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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 1 CHAPITRE 12 ANESTHESIE ET INSUFFISANCE VENTRICULAIRE Mise à jour: Janvier 2016 Précis d’Anesthésie Cardiaque PAC

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 1

CHAPITRE 12

ANESTHESIE ET

INSUFFISANCE VENTRICULAIRE

Mise à jour: Janvier 2016

Précis d’Anesthésie Cardiaque

PAC •

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Table des matières Introduction 2

Epidémiologie 3 Rappel physiopathologique 4

Présentation clinique 20 Insuffisance ventriculaire gauche 20 Insuffisance diastolique 23 Insuffisance ventriculaire droite 26

Traitement de l’insuffisance ventriculaire 31 Insuffisance ventriculaire gauche chronique 31 Défaillance ventriculaire gauche aiguë 35 Insuffisance diastolique 45 Insuffisance ventriculaire droite 46 Resynchronisation 50 Options chirurgicales 52

Assistance ventriculaire 55 Principes, indications, physiopathologie 55 Contre-pulsion intra-aortique 60 ECMO 64 Dispositifs à court-terme 71 Dispositifs à long terme 75

Problèmes liés à une assistance 83 Echo et assistance ventriculaire 86 Anesthésie et assistance ventriculaire 90

Hypertension pulmonaire (HTP) 97 Physiopathologie 97 Clinique de l’HTP 104 Traitement 108

Anesthésie en cas d’insuffisance ventriculaire 115 Evaluation préopératoire 115 Stratégie d’anesthésie 117 Ventilation et insuffisance ventriculaire 123 Agents intraveineux et halogénés 129 Anesthésie générale 134 Anesthésie loco-régionale 137 Insuffisance droite et HTAP 138 Thrombendartérectomie pulmonaire 145

Conclusion 149 Bibliographie 151 Auteurs 163

Introduction L'insuffisance cardiaque est une notion un peu vague groupant l’ensemble des conditions hémodynamiques dans lesquelles le débit cardiaque ne suffit plus à satisfaire les besoins énergétiques de l’organisme, à l'exercice comme au repos. D’une part, les besoins varient avec le stress, le traumatisme, la douleur, le sommeil ou la pathologie (hyperthyréose, sepsis, etc) ; ils sont modifiés par les cardiopathies et par l'anesthésie. D’autre part, le terme d’insuffisance cardiaque n’est pas synonyme de défaillance ventriculaire comme on le sous-entend d’habitude. Dans ce chapitre, nous parlerons d’insuffisance ventriculaire pour souligner que nous aborderons le sujet sous son angle uniquement cardiologique et que nous nous concentrerons sur la dysfonction des ventricules à l’exclusion des autres aspects responsables d’un débit cardiaque inadéquat. On peut distinguer trois différents types d’insuffisance ventriculaire.

L'insuffisance systolique : l'éjection ventriculaire proprement dite n'assure plus les besoins hémodynamiques en pression et/ou en volume (Forward failure) ; la symptomatologie est dominée par l’intolérance à l’effort, la fatigue et la dysfonction éventuelle des organes-cibles. La stase occasionnée en amont de la pompe ventriculaire caractérise l'insuffisance congestive.

L'insuffisance diastolique : la fonction diastolique étant la capacité du ventricule à accommoder un remplissage adéquat sous un régime de pression basse et sur un vaste éventail de conditions de charge, l'insuffisance diastolique se définit comme une résistance au remplissage ventriculaire (Backward failure). Ceci conduit à une stase en amont, cliniquement caractérisée par de la dyspnée lors d’insuffisance diastolique gauche et par des oedèmes périphériques lors d’insuffisance diastolique droite. Alors que la dysfonction systolique s'accompagne en général d'un certain degré de dysfonction diastolique, l'inverse n'est pas vrai :

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plus du tiers des malades en insuffisance cardiaque congestive souffre en réalité d’insuffisance diastolique isolée, qui se caractérise par une stase pulmonaire et une fraction d’éjection conservée (heart failure with preserved ejection fraction, HFpEF) [347,363]. L’insuffisance diastolique du VD est pour l’instant très difficile à définir et à diagnostiquer.

L'insuffisance restrictive: l’amplitude de mouvement du coeur est diminuée par la compression péricardique (péricardite constrictive, tamponnade) ou par la compression thoracique (manoeuvre de Valsalva, PEEP excessive , épanchement pleural, pneumothorax).

Epidémiologie L'insuffisance ventriculaire est une pathologie fréquente, dont l'incidence et la prévalence sont en augmentation ces dernières années dans le monde occidental à cause du vieillissement de la population, mais dont le pronostic est pire que celui de bien des cancers [29,87,142,204].

Prévalence 0.4 - 2 % ; 2.8% > 65 ans, 8% > 80 ans.

Incidence annuelle 3% de 35 à 65 ans ; 10% de 65 à 95 ans.

Rapport hommes / femmes 1.5:1 (insuffisance systolique), 1:2 (insuffisance diastolique) Mortalité insuffisance systolique : 14% / an, > 60% à 5 ans ;

Insuffisance diastolique : 6-10% / an. En Suisse, on rencontre ainsi 100’000 patients en insuffisance cardiaque, et on enregistre 20’000 nouveaux cas chaque année [142]. Pour l’Europe, la prévalence globale est de 15 millions de cas [87]. L’insuffisance cardiaque est la deuxième cause d’hospitalisation après l’accouchement [39]. Bien qu’elle soit la thérapeutique la plus efficace, la transplantation est limitée par le nombre de donneurs, qui sont en moyenne 3'500 par année dans le monde ; elle concerne donc moins de 1% des cas [200,327]. D’autre part, l’insuffisance cardiaque prédomine au-delà de 70 ans, âge considéré comme la limite pour une greffe. La prise en charge repose donc essentiellement sur le traitement médical et éventuellement sur une assistance ventriculaire. Dans les pays occidentaux, les causes de l'insuffisance ventriculaire congestive sont dominées par la cardiopathie ischémique et l’hypertension :

Coronopathie: 50-70% Hypertension artérielle: 15-30% Cardiomyopathie du VG: 10% Valvulopathies: 3-7% Malformations congénitales: 1-2%

Dans les pays en voie de développement, les cause prédominantes sont les cardiomyopathies infectieuses (HIV, maladie de Chagas, etc) ou nutritionnelles, les valvulopathies et les affections congénitales. Les déterminants cliniques associés à la détérioration des performances myocardiques sont une dyspnée d'effort, une fatigabilité importante et une tachycardie au repos ; le risque périopératoire est directement lié à la sévérité de ces symptômes. Parmi les investigations habituelles, les meilleurs prédicteurs de la mortalité et des complications cardiaques postopératoires sont la capacité vitale, la fraction d'éjection et le taux de BNP, quelles que soient les méthodes utilisées pour leur évaluation.

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Epidémiologie de l’insuffisance ventriculaire Définition de l’insuffisance ventriculaire: dysfonction du VG et/ou du VD se traduisant par une incapacité à maintenir un débit sanguin suffisant pour assurer un fonctionnement adéquat des organes tout en maintenant des pressions de remplissages normales Prévalence en augmentation avec l’âge: 1% < 65 ans, 10% > 80 ans Mortalité de l’insuffisance systolique: 8-14% / an Mortalité de l’insuffisance diastolique: 6-10% / an Rappel physiopathologique L’insuffisance cardiaque est un syndrome dans lequel le cœur ne parvient plus à satisfaire les besoins hémodynamiques de l’individu. Au niveau myocardique, elle se caractérise par une réduction de la contractilité intrinsèque et/ou un défaut de la relaxation du muscle ventriculaire; elle s’accompagne d’un remodelage ventriculaire qui contribue à l’altération fonctionnelle : hypertrophie, dilatation, fibrose [39]. La physiopathologie est abordée plus en détail au Chapitre 5 (Couplage excitation-contraction, Dysfonction ventriculaire gauche systolique, Physiopathologie de la diastole, et Fonction du VD). Ne figure ici qu’un résumé succinct de ces données. Niveau cellulaire Au niveau de la cellule myocardique, la défaillance inotrope se caractérise par plusieurs dysfonctionnements (Figure 12.1) [42,44,254,275,315].

La composante inhibitrice de la protéine G accouplée aux récepteurs β a un effet prédominant ; de ce fait, la quantité d’AMPc synthétisé est moindre, ce qui conduit à une plus faible quantité de Ca2+ libéré dans le sarcoplasme par le réticulum sarcoplasmique (RS) lors de chaque stimulation. Les variations systoliques de la concentration de Ca2+ sont moins amples.

La recapture du Ca2+ libéré par le RS lors de l’excitation est diminuée à cause d’une suractivité du phospholamban et d’une baisse d’activité de la SERCA (SarcoEndoplasmic Reticulum Calcium ATPase) ; de plus, le RS laisse fuir du Ca2+ dans le cytoplasme. De ce fait, il y a moins de Ca2+ à disposition pour la systole suivante dans le RS.

Le site membranaire échangeur Na+/Ca2+ dysfonctionne et laisse entrer trop de Ca2+ dans le cytoplasme.

Le résultat est une accumulation de Ca2+ dans le cytoplasme, mais une réduction des variations de la [Ca2+]i entre la systole et la diastole, d’où un retard de relaxation (effet lusitrope négatif) et un défaut de contractilité (effet inotrope négatif).

La stimulation β1 constante induit une activité excessive du système d’inhibition des récepteurs ; la cellule est désensibilisée à la stimulation β.

La sur-stimulation sympathique chronique entraîne une diminution (down-regulation) du nombre des récepteurs β1 (inotropes positifs). En compensation, la proportion des récepteurs β2 et α1 augmente ; les récepteurs β2 sont chronotropes positifs et faiblement inotropes positifs ; les récepteurs α1 sont inotropes positifs par une voie indépendante de l’AMPc [302].

o Récepteurs β1 : normalement 80%, insuffisance ventriculaire 40% ; o Récepteurs β2 : normalement 10%, insuffisance ventriculaire 40% ; o Récepteurs α1 : normalement 10%, insuffisance ventriculaire 20%.

Le β-blocage chronique freine la désensibilisation des récepteurs et maintient une réponse physiologique à la stimulation β.

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Les substances cardiotoniques agissent en différents points de ce système (Figure 12.2). Les effets des catécholamines sont modifiés. La réponse aux amines β1 (dopamine, dobutamine) est diminuée par manque de récepteurs β1, alors que l'adrénaline, qui stimule les récepteurs β1, β2 et α1, conserve son activité inotrope et chronotrope puisque les récepteurs β2 et α1 sont en surnombre. La noradrénaline (effet α1 majeur et β1 secondaire) a davantage d’effet inotrope positif que sur un coeur normal à cause de l’augmentation de la proportion des récepteurs α. Les substances qui court-circuitent le système récepteur β – AMPc comme les α-stimulants, les inhibiteurs des phosphodiestérases-3 (amrinone, milrinone) ou le levosimendan gardent leur efficacité en cas d’insuffisance ventriculaire chronique ou de β-blocage [225]. Relation avec la précharge La courbe de Frank-Starling d’un ventricule gauche insuffisant présente trois caractéristiques par rapport à la courbe normale (Figure 12.3) :

Déplacement de la courbe vers le bas (basse performance systolique) et vers la droite (haut volume de remplissage) ;

Figure 12.1: Schéma des modifications du couplage excitation – contraction an cas d’insuffisance ventriculaire. La surstimulation sympathique induit une désensibilisation des récepteurs β. La protéine G inhibitrice des récepteurs β est prédominante et la quantité d’AMPc synthétisé est moindre, d’où baisse des variations systolo-diastoliques de la [Ca2+]i, car le réticulum sarco-plasmique (RS), qui libère le Ca2+ en systole, est appauvrit en calcium. La recapture du Ca2+ libéré par le RS est diminuée à cause d’une suractivité du phospholamban et d’une baisse d’activité de la SERCA ; de plus, le RS laisse fuir du Ca2+ dans le cytoplasme. Le site membranaire échangeur Na+/Ca2+ dysfonctionne et laisse entrer trop de Ca2+ dans le cytoplasme. Le résultat est une concentration cytoplas-mique de Ca2+ libre trop élevée, mais des variations systolo-diastoliques de la [Ca2+]i trop faibles par rapport à la norme (pointillé), parce que le RS n’est pas suffisamment rechargé en Ca2+. La force de contraction diminue, la relaxation est moins performante.

ATP

Gi

Phospho- diestérases

10-5 10-6 10-7 10-8

[Ca++]

Echange Na+/Ca+ +

[Ca++]

Gs

Mit

Troponine C

RS

Actine - myosine

AMP

Protéine-kinase A

[Ca++]

Canal Ca+ +

ΔV dépendant

P

Récepteurs β ↓

↓ Δ [Ca++]

© Chassot 2015

↑ [Ca++] ↓ ATP

R-Ry

Gi

cAMP ⇓

↑ β ARC

R-Ry

SERCA ↓ [Ca++] ↓ Δ[Ca++]

P

Gi

Phospholamban ↑

Δ [Ca++] sarcoplasmique

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Faible pente de la phase de recrutement ; l’augmentation de la précharge a peu d’effet sur la force de contraction et sur le volume éjecté ;

Baisse de la performance systolique avec l'augmentation de la précharge au-delà du genou de la courbe ; ce phénomène est du à la dilatation et à la défaillance ventriculaire par surcharge de volume.

Dans un cœur normal, le basculement du septum interventriculaire dans le VG à cause d’une surcharge de volume du VD en cas de volémie excessive peut empiéter sur la cavité gauche et réduire son remplissage (voir Figure 12.7) ; le VG recule ainsi sur sa courbe de Starling et son débit baisse, mais il ne s’agit pas d’une dysfonction systolique, raison pour laquelle la courbe de Starling est plate au-delà de son genou. Dans l’insuffisance systolique, le débit systolique est relativement fixe et dépend peu de la précharge. Les variations de remplissage lors de la ventilation en pression positive (IPPV) ont donc peu d’influence sur la pression artérielle. Seule l’élévation de la pression intrathoracique lors de l’inspirium en ventilation mécanique, qui représente une aide à l’éjection du VG, se traduit par une légère augmentation du volume systolique et de la pression systémique (Δup) (voir Chapitre 5, Figure 5.88). Lors d’une manoeuvre de Valsalva, la courbe de pression artérielle prend une allure "carrée" : les phases 1 et 2 sont marquées par une élévation homogène et constante de la pression systémique, et la phase 3 par un retour aux valeurs de départ (voir Figure 12.34) [40]. La stabilité de la pression artérielle lors de la mise en route de l’IPPV à l’induction d’une anesthésie est un bon signe d’insuffisance gauche systolique.

Adénylate cyclase

Phospholamban

Gs

Echange Na/Ca

[Ca++]

Protéine-kinase A

[Ca++]

Mit

Troponine C

RS

Actine - myosine

Digitale Calcium

cAMP

récepteurs β, α

Catécholamines

ATP

AMP IPDE-3 cAMP

↑ [Ca++]

↑ [Ca++] ↑ [Ca++]

Levosimendan

P

β-bloqueurs

Contraction- relaxation

β-stimul

Contrôle

© Chassot 2011

Figure 12.2: Schématisation des points d’impact des différents agents inotropes positifs. A l’exception du levosimendan qui agit au niveau de la fixation du Ca2+ sur la troponine C, tous aboutissent à une augmentation des variations de la [Ca2+]i. IPDE-3 : inhibiteur des phosphodiestérases-3 (amrinone, milrinone). Les β-bloqueurs sont mentionnées ici à cause de leur impact dans le traitement de l’insuffisance ventriculaire chronique.

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La boucle pression – volume (P/V) de l’insuffisance cardiaque est caractérisée par un abaissement de l'élastance maximale Emax et une élévation de la courbe de compliance, ce qui conduit à une diminution du volume systolique (Figure 12.4). Le rétrécissement de la surface de la boucle P/V traduit la baisse du travail éjectionnel (stroke work). L’angle entre la pente Emax et la courbe de compliance étant étroit, une augmentation de la précharge n’améliore que faiblement le volume éjecté, et déplace la boucle vers la droite, donc vers de plus grands volumes. Seul un effet inotrope positif augmente le volume éjecté, parce qu’il redresse la pente de Emax (ouverture de l’angle entre la pente Emax et la courbe de compliance). Relation avec la postcharge La loi de Laplace spécifie que la tension de paroi (σ) augmente avec le rayon d’une sphère (r) et diminue avec son épaisseur (h), quelle que soit la pression (P) développée : σ = (P • r) / 2h. Le ventricule gauche défaillant est donc plus sensible à la postcharge puisqu’il est dilaté et que sa paroi est amincie. Dans ces circonstances, les mêmes performances hémodynamiques de pression et de débit que celles d’un cœur normal demandent davantage de travail ventriculaire et de mVO2 parce que le stress de paroi est plus élevé. L’amélioration du débit cardiaque par vasodilatation est d’autant plus marquée que la contractilité est plus faible, puisque le mécanisme de Frank-Starling est peu efficace et que la stimulation sympathique endogène est déjà maximale. D’autre part, le mécanisme qui augmente la force de contraction lorsque le stress de paroi du ventricule s’élève (effet Anrep) est perdu lorsque le VG est insuffisant. D’où l’importance de maintenir des résistances vasculaires systémiques (RAS) basses chez le malade en insuffisance systolique gauche ; en anesthésie, l’isoflurane est particulièrement adapté à cette circonstance.

Normal

Insuffisance systolique VG

ΔP

ΔVS

Pression ou volume télédiastolique

Débit cardiaque

Insuffisance diastolique VG

© Chassot 2015

Figure 12.3: Principe de Frank-Starling. Courbe normale du VG (en vert), courbe de l’insuffisance ventriculaire systolique (rouge) et de l’insuffisance diastolique (bleu). Les flèches verticales indiquent le point auquel cesse le recrutement du volume systolique par l’aug-mentation de la précharge. Les variations de volume systolique (ou de débit cardiaque) par augmen-tation du volume télédiastolique sont importantes lorsque la pente de la courbe est élevée, mais faibles lorsque celle-ci est aplatie. La courbe normale est plate au-delà de son genou (flèche verte) : le rem-plissage n’augmente plus le débit cardiaque ; seule s’élève pa pression de remplissage. La courbe de l’insuffisance ventriculaire tend à redescendre au-delà de son genou (flèche rouge) : le volume systolique baisse lorsque le remplissage est excessif à cause de la dilatation et de la décompensation du VG. La courbe de la dysfonction diastolique est très redressée : le volume systolique est très dépendant du remplissage.

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Figure 12.4: Boucle Pression • Volume lors d’insuffisance ventriculaire (traits rouges) par rapport à une boucle normale (en jaune). Ins VG : insuffisance ventriculaire gauche. La baisse de la pente Emax (élastance maximale, qui reflète la contractilité, en bleu) et la restriction de la compliance ventriculaire (courbe verte) diminuent le volume éjecté (VS : volume systolique) et le travail externe fourni (LVSW, left ventricular stroke work, représenté par la surface de la boucle). L’angle entre la pente Emax et la pente de la compliance est plus fermé. L’augmentation du remplissage élève le régime de volume et de pression (déplacement de la boucle vers le haut et vers la droite), mais modifie peu le volume systolique à cause de l’étroitesse de l’espace entre l’Emax et la compliance. Le seul moyen d’augmenter le VS est de redresser la pente Emax par un effet inotrope positif. Relation avec la fréquence La contractilité augmente avec la fréquence cardiaque, parce que le raccourcissement de la diastole diminue le temps à disposition pour la recapture par le réticulum sarcoplasmique du Ca2+ libéré pendant la systole (effet Bowditch). L’excès de Ca2+ à disposition favorise la contraction, dont la force s’accroît. Chez le jeune adulte, cet effet fonctionne jusqu’à une fréquence de 150 batt/min. Dans l’insuffisance ventriculaire, ce phénomène est perdu [238]. Remodelage Dans l’équation de Laplace, l’épaisseur de paroi (h) est au dénominateur : le stress de paroi (σ) diminue lorsqu’elle augmente. L’hypertrophie ventriculaire (HV) compense la surcharge de pression (HV concentrique) ou de volume (HV excentrique) jusqu’à un certain point, au-delà duquel survient la décompensation. Les déclencheurs de croissance comme l’angiotensine II et l’aldostérone déclenchent et entretiennent l’HVG, mais accroissent également la masse des fibroblastes et du collagène, et accélèrent l’apoptose. Dans l’HVG, les variations de [Ca2+]i sarcoplasmique sont plus faibles ; ceci est lié à une baisse de la densité des récepteurs β et à une modification fonctionnelle du RS. A masse égale, le myocarde hypertrophié est moins efficace que le myocarde normal. Ces données confèrent un mauvais pronostic clinique à l’HVG, particulièrement dans sa forme concentrique. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les bloqueurs du récepteur de l’angiotensine (sartans) ont la propriété de freiner le remodelage ventriculaire. Malheureusement, le collagène déjà formé ne régresse jamais.

© Chassot 2015

Emax ⇓

Emax

V0

Compliance

Pression

Volume

VS ↓

Boucle PV normale

Ins VG LVSW↓

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 9

La dilatation liée à l’insuffisance ventriculaire fait perdre au VG sa forme ellipsoïde normale pour devenir circulaire [49]. Ce remodelage en forme de sphère est un handicap mécanique pour le cœur.

Les faisceaux longitudinaux hélicoïdaux deviennent circulaires, ce qui augmente leur stress de paroi et supprime le raccourcissement dans le long-axe du ventricule ;

La rotation systolique et la succion diastolique du ventricule sont perdues ; La perte de la forme elliptique modifie la géométrie de l’appareil sous-valvulaire mitral et

provoque une insuffisance mitrale de degré ≥ II. La mortalité est directement corrélée à la dilatation du VG (diamètre télédiastolique > 4 cm/m2 ou volume télédiastolique > 100 mL/m2) à cause d’une série de déséquilibres :

La tension de paroi augmente sans compensation possible ; La compliance est faible parce que le ventricule opère à hauts volumes ; La bradycardie est mal supportée car une longue diastole provoque un excès de remplissage et

dilate encore la cavité ; L’augmentation de postcharge n’est pas tolérée parce qu’elle augmente la dilatation ; La dilatation ventriculaire ne permet plus aux deux feuillets mitraux de coapter et la valve fuit

(IM restrictive) ; l'importance de cette régurgitation est un bon marqueur du degré de décompensation ventriculaire.

Stimulation sympathique neuro-humorale L'excès de catécholamines plasmatiques conduit par rétro-action à une diminution de l'activité des récepteurs β1 myocardiques, dont le nombre diminue de moitié dans l’insuffisance ventriculaire (down-regulation), et ne représente plus que 40% du total des récepteurs (normal : 75-80%). En compensation, la proportion des récepteurs β2 chronotropes positifs et faiblement inotropes positifs augmente à 40% (normal 10-20%) et celle des récepteurs α1 (inotropes positifs) à 20% (normal 10%) [42,44]. Les taux circulants de nor-adrénaline sont élevés à cause d’une sécrétion présynaptique accrue et d’une recapture diminuée, mais la stimulation sympathique chronique finit par épuiser les réserves myocardiques de la substance. L'hypoperfusion rénale et la stimulation sympathique élèvent la sécrétion de rénine, et déclenchent une vasoconstriction puissante par l'angiotensine II. Celle-ci contribue à la sécrétion d'aldostérone, qui provoque une rétention d'eau et de sodium avec oedèmes périphériques ; l’angiotensine II et l’aldostérone sont aussi de puissants inducteurs de l’HVG. Cet excès de volume extra- et intracellulaire crée une hyponatrémie à laquelle l'hypophyse répond par une augmentation de la sécrétion d'ADH ; cette activation du système arginine-vasopressine retient encore davantage d'eau et accroît le degré de vasoconstriction. Le résultat global est une hypervolémie et une vasoconstriction massive. Ainsi, les mécanismes compensatoires deviennent eux-mêmes des facteurs aggravants lorsqu’ils dépassent un certain seuil [39,204]. Les médicaments utilisés dans le traitement de l’insuffisance cardiaque agissent en différents points de ce circuit (Figure 12.5). Insuffisance diastolique La fonction diastolique représente la capacité du ventricule à accommoder un remplissage adéquat sous un régime de pression basse et sur un vaste éventail de conditions de charge, au repos comme à l’exercice (voir Chapitre 5 Physiopathologie de la diastole). La dysfonction diastolique se réfère à une anomalie des indices échocardiographiques du remplissage ventriculaire qui reste cliniquement asymptomatique au repos ou à l’effort modéré, alors que l’insuffisance diastolique, responsable de 40% des insuffisances cardiaques congestives, est un syndrome clinique qui se caractérise par une dyspnée avec dilatation de l’OG, élévation chronique des pressions de remplissage (POG > 16 mmHg) et accumulation liquidienne interstitielle dans les poumons ; la pression télédiastolique ventriculaire

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 10

est plus haute pour un même volume de précharge, mais la fonction systolique est préservée (FE > 0.5) [213]. Toutefois, celle-ci tend à décliner avec le temps ; ainsi 39% des patients atteints de dysfonction diastolique voient leur fonction systolique s’abaisser de 6% par an [89a]. Une dysfonction diastolique est toujours présente en cas d’insuffisance ventriculaire systolique. Figure 12.5 : Représentation schématique des modifications neuro-humorales dans l’insuffisance systolique du VG (Forward failure). Les systèmes physiologiques sont de bons moyens de compensation en temps normal, mais établissent des rétro-actions néfastes (encadrées en rouge) dans l’insuffisance gauche chronique. En jaune figurent les points d’action des principales classes de médicaments utilisés dans l’insuffisance cardiaque gauche. Ang II : angiotensine II. Anti-ET : anti-endothéline (bosantan). IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion (captopril, enalapril, etc). ARA : antagoniste du récepteur de l’angiotensine II (losartan). IV : insuffisance ventriculaire. PA : pression artérielle. RAS : résistances artérielles systémiques. La cardiomyopathie diastolique semble être liée à un défaut en biodisponibilité du NO endothélial dans les microvaisseaux coronariens, qui est corrélé avec un état inflammatoire systémique comme on le rencontre dans la sénescense, l’obésité, l’hypertension, le diabète, le syndrome métabolique, le BPCO et l’insuffisance rénale, comorbidités qui lui sont étroitement associées. Le manque de NO lève l’inhibition physiologique de l’hypertrophie et de la fibrose, dont le développement rend le myocarde

IEC ARA

↑ rétention Na + H2O

Spironolactone

© Chassot 2015

Bas débit systémique

PA ↓ "Forward failure"

Stimulation sympathique Baroréflexes

↑ β

↑ β ↑ α

↑ postcharge

↓ perfusion rénale

↑ rénine angiotensine

Aldostérone ADH

↑ précharge

↑ RAS

Endothéline

↑ mVO2

Ang II

IVsyst VG

Anti-ET

Diurétiques Nitrés

Vasodilatateurs

β-bloqueurs

HVG fibrose

IEC

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rigide. Le processus consiste en une prolifération des fibroblastes, un excès dans le dépôt de collagène et en une altération dans la structure de la connectine, gigantesque molécule élastique qui constitue l’armature des filaments d’actine et de myosine [267]. Cette étiologie se retrouve à l’identique dans le vieillissement des fibres cardiaques ; l’insuffisance diastolique est en quelque sorte une « presbycardie » exagérée. La rigidité du myocarde influence l’éjection systolique, car elle empêche le VG d’atteindre un petit volume en télésystole et réduit de ce fait le VS à l’effort. La faible disponibilité en NO se traduit également par un défaut de vasodilatation artériolaire à l’exercice qui contribue à la rigidité vasculaire, à l’hypertension artérielle et à l’instabilité hémodynamique [36]. Alors qu’il est diminué par la dilatation ventriculaire dans l’insuffisance systolique, le rapport entre la masse du VG et son volume télédiastolique est augmenté dans l’insuffisance diastolique, où la paroi est épaissie et la cavité normale ou rétrécie [39]. L’échocardiographie est la première technique a avoir permis d’investiguer la diastole de manière simple en clinique. C’est la raison pour laquelle l’analyse de la fonction diastolique est basée sur l’examen du flux mitral à l’écho Doppler. En se basant sur les mécanismes physiologiques, on peut subdiviser la diastole en trois éléments (Figure 12.6A). Figure 12.6A : Illustration par le flux mitral de la subdivision physiologique de la diastole en fonction de la mVO2 et de la compliance. I : relaxation active ; elle comprend la phase de relaxation isovolumétrique (RI) et la phase d’accélération du flux E jusqu’à son pic de vélocité. Cette phase est consommatrice d’O2 (15% de la mVO2 totale); elle correspond à une succion du volume sanguin par le ventricule. II : élasticité, ou relaxation passive; elle comprend la phase de décélération du flux E (Etd) et le diastasis; le ventricule reprend sa forme de repos. III : distensibilité, ou capacité du ventricule à augmenter passivement de volume sous l’effet du volume propulsé par la contraction auriculaire. Les phases II et III correspondent à la compliance passive du ventricule. E: flux mitral protodiastolique, pendant lequel a lieu le 75% du remplissage ventriculaire. A: flux mitral dû à la contraction auriculaire. Le rapport des vélocités maximales E/A (normal: 1.0-1.5) est modifié lors d’altérations de la diastole. La durée de décélération du flux E (Etd) est proportionelle à la compliance du VG; elle est normalement > 200 msec, mais se racourcit lorsque le ventricule devient rigide.

Relaxation active ; processus actif de succion qui consomme 15% de la mVO2 totale, au cours duquel la pression intraventriculaire baisse en-dessous de la pression intrathoracique ; elle comprend la phase de relaxation isovolumétrique et la phase d’accélération du flux mitral E jusqu’à sa Vmax (correspondant au pic de l’onde "v" auriculaire); le flux protodiastolique progresse rapidement de manière laminaire jusqu’à l’apex du VG et contribue pour 75-80% au remplissage du VG.

Relaxation active

(mVO2 +)

Elasticité

Distensibilité

© Chassot 2015

E A Diastasis RI

I II III

Etd

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Elasticité, ou relaxation passive ; c’est la propriété d'un matériau déformé de retrouver sa forme initiale lorsque le stress cesse; elle est le facteur dominant pendant la phase de décélération du flux mitral protodiastolique E et pendant le diastasis; le flux de remplissage ralentit.

Distensibilité ; elle traduit la capacité d'une structure à augmenter passivement de volume sous l'effet d'un remplissage; elle caractérise la troisième phase de la diastole: remplissage pendant la contraction auriculaire, onde de pression "a" dans l’oreillette; le flux ré-accélère, mais reste moins rapide que le flux E.

Ces trois processus sont altérés dans la dysfonction diastolique. Ainsi, le remplissage du VG ne dépend plus de son effet de succion et de sa souplesse, mais de la pression auriculaire qui doit pousser le sang dans le ventricule ; la relaxation active, qui s’accélère normalement à l’effort, ne permet plus un remplissage rapide et la capacité d’exercice s’effondre ; la POG augmente au point de frôler la stase pulmonaire. Le flux protodiastolique est lent et s’arrête à mi-ventricule [175]. Au lieu de 20% normalement, le remplissage par la contraction auriculaire contribue pour 40-50% au remplissage total [36]. Mais les trois fonctions de l’OG (réservoir-tampon, conduit passif et pompe active) sont progressivement altérées, et le remplissage du VG dépend de plus en plus de la POG ; la FE de l’OG (normal 25-40%) est abaissée [244a,300a]. Schématiquement, les modifications de la performance diastolique peuvent se classer en trois catégories, selon une grille de lecture basée sur les modifications du flux mitral et du flux veineux pulmonaire à l’échocardiographie (voir Chapitre 25, Figure 25.81) [363].

Le défaut de relaxation protodiastolique, caractéristique de l’hypertrophie ventriculaire (hypertension artérielle, sténose aortique), du vieillissement, de l’ischémie, de l’obésité, du syndrome d’apnée du sommeil et de l’effet lusitrope négatif de certaines substances. La POG est normale au repos mais s’élève à l’effort. Le défaut de relaxation est une altération fréquente et bénigne, mais qui peut évoluer vers la restriction dans 10% des cas.

La restriction par non-compliance ventriculaire, caractéristique des cardiomyopathies restrictives, des infiltrations (collagénoses, amyloïdose, œdème post-CEC) et de la dilatation majeure du ventricule. L’élasticité et la distensibilité sont altérées. La POG est élevée au repos, l’OG est dilatée, et l’effort est extrêmement limité. Il s'agit d'une situation sévère de mauvais pronostic, conduisant à l’oedème pulmonaire, même si la fonction systolique est conservée.

Entre les deux, se trouve une catégorie de pseudonormalisation, ainsi nommée parce que la silhouette du flux mitral (rapport E/A) paraît normale à cause d’une élévation déjà significative de la POG ; la clinique est intermédiaire entre les deux situations précédentes.

Il existe de nombreux indices échocardiographiques de la fonction diastolique du VG permettant d’évaluer les différentes phases de la diastole ou de mesurer la POG de manière non-invasive (voir Chapitre 25 Fonction diastolique). Parmi les mesures simples, le rapport E/A (Figure 12.6A) est très sensible mais très peu spécifique. Le temps de décélération du flux E (Etd) est un bon repère de l’élasticité du VG. Le rapport E/e’ (voir Figure 12.11) entre la vélocité maximale du flux mitral protodiastolique (E) et celle du mouvement simultané de l’anneau mitral (e’) permet une évaluation de la POG, qui est > 18 mmHg lorsque ce rapport est > 15. Ce rapport permet également de construire un algorithme simple pour stratifier les patients selon le degré de leur atteinte diastolique [324].

Vélocité e’ ≥ 10 cm/s : situation normale ; Vélocité e’ < 10 cm/s :

o E/e’ < 8, Etd > 200 ms : défaut de relaxation ; o E/e’ 9-12, Etd 130-150 ms : pseudonormalisation ; o E/e’ > 13, Etd < 120 ms : restriction.

Lors de dysfonction diastolique, la rigidité du ventricule se traduit par une fixité du volume télédiastolique, par un déplacement vers le haut et vers la droite de la courbe de compliance (Figure 12.6B), et par un redressement de la phase de recrutement de la courbe de Starling (Figure 12.3). Cela implique trois conséquences cliniques.

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Au même volume de remplissage correspond une pression plus élevée que la norme ; un

malade peut être hypovolémique avec une PVC et une PAPO normales. Comme la courbe de compliance est redressée, la même variation de volume se traduit par davantage de variation dans la pression de remplissage. L’individu devient intolérant aux variations de volémie.

La modulation du volume télédiastolique est très limitée; le volume systolique (VS) devient très dépendant de la précharge parce que la courbe de Starling est très verticale. Le VS est donc très sensible aux variations de la pression intrathoracique ; la ventilation en pression positive et la PEEP baissent significativement le VS et la pression artérielle. Le même degré d’hypovolémie provoque une hypotension plus profonde.

La normocardie est impérative pour maintenir le volume systolique ; la tachycardie, la bradycardie et la perte du rythme sinusal abaissent le débit cardiaque. En cas de tachycardie, le ventricule ne peut pas accélérer son remplissage pour compenser le raccourcissement de la diastole ; en cas de bradycardie, il ne peut pas se dilater pour augmenter le VS. En cas de rythme nodal ou de FA, le remplissage par la contraction auriculaire est perdu; or celui-ci contribue pour 40-50% au remplissage total, vu le défaut de relaxation protodiastolique.

Figure 12.6B : Représentation schématique de la courbe de compliance normale du VG (en bleu) et lors de dysfonction diastolique (en rouge). La courbe est curvilinéaire. A : à faible remplissage, la courbe a très peu de pente : une variation de volume se traduit par une minime variation de pression. De ce fait, la pression veineuse centrale (PVC) ou la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) sont de médiocres critères de remplissage en hypovolémie. En hypervolémie, au contraire, la relation entre la pression et le volume devient fiable parce que la courbe se redresse (partie droite de la courbe). B : la courbe lors d’insuffisance diastolique (compliance diminuée) se redresse et se déplace vers le haut et vers la gauche. La même variation de volume se traduit par une variation de pression plus importante que lorsque la compliance est normale. A la pression P correspond un volume ventriculaire plus petit (V’) que la norme (V) ; le sujet peut être hypovolémique avec une POD (PVC) ou une POG (PAPO) normale. La normovolémie d’un sujet souffrant de dysfonction diastolique (V’’ rouge) est une pression de remplissage (P’) qui correspond à une hypervolémie (V’’ bleu) chez un sujet normal. L’impact hémodynamique de l'insuffisance diastolique porte sur quatre points.

Modification de la compliance (relation P-V diastolique) : • Pressions de remplissage élevées ; • Stase pulmonaire, dyspnée ; • Hypovolémie à PVC ou PAPO normales ; • Elévation excessive des pressions de remplissage lors d’hypervolémie.

Dépendance accentuée de la précharge : • Intolérance à la baisse de précharge (hypovolémie) ;

© Chassot 2011

P

P’’

Compliance diminuée

Volume

Pression

Compliance normale

V’ V’’ V V’’

A

B

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• Variations respiratoires très marquées de la PA en IPPV. Intolérance à la tachycardie et à la bradycardie :

• Lenteur du remplissage ventriculaire ; • Fixité du volume télédiastolique à cause de la rigidité du ventricule.

Dépendance de la systole auriculaire : • Contraction auriculaire fournissant jusqu’à 50% du remplissage ventriculaire ; • Volume systolique très abaissé en cas de perte du rythme sinusal.

La pathologie diastolique a été décrite essentiellement pour le VG, mais la rigidité atteint également le VD. D’autre part, l’élévation de la POG produit le même degré d’hypertension pulmonaire postcapillaire que lors de défaillance systolique gauche ou de pathologie mitrale ; elle est également accompagnée d’une hypertension artérielle pulmonaire réactionnelle dans la moitié des cas (voir Hypertension pulmonaire) [36]. De ce fait, une insuffisance droite est présente dans un tiers des cas de défaillance diastolique gauche et péjore gravement le pronostic (HR pour la mortalité : 2.4) [222]. Tous ces phénomènes se retrouvent à des degrés divers dans le vieillissement (voir Chapitre 21, Le patient âgé). Insuffisance ventriculaire droite Le VD a une structure complexe en forme de croissant enroulé autour du VG (voir Chapitre 5, Figures 5.32 et 5.101). La masse musculaire du VD est 1/6ème de celle du VG, la pression générée est 4 à 5 fois plus basse (rapport PAM/PAPm > 4.0) et le travail systolique 4 fois plus faible. L’épaisseur de la paroi libre du VD est de 4-5 mm. Les fibres musculaires longitudinales sont sous-endocardiques et les fibres circulaires disposées à l’extérieur : le VD ne possède que deux couches de fibres myocardiques, contrairement au VG qui en a trois. La contraction du VD est liée à plusieurs mécanismes (voir Chapitre 5, Figure 5.32) [108,131].

Contraction longitudinale séquentielle en un mouvement péristaltique autour du VG ; c’est l’élément principal ; la contraction longitudinale du VD débute à la chambre d’admission (région sous-tricuspidienne) et se propage jusqu’à la CCVD en 80 msec.

Raccourcissement radiaire de la paroi libre ; ce raccourcissement en court-axe dû aux fibres circulaires est peu important.

Torsion anti-horaire globale de 20-25° due à l’obliquité de la musculature longitudinale. Epaississement du septum interventriculaire dû à la contraction du VG, qui assure une

compression transverse de la cavité droite et qui fournit 40% de la pression systolique du VD. Le VG contribue également à la contraction de la paroi libre du VD par la traction des fibres

communes aux deux ventricules au niveau des sillons interventriculaires ; à la base et à l’apex, une partie des fibres circulaires établit une continuité entre les deux ventricules.

Le pic de pression systolique est plus tardif que dans le VG, et plus de la moitié du volume systolique est éjecté après ce pic de pression (voir Chapitre 5, Figure 5.103) [47]. La phase de contraction isovolumétrique est quasi-inexistante, parce que la pression du VD atteint rapidement la valeur de la PAP ; l’éjection débute beaucoup plus tôt que celle du VG, et se poursuit pendant la phase de relaxation isovolumétrique. Grâce à sa grande compliance, le VD maintient ses performances systoliques sur une vaste plage de précharges différentes et fonctionne comme un régulateur d’entrée pour le débit pulmonaire et la précharge gauche. Comme sa courbe de Starling est très plate, les variations de remplissage ne modifient que peu son débit systolique. Par contre, le VD est excessivement sensible à la postcharge ; il est une excellente pompe-volume mais une médiocre pompe-pression. Une augmentation soudaine de sa postcharge se traduit immédiatement par une dilatation ventriculaire (Vtd > 85 mL/m2, SVD > 0.7 SVG). La postcharge droite est basse parce que le lit pulmonaire est maintenu en vasodilatation active permanente par le NO•, qui est un vasodilatateur puissant et rapide, synthétisé dans l’endothélium vasculaire en fonction de la pression et de la pulsatilité artérielles [34,283]. La pression systolique

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maximale que peut supporter un VD non hypertrophié est de 40 mmHg, ou de 60 mmHg pour une courte durée (1-2 heures). Lorsqu'il s'hypertrophie sur une surcharge chronique de pression, le VD présente une contraction à prédominance radiaire/circulaire ; ses caractéristiques se rapprochent de celles du VG. Il peut alors maintenir son volume éjectionnel sur une plus vaste plage de postcharge, mais perd sa capacité à tamponner les variations rapides de volume car son débit devient précharge-dépendant (mécanisme de Frank-Starling). Trois phénomènes principaux augmentent l'impédance à l'éjection du VD.

