations socio-culturelles du moment (évolution rapide).

- Proportionnalité : une mesure doit être apte, nécessaire et exigible

(seule et meilleure mesure, pesée des intérêts). La condition de

l’aptitude ne doit pas être discutée : un régime d’interdiction est

parfaitement apte à protéger un bien. C’est ainsi sur les conditions de

nécessité et de proportionnalité au sens étroit qu’il faut discuter.

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- Inviolabilité de l’essence des droits fondamentaux : en matière de

liberté économique, cet alinéa n’a pratiquement aucune portée. Il

faudrait trouver des situations dans lesquelles l’atteinte est telle qu’elle

supprime toute liberté économique. On pourrait envisager un contrôle

total des prix (autorisation de mise sur le marché) ou une obligation

faite aux étudiants de travailler au moins 60 heures par semaine.

Concernant les mesures de politique sociale, nous nous trouvons dans la

même catégorie que les mesures de police. Le contenu est donc toujours le

même, à savoir le bien-être de la population. La distinction entre les mesures

de police à caractère social et les mesures de politique sociale est très mince.

Le TF a créé ces mesures pour disposer d’une mesure à mi-chemin entre les

mesures de police et les mesures de politique économique : il s’agit de

mesures n’ayant pas pour but de protéger un bien de police mais n’entraînant

pas non plus une restriction économique : on peut donc dire que ce sont des

mesures ayant pour but de protéger un bien social.

Enfin, les mesures de politique économique sont très rarement admises. Ces

mesures exigent une base constitutionnelle fédérale : une telle base peut être

générique (art. 100 et 103 Cst. : soutenir l’horlogerie, protéger les producteurs

de lait et autres) ou conjoncturelle (parce que la situation économique est

mauvaise, rendant une mesure nécessaire). En pratique, des institutions

traditionnelles de la politique économique existent. Ainsi, s’il existe un régime

total d’interdiction, sans autorisation possible, il se peut qu’il y ait mesure de

politique économique. Il en va de même pour les contingentements (limitation

quantitative) ou les clauses du besoin (limitations des cabinets médicaux).

Pour finir, précisons que les mesures de promotion économique ne sont pas

soumises à l’art. 36 Cst. : s’agissant souvent d’octroyer des subventions, une

base légale est nécessaire (il faut interpréter la loi pour déterminer si elle

octroie ou non un droit à une subvention). Le problème principal est en lien

avec l’égalité de traitement. Ainsi, la LIM (aide investissement en régions de

montagnes) a créé des régions LIM ne respectant pas forcément les barrières

cantonales : le Chablais valaisan et vaudois a été réuni en une seule région

bénéficiant des crédits LIM.

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15. Cours du 21 mars 2013

§11. Le monopole et la concession

I. Le monopole

Pour qu’il y ait concession, il faut un monopole : l’un ne va pas sans l’autre.

Nous parlons ici de monopole étatique (au contraire du monopole privé :

situation d’une entreprise qui, grâce à ses produits, s’est placé dans une

situation très favorable : il s’agit de l’accaparation finale d’un marché). Au

contraire, le monopole public désigne la situation dans laquelle un agent

économique exerce une activité lucrative sans concurrence. Il devient

étatique lorsque l’ordre juridique en précise le statut, soit directement (réserve

directe d’une activité à l’État : ramonage par exemple) soit indirectement

(l’État a la compétence de désigner qui est compétent pour une activité

donnée : la loi ne précise pas que l’État a le monopole mais celui-ci est tout

de même nécessaire pour la bonne marché du système. Un monopole ne

peut concerner qu’une activité susceptible d’être exercée par un privé. L’État

n’a donc pas un monopole en matière fiscale étant donné qu’il est le seul à

pouvoir percevoir l’impôt. En outre, le monopole a pour effet de soustraire

l’activité monopolisée à la liberté économique. Il existe deux monopoles :

- Le monopole de droit : une règle de droit constitutionnelle ou légale

réserve à l’État le droit d’exercer une activité donnée. Le fondement de

ce monopole est donc la loi : base légale expresse.

- Le monopole de fait : une règle de droit constitutionnelle ou légale

réserve à l’État l’utilisation (la maîtrise) d’une chose nécessaire à

l’exercice d’une activité donnée. Le fondement du monopole réside

donc dans la maîtrise générale sur les biens publics et non dans la loi.

L’exemple le plus parlant est le domaine public : l’État est propriétaire

du domaine public. Ainsi, même s’il n’existe aucune loi instaurant un

monopole sur l’épuration des eaux, l’État est propriétaire du domaine

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public : dès lors, la pose de tuyau et donc l’épuration des eaux est

monopolisées par l’État (monopole de fait).

L’admissibilité des monopoles en général pose problème pour les monopoles

de droit : personne n’a encore remis en question le monopole de l’État sur le

domaine public (principalement à cause des désavantages liés à la propriété

de ce domaine : entretien, catastrophe et autres). Cela pourrait changer si

des technologies (fibre optique) se développaient et nécessitaient l’utilisation

(et donc la propriété, au moins en partie) du domaine public. Par contre, les

monopoles de droit sont soumis à trois conditions générales :

- Base légale : en cas de monopole conforme à la Constitution, une loi

au sens formel suffit (monopole de police ou de politique sociale :

monopole fédéral sur les maisons de jeu par exemple, art. 106 Cst.).

La loi doit prévoir les éléments essentiels du monopole : le principe et

les conditions d’exploitation. Tout le reste peut être délégué. Par

contre, le monopole non conforme (de politique économique ou fiscal,

ayant pour objectif d’enrichir l’État) exige une base constitutionnelle

expresse. Cela est logique car il y a intervention dans la liberté

économique pour un objectif purement économique. On peut ainsi

citer, au niveau fédéral, la production de la monnaie (art. 99 Cst.). Au

niveau cantonal, on parle de régals (art. 94 al. 4), devant être prévus

par la Cst. ou basés sur le droit régalien (sels, chasse et pêche).

- Intérêt public : un monopole n’est admissible que s’il poursuit un but

d’intérêt public, que ce soit un intérêt de police (protéger un bien

juridique) ou de politique sociale (améliorer le bien-être des citoyens).

L’ATF 128 Plakanda présent dans le polycopié traite de ce problème.

- Proportionnalité : un monopole n’est admissible que s’il est nécessaire.

