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CHAPITRE 12 (ITEM 335) BRÛLURES OCULAIRES Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France (COUF) 2021 Pr H. Merle- CHU Fort-de-France Bordure grise : objectifs A (connaissances fondamentales) Bordure bleue : objectifs B Bordure verte : objectifs C

Chapitre 12 2021 - C.O.U.F

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CHAPITRE 12 (ITEM 335)

BRÛLURES OCULAIRES

Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France (COUF)

2021

Pr H. Merle- CHU Fort-de-France

Bordure grise : objectifs A (connaissances fondamentales) Bordure bleue : objectifs B Bordure verte : objectifs C

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TABLE DES MATIERES

I. Circonstances de survenue ................................................................................................ 4

II. Brûlures thermiques, acides et basiques ............................................................................ 4 A. Brûlures thermiques ................................................................................................................... 4 B. Brûlures acides ........................................................................................................................... 4 C. Brûlures basiques ....................................................................................................................... 5

III. Évaluation et classification des lésions ............................................................................. 7

IV. Traitement d’urgence ..................................................................................................... 7

V. Formes particulières ........................................................................................................ 8 A. Les brûlures liées au froid ............................................................................................................ 8 B. Les brûlures par les radiations ..................................................................................................... 8

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HIÉRARCHISATION DES CONNAISSANCES Rang Rubrique Intitulé

A Identifier une urgence Identifier les urgences vitales et fonctionnelles du traumatisé facial

A Diagnostic positif Connaître les éléments de l'interrogatoire et de l'examen clinique à réaliser dans le cadre d'un traumatisme facial

A Examens complémentaires Connaitre les examens à réaliser en première intention dans le cadre d’un traumatisme facial en fonction des orientations diagnostiques

A Identifier une urgence Connaître les critères de gravité d'un traumatisme facial

B Diagnostic positif Connaître les déclarations obligatoires pour un patient victime d'une morsure animale

B Prise en charge Connaître les principes thérapeutiques des plaies de la face (morsures incluses)

A Diagnostic positif Connaître le traumatisme dentaire nécessitant une prise en charge urgente (ie.luxation dentaire)

B Définition Définition de la fracture de la mandibule

A Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures de mandibule (pour l'ensemble des fractures, condyle inclus)

B Suivi et/ou pronostic Connaître le risque d'ankylose articulaire après fracture du condyme

A Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser dans le cadre d'une fracture de mandibule

B Contenu multimédia Scanner d'une fracture de mandibule (coupes ou reconstruction)

B Définition Définition d’une fracture du zygoma

B Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures du zygoma

B Suivi et/ou pronostic Connaître les complications des fractures du zygoma

B Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser dans le cadre d'une fracture du zygoma

B Définition Définition d'une fracture du plancher de l'orbite

A Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures du plancher de l'orbite

A Identifier une urgence Reconnaître les critères d'incarcération musculaire dans une fracture du plancher de l'orbite

A Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser en urgence dans le cadre d'une fracture du plancher de l'orbite

B Contenu multimédia Scanner d'une fracture du plancher de l'orbite

B Prise en charge Connaître les principes du traitement d'une fracture du plancher de l'orbite avec incarcération musculaire

A Diagnostic positif Connaître les signes cliniques présents dans les fractures des os nasaux

B Suivi et/ou pronostic Connaître critères de gravite d'une fracture des os nasaux (hématome cloison, epistaxis)

B Définition Définition des fractures de Le Fort

B Diagnostic positif Connaître les signes cliniques communs et spécifiques des différents types des fractures de Le Fort

B Identifier une urgence Connaître des risques fonctionnels et vitaux des fractures de Le Fort

A Identifier une urgence Connaître les éléments cliniques d'une brèche cérébro-spinale dans le cadre d'un traumatisme facial

B Examens complémentaires Connaître les examens à réaliser dans le cadre d'une fracture de Le FORT

A Définition Connaître les différents traumatismes crâniens de l’enfant

A Identifier une urgence Traumatismes crâniens de l’enfant : évaluation de la gravité et des complications précoces

Les brûlures oculaires appartiennent aux véritables urgences en Ophtalmologie. Elles nécessitent une prise en charge immédiate, qui comporte notamment la réalisation du lavage oculaire. Souvent bilatérales, les brûlures surviennent en règle chez des sujets jeunes et de sexe masculin.