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP précapillaire) : • HTAP primaire idiopathique ; • HTAP secondaire : cardiopathies congénitales, âge, obésité, syndrome d’apnée du

sommeil, cocaïne, HIV, anorexigènes ; • HTAP sur vasoconstriction pulmonaire : hypoxie (pO2 alvéolaire < 60 mm Hg),

hypercapnie, acidose métabolique, hypothermie, protamine, digitale. Les pathologies du cœur gauche engendrant une stase pulmonaire (HTP postcapillaire) :

dysfonction systolique du VG, valvulopathie mitrale, défaillance diastolique du VG ; Les pathologies pulmonaires (BPCO, SDRA, asthme, embolie pulmonaire, PEEP excessive,

etc) ; la ventilation mécanique avec PEEP peut générer une Pit (≥ 20 cm H2O) qui voisine la pression systolique droite normale (20-25 mmHg).

L’augmentation de postcharge du VD dans l’HTAP est proportionnellement beaucoup plus importante que celle du VG dans l’hypertension artérielle [108]. Outre l’augmentation de postcharge, l’insuffisance droite peut être due à deux autres phénomènes.

Augmentation de précharge : surcharge de volume par communication interauriculaire (CIA), insuffisance tricuspidienne ou fistule artério-veineuse (hépatopathies).

Maladie primaire du VD : dysplasie arythmogène du VD, cardiomyopathie, infarctus, ischémie aiguë, cardiopathie congénitale, dépression contractile du choc septique.

La surcharge de volume du VD fait bomber le septum interventriculaire vers la gauche en diastole, ce qui réduit le remplissage du VG et abaisse son volume systolique (effet Bernheim) (Figure 12.7). Elle élargit l’anneau tricuspidien, et provoque une insuffisance tricuspidienne (IT). L’augmentation de pression dans l’OD fait bomber le septum interauriculaire dans l’OG (voir Chapitre 5, Figure 5.106). La surcharge de pression (hypertension pulmonaire) engendre un basculement du septum interventriculaire dans le VG en diastole et en systole parce que la pression systolique du VD est élevée. Ces différents phénomènes aggravent la dysfonction gauche, ce qui à son tour élève la postcharge droite à cause de la stase pulmonaire et institue un cercle vicieux (Figure 12.8). D’autre part, le VD perd l’appui du VG pour son éjection lorsque le septum ne bombe plus normalement dans la cavité droite. Au lieu d’avoir une forme en croissant en court-axe, le VD prend l’allure d’un "D" avec un septum rigide et vertical. Le risque d’arythmies ventriculaires est directement lié au degré de dilatation du VD. Lorsqu’il doit faire face à une modeste augmentation de sa postcharge, le VD élève sa contractilité par effet Anrep (augmentation du Ca2+ sarcoplasmique et de la force de contraction sous l’effet d’un accroissement du stress de paroi). Si la postcharge s’élève davantage, il utilise le phénomène de Frank-Starling en se dilatant. Il recourt à ce second mécanisme pour varier son débit lorsqu’il est chroniquement dilaté sur une surcharge de volume [345]. Lorsque les conditions de charge deviennent excessives, il ne peut plus maintenir un couplage ventriculo-artériel normal ; il défaille et la PAP baisse, quand bien même les RAP restent élevées (voir Figure 12.28B). Le coefficient d’extraction d’O2 du VD est de 50% ; il dispose donc de davantage de réserve que le VG face à une ischémie. La perfusion coronarienne du VD a lieu en diastole et en systole, puisque la pression systolique droite est très inférieure à la pression aortique (voir Chapitre 5, Figure 5.107). Si la pression intraventriculaire droite s’élève alors que la pression aortique baisse, la perfusion coronarienne diastolique diminue et le VD est ischémié malgré la persistance du flux coronarien

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systolique. Le traitement consiste alors à augmenter la pression systémique par un vasoconstricteur (noradrénaline, vasopressine). Comme le réseau artériel pulmonaire est pauvre en récepteurs alpha, l’effet d’une perfusion de noradrénaline prédomine sur le lit vasculaire systémique. Les récepteurs à la vasopressine sont absents du lit pulmonaire [38]. Interdépendance ventriculaire Les deux ventricules sont étroitement interdépendants. Les modifications de pression et de volume dans l’un des ventricules affecte immédiatement l’autre [47,108,132].

Le VD assure la précharge du VG ; sa défaillance entraîne un défaut de remplissage gauche, donc un petit volume systolique et un bas débit systémique, qui à son tour compromettent la fonction et la perfusion coronarienne du VD.

Contenus dans la même enveloppe péricardique, la dilatation de l’un comprime l’autre ; l’ouverture du péricarde diminue l’interdépendance des deux ventricules. La contraction longitudinale du VD, qui est son principal axe d’éjection, diminue de moitié dans les 5 minutes qui suivent l’ouverture du péricarde [343].

A

VD

OG

VG

OD IT

OD

© Chassot 2015

B

VD

VG

OG

OD

Figure 12.7 : Défaillance ventriculaire droite. Le septum interventriculaire bombe dans le VG et en réduit considérablement le volume diastolique, comme en témoigne ici le rétrécissement de sa surface en diastole (la valve mitrale est ouverte). C’est l’effet Bernheim. Le septum interauriculaire bombe dans l’OG à cause de la surpression dans l’OD. IT : insuffisance tricuspidienne. A: schématisation d’une vue 4-cavités. B : vue échocardiographique transoesophagienne 4-cavités (HTAP chronique sur embolies pulmonaires). C : rapport entre le diamètre parallèle au septum (D1) et le diamètre qui lui est perpendiculaire (D2), ou index d’excentricité (IE = D1/D2), mesuré dans la vue transgastrique en court-axe du VG. Dans ce cas d’hypertension pulmonaire avec dilatation massive du VD, l’IE est > 1.

D1

D2

VD

VG

C

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Ils possèdent des fibres myocardiques circulaires communes ; le remodelage et la contractilité de l’un affectent la fonction de l’autre.

La perfusion coronarienne droite dépend du rapport de pression entre le VD et l’aorte en systole et en diastole.

Ils partagent un septum commun dont la contraction dépend du VG et représente, en situation physiologique, 40% de la puissance éjectionnelle du VD ; plus le septum bombe dans le VD, plus la pression développée par ce dernier augmente.

Plus mince, le VD se dilate beaucoup plus facilement que le VG et empiète en diastole sur le volume du VG par un basculement du septum interventriculaire (effet Bernheim).

Le bascule du septum interventriculaire dans le VG en diastole en cas de dilatation du VD (défaillance et/ou surcharge de volume) ou en diastole et systole en cas de surcharge de pression du VD perturbe le remplissage et l’éjection du VG, dont le débit baisse. D’autre part, les modifications de la position du septum ventriculaire ampute le VD de l’aide fonctionnelle du VG à son éjection.

En cas de surcharge de pression, la durée de la contraction systolique du VD s’allonge et se continue lorsque le VG est déjà en diastole, ce qui occasionne un bascule du septum dans ce dernier et une désynchronisation de sa contraction ; l’éjection gauche perd en efficacité comme lors d’un bloc de branche gauche complet.

La réduction de volume du VD s’il est dilaté (nitroglycérine, diurétique) améliore la performance du VG ; l’augmentation de la postcharge du VG s’il est comprimé repositionne le septum et améliore la performance du VD.

La mise en route d’une assistance univentriculaire gauche peut non seulement démasquer une insuffisance droite sous-jacente à cause de l’augmentation du retour veineux, mais encore supprimer le soutien du septum à l’éjection droite par décompression du VG.

On dispose d’une approche semi-quantitative pour évaluer cette interdépendance au moyen de deux indices [132a,133a].

Le rapport entre la pression artérielle systémique moyenne et la PAP moyenne (PAM/PAPm) ; normalement > 4, ce rapport diminue lorsque les pressions droites augmentent sans élévation des pressions gauches, ce qui entraîne un basculement du septum dans le VG.

L’index d’excentricité du VG (IE) ; c’est le rapport entre le diamètre en court-axe du VG dans la direction parallèle au septum (D1) et le diamètre en court-axe qui lui est perpendiculaire (D2). La mesure est faite à l’échocardiographie en court-axe au niveau des piliers (Figure 12.7C). Lorsque le VG est normalement circulaire, ces 2 diamètres sont équivalents (IE = 1) ; lorsque le septum bombe dans le VG et que ce dernier prend une forme en "D", le diamètre D2 diminue et l’IE augmente (IE > 1.1). En cas de surcharge de volume du VD, l’IE s’élève en diastole seulement ; en cas de surcharge de pression du VD, il s’élève en diastole et en systole (voir Chapitre 5, Figure 5.106).

Face à un tel degré d’interdépendance, la thérapeutique de l’insuffisance droite doit viser avant tout à rééquilibrer le jeu des pressions et des volumes entre les deux ventricules. Les trois principaux critères d’amélioration fonctionnelle lorsqu’on traite une défaillance droite sont le repositionnement du septum interventriculaire, la baisse de la PVC et l’augmentation du volume systolique.

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Physiopathologie de l’insuffisance ventriculaire L’insuffisance systolique est une défaillance éjectionnelle (baisse du VS) caractérisée par la baisse de perfusion des organes et la fatigabilité. Au niveau cellulaire

- Diminution de l’amplitude des variations systolo-diastoliques de la [Ca2+]i - Régulation à la baisse des récepteurs β1, augmentation des récepteurs β2 et α

Courbe de Starling : - Déplacement de la courbe vers le bas (VS faible) et vers la droite (Vtd élevé) - Pente de recrutement faible (faible ΔVS lors du remplissage) - Redescente de la courbe au-delà du genou (dilatation du VG) Courbe de compliance - Déplacement de la courbe vers le haut et vers la gauche - Pente redressée - Pression de remplissage plus élevée pour le même Vtd Loi de Laplace: σ = (P • r) / 2h. Pour la même pression, le stress de paroi augmente avec la dilatation. La baisse de la postcharge augmente le VS, d’autant plus que le VG est insuffisant. La dysfonction ventriculaire gauche entraîne un remodelage: dilatation, sphéricisation, insuffisance mitrale, excès de collagène et fibrose. La réaction neuro-humorale déclenche une vasoconstriction et une rétention d’eau et de sodium. L’insuffisance diastolique est due à un défaut de relaxation (bénin) ou de distensibilité (grave): - Symptôme: dyspnée et stase - Incidence: 40% des insuffisances cardiaques; fonction systolique préservée (FE > 0.5) Caractéristiques hémodynamiques de l’insuffisance diastolique: - Pressions de remplissage élevées - VS très dépendant de la précharge - VS baisse considérablement si tachycardie, bradycardie ou perte du rythme sinusal Le VD est peu sensible aux variations de précharge mais très sensible à la postcharge. La défaillance droite est liée à 5 causes: - Hypertension artérielle pulmonaire précapillaire (HTAP primaire, hypoxie, toxique) - Hypertension pulmonaire (HTP) postcapillaire (insuffisance VG, valvulopathie mitrale) - Pathologie pulmonaire (BPCO, SDRA, PEEP) - Surcharge de volume (CIA, fistule AV) - Cardiomyopathie du VD (infarctus, sepsis, dysplasie arythmogène) L’insuffisance droite par surcharge de volume est caractérisée par une dilatation du VD et de l’OD et par un empiètement du septum dans les cavités gauches en diastole. Dans l’insuffisance droite par surcharge de pression, le septum bombe vers la gauche en diastole et en systole. Lorsque le septum perd sa forme convexe dans le VD, l’aide du VG au VD est perdue; or 40% de la force d’éjection du VD provient de la contraction septale par le VG. La perfusion coronarienne droite est systolo-diastolique. Plus le VD s’hypertrophie, plus sa physiologie ressemble à celle du VG (VS dépendant de la précharge).

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Figure 12.8 : Mécanismes impliqués dans l'insuffisance ventriculaire droite congestive (IVD), engendrant une série de cercles vicieux conduisant à l’auto-agravation de la situation. Vol: volume. TD: télédiastolique. IT : insuffisance tricuspidienne. PP: pression de perfusion. TD : tube digestif. VCI : veine cave inférieure.

IVD Dilatation Stase

Hypertension pulmonaire

↑ pré/postcharge

IT ↑↑

↑ Stress de paroi VD ↑ Vol td VD

Septum → VG

Stase VCI ↓ excrétion Na Ascite

↓ Drainage lymphatique Œdème interstitiel

Endotoxines TD

Retour → VG ↓

Acidose Kinines

↓ Vol syst VG Insuffisance

VG

Perte de l’inter-dépendance VG-VD ↓ PP coronaire

↓ P VG ↓ perfusion tissulaire

© Chassot 2015

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 20

Présentation clinique Le status fonctionnel du patient est réparti en quatre catégories selon la classification de la New York Heart Association (NYHA) :

I : activité physique non limitée, dyspnée et/ou fatigabilité à l’effort intense ; II : activité physique légèrement diminuée, dyspnée lors d’activité importante

(> 2 étages d’escaliers) ; III : limitation marquée de l’activité physique, confort au repos ; IV : activité physique impossible sans essoufflement, dyspnée au repos.

Les deux caractéristiques hémodynamiques de la défaillance cardiaque sont l’insuffisance propulsive (bas débit cardiaque) et la stase en amont (pressions de remplissage élevées) [248].

Le bas débit cardiaque se traduit cliniquement par une baisse de la pression artérielle ; une pression différentielle (PAsyst – PAdiast) de < 25% de la pression systolique correspond à un index cardiaque < 2.2 L/min/m2 ; les extrémités sont froides.

La stase conduit à la dyspnée, à l’orthopnée et à l’élévation de la pression jugulaire ; la POD est ≥ 15 mmHg et la PAPO ≥ 18 mmHg ; les extrémités sont oedémateuses et moites.

La résultante est une saturation veineuse centrale (SvO2) < 60%. Insuffisance ventriculaire gauche La maladie évolue progressivement à travers quatre stades, à chacun desquels correspond un schéma thérapeutique et un pronostic différents (Figure 12.9) [127,149,248].

Stade A (asymptomatique) : le malade ne présente ni cardiopathie clinique ni symptômes, mais est à risque d’insuffisance cardiaque à cause de la haute probabilité d’évolution impliquée par certains marqueurs : hypertension artérielle, coronaropathie, diabète, ingestion de toxiques (alcool, etc), anamnèse familiale. La FE est à la limite inférieure de la norme (0.5). Le traitement consiste en corrections de ces marqueurs : anti-hypertenseurs, hypolipémiants, exercice physique, arrêt de l’alcool et hygiène de vie. Le pronostic est lié aux affections intercurrentes.

Stade B (paucisymptomatique) : le développement d’une cardiopathie (cardiomyopathie, infarctus, syndrome coronarien aigu ou chronique, etc) conduit au deuxième stade, auquel la FE est abaissée à ≤ 50% mais le patient est peu symptomatique, sauf à l’effort soutenu. Le traitement est le même qu’au premier stade avec, en plus, un β-bloqueur et un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC). La mortalité est inférieure à 5%/an ; elle est corrélée à la FE.

Stade C (avancé) : ce stade est caractérisé par la survenue de symptômes à un effort modeste (fatigabilité) et par des signes de stase en amont (dyspnée). Au traitement du stade précédent (IEC et β-bloqueur) s’ajoute des anti-aldostérone (éplérénone, spironolactone), la restriction sodée, la nitroglycérine, et éventuellement la digitale. La mortalité est de 10-15%/an. Si le VG est dilaté, la mortalité est corrélée avec le degré de cette dilatation (diamètre court-axe VG > 40 mm/m2).

Stade D (réfractaire) : Le patient est symptomatique au repos malgré un traitement maximal ; il est fréquemment hospitalisé à cause de ses symptômes. Outre la pharmacologie, la thérapeutique comprend un pace-maker de resynchronisation, des perfusions itératives d’agents inotropes (amélioration à court terme, mais risque d’arythmies et augmentation de la mortalité), une assistance ventriculaire et la transplantation. La mortalité est de 50%/an, directement liée au degré de dilatation du VG (diamètre VG > 40 mm/m2).

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Figure 12.9 : Evolution de l’insuffisance cardiaque en quatre stades, avec leurs caractéristiques symptomatiques, leurs plans thérapeutiques et leurs pronostics [d’après réf 127]. IC : insuffisance cardiaque. FE : fraction d’éjection. HTA : hypertension artérielle. IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion. MCo : maladie coronarienne. TTT : traitement. La baisse du volume d’éjection systémique (Forward failure) provoque une stimulation du système sympathique (tachycardie, vasoconstriction périphérique) et du système rénine-angiotensine (rétention de sodium et d’eau). L’hypoperfusion des organes engendre la fatigue musculaire (particulièrement aux membres inférieurs), l’oligurie, l’insuffisance hépatique et la confusion mentale. La symptomatologie clinique est diagnostique : intolérance à l’effort, fatigue, dyspnée et rétention hydro-salée (prise de poids, oedèmes, nycturie). Une toux sèche est fréquente. L’orthopnée est due au déplacement de sang du secteur extrathoracique vers le secteur intrathoracique lorsque le malade se couche. La dyspnée paroxystique survient habituellement la nuit lorsque la stimulation sympathique décroît ; elle est souvent accompagnée de bronchospasme du à la congestion de la muqueuse bronchique [122]. La dyspnée proprement dite résulte de la stase interstitielle pulmonaire secondaire à l’augmentation des pressions de remplissage ventriculaire (Backward failure). Outre l’anamnèse, le status révèle :

Bruits cardiaques étouffés, gallop B3 ; Oedèmes périphériques, distension jugulaire ;

Traiter HTA

lipides Exercice Toxiques

Traiter idem 1

β-bloqueur IEC

Traiter IEC

β-bloqueur diurétique

digitale

Traiter Inotrope

Pace 3-ch Assistance

Transpl

Mortalité liée à

intercurrences

Mortalité corrélée à la fraction d’éjection

Mortalité ≤ 5% / an

Mortalité 10-15% / an

Mortalité 50% / an

Mortalité corrélée à la dilatation ventriculaire

Stade A

A risque d’IC Ø cardiopathie Ø symptômes

Présence de cardiopathie

Ø symptômes

Présence de cardiopathie

symptomatique

Insuffisance réfractaire

TTT avancés

HTA, CAD Diabète Obésité

Toxiques

Stade B Stade C Stade D

Cardiopath Dyspnée Fatigue Effort ⇓

Symptomat au repos malgré

traitement

Infarctus FE < 45%

Valvulopath

Cardio pathie

Sympt effort

Sympt repos

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Hépatomégalie, ascite, épanchement pleural ; Cardiomégalie ; Râles de stase, congestion pulmonaire ; ECG : prolongation du QRS ; Réduction de la capacité vitale pulmonaire ; FE < 0.35, insuffisance mitrale (< III/IV) ; Capacité d’effort réduite (distance marchée en 6 minutes < 400 m) ; Hémodynamique :

• PAsyst abaissée (< 120 mmHg) ; • PA diff (PAsyst – PAdiast) < 25% PAsyst ; • Tachycardie ; • Index cardiaque < 2.2 L/min/m2 ; • SvO < 55%.

Le diagnostic est habituellement confirmé par l’échocardiographie : dysfonction ventriculaire gauche (FE < 0.35), dilatation ventriculaire (D > 4 cm/m2), insuffisance mitrale, éventuelle insuffisance droite associée. La dilatation du VG ne donne plus une course suffisante aux cordages pour permettre l’affrontement des feuillets mitraux ; ces derniers sont alors retenus en dessous du plan de l’anneau mitral pendant la systole, et la valve fuit ; cette insuffisance mitrale est dite restrictive (Figure 12.10). Elle est proportionnelle à la postcharge et au degré d’insuffisance ventriculaire gauche. En salle d’urgence, le diagnostic différentiel de l’insuffisance cardiaque chez le malade en dyspnée aiguë repose essentiellement sur le dosage du BNP et du NT-pro-BNP. Des taux de BNP et de NT-proBNP aussi peu élevés que 100 pg/mL et 300 pg/mL, respectivement, sont déjà des marqueurs d’une dysfonction ventriculaire majeure [217]. En périopératoire, l’élévation de ces deux marqueurs est associée de manière indépendante avec la mortalité, le taux de décompensation ventriculaire et le risque d’infarctus ; elle est plus pertinente pour évaluer le pronostic que la fraction d’éjection du VG [289]. Ces molécules sont sécrétées par les cardiomyocytes ventriculaires en fonction de la distension du VG ; leur effet physiologique est d’augmenter la filtration glomérulaire (inhibition de la rétention de sodium) et d’induire une vasodilatation artérielle et veineuse. Leur concentration sérique est

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Normal Dilatation VG + IM

IM

OG

VG

OG

VG

Figure 12.10: Normalement, les feuillets mitraux s’affrontent par leurs bords libres sur une certaine hauteur (8-10 mm) : leur étanchéité est assurée par la pression intraventriculaire qui les plaquent l’un contre l’autre (flèches vertes). L’insuffisance du VG conduit à 3 phénomènes : la sphéricisation du VG, sa dilatation, et la dilatation de l’anneau mitral. L’écartement des piliers ne donne plus une course suffisante aux cordages pour permettre l'affrontement des feuillets mitraux; ces derniers sont alors retenus en dessous du plan de l'anneau mitral pendant la systole, et la valve fuit; l'insuffisance mitrale est dite restrictive. L'importance et la variation de l'insuffisance mitrale (IM) sont un bon critère du degré d'insuffisance ventriculaire gauche.

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directement fonction du degré de distension du ventricule et de l’oreillette ; elle s’élève aussi en cas de dysfonction diastolique [163]. Les valeurs-seuil pour le diagnostic d’insuffisance ventriculaire augmentent avec l’âge du patient [233]. L’ajustement du traitement en fonction de l’évolution du taux de BNP/NT-proBNP améliore le pronostic et diminue la mortalité (OR 0.76) [341]. Les troponines I et T sont relarguées par les cellules myocardiques nécrotiques et sont liées à la présence d’un infarctus, mais les tests de haute sensibilité ont donné des résultats positifs dans l’insuffisance venriculaire aiguë, même sans ischémie active [39]. D’autres biomarqueurs sont élevés dans la défaillance cardiaque : CRP, aldostérone, adrénomédulline.

Clinique de l’insuffisance ventriculaire gauche Insuffisance systolique: bas débit (IC < 2.2 L/min/m2 ), PAdiff ≤ 30 mmHg (ou ≤ 25% PAs), FE < 0.35, hypoperfusion et fatigabilité, oligurie, extrémités froides, Insuffisance diastolique: stase, dyspnée, PVC ≥ 15 mmHg et PAPO ≥ 18 mmHg, FE conservée, extrémités moites. Evolution: - Stade A: asymptomatique mais présence de facteurs de risque - Stade B: présence de cardiopathie asymptomatique ou paucisymptomatique - Stade C: fatigabilité et dyspnée à l’effort - Stade D: symptômes au repos Echocardiographie: - Dilatation VG (diamètre > 4 cm/ m2) - Dilatation de l’OG - FE < 0.35, indices fonctionnels abaissés - IM Laboratoire: BNP > 200 pg/mL, NT-proBNP > 500 pg/mL Insuffisance diastolique L’insuffisance ventriculaire diastolique se définit comme une résistance accrue au remplissage liée à un défaut de relaxation et de distensibilité du ventricule (Backward failure). Elle se traduit pas une stase en amont : la pression augmente dans l’OG et dans les veines pulmonaires, la stase liquidienne interstitielle freine les échanges gazeux et la dyspnée apparaît, d’abord à l’effort, puis au repos. La fonction systolique est conservée (FE ≥ 0.5) [363]. A droite, l’élévation de la pression dans l’OD entraîne des oedèmes périphériques et une hépatomégalie. Actuellement, on recommande de parler d’insuffisance ventriculaire à fonction systolique préservée (HFpEF : Heart failure with preserved ejection fraction) plutôt que d’insuffisance diastolique, parce que d’autres phénomènes que l’insuffisance diastolique provoquent la même pathologie, comme la péricardite et l’insuffisance mitrale ou aortique sévère [268]. L'insuffisance diastolique à fonction systolique conservée représente 25-40% des cas d'insuffisance cardiaque congestive [31,347]. La prévalence de cette dysfonction diastolique est de 20% chez les malades de chirurgie vasculaire ; elle s’élève à 50% chez les malades de plus de 70 ans, et jusqu’à 70% chez les patients cardio-chirurgicaux ; elle est plus fréquente chez la femme que chez l’homme [101,363]. Dans l’hypertrophie concentrique du VG sur hypertension artérielle ou sténose aortique, par exemple, l’insuffisance diastolique se développe très tôt dans l’évolution de la maladie, alors que l’insuffisance systolique est plus tardive et correspond à la phase dilatative de l’affection. Toutefois, les connaissances actuelles ne permettent pas de trancher entre l’hypothèse d’une évolution continue de la même pathologie ou celle de deux pathologies séparées. Par rapport à celle de l’insuffisance

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systolique, qui est de 10-15%, la mortalité annuelle de l’insuffisance diastolique est inférieure d’un tiers : 5-12% (OR 0.68) ; par rapport à la population générale, par contre, sa présence augmente de 2.5 fois le risque de décès [15,31,87]. La maladie diastolique augmente les difficultés hémodynamiques au sortir de CEC [30,80]. En chirurgie, elle double le risque d'accident cardiovasculaire et triple la mortalité postopératoire [101]. Il est difficile de diagnostiquer cliniquement une insuffisance diastolique. Il s’agit avant tout d’un diagnostic de présomption, tant qu’on ne l’a pas objectivé par une investigation cardiologique [363]. Comme cette notion est importante pour la prise en charge hémodynamique périopératoire des patients chirurgicaux, il faut garder à l’esprit les situations dans lesquelles la dysfonction diastolique est très probable [224].

Augmentation de la masse myocardique et du réseau collagéno-fibreux : hypertrophie concentrique du VG (hypertension artérielle, sténose aortique, cardiomyopathie hypertrophique) ;

Perte de myocytes et augmentation des fibrocytes: nouveau-né, vieillard, ischémie aiguë, infarctus étendu, cardiomyopathie restrictive ;

Infiltrations myocardiques : collagénoses, amyloïdose, œdème post-CEC ; Augmentation de la tension de paroi ventriculaire : insuffisance cardiaque systolique avec

dilatation ventriculaire ; Hypertrophie ventriculaire droite (BPCO, hypertension pulmonaire) ; Syndrome inflammatoire-métabolique : obésité, diabète, syndrome métabolique, insuffisance

rénale ; Comorbidités : apnée du sommeil, anémie, cachexie ; Pathologie péricardique.

Les critères diagnostics de l’insuffisance congestive à fonction systolique préservée sont [268] :

Symptômes d’insuffisance cardiaque congestive (stase, dyspnée) ; FE > 0.5 ; Dilatation de l’OG (surface > 15 cm2/m, volume > 32 mL/m2) ; Rapport E/e’ > 15 (rapport entre la vélocité maximale du flux mitral protodiastolique E et

celle du mouvement de l’anneau mitral e’ à l’échocardiographie) (Figure 12.11) [11,239] ; alternative : PAPO > 15 mmHg ;

NT-proBPN > 220 pg/ml, BNP > 200 pg/ml ; Absence de valvulopathie.

La baisse de compliance modifie la relation qui lie la pression et le volume. La courbe de compliance étant redressée et déplacée vers le haut et vers la droite, au même volume correspond une pression plus élevée (voir Figure 12.6) ; un patient peut devenir sévèrement hypovolémique avec une PVC et une PAPO normales. A l’inverse, une faible surcharge de volume augmente substantiellement la POG et peut conduire à la stase et au pré-œdème pulmonaire. Peu perceptible cliniquement sauf à l’effort, l’insuffisance diastolique est très sensible aux modifications des conditions de remplissage cardiaque et des régimes de pression endothoracique parce que la courbe de Frank-Starling est très redressée : de faibles variations de remplissage dues aux modifications de la pression endothoracique se traduisent par de grandes variations de volume systolique (voir Figure 12.3). D’autre part, les difficultés du remplissage ventriculaire font qu’un raccourcissement de la diastole ne permet pas un remplissage adéquat, vu la lenteur de ce dernier ; la tachycardie entraîne très rapidement une baisse du débit cardiaque. La bradycardie n’est pas mieux supportée, car le volume télédiastolique n’augmente pas malgré la longueur de la diastole à cause de la non-distensibilité du ventricule ; le débit cardiaque baisse. Vu son manque de distensibilité, le ventricule dépend largement de la contraction auriculaire pour atteindre son Vtd optimal. L’insuffisance diastolique entraîne les conséquences suivantes :

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POD et POG élevées en normovolémie ; Débit systolique très dépendant de la précharge : intolérance à l’hypovolémie, à

l’hypervolémie et aux variations de pression intrathoracique ; instabilité tensionnelle très marquée lors des variations de remplissage ;

Intolérance à la tachycardie et à la bradycardie ; Intolérance à la perte du rythme sinusal.

Sur une courbe de PAPO, la non-distensibilité télédiastolique se manifeste par une onde « a » proéminente (voir Chapitre 6, Figure 6.23) ; l’importance de l’onde « v » est fonction de la compliance de l’oreillette gauche [239]. La distension de l’OG caractéristique de l’insuffisance diastolique (> 32 mL/m2) est le marqueur d’une élévation chronique de la POG ; elles est directement associée à la fibrillation auriculaire, en cardiologie comme après chirurgie cardiaque (OR 4.1) [13,19].

E

Flux mitral

E’

DT anneau mitral

B

OG ↑

VG VD

OD

HVG A © Chassot 2011

Figure 12.11: A: Silhouette des cavités cardiaque lors d’insuffisance diastolique; l’OG est dilatée, le VG en général hyper-trophié. B: Rapport E/E’ entre la vélocité maximale (Vmax) du flux mitral protodiastolique E (Doppler spectral) et celle du mouvement protodiastolique de l’anneau mitral E’ (Doppler tissulaire) à l’ETO. La Vmax du flux mitral augmente lorsque la POG s’élève, puisque cette dernière est la pression d’amont de ce flux. En cas de dysfonction diastolique, la vélocité de l’anneau mitral diminue, car elle traduit le défaut de relaxation longitudinale du VG. Le rapport E/E’ sera donc élevé. Lorsque ce rapport est bas (< 8), la relaxation et le remplissage sont normaux, et la PAPO est basse. S’il est > 15, la PAPO est > 18 mmHg (r = 0.82) [11,268]. L’âge et l’hypo-volémie peuvent augmenter ce rapport de manière disproportionnée à la POG.

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Insuffisance diastolique

Environ 40% des insuffisances cardiaques congestives caractérisées par une stase et une dyspnée sont des insuffisances diastoliques à fonction systolique conservée (FE > 0.5). L'insuffisance diastolique est fréquente en cas de: HVG concentrique, âge avancé, ischémie, dilatation VG/VD, HVD. Elle est pathognomonique de: nouveau-né, vieillesse, infiltrations, fibrose, cardiomyopathie restrictive, restriction péricardique, oedème après CEC. Impact hémodynamique en clinique: - Pression de remplissage élevée (PVC ↑, PAPO ↑) - Dépendance accentuée de la précharge, intolérance à l'hypovolémie et à l’hypervolémie - Intolérance à la bradycardie et à la tachycardie - Dépendance du rythme sinusal Même paucisymptomatique, l'insuffisance diastolique double le risque cardiovasculaire et triple la mortalité opératoire. Insuffisance ventriculaire droite Clinique La défaillance ventriculaire droite réfractaire est présente chez 40% des chocs cardiogènes, 39% des embolies pulmonaires, 30% des assistances ventriculaires gauches, et 1% des sorties de CEC. Sa mortalité moyenne est de 35%. Elle diminue de moitié le taux de survie après embolie pulmonaire (OR 0.47-0.51) [174]. Elle est responsable de 21% de la mortalité en sortant de CEC [82]. Les manifestations cliniques de l’insuffisance ventriculaire droite (IVD) sont dominées par trois éléments.

La stase veineuse : turgescence jugulaire, oedèmes, ascite, hépatomégalie, épanchement pleural ; la pression veineuse élevée compromet la perfusion des organes comme le cerveau, le foie, les reins ou les viscères.

Le bas débit systémique (fatigabilité, intolérance à l’effort, dyspnée) lié au fait que le VD n’assure pas une précharge transpulmonaire satisfaisante pour le VG.

Les arythmies : tachyarythmies auriculaires, tachycardie et fibrillation ventriculaires, incidence élevée de morts subites.

L’insuffisance droite est doublement pénalisante pour les organes : la stase périphérique augmente la pression veineuse de sortie, et le faible remplissage du VG ne permet pas de maintenir une pression artérielle systémique suffisante. Ainsi, elle baisse la pression de perfusion efficace des viscères, qui est la différence entre la pression artérielle d’entrée et la pression veineuse de sortie. Les veines jugulaires sont distendues ; on voit une onde « v » proéminente et une descente « y » rapide sur la PVC, qui est > 12 mmHg. Le deuxième bruit est accentué au foyer pulmonaire, un gallop S3 droit et un souffle d’IT apparaissent. L’ECG est caractérisé par un type S1Q3, une inversion de l’onde T en III, en aVF et/ou en V1à V4, un bloc de branche droit et un axe droit. La défaillance droite survient le plus souvent dans le contexte d’une affection ventriculaire ou valvulaire gauche ; elle en aggrave significativement le pronostic. La surcharge de volume (shunt G – D comme une CIA) est mieux tolérée que la surcharge de pression, et cette dernière l’est mieux si elle débute dès la naissance, même si la PAP est plus élevée que dans les autres carégories, parce que la maintien des caractéristiques myocardiques fœtales assure une meilleure performance systolique contre une forte résistance. Les survies naturelles selon la pathologie en témoignent [134] :

CIA non-opérée : 90% à 40 ans ; HTAP fixée chez les congénitaux (Eisenmenger) : 80% à 10 ans ;

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HTAP sur maladie thrombo-embolique : 20% à 5 ans. Trois examens se partagent la faveur dans l’investigation des malades souffrant d’insuffisance droite.

L’échocardiographie ; examen de premier choix et de grande disponibilité pour l’évaluation de la fonction et de la taille du VD et de l’OD, pour la performance du VG, pour l’interdépendance ventriculaire (position du septum), et pour l’appréciation de la PAPs par le truchement de la Vmax de l’insuffisance tricuspidienne (voir ci-dessous).

L’IRM ; meilleure technique pour la mesure des volumes, de la masse myocardique et de la fraction d’éjection du VD ; possibilité d’évaluer précisément la fonction systolique et diastolique du VD, quasiment sans artéfacts ; mise en évidence d’anomalies dans la structure myocardique (fibrose, graisse, infiltration). Contre-indications : disponibilité, claustrophobie, matériel prosthétique, pace-maker non-IRM compatible, etc.

Le cathétérisme droit ; mesure-étalon de la PAP, de la PAPO et des RAP, nécessaire pour l’évaluation de l’hypertension pulmonaire (HTP), si elle est suspectée d’être importante, et de sa catégorisation en HTP précapillaire (PAPO < 15 mmHg) ou postcapillaire (PAPO > 15 mmHg) [146]. Il permet de tester la réactivité des RAP à un vasodilatateur (NO).

Echocardiographie La structure complexe du VD enroulé autour du VG (voir Chapitre 5, Figures 5.32 et 5.101) rend son analyse échocardiographique assez délicate, mais l'échocardiographie transthoracique (ou transoesophagienne en salle d’opération) reste l’examen de premier choix. Elle permet l'évaluation du remodelage et de la fonction du VD de manière non-invasive, et peut estimer la pression systolique pulmonaire par le truchement de l'analyse Doppler de l'insuffisance tricuspidienne (Figure 12.12A), dans la mesure où celle-ci est quantifiable. La corrélation entre la PAPs évaluée à l’écho et celle mesurée au cathétérisme est modeste (r = 0.7), mais suffisante pour un examen de dépistage ou de suivi [153,335]. Les principaux critères de défaillance droite sont (voir Chapitre 25, Fonction VD, Indices échocardiographiques) :

Dilatation de l’OD (SOD > 15 cm2/m, où m = hauteur de l’individu en mètre) ; Remodelage hypertrophique et dilatation du VD (SVD > 0.7 SVG) (Figures 12.7) ; Septum interventriculaire rectiligne ou basculé dans le VG ; Volume télédiastolique du VD > 85 mL/m2, index systolique < 25 mL/m2, mesurés par

échocardiographie tridimensionnelle (ou par IRM) ; Dysfonction du VD : fraction de raccourcissement de surface (FAC) < 0.25, indice de Tei >

0.6, excursion longitudinale de l’anneau tricuspidien (TAPSE) < 15 mm ou < 10 cm/s ; Anomalies de la contraction segmentaire, hypokinésie de la paroi libre du VD ; Si hypertension pulmonaire : Vmax IT ≥ 2.8 m/s, PAPs ≥ 40 mmHg (Figures 12.12A).

Les avancées technologiques de l’échocardiographie ont permis de déterminer de nouveaux indices plus pertinents de la fonction droite [132a].

Imagerie 3D : la reconstruction tridimensionnelle fournit une évaluation satisfaisante des volumes systolique et diastolique du VD, car elle reconstitue la forme complexe de ce ventricule ; dans ce cas, le calcul de la FE devient possible.

Déformation longitudinale globale : les techniques de Doppler tissulaire et de speckle-tracking permettent de calculer le degré de raccourcissement longitudinal de la paroi libre du VD (strain) (normal : 25%).

Contraction isovolumétrique (CI) : l’accélération de la vélocité de contraction au début de la CI mesurée au niveau de l’anneau tricuspidien est une mesure de la force contractile indépendante de la postcharge (normal 2 m/s2).

Dépendance de la performance systolique du degré de postcharge : en combinant l’intégrale des vélocités (ITV) de l’insuffisance tricupsidienne, traduisant les conditions de charge du

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 28

VD, et le rapport entre la surface télédiastolique (Std) et le long-axe en télédiastole (Ltd), qui évaluent l’adaptation volumétrique du ventricule, on obtient un indice nommé load-adaptation index (LAI) : ITV / (Std/Ltd) ; sa valeur normale est > 15. Une dysfonction se traduit par une ITV basse et une Std excessive par rapport à la Ltd [75a].

En préopératoire, ces indices ont une bonne valeur pronostique pour l’apparition d’une défaillance droite après CEC ou après implantation d’une assistance ventriculaire gauche. En perfectionnant les investigations, on s’aperçoit que les indices fonctionnels du VD traduisent davantage le couplage ventriculo-artériel que la contractilité propre du ventricule. Ce couplage est bien illustré par le rapport entre l’élastance maximale du ventricule (Emax) et l’élastance artérielle (Ea) ; dans la zone physiologique, ce rapport est de 1.0-1.3 (voir Figure 12.15A). Il s’abaisse à environ 0.7 lorsque la performance du VD n’est plus en équilibre avec sa postcharge, quand bien même l’Emax s’est élevée pour lutter contre l’hypertension pulmonaire [130a]. Figure 12.12A : Calcul de la pression pulmonaire par échocardiographie Doppler. Le faisceau Doppler est placé en ligne avec le jet de l'insuffisance tricuspidienne (IT) (A). Au moyen de l'affichage spectral (B), on repère la valeur de la vélocité maximale (Vmax) du flux régurgitant, en l'occurence 260 cm/sec, soit 2.6 m/sec. L'équation simplifiée de Bernoulli spécifie que la différence de pression entre deux cavités est égale à 4 fois le carré de la vélocité maximale du flux entre ces deux cavités: ΔP = 4 (Vmax)2. Ce calcul donne 27 mmHg de gradient entre l'OD et le VD en systole. Comme la pression de l'OD est estimée à 10 mmHg, il faut l'additionner au gradient de pression pour trouver la pression systolique du VD, qui est identique à la PAP systolique en l'absence de lésion sur la valve pulmonaire, rarissime chez l'adulte. La PAPs est donc de 37 mmHg dans ce cas, soit environ 40 mmHg compte tenu de la légère sous-estimation de la Vmax à cause de l'angle entre l'axe du jet de l'IT et celui du faisceau Doppler. Cathétérisme droit Le cathétérisme pulmonaire selon la technique de Swan-Ganz permet l’enregistrement continu de la POD, de la PAP, de la PAPO, des RAP et du volume systolique (VS) droit. Complété par l’échocardiographie transoesophagienne, il offre une vision très complète de la fonction droite et de la circulation pulmonaire, à la condition de ne pas se contenter de lire la seule PAP, mais d’investiguer la circulation pulmonaire par le calcul des RAP, de la pression pulsée (PP = PAPs – PAPd), du rapport PAM/PAPm, et de la compliance (C = VS/PP). La PAP étant la résultante de l’éjection du ventricule droit contre les résistances pulmonaires, une baisse de la PAP peut fort bien représenter une

ΔP = 4 (Vmax)2 ΔP = 4 (VIT)2 PAPs = 4 • 2.62 + POD PAPs = ~ 40 mmHg

OD

VD

A

B

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 29

défaillance du VD et non une amélioration de la circulation pulmonaire (voir Figure 12.28B). Ce phénomène est mis en évidence par des indices prenant en compte la postcharge, comme le rapport entre la PAPs et le débit cardiaque (PAPs/DC) qui augmente lorsque la fonction du VD s’abaisse [132a]. Une information majeure sur la fonction du VD peut être obtenue par l’enregistrement de la pression intraventriculaire droite (PVD) (port ventriculaire du cathéter Paceport™). La superposition des courbes de PVD et de PAP montre que la pression diastolique du VD, normalement horizontale et inférieure à la PAPd, devient oblique ascendante lors de défaillance du VD, au point que sa valeur télédiastolique devient identique à celle de la PAPd (Figure 12.12B) ; normalement, la PAPd augmente de ≤ 4 mmHg entre le début et la fin de la diastole [81]. Lorsque le VD est distendu et rigide (insuffisance diastolique restrictive), sa pression télédiastolique peut même être supérieure à celle de la PAPd et donner lieu à un flux antérograde en télédiastole (voir Chapitre 25, Figure 25.77E). L’accélération de la pente ascendante de la pression systolique intraventriculaire (dP/dt) diminue lors de décompensation droite. D’autre part, une élévation de la pression systolique du VD de > 6 mmHg par rapport à la PAP indique la présence d’une obstruction dynamique de la chambre de chasse du VD ; le gradient de pression peut dépasser 25 mmHg dans 4% des cas d’instabilité hémodynamique après CEC [79]. Prise en charge En anesthésie, la prise en charge clinique de l’insuffisance ventriculaire droite (IVD) passe par plusieurs étapes [362] :

Déterminer l’étiologie de l’IVD et traiter sa cause ; Adapter la précharge du VD (volémie) ; Abaisser les RAP et utiliser des vasodilatateurs pulmonaires ; Maintenir la perfusion et la performance du VD avec des vasopresseurs systémiques ; Maintenir la contractilité du VD avec des agents inotropes.

