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Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires Tout phénomène physique, une fois modélisé, débouche sur une équation différentielle. J’exa- gère... mais c’est néanmoins le cas d’une grosse majorité de modèles. C’est donc tout naturelle- ment que les mathématiques s’occupent d’étudier ces dernières. Malheureusement, le domaine est tellement vaste, et le problème de leur résolution est telle- ment compliqué qu’il est illusoire d’espérer fournir une méthode de résolution générale. En fait, il y a très peu d’équations différentielles que l’on sait résoudre complètement, explicitement. Néanmoins, il faut commencer quelque part. Ce chapitre commence par des révisions sur les méthodes de résolution d’équations différentielles linéaires scalaires d’ordre 1 et 2. Puis on passe au cadre, plus abstrait, des systèmes d’équations linéaires. Comme d’habitude, la lettre I désigne un intervalle de R. 10.1 Équations scalaires d’ordre 1 Définition 10.1.1 Soit f une fonction dérivable sur I. Soient a , b et g des fonctions continues sur I à valeurs complexes. On dit que f est solution de l’équation linéaire (E(I)) d’ordre 1 ay 0 + by = g si, et seulement x I a (x ) f 0 (x ) + b (x ) f (x ) = g (x ) On dit que f est solution de l’équation homogène (E h (I)) associée à (E(I)) si, et seulement si, x I a (x ) f 0 (x ) + b (x ) f (x ) = 0 Dans ce paragraphe, on notera S (I) l’ensemble des solutions de l’équation différentielle (E(I)) ; S h (I) l’ensemble des solutions de l’équation différentielle (E h (I)). Lorsque l’intervalle I est clairement fixé, on pourra noter simplement (E), (E h ), S et S h . 10.1.1 Résolution « à la physicienne » de l’équation homogène La « méthode» qu’on présente ici n’en est pas une. C’est, au mieux, un moyen mnémotech- nique pour se rappeler la forme générale des solutions d’une équation différentielle linéaire ho- mogène d’ordre 1. Quasiment chaque étape est grossièrement fausse et il est hors de question que la méthode « touriste » figure dans une copie. On suppose avoir trouvé une fonction y telle que ay 0 + by = 0. On en déduit que 1

Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

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Page 1: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Chapitre 10

Équations Différentielles Linéaires

Tout phénomène physique, une fois modélisé, débouche sur une équation différentielle. J’exa-gère... mais c’est néanmoins le cas d’une grosse majorité de modèles. C’est donc tout naturelle-ment que les mathématiques s’occupent d’étudier ces dernières.

Malheureusement, le domaine est tellement vaste, et le problème de leur résolution est telle-ment compliqué qu’il est illusoire d’espérer fournir une méthode de résolution générale. En fait, ily a très peu d’équations différentielles que l’on sait résoudre complètement, explicitement.

Néanmoins, il faut commencer quelque part. Ce chapitre commence par des révisions sur lesméthodes de résolution d’équations différentielles linéaires scalaires d’ordre 1 et 2. Puis on passeau cadre, plus abstrait, des systèmes d’équations linéaires. Comme d’habitude, la lettre I désigneun intervalle de R.

10.1 Équations scalaires d’ordre 1

Définition 10.1.1Soit f une fonction dérivable sur I. Soient a, b et g des fonctions continues sur I à valeurs complexes.On dit que f est solution de l’équation linéaire (E(I)) d’ordre 1 ay ′+by = g si, et seulement

∀x ∈ I a(x) f ′(x)+b(x) f (x) = g (x)

On dit que f est solution de l’équation homogène (Eh(I)) associée à (E(I)) si, et seulement si,

∀x ∈ I a(x) f ′(x)+b(x) f (x) = 0

Dans ce paragraphe, on notera• S (I) l’ensemble des solutions de l’équation différentielle (E(I)) ;• Sh(I) l’ensemble des solutions de l’équation différentielle (Eh(I)).

Lorsque l’intervalle I est clairement fixé, on pourra noter simplement (E), (Eh), S et Sh .

10.1.1 Résolution « à la physicienne » de l’équation homogène

La « méthode » qu’on présente ici n’en est pas une. C’est, au mieux, un moyen mnémotech-nique pour se rappeler la forme générale des solutions d’une équation différentielle linéaire ho-mogène d’ordre 1. Quasiment chaque étape est grossièrement fausse et il est hors de question quela méthode « touriste » figure dans une copie.

On suppose avoir trouvé une fonction y telle que ay ′+by = 0. On en déduit que

1

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Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

ay ′ =−by puisy ′

y=−b

a

d’où ln y =−∫

b

a+constante

puis y = Ke−∫

b/a avec K ∈CIl se trouve que c’est effectivement la forme que prendront les solutions de l’équation considé-

rée. Mais il y a quelques précautions à prendre.

10.1.2 Résolution

On est capable de résoudre entièrement et proprement les équations linéaires d’ordre 1, àcondition de savoir calculer des primitives, sur un intervalle I où a ne s’annule pas. Il ne faut pasoublier cette hypothèse, qui est absolument fondamentale.

Théorème 10.1.2 (Structure de Sh)Soient a, b et g des fonctions continues sur I. On suppose que a ne s’annule pas sur I.

• La fonction −ba est continue sur I et admet des primitives ; on note A l’une d’elle et y0 = expA.

• La fonction y0 ne s’annule pas sur I donc gay0

est continue sur I et admet des primitives ; onnote B l’une d’elles.

Alors Sh(I) est l’espace vectoriel engendré par y0 et

S (I) = By0 +Sh(I) ={

I −→ C

x 7−→ B(x)y0(x)+Ky0(x)

∣∣∣ K ∈C}

Preuve : Puisque A est dérivable sur I, la fonction y0 est aussi dérivable sur I et l’on a

∀x ∈ I y ′0(x) = A′(x)expA(x) =−b(x)

a(x)y0(x)

d’où ∀x ∈ I a(x)y ′0(x)+b(x)y0(x) = 0

ce qui prouve que y0 ∈Sh(I).Soit y ∈S (I) ; puisque la fonction exponentielle ne s’annule pas, la fonction y0 ne s’annule pas

sur I et l’on peut définir

∀x ∈ I z(x) = y(x)

y0(x)

La fonction z est dérivable sur I puisque y et y0 sont dérivables et y0 ne s’annule pas. Et l’on a

y = z y0 y ′ = z ′y0 + z y ′0

d’où ay ′+by = g = z (ay ′0 + y0)︸ ︷︷ ︸=0

+ay0z ′ = ay0z ′

Mais a et y0 ne s’annulent pas sur I donc

∀x ∈ I z ′(x) = g (x)

a(x)y0(x)

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Page 3: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

On voit que z et B sont dérivables et ont la même dérivée sur l’intervalle I. Donc il existe K ∈ C telque

∀x ∈ I z(x) = B(x)+K

d’où ∀x ∈ I y(x) = z(x)y0(x) = B(x)y0(x)+Ky0(x)

Ceci prouve S ⊂{

I −→ C

x 7−→ B(x)y0(x)+K y0(x)

∣∣∣ K ∈C}

L’inclusion réciproque est une simple vérification par le calcul.Pour obtenir l’ensemble Sh , il suffit de se placer dans le cas particulier où g = 0. On peut alors

prendre B = 0 et on obtient bien Sh = Vect y0. �

Notons qu’il est stupide d’apprendre par cœur ce théorème : il est très facile de se tromper enessayant de mémoriser les formules. La meilleure méthode consiste à apprendre la formule pourA (facile !) et reproduire le reste de la preuve à chaque fois que nécessaire : cela prend moins d’uneminute et l’on minimise le risque d’erreur.

Exemple 10.1.31. On souhaite étudier l’équation différentielle x y ′− y = x2 exp x. Pour cela, posons

Posons ∀x ∈R a(x) = x b(x) =−1 g (x) = x2 exp x

La fonction a ne s’annule pas sur I+ = R?+ et sur I− = R?−. Prenons pour I l’un de ces deux intervalles.On a

∀x ∈ I − b(x)

a(x)= 1

x

ce qui nous amène à poser

∀x ∈ I A(x) = ln |x| y0(x) = expA(x) = |x|de sorte que A est une primitive de − b

a sur I et y0 est dans Sh(I).

Soit y ∈S ; on pose z = yy0

, qui est bien définie et dérivable sur I puisque y0 ne s’annule pas. Ainsi,

∀x ∈ I y(x) = z(x)y0(x) y ′(x) = z ′(x)y0(x)+ z(x)y ′0(x)

d’où ∀x ∈ I x2 exp x = a(x)y ′(x)+b(x)y(x) = z(x) (a(x)y ′0(x)+b(x)y0(x))︸ ︷︷ ︸

=0

+a(x)y0(x)z ′(x)

= a(x)y0(x)z ′(x)

On peut maintenant passer aux calculs :

∀x ∈ I x |x|z ′(x) = x2 exp x

Comme I ne contient pas 0, on peut diviser allègrement par x2 pour obtenir

∀x ∈ I z ′(x) = sgn(x)exp x

Mais la fonction sgn est constante sur I donc il existe un complexe K tel que

∀x ∈ I z(x) = K+ sgn(x)exp x

d’où ∀x ∈ I y(x) = z(x)y0(x) = (K+ sgn x exp x) |x| = (Ksgn(x)+exp x)x

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Page 4: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

On peut donc résoudre cette équation complètement sur chacun des intervalles R?+ et R?− :

S (R?+) ={

]0 ; +∞[ −→ C

x 7−→ (K+x)exp x

∣∣∣ K ∈C}

S (R?+) ={

]−∞ ; 0[ −→ C

x 7−→ (K+x)exp x

∣∣∣ K ∈C}

On observera bien que, même si les expressions qui donnent les solutions en fonction de x sont lesmêmes dans les deux cas, ces deux ensembles ne sont pas les mêmes !

10.1.3 Raccords de solutions

La théorie précédente est belle et bonne, puisqu’elle donne un schéma de résolution d’uneéquation linéaire scalaire d’ordre 1, sous certaines conditions.