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I. Circonstances de survenue Les principales circonstances de survenue sont : les accidents de travail (70 %), domestiques ou de loisirs (25 %) et les agressions avec comme objectif de défigurer et d’aveugler (5 %). Avec plus de 25 000 produits chimiques susceptibles d’être à l’origine de brûlures, les lésions oculaires chimiques sont de loin les plus fréquentes (85 %) et préoccupantes. Leur gravité dépend de l’agent causal, le plus souvent de nature oxydante, réductrice ou corrosive. Elles sont parfois redoutables car malgré un traitement bien conduit elles peuvent aboutir à la perte fonctionnelle, voire anatomique du globe oculaire. Les brûlures thermiques ou par radiations s’accompagnent de lésions le plus souvent superficielles. Confondues avec des bonbons ou des jouets, les capsules de lessive liquide ou en poudre pour lave-vaisselle ou machine à laver sont les plus fréquemment impliquées chez les enfants âgés de moins de 5 ans.

II. Brûlures thermiques, acides et basiques

A. Brûlures thermiques

L’atteinte oculaire observée au cours des brûlures thermiques est rare, entre 1 et 5 %. Il s’agit le plus souvent de brûlures par flammes ou liquides chauds qui se produisent dans le cadre d’un accident domestique. Grâce à la vitesse du clignement et au phénomène de Charles Bell, le globe oculaire est protégé et les brûlures par flammes se limitent aux cils, sourcils et paupières (fig. 12.1). Cependant, on peut observer dans l’aire de la fente palpébrale une ulcération de la cornée et de la conjonctive. Dans les brûlures par contact, les solides qui retiennent la chaleur (cendres de cigarettes, poudre à canon…) et les corps à point de fusion élevée (fer 1200 °C, verre 1500 °C) provoquent des lésions profondes conduisant parfois à la perte du globe oculaire. Les lésions oculaires les plus graves sont constatées chez des patients qui présentent des brûlures cutanées du 3e degré ou qui sont victimes d’accidents liés aux artifices de divertissement.

Fig. 12.1 : Brûlure par flammes.

Brûlure cutanée du deuxième degré superficiel de la totalité de la face. Les paupières, les cils et les sourcils sont brûlés. Grâce à la vitesse du clignement et au phénomène de Charles Bell, les globes oculaires ont été épargnés.

B. Brûlures acides

Les acides pénètrent moins rapidement les structures oculaires que les bases. Les protons (H+) précipitent et dénaturent les protéines. Les cellules superficielles ainsi que la matrice extracellulaire sont détruites. La coagulation superficielle ainsi créée va limiter la pénétration plus profonde de l’acide dans la cornée. Après avoir retiré l’épithélium nécrotique, le stroma sous-jacent peut parfois apparaître parfaitement transparent (fig. 12.2).

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Cependant, les lésions occasionnées par les acides forts sont superposables à celles constatées avec les bases car en dessous d’un pH de 2.5 les lésions sont profondes et nécrosantes. Parmi les acides, l’acide sulfurique ou vitriol (H2SO4) est responsable des accidents les plus graves.

Fig. 12.2 : Brûlure par acide fort.

Destruction complète de l’épithélium cornéen, enroulé en inférieur. Le stroma cornéen est transparent et la région limbique non ischémique.

C. Brûlures basiques

Les bases sont le plus fréquemment impliqué (2/3 des cas), parmi lesquelles : l’ammoniaque (NH3), l’eau de Javel (hypochlorite de sodium), la soude (NaOH)… Les particules de soude ou de chaux sont très adhérentes à la conjonctive, fournissant ainsi un réservoir de produit toxique. Les bases pénètrent le plus rapidement et profondément les milieux oculaires. L’anion saponifie les acides gras des membranes cellulaires et provoquent la mort des cellules épithéliales instantanément. Le cation, en réagissant avec le groupe carboxyl du collagène et des glycosaminoglycanes de la matrice extracellulaire, facilite la pénétration intraoculaire de la base. Outre les lésions de la cornée, en fonction de l’importance de la pénétration, l’iris, l’angle irido-cornéen, le corps ciliaire et le cristallin peuvent être atteints. La destruction totale du globe oculaire est possible (fig. 12.3 à 12.6).