Un défaut de contractilité du VD n’est pas synonyme de défaillance hémodynamique droite, car l’assistance par le VG, la pression veineuse centrale et la ventilation spontanée peuvent maintenir une circulation pulmonaire minimale. En présence d’un excès de postcharge (hypertension pulmonaire, stase gauche), par contre, ce défaut de contractilité conduira rapidement à une insuffisance droite manifeste. Pour l’anesthésiologiste, il importe de différencier trois situations différentes de dysfonction ventriculaire droite.

Dysfonction primaire du VD ; en cas d’infarctus, la priorité est au maintien d’une pression de perfusion coronarienne suffisante (vasoconstricteur systémique) ; en cas de cardiomyopathie, la priorité est au maintien de la contractilité (catécholamines, milrinone, levosimendan) ; optimalisation de la précharge (PVC 10-12 mmHg) pour obtenir le meilleur débit ; la PAP et la postcharge sont normales et doivent rester basses.

Excès de postcharge (embolie pulmonaire, BPCO, PEEP, vasoconstriction pulmonaire hypoxique, etc) : défaillance aiguë entraînant une insuffisance congestive du VD ; la priorité est de baisser la précharge droite (diurétiques, nitroglycérine, position en contre-Trendelenburg), de soutenir l’hémodynamique droite (dobutamine, milrinone + adrénaline, levosimendan) et gauche (nor-adrénaline, vasopressine), et de baisser la postcharge droite si cela est possible (hyperventilation, NO•, prostacyclines, milrinone, etc).

Hypertension pulmonaire chronique avec hypertrophie ventriculaire droite ; la priorité est de baisser les RAP (hyperventilation, NO•, prostacyclines, etc) ; la précharge doit rester élevée (PVC 10-12 mmHg) car le VD hypertrophié fonctionne sur une courbe de Starling analogue à celle du VG (le débit augmente avec le remplissage).

Ces trois catégories déterminent la tolérance à la ventilation en pression positive (IPPV). Dans le premier cas, toute augmentation de postcharge, aussi faible soit-elle, peut décompenser le VD défaillant ; l’IPPV est très mal tolérée. Dans le deuxième cas, le VD souffre d’une augmentation aiguë

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et massive de sa postcharge ; la tolérance à l’IPPV est variable selon les cas. Il se peut qu’elle soit bien tolérée car elle ne représente qu’une faible augmentation par rapport à une postcharge déjà très élevée, mais il se peut aussi que ce faible excès soit suffisant pour précipiter la décompensation du VD. Dans le troisième cas, l’IPPV ne représente qu’une modeste augmentation de postcharge pour un VD hypertrophié et habitué à une PAP élevée ; elle est parfaitement tolérée et permet même de baisser la PAP par hyperventilation.

Dysfonction du VD L'insuffisance droite est due 1) à une cardiopathie du VD (ischémie, cardiomyopathie), 2) à une surcharge de volume (CIA, IT) ou 3) le plus souvent, à une surcharge de pression:

- HTAP précapillaire (idiopathique, âge, obésité, SAS, vasoconstriction pulmonaire), - HTP postcapillaire (stase gauche, décompensation du VG, maladie mitrale), - Pathologies pulmonaires (BPCO, SDRA, embolie, PEEP excessive).

L'insuffisance droite est un facteur de mortalité majeur. Le pronostic clinique est davantage déterminé par la fonction du VD que par la valeur de la pression pulmonaire. Trois situations peuvent se présenter: - Dysfonction primaire du VD (infarctus, cardiomyopathie) - Excès aigü de postcharge (embolie pulmonaire, vasoconstriction pulmonaire hypoxique) - HTAP chronique et HVD

© Chassot 2015

A

B

P VD P AP

P VD P AP

Figure 12.12B: Super-position de la courbe de pression intraventriculaire droite (PVD, en rouge) et de celle de l’artère pulmonaire (PAP, en jaune). A: situation normale; la pression diastolique dans le VD est basse et constante pendant toute la durée de la diastole; en télédiastole, la PVD et la PAPd sont nettement différentes (flèches). B: défaillance ventriculaire droite; la courbe de pression diastolique est oblique ascendante; en télédiastole, la PVD et la PAPd se rejoignent (flèche). Ce phénomène est un bon indice de décompensation droite. D’autre part, la pente ascensionnelle de la pression intraventriculaire, ou dP/dt, est plus faible que dans la situation normale [d’après référence 81].

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Traitement de l’insuffisance ventriculaire Si 10% des personnes âgées souffre d’insuffisance cardiaque et si la population de plus de 65 ans est appelée à doubler ces vingt prochaines années [217], l’anesthésiste va de plus en plus fréquemment être confronté à des malades dont les ventricules sont défaillants. Il est donc important qu’il connaisse la prise en charge médicale de ces malades et qu’il maîtrise le traitement d’une décompensation aiguë au cas où elle surviendrait en cours d’intervention ou en périopératoire. Insuffisance ventriculaire gauche chronique Le traitement à long terme de l'insuffisance cardiaque a trois buts [142]:

Soulager les symptômes, Ralentir ou arrêter la progression de la maladie, Réduire la mortalité.

Il repose actuellement sur trois axes (Tableau 12.1) [217,359] :

β-bloquant ; Inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagoniste du récepteur de l’angiotensine II

(ARA) ; Anti-aldostérone (spironolactone, éplérénone).

Il s’accompagne de mesures générales (arrêt de la fumée et de l'alcool, perte pondérale, exercice physique régulier, correction de l'hyperlipidémie et de l'hypertension). L’ivabradine (Procoralan®) est recommandée si le rythme sinusal persiste au-dessus de 75 batt/min malgré le béta-blocage. La resynchronisation en plus du traitement médical est prescrite chez les malades en rythme sinusal qui ont un QRS > 120 msec, un BBG et une FE < 0.3, indépendamment de leurs symptômes (voir Resynchronisation). En cas de bloc AV complet, l’entraînement électrosystolique biventriculaire réduit significativement la mortalité (OR 0.74) [74]. Les statines et les anticoagulants (sauf en cas de FA) ne sont pas des médicaments à prescrire spécifiquement dans l’insuffisance cardiaque. Globalement, le traitement a permis de réduire la mortalité annuelle des patients en classe NYHA III-IV de 40% à 10% [217,248]. Les résultats sont encore améliorés en le basant sur un suivi du BNP et du NT-proBNP [341]. Le traitement chronique doit maintenir le BNP < 35 pg/mL et le NT-proBNP < 125 pg/mL ; une décompensation aiguë est diagnostiquée par des valeurs de > 100 pg/mL et > 300 pg/mL, respectivement [217]. Une certaine connaissance du traitement chronique de la défaillance ventriculaire est très utile pour un anesthésiste, car elle lui permet mieux comprendre les interférences avec l’anesthésie et d’ajuster plus finement le traitement périopératoire. β-bloqueurs Les β-bloqueurs freinent la dérégulation et la désensibilisation des récepteurs β (down-regulation), augmentent la recapture de Ca2+ par le RS et freinent la fuite diastolique de Ca2+ ; ils diminuent la fréquence cardiaque, l'incidence d'arythmies et le taux de morts subites ; ils atténuent la sécrétion de nor-adrénaline préjonctionnelle aux synapses sympathiques, et inhibent la sécrétion de rénine [88]. Dans l’insuffisance cardiaque chronique, ils réduisent la mortalité de 35% et le taux d'hospitalisations de 20% [102]. Débutés à petite dose, ils sont augmentés progressivement jusqu'à la dose maximale tolérée par le patient ; le plein effet n’est atteint qu’après 1-3 mois [248]. Les β-bloqueurs de la première génération (propanolol) avaient un effet anti-β1 et anti-β2, alors que ceux de la deuxième génération (métoprolol, bisoprolol, aténolol) sont sélectivement anti-β1. En plus de cet effet, ceux de

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la troisième génération (carvedilol, bucindolol) ont une activité vasodilatatrice anti-α1 qui est profitable dans l’indication de l’insuffisance ventriculaire gauche.

Tableau 12.1 Dosages des médicaments usuels en cas d’insuffisance cardiaque gauche chronique

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et antagonistes du récepteur de l’angiotensine II

• Captopril (Captopril, Lopirin) 150 mg/jour • Enalapril (Reniten, Epril) 40 mg/jour • Lisinopril (Zestril, Prinil) 30 mg/jour • Losartan (Cosaar) 150 mg/jour • Valsartan (Diovan) 160 mg/jour

β-bloqueurs • Carvedilol (Dilatrend) 2 x 25 mg/j • Metoprolol (Lopresor, Belok) 150 mg/j • Bisoprolol (Concor) 10 mg/j • Nebivolol (Nebilet) 10 mg/j

Diurétiques anti-aldostérone • Spironolactone (Aldactone, Xenalon) 25-50 mg/j • Eplérénone (Inspra) 25-50 mg/j

Ivabradine • Ivabradine (Procoralan) po : 5 à 7.5 mg 2x/j

Diurétiques de l’anse • Hydrochlorothiazide (Esidrex 25-50 mg/j), indapamide (Fludex 1.5 mg/j),

chlorotalidone (Hygroton 12.5-25 mg/j) • Furosémide (Lasix) po : 40-400 mg/j ; iv : 10-40 mg

Amiodarone (Cordarone, Aniodar, Escodaron) • iv : 5 mg/kg en 3-5 min ; perfusion : 10-20 mg/kg/24 heures • po : 600 mg/ pendant 1 semaine ; entretien : 100-400 mg/j

Digitale (Digoxine) • iv : 0.5 – 1.0 mg/24 h 1er jour, puis 0.2 – 0.4 mg/j • po : 0.125 – 0.25 mg/j

Vasodilatateurs • Nitrate d’isosorbide 3 x 10-50 mg/j • Hydralazine 3 x 50-100 mg/j

L’effet cardioprotecteur du β-blocage en périopératoire est significatif : la mortalité postopératoire des insuffisants cardiaques β-bloqués est abaissée à court et à long terme par rapport à ceux qui ne le sont pas (OR 0.38) [97]. Les β1-bloqueurs sont donc maintenus en préopératoire et administrés à la prémédication, bien qu’ils tendent à augmenter les épisodes d’hypotension et de bradycardie peropératoires et augmentent le taux d’AVC [84]. Le contrôle de la pression artérielle doit être très rigoureux en salle d’opération. Vu le blocage de la fréquence, le débit cardiaque devient très dépendant de la précharge et de la postcharge. Sous β1-blocage, la dobutamine (stimulant β1 et β2) a davantage d’effet β2 vasodilatateur, alors que la dopamine (stimulant β1, β2 et α) a plus d’effet vasoconstricteur α [223]. L’utilisation judicieuse de vasoconstricteur et de vasodilatateur permet de maintenir une pression artérielle stable. Inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC : captopril, enalapril, lisinopril, etc) et les antagonistes du récepteur de l'angiotensine II (ARA : losartan, valsartan, candesartan) diminuent la postcharge par

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vasodilatation artérielle, et la précharge par vasodilatation des vaisseaux de capacitance. Ils abaissent le taux sérique d'aldostérone et freinent l'activité sympathique. Ils freinent le développement de l'hypertrophie, de la fibrose et du remodelage ventriculaires ; de ce fait, ils doivent être débutés tôt dans l'évolution de la maladie [169]. Les effets secondaires des IEC sont l'hypotension, les syncopes, la péjoration de la fonction rénale, l'hyperkaliémie, l'angio-oedème et une toux fréquente. Les antagonistes de l'angiotensine II sont conseillés chez les patients ne tolérant pas les IEC. Les IEC et les ARA sont responsables d’une incidence de 22% d’hypotensions sévères à l’induction, parce que la pression devient très dépendante de la volémie [70]. En effet, le blocage du système rénine-angiotensine restreint la régulation de la pression artérielle au système sympathique et à la vasopressine; la sensibilité à l'hypovolémie augmente. Comme l'anesthésie inhibe le système sympathique, la seule régulation de la pression qui subsiste est celle de la vasopressine, qui est un système lent. La pression artérielle devient alors très dépendante de la précharge (volémie), particulièrement chez les malades qui ont une courbe de Starling redressée (fonction systolique normale, dysfonction diastolique, HVG). On conseille en général de les arrêter 24 heures avant l’intervention chez les hypertendus, car il n’y a pas d’effet rebond sur la pression artérielle. Cependant, la situation est différente en cas d’insuffisance systolique, où il est prudent de les maintenir en préopératoire, particulièrement dans le cadre de l’insuffisance ventriculaire gauche congestive. En effet, l'incidence d'hypotension à l'induction est peu importante, parce que les variations de précharge modifient peu le volume systolique du cœur défaillant (courbe de Frank-Starling aplatie) (Figure 12.13A). D’autre part, les IEC améliorent la fonction ventriculaire gauche [70,72]. Diurétiques anti-aldostérone Les diurétiques sont indiqués dès que se manifeste une rétention hydro-sodée avec une stase pulmonaire ou périphérique. La spironolactone et l’éplérénone sont les diurétiques de premier choix, car elles épargnent le potassium, freinent la fibrose myocardique, diminuent le taux de nor-adrénaline circulante, et augmentent la production de NO• endovasculaire [354]. Avec les IEC et les béta-bloqueurs, elles sont le troisième médicament qui diminue la mortalité de manière significative [273]. Les diurétiques de l'anse ou les thiazides sont plutôt indiqués à court ou moyen terme, et réservés aux périodes de décompensation.

Normovolémie

2

Pression

Hypovolémie

3

1

Figure 12.13A : Relation entre la volémie et la pression artérielle [72]. L'individu normal (1) maintient sa pression sur une large plage de volémie par l'action de l'angiotensine II: vasoconstriction des vaisseaux de résistance et de capacitance; la pression ne chute qu'en hypovolémie extrême. Chez le malade traité avec des IEC (2), la pression devient dépendante de la volémie et varie linéairement avec elle, parce que le mécanisme compensatoire de l'angiotensine II est bloqué. Le malade en insuffisance ventriculaire traité avec des IEC (3) présente une dépendance identique mais sa courbe est plus plate parce que la pente de sa courbe de Starling est plus faible.

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En préopératoire, il est prudent d’arrêter les diurétiques à cause du risque d’hypovolémie. La spironolactone et l’éplérénone sont responsables d’hyperkaliémies dangereuses, particulièrement en cas d’insuffisance rénale, de diabète ou d’intervention en CEC (cardioplégie). Les bloqueurs de l’anse induisent au contraire des hypokaliémies sévères responsables d’arythmies, particulièrement en association avec la digitale. Autres substances L’ivabradine (Procoralan®) freine la dépolarisation spontanée du nœud du sinus. Elle est recommandée chez l’insuffisant ventriculaire si une tachycardie sinusale > 75 batt/min persiste malgré le béta-blocage [217]. En cas d'arythmies, l'amiodarone (Cordarone) est le seul anti-arythmique qui ne soit pas associé à une augmentation de la mortalité [160]. Les anti-phosphodiestérases-5 comme le sildénafil améliorent la capacité d’exercice et la relaxation diastolique [39]. L'anticoagulation n’est plus recommandée lorsque la FE est < 0.3, sauf en cas de fibrillation auriculaire, d'antécédents d'embolie ou en présence de thrombus intracavitaire [217]. Elle est le plus souvent réalisée avec un antivitamine K, parce que la dysfonction rénale, souvent présente chez l’insuffisant cardiaque, est une contre-indication aux nouveaux anticoagulants oraux (anti IIa et anti Xa) ; leur utilisation éventuelle réclame un contrôle pluri-annuel de la clairance de la créatinine. La digoxine, utilisée pour ralentir le rythme sinusal ou la réponse ventriculaire en cas de FA, a souvent un effet positif sur les symptômes mais ne diminue pas la mortalité ; elle ne l’augmente pas non plus [104]. Sa faible marge thérapeutique et le risque élevé d’arythmies en cas d’hypomagnésémie, d’hypokaliémie et d’hypercalcémie justifient d’interrompre son administration en préopératoire. L’administration de stimulant inotrope (perfusions itératives de catécholamines, milrinone per os) lors d’insuffisance ventriculaire chronique ne s’est pas révélée utile ; elle tend à augmenter la morbidité et la mortalité (voir Défaillance VG aiguë, Impact des inotropes sur la mortalité) [1]. Un nouvel agent (LCZ696) prochainement sur le marché, constitué de l’association de valsartan et de sacubitril, diminue de 20% la mortalité à deux ans par rapport au traitement d’énalapril [218]. Le sacubitril est un inhibiteur de la néprilysine, substance physiologique qui dégrade les peptides natriurétiques, la bradykinine et l’adrénomédulline. Il augmente le taux de ces substrats et contrecarre ainsi le remodelage, la vasoconstriction et la rétention hydrosodée.

Traitement chronique de l’insuffisance ventriculaire gauche Le traitement repose sur 3 piliers: - β-bloqueur: frein à la désensibilisation des récepteurs β, réduction de mortalité - IEC (ou ARA): vasodilatation et frein au remodelage - Diurétique anti-aldostérone: spironolactone, éplérénone En préopératoire: - β-bloqueur: maintenir le traitement malgré le risque d’hypotension et de bradycardie perop - IEC (ou ARA): maintenir le traitement car le risque d’hypotension peropératoire est faible - Diurétique: interrompre la veille à cause du risque d’hypovolémie, d’hyperkaliémie (spironolactone, éplérénone) ou d’hypokaliémie (diurétique de l’anse) De nombreuses autres substances sont actuellement en essai clinique. Leur point d’impact est très variable [39,350].

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Mecarbil d’omecamtiv, activateur direct de la myosine qui accélère le passage de la myosine dans sa forme liée à l’actine ; il augmente la FE et le VS sans tachycardie. Comme il n’augmente pas la vélocité de raccourcissement, il n’élève pas la mVO2.

Serelaxine, augmente le débit cardiaque et baisse les RAS en agissant sur la protéine-G. Ularitide (urodilatine) et cenderitide, peptides natriurétiques qui augmentent le taux de cGMP

et abaissent la PAPO et les résistances artérielles. Aliskirène, inhibiteur direct de la rénine ; son effet est analogue à celui des IEC. Neuréguline-1, facteur de croissance cardiaque sécrété par l’endothélium qui agit par un effet

anti-remodelage. Défaillance ventriculaire gauche aiguë périopératoire Le but premier de la prise en charge d’une insuffisance cardiaque aiguë est d’assurer une perfusion adéquate aux organes vitaux, c’est-à-dire d’assurer la pression, le flux et le transport (O2, nutriments, élimination des déchêts). Au niveau du cœur, il s’agit de corriger les déséquilibres de la balance DO2/VO2, notamment l’hypoxie, l’anémie et l’ischémie. Ceci commence par l’oxygénation et l’assistance ventilatoire (FiO2 0.5-0.8, masque O2, CPAP, aide inspiratoire) ; le but est de réduire la fréquence respiratoire < 20/min et d’augmenter la SaO2 > 90%. Les anomalies électrolytiques et acido-basiques doivent être corrigées car elles perturbent significativement l’action de toutes les substances cardio-stimulatrices. La base pharmacologique du traitement de l’insuffisance ventriculaire aiguë repose sur quatre éléments :

L’augmentation de la contractilité (stimulation inotrope) ; La baisse de la postcharge (vasodilatation artérielle) ; L’adéquation de la précharge ; La maîtrise du rythme cardiaque.

Toutes les substances à effet inotrope positif sauf le levosimendan ont un mécanisme commun : l'augmentation des variations systoliques du Ca2+ intracytoplasmique. Leurs sites d'action sont différents (Figure 12.2) :

Les catécholamines stimulent les récepteurs β1 et β2, et augmentent la synthèse de l’AMPc (second-messenger) par stimulation de l'adényl-cyclase ;

Les stimulants des récepteurs α1 ont un effet inotrope positif par augmentation de l’IP3 ; Les inhibiteurs des phosphodiestérases-3 (IPDE-3) bloquent la dégradation de l’AMPc ; La digitale augmente l’entrée de Ca2+ au niveau des récepteurs Na/Ca2+

membranaires (inhibition de la Na+-K+-ATPase) ; Le levosimandan augmente la sensibilité de la troponine C au Ca2+.

Insuffisance ventriculaire après chirurgie cardiaque Toute intervention cardiaque porte transitoirement atteinte à la fonction myocardique. La fonction systolique baisse progressivement pour atteindre son nadir vers 4-6 heures après la CEC ; c'est la période à laquelle les médiateurs inflammatoires (interleukines, TNF, etc) sont les plus élevés (voir Chapitre 4, Figure 4.2). La récupération prend en général 8 à 24 heures, mais parfois plusieurs jours; elle est d'autant plus lente que la fonction préopératoire était moins bonne. Une insuffisance ventriculaire aiguë au sevrage de la CEC survient dans environ 20% des cas [95]. Sa probabilité est prédite par plusieurs éléments pré- et peropératoires.

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Dysfonction ventriculaire (FE < 0.35), soutien inotrope ou assistance ventriculaire préopératoire ;

Dilatation du VG (Dtd court-axe > 4.0 cm/m2) ; Dysfonction du VD, hypertension pulmonaire (PAPmoy > 35 mmHg) ; Ischémie active, infarctus menaçant ; Insuffisance rénale préopératoire, diabète ; Opération en urgence, réopération, opération complexe (résection de paroi ventriculaire, CIV,

polyvalvulopathie) ; Clampage aortique > 2 heures, hypothermie, difficultés de cardioplégie.

A ces phénomènes s'ajoutent les conséquences hémodynamiques accompagnant la mise en charge et la fermeture de la paroi thoracique.

Ventilation en pression positive et augmentation de la postcharge du VD (la compliance pulmonaire est abaissée en fin de CEC par oedème alvéolo-capillaire) ;

Variations volémiques (hémorragies, hypovolémie), anémie aiguë ; Fermeture du péricarde et du sternum (compression externe provoquant un "effet

tamponnade") ; Réchauffement interne (augmentation de la VO2).

Dans les corrections de valvulopathies, l'aggravation hémodynamique momentanée dépend du type de pathologie. Les lésions ayant entraîné une dilatation ventriculaire (insuffisance aortique ou mitrale) induisent des dysfonctions sévères. Une insuffisance mitrale sévère peut survenir ou s'aggraver en sortant de CEC: c'est un excellent marqueur de la dysfonction aiguë du VG. Après correction d'une insuffisance mitrale, le VG est dans une situation difficile à cause de l'augmentation brusque de sa postcharge due à la suppression de la "soupape de pression" que représentait l'insuffisance valvulaire ; il souffre également d’une baisse de précharge (recul sur la courbe se Starling) secondaire à la disparition du retour diastolique du volume de la régurgitation. Dans le cas de sténose mitrale, le problème est lié au petit volume ventriculaire gauche, dont la distensibilité est diminuée. Par contre, la baisse immédiate de la postcharge après correction de sténose aortique assure une récupération fonctionnelle rapide, dans la mesure où l'hypertrophie ventriculaire n'a pas gêné la préservation myocardique. Le taux de BNP et de NT-pro-BNP postopératoire est un bon marqueur du risque de complications cardiaques [201].

Les besoins en agents inotropes et en volume sont constamment variables après la CEC; aucun régime ne peut être défini par avance, car la situation est très évolutive. Il faut réévaluer en permanence les besoins du patient, changer d'amines selon l'hémodynamique, et suivre les besoins en vasopresseur selon les résistances vasculaires, car la réaction inflammatoire systémique est souvent responsable d'épisodes prolongés de vasoplégie [177]. Insuffisance ventriculaire après chirurgie non-cardiaque Une défaillance ventriculaire apparaît dans 2-10% des cas de chirurgie non-cardiaque majeure, essentiellement chez les personnes âgées [195]. Sa mortalité est de 10%. Lorsqu’elle est présente en préopératoire, l’insuffisance cardiaque entraîne un taux de complications postopératoire de 30-45% (OR 1.54), en majeure partie non-cardiaques : insuffisance rénale (OR 1.85), pneumonie (OR 1.73), sepsis (OR 1.43) ; par contre, elle n’élève pas le risque d’infarctus myocardique (OR 1.07) [207]. Comparée à la coronaropathie, elle présente un risque nettement supérieur de mortalité et de complications cardiovasculaires (OR 1.63) [138]. Le poids mis depuis une quinzaine d’années sur la prise en charge de l’ischémie myocardique a relégué dans l’ombre la gestion de l’insuffisance cardiaque, devenue nettement plus dangereuse [173].

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Amines sympathicomimétiques L’insuffisance cardiaque chronique et le stress prolongé (longue CEC, instabilité hémodynamique continue en soins intensifs) conduisent à un remaniement des récepteurs myocardiques à activité inotrope positive [42,44,119,275,315].

Récepteurs β1 : leur nombre, qui représente normalement 80% de la population de récepteurs inotropes positifs, tombe à 40% ;

Récepteurs β2 : augmentation de 10% (normalement) à 40% ; Récepteurs α1 : augmentation de 10% (normalement) à 20%.

Ces données ont des impacts majeurs sur la thérapeutique catécholaminergique.

La réponse aux amines β1 est diminuée ; la dopamine et la dobutamine atteignent rapidement leur plafond d’activité. L'adrénaline, qui stimule les récepteurs β1, β2 et α1, est la seule catécholamine efficace pour le traitement de la décompensation aiguë d'une insuffisance cardiaque chronique ou dans les situations critiques après CEC. La noradrénaline (effet α1 majeur et β1 secondaire) a davantage d’effet inotrope positif que sur un coeur normal à cause de l’excès de récepteurs α1.

La déplétion chronique en nor-adrénaline du myocarde diminue l'efficacité des amines indirectes telles la dopamine ou l'éphédrine.

Les inhibiteurs des phosphodiestérases-3 (amrinone, milrinone, enoximone) et le levosimendan sont efficaces lors d’insuffisance ventriculaire ou de β-blocage parce qu'ils agissent par une voie indépendante des récepteurs β [225].

La combinaison adrénaline + milrinone est un stimulant inotrope efficace sur le ventricule épuisé ou chroniquement défaillant, qu’il soit gauche ou droit.

Le renouvellement des récepteurs est constant ; la demi-vie moyenne des récepteurs β est de 8 à 12 heures [44] ; leur nombre s’adapte en permanence à l’environnement neuro-humoral. De plus, toute stimulation catécholaminergique prolongée déclenche l’activation des systèmes cellulaires inhibiteurs, physiologiquement destinés à limiter ou terminer l’effet inotrope. Sur un cœur sain, la tolérance s’installe en moins d’une heure [151]. L’internalisation et la régulation à la baisse (down-regulation) des récepteurs β est l’affaire de 24-72 heures [45]. La désensibilisation β1 survient après quelques heures d’une perfusion de catécholamines β1. Il est donc naturel qu’il n’y ait pas de dosage fixe pour les catécholamines, et que l’efficacité de ces substances s’amenuise avec le temps. Les synapses des fibres sympathiques cardiaques ont une activité importante de recapture de la nor-adrénaline. L’adrénaline est plus efficace sur un cœur dénervé, comme un cœur transplanté, que sur un cœur normalement innervé. La dopamine et la dobutamine ont au contraire un effet inhibiteur sur le système de recapture ; elles augmentent la sécrétion de nor-adrénaline dans un cœur innervé, mais non dans un cœur dénervé [43]. La recapture synaptique est déficiente dans un ventricule défaillant, qui se conduit donc comme un coeur partiellement dénervé. Indépendamment de leur dosage, l'efficacité des catécholamines dépend de plusieurs éléments :

La densité et la sensibilité des récepteurs membranaires ; La répartition des types de récepteurs ; L’activité de recapture synaptique ; La disponibilité du Ca2+ sarcoplasmique ; L'équilibre acido-basique (l’acidose inhibe leur action) ; La concentration locale de la substance, variable selon l’hémodynamique et le site

d’administration (voie périphérique versus voie centrale) ; La durée de l’insuffisance cardiaque ou du choc cardiogène.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 38

Bien qu’elles aient toutes une demi-vie de 2-3 minutes, les catécholamines ne sont pas toutes équivalentes, car elles présentent des différences dans la sélectivité de leurs actions au niveau des récepteurs aminergiques [105].

Dopamine: amine sympathique naturelle ayant un triple effet variant selon le dosage: effet δ (augmentation du flux splanchnique et rénal) < 3 mcg/kg/min, effet β1 entre 5 et 10 mcg/kg/min, effet α prédominant > 10 mcg/kg/min. La dopamine est tachycardisante aux faibles dosages, et la vasoconstriction α s’accroit davantage que l'effet β en augmentant la dose. Cette variabilité la rend impropre à la gestion des défaillances ventriculaires sévères. Son indication essentielle est le soutien momentané lors de dysfonction ventriculaire gauche passagère en sortie de CEC. Elle n’a aucun effet “protecteur” rénal.

Dobutamine: stimulant exclusivement les récepteurs β (β1 et β2), elle a un puissant effet inotrope positif mais tend à baisser les RAS; ses effets ne se modifient pas avec le dosage, mais obligent en général à adjoindre une perfusion de nor-adrénaline au-delà de 5 mcg/kg/min à cause de la vasodilatation artérielle. La tolérance pharmacodynamique se manifeste dès 48-72 heures d’utilisation. La dobutamine est la seule catécholamine qui maintienne le flux coronarien proportionnel à la mVO2, du moins lorsque les coronaires épicardiques peuvent se vasodilater [104].

Adrénaline: effet équilibré α et β, très bon marché; au-delà de 0.05 mcg/kg/min, l’effet α domine sur l’effet β; elle induit une hyperglycémie et une acidose.

Nor-adrénaline: effet essentiellement α vasoconstricteur artériolaire systémique; peu d'effet vasoconstricteur pulmonaire car les récepteurs α sont rares dans le lit pulmonaire. La noradrénaline présente un effet inotrope positif en cas d'insuffisance ventriculaire à cause de la prépondérance de récepteurs α dans le myocarde dysfonctionnel.

Isoprénaline: le plus puissant stimulant β1 et β2; tachycardisant et vasodilatateur artériel, l'isoprénaline n’est indiquée que dans les blocs AV et les bronchospasmes.

Les substances qui ont plusieurs actions, comme la dopamine, ne permettent pas de différencier les effets entre eux, surtout lorsque leur proportion varie selon le dosage. Les catécholamines à effet "pur" (dobutamine, noradrénaline) sont plus aisées à ajuster en fonction du paramètre hémodynamique sur lequel on veut agir. L'effet β2 (dobutamine, adrénaline) est responsable d'une vasodilatation, d’une hyperglycémie et d'une acidose métabolique. Quelle que soit la substance utilisée, l'augmentation de la contractilité se solde toujours par une augmentation de la mVO2. Seules les sensibilisateurs calciques et les techniques d'assistance ventriculaire augmentent le débit sans élever le travail cardiaque. Les effets et les dosages des amines les plus couramment utilisées en clinique sont résumés dans le Tableau 12.2 et le Tableau 12.3. Inhibiteurs des phospho-diestérases-3 (IPDE-3) L'inhibition des phosphodiestérases-3, qui catabolisent l’AMPc, augmente le taux cytoplasmique de cette dernière, donc conduit à une stimulation inotrope par augmentation de la [Ca2+]i systolique. Cette voie ne passe pas par les récepteurs β. Elle a un impact particulier sur l’inhibition du phospholamban et sur la fonction du RS, ce qui a pour effet d’élever la [Ca2+]i systolique mais d’abaisser la [Ca2+]i diastolique, d’où une amélioration de la fonction systolique (effet inotrope) et de la fonction diastolique (effet lusitrope). Ces substances conservent une efficacité en cas de baisse du nombre ou de la réactivité des récepteurs β membranaires ou en cas de β-blocage. Les IPDE sont des inodilatateurs : ils présentent un effet inotrope positif, et un effet vasodilatateur important sur les vaisseaux de résistance systémiques et faible sur les vaisseaux de capacitance (grandes veines centrales). Ils abaissent le stress de paroi du VG, mais ne provoquent pas de tachycardie (absence d’effet chronotrope) (Tableau 12.4). Ils sont sans effet sur les résistances pulmonaires parce qu’il n’existe que des récepteurs IPDE-5 mais pas de récepteurs IPDE-3 dans les vaisseaux pulmonaires. Les indications essentielles sont [167,199,223] :

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La dysfonction gauche sévère avec dilatation ventriculaire pouvant profiter d’une baisse de postcharge systémique ;

L’insuffisance ventriculaire droite (pas d’effet sur la postcharge du VD) ; Les coeurs sévèrement déplétés en récepteurs β tels les insuffisances ventriculaires de longue

durée, les greffons cardiaques, et les cas après une CEC prolongée ; Les patients β-bloqués.

Tableau 12.2 Effets comparatifs des catécholamines

Substances Fréquence α1 α2 β1 β2 δ Remarques Adrénaline ↑ +++ +++ ++ ++ - Dopamine ↑↑ ++ + ++ ++ +++ effets α et β dose- dépendants Dobutamine ↑ - - +++ + - pas d'effet α pulmonaire Dopexamine ↑↑ - - (+) +++ ++ vasodilatation pulmonaire Noradrénaline ↓ +++ +++ + - - Isoprénaline ↑↑↑ - - +++ +++ - vasodilatation pulmonaire Ephédrine ↑ + + + + - effets α et β dose- dépendants

Tableau 12.3

Dosages des catécholamines Dopamine: 1-3 mcg/kg/min effet δ prédominant, effet β discret 3-8 mcg/kg/min effet β > α ≥ 10 mcg/kg/min effet α > β Dobutamine 1-10 mcg/kg/min effet β1 > β2 Adrénaline 0.01-0.1 mcg/kg/min effet α + β > 0.05 mcg/kg/min effet α > β Isoprénaline bolus 10 mcg effet β pur 0.01-0.05 mcg/kg/min Noradrénaline 0.01-1 mcg/kg/min effet α >> β Dopexamine 3-5 mcg/kg/min effet δ prédominant, effet β discret Leur administration nécessite un remplissage accru pour maintenir une précharge adéquate, sauf si la baisse de cette dernière est un des buts recherchés. La dose de charge n'est pas systématique ; l'éviter atténue l'effet hypotenseur systémique. L'administration d'IPDE chez des patients hypovolémiques entraîne une hypotension sévère difficile à gérer. La milrinone (Corotrop®, demi-vie 2.3 heures) s'administre en perfusion (0.4-0.75 mcg/kg/min) précédée d'une dose de charge (50 mcg/kg) si la volémie et la pression artérielle le permettent. En chirurgie cardiaque, la dose de charge se donne volontiers au réchauffement de la CEC, car l’hypotension occasionnée est facile à gérer pendant la pompe. La combinaison adrénaline + milrinone est particulièrement efficace en cas de diminution des récepteurs β intramyocardiques (insuffisance ventriculaire gauche chronique ou réfractaire,

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insuffisance droite accompagnée d'HTAP). La milrinone est contre-indiquée en cas d’insuffisance rénale.

Tableau 12.4

Inhibiteurs des phosphodiestérases Substances Dose de charge Perfusion tβ1/2 Anti-phosphodiestérases-3 Amrinone (Inocor®) 1,5 – 2.0 mg / kg 5 – 30 mcg/kg/min 3.5 h Milrinone (Corotrop®) 50 – 75 mcg / kg 0.4-0.75 mcg/kg/min 2.3 h Enoximone (Perfane®) 0.5 – 1.0 mg / kg 5 – 10 mcg/kg/min 6-7 h Anti-phosphodiestérases-5 Dipyridamole

Persantine® 0.2-0.6 mg/kg Asasantine® 200-400 mg/j per os Sildanefil (Viagra®, Revatio®) 20-50 mg 3x/j per os Tadalafil (Adcirca®) 40 mg/j per os Sensibilisateur calcique Le levosimendan (Simdax®) possède un effet inotrope positif lié à plusieurs effets particuliers de la susbstance [260,337,338].

Effet sensibilisateur de la troponine C au calcium; l'augmentation de la force de contraction a lieu sans élévation du taux de Ca2+ intracytoplasmique;

Activité anti-phosphodiestérase-3; Effet vasodilatateur artériel par l'ouverture des canaux KATP des cellules musculaires lisses

artériolaires; Cardioprotection par activation des canaux KATP des mitochondries, mécanisme analogue à

celui du préconditionnement. Le levosimendan n’entraîne pas de tachycardie ni d’augmentation de la mVO2 [257,260]. Il reste efficace chez les patients β-bloqués [188]. Son action clinique est donc particulièrement favorable dans le cadre de la chirurgie cardiaque et des soins intensifs: amélioration de la contractilité, baisse de la précharge et de la postcharge, préservation du rapport DO2/VO2 coronarien. Sa demi-vie est de 1-1.5 heure, mais son métabolite actif (OR-1896) a une demi-vie est de 75-80 heures. Ses principaux effets secondaires sont l'hypotension, les céphalées, les extrasystoles et l'hypokalémie. Le levosimendan est le seul agent inotrope qui soit associé à une diminution de la mortalité à long terme (voir ci-dessous Impact sur la mortalité) [185]. Ce bénéfice est d’autant plus marqué que la fonction ventriculaire est plus mauvaise. Le risque d’insuffisance rénale postopératoire est significativement diminué [139]. Indications cliniques [337] :

Insuffisance du VG avec RAS et/ou RAP élevées ; Insuffisance droite avec HTAP ; Revascularisation coronarienne avec défaillance ventriculaire ; Bas débit cardiaque chez les patients β-bloqués ou déplétés en récepteurs β ; Inefficacité des autres agents inotropes (mesure de sauvetage).

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Le levosimendan est efficace si certaines conditions sont remplies [337].

Normovolémie et normokaliémie. RAS maintenues (PAsyst > 100 mmHg). Administration assez précoce dans l’évolution de la décompensation ventriculaire. Dose de charge (facultative) de 6 mcg/kg (de préférence pendant la CEC, à cause du risque

d’hypotension) ; d’une manière générale, la plupart des auteurs s’accorde à dire que le bolus de charge devrait être évité à cause de l’hypotension artérielle qu’il induit. Sans dose de charge, le plein effet apparaît après 2 heures.

Perfusion sur une seule période de 24 heures (0.05-0.2 mcg/kg/min, préférence : 0.1 mcg/kg/min) ; en chirurgie cardiaque, il est judicieux de débuter la perfusion à l’induction.