À ce stade, étant donnée une équation d’ordre 1 « ay ′+by = g », on sait la résoudre (aux calculsde primitives près) sur tout intervalle sur lequel les fonctions a, b et g sont continues et a nes’annule pas.

Imaginons, pour fixer les idées qu’on ait trouvé deux tels intervalles I1 =]α ; β[ et I2 =]β ; γ[. Enβ, il y a un problème ; soit l’une des fonctions a, b ou g a une discontinuité, soit a s’annule. Peuimporte. La question qu’on se pose naturellement est : « Existe-t-il des solutions sur I1 ∪ I2 ? »

C’est le problème du raccord de solutions. Et la réponse à la question posée est qu’il n’y a pasde réponse. Plus précisément : ça dépend, tout peut se produire, donc pas de réponse (positiveou négative) dans le cas général. En revanche, la manière d’aborder le problème est toujours lamême :

• on résout l’équation sur I1 et sur I2 ;– on suppose avoir trouvé une solution y de l’équation différentielle sur I1 ∪ I2 ;• en particulier, elle est solution sur I1 et sur I2. Donc on connaît sa forme sur chacun de ces

deux intervalles.• elle doit être continue et dérivable sur I1 ∪ I2 ; en particulier en β. Donc on doit avoir

y(β) = limx→β−

y(x) = limx→β+

y(x) y ′(β) = limx→β−

y(x)− y(β)

x −β = limx→β+

y(x)− y(β)

x −βet chacune de ces limites doit exister et être finie. Suivant le cas, il sera (ou pas) possible desatisfaire ces conditions.

Voyons quelques exemples simples.

Exemple 10.1.4Considérons l’équation différentielle (1+ x)y ′− y = 1. La théorie précédente nous dit comment la résoudresur I1 =]−∞ ; −1[ et sur I2 =]−1; +∞[ :

S (I1) ={

]−∞ ; −1[ −→ C

x 7−→ −1+ (1+x)K

∣∣∣ K ∈C}

et S (I2) ={

]−1; +∞[ −→ C

x 7−→ −1+ (1+x)K

∣∣∣ K ∈C}

Supposons qu’il existe une solution y de l’équation sur R tout entier. Alors• y est en particulier solution sur I1, donc il existe une constante K1 telle que

∀x <−1 y(x) =−1+ (1+x)K1

• y est solution sur I2, donc il existe une constante K2 telle que

∀x >−1 y(x) =−1+ (1+x)K2

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Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Du coup, on connaît y partout, sauf en −1.

Mais y doit aussi être dérivable surR, donc continue. Et en particulier, y est continue en −1. Cela signifieque

y(1) = limx→−1− y(x) = lim

x→−1+ y(x)

Remarquons que limx→−1− y(x) = lim

x→−1−(−1+ (1+x)K1) =−1

et limx→−1+ y(x) = lim

x→−1+(−1+ (1+x)K2) =−1

donc y(−1) =−1.

Mais y doit aussi être dérivable en −1. On calcule aisément que

limx→−1−

y(x)− y(−1)

x +1= lim

x→−1−−1+ (1+x)K1 +1

x +1= K1

et de même limx→−1+

y(x)− y(−1)

x +1= K2

Ces deux limites doivent être égales à y ′(−1). Donc K1 = K2.

En résumé, si y est une solution de l’équation sur R, alors il existe une constante K telle que

∀x ∈R y(x) =−1+ (1+x)K

On vérifie aisément qu’une telle fonction est solution de l’équation différentielle sur R. D’où

S (R) ={R −→ C

x 7−→ −1+ (1+x)K

∣∣∣ K ∈C}

S (R) est un espace affine de dimension 1.

Exemple 10.1.5Considérons l’équation différentielle (1− x)y ′+ y = 1. Remarquez que c’est presque la même équation quecelle étudiée précédemment ; seul un signe a changé. La théorie nous dit comment la résoudre sur I1 =]−∞ ; −1[ et sur ]−1; +∞[ :

S (I1) =]−∞ ; −1[ −→ C

x 7−→ 1+ K

1+x

∣∣∣ K ∈C

et S (I2) =]−1; +∞[ −→ C

x 7−→ 1+ K

1+x

∣∣∣ K ∈C

Supposons avoir trouvé une solution y de cette équation sur R. Alors

• y est en particulier solution sur I1, donc il existe une constante K1 telle que

∀x <−1 y(x) = 1+ K1

1+x(1)

• y est solution sur I2 donc il existe une constante K2 telle que

∀x >−1 y(x) = 1+ K2

1+x

(2)

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Page 6: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Du coup, on connaît y partout, sauf en −1.Mais y doit être continue en −1. Cela signifie que les deux limites

limx→−1− y(x) et lim

x→−1+ y(x)

existent, sont finies, et égales à y(−1). Or, d’après les relations (1) et (2), pour que ce soit le cas, il faut queK1 = K2 = 0. Auquel cas, on voit que

∀x ∈R y(x) = 1

Évidemment, la fonction constante égale à 1 est une solution sur R de l’équation considérée. Donc au final,c’est la seule et unique solution sur R.

Exemple 10.1.6Considérons l’équation différentielle x y ′−2y = x3. D’après la théorie générale, on sait la résoudre sur I1 =]−∞ ; 0[ et sur I2 =]0 ; ∞[ :

S (I1) ={

]−∞ ; 0[ −→ C

x 7−→ x3 +Kx2

∣∣∣ K ∈C}

et S (I2) ={

]0 ; +∞[ −→ C

x 7−→ x3 +Kx2

∣∣∣ K ∈C}

Supposons avoir trouvé une solution y de cette équation sur R. Alors il existe des constantes K1 et K2

telles que

∀x < 0 y(x) = x3 +K1x2

et ∀x > 0 y(x) = x3 +K2x2

On a limx→0− y(x) = 0 et lim

x→0+ y(x) = 0

Par continuité de y en 0, on obtient que y(0) = 0. Donc aucune condition sur K1 ou K2 pour le moment.Ensuite,

limx→0−

y(x)− y(0)

x −0= lim

x→0−(x2 +K1x) = 0

et limx→0+

y(x)− y(0)

x −0= lim

x→0+(x2 +K2x) = 0

Toujours aucune condition sur K1 ou K2. Donc au final, les solutions sur R de l’équation différentielle sonttoutes les fonctions de la forme

R −→ C

x 7−→

x3 +K1x2 si x < 00 si x = 0

x3 +K2x2 si x > 0

où K1 et K2 sont des nombres complexes arbitraires. Ainsi, S (R) est un espace affine de dimension 2.

10.2 Équations linéaires vectorielles d’ordre 1

10.2.1 Introduction et notations

La partie précédente présentait le cas le plus simple d’équation différentielle d’ordre 1, où lafonction inconnue est à valeurs scalaires. Nous allons passer maintenant au degré d’abstrationsupérieur.

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Page 7: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Il est possible d’avoir ce qu’on appelle des équations linéaires scalaires couplées : on chercheà résoudre un système d’équations différentielles linéaires. Par exemple,

∀t ∈ I

{y ′

1(t ) = a1,1(t ) y1(t )+a1,2(t ) y2(t )+b1(t )

y ′2(t ) = a2,1(t ) y1(t )+a2,2(t ) y2(t )+b2(t )

où les fonctions inconnues sont y1 et y2, tandis que les (ai , j )16i , j62 et les (bi )16i62 sont des fonc-tions continues données. Ces deux équations peuvent être transformées en une équation matri-cielle, en posant

∀t ∈ I y(t ) =[

y1(t )y2(t )

]a(t ) =

[a1,1(t ) a1,2(t )a2,1(t ) a2,2(t )

]b(t ) =

[b1(t )b2(t )

]• Comme K2 est de dimension finie et que les fonctions composantes de b sont continues, b

est une fonction continue de I dans l’espace vectoriel K2 : b ∈C (I,K2).• De même, a est une fonction continue de I dans M2(K), qui est naturellement isomorphe à

L (K2) : a ∈C (I,L (K2)).Le système différentiel s’écrit alors

∀t ∈ I y ′(t ) = a(t )(y(t ))+b(t )

Ceci nous amène à avoir l’approche abstraite suivante. Dans toute la suite, on fixe unK-espacevectoriel normé complet E.

Définition 10.2.1Soient a ∈C (I,Lc (E)), b ∈C (I,E). On se donne t0 ∈ I et x0 ∈ E. On appelle solution sur I du problèmede Cauchy {

y ′ = ay +by(t0) = x0

(C(I, a, b, t0, x0))

toute application x ∈D(I,E) telle que

∀t ∈ I x ′(t ) = a(t )(x(t )

)+b(t ) et x(t0) = x0

On appelle solution du problème de Cauchy homogène

y ′ = ay (Ch(I, a))

toute fonction x ∈D(I,E) telle que

∀t ∈ I x ′(t ) = a(t )(x(t )

)On attire l’attention sur le fait que a ∈ C (I,Lc (E)) : a n’est pas une application linéaire continuesur E ; c’est une application continue sur I, à valeurs dans l’ensemble des applications linéairescontinues sur I. Cela veut dire que pour chaque t ∈ I, a(t ) est une application linéaire continuesur I. D’où la notation a(t )

(y(t )

): c’est la valeur de l’application linéaire a(t ) appliquée au vecteur

y(t ). C’est abstrait, mais c’est comme ça.Il se trouve que pour étudier notre problème de Cauchy, il est plus simple de le transformer en

un problème intégral.