La privatisation est un élément conjoncturel lié au monopole. La notion

englobe tous les stades d’abandon, plus ou moins prononcé, de la puissance

publique : il s’agit donc de tous les transferts de compétences aux domaines

du privé. La privation est liée au monopole car elle crée des liens (des formes

de partenariat) entre l’État et le privé. En effet, la décentralisation est déjà une

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forme primaire de privatisation (tableau 22). A l’autre extrême, le tableau 23

présente les stades plus poussés de la privatisation.

16. Cours du 11 avril 2013

II. La concession

Une concession est un acte juridique par lequel une collectivité publique

(concédante) attribue à un tiers (appelé concessionnaire) le droit d’exercer

une certaine activité lucrative que l’ordre juridique place directement ou

indirectement sous situation de monopole. On distingue les concessions de

monopole au sens strict (droit d’exercer une activité monopolisée) des

concessions domaniales (concession du domaine public : usage exclusif). La

nature juridique de la concession est discutée : une concession est un acte

mixte (compromis : clauses unilatérales et bilatérales). Il y a donc mélange

entre décision (unilatérale) et contrat (bilatéral, contractuel). Le caractère

unilatéral dépend du contenu et non des parties : il est évident que deux

personnes sont nécessaires. Les litiges en matière de concession porte en

principe sur le contenu de la concession : en effet, une concession est un

acte de durée (seuil critique des 100 ans, voire 80 ans, art. 58 LFH). Durant

ces années, de nombreux problèmes surviennent (litiges). Dans ces cas,

chaque clause litigieuse doit être examinée (qualification diverse : un procès

peut concerner les deux types de clauses). La qualification est importante car

l’enjeu juridique varie : les clauses unilatérales (décisionnel) peuvent être

modifiées unilatéralement en cours de concession par l’autorité selon le

processus de la révocation ; au contraire, les clauses bilatérales (contractuel)

ne peuvent évidemment être révoquées de manière unilatérale car il s’agit de

clauses négociées (accord sur les manifestations de volonté : l’État devient

une entité privée ; contraire au principe de la confiance, applicable même en

matière de contrat de droit administratif). Dès lors, la modification de ces

clauses nécessite l’accord du concessionnaire (ce qui est très rare). Dès lors,

soit il s’agit d’un cas de BF (clausula rebus sic stantibus) pour obtenir la

révision du contrat (exemple de la collectivité qui accepte d’approvisionner

IUR III 2012-2013 75

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gratuitement cinq chalets en électricité et demande la révision du contrat

lorsque l’endroit est devenu une station de ski). Précisons que les clauses

bilatérales décidées dans le cadre d’un contrat de concession fondent des

droits acquis (droits particulièrement protégés : principes des droits acquis

des clauses bilatérales : le concessionnaire est protégé). A côté des deux

types de clauses présentées, il existe des clauses connexes : il s’agit de

clauses décidées à l’occasion de la concession mais sans rapport direct avec

celle-ci (CFF recevant le droit d’exploiter une force hydraulique de la part

d’une commune et acceptant au passage d’accorder à la commune un crédit

que la banque lui aurait refusé : les CFF obtiennent un prêt à intérêts élevés

et la comme obtient de l’argent à un intérêt plus bas que l’intérêt bancaire).

En cas de litige sur ce type de clauses, la compétence du juge pose problème

(compétence du juge civil : clauses de droit privé en principe).

Pour le reste, les concessions dépendent, dans tous les cantons, de l’action

de droit administratif au sens de l’art. 120 CPJA. Les clauses typiquement

bilatérales concernent notamment la durée d’exploitation (art. 58 LFH). Au

contraire, les clauses unilatérales concernent les débits résiduels par exemple

(en matière de concessions hydraulique : niveau d’eau minimal en cas de

pompage afin de permettre la survie et la reproduction des poissons vivant en

milieu aquatique, sans parler des nombreux batraciens et de l’ensemble des

animaux intégrés à la chaîne alimentaire en question). On peut également

citer les conditions du service fait aux usagers (conditions de transport des

personnes pour les TPF par exemple : ponctualité, horaires prévus et autres).

Il s’agit à présent de parler des rapports entre les tiers, le concédant et le

concessionnaire. Pour les rapports entre le concédant et le concessionnaire,

premièrement, l’État choisit en principe librement de fixer un concessionnaire

(ainsi, certaines communs décident de gérer elles-mêmes leur système de

taxis ou de bus). Dès lors, les concessionnaires n’ont aucun droit subjectif à

obtenir la concession (pas de question de liberté économique, droit sans

contenu positif de la part de l’État). Tout de même, l’État reste soumis aux

principes constitutionnels d’égalité de traitement, d’intérêt public et

d’interdiction de l’arbitraire. Dans certains cas, la législation spéciale précise

les conditions d’octroi : l’État peut être obligé de choisir le meilleur

IUR III 2012-2013 76

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concessionnaire (identifier l’intérêt public, art. 41 LFH). En cas de compétition,

la préférence est donnée à l’entreprise qui sert le mieux l’intérêt public. La

question de l’application de la procédure des marchés publics au domaine

des concessions est discutée : l’art. 62 al. 2bis LFH précise que tel n’est pas le

cas, au contraire de l’art. 2 al. 7 LMI, qui prévoit que la procédure des

marchés publics doit être appliquée. Concernant les droits et devoirs :

- Les droits et obligations du concessionnaire :

o Le concessionnaire a le droit d’exercer la faculté concédée, de

réaliser un éventuel profit (concession n’est pas un acte de

bienfaisance), droit d’accomplir des actes de puissance publique

(le concessionnaire reçoit des parcelles de puissance, dont celle

d’exproprier : art. 3 LEx : expropriant-concessionnaire).

o Le concessionnaire a l’obligation d’exercer la faculté concédée

(importateur de pétrole en Suisse qui demande les concessions

électriques pour forcer les gens à consommer du mazout),

l’obligation de payer la redevance (litiges énormes), l’obligation

d’accepter la surveillance par le concédant (exercice libre d’une

activité économique, mais sous contrôle).

Les rapports entre les concessionnaires et les tiers, deuxièmement, sont des

rapports de droit public et privé. Fondamentalement, il s’agit d’un rapport de

droit privé (contrat de transport soumis au CO par exemple). Parfois, lorsque

le concessionnaire fait usage de sa puissance publique, le rapport devient un

rapport de droit public (exercice de la police sur le domaine de la concession).