Une deuxième perfusion n’est pas envisageable avant 3-10 jours. Bien que le prix du traitement soit son principal inconvénient (une fiole de 12.5 mg revient à CHF 1’160.-), le levosimendan ne devrait pas être envisagé seulement comme une intervention de sauvetage dans les cas dépassés, mais au contraire assez tôt dans les cas de défaillance ventriculaire sévère gauche et/ou droite qui peuvent bénéficier d’une inodilatation et d’une maîtrise de la consommation d’O2 [139]. La réduction de la durée d’hospitalisation qu’il procure (- 1.31 à -1.6 jour) compense au moins partiellement son coût [182,256]. Autres substances La solution Glucose-Insuline-Potassium (GIK) stimule le métabolisme du glucose et freine celui des acides gras libres, ce qui contrecarre les altérations métaboliques qui surviennent dans les tissus ischémiés [128]. Elle semble profitable essentiellement aux patients ischémiques avec dysfonction ventriculaire sévère et diminution des récepteurs β myocardiques [346]. Après avoir été abandonnée, elle a trouvé un regain d’intérêt suite à une étude préhospitalière sur les syndromes coronariens aigus, qui a démontré un bénéfice en terme de taille de l’infarctus et d’incidence d’arrêt cardiaque (OR 0.39-0.48), à la condition que la solution soit administrée le plus tôt possible [300]. Le régime peropératoire conseillé est : insuline 2-4 U/h, K+ 10-20 mmol/h, glucose 20% 10-15 g/h (50-75 mL/h). Le but est de maintenir une glycémie peropératoire de 6-8 mmole/L [243]. Le glucagon induit la formation d’AMPc dans le foie et le coeur ; il a un effet inotrope et chronotrope positif qui n’utilise pas la voie des récepteurs β. Ses inconvénients sont l’hypoglycémie, l’hypokaliémie, les nausées, les vomissements et la tachycardie. Le dosage est 25-75 mcg/min. Son efficacité est marginale et n’a jamais été prouvée dans de grandes études randomisées. La thyroxine (T3) (tri-iodo-thyronine) améliore la performance ventriculaire par stimulation de l’adénylyl-cyclase (augmentation de l’AMPc) et par des voies différentes de l’AMPc ; elle est utile chez les malades dont le système neuro-humoral est épuisé, comme les malades de soins intensifs, les donneurs d'organe ou après les longues CEC [250]. Son action est contre-carrée par les anti-calciques. Les doses sont de 0.03-0.5 mg/kg/min, ou de 0.0275 mcg/kg en 4 doses. Le calcium (dose: 2-4 mg/kg) élève la concentration de Ca2+ extracellulaire et antagonise les effets de l'hyperkaliémie intra-myocardique après cardioplégie, mais n'améliore la fonction cardiaque que chez les patients hypocalcémiques (transfusion rapide de sang citraté) ou sous anticalciques. Il présente un antagonisme avec les stimulants β et un synergisme avec les stimulants α (augmentation de la pression, mais pas d'effet inotrope). Une hypercalcémie aiguë lors de la revascularisation peut provoquer une surcharge intracellulaire aggravant les lésions ischémiques et la dysfonction diastolique, rigidifiant le myocarde (stone heart), et induisant une vasoconstriction des greffons artériels. En cas de normocalcémie, les risques sont supérieurs aux bénéfices escomptés: bradycardie sinusale, ralentissement de la conduction AV, antagonisme avec les stimulants de l’AMPc (β-agonistes), spasme artériel, augmentation de la toxicité de la digitale.

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Quelques pistes nouvelles se profilent pour le futur [105]. Le mecarbil d’omecamtiv est un activateur sélectif de la myosine qui augmente le nombre de molécules de myosine liées à l’actine ; il prolonge la contraction plutôt que de l’accélérer, ce qui évite une augmentation de la mVO2 ; il ne provoque pas de tachycardie [350]. L’istaroxime stimule la SERCA2a, enzyme qui augmente le Ca2+ du reticulum sarcoplasmique ; c’est aussi un inhibiteur de la pompe KATP. Il agit comme un agent inotrope et lusitrope positif sans effet chronotrope. Il est administré en perfusion (1.5 mcg/kg/min) pendant 6-12 heures. La susbstance est en phase II des essais cliniques [165]. Impact des agents inotropes sur la mortalité Les agents inotropes sont assurément un élément clef dans la prise en charge de l’insuffisance ventriculaire systolique aiguë avec hypoperfusion des organes-cibles. Mais ils ne sont pas une panacée, car ils augmentent tous (sauf le levosimendan) la mVO2 et la concentration cytoplasmique de Ca2+. Malgré leur bénéfice manifeste à court terme, il s’est avéré ces dernières années que leur utilisation tend à augmenter la mortalité à long terme. Les études dans ce domaine sont difficiles à conduire, car il est évident que l’on ne peut pas randomiser des malades entre un placebo et une substance que l’on estime nécessaire à leur survie. On ne verra jamais de comparaison en double aveugle entre l’adrénaline et le glucose dans la réanimation cardiovasculaire! De ce fait, les travaux cliniques consistent en général en confrontation entre la substance analysée et un placebo en sus du traitement conventionnel. En cardiologie, les perfusions itératives de dobutamine au cours d’insuffisance cardiaque chronique sévère augmentent la mortalité de près de 50% (OR 1.47) [325]. La mortalité des défaillances ventriculaires aiguës est moindre (4.1%) lorsque celles-ci sont traitées par vasodilatateurs (nitroglycérine ou neseritide) que par inotropes (dobutamine ou milrinone) (OR 0.46-0.69) [1]. Par rapport aux vasodilatateurs, la dopamine ou la dobutamine élèvent la mortalité hospitalière de 50% (OR 1.59) et l’adrénaline ou la noradrénaline de 2.5 fois (OR 2.49) [219,220]. Après chirurgie cardiaque en CEC, la mortalité hospitalière est plus que doublée (OR 2.3-3.0) chez les malades exposés à un agent inotrope, après appariement en fonction de la gravité des cas; le taux d’insuffisance rénale est presque triplé (OR 2.7) [96,301]. Dans un registre danois, la mortalité à 1 an ajustée en fonction du risque est également doublée (OR 2.5) chez les malades sous inotropes; l’utilisation de ces agents augmente le risque d’infarctus (HR 2.1), d’ictus (HR 2.4), d’arythmie (HR 3.1) et d’insuffisance rénale (OR 7.9) [246]. Dans ces travaux, ne sont pris en compte que les perfusions d’inotropes de plus de 3 heures. Le levosimendan est le seul agent inotrope qui soit associé à une diminution de la mortalité à long terme (OR 0.34-0.82) en cardiologie comme en chirurgie cardiaque, et à une baisse de l’incidence d’insuffisance rénale postopératoire [124,139,182,206,220]. Plus récemment, une vaste méta-analyse portant sur 177 études (28’280 patients) s’est révélée moins pessimiste [23]. Dans cette étude, les agents inotropes ne modifient pas la mortalité (RR 0.98), sauf le lévosimendan qui la diminue (RR 0.80); dans les situations particulières de la vasoplégie, de la sepsis et de la chirurgie cardiaque, ils tendent même à améliorer la survie (RR 0.73, 0.76 et 0.70, respectivement). A l’évidence, les catécholamines sont néfastes dans le cadre de l’insuffisance cardiaque chronique, mais la situation n’est pas vraiment claire après une intervention de chirurgie cardiaque. Leur administration devrait probablement rester limitée à l’amélioration à court terme de la défaillance cardiaque lorsque celle-ci entraîne une dilatation ventriculaire et/ou une hypoperfusion organique (Figure 12.13B) [25]. Quel est l’agent inotrope le plus bénéfique sur le plus long terme ? Une méta-analyse en réseau (Bayesian network meta-analysis) permet la comparaison frontale de deux substances évaluées séparément dans différentes études [126]. Pour la mortalité, les résultats sont les suivants.

Levosimendan versus placebo OR 0.48 Levosimendan versus dobutamine OR 0.39 Levosimendan versus milrinone OR 0.43 Dobutamine versus placebo OR 1.45 Dobutamine versus milrinone OR 1.29 Milrinone versus placebo OR 1.12

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En terme de survie, ces données confirment la supériorité du levosimendan et la péjoration liée à la dobutamine, la milrinone étant relativement neutre. Il faut toutefois garder à l’esprit que le levosimendan bénéficie de l’effet-nouveauté puisqu’il est le dernier en date sur le marché. D’autre part, son coût doit relativiser ses indications. Figure 12.13B : Mortalité postopératoire cumulée à 1 an après chirurgie cardiaque en fonction de l’utilisation des agents inotropes (dopamine, dobutamine, milrinone, adrénaline) dans un registre de 6’005 patients consécutifs appariés en fonction de la gravité des cas (1’170 avec inotropes et 1’170 sans inotropes) [d’après réf 246]. 1: absence d’inotropes. 2: utilisation d’agents inotropes seulement en peropératoire (≤ 3 heures). 3: utilisation per- et postopératoire. 4: utilisation seulement dans le postopératoire. L’utilisation d’inotropes à court terme en salle d’opération pour la sortie de CEC ne modifie pas significativement la mortalité. Par contre, la prolongation de ces agents dans le postopératoire est liée à une augmentation significative de la mortalité (OR à 30 jours: 3.7, OR à 1 an: 2.5). Les évènements suivants se sont révélés liés à l’utilisation des inotropes: infarctus (OR 2.1), ictus (OR 2.4), et insuffisance rénale (OR 7.9). Cet exemple est illustratif des risques liés à l’utilisation indiscriminée des catécholamines et des IPDE-3. Le bénéfice attendu des agents inotropes doit donc être soigneusement mis en balance avec leur risque de morbi-mortalité. Dans le postopératoire de chirurgie cardiaque, en particulier, ils tendent à aggraver les lésions d’ischémie-reperfusion par surcharge de Ca2+ cytoplasmique et par augmentation de la mVO2. Ceci pénalise particulièrement les patients subissant une revascularisation coronarienne. D’autre part, une composante d’hypovolémie et de vasoplégie est souvent présente après CEC, pour laquelle les inotropes ne sont d’aucun apport. L’ETO est d’un grand secours pour discriminer ces différentes étiologies. Le besoin réel en inotropes est estimé à environ 25% des cas [95]. Malheureusement, l’absence de protocoles institutionnels est très générale et dans 90% des cas, ils sont prescrits selon les préférences de l’anesthésiste et selon son intuition clinique. Vasodilatateurs L'utilisation des vasodilatateurs dans l'insuffisance cardiaque repose sur l'amélioration de la vidange du ventricule défaillant lorsqu’on diminue sa postcharge. La baisse de la précharge induite simultanément est un avantage dans la mesure où elle améliore la compliance ventriculaire, la tension

100 200 300 400 Durée (jours)

Inotropes postop

Inotropes perop

Pas dʼinotrope 1 2

3 4

Mortalité cumulée (%)

4

8

12

16

Inotropes périop

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de paroi télédiastolique et la mVO2; elle devient un inconvénient dans la mesure où elle réduit trop la pression de remplissage et fait reculer le myocarde vers la gauche sur la courbe de Starling. Le traitement consiste donc en un équilibre entre la vasodilatation artérielle et le remplissage vasculaire par perfusion. La vasodilatation est indiquée essentiellement dans l'oedème pulmonaire (OAP), l'infarctus aigu, les régurgitations valvulaires, les cardiomyopathies dilatatives, et l'hypertension pulmonaire causant une insuffisance droite. Les substances utilisées sont les dérivés nitrés et le nitroprussiate de sodium (donneurs de NO•). Les IEC n’ont pas de place dans le traitement aigu [217]. Les anticalciques peuvent déprimer gravement la contractilité; même si la vasodilatation qu'ils provoquent diminue la postcharge, tous sont susceptibles de précipiter une défaillance myocardique et sont contre-indiqués en cas d'insuffisance cardiaque congestive. Le nesiritide (Norataka®) est un nouvel agent dérivé du BNP (rBNP, Human recombinant Brain Natriuretic Peptide). Il est un vasodilatateur artériel direct qui agit sur la guanylate-cyclase et augmente la production de GMPc, d’où une relaxation de la musculature lisse, une vasodilatation des artères systémiques, pulmonaires et coronaires, et une veinodilatation ; il baisse la sécrétion d’aldostérone, augmente la diurèse et la natriurèse, et a un effet lusitrope positif [312]. Il n’y a pas d’effet inotrope ni de tachycardie ni d’arythmies, mais un risque d’hypotension (15% des cas). Après un bolus (facultatif) de 2 mcg/kg, la substance s’administre en perfusion à raison de 0.01 mcg/kg/min (max 0.03 mcg/kg/min) pendant 24 à 48 heures. L’inconvénient est un coût élevé (600 € pour 1.5 mg). Le nesiritide n’est indiqué qu’en cas d’insuffisance congestive avec pression capillaire pulmonaire élevée (insuffisance cardiaque stade IV) mais sans hypoperfusion ; dans ce cas, il pourrait baisser la mortalité et le taux de réhospitalisation jusqu’à 25% [360], mais de’autres travaux laissent craindre une augmentation de mortalité et d’insuffisance rénale à long terme [293]. Il est contre-indiqué en cas d’hypotension et de choc cardiogène. La dernière étude randomisée (7'141 patients) comparant le nesiritide à un placebo en sus du traitement conventionnel n’a trouvé aucune différence de mortalité ni d’insuffisance rénale, mais une incidence plus élevée d’épisodes hypotensifs [251].

Traitement de la défaillance ventriculaire gauche aiguë

La base du traitement est une stimulation inotrope (catécholamines β: dopamine, dobutamine, adrénaline; inhibiteur des phosphodiestérases-3; levosimendan) et une baisse de la postcharge (inodilatateurs: dobutamine, IPD-3, levosimendan). L’insuffisance ventriculaire chronique, le stress prolongé (soins intensifs) et les longues CEC diminuent la densité des récepteurs β (demi-vie: 8-12 heures), donc l’efficacité des catécholamines β1 (dopamine, dobutamine). Les mêmes situations provoquent une déplétion du myocarde en nor-adrénaline, donc diminuent l’efficacité des amines indirectes (dopamine, éphédrine). Les substances stimulant les récepteurs α (adrénaline, nor-adrénaline) conservent leur efficacité, de même que celles qui utilisent d’autres voies: milrinone (inhibition des phosphodiestérases-3), levosimendan (sensibilisation de la troponine au Ca2+). La combinaison adrénaline + milrinone reste efficace chez les patients déplétés en récepteurs β ou β-bloqués. La thyroxine peut être bénéfique chez les patients dont le système neuro-humoral est épuisé. Le calcium est un vasoconstricteur qui n’est utile qu’en cas d’hypocalcémie, d’hyperkaliémie ou de traitement anticalcique. Les agents inotropes sont un élément vital dans la prise en charge de la défaillance gauche systolique avec dilatation ventriculaire et hypoperfusion systémique, mais la durée du traitement doit être courte et la dose réduite car les inotropes sont suspectés d’augmenter la mortalité à long terme, à l’exception du levosimendan. Leur utilisation routinière et indiscriminée est préjudiciable.

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Vasoconstricteurs Sécrétée par la post-hypophyse, la vasopressine ne participe guère au maintien de la pression en situation normale, mais elle permet de maintenir les RAS en cas de vasoplégie résistant aux catécholamines α ou de vasodilatation massive post-CEC (PAM < 55 mmHg, RAS < 600 dynes cm-5) [192]. A raison de 1-5 U/h, la vasopressine provoque moins de vasoconstriction coronarienne, rénale et splanchnique que la noradrénaline pour le même résultat sur la pression systémique [265] ; elle n’induit pas de vasoconstriction pulmonaire [38]. De plus, elle restaure la sensibilité des récepteurs α1 à la noradrénaline. Les dosages des principales substances utilisées dans le traitement de la défaillance ventriculaire sont résumés dans le Tableau 12.15 (page 150). Insuffisance diastolique Il n’y a fondamentalement aucun traitement étiologique de l’insuffisance diastolique [217]. La prise en charge consiste à optimaliser la précharge en évitant autant l’hypo- que l’hypervolémie, à maintenir une diastole assez longue pour assurer le remplissage du VG, et à conserver un rythme sinusal [244]. En cas d’insuffisance congestive, les diurétiques et les dérivés nitrés sont indiqués. L’amélioration de la fonction systolique avec des catécholamines béta-1, de la milrinone ou du levosimendan permet de gagner quelque peu sur la relaxation active du VG. Traitements possibles [15,117,244a,300a,364] :

Diminution du volume diastolique : dérivés nitrés, isosorbide, diurétiques ; Limitation de la tachycardie : β-bloqueurs, anticalciques, ivabradine ; Accélération de la relaxation : catécholamines, milrinone, levosimendan (court terme) ; Amélioration de la compliance par frein au remodelage : inhibiteurs de l'enzyme de

conversion (IEC), antagonistes du récepteur de l’angiotensine II (ARA) ; Traitement de la pathologie de base : revascularisation coronarienne, traitement de

l’hypertension, du diabète et de l’obésité ; traitement de l’hypertension pulmonaire. Quelques substances ont une activité sur la relaxation active du myocarde, mais leur portée clinique est faible [217,300a,359].

IEC et ARA : ils freinent le développement de l'hypertrophie ventriculaire, de la fibrose et du remodelage myocardique à long terme ; ils ralentissent le développement de l’insuffisance diastolique ; ce sont les seules substances dont le bénéfice présente un degré d’évidence satisfaisant dans le cadre de l’insuffisance diastolique [361].

β-bloqueurs : ils restreignent la tachycardie (raccourcissement de la diastole) et améliorent le trafic du Ca2+ intracellulaire (effet lusitrope) ; comme dans l’insuffisance systolique, ils sont utiles de manière chronique et à faibles doses.

Dérivés nitrés: ils baissent la pression de remplissage et le volume télédiastolique. Anticalciques : les bloqueurs des canaux calciques lents accélèrent la relaxation active et

améliorent le remplissage et la distensibilité ventriculaires ; ils réduisent la fréquence cardiaque ; ils semblent le plus efficaces dans la cardiomyopathie restrictive.

Revascularisation coronarienne: elle améliore les phases active et passive du remplissage ventriculaire et en diminue les asynchronies.

Catécholamines β1 : elles activent la recapture du Ca2+ libre cytoplasmique par le RS et ont un effet lusitrope positif momentané.

Inhibiteurs de la phosphodiestérase (IPDE-3): ils favorisent la séquestration du Ca2+ libre par le RS et améliorent la relaxation protodiastolique, mais sans efficacité à long terme.

Nouvelles pistes à l’état de recherche clinique : o Ranolazine (inhibition des canaux Na+/Ca2+) ; o Serelaxine (vasodilatateur) ;

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o IPDE-5 (sildenafil), riociguat (freinateurs des altérations de la connectine) ; o Inhibiteur de la néprilysine (bloqueur de la dégradation des peptides natriurétiques).

Toutefois, aucun élément ne permet une amélioration significative de la performance diastolique. Force est de reconnaître qu’on ne dispose pour l’instant d’aucun traitement pour l’insuffisance diastolique [217].

Traitement de l’insuffisance diastolique Il n’y a pas de traitement efficace de l’insuffisance diastolique. Seules possibilités: - IEC: frein au remodelage ventriculaire, limitation de la fibrose et de l’HVG - β-bloqueurs: limitation de la tachycardie - Nitrés, diruétiques: diminution du Vtd - Anticalciques - Revascularisation en cas d’ischémie - Catécholamines β, levosimendan, IPDE-3 (situations aiguës) Insuffisance ventriculaire droite La défaillance ventriculaire droite (IVD) est liée à cinq phénomènes principaux.

L’hypertension artérielle pulmonaire précapillaire (HTAP): HTAP primaire idiopathique, cardiopathies congénitales, âge, obésité, SAS, cocaïne, HIV, anorexigènes ;

L’hypertension pulmonaire postcapillaire (HTP) : pathologies du cœur gauche engendrant une stase pulmonaire (dysfonction du VG, maladie mitrale).

Les pathologies pulmonaires et l’hypoxie (embolie pulmonaire, BPCO, SDRA, asthme, PEEP excessive, etc) ; la ventilation mécanique avec PEEP peut générer une Pit moyenne (> 15 cm H2O) qui voisine la pression systolique droite normale (20-25 mmHg).

L’augmentation de précharge : surcharge de volume par communication interauriculaire (CIA), insuffisance tricuspidienne ou fistule artério-veineuse.

La cardiomyopathie du VD : infarctus, ischémie aiguë, dépression contractile du choc septique (endotoxines, cytokines, SIRS), cardiomyopathie arythmogène, cardiopathie congénitale.

Les trois premiers phénomènes sont tous responsables d’une augmentation de la postcharge du VD (voir Hypertension pulmonaire) ; le dernier est lié à une défaillance primaire de la pompe droite. Excellente pompe-volume, le VD est une médiocre pompe-pression. Il maintient son débit sur une vaste plage de précharge, mais une augmentation de sa postcharge se traduit immédiatement par une dilatation ventriculaire (Vtd > 85 ml/m2) et une baisse de performance. Lorsqu'il s'hypertrophie sur une surcharge chronique de pression, le VD présente des caractéristiques qui se rapprochent de celles du VG; il peut alors maintenir son volume éjectionnel sur une plus vaste plage de postcharge, mais perd sa capacité à tamponner les variations rapides de volume car son débit devient précharge-dépendant. La pression systolique maximale momentanée que peut produire un VD normal est 40-60 mmHg. Dans le cadre de l’anesthésie et des soins intensifs, la prise en charge d’une IVD demande une surveillance invasive : cathéter artériel, cathéter pulmonaire de Swan-Ganz (mesure de la PAP, des RAP, du VS, du RVSW et de la FEVD), échocardiographie transoesophagienne. La thermodilution sous-estime le DC réel en cas d’insuffisance tricuspidienne majeure et le surestime lorsque l’IT est due

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à une défaillance droite, mais la SvO2 conserve sa relation avec le DC dans les deux cas. Avant d’aborder la thérapeutique, il est important de préciser quelques points [178].

La défaillance droite est un événement dangereux et difficile à traiter, qui entraîne un pronostic très sombre ; il est capital de rester très vigilant face à ce risque, particulièrement après une CEC, et d’avoir une attitude proactive dans toutes les situations à risque d’IVD [357].

Les organes souffrent doublement en cas de défaillance droite : le bas débit baisse la pression d’amont et la stase veineuse augmente la pression d’aval. La pression de perfusion (Partère – Pveine) est très diminuée.

La ventilation en pression positive doit opposer le minimum d’impédance à l’éjection du VD : pression de plateau minimale, PEEP seulement si indispensable, FiO2 0.5-0.8, fréquence basse.

L’hypercapnie permissive provoque une vasoconstriction pulmonaire alors que l’hyperventilation abaisse les RAP ; l’équilibre est donc à rechercher dans une hypocapnie normobarique avec le volume courant minimal pour maintenir une PaCO2 ≤ 35 mmHg.

Le débit du VD est très dépendant du rythme sinusal ; un pace-maker peut être nécessaire pour optimiser le traitement [132] ; une fréquence de 80-90/min raccourcit la diastole et diminue le risque de dilatation ventriculaire.

Le traitement de l'insuffisance ventriculaire droite comprend plusieurs points (Tableau 12.5) [178,309,335,345]. Il doit être agressif, car l’IVD aggrave dangereusement le pronostic et augmente fortement la mortalité postopératoire [132]. Vu l’interdépendance très étroite entre le VD et le VG (voir Rappel physiopathologique), la thérapeutique de l’insuffisance droite doit viser avant tout à rééquilibrer le jeu des pressions et des volumes entre les deux ventricules (rapport PAM/PAPm ≥ 4, septum interventriculaire convexe vers la droite).

Optimalisation de la précharge ; le VD dysfonctionnel peut nécessiter une PVC jusqu’à 12 mmHg pour assurer son débit systolique ; toutefois, l'augmentation du volume ventriculaire peut accentuer le basculement septal dans le VG et amputer le gain escompté. Un test de remplissage par élévation des jambes permet d’évaluer la situation ; il a l’avantage d’être réversible. En revanche, si la défaillance a déjà entraîné une dilatation ventriculaire et une stase en amont, il faut au contraire diminuer la précharge (PVC < 15 mmHg) : dérivés nitrés, diurétiques, position de contre-Trendelenburg, drainage par les canules de CEC. Il faut se souvenir qu’un VD dysfonctionnel tolère aussi mal l’hypo- que l’hypervolémie.

Baisse de la postcharge (voir Traitement de l’hypertension pulmonaire) : comme le VD est très sensible à la postcharge, la diminution de l'impédance et de la résistance augmente efficacement le volume éjecté ; on utilise à cet effet les substances qui présentent un effet dilatateur pulmonaire majeur. Les agents vasodilatateurs inhalés (NO, prostacycline, milrinone, nitroglycérine), l’hyperoxie (FiO2 0.8-1.0), l’hyperventilation normobarique et la correction de l’acidose ont l’avantage de n’avoir aucun effet systémique, alors que les hypotenseurs administrés par voie générale abaissent également la pression artérielle, ce qui accentue la dyskinésie septale et diminue la pression de perfusion coronarienne droite. D’autre part, les vasodilatateurs inhalés sont distribués préférentiellement aux zones bien ventilées, alors que les vasodilatateurs systémiques inhibent la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et entraînent une hypoxémie. A l’exception du sildénafil, les vasodilatateurs pulmonaires sont potentiellement dangereux dans les hypertensions pulmonaires liées à une stase gauche (défaillance du VG, maladie mitrale), car ils augmentent le flux et la congestion en amont de l’OG ; le risque est un OAP. La baisse de la PAP n’est pas obligatoirement un succès thérapeutique, car elle peut être due à une perte fonctionnelle du VD (voir Figure 12.28B).

Vasodilatateurs pulmonaires : époprostenol en perfusion, iloprost en inhalation ou treprostinil sous-cut/iv, inhibiteur du récepteur de l’endothéline (bosentan per os), inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 (sildenafil, vardenafil, tadalafil, per os) ; ces dernières substances sont également efficaces pour minimiser l’effet rebond à l’arrêt du NO• [14]. L’iloprost en inhalation (10-20 mcg en 20 min) est au moins aussi efficace que le NO• (20 ppm) pour

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diminuer la PAP après CEC, et son administration est beaucoup plus simple [357]. L’effet de la milrinone en nébulisation est discutable vu l’absence de récepteurs IPDE-3 pulmonaires.

Tableau 12.5 Traitement de l'insuffisance ventriculaire droite aiguë

Hyperventilation normobarique (si malade ventilé)

• Hypocapnie : PaCO2 = 30 mmHg, alcalose: pH = 7.5 • FiO2 = 1.0 • V courant 6-8 ml/kg, pression ventilatoire (Pmoy) 6-10 cm H2O

Optimalisation de la précharge • ↑ PVC à 10-12 mmHg si dimensions normales du VD • ↓ PVC si dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne et stase droite • Nitroglycérine (0.5-5 mcg/kg/min, nébulisation à 2.5 mcg/kg/min)

Maintien de l’interaction interventriculaire et de la pression de perfusion coronaire • Nor-adrénaline (0.1-0-5 mcg/kg/min) • Vasopressine (1-4 U/h) • CPIA si bas débit systémique

Anti-phosphodiestérases-3 : milrinone (Corotrop®) ; dose de charge 1 mg, perfusion 0.4-0.75 mcg/kg/min ; nébulisation : 0.2-0.3 mL/min (solution 1 mg/mL) (effet discutable) Stimulation β1 + β2

• Dobutamine (Dobutrex®) 3-10 mcg/kg/min • Isoprénaline (Isuprel®) bolus 10 mcg, perfusion 0.01 à 0.1 mcg/kg/min • Adrénaline 0.01 – 0.1 mcg/kg/min (associée à la milrinone)

Levosimendan (Simdax®) : perfusion 0.1-0.2 mcg/kg/min NO• : 10 – 30 ppm dans le circuit inspiratoire du ventilateur, + arginine 15 mg/kg/min (non recom-mandé en cas d’HTP sur stase gauche) Prostaglandines:

• Iloprost (Ilomedine®) en spray nasal (9-20 mcg/20 min) à répéter toutes les 3-4 heures ; nébulisation 0.2-0.3 mL/min (solution 10-20 mcg/mL)

• Epoprosténol (Flolan®): 2-5 ng/kg/min en perfusion • Treprostinil (Remodulin®) iv (1.25-2.5 ng/kg/min)

Sildénafil (Viagra®, Revatio®) : 10 mg 3x/j per os (ou 10 mg iv en perf) Non-fermeture ou réouverture du péricarde et du sternum. ECLS, assistance ventriculaire droite.

Stimulation de la contractilité : amines sympathicomimétiques à effet β1 (dobutamine,

isoprénaline), inhibiteurs de la phosphodiestérase-3 (amrinone, milrinone), sensibilisateur calcique (levosimandan) [166,167]. Le levosimendan est un inodilatateur qui abaisse les RAP ; il est le seul agent qui abaisse également la mortalité. L’efficacité de la milrinone et du levosimendan dans la défaillance droite tient probablement au fait que le VD répond moins bien que le VG aux stimulants béta-1 [352]. La dopamine et la digitale sont contre-indiquées parce qu’elles augmentent les RAP.

Optimisation du rythme cardiaque : la fréquence idéale est de 75-90 batt/min, car la bradycardie allonge la diastole et contribue ainsi à la dilatation du ventricule. La perte du rythme sinusal peut entraîner une décompensation.

Maintien du gradient de pression entre les deux ventricules (rapport PAM/PAPm ≥ 4.0) et de la géométrie du VD pour éviter le basculement septal vers la gauche et épauler la contraction du VD par celle du VG. Une dyskinésie septale entraîne la perte de 30-40% de l’efficacité éjectionnelle droite. Si le VD devient globulaire par un bombement vers la gauche, les myofibrilles longitudinaux, qui sont le moteur principal de l’éjection droite, perdent leur alignement normal et leur contraction devient moins efficace. L’augmentation de la postcharge gauche (vasoconstricteur systémique) tend à rétablir la position normale du septum interventriculaire (arrondi vers la droite) et à améliorer l’assistance par le VG.

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Maintien de la perfusion coronaire droite : une perfusion de nor-adrénaline et/ou de vasopressine est indiquée afin de maintenir un gradient suffisant entre la pression aortique et la pression systolique du VD ; la faible population de récepteurs α pulmonaires et l’absence de récepteurs à la vasopressine dans les poumons font que la pression systémique s’élève mais non la pression pulmonaire [38,176]. Une contre-pulsion intra-aortique peut être utile pour maintenir la pression de perfusion coronarienne.

En salle d'opération, non fermeture du péricarde et du sternum, ou réouverture en postopératoire. Lorsque la Ptd du VD est ≥ 15 mmHg, la paroi ventriculaire est en butée contre le péricarde ; l’ouverture de celui-ci augmente la compliance du VD et relâche la compression opérée sur le VG par le basculement diastolique du septum interventriculaire ; cette technique permet de tolérer la dilatation due à la dysfonction droite sans conprimer le cœur gauche.

Assistance ventriculaire par une ECMO, une assistance externe (TandemHeart™, Impella™) ou un ventricule artificiel (Thoratec™, HeartMate II™) ; l’indication est une défaillance droite potentiellement réversible due à une insuffisance respiratoire ou à une hypertension pulmonaire réfractaire au traitement médical maximal [29].

Traitement de l’insuffisance ventriculaire droite Le traitement est basé sur quatre principes: - Optimalisation de la précharge - Baisse de la postcharge - Rétablissement de l’interdépendance ventriculaire physiologique - Amélioration de la contractilité Précharge: - Maintenir PVC élevée (10-12 mmHg) si insuffisance primaire de la contractilité droite - Veiller à éviter la dilatation du VD et de l’OD - Baisser la PVC en cas d’insuffisance congestive (nitrés, diurétiques) Postcharge: - Hyperventilation (PaCO2 < 35 mmHg) - Agents inhalés (NO•, iloprost, milrinone), sans effet hypotenseur systémique - Vasodilatateur pulmonaire: prostacycline, inhibiteur des phosphodiestérases-5 (sildenafil), inhibiteur de l’endothéline (bosentan), nitroglycérine Interdépendance: - Vasoconstriction systémique (noradrénaline, vasopressine, CPIA) - Maintien de la cinétique du septum interventriculaire (bombé vers la droite, aide au VD) - Maintien de la pression de perfusion coronarienne - Rapport PAM/PAPm > 3 Contractilité: - Catécholamines sans effet α (dobutamine, isoprénaline) - Inodilatateur (milrinone, levosimendan), le plus souvent associé à la nor-adrénaline Autres: - Décompression: non-fermeture ou réouverture du péricarde et du sternum - ECMO, assistance ventriculaire droite La baisse de la PAP peut être due à une perte fonctionnelle du VD; monitorage spécifique: RAP. Critères d’amélioration de la fonction droite: baisse de la PVC, augmentation du VS, repositionnement physiologique du septum interventriculaire.

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Le marqueur de l’efficacité du traitement n’est pas une baisse de la PAP, mais une baisse de la PVC et une augmentation du volume systolique. Les dosages des principales substances utilisées dans le traitement de la défaillance ventriculaire sont résumés dans le Tableau 12.15 (page 150). Resynchronisation La dilatation et le remodelage du ventricule défaillant entraînent une inhomogénéité de la contraction et un retard dans la stimulation de la partie inféro-latérale du VG. La désynchronisation de la contraction ventriculaire réduit l'efficacité de l'éjection en provoquant un mouvement pendulaire du sang pendant la systole ; une partie du volume systolique oscille entre la région à contraction précoce (septum interventriculaire) et celle qui se contracte tardivement (paroi latérale) [162]. Ce phénomène induit ou contribue à une insuffisance mitrale, parce que la contraction des muscles papillaires est désynchronisée. La traduction électrique de ces phénomènes est un élargissement du QRS > 120 msec, ce que présentent 20-45% des patients en insuffisance cardiaque [2,144]. Une stimulation électrique localisée peut amener une meilleure coordination de la contraction ventriculaire et un enchaînement homogène de la systole et de la diastole. Alors qu'elle ne présente pas d'action inotrope en soi, la resynchronisation par pace-maker rétablit une dépolarisation physiologique chez les insuffisants cardiaques avec un QRS > 120 msec, un bloc de branche gauche et un asynchronisme mécanique. Les indices systoliques démontrent l'efficacité du pacing biventriculaire sur la fonction gauche: restauration de la rotation systolique, augmentation du volume systolique, du dP/dt et du LVSWI; les dimensions du VG et l'insuffisance mitrale diminuent, ce qui correspond à un renversement du remodelage ventriculaire lié à la défaillance systolique. La capacité d'effort et le status fonctionnel des malades sont améliorés après 3 à 12 mois de traitement. Contrairement à la stimulation catécholaminergique, il n'y a pas d'augmentation de la mVO2 [144]. Comme la moitié des décès sur insuffisance ventriculaire est due à des arythmies de réentrée, la resynchronisation par pacing ventriculaire tend à baisser la mortalité de 24-40% par réduction du taux d'arythmies [1,2,5,68]. On constate toutefois que 20-30% des patients sont réfractaires au traitement [191]. Les critères de sélection des malades sont fondés sur une série d'examens paracliniques (Figure 12.14) [191,264].

ECG: QRS > 120 msec, BBG; Echocardiographie 2D en mode TM: délai > 100 msec entre la contraction de la paroi

antéroseptale et celle de la paroi postéro-latérale; Echo Doppler tissulaire: asynchronisme intraventriculaire (délai > 65 msec entre les pics de

contraction de segments voisins); Echo par Speckle-tracking: déformation (strain) asynchrone des différents segments du VG; Speckle-tracking 3D: technique en investigation.

La stimulation cardiaque biventriculaire est effectuée par deux électrodes : l'une est placée dans la veine postéro-latérale via le sinus coronaire à proximité de la paroi latérale du VG, et l'autre dans le ventricule droit, contre le septum interventriculaire. Une électrode auriculaire est ajoutée en cas de bloc AV (pace-maker triple chambre). Cette technique s'adresse aux malades de classe NYHA III/IV dont le QRS est > 120 ms et la FE < 0.35, souffrant de cardiomyopathie dilatée et de blocs de branche gauches [144] ; ceci représente 20 à 40% de tous les malades en insuffisance cardiaque terminale. Le pace-maker biventriculaire peut se combiner avec un pace-maker défibrillateur, ce qui permet de diminuer de moitié l'incidence des morts subites [41]. Le pacing biventriculaire épicardique peut faciliter la reprise fonctionnelle après CEC chez les patients souffrant de dysfonction ventriculaire gauche malgré un traitement inotrope majeur [53]. La resynchronisation est associée à la thérapie pharmacologique classique (β-bloqueur, IEC, spironolactone), mais ne la remplace pas ; elle paraît même plus efficace chez les patients β-bloqués [272].

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Implications pour l'anesthésie Le pacing de resynchronisation est programmé pour entraîner les ventricules en permanence en suivant le rythme auriculaire. L'ajustement en asynchrone à une fréquence supérieure à la fréquence de base n’est pas requis en peropératoire, car l’hémodynamique est mieux conservée par le rythme sinusal spontané que par un entraînement ventriculaire asynchrone (sauf dans le cas de BAV complet) [144]. Un aimant ne doit pas être utilisé en peropératoire, car l’effet du champ magnétique est variable d’un modèle à l’autre et peut totalement dérégler l’appareil. Lors d'interventions chirurgicales, l'électrocoagulation inhibe ces systèmes comme les pace-makers habituels, mais les périodes d'interruption sont bien tolérées car le rythme sous-jacent est maintenu ; d’autre part, le gain sur la fonction ventriculaire est un bénéfice à moyen et long terme qui affecte peu la performance immédiate. En préopératoire, la fonction défibrillatoire, le mode RR (rate-responsive) et le mode antitachycardie doivent être impérativement désactivés, car l’appareil interprêterait la coagulation comme une arythmie et déclencherait un choc. La fonction défibrillatoire est remplacée par des patches externes collés sur le malade et reliés à un défibrillateur externe. Comme la coagulation peut dérégler le stimulateur, il faut le contrôler et le réajuster en postopératoire, et ré-enclencher les fonctions qui ont été modifiées.

Resynchronisation par pace-maker Environ 30% des patients en insuffisance systolique gauche et dilatation ventriculaire ont un retard de contraction de la paroi inféro-latérale du VG, ce qui désynchronise la contraction et altère l’efficacité de l’éjection. A l’ECG, ils présentent un QRS élargi (> 120 msec) ou un BBG. Un pace-maker triple-chambre (électrode auriculaire, électrode contre le septum du VD et électrode dans le sinus coronaire placée au niveau de la paroi latérale du VG) permet de resynchroniser la contraction, d’améliorer la fonction du VG et de soulager les symptômes du patient. Le pace-maker est programmé pour une entraînement ventriculaire continu. La coagulation inhibe momentanément la stimulation, mais cela ne modifie pas significativement l’hémodynamique. La fonction défibrillatoire doit être interrompue pour l’opération et remplacée par un défibrillateur externe (patches collés au malade).

A

160 msec 50 msec

PAS

PPL

PAS

PPL

B

Figure 12.14: Exemples de resynchronisation évaluée à l’échocardiographie. A: vue court-axe du VG en mode TM; le pic de contraction de la paroi postéro-latérale (PPL) a un retard de 160 msec par rapport à celui de la paroi antéro-septale (PAS). B: après resynchronisation, cet écart est réduit à 50 msec [144].