Fig. 12.3 : Brûlure par base forte (détergent ménager contenant de la soude).

Ulcération au centre de la cornée (retenant la fluorescéine) occupant la moitié de sa surface. Œdème cornéen et plis desmétiques. Iris et pupille non visibles. Atteinte limbique entre 3 et 6 tranches horaires.

Stade 3 de la classification de Roper-Hall.

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Fig. 12.4 : Brûlure par base forte (détergent ménager contenant de la soude).

Œdème cornéen et nombreux plis de la membrane de Descemet.

Fig. 12.5 : Brûlure par base forte, déficience totale en cellules souches limbiques.

Opacification du stroma cornéen, ulcération chronique et stérile, néovascularisation circonférentielle.

Fig. 12.6 : Brûlure par base forte, aspect cicatriciel.

Opacification cornéenne totale, symblépharons supérieurs et inférieurs à l’origine d’une disparition complète du fornix conjonctival supérieur et inférieur.

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III. Évaluation et classification des lésions La symptomatologie fonctionnelle peut être très expressive (diminution de l’acuité visuelle, photophobie, larmoiement…) et la douleur importante. L’instillation d’un collyre anesthésique contribue à diminuer la douleur et le spasme des paupières. L’œil est le plus souvent rouge en rapport avec une hyperhémie diffuse de la conjonctive, des hémorragies ponctiformes situées autour du limbe, des hémorragies sous conjonctivales, un cercle périkératique ou un chémosis hémorragique. Les brûlures peu importantes se limitent à une kératite ponctuée superficielle (KPS) située dans l’aire d’ouverture des paupières ou à une ulcération plus étendue de l’épithélium cornéen. Outre la destruction de l’épithélium, les brûlures sévères de la cornée comportent des plis de la membrane de Descemet et un œdème prenant au maximum l’aspect de porcelaine qui empêche la visualisation de l’iris et du cristallin. Une atteinte plus importante se caractérise également par l’existence d’ulcérations, de zones d’ischémie ou de nécrose de la région limbique ou de la conjonctive bulbaire. Les territoires ischémiques apparaissent blancs et œdémateux. La classification la plus utilisée est celle de Hughes modifiée par Roper-Hall (tableau 12.1). Elle compte 4 stades de gravité croissante, et repose sur l’importance de l’opacité stromale et sur l’étendue d’une éventuelle ischémie limbique.

Tableau 12.1 : Classification pronostique de Roper-Hall.

Stade Pronostic Atteinte cornéenne Ischémie limbique (% circonférence limbique)

1 Excellent Atteinte épithéliale, absence d’opacité cornéenne

0

2 Bon Cornée œdémateuse mais iris visible < 33 %

3 Réservé Perte totale de l’épithélium cornéen, oedème stromal gênant la visualisation des détails de l’iris

33 % - 50 %

4 Mauvais Cornée opaque, iris et pupille non visibles > 50 %

IV. Traitement d’urgence L’examen clinique initial doit rapidement conduire aux premières mesures thérapeutiques en particulier à la réalisation du lavage oculaire (vidéo 5). De sa précocité et qualité dépend le devenir de la brûlure car le lavage influence de façon décisive l’évolution et le pronostic de la brûlure oculaire. Il sera facilité par l’instillation préalable d’un collyre anesthésique. L’anesthésie générale peut-être nécessaire chez l’enfant. L’utilisation d’une tubulure à perfusion maintenue à environ 10 centimètres du globe oculaire est la plus adaptée. Il faut éverser les 2 paupières et rincer abondamment les culs de sacs conjonctivaux. Le lavage doit durer 15 à 30 minutes avec environ 1,5 litre de solution. Le pH de la surface oculaire peut-être mesuré à l’aide d’une bandelette indicatrice et le lavage sera poursuivi jusqu’à la normalisation (7,4) du pH (fig. 12.7). L’utilisation de solutions iso ou hypertoniques amphotères est préférable à l’eau. Dans certains cas (projection de base), le lavage des voies lacrymales excrétrices pourra être associé (vidéo 6). Le lavage doit également être effectué en cas de brûlures thermiques car il contribue à diminuer la température à la surface du globe oculaire. Le traitement médical instauré en urgence a comme objectif de contrôler la réaction inflammatoire (corticoïdes locaux) et de favoriser la cicatrisation (larmes artificielles, vitamines C, tétracyclines...).