Les rapports entre le concessionnaire et ses employés sont régis par le droit

des obligations. Enfin, troisièmement, les rapports entre les concédants et les

tiers sont inexistants : les tiers n’ont aucun droit envers l’État. Il n’y a aucune

relation entre le concédant et les tiers. La seule chose possible est la plainte :

il est possible de se plaindre auprès de l’État (art. 89 CPJA).

La fin du paragraphe sur la concession (et le monopole) concerne l’extinction

de la concession. Il existe premièrement les causes ordinaires : il peut s’agir

de l’échéance (arrivée à terme, à expiration), du transfert de la concession à

un tiers et le rachat (le concédant peut racheter l’acte en cours de concession

IUR III 2012-2013 77

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et il est alors nécessaire d’indemniser le concessionnaire : ce droit de mettre

fin à la concession donne souvent lieu à des renonciations onéreuses). On se

limitera à ne citer qu’une seule et unique cause extraordinaire : le retrait. Si le

concessionnaire viole son obligation (d’exercer la faculté notamment). Il ne

faut pas confondre le retrait et la révocation : dans le second cas, le

concédant veut reprendre un droit (mais doit indemniser).

§12. Les redevances

La terminologie est très fluctuante selon la langue : la solution la plus

standard est de dire que le mot redevance qualifie l’ensemble des obligations

financières des citoyens envers l’État. En dessous de ces redevances, il

existe des taxes et des contributions, ce qui est fondamentalement différent.

Le mot contribution peut ensuite être utilisé dans tous les domaines. Selon le

tableau 27, on distingue notamment les contributions causales et les

contributions non causales (non justifiées par une contre-prestation

quelconque : les impôts sont des contributions non causales car elles

proviennent de la loi). Les impôts sont versés dans un compte général et

redistribués ensuite en fonction du budget (redevances auxquelles

s’appliquent des règles de droit public : principe de la légalité, très important,

principe de l’égalité de traitement). Les redevances causales, par contre, sont

motivées par une cause spécifique déterminée. Les impôts mixtes mélangent

des redevances causales et non causales. Il existe également des impôts

spéciaux (ou d’affectation) : ces impôts ne sont pas payés par tout le monde

(contrairement ou impôts généraux) mais uniquement par ceux qui exercent

l’activité imposée ou qui possède le type de biens imposé. (SJ 2004 p. 247 et

également ATF 135 I 30 p. 44 ss dans le polycopié de droit administratif).

17. Cours du 18 avril 2013

Les taxes de séjour peuvent être admises à trois conditions : elles doivent

être modiques, essentiellement affectées aux frais des installations et enfin

IUR III 2012-2013 78

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concrètement consacrées à l’objectif. Les deux catégories principales sont les

taxes et les contributions (toutes deux des redevances causales). La taxe est

en fait un honoraire, versé en contrepartie d’une prestation de l’État (mise à

disposition du matériel nécessaire à l’Université). La taxe correspond tout à

fait à l’émolument : il s’agit du même concept. Dans le tableau, les catégories

de taxe sont uniquement des exemples pratiques, et non des véritables taxes

de natures différentes. Une contribution est une redevance causale qui doit

être payée à titre de participation à un investissement de la collectivité

publique qui profite à un petit nombre de citoyen. L’objectif n’est plus de

rémunérer le service communal mais de rétablir l’équilibre entre ceux qui

profitent et ceux qui ne profitent pas. Concrètement, si on construit un

nouveau collecteur d’égouts (gestion des eaux usées dans un quartier), il ne

sera pas logique de faire payer l’ensemble des habitants par le biais des

impôts. Dès lors, il y a charge de préférence (égal à la notion de contribution)

sur certains citoyens qui bénéficient d’un traitement favorable. Très souvent,

contributions et taxes (charges de préférence et émoluments) sont combinées

dans les situations concrètes. Il existe à côté de ces deux gros concepts des

autres redevances causales (orientation : taxes destinées à pousser le

citoyen à avoir certains comportements ou remplacement : taxe pompier ou

taxe du service militaire). Toutes ces qualifications sont utiles pour parler des

conditions de validité : voyons les conditions des redevances :

- Base légale : le principe de la légalité est appliqué de manière diverse.

Dans le domaine des redevances, on effectue des distinctions entre les

types de taxes : si la taxe est dépendante (taxe portant sur un service

qui coûte à la collectivité : ramassage des ordures), on estime que les

principes de proportionnalité sont un bon protecteur contre tout espèce

d’arbitraire et que la légalité n’a dès lors pratiquement aucune

importance (il s’agit donc d’un cas de légalité allégée : la densité

normative de la base légale exigée est plus faible). Au contraire, si la

taxe est indépendance (taxe portant sur un service non coûteux), on

applique les exigences ordinaires de la base légale. Pour ce qui est

des actes d’administration, l’exigence de base légale est encore plus

souple : si la base légale n’est plus adaptée aux circonstances, cela ne

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cause pas de problème (souplesse du critère). En pratique, les litiges

concernent plutôt la proportionnalité ou le principe de causalité.

- Proportionnalité (ayant remplacée l’intérêt public) : la proportionnalité

prend le nom de couverture des frais et d’équivalence. Le principe de

couverture des frais veut que la somme de tous les montants prélevés

aux citoyens ne doit pas outrepasser l’ensemble des coûts que

génèrent le service administratif. Naturellement, les montants prélevés

et plus encore les coûts du service sont extrêmement difficiles à fixer

(coûts fixes, coûts variables et autres dépenses). L’arrêt p. 54 ss traite

d’un litige à propos de taxes de photocopies. Il serait possible de

contester les émoluments des sacs poubelles en tentant de démontrer

que la collectivité publique dépense moins que ce qu’elle ne reçoit. Le

principe d’équivalence veut que le montant de la taxe doit être calculé

en proportion avec l’avantage obtenu. Naturellement, il est impossible

de demander à l’autorité de prouver la réalisation de cette condition

dans tous les cas. Dès lors, le TF admet le raisonnement schématique,

consistant à se référer à des valeurs abstraites (taxes m2 : plus le

terrain est grand, plus les taxes seront élevés, par exemple).