Définition 10.2.2Soient a ∈C (I,Lc (E)) et b ∈C (I,E). On se donne t0 ∈ I et x0 ∈ E. On appelle solution du problèmede Cauchy intégral Ci(I, a, b, t0, x0) toute application x ∈C (I,E) telle que

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Page 8: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

∀t ∈ I x(t ) = x0 +∫ t

t0

a(s)(x(s)

)ds +

∫ t

t0

b(s)ds

Observons que toutes les intégrales qui apparaissent dans cette définition sont parfaitement va-lides :

• la fonction b est supposée continue ;• l’application Φ : Lc (E)×E −→ E

( f , v) 7−→ f (v)est bilinéaire, continue puisque

∀( f , v) ∈Lc (E)×E ‖ f (v)‖E6 ‖ f ‖Lc (E) ‖v‖E

En reprenant les notations de la définition 2.2, on a

∀s ∈ I a(s)(x(s)

)=Φ(a(s), x(s))

D’après le cours de topologie, s 7−→ a(s)(x(s)

)est continue sur I, ce qui justifie l’existence de

l’intégrale.On commence par prouver ce qui était annoncé : les deux problèmes de Cauchy sont en fait lemême. Dans ce qui suit, pour alléger les notations, on se contentera de noter (C) et (Ci) ces deuxproblèmes, lorsque les paramètres I, a, b, t0 et x0 sont clairement fixés.

Théorème 10.2.3Soient a ∈C (I,Lc (E)), b ∈C (I,E), t0 ∈ I, x0 ∈ E. Une application x : I −→ E est solution du problème(C(I, a, b, t0, x0)) si, et seulement si, elle est solution de (Ci(I, a, b, t0, x0)).

Preuve : Soit x une solution de C. Alors x ∈D(I,E) est en particulier continue sur I. De plus,

∀s ∈ I x ′(s) = a(s)(x(s)

)+b(s)

Comme b et s 7−→ a(s)(x(s)

)sont continues, on voit qu’en fait x est de classe C 1 sur I. Alors si t ∈ I,

on peut intégrer tout ça entre t0 et t :

∀t ∈ I∫ t

t0

x ′(s)ds =∫ t

t0

a(s)(x(s)

)ds +

∫ t

t0

b(s)ds

Mais x est classe C 1 et le théorème fondamental du calcul intégral assure

∀t ∈ I∫ t

t0

x ′(s)ds = x(t )−x(t0) = x(t )−x0

D’où ∀t ∈ I x(t ) = x0 +∫ t

t0

a(s)(x(s)

)ds +

∫ t

t0

b(s)ds

x est bien solution du problème de Cauchy intégral.

Réciproquement, si x est solution du problème de Cauchy intégral, on a

∀t ∈ I x(t ) = x0 +∫ t

t0

a(s)(x(s)

)ds +

∫ t

t0

b(s)ds

On a tout de suite x(t0) = x0. De plus, la fonction s 7−→ a(s)(x(s)

)+b(s) est continue sur I. Le théo-rème fondamental du calcul intégral assure que x est de classe C 1 sur I et que

∀t ∈ I x ′(t ) = a(t )(x(t )

)+b(t )

Ainsi, x est bien solution du problème de Cauchy. �

Enfin, rappelons le théorème de structure des solutions d’une équation différentielle linéaire :

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Page 9: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Théorème 10.2.4Soient a ∈C (I,Lc (E)), b ∈C (I,E), t0 ∈ I et x0 ∈ E. On suppose connue une solution xp du problèmede Cauchy (C(I, a, b, t0, x0)).

L’ensemble des solutions de (Ch(I, a)) est un K-espace vectoriel. De plus,

{x ∈D(I,E) | x solution de (C(I, a, b, t0, x0))} = xp + {x ∈D(I,E) | x solution de (Ch(I, a))}

10.2.2 Le théorème de Cauchy-Lipschitz linéaire

On montre ici un théorème assurant l’existence et l’unicité d’une solution à un problème deCauchy donné.

Théorème 10.2.5 (Théorème de Cauchy-Lipschitz linéaire)Soient a ∈ C (I,Lc (E)), b ∈ C (I,E), t0 ∈ I et x0 ∈ E. Le problème de Cauchy (C(I, a, b, t0, x0)) a uneunique solution.

Preuve : On étudie plutôt le problème de Cauchy intégral, qui est équivalent au problème de Cau-chy d’après le théorème 2.3. Il nous suffit donc de montrer que le problème de Cauchy intégral aune unique solution.

On commence par supposer que I est un intervalle compact : disons I = [c ; d ] avec c < d . Onpose

∀x ∈C (I,E) ∀t ∈ I Φ(x)(t ) = x0 +∫ t

t0

a(s)(x(s)

)ds +

∫ t

t0

b(s)ds

L’idée est d’observer qu’une solution du problème de Cauchy intégral est un point fixe de Φ. Ilsuffit donc de prouver que Φ a un unique point fixe.

La compacité de I nous apporte plusieurs outils :• L’espace vectoriel C (I,E) est complet pour la norme ‖ ‖∞.• Toute fonction continue sur I à valeurs dans un espace vectoriel normé est bornée. En parti-

culier, la fonction a est bornée sur I et on note M un de ses majorants. Ceci signifie que

∀t ∈ I ‖a(t )‖Lc (E)6M

Et par définition de la norme sur Lc (E), on a

∀t ∈ I ∀u ∈ E ‖a(t )u‖E6 ‖a(t )‖Lc (E) ‖u‖E6M‖u‖E

Commençons par prendre deux fonctions x et y dans C (I,E). On a

∀t ∈ I Φ(x)(t )−Φ(y)(t ) =∫ t

t0

a(s)(x(s)

)ds −

∫ t

t0

a(s)(y(s)

)ds =

∫ t

t0

(a(s)

(x(s)

)−a(s)(y(s)

))ds

Or, pour chaque s ∈ I, a(s) est linéaire sur E donc

a(s)(x(s)

)−a(s)(y(s)

)= a(s)(x(s)− y(s)

)et ∀t ∈ I Φ(x)(t )−Φ(y)(t ) =

∫ t

t0

a(s)(x(s)− y(s)

)ds

D’après l’inégalité triangulaire pour les intégrales, on a

∀t > t0∥∥Φ(x)(T)−Φ(y)(T)

∥∥E 6

∫ t

t0

∥∥a(s)(x(s)− y(s)

)∥∥ds

6M‖x − y‖∞ (t − t0)

9

Page 10: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Si n ∈N, on pose

P(n) : « ∀x, y ∈C (I,E) ∀t > t0∥∥Φn(x)(t )−Φn(y)(t )

∥∥E6

Mn

n!(t − t0)n ‖x − y‖∞ »

On vient de prouver P(1). Maintenant, soit n ∈N? tel que P(n) est vraie. On fixe un t > t0. On a∥∥Φn+1(x)(t )−Φn+1(y)(t )∥∥

E = ∥∥Φ(Φn(x))(t )−Φ(Φn(y))(t )∥∥

E =∥∥∥∫ t

t0

a(s)(Φn(x)(s)−Φn(y)(s)

)ds

∥∥∥6

∫ t

t0

∥∥a(s)(Φn(x)(s)−Φn(y)(s)

)∥∥ds6M∫ t

t0

‖Φn(x)(s)−Φn(y)(s)∥∥ds

On utilise P(n) pour majorer l’intégrale et obtenir∥∥Φn+1(x)(t )−Φn+1(y)(t )∥∥

E6Mn+1

n!‖x − y‖∞

∫ t

t0

(s − t0)n ds = Mn+1

(n +1)!(t − t0)n+1 ‖x − y‖∞

Ce qui achève de prouver P(n +1).On prouverait une inégalité similaire à gauche de t0, ce qui permet de dire que

∀n ∈N? ∀t ∈ I∥∥Φn(x)(t )−Φn(y)(t )

∥∥6 Mn

n!|t − t0|n ‖x − y‖∞6 Mn

n!(d − c)n ‖x − y‖∞

ou encore ∀n ∈N? ‖Φn(x)−Φn(y)‖∞6 Mn

n!(d − c)n ‖x − y‖∞ (1)

On définit par récurrence une suite (un)n∈N à valeurs dans C (I,E) :{u0 = x0 (fonction constante)∀n ∈N un+1 =Φ(un)

c’est-à-dire que ∀n ∈N un =Φn(x0)

D’après l’estimation (1), on a

∀n ∈N? ‖un+1 −un‖∞ = ∥∥Φn(u1)−Φn(u0)∥∥∞6

Mn

n!(d − c)n ‖u1 −u0‖∞

La série ((un+1−un))n∈N converge donc normalement. Ceci assure qu’elle converge uniformémentvers une fonction continue u ; on en déduit que la suite (un)n∈N converge uniformément vers u.Or, Φ est continue sur C (I,E) pour ‖ ‖∞, comme le montre l’inégalité (1) ; ceci permet de passer àla limite dans la relation

∀n ∈N un+1 =Φ(un)

pour en déduire que Φ(u) = u : u est un point fixe de Φ, ce qui équivaut à dire que u est unesolution du problème de Cauchy intégral. Ce problème a donc des solutions sur I.

Maintenant, soit v une autre solution au problème de Cauchy intégral. On a alors Φ(u) = u etΦ(v) = v . Mais

∀n ∈N? ‖u − v‖∞ = ‖Φn(u)−Φn(v)‖∞6 Mn

n!(d − c)n ‖u − v‖∞

Le membre de droite tend vers 0 lorsque n tend vers l’infini donc ‖u − v‖∞ = 0. Il existe donc uneunique solution au problème de Cauchy sur I.

À ce stade, le théorème est prouvé sur tout intervalle compact. Il reste à passer au cas d’unintervalle I quelconque. Posons

10

Page 11: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

c = InfI d = SupI

et prenons deux suites (cn)n∈N et (dn)n∈N dans I, respectivement décroissante et croissante stric-tement, convergeant respectivement vers c et d , et telles que

∀n ∈N cn < t0 < dn

D’après ce qu’on vient de prouver, si n ∈ N, il existe une (unique) fonction xn , solution duproblème de Cauchy (C([cn ; dn], a, b, t0, x0)). On prolonge à I tout entier, en lui donnant n’importequelle valeur sur I \ [cn ; dn].