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Fig. 12.7 : Pratique du lavage oculaire.

Le patient est allongé. Un haricot en carton à usage unique est disposé du côté de l’œil à irriguer. Une goutte d’un collyre anesthésique est instillée. Une mesure du pH est réalisée à l’aide d’une bandelette indicatrice. Une tubulure à perfusion est

maintenue à environ 10 centimètres du globe oculaire.

V. Formes particulières

A. Les brûlures liées au froid

Les brûlures dues au froid surviennent lors d’exposition à des températures très basses dont l’effet est accentué par le vent puissant : accidents en haute montagne, pratique des sports par basse température (ski, course à pieds…), parachutisme. Les lésions siègent dans l’aire de la fente palpébrale. Elles peuvent revêtir l’aspect d’une simple abrasion épithéliale, d’une ulcération, d’un œdème ou d’une véritable gélation de la cornée.

B. Les brûlures par les radiations

Les brûlures par les rayons ultraviolets (400-280 nm) sont les plus fréquentes. Les sources d’émission sont variées : exposition solaire prolongée lorsque les rayons sont fortement réfléchis (neige, mer, désert), soudure à l’arc, lampes désinfectantes ou bronzantes. Les rayons ultraviolets sont presque totalement absorbés par la cornée où ils entraînent le détachement des cellules épithéliales et un œdème stromal. Environ 12 heures après l’exposition surviennent des douleurs, un blépharospasme, un larmoiement et une photophobie. On constate l’existence d’une KPS et une hyperhémie de la conjonctive. La guérison survient en 48 heures et est facilitée par l’occlusion. Les brûlures par les rayons infrarouges (700-3000 nm) (explosions, éclipses solaires…) se limitent pour la cornée à une KPS, mais peuvent provoquer une cataracte ou une choriorétinite.

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SITUATIONS CLINIQUES Une brûlure oculaire peut être évoquée dans les situations cliniques suivantes : • 138 – anomalie de la vision : La diminution de l’acuité visuelle est variable : de la simple vision floue à une fonction visuelle réduite à une perception lumineuse. • 139 – anomalies palpébrales : Œdème, brûlures cutanées palpébrales et spasme des paupières s’observent à la phase aigüe. Les anomalies de la statique palpébrale (entropion, ectropion, trichiasis…) s’observent au stade des séquelles. • 141 – sensation de brûlure oculaire : Une sensation de brûlure ou de corps étranger accompagnée d’une photophobie et d’un larmoiement font partie de la symptomatologie fonctionnelle d’un brûlure oculaire. • 151 – œdème de la face et du cou : Un œdème de la face peut être consécutif à une brûlure chimique ou thermique • 152 – œil rouge et/ou douloureux : Dans la plupart des cas une brûlure oculaire se traduit par un œil rouge et douloureux. • 168 – brûlure : Les brûlures cutanées de la face chimiques, thermiques, liées au froid ou par les radiations peuvent comporter une atteinte oculaire. • 174 – traumatisme facial : Une brûlure oculaire est un traumatisme de la face. • 251 – prescrire des corticoïdes par voie générale ou locale : Afin de réduire la réaction inflammatoire, une corticothérapie locale est prescrite en urgence lors d’une brûlure oculaire.

POINTS CLÉS • Les brûlures oculaires sont des urgences absolues. • Elles nécessitent une prise en charge immédiate, qui comporte notamment la réalisation du lavage oculaire. • Essentiellement chimiques, elles peuvent aussi être thermiques ou radiques. • Au dessus d’un pH de 11,5 ou en dessous de 2,5 les lésions oculaires sont rapides et irréversibles. • Un examen clinique initial précis est incontournable, il permet de classer les lésions, d’établir un pronostic et surtout de guider la prise en charge thérapeutique. • Le traitement médical, associant collyres anti-inflammatoires et cicatrisants, sera prescrit en urgence par un Ophtalmologiste.

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MOTS CLÉS • Acide • Base • Brûlures chimiques • Brûlures oculaires • Lavage oculaire • pH • Rayons ultraviolets • Surface oculaire