- Egalité de traitement : il faut ensuite vérifier que le résultat obtenu n’est

pas contraire à la Constitution. Imaginons une commune vaudoise sur

laquelle un industriel anglais installe une énorme usine. Chaque année

il reçoit une facture énorme pour chaque taxe (m2). L’application des

critères de proportionnalité ne pose pas de problème, mais il est

évident que la différence est ici colossale, justifiant l’existence d’une

inégalité de traitement. Dès lors, pour plaider l’arbitraire, on fonctionne

grâce aux concepts de la disproportion et de l’inégalité de traitement.

- Interdiction de l’arbitraire : l’arbitraire est évidemment lié aux thèmes

d‘égalité de traitement de proportionnalité : une décision ne respectant

pas la proportionnalité peut violer l’égalité de traitement et peut dès

lors être arbitraire (cascade de l’application des critères / conditions).

- Principe de causalité : consacré avec l’invention de la LPE, ce principe

veut que les redevances doivent se fonder sur des critères concrets. Il

est impossible de créer une redevance sur la base unique de principes

abstraits. Beaucoup de jurisprudences consacrent ce principe : les

IUR III 2012-2013 80

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communes ont d’ailleurs introduit des taxes mixtes (taxes qui sont

fondées d’une part sur des critères d’équivalence abstraits et d’autre

part sur le principe de causalité : tout le monde paye un montant de

base et les catégories de personnes concernées payent en plus).

Pour terminer, il convient d’utiliser un cas concret pour distinguer la taxe de la

contribution. Une maison est située au bord d’un sentier, en sortie de village.

Lors de sa construction, il est nécessaire de payer une taxe de raccordement.

Ensuite, une taxe d’épuration est prélevée chaque année (régulièrement),

calculée en fonction des litres d’eau consommés (à l’entrée). Ces deux taxes

sont justifiés par un service (couverture des frais, équivalence). L’arrêt qui

traite des vignerons encaveurs (p. 58 ss) traite de cette question.

18. Cours du 25 avril 2013

§13. Les marchés publics

I. Notion

Imaginons que l’Université de Fribourg voudrait construire un nouveau

bâtiment (maître d’ouvrage). L’État passe donc des commandes puisqu’il a

besoin de trois éléments : des services (mandataires : géomètres, architectes

et autres experts), des travaux (construction) et des fournitures (vendeurs de

chaises, de tables et autres aménagements). L’Université de Fribourg est le

maître d’ouvrage (État), aussi appelé adjudicateur en matière de marchés

publics (autorité d’adjudication). On distingue deux types d’adjudicateurs :

- Les adjudicateurs privés : il s’agit des entités qui commandent sur la

base du CO et qui ne sont donc pas soumises au droit public. La SIA

118 (norme) contient même des dispositions sur l’adjudication.

- Les adjudicateurs publics : on entre alors dans le domaine des

marchés publics : lorsque l’État commande certaines choses, il doit

respecter des principes fondamentaux (art. 1 LMP). Il s’agit alors de

garantir les trois principes de transparence, d’égalité de traitement et la

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bonne utilisation de l’argent public. Naturellement, ces principes n’ont

aucun poids en matière privée : une personne morale de droit privé

peut choisir de dépenser l’argent comme bon lui semble.

Une procédure de marché public est différente d’un contrat de droit public : la

procédure de marché public a pour but d’aboutir à une manifestation de

volonté unilatérale et contraignante de la part de l’adjudicateur : l’adjudication

(il s’agit alors décision administrative contre laquelle il est donc possible de

recourir, art. 29 LMP). Les voies de recours sont les voies ordinaires selon la

notion de décision de l’art. 4 CPJA. Dès l’instant où la décision n’est plus

contestée, on passe à la seconde phase (litige privé devant le tribunal civil)

liée à la conclusion du contrat (selon le droit des obligations). Il ne faut pas

dire que l’adjudication vaut conclusion du contrat : le droit public ne prend pas

en compte les notions privées d’appel d’offres, d’offre et d’acceptation. Pour

le droit public, la conclusion du contrat intervient lorsque les deux parties se

mettent ensemble afin de signer le contrat : sans cette étape de signature, il

n’y a aucun contrat : le fait d’adjudiquer ne revient pas à conclure.

Dans un cas, il y a donc un adjudicateur et une série de soumissionnaires

(soumission d’offres). Tous ces soumissionnaires participent à une mise en

soumission (aussi appelé appel d’offres). Un seul d’entre eux sera choisi par

l’adjudicateur : l’adjudicataire (offre retenue). Le contrat, en Suisse, est un

contrat de droit privé : la nature de collectivité publique du maître d’ouvrage

n’a donc aucune importance (c’est le contenu qui compte, selon qu’il y a ou

non accomplissement d’une tâche publique). Cela met en évidence la théorie

de la dissociation (la nature des contrats en Suisse dépend de leur contenu,

selon qu’ils visent ou non l’exécution d’une tâche publique), qui n’est pas du

tout appliquée en France : tous les contrats liant l’État sont des contrats de

droit public (les litiges sont donc tranchés par les tribunaux administratifs).

II. Législations

Le tableau 28 met en évidence la législation applicable aux marchés publics.

Très vite dans l’UE, des textes (directives) ont été consacrés spécifiquement

IUR III 2012-2013 82

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aux marchés publics. Ces directives sont issues du droit français, droit qui

connaît depuis longtemps les marchés publics (droit largement public). Des

années plus tard, l’OMC s’est fortement inspiré du droit européen. Aujourd’hui

la Suisse applique également ce règlement de l’OMC et donc, d’une manière

indirecte, une construction d’origine française.

Concrètement, la Suisse a ratifié l’accord de l’OMC sur les marchés publics

(1996). Cet accord (AMP) fixe des principes que les États membres doivent

respecter. En plus de cela, la Suisse a signé un accord bilatéral sectoriel avec

l’UE pour resserrer les liens UE-CH (accord dont l’étude est, pour l’instant,

inutile : cet accord ne fait qu’étendre le champ d’application de l’accord de

l’OMC, aux marchés des communes notamment : les grandes communes

voulaient être ouvertes aux entreprises européennes ou aux entreprises liées

à certains secteurs). L’effet de la Convention AELE est encore plus minime : il

s’agit d’une extension aux pays membres de l’AELE qui ne sont pas membres

de l’UE. L’effet de l’accord de l’OMC a été transposé en Suisse.