Soient n < p deux entiers. Comme t0 ∈ [cn ; dn] ⊂ [cp ; dp ], on voit que xp et xn sont solutionsdu même problème de Cauchy sur [cn ; dn]. Par unicité, elles coïncident sur cet intervalle. On adonc :

∀n, p ∈N n < p ∀t ∈ [cn ; dn] xn(t ) = xp (t ) (2)

Ceci suffit à établir que la suite (xn)n∈N converge simplement : en effet, si t ∈ I, il existe N ∈ N telque t ∈]cN ; dN[. Et la suite (xn(t ))n∈N est constante à partir du rang N d’après (2). On note cetteconstante x(t ).

Ceci définit une fonction x : I −→ E, qui coïncide avec xn sur [cn ; dn] pour tout n entier. PuisqueI = ⋃

n∈N[cn ; dn], on voit que x est solution du problème de Cauchy sur I. On a donc l’existence de

solutions.Prouvons finalement l’unicité. On se donne y une autre solution du problème (C(I, a, b, t0, x0)).

Alors x et y sont solutions du problème de Cauchy sur tout sous-intervalle compact de I quicontient t0 ; elles sont donc égales sur tout intervalle compact inclus dans I. Donc elles coïncidentsur I. �

Ce théorème peut être formulé d’une manière plus jolie :

Corollaire 10.2.6Soient a ∈C (I,Lc (E)), b ∈C (I,E) et t0 ∈ I. On note S (I, a,b) l’ensemble des applications x ∈D(I,E)telles que

∀t ∈ I x ′(t ) = a(t )(x(t )

)+b(t )

et Sh(I, a) =S (I, a,0)

• L’application F : S (I, a,b) −→ Ex 7−→ x(t0)

est bijective.

• L’application Fh : Sh(I, a) −→ Ex 7−→ x(t0)

est un isomorphisme d’espaces vectoriels.

Preuve : Le théorème de Cauchy-Lipschitz linéaire affirme exactement la bijectivité de F et Fh .Le fait que Fh est linéaire est immédiat, d’après la définition de la structure d’espace vectoriel surSh(I, a). �

On sait qu’un endomorphisme d’un espace de dimension finie est continu. Donc si E est dedimension finie, Lc (E) et L (E) sont le même ensemble. Du coup,

Corollaire 10.2.7Soit E un espace vectoriel de dimension p non nulle. Soient a ∈ C (I,L (E)). Alors Sh(I, a) est dedimension p.

11

Page 12: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Preuve : Il suffit de fixer t0 ∈ I et de considérer l’application

Sh(I, a) −→ Ex 7−→ x(t0)

qui est un isomorphisme d’espaces vectoriels et donc conserve la dimension. �

10.2.3 Le Wronskien

On se place désormais dans le cas où E est de dimension finie p non nulle.

Définition 10.2.8 (Système fondamental de solutions d’une équation homogène)Soit a ∈C (I,L (E)). On appelle système fondamental de solutions de l’équation y ′ = ay sur I toutebase Sh(I, a).

Proposition 10.2.9Soit a ∈C (I,L (E)). Soient x1, . . . , xp dans Sh(I, a). Les assertions suivantes sont équivalentes :

1. (x1, . . . , xp ) est un système fondamental de solutions de y ′ = ay sur I ;

2. Il existe t ∈ I tel que (x1(t ), . . . , xp (t )) est une base de E.

3. Pour tout t ∈ I, la famille (x1(t ), . . . , xp (t )) est une base de E.

Preuve : Il est évident que (3)=⇒2. Observons aussi que, comme E est de dimension p, montrerqu’une famille de p éléments est une base équivaut à montrer qu’elle est libre.

• Supposons que (x1, . . . , xp ) est un système fondamental de solutions de y ′ = ay sur I. Soitt ∈ I ; on se donne λ1, . . . ,λp ∈K tels que

p∑k=1

λk xk (t ) = 0

et posons x =p∑

k=1λk xk

Alors x est solution du problème de Cauchy homogène (Ch(I, a)) puisque x1, . . . , xk le sont.De plus, x(t ) = 0. Or, la fonction nulle est solution de Ch(I, a) et s’annule en t ; par unicité, xest la fonction nulle. Mais (x1, . . . , xp ) est une famille libre dans Sh(I, a) donc λ1, . . . ,λp sontnuls. Ceci prouve que (1)=⇒(3).

• Supposons qu’il existe t ∈ I tel que (x1(t ), . . . , xp (t )) est libre dans E. Soient λ1, . . . ,λp dans Ktels que

p∑k=1

λk xk = 0

En particulier,p∑

k=1λk xk (t ) = 0

donc λ1, . . . ,λp sont nuls, ce qui prouve (2)=⇒(1).

Définition 10.2.10 (Wronskien d’une famille de solutions)Soient a ∈C (I,L (E)) et B une base de E. Soient x1, . . . , xp des solutions du problème de Cauchyhomogène (Ch(I, a)). On appelle Wronskien de la famille (x1, . . . , xp ) par rapport à B l’application

12

Page 13: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

WBx1,...,xp

: I −→ K

t 7−→ detB(x1(t ), . . . , xp (t ))

Observons que changer de base dans E n’affecte pas énormément le Wronskien d’une famillede solutions (x1, . . . , xp ) : en effet, si B et B′ sont deux base de E, on sait que

∀(u1, . . . ,up ) ∈ Ep detB′(u1, . . . ,up ) = detB′(B)×detB(u1, . . . ,up )

Du coup, ∀t ∈ I WB′x1,...,xp

(t ) = detB′(B)WBx1,...,xp

(t )

La propriété suivante est beaucoup plus intéressante ; il s’agit d’une conséquence immédiate de laproposition 2.9.

Théorème 10.2.11 (Propriété fondamentale du Wronskien)Soit a ∈C (I,L (E)) et B une base de E. Soient x1, . . . , xp solutions du problème de Cauchy homogène(Ch(I, a)). Les assertions suivantes sont équivalentes :

• (x1, . . . , xp ) est un système fondamental de solutions de y ′ = ay sur I.

• WBx1,...,xp

n’est pas la fonction nulle.

• WBx1,...,xp

ne s’annule jamais.

Ainsi, si l’on a une famille de p solutions de notre équation homogène, on peut tester s’il s’agitd’un système fondamental « simplement » en calculant son Wronskien en un point quelconque deI. Ceci dit, on peut en fait faire mieux : il est possible (modulo un calcul de primitive) de calculer leWronskien d’un système de solutions.

Proposition 10.2.12Soient a ∈ C (I,L (E)) et B une base de E. Soient x1, . . . , xp des solutions du problème homogène

(Ch(I, a)). Le Wronskien WBx1,...,xp

est solution de l’équation différentielle linéaire scalaire d’ordre 1

y ′ = (Tr a) y.

Avant de prouver ce théorème, traduisons-le. On rappelle que pour chaque t ∈ I, a(t ) est unendomorphisme de E et on peut calculer sa trace. On est donc en train de dire que

∀t ∈ I (WBx1,...,xp

)′(t ) = Tr(a(t ))WBx1,...,xp

(t )

On est parfaitement capable de résoudre cette équation différentielle si l’on peut calculer une pri-mitive de la fonction continue t 7−→ Tr(a(t )) et si l’on connaît au moins une valeur du Wronskien.En effet, si t0 ∈ I, on aura

∀t ∈ I WBx1,...,xp

(t ) = WBx1,...,xp

(t0)exp(∫ t

t0

Tr(a(s))ds)

Preuve : Si (x1, . . . , xp ) n’est pas un système fondamental de solutions, leur Wronskien est la fonc-tion nulle et l’équation différentielle est trivialement satisfaite. On suppose donc que (x1, . . . , xp )est un système fondamental de solutions. On a

WBx1,...,xp

= detB(x1, . . . , xp )

Les fonctions x1, . . . , xp sont dérivables sur I donc leur Wronskien est dérivable sur I et l’on a

13

Page 14: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

∀t ∈ I (WBx1,...,xp

)′(t ) =p∑

k=1detB(x1(t ), . . . , xk−1(t ), x ′

k (t ), xk+1(t ), . . . , xp (t ))

=p∑

k=1detB

(x1(t ), . . . , xk−1(t ), a(t )

(xk (t )

), xk+1(t ), . . . , xp (t )

)Fixons t ∈ I. On sait que Ct = (x1(t ), . . . , xp (t )) est une base de E. Soit k ∈ [[1 ; p ]] ; alors a(t )

(xk (t )

)peut se décomposer dans cette base : il existe des scalaires a1,k (t ), . . . , ap,k (t ) tels que

a(t )(xk (t )

)= p∑j=1

a j ,k (t ) x j (t )

Puisque detB est p-linéaire alterné, on trouve

detB(x1(t ), . . . , xk−1(t ), a(t )

(xk (t )

), xk+1(t ), . . . , xp (t )

) = ak,k (t )detB(x1(t ), . . . , xp (t ))

= ak,k (t )WBx1,...,xp

(t )

Cette relation est vraie pour tout k ∈ [[1 ; p ]] donc

(WBx1,...,xp

)′(t ) =( p∑

k=1ak,k (t )

)WB

x1,...,xp(t )

D’un autre côté, compte-tenu de nos notations, on a

∀k ∈ [[1 ; p ]][a(t )

(xk (t )

)]Ct

=

a1,k (t )...

ap,k (t )

donc MatCt (a(t )) =

a1,1(t ) · · · a1,p (t )

......

ap,1(t ) · · · ap,p (t )

de sorte que Tr(a(t )) =

p∑k=1

ak,k (t )

car (on le rappelle) la trace d’un endomorphisme de E est la trace de toute matrice qui le repré-sente. Il s’ensuit la relation souhaitée :

∀t ∈ I (WBx1,...,xp

)′(t ) = Tr(a(t ))×WBx1,...,xp

(t ) �

10.2.4 La méthode de variation des constantes

La méthode de variation des constantes (ce nom est vraiment bizarre !) permet de déterminerune solution de l’équation y ′ = ay +b si l’on connaît déjà un système fondamental de solutions del’équation homogène. Elle généralise la méthode employée pour résoudre les équations linéairesscalaires (théorème 1.2) d’ordre 1.