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Options chirurgicales Transplantation cardiaque La transplantation est le meilleur traitement de l’insuffisance cadiaque terminale. Elle devrait être envisagée lorsqu'un malade de classe fonctionnelle III ou IV reste symptomatique malgré un traitement médical maximal et qu'aucune thérapeutique chirurgicale étiologique n'est possible. Les résultats actuels sont globalement les suivants [159,200,304,327] :

Survie à 1 an: 82-90 % Survie à 3 ans: 80 % Survie à 5 ans : 69% Survie à 10 ans: 50 % Réhabilitation: 85 % Causes de décès:

• Rejet: 39 % (rejet précoce : 3.8%) • Infection: 36 % • Cardiaque: 21 %

En comparaison, la mortalité annuelle des candidats à une greffe cardiaque non-transplantés sous traitement médical seul est de 40-55 %. Les candidats sont des patients de moins de 70 ans, sans infection ni tumeur ni insuffisance rénale (clairance créatinine > 50 mL/min), de classe fonctionnelle III ou IV, dont l'espérance de vie est inférieure à un an. Afin que le cœur droit du donneur puisse fonctionner normalement, les RAP du receveur doivent être inférieures à 500 dynes•sec•cm-5 (6 U Wood) et le gradient transpulmonaire (PAPmoy – PAPO) doit être inférieur à 15 mm Hg (normal: 6-8 mmHg) [217]. Le sujet est traité dans le chapitre 15 Transplantation cardiaque. Le plus gros problème de la transplantation est actuellement un manque lancinant de donneurs. Cardiomyoplastie La cardiomyoplastie dynamique consiste à ceinturer le ventricule défaillant par un lambeau musculaire pédiculé de grand dorsal dont la contraction est réglée par un pace-maker; ce muscle fonctionne comme une assistance péri-ventriculaire, et limite la dilatation cardiaque [299]. Comme il faut environ 6 semaines au muscle pour être adapté à sa nouvelle fonction, cette technique n'est pas envisageable en cas d'insuffisance aiguë. La meilleure indication est la cardiomyopathie dilatative idiopathique à fonction encore conservée (FE > 0.35) chez des malades de classe III qui présentent des contre-indications à la transplantation. Passé une mortalité périopératoire voisinant 10%, la survie à une année est de 69%, et l'amélioration fonctionnelle significative [110]. Cette intervention reste une méthode non prouvée à large échelle, qui est maintenant abandonnée. Réduction ventriculaire La loi de Laplace stipule que la tension de paroi augmente avec le rayon de la sphère. De plus, le VG défaillant perd sa forme conique pour devenir sphérique. Il est donc logique de réduire le stress que doit vaincre le ventricule dilaté en diminuant sa taille et en lui restituant sa forme elliptique. La ventriculectomie gauche partielle (opération de Batista) consiste en une résection d'une tranche longitudinale de la paroi ventriculaire entre les piliers de la valve mitrale, accompagnée d'une plastie de cette dernière pour éliminer la régurgitation induite par la dilatation. Si nécessaire, on réalise aussi une plastie tricuspidienne. Le meilleur bénéfice est obtenu lorsque le VG est très dilaté (diamètre télédiastolique > 8 cm) et lorsque la fonction du VD est conservée. L'évolution postopératoire immédiate est très difficile, et la contrepulsion intra-aortique ou l'assistance ventriculaire sont le plus souvent nécessaires. La mortalité périopératoire est en moyenne de 15-30% et la survie à un an de 40% ; l'incidence d'arythmies et de mort subite est élevée, mais la moitié des survivants jouit d'une

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amélioration symptomatologique momentanée [54,236]. Cette intervention est abandonnée à cause du risque opératoire prohibitif et de l’absence de bénéfice à long terme. D’autres types de reconstruction ventriculaire se sont développés, basées sur la diminution du stress de paroi et sur la restauration de la forme physiologique du VG : ablation des zones cicatricielles après infarctus, anévrysectomie avec insertion de patch en Dacron (opération de Dor), emballage externe des deux ventricules dans un sac conique tressé fixé au sillon auriculo-ventriculaire qui restitue la forme elliptique du VG (système CorCap™) [49,86]. Toutefois, malgré la réduction des dimensions ventriculaires, la diminution de l’IM et l’augmentation de la FE, ces interventions ne présentent pas d’avantage à long terme. Un autre système, consistant en un tenseur intraventriculaire, rapproche les parois dans l’axe antéro-postérieur, mais les résultats sont plutôt décevants. Outre le risque opératoire, un des problèmes majeurs est la dysfonction diastolique massive qui résulte de la restriction imposée à la paroi du VG. De plus, le ventricule se re-dilate dans l’année qui suit [86]. L’amélioration de la fraction d’éjection ne doit pas faire illusion, car la réduction du volume télédiastolique conduit toujours à une augmentation de la FE puisque celui-ci se trouve au dénominateur dans le calcul (FE = (Vtd – Vts) / Vtd) ; c’est un artifice mathématique sans relation avec la fonction myocardique réelle. La réduction pratiquée simultanément au traitement chirurgical de l’ischémie coronarienne (PAC) ou de la valvulopathie (plastie mitrale) ne réduit ni la mortalité ni la morbidité cardiaque chez les malades en insuffisance gauche : dans l’étude STITCH (2'136 patients avec FE < 0.35), la mortalité opératoire est de 4-6% et la survie à 5 ans de 60% dans les deux groupes de malades (PAC seuls ou PAC + réduction VG) [158]. Pontages aorto-coronariens Bien que le risque opératoire et la mortalité augmentent parallèlement au degré d’insuffisance cardiaque, la revascularisation est le meilleur traitement étiologique de la cardiomyopathie ischémique. Passée la période périopératoire dangereuse, elle améliore la fonction ventriculaire et la survie des malades par rapport au traitement médical : la réduction de mortalité est de 20-50% [158,348]. L’addition de chirurgie reconstructrice du VG réduit la dilatation ventriculaire de 20% et améliore la fraction d’éjection, mais ne modifie pas la capacité fonctionnelle ni la mortalité, bien que le degré de remodelage ventriculaire soit le principal déterminant de la survie [171,348]. La technique à cœur battant (OPCAB : off-pump coronary artery bypass), quoique techniquement plus difficile, améliore la récupération fonctionnelle immédiate et diminue le risque hémorragique ; elle peut contribuer à réduire la mortalité et la morbidité de ces cas à haut risque [77]. Plastie mitrale La dysfonction du VG entraîne une dilatation et une déformation sphérique de sa cavité, ainsi qu’une dilatation de l’anneau mitral. Ces trois processus concourent à empêcher la coaptation des feuillets mitraux et provoquent une insuffisance mitrale dite restrictive, parce que le mouvement des feuillets est restreint en systole (voir Figure 12.10). Une IM modérée (< III) se rencontre dans plus de la moitié des cas d’insuffisance ventriculaire gauche ; elle est un facteur de mauvais pronostic parce qu’elle reflète la gravité de l’atteinte myocardique. La correction de l’IM par valvuloplastie simultanément aux pontages aorto-coronariens améliore le résultat fonctionnel de l’opération mais ne modifie la mortalité que si l’IM est sévère (degré IV) ; d’autre part, l’IM restrictive tend à récidiver après correction [26,348]. Pour éviter les risques de la chirurgie, on peut procéder à une plastie mitrale percutanée au moyen de clips qui amarrent la partie distale de chaque feuillet l’un à l’autre, de manière similaire à l’opération d’Alfieri, ou à une annuplastie par pose d’une prothèse en arc de cercle dans le sinus coronaire [94]. La première technique s’est largement répandue (MitraClip™), alors que la deuxième a été abandonnée (voir Chapitre 10 Plastie mitrale percutanée).

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Chirurgie de l’insuffisance ventriculaire

Le meilleur traitement de l’insuffisance ventriculaire terminale réfractaire est la transplantation, mais elle est limitée par le manque de donneurs (environ 3’500/an). D’autres options chirurgicales sont possibles: - Revascularisation coronarienne en cas de cardiomyopathie ischémique - Plastie mitrale chirurgicale ou par technique percutanée - Anévrysectomie et plastie mitrale - Emballage du VG - Tenseur intraventriculaire La cardiomyoplastie et la chirurgie de réduction ventriculaire (opération de Batista) ont été abandonnées.

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Assistance ventriculaire Principes, indications et physiopathologie L’assistance ventriculaire concerne les malades en insuffisance cardiaque avancée chez lesquels le traitement médico-chirurgical maximal a été épuisé. Le but d’une assistance ventriculaire est triple : 1) maintenir la circulation en déchargeant le ou les ventricules pour leur offrir une possibilité de récupération, 2) assurer la survie du malade en remplaçant la fonction cardiaque, de manière définitive ou en attendant une transplantation, et 3) assurer une perfusion adéquate aux organes-cibles pour éviter le développement d’une insuffisance poly-organique. Les objectifs peuvent être répartis en cinq catégories [121,170,329].

Soutien hémodynamique aigu dans une situation catastrophique (choc cardiogène, sortie de CEC impossible) pour assurer la survie immédiate (bridge-to-decision).

Support de la perfusion systémique jusqu'à ce que le myocarde récupère après chirurgie cardiaque (sidération, dilatation aiguë), infarctus, intoxication ou myocardite virale (bridge-to-recovery) ; il apparaît de plus en plus que le ventricule en décharge puisse bénéficier d’un remodelage positif qui lui permette de fonctionner à nouveau [137].

Attente d’une décision de greffe (bridge-to-candidacy) ou d’un système à long terme (bridge-to-bridge)

Soutien et optimalisation de l’hémodynamique en attendant le remplacement d'un coeur atteint de manière irréversible (bridge-to-transplant). Cette attitude permet d’amender une hypertension pulmonaire et de prévenir une défaillance multiorganique ; 80% des patients soutenus de cette manière ont un devenir après transplantation équivalent ou meilleur que celui de la moyenne [64]. Avec une survie dépassant 50% à 12 ans, la transplantation est de loin la meilleure solution, mais la désespérante limitation du nombre de donneurs la restreint à un faible pourcentage des candidats potentiels.

Implantation définitive d’un cœur mécanique parce que le patient a une mortalité à 1 an supérieure à 50% mais n’est pas candidat à une greffe (destination therapy) ; la survie dépend alors de la fiabilité technique du système et des complications intercurrentes. Elle est actuellement de 60-91% à 1 an, soit plus du double de celle du traitement médical maximal [18,33,121,170,196,262]. La mise au point des assistances à flux continu plus simples et plus fiables a multiplié par 10 le taux d’implantation définitive depuis 2009 [170].

La survie dépend évidemment des conditions cliniques de départ ; elle est d’autant meilleure que les patients sont mieux équilibrés au moment de l’implantation. Le risque est stratifié en 7 niveaux selon le registre INTERMACS (Interagency Registry for Mechanical Circulatory Support) [1262,319].

1 – Choc cardiogène critique ; l’implantation est une question d’heures ; survie à 1 an : 51%. 2 – Déclin progressif sous inotropes ; l’implantation est une question de jours ; survie à 1 an :

75%. 3 – Stabilité sous inotropes ; l’implantation est une question de semaines ; la survie à 1 an est

> 90%. 4 – Dyspnée au repos, décompensations récurrentes ; attente possible de quelques semaines à

quelques mois. 5 – Intolérance au moindre effort, hospitalisations fréquentes ; délai variable. 6 – Limitation sévère de l’effort ; délai variable. 7 – Stade NYHA III : pas d’indication.

La survie est plus élevée pour les implantations monoventriculaires gauches (LVAD, left ventricular assist device) que pour les assistances biventriculaires (BiVAD) : environ 90% versus 60% à 1 an [170] ; mais 10-40% des assistances gauches développent une insuffisance droite aiguë, dont une partie requiert un soutien mécanique (voir Anesthésie et insuffisance ventriculaire) [89,309,314]. La

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survie des assistances en Destination therapy est actuellement de 73% à 1 an et de 63% à 2 ans [262]. Ces résultats sont assez modestes en regard des investissements consentis. D’autre part, il reste de nombreuses inconnues dans ce domaine où les études randomisées sont incroyablement difficiles à mettre sur pied : la physiopathologie du choc cardiogène, la réponse des patients aux différents types d’assistance, ou le choix du type d’assistance optimal en fonction de la situation. Implantée assez tôt dans l’évolution de la maladie, l’assistance ventriculaire permet de récupérer les fonctions rénale et hépatique, de réduire l'hypertension pulmonaire, de mobiliser l'excédent de liquide intersticiel et d’empêcher l’installation d’une défaillance multiorganique. L’optimisation préopératoire par un traitement médical agressif est essentielle : nutrition adéquate, correction de l’anémie et de la thrombocytopénie, stabilisation des problèmes d’hémorragie digestive et de dysfonction hépatique [121]. Les critères pour l’implantation sont la persistance des éléments suivants malgré un traitement pharmacologique maximal, qu’il soit chronique ou aigu (inotropes iv > 14 jours) [208] :

Index cardiaque < 1.8 L/min/m2 ; PAM < 60 mmHg, PAsyst < 90 mmHg pendant > 30 minutes ; PVC > 15 mmHg et/ou PAPO > 18 mmHg ; RAS > 2’000 dynes s cm-5 ; FE VG < 0.25 ; SvO2 < 55%, VO2 max < 14 mL/kg/min ; Débit urinaire < 20 ml/heure ; Acidose métabolique persistante ; Risques de défaillance du VD lors d’implantation d’assistance gauche [181] :

o Dysfonction droite ; o HTAP, RAP élevées ; o PVC > 12 mmHg, rapport PVC/PAPO > 0.6 ; o Vtd VD > 85 mL/m2. ; o Rapport diamètres VD/VG > 0.75 ; o Rapport court-axe / long-axe du VD > 0.6 ; o Insuffisance tricuspidienne III-IV ; o Course systolique de l’anneau tricuspidien < 7.5 mm.

Pour une implantation définitive à long terme (destination therapy) chez les malades non-candidats à une transplantation, les critères retenus sont [121] :

Echec du traitement médical optimal pour > 60 jours ; Dépendance des inotropes pour > 14 jours ou de la CPIA pour > 7 jours ; FE VG < 0.25 ; VO2 max < 14 mL/kg/min ; NYHA classe IV.

Une assistance est contre-indiquée lors d'infection systémique active, de néoplasie incurable, de déficience neurologique irréversible et d'insuffisance rénale ou hépatique terminale. La maladie vasculaire périphérique sévère, la cachexie et la dyscrasie sanguine sont des contre-indications relatives [121]. La valve aortique doit être étanche, sinon le débit de l’assistance reflue dans le VG et le dilate. En cas de dysfonction droite avant l’implantation d’une assistance gauche, le comportement du VD et sa capacité de récupération sont difficiles à prédire. Dans 20% des cas, une assistance biventriculaire est requise. L’assistance ventriculaire est une thérapeutique coûteuse. Les sytèmes de soutien hémodynamique à court terme sont de l’ordre de € 100'000.-, alors que les pompes implantées à long terme (destination therapy) représentent une dépense d’environ € 220'000.- [234]. En Suisse, cette somme est payée pour un tiers par les caisses maladies et pour deux tiers par le canton de domicile du patient, parce que l’assistance définitive n’y est pas encore un traitement admis. En Allemagne, en Autriche, aux Etats-Unis et au Canada, elle est entièrement prise en charge par les assurances. Toutefois, ce coût

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apparemment exorbitant doit être comparé à celui du traitement médico-chirurgical de l’insuffisance cardiaque terminale avec ses nombreuses hospitalisations et ses passages itératifs en soins intensifs. Le concept de QALY, ou nombre d’années gagnées par le traitement pondéré par la qualité de vie du patient, suggère qu’un coût de 60'000 $ par QALY est acceptable, mais qu’il est difficilement justifiable s’il dépasse 100'000 $. Or le coût de la première année après implantation d’une assistance gauche est en moyenne de 222'460 $, alors que celui d’une transplantation est de 176'605 $ ; à long terme, l’assistance à débit continu revient à 167'208 par QALY [230]. Même si les coûts diminuent avec la généralisation du traitement, on est encore loin de descendre en-dessous du seuil de 60'000 $ par année. L’assistance ventriculaire reste une médecine de riches ! Systèmes à disposition La CEC peut être utilisée comme assistance circulatoire pour assurer la récupération fonctionnelle lors d’une sortie de pompe difficile, à la condition que cette récupération soit rapide. Pour efficace qu'elle soit, cette méthode présente l'inconvénient majeur de prolonger la durée normothermique de la pompe, avec son cortège de troubles de la coagulation, d'hémolyse, d'acidose et de syndrome inflammatoire systémique. Elle ne peut pas durer plus de 60 à 90 minutes, mais elle permet une mise en charge très progressive, avec de longs paliers. L’ECMO veino-artérielle (extracorporeal membrane oxygenation, actuellement dénommée ECLS, extracorporeal life support) sous ses différentes formes est une extrapolation de la CEC permettant un soutien circulatoire et respiratoire d’une dizaine de jours ou plus (voir ECMO). La contrepulsion intra-aortique (voir CPIA) est une solution de sauvetage qui diminue la postcharge du VG et augmente la pression diastolique par gonflement d’un ballon dans l’aorte thoracique au cours de la diastole. On peut classer les systèmes d’assistance ventriculaire de différentes manières. Historiquement, on en distingue trois générations (Tableau 12.6) [329,334].

1ère génération : appareils pulsatiles extracorporels, souvent pneumatiques, mus par une console externe (Thoratec PVAD™, Abiomed BVS 5000™) ; ils sont encombrants et contiennent de nombreuses pièces en mouvement, dont des valves.

2ème génération : systèmes pulsatiles implantables, le plus souvent électriques (HeartMate XVE™, LionHeart™, Thoratec IVAD™).

3ème génération : système implantables le plus souvent à flux axial, prévus pour de longues durées (HeartMate II™, Jarvik 2000™, Incor™); la seule pièce en mouvement est le rotor, les valves sont inutiles ; les derniers modèles fonctionnent par lévitation magnétique ce qui suprime les axes du rotor, sources d’usure. Le système Excor™ est de type pulsatile.

Une technique d’implantation percutanée, plus rapide et moins invasive, s’est développée pour les appareils de soutien à court terme. Imitant mieux l’hémodynamique physiologique, les systèmes pulsatiles ont été mis au point en premier, mais il s’est avéré ces dernières années que les appareils à flux continu donnaient de meilleurs résultats cliniques, bien que la circulation soit dépulsée [197].

Systèmes à flux pulsé (voir Figure 12.22) : une cavité s’expand en diastole puis est comprimée en systole par un mécanisme pneumatique ou électrique ; l’appareil contient la pompe, le ou les sacs faisant office de ventricule(s) et des valves unidirectionnelles. Un câblage transcutané relie le malade à la console qui contient les systèmes de réglage et la source d’énergie. Le débit de la pompe dépend de la précharge mais non de la postcharge. La décharge du VG est meilleure qu’avec le flux continu.

Systèmes à flux continu (voir Figure 12.24) : une pompe tourne en permanence et maintient un débit continu dans l’aorte, auquel se surajoute ou non des puslations produites par la contraction du VG. Le débit de la pompe dépend de la précharge et de la postcharge. Aucune valve n’est nécessaire. L’appareillage est de faible encombrement, plus fiable et plus performant sur le long terme (plus faible taux de panne), mais l’anticoagulation doit être plus profonde (INR 2.0 au lieu de 1.6). Le risque hémorragique est plus élevé, en partie à cause

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d’un syndrome de Von Willebrand acquis, les évènements thrombo-emboliques sont plus fréquents (voir Dispositifs à long terme). Cependant, la morbi-mortalité à deux ans est la moitié de celle des systèmes pulsatiles [313]. Techniquement, il en existe deux types :

o Pompes à flux axial : vis d’Archimède en ligne avec la direction du flux ; faible encombrement (Figure 12.24) ;

o Pompes à flux centrifuge : mini-turbine aspirant le sang par un orifice co-axial et le propulsant par force centrifuge dans une tubulure tangentielle (Figure 12.25).

Dans la description qui suit, nous nous baserons sur une division en assistance à court et à long terme. La liste des appareils mentionnés n’est pas exhaustive, mais correspond aux systèmes les plus représentatifs ou les plus fréquemment utilisés.

Tableau 12.6 Différents dispositifs d’assistance ventriculaire

Système Type de flux Durée Position Mécanisme Abiomed BVS 5000** Pulsatile Courte Externe Pneumatique Thoratec PVAD** Pulsatile Moyenne Externe Pneumatique Thoratec IVAD** Pulsatile Moyenne Implantable Pneumatique HeartMate I XVE* Pulsatile Longue Implantable Electrique Impella* Continu Courte Externe Electrique, axial TandemHeart* Continu Courte Externe Electrique, centrifuge Levotronix** Continu Courte Externe Magnét, centrifuge HeartMate II** (Thoratec) Continu Longue Intra-abdomin Electrique, axial Jarvik 2000* Continu*** Longue Intrapéricarde Electrique, axial HVAD* (HeartWare) Continu Longue Intrapéricarde Hydrodyn, centrifuge HeartMate III* (Thoratec) Continu*** Longue Implantable Magnétique, centrifuge Novacor II LVAS* Pulsatile Longue Implantable Magnétique, piston InCor** (BerlinHeart) Continu Longue Intrapéricarde Magnétique, axial ExCor** (BerlinHeart) Pulsatile Longue Implantable Electrique MVAD* (HeartWare) Continu*** Longue Intrapéricarde Hydrodynam, mixte

* : assistance gauche seulement ** : possibilité de fonctionner en assistance gauche, droite ou biventriculaire *** : pulsatilité ajoutée (PP 10-15 mmHg) Anticoagulation :

Thoratec PVAD et IVAD : dicoumarine + aspirine seule HeartMate I XVE : antiplaquettaires seuls Tous les autres : dicoumarine + antiplaquettaires

Physiopathologie Le soutien hémodynamique apporté au VG par un système d’assistance ventriculaire est bien illustré par le concept de boucle pression-volume (P/V) qui décrit le couplage ventriculo-artériel, c’est-à-dire la manière dont la précharge, la postcharge, la contractilité et les modifications hémodynamiques interagissent entre elles. La surface de la boucle représente le travail électionnel du VG et la largeur sur l’abscisse le volume systolique. Le point télésystolique est situé sur une droite appelée élastance maximale (Emax) dont la pente représente la contractilité myocardique. La droite qui croise le point télédiastolique et le point télésystolique est l’élastance artérielle (Ea) ; en miroir de la précédente, sa pente représente la résistance totale à l’éjection pour le ventricule (voir Chapéitre 5, Figures 5.48, 5.49 et 5.50, et Chapitre 12, Figure 12.4). Le travail total, correspondant directement à la mVO2, est la somme du travail éjectionnel (surface PV) et du travail de pression (surface du trianle compris entre la ligne Emax, la ligne de la compliance et la portion diastolique de la boucle PV). Ce système de

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représentation offre une visualisation de l’effet des différents systèmes d’assistance mécanique sur la défaillance gauche (Figure 12.15A) [51,286]. Figure 12.15A : Boucles pression-volume (P/V). Insuffisance VG: par rapport à la normale (boucle P/V jaune, Emax et compliance en pointillé), la boucle P/V (en bleu-violet) est rétrécie, l’Emax, le VS et le Téj sont diminués, la Ptd est augmentée, mais la pente Ea reste inchangée. Emax: élastance maximale. Ea: élastance artérielle. Pts: pression télésystolique. Ptd: pression télédiastolique. Téj: travail éjectionnel (stroke work). Tp: travail de pression (triangle pointillé jaune). VS: volume systolique. V0: volume ventriculaire résiduel à pression nulle. CPIA (contrepulsion intra-aortique): par rapport à la boucle PV de l’insuffisance ventriculaire gauche (en bleu-jaune), la Pts et la Ptd sont réduites, la pente Ea est diminuée (baisse de postcharge), la décharge du VG est bonne ; l’Emax (contractilité) est inchangée. L’effet dominant est une baisse de postcharge pour le VG et une amélioration de la perfusion coronarienne. ECMO (extracoroporeal membrane oxygenation): la Pts et la Ptd sont augmentées, la pente Ea est accrue, la pente Emax est inchangée. L’ECMO assure la perfusion des organes et l’oxygénation du sang, mais elle ne décharge pas le VG. Pour aider ce dernier ou augmenter le VS, il faut ajouter un vasodilatateur (baisse de Ea) et un agent inotrope positif (augmentation de Emax). Assistance VG-Aorte (pompage dans le VG et éjection dans l’aorte par un ventricule artificiel pulsatile ou à flux continu): la boucle P/V tend à devenir triangulaire et se déplace vers la gauche et vers le bas par baisse de la Pts et de la Ptd ; le travail éjectionnel (Téj) est minime, le travail de pression infime ; la décharge du VG est complète et la mVO2 très réduite. Le VG et la circulation artérielle sont découplés [D’après références 51 et 286].

Insuffisance du VG : par rapport à la normale, la pente Emax est plus faible et la courbe de compliance est redressée (dysfonction diastolique), la pente Ea est inchangée ; il en résulte un rétrécissement de la boucle P/V, une diminution du travail d’éjection (SW stroke work) et une

V0

Emax ⇓

Emax

Pression

Volume

Compliance

Téj↓

Ea

Insuff VG

Compliance ⇓ Ptd ↑↑

Assist VG-Ao

ECMO

Emax

V0

Pression

Volume

VS ↓

Téj↓ Ea

Ea ECMO

Compliance

Emax

V0

Pression

Volume

VS ↑

Téj

Ea

CPIA

Ptd ↓

Ea CPIA

Compliance

Emax

V0

Pression

Volume

Ea

Compliance Ptd ↑

Ptd ↓ Téj ↓

VS ↓

Pts ↓ Pts ↓

Pts ↓

Pts↑

Tp

© Chassot 2015

Boucle PV normale

Boucle PV Insuff VG

Boucle PV Insuff VG

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baisse du volume systolique (VS). Pour augmenter le VS, il faut augmenter la pente Emax (effet inotrope positif) et baisser celle de Ea (vasodilatation artérielle).

CPIA (contre-pulsion intra-aortique) : la pression télésystolique et la pression télédiastolique sont réduites, la pente Ea est diminuée (baisse de postcharge) et la compliance est améliorée (décharge du VG) ; le VS augmente un peu. La contractilité (pente Emax) n’est pas modifiée ; le travail éjectionnel (SW) est minimalement augmenté (la surface de la boucle est quasi-identique à la situation de départ). Le trait dominant est une baisse de postcharge ; la perfusion coronaire est améliorée par l’augmentation de la pression diastolique.

ECMO/ECLS (extracorporeal membrane oxygenation/life support) : la pression télésystolique et la pression télédiastolique sont augmentées, la pente Ea est plus élevée (augmentation de postcharge), le VS est diminué. La contractilité (pente Emax) n’est pas modifiée ; le travail éjectionnel (SW) est sensiblement diminué, mais le travail de pression est accru. L’ECMO remplace efficacement le cœur et les poumons pour assurer la survie de l’organisme, mais elle ne décharge pas le VG. Pour aider ce dernier ou augmenter le VS, il faut ajouter un vasodilatateur (baisse de Ea) et un agent inotrope positif (augmentation de Emax) ; on peut aussi le décharger par une CPIA, une assistance de type Impella™ ou un drainage direct (venting).

Ventricule artificiel (assistance par pompage dans le VG et éjection dans l’aorte) : la boucle P/V tend à devenir triangulaire et se déplace vers la gauche par baisse de la pression télésystolique (Pts) et de la pression télédiastolique (Ptd) ; le travail éjectionnel (SW) est minime, le travail de pression infime ; la décharge du VG est complète et la mVO2 très réduite. Le VG et la circulation artérielle sont découplés.

Assistance ventriculaire L’assistance vise à à assurer la survie du malade en maintenant l’hémodynamique pendant la défaillance du ou des ventricules. Elle a des objectifs variés: - Soutien immédiat en attendant une décision (bridge-to-decision) - Soutien en attendant une transplantation (bridge-to-transplant) - Soutien en attendant une récupération fonctionnelle du myocarde (bridge-to-recovery) - Thérapie définitive (destination therapy) Indications: échec du traitement médical maximal en l’absence d’infection, de néoplasie non contrôlée, de lésions neurologiques irréversibles et d’insuffisance hépatique ou rénale avancée. Les résultats sont meilleurs si l’assistance est installée avant la survenue d’une insuffisance polyorganique. 1ère génération: assistance externe pulsatile, le plus souvent pneumatique. 2ème génération: assistance pulsatile implantable, le plus souvent électrique. 3ème génération: systèmes à flux continu (turbine) implantables, systèmes pulsatiles miniaturisés. Même munis de batteries et de transmission percutanée de l’énergie motrice, tous ces dispositifs dépendent d’une source électrique externe. Contre-pulsion par ballon intra-aortique (CPIA) L’idée de baisser la postcharge du VG tout en augmentant la pression diastolique s’est concrétisée en 1968 déjà sous la forme de la contre-pulsion intra-aortique (CPIA) inventée par A. Kantrowitz [161]. Le système déplace 30 à 50 mL de sang à chaque cycle cardiaque en gonflant pendant la diastole et en dégonflant pendant la systole un ballon en polyuréthane placé dans la partie proximale de l'aorte descendante (Figure 12.15B). Ce processus augmente le débit cardiaque de 0.5 L/min. Le ballon, dans lequel circule de l’hélium ou du CO2, est introduit par voie fémorale et remonté jusqu'à la jonction

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entre la crosse aortique et l'aorte descendante. Le système est déclenché par l'ECG (inefficace en cas d'arythmie non-régularisée par un pace-maker ou de tachycardie > 120/min) ou par le pic de la courbe de pression artérielle. La CPIA permet :

Une augmentation du flux coronarien pendant la diastole (↑DO2) lorsque le ballon se gonfle ; Une diminution de la postcharge du VG pendant la systole puisque le ballon se dégonfle tout à

la fin de la diastole et que la pression dans l’aorte ascendante est très basse lorsque la valve aortique s’ouvre ;

Une diminution de la tension de paroi du VG en télédiastole et en télésystole (↓ mVO2) ; Une baisse des RAS via les barorécepteurs ; Une diminution de l'insuffisance mitrale fonctionnelle due à la dilatation du VG grâce à la

baisse de la postcharge systolique et à la diminution de la taille du ventricule.

L'expérience clinique a montré que cette technique réduit en général la PtdVG et l’insuffisance mitrale de 40% et augmente le dP/dt de 25% ; le flux coronaire double [161]. Malheureusement, ces bénéfices ne se traduisent pas par une diminution de la mortalité [331]. Sur le tracé de la pression artérielle, on voit que la surface sous la courbe, qui est proportionnelle au volume systolique, est presque doublée par rapport à une systole non assistée (Figure 12.16). La CPIA améliore essentiellement le rapport DO2/VO2 du myocarde en cas d’ischémie subintrante, mais ne modifie que modestement le débit cardiaque (+ 0.5 L/min) et la pression artérielle [240]. Elle permet de sortir des cercles vicieux ischémie → bas débit → tachycardie → ↑ mVO2, et ischémie → hypotension → vasopresseurs → ↑ mVO2, ce que le traitement médical ne peut pas faire. L'hypovolémie réduit considérablement l'efficacité de la CPIA, car le volume déplacé est directement fonction du volume circulant dans l’aorte. L'anticoagulation (10’000 UI héparine/24 heures) doit maintenir un aPTT égal ou supérieur à deux fois sa valeur de base. Le ballon doit se gonfler au moment de la fermeture de la valve aortique, c'est-à-dire sur l'onde dicrote de la pression aortique centrale. S'il est trop précoce, il augmente la postcharge du VG et provoque une fermeture prématurée de la valve aortique ; s'il est retardé, la pression de perfusion coronaire est diminuée (Figure 12.17). Le dégonflement, qui a lieu en fin de diastole juste avant la contraction isovolumétrique, doit se faire assez tôt pour ne pas augmenter la postcharge systolique du VG, mais sans réduire l'augmentation diastolique pour autant. Le volume de gonflement du ballon doit être approximativement le même que le volume systolique du coeur défaillant, soit 30 à 50 mL. L'inflation

Systole Diastole

Ballon gonflé

Ballon dégonflé

Figure 12.15B : Contre-pulsion intra-aortique (CPIA). Introduit par voie fémorale, le ballon est placé dans l'aorte descendante distalement au départ de l'artère sous-clavière gauche. Son gonflement en diastole augmente la pression de perfusion en amont, notamment dans les coronaires. Lorsqu’il se dégonfle juste avant l’éjection aortique, il baisse la postcharge pour le VG puisque l’aorte ascendante est relativement vide au moment où le volume systolique y pénètre.

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ne doit pas occlure plus de 75% à 90% de la lumière aortique. La jambe, par la fémorale de laquelle est introduit le cathéter, doit être surveillée régulièrement pour repérer tout signe d'ischémie. L'indication à la CPIA est le traitement du choc cardiogène ne répondant pas à la stimulation pharmacologique : infarctus aigu, cardiomyopathie, rejet de transplant, sortie de CEC impossible, CIV, insuffisance mitrale aiguë, stabilisation préopératoire [161]. Les résultats sont d'autant meilleurs que le délai est plus court entre le début du choc cardiogène et l'installation de la contrepulsion. Les contre-indications sont l'insuffisance valvulaire aortique (degré > I/IV), la dissection, l'anévrysme, l'athéromatose ou le traumatisme de l'aorte, et les vasculopathies sévères de l'axe fémoro-ilio-aortique empêchant l’introduction du cathéter par voie fémorale. Dans ces cas, le cathéter peut être introduit directement dans l’aorte ascendante par la sternotomie. Le sevrage se fait en diminuant le rapport des cycles cardiaques assistés par rapport aux cycles spontanés sous forme d’une étape de 30 minutes à 1:3 ; si ce faible degré d’assistance est toléré, la CPIA est retirée. Ceci est possible lorsque l'index cardiaque est supérieur à 2.2 l/min/m2, la PAPO < 15 mm Hg et la pression artérielle normale. Les risques thrombotiques sont trop grands pour laisser le ballon inactif en place. Les complications sont les infections (25%), les lésions artérielles du membre inférieur avec thromboses et embolies (15-30%), les troubles de la crase avec hémorragie (4-10%) et les échecs techniques (5%) [240]. Il y a une quinzaine d’années, il a semblé que la mortalité du sevrage difficile de CEC baissait à 26% et celle du choc cardiogène postopératoire à 39% grâce à la CPIA [320]. Des études contrôlées ultérieures n’ont pas retrouvé ce bénéfice sur la mortalité. La plus récente (600 patients en choc cardiogène post-infarctus randomisés entre adjonction ou non de CPIA en plus d’un traitement médical optimal et d’une revascularisation précoce) n’a montré aucun gain sur la mortalité, la durée de séjour en soins intensifs, la fonction rénale, la sepsis ou le risque d’AVC [331], ni sur la survie ou la qualité de vie à long terme [332]. Est-ce à dire que la CPIA est futile ? Probablement non dans des cas particuliers de souffrance ischémique et de décompensation sur insuffisance mitrale. Car les études randomisées concernent des populations sélectionnées assez diffférentes de celles de la "vraie vie", qui

140 120 100 80 60

PA (mmHg)

Syst non ass

Syst non ass

Syst assistée

Augmentation diastolique

CPIA ↓ Ptd

A B

Figure 12.16 : Profil d'une courbe de pression artérielle lors de contre-pulsion intra-aortique (CPIA). La premier cycle cardiaque n'est pas assisté (A). Le ballon (CPIA) se gonfle au cours de la diastole du deuxième cycle (B); la surface sous la courbe artérielle, propor-tionnelle au volume sanguin mis en mouve-ment, est nettement plus grande en B que en A; la pression télédiastolique (Ptd) est abaissée par décharge du VG. La troisième systole est assistée par la CPIA; la pression systolique est abaissée car la postcharge du VG est moindre car la pression dans l’aorte est très basse au moment où le ballon se dégonfle.

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sont réparties en deux classes de traitements de manière indiscriminée. Même s’il n’est pas gigantesque, un bénéfice est probable dans certaines situations où une assistance de courte durée permet de passer un cap tourmenté, comme la sortie de CEC difficile ou la PCI à haut risque ; dans ces circonstances, la CPIA diminue de 34% la mortalité et de > 50% le taux de complications immédiates [270]. Figure 12.17 : Quatre cas de mauvaise synchronisation dans le gonflement du ballon de contrepulson intra-aortique (CPIA) selon le même schéma que celui de la Figure 12.16 (d'après réf 170). A: Ballon dégonflé trop tôt; l'augmentation diastolique est insuffisante, la pression diastolique est peu modifiée; la systole suivante est de même amplitude que la systole non-assistée. B: Ballon dégonflé trop tard; la pression télédiastolique est inchangée, mais la réduction de la postcharge est nulle, car la systole suivante commence alors que le ballon est encore gonflé; il y a en réalité augmentation de postcharge: le dP/dt de la systole suivante est très abaissé. C: Ballon gonflé trop tôt; le gonflement a lieu avant le dicrotisme artériel et interrompt l'éjection aortique; la valve aortique peut fuire a retro; le stress de paroi du VG est augmenté; la systole suivante est abaissée. D: Ballon gonflé trop tard; le gonflement a lieu après le dicrotisme artériel, l'augmentation diastolique est insuffisante; la perfusion coronaire est suboptimale; la systole suivante n'est pas améliorée.

Contre-pulsion intra-aortique (CPIA) Système de ballon intra-aortique permettant une assistance de quelques jours, mis en place après CEC, infarctus ou réanimation; autre indication: soutien pendant une intervention percutanée à haut risque. - Ballon (30-50 mL) positionné en aval de la sous-clavière gauche - Gonflement en diastole (augmentation du flux coronarien) - Dégonflement en systole (baisse de la postcharge du VG) - Amélioration du rapport DO2/VO2 myocardique, régression de l’IM fonctionnelle - Durée 2 – 5 jours - Pas de gain significatif sur la mortalité, hormis lors de sevrage difficile de CEC - Anticoagulation (aPTT ≥ 2 x la norme)

A B

C D

CPIA CPIA

CPIA CPIA

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Extra-Corporeal Membrane Oxygenation (ECMO) Description L’ECMO est actuellement dénommée ECLS (Extra-Corporeal Life Support) dans le mode veino-artériel et ECMO dans le mode veino-veineux. C’est une extrapolation d’un circuit de CEC qui consiste en une pompe rotative centrifuge et en un oxygénateur à membrane (Figure 12.18). Elle peut fonctionner selon deux modalités (Figure 12.19A) [308].

Mode veino-artériel (VA-ECLS) : le sang est drainé de la veine cave inférieure au voisinage de l’OD (canule 23-29 F) ou directement depuis l’OD et réinjecté après oxygénation dans une artère de haut débit (artère fémorale ou sous-clavière, ou aorte ascendante, canule 15-21 F) ; le débit systémique est la somme de l’éjection du VG et du débit de l’ECLS. L’assistance est cardio-respiratoire. Les échanges gazeux sont assurés par l’oxygénateur (SaO2 voisine de 100% dans la canule artérielle, PaCO2 selon le débit de gaz frais). En cas de canulation fémorale, le monitorage artériel en position radiale droite est impératif.

Figure 12.18: Dispositifs d’ECLS (extracorporeal life support). A: pompe centrifuge BioMedicus™ avec sa console de commande contenant la tête rotative magnétique mue par un moteur électrique et un écorché de la tête motrice disposable entraînée par l’aimant. Le sang est aspiré et propulsé par la rotation des pales : il rentre par le moyeu (précharge); il est propulsé par un orifice tangentiel (postcharge). Le débit de la pompe est dépendant de la précharge et sensible à la postcharge. B: Système d’ECLS Maquet au lit du malade, avec pompe centrifuge Rotaflow™ et oxygénateur Quadrox™ (fibres creuses de polyméthyl-pentène).

Tête motrice disposable Moteur

magnétique fixe Console de commande

A

Oxygénateur Quadrox™

Pompe centrifuge

Canule artérielle

Canule veineuse

B

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Mode veino-veineux (VV ou ECMO) : le drainage et le retour a lieu dans des veines centrales ; l’assistance n’est que respiratoire, le débit cardiaque reste assuré par les ventricules. La SaO2 est déterminée par celle du sang veineux retournant au cœur droit ; elle est équivalente à la SvO2 mesurée dans l’artère pulmonaire. Quelle que soit la fonction pulmonaire résiduelle, elle oscille entre 85% et 95%. Deux approches sont possibles : 1) double canulation fémorale (drainage dans la VCI) et jugulaire interne (retour du sang oxygéné), ou 2) canulation unique avec un cathéter à deux lumières introduit en jugulaire interne (Avalon™). Dans ce deuxième système, le sang est drainé dans la VCI et dans la VCS, et renvoyé oxygéné dans l’OD par un orifice orienté en face de la valve tricuspide (situé à 10 cm de l’extrémité distale de la canule) (Figure 12.19B).

Si une assistance circulatoire totale est nécessaire, les canules artérielle et veineuse d’ECLS doivent être insérées dans l’OD et dans l’aorte ascendante, respectivement ; pour une assistance droite isolée, la canule veineuse est placée dans l’OD et la canule artérielle dans l’AP (ou dans l’OG en cas d’HTAP sévère). Ces modes d’implantation nécessitent évidemment un accès par sternotomie. Lorsqu’il est impossible de sevrer la CEC après chirurgie cardiaque, la canulation centrale dans l’OD et l’aorte offre de meilleures performances que la canulation fémorale, sans augmenter le risque d’infections ni de médiastinite [75]. Il n’y a ni réservoir veineux ni filtre artériel dans le circuit, dont le volume d’amorçage est de 400-500 mL. En mode veino-veineux, le sang oxygéné se mélange au sang veineux central du patient pour entrer dans l’artère pulmonaire ; le sang désoxygéné est drainé par la canule veineuse dans l’oxygénateur. Cependant, selon leur position par rapport à l’OD, les canules peuvent être très proches l’une de

Pompe à galet Pompe centrifuge

Oxygénateur

Oxygénateur

ECMO VA

ECMO VV

Figure 12.19A : Circuits d’ECLS (Extra-corporeal life support) et d’ECMO (Extra-corporeal membrane oxygenation). 1: circuit veino-artériel (VA). Le sang est prélevé dans la veine cave inférieure au voisinage de l’OD par une canule fémorale; il est renvoyé sous pression artérielle dans l’artère fémorale après oxygénation; l’assistance est cardio-respiratoire. Le coeur droit et le coeur gauche ne contiennent que du sang veineux. 2: circuit veino-veineux (VV). Le sang est prélevé de la même manière, mais il est renvoyé sous basse pression dans une grande veine centrale, en l’occurrence la jugulaire interne. L’assistance n’est que respiratoire [179]. Le coeur droit et le coeur gauche contiennent du sang veineux mêlé (saturé et désaturé). Deux types d’oxygénateurs (memb-rane de silicone en A ou microfibres de polypropylène en B) sont utilisables sur chacun des circuits. Les pompes à galet ne sont plus utilisées.