Il faut préciser que le droit en matière de marchés publics s’applique de

manière différente : il n’y a pas d’application par strates (fédéral – cantonal –

communal). Le droit applicable dépend du niveau du marché adjugé : s’il y a

adjudication d’un marché fédéral, c’est le droit fédéral qui s’applique. Cela est

logique : la commande est un acte de gestion de la part d’un État. Or, un État

ne peut déléguer la gestion de son patrimoine et de son domaine public à un

autre État (État : Confédération, cantons et communes). Il y a donc 27 droits

des marchés publics différents (ce qui pose des problèmes de coordination).

Dans les marchés fédéraux, une loi principale s’applique : la LMP, complétée

par son texte d’application : l’OMP (ordonnance). Les art. 32 ss OMP traitent

des autres marchés (terme officiel) : il s’agit de marchés d’importance minime,

trop petits pour être concernés par l’OMC (qui ne concerne que les grands

marchés : au-dessus des seuils, des obligations internationales existent, afin

de garantir aux entreprises internationales de prendre part aux appels d’offre).

Tout de même, des règles existent pour ces types de petits marchés, fixées

dans une Ordonnance (aucune raison pour que le parlement intervienne) : le

Conseil fédéral est le seul organe compétent pour fixer la gestion du territoire.

IUR III 2012-2013 83

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Ainsi, pour les marchés fédéraux, on distingue les marchés de niveau OMC

(importance certaine : règles de droit international imposant des obligations

d’ouverture internationale) et les autres marchés (importance minime : règles

édictées par le Conseil fédéral pour garantir le respect des grands principes).

En matière de marchés cantonaux, les règles sont plus ou moins les mêmes,

à l’exception des voies de recours. Précisons qu’il n’existe presque aucune

autonomie communale en matière de marchés publics. Comme en matière

fédérale, il existe une loi sur les marchés publics, complétée ensuite par un

acte d’exécution de la loi (ordonnance, règlement). En plus, les cantons ont

consenti à faire un effort de coordination et d’unification : un concordat a donc

été adopté (AIMP : accord intercantonal sur les marchés publics) afin de fixer

quelques principes généraux. Lors d’un recours au TF, il faut articuler des

griefs (art. 95 LTF : la violation du droit cantonal n’en fait pas partie). Cela

paraît poser problème en matière de LMP puisqu’il est impossible de plaider

la violation d’une loi cantonal sur les marchés publics. Par contre, l’art. 95 LTF

contient un grief lié au droit intercantonal, dont le concordat fait partie : il est

donc possible de plaider une violation du concordat (qui prévoit notamment

l’interdiction de la négociation : l’État ne peut demander à un soumissionnaire

de consentir à un rabais). Enfin, le tableau contient une référence à la LMI.

L’art. 5 LMI permet de garantir le respect de certains droits à certaines

entreprises discriminées : si un canton n’ouvre pas une voie de recours, il est

parfois possible de faire recours sur la base des art. 5 et 9 LMI.

Le tableau 29 contient le schéma de résolution d’un cas de marchés publics.

La colonne de droite prévoit les étapes légales. La colonne de gauche, par

contre, prévoit des étapes préparatoires : il faut tout d’abord avoir affaire à un

marché. Un marché se caractérise par deux éléments : un échange (l’État doit

avoir vouloir acquérir un élément : l’État doit être acheteur, maître d’ouvrage

ou mandant : la mise à disposition de terrain ne suffit pas) et un paiement (le

marché ne doit pas être confondu avec le mécénat : prestation rémunérée).

Le marché doit également être distingué de la concession : la concession est

un droit exclusif accordé à un concessionnaire lui permettant d’exploiter à ses

risques et profits. Le deuxième point concerne ensuite la loi : il faut s’assurer

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que la loi est en vigueur (changements réguliers de la loi). Ainsi, les services

juridiques ne sont pas affiliés à la loi : si un jour la loi prévoit l’application des

règles des marchés publics aux services juridiques, il faudra déterminer à

partir de quand et dans quelle mesure. Toujours concernant la loi, la troisième

étape s’attache à déterminer quelle est la loi applicable. Imaginons un cas où

tous les cantons se mettent ensemble pour acheter des fournitures. Le droit

applicable pose alors problème : l’AIMP règle la question (art. 8) en tranchant

en fonction de la centrale d’achat (personnalité morale de la centrale) ou de la

prépondérance (achats majoritaires). En principe, c’est toujours le droit du

pouvoir adjudicateur qui s’applique. Enfin, la quatrième étape concerne les

cas d’assujettissement spontané : l’État peut parfois appliquer la loi même si

cela n’est pas obligatoire. Il existe plusieurs procédures de marchés publics

mais l’État peut s’assujettir à une procédure non-obligatoire plus exigeante.

Concernant les conditions légales à présent (colonne de droite), il faut

commencer par se demander qui est le pouvoir adjudicateur, ce qui est très

compliqué. On peut dire qu’il existe trois cercles d’entités différents :

- L’administration centrale : il s’agit de la collectivité publique : dès

qu’elle passe une commande, elle est assujettie au marché (pouvoir).

Ce sont les autorités fédérales, cantonales ou communales.

- Les entreprises publiques qui appartiennent à l’État : il s’agit des CFF,

de la Poste, de l’EPFL (fédéral) : grosses entreprises de niveau public.

- Les entreprises privées qui accomplissent des tâches d’intérêt général

autres qu’industrielles et commerciales (assez rarement admis).

Ensuite, il faut déterminer quel est le type de marché (art. 5 : définition). On

distingue ainsi différents types de marchés : un marché de construction est lié

aux ouvrages alors qu’un marché de fourniture porte sur des objets mobiliers.

La question suivante concerne les exceptions : en cas de marchés

d’importance majeure, ce sont les règles de l’OMPI qui s’appliquent ; la loi

s’applique de manière différente aux établissements pénitentiaires.