On suppose toujours E de dimension finie p rapporté à une base B. On fixe a ∈ C (I,L (E))et b ∈ C (I,E). On suppose qu’on a trouvé par miracle un système fondamental (x1, . . . , xp ) de so-lutions de l’équation y ′ = ay . Le théorème de Cauchy-Lipschitz assure qu’il existe des solutionspour l’équation y ′ = ax +b ; on en choisit une qu’on appelle x.

Si t ∈ I est fixé, le vecteur x(t ) se trouve dans E ; d’après la proposition 2.9, la famille Ct =(x1(t ), . . . , xp (t )) est une base de E donc il existe λ1(t ), . . . ,λp (t ) ∈K tels que

14

Page 15: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

x(t ) =p∑

k=1λk (t ) xk (t )

En fait, on peut même donner l’expression de ces coefficients à l’aide des formules de Cramer :

∀k ∈ [[1 ; p ]] λk (t ) = detB (x1(t ), . . . , xk−1(t ), x(t ), xk+1(t ), . . . , xp (t ))

WBx1,...,xp

(t )

Ceci permet de voir que λ1, . . . ,λp sont des fonctions dérivables sur I, d’après les théorèmes gé-néraux sur la dérivabilité. Du coup, on peut utiliser les formules de dérivation pour dériver cettesomme. Et après quelques calculs,

∀t ∈ I x ′(t ) =p∑

k=1λ′k (t ) xk (t )+

p∑k=1

λk (t ) x ′k (t )

=p∑

k=1λ′k (t ) xk (t )+

p∑k=1

λk (t ) a(t )(xk (t )

)=

p∑k=1

λ′k (t ) xk (t )+a(t )( p∑

k=1λk (t ) xk (t )

)=

p∑k=1

λ′k (t ) xk (t )+a(t )(x(t )

)x ′(t ) =

p∑k=1

λ′k (t ) xk (t )+x ′(t )−b(t )

d’où ∀t ∈ Ip∑

k=1λ′k (t )xk (t ) = b(t )

De ce fait, si t ∈ I, λ′1(t ), . . . ,λ′p (t ) sont les coordonnées de b(t ) dans la base Ct . Elles sont donnéespar les formules de Cramer :

∀k ∈ [[1 ; p ]] ∀t ∈ I λ′k (t ) = detB(x1(t ), . . . , xk−1(t ),b(t ), xk+1(t ), . . . , xp (t ))

WBx1,...,xp

(t )

Ainsi, si l’on est capable de calculer des primitives de ces fonctions, on peut retrouver les fonctionsλ1, . . . ,λp et en déduire toutes les solutions de l’équation y ′ = ay +b.

Donc, comme dans le cas de l’équation linéaire scalaire d’ordre 1, le plus important pour ré-soudre une équation complète est de savoir résoudre l’équation homogène et trouver un systèmefondamental. Une fois celui-ci obtenu, on applique la méthode de variation des constantes pourtrouver les solutions de l’équation complète.

10.2.5 Point de vue matriciel

Les notations introduites dans cette section seront conservées dans toute la suite. On supposenotre espace E de dimension finie p non nulle et on fixe une base B = (e1, . . . ,ep ) de E.

Si u : I −→ E est une application, alors pour chaque t ∈ I, le vecteur u(t ) peut être décomposédans la base B. Cela fournit ce qu’on a appelé, dans les chapitres précédents, les applicationscoordonnées de u dans B :

∀t ∈ I ∃ !(u1(t ), . . . ,up (t )) ∈Kp u(t ) =p∑

k=1uk (t )ek

On notera alors U l’application de I dans Kp définie par

15

Page 16: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

∀t ∈ I U(t ) =

u1(t )...

up (t )

On a vu, dans les chapitres de topologie et de dérivation, que

• u est continue si, et seulement si, U est continue ; ce qui équivaut encore à dire que u1, . . . ,up

sont continues ;• u est dérivable sur I si, et seulement, U est dérivable ; ce qui équivaut à dire que u1, . . . ,up

sont dérivables sur I. Et dans ce cas,

∀t ∈ I u′(t ) =p∑

k=1u′

k (t )ek U′(t ) =

u′1(t )...

u′p (t )

On rappelle que ces résultats sont simplement dûs à la continuité des formes linéaires (e?i )16i6p

et x 7−→ [x]B ; cette continuité, elle-même, provient du fait que la dimension de E est finie.De la même manière, si a est une application de I dans L (E), il existe une unique famille

d’applications (ai , j )16i , j6p de I dans K, telles que

∀t ∈ I MatB(a(t )) =

a1,1(t ) · · · a1,p (t )

......

ap,1(t ) · · · ap,p (t )

et on note A l’application t 7−→ MatB(a(t )). À nouveau, la régularité de a équivaut à la mêmerégularité pour A ou pour les applications (ai , j )16i , j6p .

On convient donc de noter par des lettres majuscules les grandeurs vectorielles ou ma-tricielles associées à nos applications. Ainsi, si notre application s’appelle x, son applicationvectorielle associée sera notée X, de coordonnées (xi )16i6p .

Il faut bien comprendre que ces notations dépendent entièrement de la base choisie.Pour être parfaitement rigoureux, on devrait noter XB ou AB. Mais les notations sont déjàassez lourdes, et on omettra de mentionner la base choisie. Sauf si on travaille avec plu-sieurs bases.

Ces notations étant clairement posées, on se donne maintenant a ∈ C (I,L (E)), b ∈ C (I,E) etx ∈D(I,E), t0 ∈ I et x0 ∈ E. On a alors

x est solution de (C(I, a, b, t0, x0)) ⇐⇒ (x(t0) = x0 et ∀t ∈ I x ′(t ) = (

a(t ))(x(t ))+b(t )

)⇐⇒ (

X(t0) = X0 et ∀t ∈ I X′(t ) = A(t ) ·X(t )+B(t ))

Ceci équivaut aussi à dire que x1(t0)...

xp (t0)

=

x0,1...

x0,p

et ∀t ∈ I

x ′

1(t ) = a1,1(t ) x1(t )+·· ·+a1,p (t ) xp (t )...

......

x ′p (t ) = ap,1(t ) x1(t )+·· ·+ap,p (t ) xp (t )

Évidemment, on voit l’avantage de la notation matricielle, qui est plus compacte et plus claire.Mais on retiendra donc qu’une équation d’ordre 1 vectorielle équivaut à un système d’équationsscalaire d’ordre 1.

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Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

10.2.6 Équations à coefficients constants

On suppose toujours que E est un K-espace vectoriel de dimension finie p non nulle. On seplace dans le cas particulier où notre application a ∈C (I,L (E)) est constante. Cette constante estsimplement notée a : on fait comme on en a l’habitude, on identifie une application constanteavec la constante à laquelle elle est égale. De ce fait, la lettre a désigne en même temps une appli-cation continue (constante) de I dans L (E), et un endomorphisme a de E. Ce qui permet d’écrire

∀t ∈ I ∀x ∈ E (a(t ))(x) = a(x)

On fixe b ∈C (I,E), x0 ∈ E, t0 ∈ I et x ∈D(I,E). Alors

x est solution de (C, I, a, b, t0, x0) ⇐⇒ (X(t0) = x0 et ∀t ∈ I X′(t ) = AX(t )+B(t )

)Maintenant, si P est une matrice p × p à coefficients complexes, inversible, le produit matricielpermet de voir P et P−1 comme des applications linéaires continues sur E et on sait d’après lecours sur la dérivation que P−1X est dérivable sur I et

∀t ∈ I (P−1X)′(t ) = P−1X′(t )

Posons T = P−1AP, Y = P−1X et C = P−1B. On a alors

∀t ∈ I X′(t ) = AX(t )+B(t ) ⇐⇒ X′(t ) = P(TP−1X(t ))+P(P−1B(t ))

⇐⇒ (P−1X)′(t ) = T(P−1X)(t )+ (P−1B)(t )

⇐⇒ Y′(t ) = TY(t )+C(t )

La matrice A est à coefficients réels ou complexes ; il est donc possible de choisir P et T avecT triangulaire supérieure. Et si x est solution du problème de Cauchy (C(I, a, b, t0, x0)), on a enparticulier :

∀t ∈ I

y ′

1(t )− t1,1 y1(t ) = t2,2 y2(t )+·· ·+ t1,p yp (t )+ c1(t )...

y ′p−1(t )− tp−1,p−1 yp−1(t ) = tp−1,p yp (t )+ cp−1(t )

y ′p (t )− tp,p yp (t ) = cp (t )

Il est donc possible de trouver une expression des applications coordonnées y1, . . . , yp , car chacunede ces applications est solution d’une équation linéaire scalaire d’ordre 1 à coefficients constants.On commence donc par trouver yp , qui permet de calculer yp−1, etc. Une fois la fonction Y trouvée,on retrouve X puisque X = PY.