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l’autre ; une partie du sang oxygéné peut alors court-circuiter le malade et retourner directement à l’oxygénateur ; c’est le phénomène de recirculation [307]. Ce travers est moins fréquent avec le cathéter unique à deux lumières (Avalon Elite™), car les sites de prélèvement (VCS et VCI) sont éloignés du site de réinfusion (OD, en face de la tricuspide) (Figure 12.19B) [46]. La recirculation se caractérise par la combinaison d’une SaO2 basse (< 85%) et d’une SvO2 pré-oxygénateur élevée (> 75%) [306]. L’oxygénateur est en général constitué d’un système à membrane de silicone non-microporeuse enroulée ; bien que les échanges gazeux soient un peu moins performants qu’avec les membranes en polypropylène microporeuses habituelles en CEC, la biocompatibilité est meilleure et la durabilité plus longue car il n’y a aucun contact sang-air. Une nouvelle génération d’oxygénateur en fibres creuses non-microporeuses de polyméthylpentène (Quadrox D™, surface effective 1.8 m2) allie les avantages d’isolation complète sang-air, de durabilité (jusqu’à 2 semaines) et d’excellents échanges gazeux (voir Figure 12.18). Le débit d’ECLS/ECMO, la fraction d’O2 du mélange O2/air administré et la fonction pulmonaire résiduelle déterminent la PaO2 (elle s’élève parallèlement au DC parce que le pourcentage de sang oxygéné augmente). Le débit de gaz frais et le débit de pompe déterminent la PaCO2, que le système abaisse très efficacement (le transfert de CO2 est 10 fois plus rapide que celui d’O2) [3]. Le gradient de pression à travers l’oxygénateur est de 30 à 150 mmHg ; il augmente en cas de thrombus [306]. Une hypoxémie relève de plusieurs facteurs : défaut de l’oxygénateur, débit de pompe et/ou de gaz frais trop bas, détérioration des fonctions pulmonaires, recirculation (VV-ECMO), demande métabolique accrue (fièvre, sepsis). La PaO2 dépend du lieu de prélèvement : lors de canulation fémorale, elle est plus basse dans la radiale droite que dans la radiale gauche, et plus basse que dans la fémorale à cause du flux rétrograde dans l’aorte. En cas de canulation dans l’aorte ascendante, elle est au contraire très élevée dans les artères radiales. C’est la raison pour laquelle le monitorage artériel en radiale droite est impératif lors de canulation fémorale. Les pompes extracorporelles centrifuges (vitesse de rotation : environ 3'000 tours/min) peuvent assurer un débit continu non-pulsatile de l'ordre de 4-6 L/min (Rotaflow™ Maquet, Biomedicus BPX80™ Medtronic, Affinity CP™ Medtronic, Revolution™ Sorin). Comme elles ne sont pas occlusives, elles produisent peu d'hémolyse mais sont sensibles à la postcharge : leur débit baisse si les RAS augmentent. Elles produisent un effet de succion en amont qui assure le drainage du sang mais les rend sensibles à l’hypovolémie : le risque de collapsus veineux en cas de trop haut débit par rapport au remplissage est géré en réduisant la vitesse de rotation de la pompe. Une nouvelle pompe miniaturisée à lévitation magnétique (Levitronix™ CentriMag) permet d’étendre la durée de l’ECLS jusqu’à 3-4 semaines. Lorsqu’on arrête une pompe centrifuge, le sang reflue dans le circuit [306]. Les pompes à galets, comme celles de CEC, sont occlusives et insensibles à la postcharge ; elles n’ont pas

Figure 12.19B : Canulation d’ECMO veino-veineuse au moyen d’un cathéter à deux lumière (système Avalon Elite™). Le sang est prélevé dans la veine cave supérieure et dans la veine cave inférieure, puis réinjecté par une lumière coaxiale dans l’oreillette droite en regard de la valve tricuspide.

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d’effet d’aspiration mais provoquent davantage d’hémolyse ; le drainage doit se faire par gravité. Elles ne sont plus guère utilisées actuellement pour l’ECLS. Indications et contre-indications L’indication à l’ECLS est une insuffisance cardiaque et/ou respiratoire réfractaire au traitement conventionnel qui menace la survie du patient, mais qui est potentiellement réversible en moins de 2 semaines, telle qu’on la rencontre après chirurgie cardiaque (échec de sevrage de la CEC, TAVI à haut risque), réanimation cardio-pulmonaire intra-hospitalière, transplantation pulmonaire, pneumonie, embolie pulmonaire, noyade, SDRA, sepsis, cardiomyopathie aiguë fulminante ou du postpartum [307]. Les chances de survie du patient doivent être ≥ 50% ou sa mortalité de l’ordre de 50%. Dans les syndromes de détresse respiratoire, l’ECMO permet de maintenir une ventilation protectrice à bas volume courant (3 mL/kg) ; dans la décompensation droite sur hypertension pulmonaire ou sur assistance ventriculaire gauche (voir Anesthésie pour assistance), elle court-circuite le VD qui est ainsi déchargé, et autorise à baisser les vasodilatateurs pulmonaires [3,202]. Après réanimation cardio-pulmonaire intra-hospitalière, elle augmente la survie à 2 ans de 5% à 20% [266]. Dans toutes ces circonstances, l’implantation précoce est préférable à une temporisation délétère pour la perfusion des organes et la récupération du myocarde. Après échec d’une thérapie pharmacologique et d’une ventilation maximales, les valeurs-seuils considérées comme une indication sont les suivantes :

IC < 1.8 L/min/m2 ; PAPO > 18 mmHg et/ou PVC > 15 mmHg ; PaO2/FiO2 < 150 ; Score de Murray 2-3 (Tableau 12.7) ; Acidose métabolique/respiratoire (lactate > 3 mmol/L, pH < 7.3) ; Pression artérielle systémique (systole) < 90 mmHg.

Les contre-indications à l’ECLS sont l’irréversibilité de la cardiopathie, la non-indication à la transplantation, les dégats neurologiques graves, l’insuffisance aortique sévère et l’arrêt cardiaque prolongé [274].

Tableau 12.7

Score de Murray pour l’évaluation de l’insuffisance respiratoire

Infiltration sur la radiographie pulmonaire : 1 point par quadrant infiltré Le score est l’addition des points de chaque rubrique.

Prise en charge Le monitorage de routine consiste en un cathéter artériel (radial droit en cas d’ECLS périphérique), voie centrale multilumière, échocardiographie quotidienne ou à demeure (ImaCor™), saturométrie

PaO2/FiO2 (mmHg) 0 = ≥ 300 1 = 225 - 299 2 = 175 - 224 3 = 101 - 174 4 = ≤ 100

Compliance pulmonaire (mL/cm H2O) (volume courant / Ppic insp – PEEP) 0 = > 80 1 = 60 - 79 2 = 40 - 59 3 = 20 - 39 4 = ≤ 20

PEEP (cm H2O) 0 = ≤ 5 1 = 6 - 8 2 = 9 - 11 3 = 12 - 14 4 = ≥ 15

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cérébrale (NIRS), gazométries et dosages du lactate répétés. Un taux de lactate > 5.0 mmol/L pendant ≥ 24 heures double le risque de mortalité [261]. Le système doit être surveillé en permanence par un personnel spécialisé dans les techniques de perfusion extracorporelle [286]. L’ECMO déclenche une réaction inflammatoire systémique intense qui se manifeste par une relative vasoplégie et un infiltrat interstitiel pulmonaire (capillary leak syndrome). La coagulation doit être surveillée de manière permanente par des tests rapides au lit du malade (ACT, thromboélastogramme, test de réactivité plaquettaire), les plaquettes maintenues à 50’000-100’000/mcL et le taux de fibrinogène ≥ 1.5 g/L. L’ACT recherché est de 180-200 secondes pour la canulation (héparine 50-100 UI/kg en bolus), puis de 150-180 secondes (héparine 10-20 UI/kg/h). L’aPTT est 1.5 à 2 fois la norme (55-65 sec) et l’INR < 1.3. En cas de discordance, le taux d’activité anti-Xa renseigne sur le degré d’héparinisation ; le taux recherché est de 0.2-0.3 UI/mL [306]. Il n’existe toutefois aucun protocole d’anticoagulation accepté universellement [3]. La combinaison d’un taux d’antithrombine III (AT-III) < 50% et d’un besoin accru en héparine est une indication à administrer des concentrés d’AT-III. Les réglages et les valeurs visées pour une ECMO équilibrée chez un adulte sont les suivants [308] :

Débit de pompe 50 – 120 mL/kg/min Débit de gaz frais (oxygénateur) 50 – 120 mL/kg/min FiO2 0.6-1.0 SaO2 (sang artérialisé post-oxygénateur) 100% (PaO2 300-600 mmHg) SaO2 (artère périphérique) ECLS VA > 95%, ECMO VV 85-95% SvO2 (retour veineux) > 70% SpO2 (périphérie) 85-95% PaCO2 35-45 mmHg PAM 50-80 mmHg Ht 30 – 35% ACT 150-180 sec Anti Fact Xa ≥ 0.2 aPTT 1.5-2 x la norme Thrombocytes 50’000-100’000/mcL Lactate < 4.0 mmol/L

Le débit artériel généré par la pompe d’ECLS peut entraîner une augmentation suffisante de la postcharge gauche pour induire une décompensation du VG et un OAP ; d’autre part, le VG reçoit toujours le sang du retour par les vaisseaux bronchiques. La dilatation du VG est visible à l’échocardiographie ; la valve aortique ne s’ouvre plus et la pulsatilité disparaît de la courbe artérielle. Le traitement consiste en agents inotropes et en vasodilatateurs artériels pour baisser la postcharge gauche, afin d’obtenir une pression pulsée > 10-15 mmHg. On peut y adjoindre une CPIA ou une assistance extracorporelle de type Impella™. Le VG peut être décomprimé (venting) par drainage percutané trans-septal (voie jugulaire ou sous-clavière) ou apical (voie sous-xyphoïdienne) [3]. Même en mode veino-artériel, le patient doit être ventilé pour éviter que le sang distribué aux coronaires et au cerveau ne soit du sang non oxygéné. En effet, le débit rétrograde depuis l'artère fémorale ne permet pas d'assurer une perfusion adéquate de la racine de l'aorte, qui est perfusée prioritairement par du sang venu des poumons et éjecté par le ventricule gauche. Le ventilateur est réglé en mode pression-assistée (pic de pression inspiratoire < 25 cm H2O), avec un volume courant de 4-6 mL/kg, une FiO2 à 0.3-0.5, une PEEP à 10-15 cm H2O et une fréquence de 6-10/minute [46]. Dans l’ECLS périphérique, la SaO2 doit rester > 90%. Complications Les complications sont dominées par les problèmes d’hémostase et par l’insuffisance rénale [63,147].

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Hémorragie par les sites de canulation (25-40% des cas), hémorragie digestive (25% des cas) ou intracrânienne (6% des cas), hémothorax, tamponnade (41% des cas) ; le seuil de transfusion est de 90 g/L d’hémoglobine.

Thromboses dans l’oxygénateur ou dans le circuit, embolie (AVC : 6% des cas). Thrombocytopénie (risque de thrombocytopénie induite par > 5 jours d’héparine, HIT),

hémolyse, fibrinolyse (thromboélastogramme, D-dimères), CIVD, syndrome de von Willebrand acquis.

Insuffisance rénale (75% des cas). Infection et sepsis (30% des cas). Complications respiratoires : pneumonie (22% des cas), SDRA (10%). Ischémie de la jambe dont dépend l’artère fémorale canulée (17% des cas) ; pour la prévenir,

une ligne de reperfusion distale peut être montée en "Y" sur la canule artérielle ("y’ed"). Complications neurologiques (13% ds cas). Embolie gazeuse par cavitation ou par entraînement d’air au niveau de la succion veineuse. Bas débit dû à une hypovolémie (collapsus veineux sur l’effet de succion), à une tamponnade

ou à une malposition des canules. Le maintien de la pression artérielle par des vasoconstricteurs réduit le débit de pompe par excès de postcharge.

Hypotension par vasoplégie. Le Tableau 12.8 résume les principaux problèmes rencontrés au cours d’une ECLS et les mesures à prendre pour les résoudre.

Tableau 12.8

Incidents de l’ECMO et modes de correction Evènement Causes possibles Action Désaturation artérielle Oxygénateur défectueux Remplacement Déconnexion des gaz Reconnexion ↑ VO2 (VV) ↑ débit du circuit et des gaz, curare Hypoxie tête et MS (VA) ↑ débit du circuit, ↑ ventil patient SvO2 < 60% Bas débit pompe ↑ débit du circuit ↑ VO2 (VV) ↑ débit, curarisation (possible sepsis) SvO2 > 80% VV : recirculation Faire écho, repositionner les canules Passer en VA Pression d’entrée basse Hypovolémie Perfusion (colloïde) (pompe centrifuge) Tamponnade Echocardiographie et drainage Pneumothorax Radio thorax et drainage Hypotension Hypovolémie, hémorragie Perfusion, transfusion Vasoplégie Vasoconstricteur, TTT sepsis Défaillance ventriculaire (VV) Echocardiographie Tamponnade Echocardiographie et drainage Pneumothorax Radio thorax et drainage Infiltration pulmonaire SIRS Restriction liquidienne, PEEP Pneumonie, sepsis Antibiothérapie Défaillance du VG (VV) Echocardiographie, soutien inotrope VV : ECMO veino-veineuse. VA : ECMO veino-artérielle. SIRS : syndrome inflammatoire systémique

MS : membres supérieurs. D’après réf 308.

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ECMO et ECLS Système de soutien hémodynamique et respiratoire consistant en un circuit externe avec oxygénateur et pompe. ECMO (extra-corporeal membrane oxygenation), mode veino-veineux, ECLS (extra-corporeal life support), mode veino-artériel. Indications: insuffisance cardio-respiratoire réfractaire au traitement conventionnel, potentiellement réversible en 2 semaines ou susceptible de justifier une assistance à long terme ou une transplantation, avec une chance de survie > 50%. - Circuit avec pompe centrifuge (5 L/min) et oxygénateur à membrane - Canulation fémorale, jugulaire/sous-clavière ou centrale (OD et aorte) - Mode veino-artériel: sang prélevé dans la veine cave, oxygéné et renvoyé dans l’artère fémorale; assure un soutien hémodynamique (assistance au VG) et un soutien respiratoire - Mode veino-veineux: sang veineux prélevé dans la VCI, oxygéné et renvoyé dans une veine centrale (VCI ou OD); assure seulement un soutien respiratoire et nécessite une fonction ventriculaire conservée - Maintien de la ventilation assistée/contrôlée - Anticoagulation (ACT 150-180 sec, activité anti-Xa ≥ 0.2-0.3 UI/mL) - Complications principales: hémorragies, insuffisance rénale, infections - Sevrage: FE > 0.35, SaO2 > 92%, SvO2 > 70%, lactate normal, contrôle échocardiographique - Taux de survie: 40-65% Sevrage Le sevrage de l’ECLS est déterminé par la récupération de la fonction ventriculaire et par celle des échanges gazeux pulmonaires [6,75].

ECLS VA : apparition d’une pulsatilité ventriculaire significative sur la courbe artérielle ; le sevrage est précédé de la mise en route d’un support inotrope suivi par échocardiographie, et d’un support ventilatoire complet. Il commence par une réduction progressive du débit de pompe et comprend un palier de 24 heures à 1.5-2 L/min [75]. Les patients dont la FE ne dépasse pas 0.3 à 2-3 jours ont peu de chance de pouvoir être sevrés de l’ECLS.

Lorsque le débit de l’ECLS/ECMO est de 1.5 L/min et la SaO2 > 92%, le sevrage est possible si l’échocardiographie montre une FE du VG ≥ 35%, une intégrale de vélocité du flux aortique ≥ 10 cm et une vélocité de contraction au Doppler tissulaire ≥ 6 cm/s en l’absence de dysfonction droite [6]. Il peut être nécessaire de maintenir un support par CPIA pendant 3-5 jours après le sevrage.

Lors de récupération progressive de la fonction gauche en présence d’échanges gazeux pulmonaires insuffisants, la patient court le risque d’un syndrome d’Arlequin : il a la tête bleue et les jambes rouges. Le cœur éjecte un sang désaturé et le flux fémoral ne compense plus l’éjection cardiaque. Dans ce cas, il faut passer à un système d’ECMO VV ou augmenter le flux d’ECLS de manière à minimiser l’éjection.

ECMO VV : l’augmentation de la SaO2 au dessus de la SvO2 indique une récupération des échanges gazeux pulmonaires, confirmée par l’amélioration de la compliance pulmonaire et de la radio du thorax. Le débit de l’ECMO est baissé à 1-2 L/min et le respirateur est réglé pour assurer la ventilation. Si la situation est stable après 2-3 heures et si le VD fonctionne normalement, l’ECMO peut être stoppée. Une dysfonction sévère du VD et une PAPm > 65% de la PAM sont de très mauvais pronostic et signent une irréversibilité de l’insuffisance pulmonaire.

L’ETO, particulièrement avec une sonde miniaturisée qui peut être laissée à demeure pendant plusieurs jours (hTEE ImaCor™), est une aide fondamentale pour le processus de sevrage :

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évaluation de la fonction ventriculaire droite et gauche, du flux aortique, du degré de remplissage, de la dilatation éventuelle, et du besoin en agents inotropes [58].

S’il n’y a pas de fonction ventriculaire après plus de 3 jours d’ECMO chez un malade sans espoir de survie ni d’indication à une assistance à long terme ou à une transplantation, le traitement peut être considéré comme futile. Dans ce cas, il est plus sage de l’interrompre.

L’échec du sevrage (30-50% des cas) signifie le décès du patient ou le passage à un mode d’assistance à long terme. Les meilleurs prédicteurs d’un échec du sevrage sont une SvO2 < 65% et un taux de lactate > 8 mmol/L à 24 heures [147].

Le taux de survie moyenne après ECLS/ECMO est de l’ordre de 40-65%, variable selon les indications. Ceci paraît faible, mais il s’agit de patients qui seraient décédés sans cette assistance [3]. Par ailleurs, les résultats sont d’autant meilleurs que le traitement est mis en route plus tôt après l’événement qui a déclenché le choc cardiogène : une pression systémique systolique < 90 mmHg, un pH < 7.2 et une FE < 35% en pré-implantation sont des prédicteurs de faillite [147,305]. Mais cette thérapeutique a un prix : pour une moyenne de 51 jours d’hospitalisation, le coût de la procédure est de 73'122 $ et celui du séjour hospitalier de 210'142 $ [231]. Dispositifs d’assistance ventriculaire à court terme Systèmes d’assistance ventriculaire percutanés Une assistance ventriculaire externe rétablit momentanément une hémodynamique satisfaisante lors de défaillance aiguë du VG (LVAD : left ventricular assist device). Elle permet de maintenir la perfusion des organes pendant un épisode de choc cardiogène, ou de procéder à des interventions percutanées à haut risque sous couvert d’une prothèse circulatoire (dilatation coronarienne, plastie mitrale, TAVI, thermo-ablation d’arythmies, etc) [240]. Ces systèmes sont conçus pour fonctionner pendant une courte durée, au maximum 2-4 semaines [240,276]. Ils sont implantables par canulation fémorale, mais peuvent aussi être placés dans d’autres vaisseaux selon les circonstances (sortie de CEC, par exemple). Le débit pulmonaire et les échanges gazeux sont assurés par le VD et les poumons du patient. Ces dispositifs sont indiqués dans des circonstances où le cœur gauche ne peut plus assurer la survie.

Choc cardiogène : infarctus massif, sortie de CEC impossible (stunning), myocardite aiguë, intoxication médicamenteuse, contusion cardiaque traumatique ;

PCI complexe (tronc commun) en cas de dysfonction gauche sévère ; Stabilisation avant chirurgie cardiaque : ischémie active, CIV, IM degré IV ; Attente d’une solution à long terme comme une transplantation d’urgence (bridge-to-

transplant) ou une assistance implantée (bridge-to-bridge). Quelle que soit l’indication, il est préférable d’insérer l’assistance assez tôt afin d’éviter les dégats myocardiques, de soulager le VG, d’assurer une perfusion systémique adéquate et de réduire la réponse inflammatoire avant que ne s’installe une souffrance des organes-cibles. De fait, la fenêtre d’opportunité est assez étroite pour tirer le maximum de bénéfice de cette technique invasive. La mise en place a lieu sous contrôle fluoroscopique et échocardiographique. Ces systèmes demandent une anticoagulation complète avec de l’héparine (ACT ≥ 250 secondes pour l’insertion, abaissé à 160-200 sec pour le maintien). Leur performance dépend de plusieurs conditions [208] :

VD fonctionnel ; un support inotrope est souvent nécessaire en continu pour soutenir le VD ; VG non restrictif (place insuffisante pour la canule d’aspiration dans une cavité ventriculaire

trop petite) ; Echanges gazeux satisfaisants ; Absence d’insuffisance aortique (risque de dilatation aiguë du VG si IA > degré I) ; Vaisseaux fémoraux de bonne taille (risque d’ischémie du membre canulé).

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En assistance monovenriculaire gauche, ces systèmes fournissent seulement une pression aortique moyenne ; dans ce cas, l’absence de PAs peut compromettre la perfusion coronarienne systolique du VD, notamment en présence de dysfonction droite et/ou d’hypertension pulmonaire. Lorsqu’ils sont implantés pour une durée inférieure à 3 jours, ils ne présentent pas d’avantage par rapport à la CPIA en terme de mortalité à 1 mois [62]. Leur durée de fonctionnement recommandée est de deux semaines. L’Impella™ (Abiomed, Danvers, MA, USA) consiste en une vis d’Archimède montée dans un cathéter placé à travers la valve aortique qui aspire le sang dans le VG et le renvoie dans l’aorte ascendante (Figure 12.20). Ce dispositif peut assurer un débit continu non-pulsatile de 2.5 L/min (Impella 2.5, diamètre 12F) ou de 5.0 L/min (Impella 5.0, diamètre 21F) entre le VG et l’aorte. L’Impella 2.5 décharge le VG et améliore la circulation coronaire, mais seule l’Impella 5.0 fournit un débit systémique adéquat. La vitesse de rotation de la vis est de 12'000 à 25'000 tours/min ; celle-ci est refroidie en permanence par une perfusion de glucose additionnée d’héparine. Le système est aussi utilisable en assistance monoventriculaire droite entre le VD et l’artère pulmonaire. Le placement de la canule à cheval sur la valve aortique est très précis, sinon la valve peut devenir insuffisante ou le débit de la pompe peut dilater le VG ; l’échocardiographie transoesophagienne est très utile pour en contrôler l’adéquation : lors d’insertion fémorale, l’extrémité distale doit se trouver à 4 cm en-dessous de l’anneau aortique, à distance des muscles papillaires. L’introduction peut se faire par voie fémorale, transaortique ou transapicale. L’Impella ne fonctionne à plein régime que si le VG est suffisamment grand, sans quoi la partie aspiratrice se bloque contre la paroi ventriculaire et le débit s’effondre [57]. Un hémolyse apparaît dans 10-20% des cas. Le taux de complications est de 8% et la mortalité liée au système de 4% [85].

A B

C

E

D

OD

OG

Figure 12.20: Assistance ventriculaire gauche percutanée. A: système Impella™ (Abiomed, Danvers, MA, USA); la canule introduite par l’artère fémorale ou l’aorte ascendante (en cas de sternotomie) est à cheval sur la valve aortique. La vis d’Archimède qui tourne à l’intérieur (B) aspire le sang dans le VG et le renvoie dans l’aorte ascendante. C: système TandemHeart™ (Cardiac Assist Technologies, Pittsburgh, USA); la canule veineuse introduite par voie fémorale prélève le sang dans l’OG en traversant le septum interauriculaire (D); le sang est renvoyé par une pompe centrifuge (E) dans l’artère fémorale.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 73

Le TandemHeart™ (Cardiac Assist Technologies, Pittsburgh, USA) draine le sang veineux de l’OG par une canule trans-septale (21F) introduite par voie fémorale et le renvoie dans l’artère fémorale (canule 15-17F) au moyen d’une pompe centrifuge qui débite jusqu’à 4 L/min à 7'500 tours/min (Figure 12.20). Le Lifebridge™ (Medizintechnik GmbH) et le Cardiohelp™ (Maquet) sont de nouveaux systèmes modulaires semi-automatiques comprenant un oxygénateur et une pompe centrifuge permettant un débit de 4 L/min par canulation périphérique ou 6 L/min par canulation centrale. Ces systèmes sont portables, munis de batteries (autonomie de 2 heures), et peuvent fonctionner en extra-opératoire. Bien que les résultats à long terme des ces dispositifs ne créent pas de différence majeure avec ceux de la CPIA et de l’ECLS, leur taux de complications est plus faible et leur support hémodynamique est incontestablement supérieur : l’augmentation du DC est plus importante et la décharge du VG est meilleure (PAPO plus basse), le gain sur la mVO2 est supérieur [286]. Lorsque l’équipe en est coutumière, l’insertion d’une Impella est aussi rapide que celle d’une CPIA. Du coup, les hésitations à mettre en place un tel système s’estompent et les résultats s’améliorent, car ils sont d’autant plus satisfaisants que l’assistance est plus précoce dans l’évolution du choc cardiogène. La possibilité de prendre en charge un arrêt circulatoire réfractaire par une assistance ventriculaire aisée à installer pose un problème majeur : comment évaluer les chances de récupération à long terme de la fonction cardiaque et de la fonction neurologique ? Deux critères sont à prendre en compte : 1) la durée de débit cardiaque nul (no-flow), et 2) la durée de bas débit cardiaque (low-flow). On peut considérer les éléments suivants comme une indication possible à l’assistance circulatoire [287] :

Durée de débit cardiaque nul < 5 minutes ; Durée de bas débit cardiaque (en réanimation) < 100 minutes et PeCO2 > 10 mmHg.

Il est évident que ces critères simples sont à mettre en balance avec les circonstances de l’arrêt cardiaque (âge, traumatisme, hypothermie, etc). En principe, cette technique ne s’adresse qu’aux réanimations cardio-respiratoires qui interviennent au sein de l’hôpital, dont les durées sont clairement identifiables [305]. Les arrêts en hypothermie sont une exception à cette règle, car le réchauffement en CEC et l’assistance en ECLS sont associés à une meilleure survie que les morts réanimées (85% au lieu de 14%), à la condition que la kaliémie soit < 10 mmol/L à l’arrivée [266]. Systèmes d’assistance ventriculaire externe L'Abiomed BVS 5000i™ (Abiomed, Danvers, MA, USA) est un système pulsatile pneumatique constitué d'un réservoir "auriculaire" surmontant une chambre "ventriculaire" souple comprimée rythmiquement par l'air propulsé par une console externe ; chaque chambre représente 100 mL (Figure 12.21). L'accès vasculaire se fait par des canules implantées dans les oreillettes (drainage par gravité); le sang est retourné au malade par des canules anastomosées à l'artère pulmonaire ou à l'aorte ascendante. Le système peut fonctionner de manière mono- ou bi-ventriculaire. Il propulse un volume systolique maximal de 80 mL et peut débiter jusqu'à 6 L/min [322]. Ce système nécessite une anticoagulation (héparine pour ACT ≥ 250 secondes), mais ne réclame pas de surveillance particulière ; il est facile à implanter en CEC et aisé à faire fonctionner. Sa durée de fonctionnement ne dépasse guère 10 jours. Une variante connectable aux même canules (AB 5000™) autorise une durée plus longue. Tous ces systèmes mécaniques activent une réaction inflammatoire systémique (SIRS) massive : œdème interstitiel pulmonaire, inhibition de la contraction myocardique, insuffisance poly-organique, élévation importante des cytokines, interleukines, TNF et CRP. Le SIRS est surtout prononcé pendant les premiers jours. D'une manière générale, le sevrage est possible dans 50 à 70% des cas ; les résultats sont meilleurs dans les séries où l'assistance est une technique de soutien dans l'attente d'une transplantation (> 80% de survie à trois mois) [334]. Le meilleur facteur prédictif est la durée de l'état

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de choc cardiogène précédant la mise en marche de l'assistance ; cette période doit être la plus courte possible. L'assistance devrait être instituée avant l'installation d’une insuffisance multi-organique caractérisée par une élévation de la créatininémie et de la bilirubinémie.

Implications pour l’anesthésie Bien que certains systèmes percutanés puissent être théoriquement implantés sous sédation, une anesthésie générale est requise pour la mise en place d’une assistance (voir Anesthésie et assistance ventriculaire). Un cathéter artériel est obligatoire, puisque les pompes rotatives ou axiales fournissent une pression dépulsée, équivalente à la PAM. Le site de canulation artérielle est choisi en fonction des canulations de l’assistance ; l’artère radiale droite est impérative lorsque la canule artérielle du retour vers le patient est en position fémorale. Une voie veineuse centrale est également nécessaire pour la surveillance de l’éventuelle dysfonction droite (PVC > 12 mmHg) et pour l’administration d’agents inotropes ; un cathéter de Swan-Ganz est très utile, mais il n’est pas toujours possible de le mettre en place dans les conditions difficiles de l’urgence et du choc cardiogène profond. Dans les situations où les minutes comptent, on est souvent contraint à un monitorage minimal. L’échocardiographie transoesophagienne (ETO), par contre, est aisée à installer ; elle fournit des renseignements indispensables sur la valve aortique (absence d’IA), sur la position des canules, sur la décharge du VG et sur la fonction du VD. Une sonde miniaturisée peut être laissée à demeure pendant plusieurs jours (hTEE ImaCor™) et permet une surveillance continue [58]. La mise en route d’une assistance monoventriculaire gauche peut toujours conduire à une défaillance droite aiguë parce que la dysfonction du VD était masquée par celle du VG et parce que la pompe augmente soudainement le retour veineux systémique à droite ; d’autre part, la décompression du VG modifie la géométrie du septum interventriculaire et annule sa participation à l’éjection droite. Cette menace de défaillance droite implique de prendre les mesures nécessaires au soutien du VD avant que ne se manifeste un choc cardiogène (voir Traitement de l’insuffisance ventriculaire droite).

Hyperventilation avec maintien d’une Pit moyenne aussi basse que possible ;

Canules artérielles

Chambres auriculaires

Chambres ventriculaires

Assistance droite

Assistance gauche

Canules veineuses

Moteur pneuma- tique

Figure 12.21: Système Abiomed™ BVS 5000 (Abiomed, Danvers, MA, USA). Une console (non illustrée) actionne le circuit d'air comprimé qui comprime des sacs flexibles situés dans les chambres ventri-culaires. Le système extracorporel est disposable et draine le sang par gravité depuis les oreillettes du patient vers les chambres auriculaires. Le débit (6 L/min), indépendant du cycle cardiaque, est fonction de la précharge mais indépendant de la postcharge.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 75

Perfusion d’agent β-inotrope (dobutamine, milrinone + adrénaline, levosimendan) ; Perfusion de noradrénaline ou de vasopressine pour maintenir la pression de perfusion

coronarienne ; Vasodilatateur pulmonaire : NO•, prostacyclines, nitroglycérine.

Sevrage Assistance à court terme signifie espoir de sevrage. Celui-ci doit être progressif et s’étendre sur 24-36 heures sur la base des critères suivants [57].

Hémodynamique stable avec faible support inotrope ; Perfusion périphérique et diurèse adéquates ; Lactates normaux ; SvO ≥ 70% ; PVC ≤ 10 mmHg, PAPO ≤ 12 mmHg ; Taille et fonction ventriculaires stabilisées : FE VG ≥ 30%, raccourcissement de surface

(FAC) du VD > 40%.

Dispositifs d’assistance à court terme Systèmes fixes permettant une assistance de quelques jours à 2 semaines, mis en place après CEC, infarctus ou réanimation; autre indication: soutien pendant une intervention percutanée (PCI, TAVI, Mitraclip) à haut risque. L’anticoagulation est requise (ACT 160-200 sec). Systèmes d’assistance gauche percutanés (voie fémorale): - Impella™ : vis d’Archimède à cheval sur la valve aortique (2.5 – 5.0 L/min), pompe le sang dans le VG et le propulse dans l’aorte ascendante - TandemHeart™ : pompe le sang dans l’OG par une canule trans-septale et le propulse dans l’artère fémorale - Lifebridge™ : système modulaire semi-automatique avec pompe et oxygénateur - Abiomed BVS 5000i™ : système pneumatique pulsatile biventriculaire La mise en route d’une asistance gauche peut précipiter une défaillance droite. Dispositifs à long terme Vu le nombre limité de donneurs d’organes, les systèmes d’assistance ventriculaire à long terme deviennent peu à peu une alternative à la transplantation cardiaque. On estime à 15’000 le nombre de ces appareils implantés chaque année, chiffre qui va croissant avec le perfectionnement de la technologie [69,229]. Les indications des assistances de longue durée sont l’attente d’une greffe (bridge-to-transplant) ou de la récupération myocardique (bridge-to-recovery), et le soutien hémodynamique définitif lorsque ni l’un ni l’autre ne survient (destination therapy). Cette dernière catégorie pose évidemment des problèmes éthiques, logistiques et psychologiques majeurs, mais elle tend à devenir de plus en plus importante avec le manque de donneurs et le perfecionnement des dispositifs implantés [208]. La survie est d’autant meilleure que les autres systèmes (fonctions rénale, hépatique, hématologique) n’ont pas souffert. En cas d’assistance monoventriculaire gauche, la bonne fonction du VD et

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l’absence d’hypertension pulmonaire sont capitales. La sélection des patients est basée sur un certain nombre de critères [193,208,229].

Thrombocytes > 150’000/mm3 ; INR < 1.2 ; PAPm < 25 mmHg (pour autant que la PAP basse ne soit pas due à une défaillance du VD) ; Albumine > 3.5 mg/dL ; Créatinine < 200 mcmol/L.

L’inactivité du patient et la mise en décharge du VG par l’assistance peuvent conduire à l’atrophie du myocarde, mais de nombreuses études montrent maintenant que le ventricule subit un remodelage inverse aussi bien dans sa structure mécanique que dans son fonctionnement biochimique et génomique [39,137,329].

Diminution du stress de paroi ; Déplacement vers la gauche de la courbe pression-volume systolique et diastolique ; Régression de l’HVG ; Réduction de la fibrose et de l’apoptose ; Raccourcissement du potentiel d’action ; Augmentation de la force de contraction des myocytes ; Augmentation de la population des récepteurs β1 ; Activation de la libération et de la recapture du Ca2+ par le réticulum sarcoplasmique ; Activation de l’expression génique de la protéine G activatrice.

Ces observations sont pour l’instant limitées à 5-10% des cas en assistance à long terme ; seuls les patients souffrant de défaillance réversible (myocardite virale, stunning, intoxication, par exemple) ont démontré une récupération fonctionnelle adéquate permettant l’ablation du dispositif d’assistance chez 25-50% des patients selon les pathologies [33,212]. Toutefois, une nouvelle piste se dessine avec l’utilisation du clenbutérol, un agoniste β2 prescrit dans la crise d’asthme, qui induit une hypertrophie des muscles squelettiques et des myocytes sans association de fibrose. Une étude récente démontre que sa prescription à haute dose chez les patients sous assistance permet le sevrage du dispositif après 1 année dans 30% des cas (41% des non-ischémiques), avec une récupération de la FE qui passe de 0.15 en pré-assistance à 0.58 un an après l’explantation [33]. Les critères d’explantation sont les suivants :

Diamètre télédiastolique du VG ≤ 6.0 cm ; Diamètre télésystolique du VG < 5.0 cm ; PAPO ≤ 12 mmHg ; IC > 2.8 L/min/m2 ; VO2 > 16 mL/kg/min.

Systèmes pulsatiles Les plus anciens coeurs artificiels (1ère génération) sont des systèmes électriques ou pneumatiques partiellement implantables qui produisent un flux pulsatile. Les systèmes pneumatiques (Thoratec™ PVAD, IVAD, BerlinHeart ExCor™) et les systèmes électriques (HeartMate™ I XVE) sont tributaires d’une console externe qui contient le mécanisme de compression ou le moteur. Ces appareils sont dépendants d’une source de courant électrique, qui peut momentanément être remplacée par des batteries transportables, laissant ainsi une certaine mobilité au malade (autonomie : 20 minutes à 4 heures selon les modèles). Ils demandent en général une anticoagulation avec de l’héparine ou une dicoumarine (INR 2.5-3.5) et un antiplaquettaire (aspirine et/ou clopidogrel) ; ils sont sensibles aux interférences électro-magnétiques [229,245,329].

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Les systèmes Thoratec™ PVAD et IVAD (Thoratec Corp, Pleasanton, CA, USA) consiste en un boîtier contenant un sac en polyuréthane connecté à des valves mécaniques unidirectionnelles situées aux orifices d'entrée et de sortie (Figure 12.22). Le système reste à l’extérieur du corps (PVAD) ou est implanté dans la paroi abdominale (IVAD) ; il peut fonctionner pour un ou pour les deux ventricules. Il assure, par compression pneumatique, un volume systolique de 65 mL et un débit maximal de 6.5 L/min. Une console externe assure le fonctionnement moteur de l’air comprimé. En assistance gauche, le sang est prélevé par une canule placée à l’apex du VG et retourné au malade par une prothèse vasculaire anastomosée à l’aorte ascendante. En assistance droite, le sang est pompé par une canule dans l’OD et restitué par une prothèse vasculaire anastomosée à l’artère pulmonaire. L’appareil est conçu pour une assistance à moyen terme, avec une durée maximale d’environ 2 ans. Les patients doivent être anticoagulés (dicoumarine) et placés sous aspirine. Le système ExCor™ existe également sous une forme miniaturisée permettant son utilisation en pédiatrie. Figure 12.22: Systèmes d’assistance mono- ou bi-ventriculaire. En assistance gauche, le sang est pompé à l’apex du VG et renvoyé dans l’aorte ascendante; en assistance droite, il est prélevé dans l’OD et renvoyé dans l’artère pulmonaire. A: Thoratec PVAD™; système pneumatique pulsatile dont les ventricules sont fixés à la paroi abdominale, les canules franchissant la peau. B: Thoratec IVAD™; il s’agit d’un système pulsatile implantable, dont les ventricules sont placés dans la paroi abdominale antérieure grâce à leur taille plus petite. C: HeartMate I XVE™ implantable dans la paroi abdominale; la pompe consiste en un sac en polyuréthane comprimé par une plaque mue électriquement (pusher-plate). Ces systèmes sont munis de valves.

A B

C

Prothèse vers l’aorte

Canule apicale VG

Valve d’entrée

Pompe

Aorte

VG

Batterie externe

Pompe XVE

Valve de sortie

Système de contrôle

Passage de la peau

Equilibrage d’air

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D’autres appareils sont conçus pour le long terme, actuellement jusqu’à plus de cinq ans. Le système HeartMate™ I XVE (Thoratec Corp) délivre un flux pulsatile par compression d’une poche entre deux plaques mues électriquement ; le boîtier est implanté dans la paroi abdominale (Figure 12.22). Le sang est aspiré à l’apex du VG et renvoyé dans l’aorte ascendante par une prothèse vasculaire ; la direction du flux est assurée par des valves porcines. La surface interne est une texture de titane et de polyuréthane qui permet une endothélialisation de toute la surface en contact avec le sang ; cet avantage, couplé à l’utilisation de valves biologiques, permet une réduction de l'anticoagulation ; seuls des antiplaquettaires sont nécessaires [322,329]. La production de ce dispositif est en voie d’être interrompue [208]. La console de ces trois appareils permet différents réglages.

La pression d’éjection doit être supérieure d’au moins 10 mmHg à la PAs du patient ; L’aspiration appliquée en diastole pour aider au remplissage de la poche ventriculaire est

réglée entre – 25 et – 40 mmHg ; Le temps d’éjection est en moyenne de 300 msec.

Le Novacor™ N100 (WorldHeart, Oakland, CA, USA) consiste aussi en un boîtier rigide contenant un sac de polyuréthane comprimé par une plaque mue électriquement. Implanté dans la paroi abdominale, il est monté sur deux canules valvées connectées à l'apex du VG et à l'aorte ascendante. Ce système requiert une anticoagulation complète (coumadine pour INR 3.0). Certains systèmes comme le LionHeart LVD-2000™ (Arrow International, USA) sont totalement implantables ; l’énergie est fournie par voie transcutanée à des batteries implantées dans le sous-cutané ; aucune voie ne traverse la peau, ce qui réduit le risque infectieux. Le système peut assurer un débit de 8 L/min avec un volume systolique de 64 ml [229]. Une assistance ventriculaire fonctionne correctement pour autant que sa précharge soit satisfaisante. Les systèmes pulsatiles peuvent opérer selon deux modes différents.

Fréquence fixe (fixed-rate) : quel que soit le volume diastolique, la pompe éjecte à une fréquence constante, réglée par avance (mode par défaut : environ 40 pulsations/min) ; le volume systolique varie.

Précharge-dépendant (fill-to-empty) : la chambre ventriculaire déclenche l’éjection dès que son capteur détecte qu’elle est pleine (en général 90% du volume maximal) ; ce mode est dit automatique. Il s’adapte aux besoins du patient en fonction de son retour veineux, mais en cas d’hypovolémie, la fréquence de l’assistance baisse et le débit cardiaque diminue.