Le dernier point concerne l’ampleur et la valeur du marché. L’application de la

LMP dépend de certains seuils chiffrés (art. 6 LMP). Ces principes sont tirés

de l’accord de l’OMC (libellé en DTS : droits de tirage spéciaux de la banque

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mondiale : monnaie mondiale réunissant différentes proportions). Chaque

année, les seuils sont réadaptés (par le Conseil fédéral). L’application de ces

chiffres est assez compliquée. Pour les ouvrages (exemple), le seuil est fixé

8.7 millions de francs. Selon l’art. 5 LMP, l’ouvrage concerne l’ensemble des

travaux visés et nécessaires afin de construire un élément donné. Ensuite,

bien-sûr, la loi sera appliquée de manière indépendante pour tous les

marchés au sens individuel (ouvrages : murs, portes, fenêtres, toiture et

autres). Pour simplifier la procédure d’ouvrage, on a inventé la clause des

minimis (art. 14 OMP) : pour certains petits marchés, la procédure complète

peut être raccourcie. Pour ce faire, il faut que le marché concerné soit

inférieur ou égal à 2 millions. De plus, il faut que la somme complète de tous

les marchés auxquels est appliquée la clause ne dépasse pas 20% de la

valeur totale de l’ouvrage. Dès lors, si un ouvrage pèse 100 millions, il sera

possible d’adjuger sans procédure des marchés pour une valeur maximale de

20 millions (mais au plus 2 millions par marché).

Dans les marchés d’ouvrages cantonaux (les développements ci-dessus

concernent la procédure fédérale), la question de la valeur de l’ouvrage

complet n’a aucune importance : on analyse chaque marché individuel et l’on

applique la même procédure pour chacun (on ne considère donc pas la valeur

globale de l’ouvrage mais uniquement la valeur individuelle de chaque

marché). Ensuite, le système de procédure est également différent : de 0 à

150'000 francs, la procédure est dite de gré à gré (procédure directe ou

procédure négociée, sans exigence particulière), de 150'000 à 250'000

francs, on applique la procédure d’invitation, enfin, dès 250'000 francs, la

procédure est dite ouverte ou sélective. Ainsi, la clause des minimis ne sert à

rien puisque la loi définit la procédure pour tous les niveaux de marchés. Ces

principes concernent uniquement le droit cantonal. Dans le cours suivant,

nous verrons qu’il existe des cas exceptionnels où l’on peut procéder de gré à

gré même si les seuils sont dépassés (art. 13 OMP).

19. Cours du 2 mai 2013

Dans un cas, il faut toujours déterminer qui est adjudicateur : s’il s’agit d’un

adjudicateur fédéral, on applique la LMP. On vérifie les seuils de l’art. 6 : s’ils

IUR III 2012-2013 86

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ne sont pas dépassés, on applique la procédure de l’OMP pour les petits

marchés ou la LMP en cas d’assujettissement spontané ; s’il s’agit d’un

adjudicateur cantonal, on applique les lois cantonales (concordat) : les seuils

cantonaux sont presque les mêmes que les seuils fédéraux : si ceux-ci ne

sont pas dépassés, on applique également le régime des ordonnances

d’exécution cantonales applicables aux petits marchés cantonaux. Dès lors,

les conditions d’application sont plus ou moins les mêmes en matière fédérale

ou cantonale. Malgré tout, les conséquences des seuils sont les types de

procédure. Les seuils définissent la procédure applicable. L’art. 13 OMP

(dans la polycopié à la p. 98) prévoit quelques cas d’exception : l’adjudicateur

peut adjudiquer un marché sans lancer d’appel d’offres dans un certain

nombre de cas. Quatre cas sont particulièrement importants :

- Art. 13 al. 1 lit. a OMP : dans certains cas, aucune offre n’est envoyée

(construction à titre gratuit) : la procédure prend alors fin. Dans ce type

de cas, l’État peut poursuivre la procédure de gré à gré (négociations).

- Art. 13 al. 1 lit. c OMP : en cas d’absence de concurrence (une seule

offre est déposée), il peut y avoir gré à gré. Le critère est fondée sur

l’absence de solution alternative : en pratique naturellement, chacun se

considère comme étant l’unique possibilité (soumissionnaire non-

concurrencé). Il s’agit de cas d’impératifs techniques justifiés par les

circonstances. La deuxième alternative prévue est la clause artistique,

qui permet de choisir une procédure de gré à gré lorsque la prestation

est caractérisée de manière esthétique et artistique. Il s’agit de cas où

l’on a affaire à des prestations matérielles. En principe, il n’y a aucune

raison de limiter l’appel à un artiste en particulier (sauf exception).

- Art. 13 al. 1 lit. d OMP : il s’agit de la clause d’urgence. Celle-ci n’est

applicable que si la situation était imprévisible : si l’appel d’offres est

lancée pour des raisons de mauvaises prévisions, la clause d’urgence

ne peut être appliquée pour adjudiquer de gré à gré.

- Art. 13 al. 1 lit. e OMP : il s’agit des marchés complémentaires. Il arrive

fréquemment qu’il manque certaines prestations pour compléter un

marché déjà existant. Ainsi, si pendant la réalisation d’un tunnel, on

constate qu’il manque encore quelques mètres pour terminer le tunnel,

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il est alors possible d’adjudiquer de gré à gré les mètres restants afin

de simplifier les choses. On pourrait aussi imaginer que la technique

ferroviaire ait changé et nécessite, 12 ans après le début des travaux,

la pose de niches électroniques dans le tunnel. Dans ce cas, ces

prestations complémentaires seront adjugées de gré à gré. Malgré

tout, ces compléments ne peuvent dépasser de plus de 50% la valeur

de l’ensemble du marché adjudiqué à l’origine.

La procédure de gré à gré prévoit l’application de la loi mais sans aucun appel

d’offres : il s’agit d’une procédure informelle : l’État contacte l’entreprise qu’il

choisit et passe le contrat avec cette entreprise (aucune procédure). Cela a

deux conséquences : dans les marchés cantonaux, l’interdiction de négocier

ne s’applique alors pas (art. 11 AIMP) ; de plus, certaines lois ne prévoient

pas de voie de recours (art. 32 ss OMP : autres marchés fédéraux pour

lesquels aucune obligation internationale n’existe) : ainsi, l’art. 39 OMP, qui

traite notamment des marchés de gré à gré au niveau fédéral, exclut la voie

de recours (au niveau cantonal, le recours dépend selon les cantons). Bien

sûr, la jurisprudence a posé la question de l’admissibilité d’une telle procédure

mais le TF l’a estimée valable (autant que selon les critères de l’art. 6 CEDH

ou de l’art. 30 Cst.). L’exclusion des voies de recours ne vaut cependant pas

pour les cas de gré à gré de l’art. 13 OMP (gré à gré exceptionnel).