Exemple 10.2.13Prenons par exemple les applications

∀t ∈R A =2 1 −2

3 4 −102 2 −5

B(t ) = 1

t 2

et

On commence par trigonaliser A. On trouve que le polynôme caractéristique est χA =−(1−X)2 (1+X) et que

Ker(A− I) = Vect

1−1

0

Ker(A+ I) = Vect

021

A n’est pas diagonalisable, car 1 est valeur propre double mais le sous-espace associé est de dimension 1.On calcule alors

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Page 18: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

(A− I)2 =1 1 −2

3 3 −102 2 −6

1 1 −23 3 −102 2 −6

= 0 0 0−8 −8 24−4 −4 12

Ker(A− I)2 = Vect

1−1

0

,

301

et enfin A

301

=2 1 −2

3 4 −102 2 −5

301

= 4−1

1

= 1−1

0

+3

01

Donc en prenant la matrice inversible

P = 1 3 0−1 0 2

0 1 1

d’inverse P−1 =−2 −3 6

1 1 −2−1 −1 3

on a A = PTP−1 T = P−1AP avec T =1 1 0

0 1 00 0 −1

Soit X ∈D(R,C) telle que

∀t ∈R X′(t ) = AX(t )+B(t )

Alors ∀t ∈R (P−1X)′(t ) = T(P−1X(t ))+P−1B(t )

Si l’on pose Y = P−1X, on a

∀t ∈R

y ′

1(t )− y1(t ) = y2(t )−3t 2 −2+6et

y ′2(t )− y2(t ) = 1+ t 2 −2et

y ′3(t )+ y3(t ) = −1− t 2 +3et

On trouve immédiatement qu’il existe des complexes z3 et z2 tels que

∀t ∈R y3(t ) = z3 e−t + 3et

2− t 2 +2t −3

y2(t ) = z2 et −2t et − t 2 −2t −3

d’où ∀t ∈R y ′1(t )− y1(t ) = z2 et +et (−2t +6)−4t 2 −2t −5

On trouve alors qu’il existe z1 ∈C tel que

∀t ∈R y1(t ) = z1 et + z2t et + (−t 2 +6t )et +4t 2 +10t +15

Ainsi, ∀t ∈R P−1X(t ) =

z1 et + z2t et + (−t 2 +6t )et +4t 2 +10t +15

z2 et −2t et − t 2 −2t −3

z3 e−t + 3et

2− t 2 +2t −3

d’où ∀t ∈R X(t ) = P(P−1X(t )) = 1 3 0−1 0 2

0 1 1

z1 et + z2t et + (−t 2 +6t )et +4t 2 +10t +15

z2 et −2t et − t 2 −2t −3

z3 e−t + 3et

2− t 2 +2t −3

Tous calculs faits,

∀t ∈R X(t ) =

(z1 +3z2)et + z2t et − t 2 et + t 2 +4t +6

−z1 et − z2 t et +2z3 e−t + (t 2 −6t +3)et −6t 2 −6t −21

z2 et + z3 e−t +(−2t + 3

2

)et −2t 2 −6

18

Page 19: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Ainsi, on a montré que l’ensemble des applications X ∈D(R,K), telles que

∀t ∈R

x ′1(t ) = 2x1(t ) + x2(t ) − 2x3(t ) + 1

x ′2(t ) = 3x1(t ) + 4x2(t ) − 10x3(t ) + t 2

x ′3(t ) = 2x1(t ) + 2x2(t ) − 5x3(t ) + et

est E =t 7−→ z1

et

−et

0

+ z2

t et +3et

−t et

et

+ z3

02e−t

e−t

+ −t 2 et + t 2 +4t +6

(t 2 −6t +3)et −6t 2 −6t −21(−2t + 32

)et −2t 2 −6

∣∣∣ z1, z2, z3 ∈C

Remarquons qu’on a automatiquement obtenu un système fondamental de solutions de l’équation homo-gène : en posant

∀t ∈R X1(t ) = et

−et

0

X2(t ) =t et +3et

−t et

et

X3(t ) = 0

2e−t

e−t

l’ensemble des solutions du système homogène est Vect(X1,X2,X3).

La plupart des calculs dans cet exemple ont été occultés, pour simplement montrer la mé-thode. Mais en réalité, il est peu probable qu’une personne normale les fasse en moins de deuxheures : il y a une matrice à trigonaliser, une matrice de passage à inverser, des primitives à calcu-ler, encore des produits matriciels. Sans oublier de vérifier à la fin que les solutions obtenues sontcorrectes. Heureusement, cette méthode est très facile à programmer sur un ordinateur, pour quiles calculs ne posent aucun problème.

Ceci dit, il est possible de s’abstenir du calcul de la matrice de passage inverse, mais le contre-coût est de devoir implémenter une variation des constantes.

En effet, au lieu de résoudre le système différentiel complet « Y′ = TY+P−1B », on peut ré-soudre le système homogène « Y′ = TY », équivalent au système homogène « X′ = AX. » Le premierest simple à résoudre, et fournit les solutions du deuxième à l’aide de la relation X = PY. De ce fait,on trouve un système fondamental de solutions pour l’équation « X′ = AX+B » et il ne reste qu’àdéterminer une solution particulière à l’aide de la méthode de variation des constantes. Remar-quons qu’on n’a pas eu besoin de calculer P−1, ni P−1B.

Exemple 10.2.14Reprenons les notations de l’exemple précédent. Soit X ∈D(R,C) et notons Y = P−1X. On a

∀t ∈ I X′(t ) = AX(t ) ⇐⇒∀t ∈ I Y′(t ) = TY(t )

⇐⇒∀t ∈ I

y ′

1(t )− y1(t ) = y2(t )y ′

2(t )− y2(t ) = 0y ′

3(t )+ y3(t ) = 0

⇐⇒∃z1, z2, z3 ∈C ∀t ∈R

y1(t ) = z1 et + z2 t et

y2(t ) = z2 et

y3(t ) = z3 e−t

On pose alors ∀t ∈R Y1(t ) =et

00

Y2(t ) =t et

et

0

Y3(t ) = 0

0et

On vérifie immédiatement qu’il s’agit bien d’un système fondamental de solutions du système « Y′ = TY, »puisque (Y1(0),Y2(0),Y3(0)) est la base canonique de C3. On en déduit un système fondamental de solutionsdu système « X′ = AX » en posant :

19

Page 20: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

∀t ∈R X1(t ) = PY1(t ) = et

−et

0

X2(t ) = PY2(t ) =(3+ t )et

−t et

et

X3(t ) = PY3(t ) = 0

2e−t

e−t

Jusque là, les calculs étaient minimaux. C’est pour résoudre l’équation complète que les difficultés com-mencent. Commençons par calculer le Wronskien W de ce système ; le calcul de déterminant est inutilepuisqu’on sait que

∀t ∈R W′(t ) = (TrA)W(t ) = W(t )

donc ∀t ∈R W′(t ) = W(0)et = et

Soit X ∈D(I,C) telle que

∀t ∈R X′(t ) = AX(t )+B(t )

Comme démontré dans le paragraphe sur la méthode de variation des constantes, on sait qu’il existe troisfonctions complexes dérivables λ1, λ2 et λ3 telles que

∀t ∈R X(t ) = λ1(t )X1(t )+λ2(t )X2(t )+λ3(t )X3(t )

D’une part, ∀t ∈R X′(t ) =3∑

i=1λ′i (t )Xi (t )+

3∑i=1

λi (t )X′i (t )

d’autre part ∀t ∈R X′(t ) = AX(t )+B(t ) =3∑

i=1λi AXi (t ) =

3∑i=1

λi X′i (t )+B(t )

d’où ∀t ∈ I3∑

i=1λ′i (t )Xi (t ) = B(t )

On trouve λ′1, λ′2 et λ′3 à l’aide des formules de Cramer, par exemple :

∀t ∈ I λ′1(t ) = det(B(t ),X2(t ),X3(t ))

W(t )= 6+2t − (2+ t +3t 2 + t 3)e−t

λ′2(t ) = det(X1(t ),B(t ),X3(t ))

W(t )=−2+ (t 2 +1)e−t

λ′3(t ) = det(X1(t ),X2(t ),B(t ))

W(t )= 3e2t − (t 2 +1)et

Il suffit de trouver une primitive quelconque de chacune de ces trois fonctions pour trouver une solutionparticulière du système. Pour primitiver rapidement ces fonctions, on peut considérer l’endomorphisme dedérivation sur l’espace dont une base est formée des vecteurs (e0, . . . ,e3) avec

∀i ∈ [[0 ; 3]] ei : t 7−→ t i e−t

La matrice D de la dérivation, et son inverse, se calculent aisément dans cette base :

D =

−1 1 0 0

0 −1 2 00 0 −1 30 0 0 −1

D−1 =

−1 −1 −2 −6

0 −1 −2 −60 0 −1 −30 0 0 −1

d’où une solution particulière X0 de notre système :

∀t ∈R X0(t ) = [6t+t 2+(12+13t+6t 2+t 3)e−t

]X1(t )−[

2t+(3+2t+t 2)]

e−t X2(t )+[3

2e2t−(t 2−2t+3)et

]X3(t )

{X ∈D(R,C) | X′ = AX+B} = X0 +Vect(X1,X2,X3)

20

Page 21: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Si vous avez essayé vous-même de faire les calculs, vous aurez constaté que la deuxième méthodeest nettement plus rapide, sur cet exemple.

Évidemment, la résolution est encore plus simple si la matrice A (ou l’endomorphisme a) estdiagonalisable.

10.3 Équations linéaires scalaires

Les équations linéaires scalaires sont les équations différentielles faisant intervenir plusieursdérivées successives d’une même fonction inconnue à valeurs scalaires. Plus précisément :

Définition 10.3.1Soient n ∈N? et a0, . . . , an−1,b ∈C (I,K). On se donne t0 ∈ I et x0, . . . , xn−1 ∈K. On appelle solutiondu problème de Cauchy scalairey (n) +

n−1∑k=0

ak y (k) = b

y(t0) = x0, . . . , y (n−1)(t0) = xn−1

(C(I, (ai )06i6n−1, b, t0, (xi )06i6n−1))

toute application x ∈Dn(I,K) telle que∀t ∈ I x(n)(t )+n−1∑k=0

ak (t ) x(k)(t ) = b(t )

∀i ∈ [[0 ; n −1]] x(i )(t0) = xi

On appelle solution du problème de Cauchy scalaire homogène associé

y (n) +n−1∑k=0

ak y (k) = 0 (Ch(I, (ai )06i6n−1))

toute application x ∈Dn(I,K) telle que

∀t ∈ I x(n)(t )+n−1∑k=0

ak (t ) x(k)(t ) = 0

Une équation scalaire d’ordre n peut se ramener à un système linéaire vectoriel de la manièresuivante :

Proposition 10.3.2Soient n ∈N?, a0, . . . , an−1,b ∈C (I,K). On se donne t0 ∈ I, x0, . . . , xn−1 ∈K et x ∈Dn(I,K). On définit :

X0 =

x0...

xn−1

∈Kn A =

0 1

. . .1

−a0 −a1 · · · −an−1

∈C (I,Mn(K))

B =

0...0b

∈C (I,Kn) X =

xx ′...

x(n−1)

∈D(I,Kn)

Alors

21

Page 22: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

• x est solution du problème du Cauchy (C(I, (ai )06i6n−1, b, t0, (xi )06i6n−1)) si, et seulement si,X est solution du problème de Cauchy (C(I, A, B, t0, X0)).