Ces modes ne sont pas synchrones avec le rythme cardiaque du malade. Sur le plan hémodynamique, l'assistance de ces pompes se manifeste sur la courbe artérielle par une augmentation systolique périodique déphasée par rapport au rythme cardiaque du patient (Figure 12.23). Les systèmes non-pulsatiles (Impella™, HeartMate™ II) donnent une courbe de pression dépulsée sur laquelle s’ajoute la faible pulsation fournie éventuellement par la systole ventriculaire du patient. Systèmes à flux continu Ces systèmes sont mûs par une pompe axiale (HeartMate™ II, Jarvik 2000™, HeartAssist 5™ MicroMed, InCor™) ou une turbine centrifuge (HeartMate™ III, DuraHeart™, Evaheart™, HVAD™ et MVAD™ de HeartWare). Ils sont implantés par sternotomie ou par thoracotomie. Le sang est pris à l'apex du VG et retourné à l’aorte ascendante ou descendante par une prothèse tubulaire (Figure 12.24). Le débit assuré est de 5 à 10 L/min contre une pression artérielle de 100-150 mmHg. La vitesse de rotation est de 7'000 – 15'000 tours/min pour une consommation moyenne de 15 W (10-25 W). Ces systèmes à flux continu, plus légers, plus simples et plus silencieux, sont moins sujets à l’usure et aux pannes. Leur encombrement est faible, et ils peuvent être implantés chez des malade de petite taille. La courbe artérielle est pratiquement plate, la PAs et la PAd sont les mêmes que la PAM.

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La fonctionnalité du VG se traduit par des crochetages surajoutés à cette courbe ; ceux-ci sont d’autant plus importants que le VG a une meilleure fonction ou que le débit de la pompe diminue. Les systèmes à flux continu présentent essentiellement quatre inconvénients [290].

Une malfonction induit un reflux qui équivaut à une insuffisance aortique aiguë, car il n’y a pas de valve dans le système.

Comme ils génèrent une pression négative dans le VG, le ventricule peut collaber avec une brusque baisse de précharge et un risque d’embolie gazeuse par aspiration d’air au niveau des sutures ; le risque est plus faible avec les systèmes centrifuges qu’avec les système co-axiaux.

Le flux continu entraîne une stase au niveau de la valve aortique si celle-ci ne s’ouvre plus ; cela peut donner naissance à des thrombus, avec risque d’embolisation systémique. Pour pallier à ce problème, le sysème Jarvik 2000 modifie régulièrement et automatiquement sa vitesse de rotation pour favoriser momentanément l’éjection par le VG. La pulsatilité est mieux conservée avec les système centrifuges qu’avec les système co-axiaux.

La décharge du VG est moins efficace qu’avec les systèmes pulsés ; le flux continu dans l’aorte occasionne une hausse de la postcharge lorsque le VG éjecte.

Les pompes les plus récentes sont actionnées par une turbine (InCor™, Berlin Heart GmbH, Berlin, Allemagne) ou une pompe centrifuge (HVAD HeartWare™, HeartWare International Inc, Framingham, MA, USA) suspendue dans le boîtier par lévitation magnétique et mue par un champ magnétique (Figure 12.25A). Cette technique réduit encore le nombre de pièces en mouvement, donc l’usure et le risque de panne. Leur taux de complication est la moitié de celui des pompes pulsatiles [170]. Ces appareils ont une durée de vie probable d’une dizaine d’années. La survie des malades à 1 an est passée à > 80% avec ces systèmes [107,170], et leur capacité fonctionnelle s’est améliorée : 80% des patients sont en classe NYHA I-II [290]. Bien que la réduction de la PAP soit plus importante avec les systèmes pulsatiles, les appareils à débit continu permettent une décompression immédiate comparable du VG ; de plus, ils maintiennent une fonction normale de tous les organes bien au-delà d’une année, malgré un flux complètement dépulsé. Il est par ailleurs intéressant de noter que la pulsatilité n’est nullement nécessaire à la perfusion des viscères, à la condition que le patient soit anticoagulé et que la vascularisation coronarienne soit assurée. Une comparaison du HeartMate XVE pulsatile et du HeartMate II à flux continu a démontré une survie doublée à 2 ans avec le second (24% et 58% respectivement) et un gain de 62% (OR 0.38) concernant les réopérations et les AVC [313]. Le risque hémorragique augmenté est en partie lié à une maladie de von Willebrand acquise (type IIa) occasionnée par le jet à haute vélocité qui sort de la pompe et qui abime les molécules du FvW, comme dans la sténose aortique serrée.

Figure 12.23: Courbe de pression artérielle lors d'une assistance ventriculaire avec une pompe de type Thoratec IVAD™. Le rythme de la pompe est indépendant de celui du malade, et correspond à environ un tiers de son rythme propre. Le volume éjecté est supérieur à celui du coeur du malade.

Patient

120

60

0

Pompe

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A

C D

B Figure 12.24: Systèmes à flux con-tinu qui apirent le sang à l’apex du VG et le renvoient dans l’aorte thoracique au moyen d’une petite turbine à hélice mue électri-quement et située dans l’axe du flux; un câble per-cutané relie la pompe à la source d’énergie et au système de commande. A et B: HeartMate II™ (Thoratec Corp) C: MicroMed De Bakey™ (MicroMed Cardiovascular); la petite taille de cette pompe lui permet d’être installée à l’intérieur du péricarde. D: Jarvik 2000™ (Jarvik Heart); la pompe est intraventriculaire, et le sang est retourné dans l’aorte descendante.

A

B

Figure 12.25A : Systèmes à flux continu de nouvelle génération. Il s’agit de pompes centrifuges à lévitation magnétique sans axes ni pivots, ce qui réduit considérablement les problèmes mécaniques. Le sang est aspiré dans l’axe de la turbine puis éjecté tangentiellement à celle-ci. L’énergie électrique pour le système d’électro-aimant est fournie par un câble percutané. 1: HeartMate III™ (Thoratec Corp) 2: HVAD™ (HeartWare International Inc).

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Ces différents systèmes doivent être implantés au cours d’une intervention en CEC. Ils assurent maintenant, pour les meilleurs d’entre eux, plus de 80% de succès jusqu'à une transplantation, une survie à 1 an de 80% et une survie à 2 ans de 70%, chez des malades en insuffisance congestive terminale (NYHA IV) dont la mortalité à 1 an est supérieure à 60% (Figure 12.25B) [159,170,208]. La survie sous assistance a pratiquement doublé ces 15 dernières années, puisqu’elle n’était que de 52% à 1 an et de 23% à 2 ans en 2001 [291]. La durée moyenne de traitement hospitalier est de 120 jours à 2 ans, avec des supports circulatoires au-delà de 7 ans. La mécanique est maintenant fiable, puisque seuls 2% des appareils doivent être changés après 3 à 4 ans [170]. Remplacement total La génération suivante est un cœur articificiel biventriculaire total pulsatile, implantable et définitif (destination therapy). Dans cette situation, la moindre panne entraîne le décès, puisque le cœur a été réséqué. Pour l’instant trois modèles sont en essai clinique : CardioWest™ (SynCardia Systems Inc, Tucson, AZ, USA), Abiocor™ (Abiomed, Danvers, MA, USA), et Carpentier-CARMAT™ (Carmat, Villacoublay, France) (Figure 12.26). Le premier est un système pneumatique avec deux ventricules impantés in situ. Le deuxième consiste en deux chambres mues par un diaphragme qui les comprime alternativement ; l’une est en systole lorsque l’autre est en diastole. Le diaphragme est lui-même entraîné par un circuit hydraulique mis sous pression par une pompe centrifuge électrique. Le volume systolique est de 80 mL et le débit maximal de 9.6 L/min. Une connexion hydraulique entre les deux systèmes de pression droite et gauche ajuste le débit du "VD" en fonction de la POG : il augmente si la POG est basse et diminue si la POG est élevée. Le cœur de Carmat, qui possède un système sophistiqué d’autorégulation au moyen de senseurs dans les 4 cavités, a été implanté chez trois patients jusqu’ici ; le premier et le deuxième sont décédés à 74 jours et à 9 mois d’une microfuite du circuit sanguin vers le liquide d’actionnement de la prothèse. Le troisième est décédé à 8 mois et demi d’insuffisance rénale sans dysfonction de la prothèse. Aucun n’a souffert de thrombose, prouvant ainsi l’hémocompatibilité des matériaux utilisés. Vu leurs dimensions, ces appareils sont conçus pour des adultes de grande taille (> 1.5 m2) dont on a explanté les ventricules. Un des progrès majeurs pour un cœur mécanique définitif est la technologie TETS (transcutaneous energy transfer system) qui supprime le câble conducteur d’énergie, dont le point de pénétration cutané est toujours source d’infection et dont l’inconfort est majeur pour le patient. Une batterie implantée assure un fonctionnement de secours pendant 15-30 minutes. A l’exception du cœur de Carmat, ces dispositifs

20

40

60

80

100

6 12 18 24

88%

74%

25%

84%

61%

8%

Durée (mois)

Survie (%)

Traitement médical

Assistance (HeartMate II)

Transplantation

Figure 12.25B : Survies comparées à 2 ans de la transplantation cardiaque, de l’assistance ventri-culaire implantée (HeartMate II™) et du traitement médical optimal chez des malades au satde NYHA IV [d’après références 159 et 208]. A l’évidence, le pronostic des techniques invasives est meilleur que celui de la prise en charge conven-tionnelle.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 82

réclament une anticoagulation (anti-vitamine K) et de l’aspirine. Après une quinzaine d’implantations chez l’homme et une survie de 40% à 9-15 mois (la plus longue survie est de 832 jours avec un système CardioWest™), ces cœurs artificiels n’ont jamais passé au stade de la commercialisation. On s’est plutôt tourné vers les systèmes à flux continu (HeartMate™ II, HeartMate™ III, HVAD™ HeartWare), dont plus de 20'000 ont été implantés à long terme avec une mortalité à 1 an inférieure à 15% et une survie jusqu’à 8 ans [69]. De nouveaux dispositifs combinent deux pompes rotatives (SmartHear™, BiVACOR™) pour assurer un débit systémique et un débit pulmonaire. Figure 12.26: Systèmes de remplacement total des deux ventricules après explantation du coeur dont on ne conserve que les oreillettes. A: système CardioWest™ (SynCardia Systems Inc, Tucson, AZ, USA); il consiste en 2 chambres sphériques en polyuréthane à compression pneumatique B: Abiocor™ (Abiomed, Danvers, MA, USA); le système consiste en 2 chambres cylindriques raccordées aux oreillettes par des valves mécaniques et mues par un système hydro-électrique: un diaphragme comprime alternativement chaque chambre ventriculaire. Tout le système est implanté, y compris une batterie, et l’énergie est fournie par un système transcutané sans fil. C: Coeur de Carmat (Carmat, Villacoublay, France); le système mime efficacement l’anatomie et l’autorégulation d’un coeur normal, mais en plus gros et plus lourd; il s’implante sur les oreillettes, l’artère pulmonaire et l’aorte du receveur; il possède quatre valves et un système de réglage hémodynamique informatisé très sophistiqué. Il est relié à l’extérieur par un câble d’alimentation (en bleu). Les surfaces sont hémocompatibles.

A B

C

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 83

Dispositifs d’assistance à long terme

Ces systèmes sont prévus pour une assistance à moyen (2 ans) ou long terme (> 5 ans), en attente d’une transplantation (bridge-to-transplant), d’une récupération (bridge-to-recovery) ou comme traitement définitif (destination therapy). Seuls les patients souffrant de lésions réversibles (myocardite virale, stunning, intoxication) peuvent être explantés après récupération fonctionnelle. Mais des observations récentes démontrent un remodelage positif du VG sous assistance, qui permettrait un sevrage à long terme dans 5-10% des cas. En assistance gauche, le sang est prélevé par une canule implantée à l’apex du VG et retourné à l’aorte ascendante par une prothèse vasculaire. En assistance droite, le sang est drainé depuis l’OD et renvoyé dans l’artère pulmonaire par une prothèse vasculaire. L’implantation nécessite en général une CEC. Systèmes pulsatiles - Thoratek PVAD® et IVAD® : boitiers pneumatiques externes ou implantés dans la paroi abdominale, valves mécaniques, console externe, anticoagulation et antiplaquettaires - HeartMate I XVE® : boitiers électriques implantés dans la paroi abdominale, surface endothélialisée, valves biologiques, console externe, antiplaquettaires seuls - Fonctionnement en fréquence fixe (VS variable) ou en mode automatique (fill-to-empty: systole déclenchée lorsque la poche ventriculaire est pleine) Systèmes à flux continu (plus simples, moins encombrants, donnant de meilleurs résultats à long terme malgré la dépulsation de la pression artérielle) - Turbines (HeartMate II®, BerlinHeart®, Jarvik 2000®) - Pompe centrifuge à lévitation magnétique (HeartMate III®) Avec les dispositifs les plus récents, la survie est de ≥ 80% à 1 an, la majorité des patients passant en classe fonctionnelle NYHA I-II. Problèmes liés à une assistance ventriculaire Certaines pathologies cardiaques peuvent affecter le fonctionnement des pompes qui tentent de remplacer un ventricule [52,229,322].

Un foramen ovale perméable (FOP) peut occasionner une désaturation artérielle par shunt droite-gauche massif lorsque la pression de l'OG est effondrée par l'assistance ventriculaire gauche alors que la POD augmente par insuffisance droite ; il doit être fermé au cours de l’implantation.

Une insuffisance aortique crée un flux rétrograde permanent qui empèche une décompression efficace du VG par l’assistance, car elle crée un circuit en boucle canule aortique → aorte ascendante → fuite dans le VG → retour à la pompe. Une IA > I justifie le remplacement de la valve au moment de l’implantation de l’assistance.

Un frein au remplissage du VG (sténose mitrale) diminue la précharge de la pompe ; l’obstacle doit être levé (commissurotomie mitrale).

Un thrombus ventriculaire ou auriculaire gauche peut être délogé et fragmenté ; il peut obstruer la canule d’aspiration de la pompe. Il doit être extrait en cours d’intervention ; l’appendice auriculaire gauche est ligaturé.

L’anévrysme et l’athéromatose étendue de l’aorte ascendante empèchent d’implanter correctement le tube prosthétique artériel.

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Anticoagulation L’anticoagulation est malheureusement une contrainte inévitable des assistances circulatoires. Son intensité dépend du type de pompe et du degré de biocompatibilité des surfaces en contact avec le sang (métal, polycarbone, surface enduite d’héparine, revêtement de polymères, etc). L’héparine est ajustée pour un effet anti-Xa 0.3-0.7 et l’agent anti-vitamine K est réglé pour un INR 1.5-3.0, selon le modèle [125]. L’activation plaquettaire par les surfaces étrangères est diminuée par de l’aspirine (100-325 mg/j), du dipyridamole (75 mg 2 x/j) ou du clopidogrel (75 mg/j). Seul le HeartMate XVE ne nécessite qu’un traitement antiplaquettaire. La constante génération de thrombine dans les systèmes circulatoires mécaniques consomme le facteur XIII, qui est souvent déficient. Avec les turbines à flux continu, il apparaît fréquemment une maladie de von Willebrand acquise (type IIa) par clivage des multimères du FvW sur le stress de cisaillement, analogue au syndrome de Heyde dans les sténoses aortiques serrées [73]. Une thrombocytopénie induite par l’héparine (HIT, heparin-induced thrombocytopenia) survient dans 8-10% des cas après 5-10 jours d’héparinothérapie (voir Chapitre 8, HIT) et implique la conversion à un anti-thrombine direct (bivalirudine titrée en fonction de l’effet anti-IIa, argatroban ou dabigatran titrés en fonction de l’aPTT). En cas d’urgence ou d’hémorragie, le dérivé coumarinique n’est pas renversé avec de la vitamine K, car le risque de thrombose dans le circuit est trop dangereux ; on préfère contrer l’anticoagulation par l’administration précautionneuse de facteurs isolés (fibrinogène, FXIII) et d’agents pharmacologiques (acide tranexamique, desmopressine) en se basant sur les tests de coagulation (TP, aPTT, TT, fibrinogène), le thromboélastogramme et un test d’activité plaquettaire (voir Chapitre 8, Tests peropératoires et Facteurs de coagulation) [125]. Dans le contexte d’une pompe au sein du circuit circulatoire, le complexe prothrombinique et le facteur VII activé (rFVIIa) comme procoagulants de sauvetage sont associés à un risque thrombo-embolique dramatiquement élevé (jusqu’à 37%) ; ils ne sont pas recommandés dans ce contexte [48]. Complications Les complications périopératoires précoces sont très fréquentes puisque leur taux dépasse 60% des cas [118]. Elles sont liées au status du patient, aux risques de la chirurgie et aux particularités des différents systèmes d’assistance [7,208].

Défaillance du ventricule non-assisté : en cas d'assistance univentriculaire gauche, le soulagement hémodynamique apporté par la pompe peut dévoiler une insuffisance ventriculaire droite préalablement masquée par le bas débit du VG. Ceci survient dans 10-35% des cas (voir Anesthésie, Insuffisance VD aiguë) [52].

Hémorragie : l’incidence varie de 30 à 80% des cas, la mortalité est de 3% [118]. Tamponnade : fréquente (25%), elle est paucisymptomatique car les signes habituels

(tachycardie, hypotension, pouls paradoxal, égalisation des pressions de remplissage) sont modifiés ou absents ; elle doit être suspectée chaque fois que le débit est abaissé et les pressions de remplissage élevées ; l’échocardiographie est essentielle pour le diagnostic [57].

Arythmies : fréquentes (30-60%), elles entraînent une stagnation du sang et un risque de thrombus intracavitaire ; le rythme sinusal est important pour la fonction du VD et pour la récupération éventuelle du VG.

Infections : fréquentes (40%), elles sont responsables de 15% des décès ; elles se répartissent en infections liées au système mécanique (orifices des câbles percutanés, plaie, médiastinite, "endocardite" du ventricule artificiel) et en infections systémiques (sepsis, pneumonie, etc) [118,291]. Prise en charge : mesures d’asepsie stricte pour toute manipulation, normoglycémie, extubation rapide, ablation précoce des drains, antibiothérapie immédiate et agressive.

Problèmes mécaniques : panne de pompe (10%), dommage aux câbles percutanés (5-9%), obstruction des canules par coudure (contrôle ETO) ; ils sont responsables de 3% de la mortalité [170].

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 85

Insuffisance rénale : 20% des cas [118,313]. Hémolyse : plus fréquente avec les turbines à débit continu, elle est liée à l’accélération et à la

décélération des hématies dans les flux rapides ; elle peut survenir dans les obstructions ou les thrombocytopénies induites par l’héparine ; le taux d’Hb libre est > 4 mg/mL [7].

Les complications à plus longue échéance sont nombreuses et fréquentes, mais les incidences qu’on peut en donner sont sujettes à caution, car elles sont très variables selon les modèles de pompes et selon les risques propres des patients [7,291]. D’où les larges fourchettes des chiffres ci-dessous.

Infections : elles restent une cause majeure de complications et de décès tout au long de la survie (32-45% des cas) ; la moitié sont des épisodes de sepsis ; elles sont en lien avec un syndrome inflammatoire systémique (SIRS) et un défaut d'immunité cellulaire.

Hémorragie (17-27%) : l’anticoagulation (INR 1.5-2.0), la perte de plaquettes et les antiplaquettaires (aspirine 100-325 mg) sont une cause majeure de spoliation sanguine, ainsi que la maladie de von Willebrand acquise avec les turbines à flux continu [73]. Les hémorragies surviennent le plus souvent dans le tube digestif (10-40% des cas), mais sont intracrâniennes chez 2.5-10% des patients. Le risque de saignement s’élève jusqu’à 50% avec les systèmes à flux continu [73].

Thrombo-embolies périphériques (10-30% selon les modèles), AVC (moyenne : 14% des cas) [118,313].

Panne mécanique : plus rare avec les systèmes à flux continu, elles peuvent survenir à tout instant.

Dégénérescence de la valve aortique : les systèmes à flux continu imposent une charge constante élevée à la valve aortique, qui reste fermée en permanence ; surviennent progressivement des lésions dégénératives qui conduisent à une fusion commissurale et à une fuite centrale ; cette dernière réduit l’efficacité de la pompe. Pour prévenir ce phénomène, il est important d’ajuster le débit de la turbine de manière à ce que le VG puisse ouvrir la valve aortique tous les 3 cycles cardiaques environ. Si la fuite est importante, il faut envisager une plastie chirurgicale ou un RVA [157].

Arythmies : elle persistent à long terme chez 20-25% des malades. Problèmes psychologiques : savoir que sa vie tient à une machine qui peut avoir un problème

à tout instant est une angoisse permanente considérable ; dépression et suicide ne sont pas rares (7% / 6 mois) [336].

Problèmes des assistances circulatoires Pathologies nécessitant une correction avant l’implantation: FOP, insuffisance aortique degré > I, sténose mitrale, thrombus intracavitaire (VG, appendice auriculaire gauche), insuffisance tricuspidienne sévère. La mise en place d’une assistance monoventriculaire gauche induit une décompensation droite dans 30% des cas; plusieurs phénomènes sont en cause: - L’augmentation du retour veineux droit à cause de l’amélioration du débit gauche est excessif pour le VD dont la dysfonction était masquée par l’insuffisance gauche - La décompression gauche supprime l’aide apportée à l’éjection droite par la contraction du septum interventriculaire - Si les RAP ne sont pas basses, l’augmentation du débit droit se traduit pas une élévation de l’impédance dans l’AP et une augmentation de postcharge pour le VD L’insuffisance droite ne permet pas à l’assistance d’avoir une précharge adéquate. Une prise en charge proactive et rapide de la fonction droite est impérative:

- Soutien inotrope du VD (dobutamine, milrinone + adrénaline, levosimendan) - Vasodilatation pulmonaire (NO, prostacycline, nitroglycérine) - Noradrénaline pour maintenir la pression de perfusion coronarienne

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Complications de l’assistance à long terme: - Hémorragie, tamponnade - Infections locales, médiastinite, sepsis - Thrombo-embolie - Pannes mécaniques - Insuffisance rénale, insuffisance polyorganique - Syndrome inflammatoire systémique - Hémolyse L’infection domine le tableau, puisque 41% des décès sont liés à une sepsis [64]. Les systèmes de turbine à flux continu ont un taux global de complications (infections, thromboses, problèmes mécaniques) clairement inférieur à celui des systèmes pulsatiles (OR 0.38), mais un risque hémorragique plus élevé [232,313]. Rôle de l’échocardiographie dans l’assistance ventriculaire Avant l’implantation d’une assistance ventriculaire, l’examen ETO doit vérifier une série d’éléments importants pour le bon déroulement de l’intervention [56].

Absence d’insuffisance aortique; l’IA cause une fuite permanente ramenant dans le VG le sang éjecté dans l’aorte par la pompe; une IA ≥ II doit être corrigée dans le même temps opératoire par plastie ou RVA, sans quoi la situation serait ingérable : haut débit de pompe, bas débit systémique, élévation de la pression dans la VG et l’OG, dilatation du VG.

Absence de sténose mitrale ; elle est une restriction à la précharge des canules qui drainent le sang depuis l’apex du VG.

Recherche de thrombus intraventriculaire (apex) ou intra-auriculaire (appendice auriculaire gauche).

Recherche de FOP ou de CIA; ils sont une source d’embolie paradoxale et d’hypoxémie (shunt droit-gauche) lorsque le VG est déchargé mais non le VD ; ils doivent être fermés dans le même temps opératoire.

Evaluation de la fonction du VD : une dysfonction sévère empirera probablement après la mise en place d’une assistance monoventriculaire gauche.

Insuffisance tricuspidienne : prévoir une annuloplastie si elle est majeure (risque de décompensation du VD).

CCVG : la pompe coaxiale à cheval sur la valve aortique (Impella™) ne fonctionne pas correctement en cas de cardiomyopathie obstructive de la chambre de chasse gauche.

Emplacement de la canule : athéromatose ou anévrysme de l’aorte ascendante. Il est capital d’évaluer précisément la fonction ventriculaire droite. Le degré de dysfonction du VD a une valeur pronostique pour l’évolution clinique de l’assistance gauche [8].

Fonction VD acceptable : fraction de racourcissement de surface (FAC) ≥ 30%, course systolique de l’anneau tricuspidien (TAPSE) ≥ 15 mm, vélocité systolique de l’anneau tricuspidien > 10 cm/s, insuffisance tricuspidienne (IT) < II/IV, hypertension pulmonaire postcapillaire (PAPO ≥ 18 mmHg) ; dans ce derniere cas, l’assistance gauche diminuera la postcharge droite (disparition de la stase pulmonaire) et améliorera la fonction du VD.

Dysfonction VD modérée : hypokinésie de la paroi libre, fraction de racourcissement de surface ≤ 25%, TAPSE de ≤ 7.5 mm, rapport SVD/SVG > 0.7, insuffisance tricuspidienne II-III, PVC > 15 mmHg, rapport PVC/PAPO > 0.6, pression artérielle pulmonaire normale ou peu

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élevée à cause de la faible performance du VD. Un soutien pharmacologique maximal sera nécessaire après implantation de l’assistance gauche : dobutamine et/ou milrinone + adrénaline, levosimendan, NO•, prostaglandine, nitroglycérine, éventuellement ECLS droite transitoire.

Dysfonction VD sévère : akinésie de la paroi libre, dilatation massive, bascule du septum dans le VG, POD > 20 mmHg ; une PVC élevée est le meilleur signe avant-coureur de la dysfonction polyorganique. Une assistance biventriculaire sera nécessaire ; les résultats seront d’autant meilleurs qu’elle sera implantée plus tôt.

Insuffisance tricuspidienne : l’assistance gauche peut modifier l’IT de manière variable selon la position du septum interventriculaire (traction sur le feuillet septal), selon l’impact sur la fonction du VD et selon la modification de la POD [8].

Dès que l’assistance gauche est mise en marche, l’ETO devient le mode de surveillance essentiel pour s’assurer du bon fonctionnement du système et pour diagnostiquer ses dysfonctionnements (Figure 12.27) [8,56,57,66,334].

La canule apicale est dans l’axe du VG et dans l’alignement de la chambre de chasse; son flux est continu unidirectionnel, de Vmax 0.6-1.2 m/s ; en cas d’obstruction, la Vmax est > 2.5 m/s (vues rétrocardiaques 0°, 90° et 120°).

En cas de système coaxial transaortique (Impella™), l’extrémité aspiratrice de la canule est au niveau de l’extrémité du feuillet antérieur de la valve mitrale (vue 120°), environ 3-4 cm en dessous du plan de la valve aortique ; elle ne touche pas les parois ventriculaires ; son extrémité distale est au moins 2 cm au-dessus des sinus de Valsalva.

En cas d’assistance droite, la canule auriculaire droite doit se trouver au milieu de l’OD et non buter contre le septum interauriculaire ou la valve tricuspide; la canule artérielle pulmonaire est implantée ≥ 2 cm au-delà du plan de la valve pulmonaire (vue rétrocardiaque basale 60-100°).

La canule artérielle est implantée à la face antérieure de l’aorte ascendante (vue basale 120°), ≥ 2 cm au-dessus des sinus de Valsalva (l’emplacement est repérable au flux couleur s’il est douteux à l’imagerie 2D) ; sa Vmax est 1-2 m/s avec les systèmes à flux continu et jusqu’à 2.3 m/s avec les systèmes pulsés.

Le VG et l’OG sont décomprimés, le septum interventriculaire est en position neutre, l’insuffisance mitrale est diminuée ou absente ; le diamètre télédiastolique est diminué de 20% (VG) à 40% (VD). Si la pompe dysfonctionne, l’OG et le VG se dilatent, le septum bombe vers la droite, la valve mitrale fuit, la valve aortique a des mouvements d’ouverture, et du contraste spontané apparaît dans le VG.

En cas d’hypovolémie, le VG collabe autour de la canule, le septum interauriculaire et interventriculaire bombe vers la gauche ; l’effet de suction de la pompe sur un ventricule vide (dépression de – 5 mmHg environ) peut aspirer de l’air par les points de la bourse autour de la canule apicale ; cet air, bien visible à l’ETO, entraîne une embolie gazeuse systémique.

La dysfonction du VD se traduit par une dilatation et l'éventuelle apparition/aggravation d'une insuffisance tricuspidienne ; le septum bombe dans l’OG et dans le VG, et peut gêner le flux de la canule apicale d’aspiration.

La dépression dans l’OG à cause de la décompression du VG fait apparaître un flux droit-gauche à travers le FOP si celui-ci n’a pas été diagnostiqué auparavant ; ce flux est accentué par l’éventuelle surpression dans l’OD à cause de la dysfonction droite. Dans ce cas, le FOP doit être occlus.

L’ETO contrôle l'efficacité du débullage avant la mise en marche ; l’air provient des cavités gauches, des veines pulmonaires ou du système d’assistance dont la purge est insuffisante. La deuxième source d’air est l’effet de succion de la pompe en cas d’hypovolémie, qui peut aspirer de l’air par les lignes de suture de la canule apicale à cause du collapsus du VG.

La valve aortique s’ouvre de manière intermittente selon le degré d’éjection que conserve le VG ; pour éviter un phénomène de stase au niveau des sinus de Valsalva, la pompe devrait être idéalement réglée pour permettre une certaine éjection ventriculaire plusieurs fois par minute.

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Lorsqu’ils sont de forte taille, les appareillages d’assistance ventriculaire peuvent modifier la position des structures cardiaques et créer une gêne sur le retour veineux systémique et/ou pulmonaire. Il est donc important de contrôler l’anatomie et la vélocité du flux dans les veines caves et dans les veines pulmonaires (≤ 1 m/s). Une accélération du flux > 1.5 m/s signale une obstruction au remplissage auriculaire.

Dans le postopératoire, un état de choc peut s’installer suite à plusieurs éléments bien mis en évidence par l’échocardiographie [57]. Le système miniaturisé permettant une imagerie transoesophagienne continue pendant 72 heures (ImaCor™) est bienvenu dans ces conditions.

Hypovolémie : le débit des assistances ventriculaires est dépendant de la précharge ; l’hypovolémie sévère entraîne le collapsus du ventricule et bloque le retour vers la pompe ; le septum interventriculaire est dévié vers la gauche. D’autre part, le maintien de la pression artérielle exclusivement au moyen de vasoconstricteurs réduit le débit de pompe par excès de postcharge.

Tamponnade : à part un bas débit de pompe et des pressions de remplissage le plus souvent élevées, les signes cliniques habituels sont en général absents ; seule l’échocardiographie bidimensionnelle peut mettre en évidence la compression externe des chambres cardiaques, car les flux Doppler ne sont pas pertinents dans ce contexte.

Insuffisance droite : dilatation du VD et bombement du septum dans le VG (voir ci-dessous Anesthésie, Insuffisance droite aiguë).

Obstruction de canule : vélocité excessive dans la canule (canule veineuse : > 1.5 m/s, canule artérielle : > 2.5 m/s), flux tourbillonnaire au Doppler couleur, zone de convergence (PISA) à l’orifice d’entrée.

Thrombose intracavitaire (9-16% des cas) : thrombus dans le VG (autour de la canule ou dans le territoire inféro-septal), dans l’appendice auriculaire gauche ; présence de contraste spontané dans les zones de bas débit thrombogène (VG, OG, sinus de Valsalva).

VD VG

1 2

3 4

VD

VG

OD

A B

Ao C

Figure 12.27 : Canules d’assistance bi-ventriculaire (Thoratec IVAD™). A : les 4 canules sur la face antérieure du cœur ; 1 : canule venant de l’OD ; 2 : canule allant dans l’aorte ; 3 : canule allant dans l’AP ; 4 : canule apicale dans le VG. B : canule dans l’OD ; cette canule est trop profonde et appuie fortement contre le septum interauriculaire. C : canule anastomosée à l’aorte (Ao).

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Panne de la pompe : flux rétrograde dans l’aorte ascendante et dans la canule apicale, contraste spontané massif dans le VG et l’OG, mouvements d’ouverture de la valve aortique, insuffisance mitrale importante, déviation droite du septum interventriculaire.

Position du septum interventriculaire : la déviation septale par rapport à sa position neutre est une information capitale [8].

o Déviation vers la droite : décompression inadéquate du VG, obstruction de canule, dysfonctionnement de pompe ;

o Déviation vers la gauche : décompression excessive par vitesse de pompe trop rapide, défaillance du VD.

Dans le cas de l’ECLS, l’échocardiographie possède également un rôle capital pour assurer le bon fonctionnement du système [57,274].

Absence d’insuffisance aortique; la valve aortique doit être étanche en diastole et s’ouvrir en systole (pression pulsée recherchée: 10-15 mmHg).

Absence de thrombus intracavitaire (apex du VG, appendice auriculaire gauche); le VG doit conserver une pulsatilité suffisante pour éviter la stase.

Position de la canule veineuse au milieu de l’OD en cas de canulation centrale, 1-2 cm dans la VCS en cas de canulation fémorale.

Fonction du VG; en cas de canulation artérielle périphérique, celui-ci assure la perfusion des coronaires et du cerveau et requiert un soutien inotrope.

Décharge du VG; le retour par la circulation bronchique, la défaillance droite et la mauvaise performance du VG conduisent à une dilatation du ventricule, qui mène à sont tour à l’oedème pulmonaire.

Lors de canulation fémorale, la zone de confluence des flux aortiques antérograde (VG) et rétrograde (ECMO) est visible dans l’aorte descendante; il est nécessaire de maintenir une ventilation minimale pour assurer l’oxygénation du coeur et du cerveau.

Recherche de tamponnade, vu le risque hémorragique de l’anticoagulation.

Rôle de l’ETO lors de l’implantation d’une assistance Examen pré-implantation:

- Recherche de FOP, d’IA, d’IT, de restriction mitrale, de thrombus intracavitaire - Evaluation de l’athéromatose aortique (site d’implantation de la prothèse) - Evaluation de la fonction du VD et de la PAP

Examen après implantation - Fonction du VD - Décompression du VG - Septum interventriculaire et interauriculaire en position neutre - Présence ou variation d’IM et d’IT - Contrôle du débullage ou de l’apparition d’air - Ouverture sporadique de la valve aortique - Position de la canule apicale dans le long axe du VG - Position de la canule droite au milieu de l’OD - Flux laminaire dans les canules artérielles et veineuses - Vmax normales des flux: < 1.2 m/s dans la canule apicale, < 2.5 m/s (flux continu) ou < 2.0 m/s (flux pulsatile) dans la canule aortique - Canule de l’Impella: 3-4 cm dans la CCVG et 2 cm au dessus des sinus de Valsalva - CPIA: extrémité 1 cm en dessous du départ de la sous-clavière gauche - Evaluation de la volémie - Recherche de contraste spontané, de thrombus, de tamponnade

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Anesthésie et assistance ventriculaire Anesthésie pour l’implantation d’une assistance ventriculaire (pré-CEC) La mise en place d'une assistance ventriculaire nécessite une CEC dans la plupart des cas, donc implique une anesthésie générale analogue à celle recommandée pour un patient en insuffisance cardiaque gauche (voir Stratégie d’anesthésie). Le patient présente trois composantes de risque majeur [334].

Il est en insuffisance terminale congestive, avec des pressions de remplissage élevées, une HTAP postcapillaire, un débit systolique fixe et bas qui est inversement proportionnel à la postcharge ; il peut décompenser sur la moindre variation de sa contractilité, de ses conditions de charge, de sa perfusion coronarienne ou de sa stimulation sympathique endogène. Son débit baisse en cas de tachycardie (remplissage diastolique insuffisant) comme en cas de bradycardie (volume systolique fixe).

Il a souvent déjà subi des interventions de chirurgie cardiaque, ce qui complique la dissection et aggrave le risque hémorragique ; or, on recherche un ACT > 450 secondes au moment de la mise en marche. Ses contacts précédents avec l’héparine augmente le danger de thrombocytopénie induite par celle-ci (HIT, heparin-induced thrombocytopenia) et peut obliger à utiliser la bivalirudine.

Une défaillance droite survient dans 25-35% des cas d’assistance gauche (voir ci-dessous). Lorsqu’ils sont utilisés chez le malade en préopératoire, les agents inotropes ne sont pas interrompus, mais maintenus jusqu’à la CEC ou jusqu’à la mise en route du ventricule artificiel. Le monitorage consiste en un ou deux cathéters artériels, dont l’emplacement est choisi en fonction des canulations chirurgicales (radiale droite en cas de canulation artérielle fémorale), un cathéter veineux central multi-lumière, un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz (si possible avec SvO2 continue) et une ETO. La présence de cathéter artériel radial et fémoral est un avantage certain lorsque se développe un gradient significatif entre l’aorte et les artères périphériques. Le cathéter de Swan-Ganz, recommandé pour la mise en place d’une assistance gauche, est inutile lorsqu’on implante un cœur artificiel total, car il ne peut traverser ni les valves mécaniques ni la chambre pulsatile. Dans ce cas, il faut même que les voies centrales ne dépassent pas la veine innominée. Chez ces malades fréquemment hospitalisés en soins intensifs, les veines centrales ont souvent été visitées et leur canulation peut s’avérer difficile. L’échographie est un apport précieux pour leur localisation et pour la garantie de leur perméabilité. Lorsqu’on met en place une assistance à flux continu, la pression artérielle est dépulsée ; de ce fait, la pulsoxymétrie perd sa fiabilité. Dans ces conditions, il est préférable d’évaluer l’oxygénation tissulaire en suivant la saturation cérébrale en O2 (ScO2 par spectroscopie infra-rouge, NIRS). L’antibiothérapie prophylactique est capitale. L’anesthésie est basée sur de hautes doses d’opiacés (fentanyl 20-50 mcg/kg). L’etomidate (0.3 mg/kg) est l’agent d’induction de choix. L’entretien est assuré par des doses modestes d’isoflurane ou de sevoflurane, ou une perfusion de faibles doses de midazolam ou de propofol (voir Anesthésie générale du patient en insuffisance VG). Si un défibrillateur ou un pace-maker de resynchronisation est en place, la fonction défibrillatoire doit être inhibée, car elle serait déclenchée par la coagulation. Si la situation est critique au point que le patient ne puisse tolérer l’induction, il est possible de canuler les vaisseaux fémoraux en anesthésie locale et de démarrer la CEC en assistance avant d’endormir le malade. On peut utiliser de l’esmolol (bolus 10 mg maximum) pour réduire la force de contraction lors de l’implantation de la canule apicale ; ceci est particulièrement utile pour le cœur de Jarvik dont tout le rotor est positionné à l’intérieur du VG. Comme le clampage aortique n’est pas requis dans la majorité des cas, la ventilation est maintenue pendant la CEC, le cas échéant, pour éviter les atélectasies et perfuser les coronaires avec du sang oxygéné [98].

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Mise en charge de l’assistance ventriculaire Après implantation d’une assistance gauche, l’élément qui domine le tableau clinique est le risque de défaillance droite (voir ci-dessous). L’examen ETO, la surveillance de la PVC et du VS, et la prophylaxie d’une décompensation du VD doivent guider la prise en charge du patient. L’assistance étant précharge-dépendante, la volémie doit être suffisante pour assurer un débit de pompe de 4-5 L/min chez un adulte ; un débit de 2.5 L/min ou moins fait courir un risque de thrombose dans le système. Il est donc important de maintenir une légère hypervolémie sans pour autant surcharger le VD. La ventilation est réglée de manière conventionnelle (VC 6-8 mL/kg, PEEP 5 cm H2O, FiO2 0.6-0.8) de manière à maintenir une hyperventilation normobarique pour prévenir toute élévation des RAP dangereuse pour la fonction du VD [229]. Dans la routine, les dispositifs pulsatiles sont en général réglés en mode automatique (fill-to-empty), mode dans lequel le capteur de la chambre ventriculaire déclenche l’éjection lorsque celle-ci est pleine (volume mode) ; le volume éjecté est fixe (65 mL), mais la fréquence variable : elle ralentit en hypovolémie et accélère en cas de surcharge. Mais lorsque la volémie est variable comme en sortant de CEC, le débit de pompe devient très dépendant du remplissage. Il est alors préférable d’opérer momenanément en mode fixe (asynchronous mode), la pompe gardant une fréquence stable ; le volume systolique qui s’affiche sur l’écran de contrôle devient un bon guide pour gérer les perfusions liquidiennes [334]. Le rythme de la pompe est évidemment indépendant de celui du cœur. L’aspiration diastolique est maintenue au-dessus de – 10 mmHg. Dans les dispositifs à flux continu, actuellement les plus utilisés, c’est la vitesse du rotor qui détermine le degré de vidange du VG : si elle est basse, le ventricule se vide mal et se distend ; si elle est trop élevée, il collabe autour de la canule et bloque le retour. Le réglage du nombre de tours/minute, seul paramètre modifiable, se fait en observant la courbe de pression artérielle : les petits pics de pression ajoutés par l’éjection résiduelle du VG sur la ligne de base continue (pression pulsée de 10-15 mmHg) traduisent l’équilibre entre le remplissage du VG et le débit de la pompe. Leur absence signifie que la vidange du VG est excessive (pompe tournant trop vite) ou que la canule apicale est mal positionnée. S’ils sont trop importants, c’est que l’assistance est insuffisante (pompe tournant trop lentement). Sur leur écran de contrôle, les systèmes à flux continu affichent le nombre de tours/minute du rotor ou de la turbine (5’000-12'000 rpm) et la puissance fournie (normalement 4-10 W) ; le débit de la pompe est calculé à partir de ces deux données, mais non mesuré directement. Certains dispositifs fournissent un index de pulsatilité (IP) (IP normal : 4-5). Combinée à la PVC, cet index donne des informations intéressantes [314].