La procédure de base est la procédure ouverte (par défaut). Elle débute par

une publication de l’appel d’offres (p. 115 : annexe d’indications minimales).

Depuis le 1er juillet 2012, certains cantons ont déclaré que la publication

électronique faisait foi (simap.ch : inscription par e-mail). L’appel d’offres en

tant que tel est une décision administrative pouvant faire l’objet d’un recours

(art. 29 LMP). Les soumissionnaires disposent alors d’un certain nombre de

jours pour déposer leur offre. Il y a souvent visite des lieux (parfois cette visite

est conditionnelle). De plus, des phases de question sont lancées. Ces types

de procédure concernent toujours tous les soumissionnaires (égalité). A la fin

du délai d’offre (40 jours parfois), il faut déposer les offres. Au-delà de ce

délai, une offre doit être refusée : la jurisprudence est extrêmement strict (le

cachet postal ne fait pas foi, les retards sont intolérables). Une fois les offres

déposées débute la procédure d’ouverture des offres : là encore, il s’agit

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d’une étape très réglementée : soit il y a procédure privée avec PV, soit il y a

ouverture publique, devant les candidats. Une fois l’ouverture effectuée, une

phase d’évaluation suit : l’État analyse les dossiers et les évalue sur la base

de critères mentionnés à l’art. 21 LMP : le but est de déterminer l’offre qui est

économiquement la plus favorable. Le prix doit être utilisé comme critère

unique et déterminant en cas de prestations standardisées : il faut que le prix

soit le seul critère qui puisse différencier les choses (de genre). Des tableaux

d’évaluation sont alors utilisés pour noter toutes les offres. L’exigence de

transparence minimale doit concerner les critères retenus pour juger les offres

(ceux-ci doivent être indiqués), l’ordre de priorité (% par critères) mais pas

l’échelle des notes (le pouvoir d’adjudicateur doit donc prévoir une grille pour

évaluer sans toutefois la rendre publique : le pouvoir adjudicateur s’envoie la

grille par envoi recommandé daté). Enfin, la procédure ordinaire prend fin par

la décision d’adjudication : cette prise de décision se fait sur proposition d’une

commission (qui définit un classement). La décision est alors prise par l’État

en lui-même : l’entité compétente est celle qui dispose de la compétence

financière pour s’engager. La décision doit ensuite être notifiée (sur simap,

dans la feuille officielle, personnelle). C’est alors la réception de la notification

qui fait partir le délai de recours. La procédure de recours ne prévoit alors pas

d’effet suspensif (suppression de l’effet automatique). De plus, les fériés n’ont

aucune importance. Dès lors, certains pouvoirs adjudicateurs s’arrangent

pour notifier le 23 décembre afin de profiter de l’absence de soustraction des

jours fériés. Il s’agit alors de voir les autres procédures.

Dès que les seuils internationaux sont franchis, on applique alors la LMP et la

procédure est la procédure ordinaire (sauf cas exceptionnels). En-dessous,

on se trouve dans le domaine de l’ordonnance (il n’y a aucune obligation

internationale : une ordonnance suffit) et les procédures varient dès lors

selon les cas (ordonnance). La deuxième procédure est la procédure de

sélection : on publie quelques informations sommaires. L’entreprise doit alors

déposer une candidature et non une offre : il s’agit d’un dossier présentant

l’entreprise. Au final, une décision de sélection est notifiée pour sélectionner

certaines entreprises. Il est évidemment impossible de ne sélectionner qu’une

seule entreprise (au moins 3 : art. 15 LMP et 12 OMP). Une fois la sélection

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réglée, la procédure se poursuit de manière ordinaire. Naturellement, il n’y

aura pas de publication de l’offre : les soumissionnaires sont sélectionnés. La

procédure sélective est grave car l’État risque un recours contre la sélection.

La troisième est dernière procédure est la procédure sur invitation (ou

procédure invitant à soumissionner : art. 35 OMP). Il s’agit d’une procédure

sélective modifiée : certains soumissionnaires sont choisis directement par

l’État : il n’y a pas d’appel de dossiers (invitation). Au-dessus de 8,7 millions, il

y a marché internationale (procédure ouverte : la LMP ne prévoit qu’une seule

procédure), entre 8,7 millions et 2 millions, il y a marché nationale avec

procédure ouverte ou sélective (les art. 32 ss OMP s’appliquent : il s’agit d’un

autre marché) et en dessous de 2 millions, il est possible de prévoir une

procédure sur invitation, voire de gré à gré. Cette procédure sur invitation

pose de multiples problèmes : l’adjudicateur choisit unilatéralement qui est

invité à faire une offre, selon ses propres critères. Celui qui n’est pas inviter à

faire une offre n’a aucun droit de recours (sauf plainte) : il n’y a pas de droit à

être inviter (l’invitation n’est pas une décision administrative). Pour éviter que

la concurrence ne soit faussée, on a voulu créer un registre des invités mais

cette liste fut un échec retentissant (différence entre les marchés).

Une fois l’adjudication effectuée, des recours sont possibles suivant les cas

(marché communal : préfet, TC, TF). Pendant cette phase de recours, l’effet

suspensif est demandé (art. 28 LMP). Parfois tout de même, tel n’est pas le

cas (le recours sert uniquement à faire constater que le choix était inopportun

afin de ne pas salir l’image de l’entreprise). Lorsqu’il est accordé, il n’est pas

possible de conclure le contrat (ni donc de commencer les travaux). Pendant

le délai de recours par contre, il se peut que l’État conclut le contrat (il n’est

pas possible de demander l’effet suspensif pendant le délai). Pour éviter cela,

la jurisprudence a créé la clause de blocage de l’état de fait (Standstill) : tout

est bloqué durant le délai de recours. Il y a donc interdiction de conclure le

contrat pendant le délai (jurisprudentielle ou légale). Il existe tout de même

une exception au moment du recours au TF : si le TC confirme l’adjudication,

il n’y a plus de clause de Standstill durant la phase précédant le recours au

TF (il reste possible de demander l’effet suspensif par mesure provisionnelle).