• x est solution du problème de Cauchy homogène associé (Ch(I, (ai )06i6n−1)) si, et seulementsi, X est solution du problème de Cauchy homogène (Ch(I, A)).

La vérification est immédiate et ne nécessite pas de démonstration. On en déduit immédiatement

Théorème 10.3.3Soient n ∈N?, a0, . . . , an−1,b ∈C (I,K). On se donne t0 ∈ I et x0, . . . , xn−1 ∈K. Le problème de Cauchy(C(I, (ai )06i6n−1, b, t0, (xi )06i6n−1)) admet une unique solution.

De plus, si on note

S (I, (ai )06i6n−1,b) ={

x ∈Dn(I,K) | ∀t ∈ I x(n)(t )+n−1∑k=0

ak (t ) x(k)(t ) = b(t )}

et Sh(I, (ai )06i6n−1) ={

x ∈Dn(I,K) | ∀t ∈ I x(n)(t )+n−1∑k=0

ak (t ) x(k)(t ) = 0}

alors• L’application S (I, (ai )06i6n−1,b) −→Kn

x 7−→

x(t0)...

x(n−1)(t0)

est bijective.

• L’application Sh(I, (ai )06i6n−1) −→Kn

x 7−→

x(t0)...

x(n−1)(t0)

est un isomorphisme d’espaces vectoriels.

En particulier, l’ensemble des solutions du problème de Cauchy homogène (Ch(I, (ai )06i6n−1)) estun K-espace vectoriel de dimension n.

La correspondance entre une équation linéaire scalaire et son système associé motivent aussila définition suivante :

Définition 10.3.4 (Système fondamental de solutions d’une équation scalaire homogène)Soient a0, . . . , an−1 ∈C (I,K). On appelle système fondamental de solutions du problème de Cauchyhomogène (Ch(I, (ai )06i6n−1)) toute base de l’espace vectoriel Sh(I, (ai )06i6n−1).

Si (x1, . . . , xn) est une famille de solutions de ce problème de Cauchy, on appelle Wronskien dela famille (x1, . . . , xn) l’application

Wx1,...,xn : I −→ K

t 7−→

∣∣∣∣∣∣∣x(0)

1 (t ) · · · x(0)n (t )

......

x(n−1)1 (t ) · · · x(n−1)

n (t )

∣∣∣∣∣∣∣Compte tenu de cette définition et des propositions 3.2, 2.11 et 2.12, il vient tout de suite

Théorème 10.3.5Soient a0, . . . , an−1 ∈ C (I,K) et x1, . . . , xn des solutions du problème de Cauchy scalaire homogène

22

Page 23: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

(Ch(I, (ai )06i6n−1)). On note

∀i ∈ [[1 ; n ]] Xi =

x(0)i...

x(n−1)i

∈D(I,Kn)

Les assertions suivantes sont équivalentes :

1. (x1, . . . , xn) est un système fondamental ;

2. il existe t ∈ I tel que (X1(t ), . . . ,Xn(t )) est une base de Kn ;

3. pour tout t ∈ I, (X1(t ), . . . ,Xn(t )) est une base de Kn ;

4. Wx1,...,xn n’est pas la fonction nulle ;

5. Wx1,...,xn ne s’annule pas sur I.

Enfin, ∀t0, t ∈ I Wx1,...,xn (t ) = Wx1,...,xn (t0)exp

(−

∫ t

t0

an−1(s)ds

)On a aussi une méthode de variation des constantes pour résoudre les équations scalaires

d’ordre n. Décrivons rapidement comment les calculs se simplifient dans ce cas particulier. Onsuppose avoir trouvé un système fondamental (x1, . . . , xn) de solutions du problème de Cauchyscalaire homogène (C(I, (ai )06i6n−1)). On se donne b ∈ C (I,K) et une fonction x ∈ D(I,K) telleque

∀t ∈ I x(n)(t )+n−1∑k=0

ak (t ) x(k)(t ) = b(t )

On reprend les notations des propositions 3.2 et 3.5. Pour chaque t ∈ I, la famille (X1(t ), . . . ,Xn(t ))est une base de Kn donc le vecteur X(t ) peut s’y décomposer : il existe des scalaires λ1(t ), . . . ,λn(t )tels que

X(t ) =n∑

k=1λk (t )Xk (t )

et ceux-ci sont donnés par les formules de Cramer

∀k ∈ [[1 ; n ]] λk (t ) = det(X1(t ), . . . ,Xk−1(t ),X(t ),Xk+1(t ), . . . ,Xn(t ))

det(X1(t ), . . . ,Xn(t ))

= det(X1(t ), . . . ,Xk−1(t ),X(t ),Xk+1(t ), . . . ,Xn(t ))

Wx1,...,xn (t )

Comme le Wronskien est dérivable et ne s’annule pas, les fonctions λ1, . . . ,λn sont dérivables sur Iet l’on peut donc écrire

∀t ∈ I X′(t ) =n∑

k=1λ′k (t )Xk (t )+

n∑k=1

λk (t ) X′k (t )︸ ︷︷ ︸

=A(t )Xk (t )

=n∑

k=1λ′k (t )Xk (t )+A(t )

( n∑k=1

λk (t )Xk (t )︸ ︷︷ ︸=X(t )

)

X′(t )−A(t )X(t ) =n∑

k=1λ′k (t )Xk (t )

B(t ) =n∑

k=1λ′k (t )Xk (t )

23

Page 24: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Autrement dit, ∀t ∈ I

0...0

b(t )

=

n∑k=1

λ′k (t ) x(0)k (t )

...n∑

k=1λ′k (t ) x(n−2)

k (t )

n∑k=1

λ′k (t ) x(n−1)k (t )

Il « suffit » donc de résoudre ce système pour chaque t ∈ I, pour en déduire une expression explicitedes (λ′k )16k6n , et on en cherche une primitive. Simple, non ?

10.4 Résolution pratique

La théorie précédente est belle et bonne. Mais elle repose entièrement sur la possibilité derésoudre une équation (scalaire ou vectorielle) homogène pour obtenir un système fondamentalde solutions.

Il a déjà été expliqué comment procéder lorsqu’on a un système différentiel à coefficientsconstants, où la possibilité de trigonaliser l’endomorphisme a permet de se ramener à des équa-tions scalaire d’ordre 1.

Mais il faut accepter un fait : il n’y a pas de méthode générale de résolution d’une équationhomogène. Au pire, on ne peut pas trouver de solution explicite ; au mieux, on peut essayer dedeviner la forme d’une solution et par chance réussir à trouver un système fondamental. Et il y atous les cas intermédiaires, qui font appel aux outils précédemment étudiés (en particulier, sériesde Fourier ou séries entières, Wronskien).

Voyons donc quelques exemples.

Exemple 10.4.1 (Méthode du Wronskien)Recherchons toutes les applications y ∈D2(I,R) telles que

∀t ∈]− π

2;π

2

[y ′′(t )− tan t y ′(t )+2y(t ) = 0

On note Sh l’ensemble de toutes ces applications. Les fonctions t 7−→ − tan t et t 7−→ 2 sont continues sur]− π

2 ; π2 [ donc la théorie précédente s’applique : Sh est un R-espace vectoriel de dimension 2.Il est possible de vérifier que la fonction

x1 :]− π

2;π

2

[−→ R

t 7−→ sin t

est élément de Sh et que x1(0) = 0 et x ′1(0) = 1. On peut alors chercher l’unique élément x2 de Sh tel que

x2(0) = 1 et x ′2(0) = 0. On a alors

Wx1,x2 (0) =∣∣∣∣x1(0) x2(0)x ′

1(0) x ′2(0)

∣∣∣∣= ∣∣∣∣0 11 0

∣∣∣∣=−1

On sait aussi que Wx1,x2 est donné par

∀t ∈]− π

2;π

2

[Wx1,x2 (t ) = Wx1,x2 (0)exp

(∫ t

0tan s ds

)=−exp

(ln

1

|cos t | − ln1

|cos0|)=− 1

cos t

Mais on a aussi ∀t ∈]− π

2;π

2

[Wx1,x2 (t ) =

∣∣∣∣x1(t ) x2(t )x ′

1(t ) x ′2(t )

∣∣∣∣= x1(t ) x ′2(t )−x2(t ) x ′

1(t )

24

Page 25: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

On reconnaît là ce qui ressemble à la dérivée de x2x1

, mais il faut prendre des précautions puisque x1 s’annuleen 0. En tout cas,

∀t ∈]− π

2;π

2

[\ {0} x1(t )2

( x2

x1

)′(t ) = − 1

cos t( x2

x1

)′(t ) = − 1

cos t sin2 =−cos2 t + sin2 t

cos t sin2 t=− 1

cos t− cos t

sin2 t

Trouver des primitives de ces fonctions est une simple question de calcul. Et on trouve donc qu’il existe K−et K+ dans R tels que

∀t ∈]− π

2; 0

[ x2(t )

x1(t )= − lntan

( t

2+ π

4

)+ 1

sin t+K−

∀t ∈]

0;π

2

[ x2(t )

x1(t )= − lntan

( t

2+ π

4

)+ 1

sin t+K+

d’où ∀t ∈]− π

2; 0

[x2(t ) = −sin t lntan

( t

2+ π

4

)+1+K− sin t

∀t ∈]

0;π

2

[x2(t ) = −sin t lntan

( t

2+ π

4

)+1+K+ sin t

En utilisant le fait qu’on souhaite que x2(0) = 1 et x ′2(0) = 0, on trouve que K− et K+ valent 0. De ce fait,

∀t ∈]− π

2;π

2

[x2(t ) =−sin t lntan

( t

2+ π

4

)+1

(x1, x2) est un système fondamental de solutions de l’équation différentielle

« y ′′(t )− tan t y ′(t )+2y(t ) = 0 » dans]− π

2;π

2

[.