Quand tous les recours sont épuisés ou qu’il n’y a pas d’effet suspensif, la

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conclusion du contrat est possible : on passe alors en droit privé. C’est donc

le CO qui s’applique pour la conclusion du contrat. Le problème concerne

notamment la forme du contrat. Si le contrat est conclu pendant la procédure

de recours (absence d’effet suspensif ou rejet de la demande d’un tel effet),

l’art. 32 al. 2 LMP s’applique et le tribunal se limite à constater dans quelle

mesure la loi est violée : l’annulation de l’adjudication n’est en principe plus

possible. Dès lors, le contrat se poursuit et peut être exécuté. Le

soumissionnaire évincé le recours pourra demander des dommages-intérêts

(art. 34 LMP). Pour obtenir des dommages-intérêts, une procédure doit être

lancée. Dans un cas concret, un avocat recourait contre l’adjudication de la

piscine de Neuchâtel. Ayant gagné au TF, il pense demander tous les frais

d’avocats (art. 34 al. 2 LMP), ce qui nécessite une nouvelle procédure. Ainsi,

une action en responsabilité de l’État (première instance) doit être ouverte.

Aujourd’hui, aucune jurisprudence n’existe concernant ce point. Il est par

contre impossible de réclamer des dommages-intérêts positifs pour l’éviction :

le soumissionnaire évincé pourrait alors réclamer le bénéfice qu’il aurait pu

réalisé (gain manqué). Les dommages-intérêts négatifs concernent la perte

éprouvée. Les coûts d’opportunité ne sont pas couverts non plus : l’argent qui

n’a pas pu être obtenu n’est pas pris en compte. Selon l’art. 34 al. 2 LMP,

seules les dépenses comptent (frais nécessaires à l’offre et frais d’avocats).

Pour terminer, nous dirons quelques mots sur l’art. 13 OMP. Les concours

d’architecture sont une autre procédure : ils sont un peu réglementés et ne

doivent pas être confondus avec les procédures de gré à gré. Le concours est

utile lorsque l’État ne sait pas ce qu’il veut. Pour faire un appel d’offres, il faut

qu’un projet existe déjà : dès lors, il faut qu’un architecte ait déjà réalisé des

plans et qu’un ingénieur ait concrétisé ces plans. Lorsqu’on ne dispose que

d’un terrain sur lequel on veut construire un hôpital, on ne dispose qu’un

programme des travaux, nécessitant l’ouverture d’une procédure donnant aux

participants la mission de concevoir le projet. L’art. 13 lit. l OMP prévoit qu’il

est possible de donner à l’architecte lauréat du concours les marchés

subséquents (planification de détail et surveillance des travaux). Il s’agit d’un

cas de marchés subséquents : le concours débouche sur la planification et

sur la surveillance des travaux. Pour pouvoir adjuger de gré à gré (les autres

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pays prévoient un appel d’offres public à la suite du concours, au contraire de

la Suisse), 3 conditions doivent alors être remplies (art. 13 lit. l ch. 1-3 OMP) :

- La procédure doit avoir respecté la loi : le concours doit donc avoir été

ouvert à tous (participation non fermée : ouverte à tous).

- Le jury doit être indépendant : ce n’est pas l’État qui choisit.

- Il faut avoir annoncé dans le concours que celui qui a gagné le

concours obtiendra alors de gré à gré la planification et la surveillance

des travaux. Or, pour la construction de l’Université, l’État a oublié de

préciser que le gagnant recevrait les tâches. Le TC a admis le recours.

Chapitre 1. L’aménagement du territoire...............................................................................1§1. Généralités sur le droit public de la construction.....................................................................1§2. Introduction à l’aménagement du territoire..............................................................................2

I. Définitions et sources..........................................................................................................................................2II. Contenu et instruments.....................................................................................................................................4III. Les limites constitutionnelles........................................................................................................................6

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a. La garantie de la propriété..............................................................................................................................................6b. La liberté économique......................................................................................................................................................7c. L’égalité de traitement......................................................................................................................................................8d. Les droits politiques..........................................................................................................................................................8

§3. Les plans................................................................................................................................................10I. Généralités.............................................................................................................................................................10II. Les plans directeurs.........................................................................................................................................12III. Les plans d’affectation...................................................................................................................................14IV. La coordination des plans............................................................................................................................16

§4. Les zones...............................................................................................................................................17I. Généralités.............................................................................................................................................................17II. La zone à bâtir (art. 15 LAT).........................................................................................................................18III. La zone agricole (art. 16 ss LAT)...............................................................................................................19IV. Les autres zones (art. 17-18 LAT).............................................................................................................20

§5. Les autorisations et la police des constructions.....................................................................21I. Généralités.............................................................................................................................................................21II. Les autorisations (art. 22-23 LAT).............................................................................................................22III. La procédure en matière d’autorisation................................................................................................29IV. La police des constructions..........................................................................................................................30

§6. Procédures, remise en état et expropriations.........................................................................34I. Garanties de procédure et voies de droit.................................................................................................34II. La procédure de remise en état...................................................................................................................37III. L’expropriation formelle...............................................................................................................................40IV. L’expropriation des droits du voisinage................................................................................................44V. L’expropriation matérielle.............................................................................................................................47

Chapitre 2. La protection de l’environnement....................................................................50§7. Notions et principes..........................................................................................................................50

I. Les sources.............................................................................................................................................................50II. Les mécanismes de protection....................................................................................................................53

§8. La protection contre les immissions...........................................................................................53I. La double limitation des émissions (art. 11 al. 1 LPE)........................................................................53II. La limitation préventive (art. 11 al. 2 LPE)............................................................................................55III. La limitation plus sévère (art. 11 al. 3 LPE).........................................................................................56IV. L’assainissement (art. 16 LPE)...................................................................................................................58

Chapitre 3. Droit économique...................................................................................................59§9. Généralités............................................................................................................................................59

I. Les concepts et leurs délimitations.............................................................................................................59II. Panorama général de l’intervention étatique.......................................................................................59III. La politique économique en droit fédéral.............................................................................................61

§10. La liberté économique...................................................................................................................62I. La notion.................................................................................................................................................................62II. Le contenu............................................................................................................................................................67III. Les titulaires.......................................................................................................................................................68IV. Les restrictions..................................................................................................................................................69

§11. Le monopole et la concession......................................................................................................72I. Le monopole..........................................................................................................................................................72II. La concession......................................................................................................................................................74

§12. Les redevances.................................................................................................................................77§13. Les marchés publics........................................................................................................................80

I. Notion.......................................................................................................................................................................80II. Législations..........................................................................................................................................................82

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