Le fait d’avoir trouvé « par chance » la solution x1, et la connaissance du Wronskien, ont permis detrouver une deuxième solution x2 et de constituer un système fondamental de solutions.

Notons que la décision de chercher ce x2 très précis, qui est tel que x2(0) = 1 et x ′2(0) = 0 nous permet

maintenant de résoudre notre équation différentielle pour n’importe quelle condition initiale. En effet, étantdonnés α,β ∈R, cherchons l’unique application x deux fois dérivable dans

]− π2 ; π2

[, telle que∀t ∈

]− π

2;π

2

[x ′′(t )− tan t x ′(t )+2x(t ) = 0

x(0) = α x ′(0) = β

Parce que

{x1(0) = 0x ′

1(0) = 1et

{x2(0) = 1x ′

2(0) = 0

on vérifie immédiatement que αx2 +βx1 répond à la question. Par unicité, on a x = αx2 +βx1.

Soient α et β deux nombres réels. L’unique fonction x, deux fois dérivable sur ]− π2 ; π2 [ telle que∀t ∈

]− π

2;π

2

[x ′′(t )− tan t x ′(t )+2x(t ) = 0

x(0) = α x ′(0) = β

est x :]− π

2;π

2

[−→ R

t 7−→ α(1− sin t lntan

( t

2+ π

4

))+β sin t

25

Page 26: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Exemple 10.4.2 (Méthode d’abaissement de l’ordre)Cette méthode est très proche de la précédente. On reprend les mêmes notations que dans l’exemple justefait et on cherche toujours notre x2, défini par{

∀t ∈]− π

2;π

2

[x ′′

2 (t )− tan t x ′2(t )+2x2(t ) = 0

x2(0) = 1 x ′2(0) = 1

La fonction x1 ne s’annule pas dans chacun des intervalles ]− π2 ; 0[ et ]0; π2 [ donc on peut poser

∀t ∈]− π

2;π

2

[\ {0} λ(t ) = x2(t )

x1(t )

de sorte que λ est deux fois dérivable partout sauf en 0 et

∀t ∈]− π

2;π

2

[\ {0} x2(t ) = λ(t ) x1(t )

Alors ∀t ∈]− π

2;π

2

[\ {0} x2(t ) = λ(t ) x1(t )

x ′2(t ) = λ(t ) x ′

1(t )+λ′(t ) x1(t )

x ′′2 (t ) = λ(t ) x ′′

1 (t )+2λ′(t ) x ′1(t )+λ′′(t ) x1(t )

D’où, parce que x2 et x1 sont solutions de notre équation différentielle :

∀t ∈]− π

2;π

2

[\ {0} (2x ′

1(t )− tan t x1(t ))λ′(t )+λ′′(t ) x1(t ) = 0

(2cos t − tan t sin t )λ′(t )+λ′′(t ) sin t = 0( 2

tan t− tan t

)λ′(t )+λ′′(t ) = 0

Ainsi λ′ est solution d’une équation différentielle d’ordre 1 sur chacun des intervalles ]− π2 ; 0[ et ]0 ; π2 [. On

la résoud : il existe des réels K− et K+ tels que

∀t ∈]− π

2; 0

[λ′(t ) = K−

sin2 t cos t= K−

( 1

cos t+ cos t

sin2 t

)∀t ∈

]0;π

2

[λ′(t ) = K+

sin2 t cos t= K+

( 1

cos t+ cos t

sin2 t

)ce qui permet ensuite de trouver λ : il existe deux réels L− et L+ tels que

∀t ∈]− π

2; 0

[λ(t ) = K− lntan

( x

2+ π

4

)− K−

sin t+L−

∀t ∈]

0;π

2

[λ(t ) = K+ lntan

( x

2+ π

4

)− K+

sin t+L+

Et puisque x2 = λx1, il vient

∀t ∈]− π

2; 0

[x2(t ) = K− sin t lntan

( t

2+ π

4

)−K−+L− sin t

∀t ∈]

0;π

2

[x2(t ) = K+ sin t lntan

( t

2+ π

4

)−K++L+ sin t

Ensuite, limt→0− x2(t ) =−K− lim

t→0+ x2(t ) =−K+

tandis que x2(0) = 1 et x2 est continue en 0. D’où K+ = K− =−1 :

∀t ∈]− π

2; 0

[x2(t ) = 1− sin t lntan

( t

2+ π

4

)+L− sin t

∀t ∈]

0;π

2

[x2(t ) = 1− sin t lntan

( t

2+ π

4

)+L− sin t

26

Page 27: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

Ces relations peuvent être prolongées en 0 par continuité. Et comme on veut que x ′2(0) = 0, on trouve alors

L− = L+ = 0. Finalement :

∀t ∈]− π

2;π

2

[x2(t ) = 1− sin t lntan

( t

2+ π

4

)On obtient évidemment la même expression que dans l’exemple précédent, ce qui n’est pas étonnant parcequ’on recherchait la même fonction.

Ces deux méthodes fonctionnent très bien pour les équations linéaires d’ordre 2. Mais ellespeuvent être généralisées aux équations d’ordre supérieur ; en général, si on connaît n − 1 solu-tions linéairement indépendantes au problème de Cauchy homogène, on peut trouver la dernièrepar l’une de ces deux méthodes. Cela nous amènera à résoudre une équation d’ordre n −1. C’estridicule dès que n> 3.

Une autre méthode consiste à rechercher une solution développable en série entière. Si le cal-cul aboutit, dans le pire des cas on a une ou plusieurs solutions sous forme de somme d’une série ;ce n’est pas idéal, mais au moins est-on capable de calculer numériquement les valeurs de nos so-lutions : on est content, un peu, mais pas trop. Dans le meilleur des cas, on reconnaît une fonctionusuelle et on est vraiment content.

Exemple 10.4.3 (Utilisation d’un développement en série entière)On est confronté à l’équation différentielle « x(x −1)y ′′+3x y ′+ y = 0. » Remarquons que le problème, telqu’il est posé, est mal posé puisqu’on ne dit pas où l’on doit la résoudre, ni ce que l’on cherche exactement.C’est à nous d’étudier toutes les situations possibles.

On suppose qu’il existe une fonction f , égale à la somme d’une série entière dans un intervalle ]− r ; r [,telle que

∀x ∈]− r ; r [ x(x −1) f ′′(x)+3x f ′(x)+ f (x) = 0

Soient (an)n∈N les coefficients de ce développement, de sorte que

∀x ∈]− r ; r [ f (x) =∞∑

n=0an xn

La somme d’une série entière se dérive terme-à-terme dans son intervalle de convergence et l’on a donc

∀x ∈]− r ; r [ f ′(x) =∞∑

n=1n an xn−1 =

∞∑n=0

(n +1) an+1 xn

f ′′(x) =∞∑

n=2n(n −1) an xn−2 =

∞∑n=0

(n +1)(n +2) an+2 xn

Après regroupement des termes, on obtient :

∀x ∈]− r ; r [ 0 = x(x −1) f ′′(x)+3x f ′(x)+ f (x) = a0 + (4a1 −2a2)+∞∑

n=2

[(n +1)2 an −n(n +1) an+1

]xn

Par unicité des coefficients du développement en série entière de la fonction nulle, on a a0 = 0, a2 = 2a1 et

∀n> 2 an+1 = n +1

nan

Cette relation est aussi satisfaite pour n = 1 puisque a2 = 2a1 = 1+11 a1 donc

∀n> 1an+1

n +1= an

n

et ∀n> 1 an = n a1

La série entière ((nXn))n>1 a un rayon de convergence 1 donc r 6 1 et

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Page 28: Chapitre 10 Équations Différentielles Linéaires

Mathématiques Spéciales ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES LINÉAIRES

∀x ∈]− r r [ f (x) = a1

∞∑n=1

n xn = a1 x∞∑

n=1n xn−1 = a1 x

(1−x)2

On vérifie par le calcul que, réciproquement, si l’on pose

∀x ∈R\ {1} y1(x) = x

(1−x)2

alors ∀x ∈R\ {1} x(1−x) y ′′1 (x)+3x y ′

1(x)+ y1(x) = 0

On peut ensuite appliquer la méthode du Wronskien, par exemple, pour obtenir un système fondamen-tal de solutions sur chacun des intervalles ]−∞ ; 0[, ]0 ; 1[ et ]1; +∞[.

En effet, notons I l’un de ces trois intervalles. Soit y une deuxième solution de l’équation sur I. On sait

∀x ∈ I W′y1,y (x) =− 3x

x(x −1)Wy1,y (x) =− 3

x −1Wy1,y (x)

Il existe alors K ∈K tel que

∀x ∈ I Wy1,y (x) = K

(x −1)3

D’autre part, ∀x ∈ I Wy1,y (x) = y1(x) y ′(x)− y(x) y ′1(x) = y1(x)2

( y

y1

)′(x)

d’où ∀x ∈ I( y

y1

)′(x) = Wy1,y (x)

y1(x)2 = K

(x −1)3

(x −1)4

x2 = K( 1

x− 1

x2

)Remarquons que ce calcul est rendu possible parce que y1 ne s’annule pas sur I. On en déduit qu’il existeL ∈K tel que

∀x ∈ Iy(x)

y1(x)= K

(ln |x|+ 1

x

)+L

et finalement ∀x ∈ I y(x) = K(

ln |x|+ 1

x

) x

(x −1)2 + Lx

(x −1)2

Il est facile de vérifier (calcul) que toute fonction de cette forme est solution sur I de l’équation. D’où

S (I) = I −→K

x 7−→ Kx +L(1+x ln |x|)(x −1)2

∣∣∣ K,L ∈K

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