Si PVC < 10 mmHg et IP < 3 : probable hypovolémie ; Si PVC > 12 mmHg et IP < 3 : hypervolémie, congestion droite ; Si PVC < 10 mmHg et IP > 5 : élévation excessive des RAS.

Une autre possibilité est la mise en place chirurgicale directe d’un cathéter dans l’OG lors de l’implantation de toute assistance gauche. Le débit des turbines à flux continu est influencé par la précharge et la postcharge : il augmente si la précharge s’élève ou si la postcharge baisse. Il est donc important de maintenir la PAM < 90 mmHg pour éviter une baisse du débit sur résistance excessive (PAM recherchée : 70-80 mmHg). La puissance fournie par le moteur (courant électrique consommé, en W) augmente pour le même débit si les RAS sont élevées. La combinaison d’une baisse de débit et d’une augmentation de la puissance est pathognomonique d’une poussée hypertensive, d’une obstruction de la canule de sortie ou d’une thrombose de la turbine. Si la baisse de débit survient en présence d’une puissance normale, il s’agit d’une hypovolémie, d’une défaillance du VD ou d’une obstruction de la canule d’entrée [8,57]. Ces pompes peuvent créer une dépression importante à l’intérieur du VG. Cet effet de suction survient en cas d’hypovolémie ou lorsque la pompe tourne trop vite ; il induit une baisse de débit et une hypotension, mais peut aussi déclencher une tachycardie ventriculaire. La valve aortique, qui doit être compétente pour que le système fonctionne correctement, s’ouvre normalement tous les deux ou trois

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battements ; quand bien même elle est trop faible pour contribuer au débit systémique, cette éjection du VG empêche la formation de thrombus par stase dans les sinus de Valsalva [7]. L’éjection par le VG s’accentue si le débit de la pompe est trop faible, mais disparaît si le débit de la pompe est trop élevé car le VG est complètement vide. La pompe d’assistance est démarrée avant de sortir de CEC. Les systèmes pulsatiles sont réglés à 40 batt/minute en mode fixe, et les systèmes à flux continu à 8’000-9’000 tours/minute. La mise en charge est progressive : augmentation graduelle des battements ou des tours/minute et diminution simultanée du soutien de la CEC. La précharge est progressivement transférée de la CEC vers l’assistance au fur et à mesure que le perfusionniste réduit son retour veineux. Lorsque le patient est sevré de la CEC, le septum interventriculaire et le septum interauriculaire doivent rester en position neutre. S’ils basculent dans la gauche, trois possibilités se présentent : 1) le VG est hypovolémique, 2) la vitesse de rotation est excessive, ou 3) le VD est dysfonctionnel. Le premier cas demande du volume, le troisième un soutien inotrope et vasodilatateur pulmonaire. Au sortir de CEC, les patients sont le plus souvent vasoplégiques à cause du syndrome inflammatoire, des vasodilatateurs (IEC), des diurétiques et de l’amiodarone administrés en préopératoire. Ils nécessitent une perfusion de nor-adrénaline et/ou de vasopressine (0.1-0.4 U/min) [226] ; parfois seul le bleu de méthylène (0.5-2 mg/kg) rétablit la postcharge. L’héparine non-fractionnée est débutée dès que l’hémostase est correcte (4-6 heures postop) ; on vise un aPTT 2.0-2.5 fois la norme, un ACT > 250 sec et un taux d’antithrombine > 70% [7]. Sous contrôle d’un thromboélastogramme, on administre au besoin un antifibrinolytique (acide tranexamique), du fibrinogène, des plaquettes et/ou des facteurs de coagulation. Le taux de reprise pour hémostase est de 20-40%. Le patient peut en général être extubé après 24 à 72 heures [7]. Les dysfonctionnements immédiats comprennent la défaillance ventriculaire droite, l’hypovolémie, l’hémorragie, la tamponnade et l’obstruction des canules par coudure (contrôle ETO). Insuffisance ventriculaire droite aiguë La défaillance droite est fréquente après mise en place d’une assistance monoventriculaire gauche. Son incidence est de 10% à 40% des cas [89,181,314]. Dans 6-11% des cas, une assistance droite est nécessaire ; dans 7% des cas, un soutien inotrope est indispensable pendant plus de 2 semaines [52,170]. Son origine est multiple [76].

L’insuffisance droite était masquée par le bas débit gauche et se révèle lorsque ce dernier est normalisé ; le retour d’un débit systémique normal représente une précharge excessive pour le VD. On vise donc un débit cardiaque de 20% inférieur au débit théorique calculé de manière à éviter cette surcharge droite.

La géométrie du septum interventriculaire est modifiée par la décompression gauche (perte de la concavité dans le VD) et l’aide apportée par le VG à l’éjection du VD est supprimée.

L’insuffisance aiguë du VD se traduit par une insuffisance tricuspidienne liée à la dilatation de l’anneau (dilatation du VD) et à la traction sur les piliers de la valve (modification de la géométrie septale) ; la POD devient supérieure à la POG. Certains opérateurs procèdent à une plastie tricuspidienne au moment de l’implantation de l’assistance gauche, mais il n’y a pas de consensus à ce sujet [23,181].

La composante fixée (précapillaire) de l’HTAP est plus importante que prévue ; la baisse de la pression postcapillaire n’est pas suffisante pour abaisser la postcharge du VD.

Si les résistances vasculaires pulmonaires sont normales (PAP basse), la décharge du VG conduit à une diminution bénéfique de la postcharge du VD, mais si les RAP sont élevées et fixées, l’augmentation du débit droit aboutit à une augmentation de sa postcharge (absence de vasodilatation pulmonaire compensatrice à l’élévation du débit).

L’assistance gauche est privée d’une précharge adéquate tant que le débit du VD est insuffisant.

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Les prédicteurs indépendants de défaillance droite après implantation d’une assistance gauche sont une élévation de la bilirubine > 2 mg/L, de l’ALAT > 80 UI/L et de la créatinine > 230 mcmol/L, ainsi que le besoin de vasopresseur, la PVC > 15 mmHg, le rapport PVC/PAPO > 0.6, la présence de dysfonction droite à l’échocardiographie et la diminution du travail systolique du VD (RVSWI < 250 mmHg•mL/m2) [52,89,181,208,211]. L’HTAP n’est pas un critère fiable parce qu’elle traduit au contraire une capacité maintenue du VD à générer des pressions élevées. En postopératoire, le diagnostic de défaillance droite est posé sur plusieurs critères [334].

Dilatation du VD dans le champ opératoire (si sternotomie) ; Elévation de la PVC > 12 mmHg simultanément à une PAP normale ou basse ; Travail systolique du VD abaissé : RVSWI < 300 mmHg•mL/m2 ; Persistance de RAP élevées ; Dilatation du VD et de l’OD, bascule du septum dans les cavités gauches, effacement de

l’angle apical du VD ; Insuffisance tricuspidienne > II/IV ; Abaissement de la course de l’anneau tricuspidien (TAPSE) < 15 mm ; Abaissement de la Vmax de l’anneau tricuspidien (S) < 6 cm/s (Doppler tissulaire) ; Abaissement de l’accélération de la contraction isovolumétrique < 1.0 m/s2.

Le traitement de l’insuffisance tricuspidienne est l’objet de débat ; une plastie immédiate permet certes de diminuer la POD et la stase, mais elle prolonge l’intervention, augmente le risque d’insuffisance droite et n’améliore pas le pronostic vital à plus long terme [229]. Le traitement de la défaillance du VD et l’éventuelle implantation d’une assistance droite suffisent en général à réduire l’insuffisance tricuspidienne. La plastie de la valve n’est pas recommandée, vu les risques liés à une intervention supplémentaire et le faible gain fonctionnel de l’opération [57,294]. Le traitement de l'insuffisance droite est exposé plus haut (voir Insuffisance ventriculaire droite) et dans les Tableaux 12.5 et 12.10 ; voir aussi Anesthésie, insuffisance droite et HTAP. Les dosages des principales substances utilisées dans le traitement de la défaillance ventriculaire sont résumés dans le Tableau 12.15 (page 150). L’insuffisance congestive du VD est améliorée par l’association de milrinone, de prostaglandine, de sildenafil et/ou de NO•. Le levosimendan est l’inotrope le plus efficace dans ces circonstances ; idéalement, il est débuté 24 heures avant l’implantation. Un vasoconstricteur systémique (noradrénaline, vasopressine) est en général requis. Le traitement est adéquat lorsque la PVC baisse et que le septum interventriculaire reprend sa position physiologique. Si le traitement pharmacologique maximal est insuffisant (PVC > 18 mmHg, IC < 2 L/min/m2, septum basculé dans le VG), l’indication est posée à mettre en place une assistance droite temporaire (6-11% des cas) [52,170]. Plusieurs techniques d’assistance sont possibles, selon la durée prévisible jusqu’à la récupération : ECMO, CentriMag™ ou Impella™ pour le court terme, HeartMate II™, HeartWare™ ou Thoratec PVAD™ pour le long terme [202,309]. Sevrage Un sevrage est possible chez 5-10% des patients [140]. Il s’étend sur plusieurs jours, en diminuant le débit progressivement d’un litre par jour sous contrôle échocardiographique. Un support inotrope est momentanément utile. Le risque de thrombose lors d’un bas débit de la pompe oblige à revoir l’anticoagulation à la hausse (aPTT 80 sec). Pour le VG, les critères de sevrage complet permettant l’explantation sont une FE > 45%, une PAPO < 15 mmHg et un diamètre télédiastolique < 5.5 cm sous assistance minimale (environ 1 L/min). Pour le VD, les critères requis sont une PVC < 12 mmHg, un index cardiaque > 2.5 L/min/m2, une insuffisance tricuspidienne de degré ≤ II/IV, et un volume ventriculaire dans les limites de la norme (< 80 mL/m2) [7].

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Anesthésie pour chirurgie non-cardiaque chez un patient sous assistance ventriculaire Le nombre croissant de dispositifs ventriculaires implantés et les nombreuses comorbidités des malades amènent de plus en plus de patients porteurs d’assistance cardiaque en salle d’opération pour des interventions de chirurgie générale. Les spécificités de la prise en charge de tels malades réclament des connaissances approfondies de l’hémodynamique et de la mécanique de ces appareils. Quand bien même l’opération relève de la chirurgie non-cardiaque, il est capital que l’anesthésie et les soins postopépratoires soient gérés par l’équipe de chirurgie cardiaque coutumière de cette situation particulièrement complexe. La stratégie d’anesthésie chez un malade déjà sous assistance vise en premier lieu à préserver la fonction du ventricule non-assisté (en général le VD). Elle comporte plusieurs points [115,314].

L’anticoagulation (anti-vitamine K pour INR 1.5-2.0, enoxaparine 4’000-12'000 U/j) est substituée par de l’héparine non fractionnée en perfusion ; lorsqu’ils sont prescrits, les antiplaquettaires sont maintenus (aspirine 80-150 mg/j, clopidogrel 75 mg/j). En cas d’urgence ou d’hémorragie, le dérivé coumarinique n’est pas renversé avec de la vitamine K, car le risque de thrombose dans le circuit est trop dangereux ; on préfère contrer l’anticoagulation par l’administration précautionneuse de facteurs isolés en se basant sur les tests de coagulation (TP, aPTT, TT, fibrinogène) et le thromboélastogramme [125].

L’antibiothérapie prophylactique est impérative ; elle est choisie en fonction du traitement en cours et du risque infectieux propre de l’opération. Vu le risque infectieux, toutes les manoeuvres invasives sont pratiquées de manière strictement stérile.

Une alimentation électrique est assurée dès l’arrivée en salle d’opération (ne pas utiliser l’alimentation de transport).

Avec les systèmes à flux continu, aucun pouls n’est palpable ; il est donc difficile de canuler l’artère radiale, alors que l’artère fémorale peut l’être à la palpation même en l’absence de pouls. Le repérage par ultrasons est précieux pour faciliter la ponction. En flux dépulsé, l’oxymétrie périphérique (SpO2) perd sa fiabilité ; elle est avantageusement remplacée par l’oxymétrie cérébrale (ScO2) qui n’est pas tributaire de la pulsatilité et qui est un excellent repère du DO2 tissulaire.

Le cathéter de Swan-Ganz est précieux en cas d’assistance monoventriculaire gauche pour monitorer la fonction du VD ; il est inutile, voire bloqué par les valves, dans les assistances biventriculaires. Le choix entre un simple cathéter central ou un cathéter pulmonaire dépend de la fonction droite et du risque de l’opération. La console du dispositif affiche la vitesse de la pompe et son débit. Les RAS peuvent se calculer par la formule : [(PAM – PVC) / Dp] • 80 (dynes cm s-5) où Dp est le débit de pompe lu sur la console.

La précharge, évaluée par l’échocardiographie et par la PVC, doit être maintenue normale pour assurer le débit de pompe. Les systèmes pulsatiles fonctionnent en général sur un mode automatique qui déclenche la systole dès que la chambre ventriculaire est remplie ; l’hypovolémie se traduit par une baisse immédiate de débit, une "bradycardie" et une hypotension. Les systèmes à débit continu dépulsé calculent un index de pulsatilité (IP) proportionnel au remplissage vasculaire (IP normal : 4-5) [314].

o Hypovolémie : PVC < 10 mmHg, IP < 3 ; o Hypervolémie, congestion droite : PVC > 12 mmHg, IP < 3 ; o Hypertension artérielle (RAS hautes) : PVC < 10 mmHg, IP > 5.

Le poids et le volume des boîtiers enfouis dans la paroi abdominale antérieure comprime l’estomac lorsque le malade est curarisé ; il est donc prudent de le considérer comme un « estomac plein ».

L’échocardiographie transoesophagienne est nécessaire pour évaluer la précharge (volume de l’OG, taille des cavités droites) et la fonction du ventricule non assisté.

Le contre-Trendelenburg et le décubitus latéral diminuent le retour veineux vers la pompe. Une forte augmentation de postcharge (poussée hypertensive) diminue le débit efficace

(vidange partielle de la chambre pulsatile, baisse d’éjection de la turbine).

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En cas d’assistance monoventriculaire gauche, une défaillance droite est toujours possible ; un malade sur deux réclame un soutien inotrope (dobutamine, milrinone + adrénaline, levosimendan).

A part la baisse de la précharge, les agents d’anesthésie sont sans effet sur le système d’assistance ; en cas d’assistance monoventriculaire, il faut procéder selon la technique recommandée en cas d’insuffisance du ventricule non assisté. Le respirateur est réglé pour assurer une normoventilation avec une pression intrathoracique moyenne basse. Si le malade est porteur d’une ECMO, les agents intraveineux sont préférables aux halogénés car le transfert des gaz par les poumons est rendu aléatoire par la présence de l’oxygénateur.

Les RAP sont maintenues basses par hyperventilation normobarique, normothermie, contrôle du pH et anesthésie profonde. Le traitement éventuel de l’HTAP est continué en périopératoire (sildenafil, prostacycline, NO, etc).

Ni la fréquence des pulsations ni la pression artérielle ne sont des critères de la profondeur de l’anesthésie ; seule la fréquence de l’ECG du malade peut être un repère. Bien qu’il soit un monitorage peu fiable, le BIS est souhaitable pour apprécier le degré d’anesthésie.

Les appareils d’assistance sont en général protégés contre les courants de la diathermie ; le mode en fréquence fixe est moins sensible aux interférences électriques. La plaque de l’électrocoagulation doit être placée aussi loin que possible des circuits de la pompe.

En cas de réanimation, il faut s’abstenir de compression cardiaque externe, sauf si cela est indispensable, parce que celle-ci peut disloquer les canulations intracardiaques.

Anesthésie pour assistance ventriculaire gauche (I) La mise en place d’une assistance nécessite en général une CEC, donc une anesthésie générale. Monitorage: cathéter artériel (site choisi en fonction des canulations chirurgicales), cathéter pulmonaire de Swan-Ganz (si possible SvO2 continue), ScO2, ETO. Induction: etomidate - midazolam - fentanyl. Entretien: isoflurane/sevoflurane, perfusion de midazolam ou de propofol. Si instabilité extrême: canulation de CEC en anesthésie locale avant l’induction. La pompe d’assistance est mise en route avant la fin de la CEC: - Légère hypervolémie pour assurer une précharge suffisante - Pompe pulsatile: mode en fréquence fixe, le VS affiché renseigne sur la volémie - Pompe rotative: pression non-pulsée fonction de la vitesse du rotor; les pics de pression ajoutés par la contraction du VG renseignent sur la répartition des débits VG / pompe - ETO: septum interauriculaire et interventriculaire en position neutre - Bascule du septum vers la gauche: hypovolémie (aspiration excessive de la pompe) ou défaillance droite Problèmes fréquents en post-CEC: - Défaillance droite - Vasoplégie - Hémorragie (anticoagulation), tamponnade - Coudure/obstruction de canules

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Anesthésie pour assistance ventriculaire gauche (II) La mise en place d’une asistance monoventriculaire gauche induit une décompensation droite dans 30% des cas; plusieurs phénomènes sont en cause: - L’augmentation du retour veineux droit à cause de l’amélioration du débit gauche est excessive pour le VD dont la dysfonction était masquée par l’insuffisance gauche - La décompression gauche supprime l’aide apportée à l’éjection droite par la contraction du septum interventriculaire - Si les RAP ne sont pas basses, l’augmentation du débit droit se traduit pas une élévation de l’impédance dans l’AP et une augmentation de postcharge pour le VD L’insuffisance droite ne permet pas à l’assistance d’avoir une précharge adéquate. Une prise en charge proactive et rapide de la fonction droite est impérative:

- Soutien inotrope du VD (dobutamine, milrinone + adrénaline, levosimendan) - Vasodilatation pulmonaire (NO, prostacycline, nitroglycérine) - Nor-adrénaline/vasopressine pour maintenir la pression de perfusion coronarienne

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Hypertension pulmonaire Physiopathologie En transposant la loi d’Ohm à l’hémodynamique, on obtient l’équation utilisée pour calculer les résistances artérielles : RAP = (PAPm – POG) / DC. Si l’on extrait la pression artérielle pulmonaire de cette équation, on trouve : PAP ≈ POG + (DC • RAP). La pression de l’AP dépend donc de trois facteurs : la pression de l’OG (stase gauche, HTP postcapillaire), le débit pulmonaire (shunt gauche-droit) et les résistances artérielles pulmonaires (hypertension artérielle pulmonaire, HTAP précapillaire). Classification et pronostic L'hypertension pulmonaire (HTP), dont la physiopathologie est traitée plus en détail au Chapitre 5 (Hypertension pulmonaire), est définie par une pression moyenne (PAPm) supérieure à 25 mmHg dans l’AP au repos, et des RAP > 240 dynes•s•cm-5 ou > 3 U Wood (valeur normale : 60-120 dynes•s•cm-5, < 2 U Wood) [113,146,214,310]. La PAPO normale, représentant la POG, est < 15 mmHg. Avec l’âge, la PAP s’élève de 1 mmHg par tranche de 10 ans. Elle augmente aussi parallèlement au BMI. L’étiologie de l’HTP relève de 5 groupes de causes, selon la classification de l’OMS (Tableau 12.9) [146,310] :

1 - Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) proprement dite : o HTAP primaire (idiopathique familiale), la prévalence de l’HTAP primaire est de 15

cas (France) à 25 cas (Suisse) par million d’habitants (5% des cas d’HTP) [342]. o HTAP des cardiopathies congénitales (10% des cas adultes) ; la fermeture des shunts

cardiaques (gauche-droite) est contre-indiquée lorsque le rapport pression systémique/pression pulmonaire est > 0.7 et/ou les RAP > 4.5 U Wood (> 360 dynes•s•cm-5).

o HTAP secondaire des médicaments (anorexigènes comme l’aminorex, la fenfluramine ou le benfluorex, cocaïne, amphétamines, imatinib, interféron), à des maladies (HIV, hypertension portale, schistostomiase, sclérodermie), à l’obésité ou à l’âge ; vu sa fréquence (200 millions d’humains), la schistostomiase est probablement la principale cause d’HTAP dans le monde.

1’ - Maladie pulmonaire veino-occlusive. 1’’ - HTAP persistante du nouveau-né (2 :1'000 bébés). 2 - Hypertension pulmonaire (HTP) postcapillaire (P télédiast VG > 18 mmHg, PAPO > 15

mmHg, mais RAP < 3 U Wood et gradient transpulmonaire < 12 mmHg) : défaillance systolique ou insuffisance diastolique restrictive du VG, valvulopathie mitrale ; c’est la cause la plus fréquente d’HTP chez l’adulte (65% des cas) [93,344].

3 - HTAP associée à l’hypoxie alvéolaire : BPCO, emphysème, SDRA, apnée du sommeil (SAS), hypoxie d’altitude, PEEP excessive ; l’élévation de la PAP est en général modérée (PAPm 25-35 mmHg).

4 - HTAP liée à la maladie thrombo-embolique pulmonaire chronique ; 4% des embolies pulmonaires aiguës se soldent par une non-résorption des thrombi.

5 - HTAP d’origine multifactorielle non éclaircie (sarcoïdose, histiocytose X, maladie de Gaucher, anémie hémolytique, maladies myéloprolifératives, insuffisance rénale dialysée).

Dans les groupes 1, 3, 4 et 5, l’HTAP est précapillaire ; la POG et la PAPO sont normales (PAPO < 15 mmHg), et le gradient transpulmonaire (GTP = PAPm – POG, ou PAPm - PAPO) est > 12 mmHg ; les RAP sont élevées (> 240 dynes•s•cm-5 ou > 3 U Wood). L’HTAP chronique présente une progression dans les lésions anatomo-pathologiques, typiques d’une panvasculopathie (voir Chapitre 5, Figure 5.110) [259].

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Tableau 12.9

Classification de l’hypertension pulmonaire (HTP) selon l’OMS (2013) (D’après réf 310)

1 - Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)

• HTAP idiopathique • HTAP héréditaire (BMPR2, ALK1) • Toxicité médicamenteuse • HTAP associée à : HIV, hypertension portale, schistostomiase • HTAP des cardiopathies congénitales

1’ - Maladie veino-occlusive pulmonaire 1’’ – HTAP persistante du nouveau-né 2 - Hypertension pulmonaire liée à une cardiopathie gauche (postcapillaire)

• Dysfonction systolique du VG • Dysfonction diastolique du VG • Valvulopathie mitrale

3 - Hypertension pulmonaire liée à une pneumopathie et à l’hypoxie • BPCO • Apnée du sommeil • Hypoventilation alvéolaire (obésité) • Haute altitude

4 - Hypertension pulmonaire de la maladie thrombo-embolique chronique 5 - Hypertension pulmonaire sur mécanismes multifactoriels

• Anémie hémolytique chronique • Maladies myéloprolifératives • Sarcoïdose, histiocytose • Maladies métaboliques (Gaucher, thyroïde) • Obstruction tumorale, fibrose médiastinale, insuffisance rénale

Différences entre hypertension pulmonaire artérielle précapillaire (HTAP groupes 1, 3, 4, 5)

et hypertension pulmonaire veineuse postcapillaire (HTP, groupe 2) (D’après réf 216)

HTAP précapillaire HTP postcapillaire

Taille de l’OD Dilatée Peut être agrandie Taille de l’OG Normale Dilatée Rapport OD/OG OD > OG OG > OD Septum interauriculaire Bombé dans l’OG Bombé dans l’OD VG Comprimé Défaillant, IM, SM VD HVD, défaillance Dysfonction Septum interventriculaire Droit, bombé dans VG Normal PAP Haute Moins élevée PAPO < 15 mmHg > 15 mmHg Gradient transpulmonaire > 12 mmHg < 12 mmHg PAPdiast – PAPO > 7 mmHg < 5 mmHg Rapport E/A (flux mitral) << 1 > 1 Vmax E’ (anneau mitral) Normale Diminuée Rapport E/E’ < 8 > 12 Notching (flux CCVD ou AP) Habituel Rare

Hyperplasie intimale, épaississement des cellules endothéliales ; Hypertrophie de la média et muscularisation réversible des portions terminales de l’arbre

pulmonaire ; Prolifération des fibroblastes adventitiels ; Infiltration de cellules inflammatoires ; Occlusion progressive et thrombose des petits vaisseaux ;

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Lésions plexiformes d’angioprolifération dans l’HTAP idiopathique oblitérant les artérioles ; cette lésion est absente dans l’HTP postcapillaire.

L’HTP liée aux pathologies du cœur gauche (groupe 2) est la catégorie de loin la plus fréquente d’hypertension pulmonaire ; la moyenne d’âge y est plus élevée. Dans ce groupe, l’HTP est primairement postcapillaire : POG et PAPO élevées (> 15 mmHg), RAP et gradient transpulmonaire bas (≤ 12 mmHg) ; le gradient entre la PAPdiast et la PAPO est < 5 mmHg [93,344]. Cette élévation passive de la PAP est liée à l’augmentation de pression dans l’OG et dans les veines pulmonaires ; elle est réversible si la lésion gauche est corrigée (chirurgie de la valve mitrale, correction de la défaillance du VG). Cependant, cette HTP, qui induit aussi une dysfonction endothéliale avec altération de la production de NO et d’endothéline, est souvent accompagnée d’une vasoconstriction artériolaire réactionnelle (HTAP) qui augmente la PAP hors de proportion avec l’élévation de la pression veineuse pulmonaire (gradient transpulmonaire > 12 mmHg dans 45% des cas de PAPO > 15 mmHg). La finalité de cette vasoconstriction due au remodelage artériolaire est probablement de diminuer l’engorgement pulmonaire en freinant le débit : l’administration de vasodilatateurs pulmonaires (NO, époprosténol, bosentan) dans cette situation tend à augmenter la congestion capillaire et la POG et n’améliore pas le débit cardiaque ; elle peut même conduire à l’OAP [344]. Seuls les anti-phospho-diestérases-5 comme le sildénafil semblent améliorer la symptomatologie et baisser la PAP [135]. La présence d’une HTAP précapillaire dans le cadre des maladies du cœur gauche en aggrave significativement le pronostic et en triple la mortalité [93,194]. Bien que la correction chirurgicale des lésions gauches puisse normaliser la pression veineuse pulmonaire, cette vasoconstriction artérielle persiste dans le postopératoire immédiat, mais elle tend à diminuer avec le temps. Lors de défaillance diastolique du VG (insuffisance gauche restrictive à fraction d’éjection préservée), l’HTP est présente dans 80% des cas. La prévalence de l’HTP est de 40% dans l’insuffisance gauche à FE abaissée. Elle est de 75% dans la sténose mitrale et d’environ 30% dans l’insuffisance mitrale [135]. La mortalité augmente de 30% par 10 mmHg d’élévation de la PAPsyst : à 3 ans, elle est de 50% si la PAPs est ≥ 50 mmHg, mais de 27% si la PAPs est < 48 mmHg [179]. La difficulté pour le VD d’assurer la perfusion pulmonaire en cas d’HTAP fait que des RAP > 5 U Wood et un gradient transplmonaire > 15 mmHg sont des contre-indications à la transplantation cardiaque [221]. Le pronostic de l’HTAP est très réservé. Sans traitement, la survie moyenne est de 2.8 ans, seuls 34% des patients atteignent 5 ans ; chez les congénitaux, la survie est 2-3 fois supérieure [16,330]. Sous traitement, la survie globale à 1, 3, 5 et 7 ans est respectivement de 88%, 70%, 60% et 55% [27]. Dans toutes les affections auxquelles elle est associée, l’hypertension pulmonaire est un facteur aggravant majeur. En chirurgie, elle augmente de 2 à 4 fois la mortalité opératoire [168]. D’une manière générale, la survie est la plus faible dans l’HTAP de la maladie thromboembolique (survie à 5 ans sans chirurgie : 55%). Elle est meilleure dans l’HTAP primaire (survie à 5 ans : 66%) et la plus élevée dans les cardiopathies congénitales (survie à 5 ans : > 90%) [168]. En effet, les deux ventricules ont une masse égale pendant la vie intra-utérine ; s’il est exposé dès la naissance à une postcharge élevée, le VD conserve une structure fœtale et s’hypertrophie parallèlement au VG [47]. La mortalité n’est pas associée à la valeur de la PAP en elle-même, mais à l’étiologie, à la défaillance du VD et à la valeur des RAP (> 10 unités Wood) ou de la compliance. Physiopathologie En systole, l’arbre vasculaire pulmonaire doit absorber la totalité du volume systolique car la valve mitrale est fermée, raison pour laquelle les RAP sont dix fois plus basses que les RAS. Lorsque le débit cardiaque augmente à l’effort, les résistances vasculaires pulmonaires baissent afin de contenir cet excès de volume, mais la diminution des RAP ne peut pas être importante vu que le lit pulmonaire est déjà en vasodilatation active au repos. La PAP s’élève donc à l’effort. Une augmentation excessive de la PAP à l’exercice est un signe précoce de l’HTAP. Par contre, son augmentation au repos est un signe tardif puisqu’il faut que 50% de la circulation soit obstruée pour qu’elle reste élevée en permanence [186]. La postcharge du VD consiste en trois composantes : la résistance artériolaire fixe, l’impédance pulsatile et la compliance vasculaire. En clinique, on ne calcule que la première (RAP =

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(PAPm – PAPO)/DC), qui mesure la résistance moyenne comme si le flux était continu ; elle représente 60-70% de la résistance à l’éjection [184,349]. La deuxième quantifie la postcharge dynamique du VD puisqu’elle traduit l’opposition au flux dans un système pulsatile (Z = Pinst/flux) ; elle peut se calculer à partir du flux Doppler pulsé dans l’AP et de la mesure simultanée de la PAP. Elle représente le tiers de la postcharge du VD. Comme elle inclut la résistance et la rigidité des vaisseaux pulmonaires, elle offre une meilleure corrélation avec la survie que les RAP seules [149]. La compliance est le rapport entre le volume systolique et la pression pulsée (C = VS/PP, où PP = PAPs – PAPd). Contrairement à la circulation systémique où elle est localisée dans l’aorte et les grandes artères élastiques, la compliance pulmonaire est le fait de tout l’arbre vasculaire réparti à travers les poumons. L’arbre pulmonaire est donc un système à basse résistance et à haute compliance. Lorsque cette dernière diminue, la différentielle systolo-diastolique, ou pression pulsée, augmente. Comme la compliance et la résistance varient en sens inverse, leur produit (R • C, en 1/seconde) reste constant ; il représente la constante de temps qui caractérise la baisse de la PAP en diastole [184] ; il reste stable au cours du traitement de l’HTAP, alors que l’évolution naturelle de la maladie entraîne une baisse de compliance plus importante que l’augmentation des RAP. La compliance est donc un marqueur plus fin du degré d’HTAP [185] : un rapport VS/PP < 0.81 mL/mmHg prédit une probabilité de survie à 4 ans de < 40%, alors qu’un rapport > 2.0 prédit une survie de 100% [205]. D’ailleurs, la rigidité de l’arbre vasculaire (baisse de la compliance) est le principal déterminant lié à la diminution des indices de fonction du VD [318]. La relation qui unit la résistance et la compliance n’est toutefois pas linéaire, mais curvilinéaire et logarithmique [185]. Ainsi de petites variations de résistance se traduisent par de larges variations de la compliance lorsque les RAP sont basses et que la courbe est redressée, alors que les mêmes variations de résistance modifient peu la compliance lorsque les RAP sont élevées parce que la courbe est assez plate. Les vasodilatateurs pulmonaires sont donc plus efficaces au début de la maladie qu’en phase terminale. La silhouette de la courbe de pression systolique en AP illustre le degré de rigidité des vaisseaux pulmonaires (Figure 12.28A) : on voit une augmentation de la pression pulsée et de la pression de réflexion (pression réfléchie : voir Chapitre 5 Couplage ventriculo-artériel) caractéristique de l’HTAP ; la deuxième s’ajoute à la pression d’éjection du VD et augmente donc sa postcharge réelle [59]. Les vaisseaux pulmonaires, moins innervés que le circuit systémique, ont une répartition différente des récepteurs sympathiques ; les récepteurs α y sont rares et les récepteurs β prédominent. La stimulation sympathique a un effet préférentiellement β vasodilatateur lorsque les RAP sont basses, mais un effet α vasoconstricteur lorsque les RAP sont déjà élevées [323]. Les vasoconstricteurs comme la nor-adrénaline ou la phényléphrine ont moins d’effet sur la circulation pulmonaire que sur la circulation systémique [283]. Les récepteurs à la vasopressine semblent absents du lit pulmonaire, de même que les récepteurs à la phosphodiestérase-3 [38]. Les vaisseaux pulmonaires sont maintenus dans une vasodilatation active permanente, qui est la résultante d’un équilibre dynamique entre plusieurs éléments :

NO• : vasodilatateur sécrété localement par l’endothélium en fonction de la pulsatilité ; Prostacycline I2E1 : vasodilatation ; Endothéline E1 : vasoconstriction ; Thromboxane A2, sérotonine et angiotensine II : vasoconstriction ; Hypoxie alvéolaire (PaO2 < 60 mmHg) : vasoconstriction locale ; Hypercapnie et acidose (élévation de la [H+] locale) : vasoconstriction.

Les vasodilatateurs pulmonaires dimiuent également l’adhésivité plaquettaire, alors que les vasoconstricteurs l’augmentent ; de plus, les vasoconstricteurs favorisent la prolifération cellulaire endothéliale, myoblastique et fibroblastique. Dans l’hypertension pulmonaire, la production de NO• est freinée, et l’activité des phosphodiestérases-5, qui catabolisent le cGMP, est augmentée. Or ce dernier est le messager intracelulaire du NO• ; il abaisse la [Ca2+]i dans les cellules musculaires lisses et provoque une vasodilatation. Après une CEC, la production pulmonaire de NO• et de prostacycline diminue à cause d’une série de phénomènes : syndrome inflammatoire, lésion d’ischémie/reperfusion sur la circulation bronchique, protamine, etc. La noradrénaline étant métabolisée par l’endothélium pulmonaire, ses concentrations sont plus élevées en cas d’hypertension pulmonaire [176].

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 101

Figure 12.28 : Couplage entre le VD et la circulation pulmonaire. A : La réflexion de l’onde de pression due à la rigidité de l’arbre pulmonaire et à l’élévation des RAP donne lieu à une augmentation significative (ΔP) de la pression systolique par rapport à la pression avec laquelle le flux est éjecté du VD dans l’AP (Pe, pression d’entrée); cette augmentation de pression élève la postcharge du VD. L’index d’augmentation (ΔP/PP) s‘accroît avec la rigidité des vaisseaux. Le crochetage Pe correspond au “notching” typique de l’HTAP sur le flux Doppler dans l’AP (échocardiographie) [59]. B : Schématisation de la relation entre les résistances artérielles pulmonaires (RAP), le débit du VD (D VD) et la pression artérielle pulmonaire (PAP). L’HTAP est fonction de la capacité du VD à générer chroniquement des pressions pulmonaires élevées. Dès que le VD défaille, la PAP tend à redescendre, alors que la situation hémodynamique empire et que les RAS continuent à augmenter. Dans le laps de temps A (en jaune), la PAP mesurée est plus basse que précédemment, non par amélioration de la situation mais pas baisse de fonction du VD. La gravité clinique et le pronostic de la maladie tiennent donc davantage à la fonction ventriculaire droite qu’à la valeur de la PAP en elle-même [131]. La vasoconstriction pulmonaire hypoxique détourne le flux des zones mal ventilées vers celles qui le sont bien ; elle améliore l’appariement ventilation – perfusion et restreint l’effet shunt conduisant à la désaturation artérielle (voir Chapitre5, Figure 5.112). Par ce phénomène, une hypoxémie persistante conduit à une hypertension pulmonaire chronique. L’HTAP chronique présente une progression dans les lésions anatomo-pathologiques : muscularisation réversible des portions terminales de l’arbre pulmonaire et hypertrophie de la média, prolifération des fibroblastes adventitiels, puis épaississement des cellules endothéliales et enfin lésions plexiformes et fibrose (voir Chapitre 5, Figure 5.110 et Figure 12.38) [259]. Au stade terminal, l’HTAP sévère est fixée (PAPm > 55 mmHg, RAP > 10 U Wood ou > 800 dynes•s•cm-5) et n’est plus modulable. Dans les cardiopathies congénitales sur débit pulmonaire excessif (shunt G-D), la PAP voisine la PA systémique et le shunt devient bidirectionnel ; on parle alors de syndrome d’Eisenmenger [255]. L’arbre pulmonaire est alors constellé de thrombus muraux, d’où l’importance de l’anticoagulation. Le ventricule droit La circulation pulmonaire et le ventricule droit forment un tout fonctionnel qu’il est important d’étudier ensemble en fonction du couplage ventriculo-artériel [59]. La survie des patients souffrant

PAP

RAP

Temps

RAP

PAP D VD

Résistances Débit Pression

A

B

Augmentation Pression pulsée (PP)

A PAP (mmHg)

ΔP

Pe

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 102

d’HTAP dépend entièrement de la fonction du VD, car il faut la conjonction de deux éléments pour atteindre de hautes valeurs de PAP : une impédance artérielle et des résistances artériolaires élevées d’une part, et une force propulsive suffisante de l’autre. Celle-ci est fournie par le VD, dont la taille et l’hypertrophie ont une forte valeur pronostique pour la survie des patients. Ainsi, l’HTAP est fonction de la capacité du VD à générer chroniquement des pressions pulmonaires élevées. Une PAP de 90/50 mmHg signifie que le VD est capable de soutenir ce régime de pression. La défaillance droite se traduit au contraire par l’impossibilité de travailler contre une telle postcharge : la PAP tend à redescendre, alors que la situation hémodynamique empire (Figure 12.28B) [132]. La gravité et le pronostic de la maladie tiennent donc davantage à la fonction ventriculaire droite qu’à la valeur de la PAP en elle-même. En situation aiguë, un VD normal peut soutenir une PAPsyst de 40-60 mmHg pendant 1-2 heures avant de défaillir et de se dilater. En situation chronique et progressive, l’adaptation du VD à une augmentation de sa postcharge se fait par une hypertrophie concentrique et une transformation vers une forme plus arrondie qui le rendent davantage dépendant de la précharge et moins de la postcharge : plus il s’hypertrophie, plus le VD ressemble au VG (voir Chapitre 5 Dysfonction du VD). Mais les limites de ce processus sont vite atteintes, car le VD ne peut surmonter longtemps un excès de résistance à l’éjection et il commence à se dilater, ce qui augmente encore son stress de paroi et sa consommation d’O2, alors que sa perfusion coronarienne est davantage compromise [35]. La dilatation l’amène en butée contre le péricarde. Comme l’espace intrapéricardique est limité, l’augmentation de volume du VD fait basculer le septum interventriculaire dans la cavité gauche en diastole et limite le remplissage diastolique de celle-ci. Ainsi une surcharge de volume aggrave non seulement l’insuffisance congestive droite mais encore limite le remplissage et le volume d’éjection du VG. L’interaction diastolique par le déplacement du septum est au moins aussi importante que la faible éjection du VD dans la genèse du bas débit systémique [47]. Avec l’hypertrophie et l’élévation de postcharge, la durée de la contraction droite se prolonge et le VD se contracte encore lorsque le VG est déjà en diastole, ce qui produit un bascule systolique du septum vers la gauche et une dyskinésie septale qui gène l’éjection des deux ventricules [349]. L’augmentation de la postcharge gauche par un vasoconstricteur tend à repousser le septum dans sa position normale convexe dans le VD, donc à retrouver l’appui du VG dans l’éjection droite. La dilatation du VD (> 85 mL/m2) et de l’OD (S > 15 cm2/m, où m = hauteur de l’individu en mètre), l’élévation de la PVC (> 15 mmHg) et la baisse de la fonction systolique droite (FE < 0.35, voir Insuffisance ventriculaire droite) sont les principaux critères autorisant une évaluation pronostique. L’insuffisance cardiaque droite se caractérise par un bas débit et par une élévation de la pression veineuse centrale au repos, avec rétention liquidienne, stase veineuse, oedèmes, ascite, hépatopathie et insuffisance rénale. L’élévation de la POD > 15 mmHg peut rouvrir un foramen ovale perméable et occasionner un shunt droite – gauche cyanogène. La mortalité de la défaillance droite dans le cadre de l’HTAP s’élève jusqu’à 40% [133]. De plus, certains vasodilatateurs pulmonaires comme les anti-endothéline-1 (bosentan) ont un effet inotrope négatif sur le VD [35]. Hémodynamique Les patients souffrant d’hypertension pulmonaire se caractérisent par une perte complète de la compliance hémodynamique dans la circulation droite. Ils présentent une physiopathologie particulière [34,60,99].

Le débit pulmonaire est abaissé et relativement fixe ; il ne peut pas augmenter proportionnellement à la demande en O2, d’où cyanose à l’effort. Toute élévation du débit cardiaque se traduit par une élévation importante de la PAP, pour autant que le VD ne soit pas dysfonctionnel.

Face à l’augmentation chronique de sa postcharge, le VD dilate et s’hypertrophie (HVD). Plus il est hypertrophié, plus le VD se comporte comme le VG ; il tolère l’augmentation de postcharge mais son débit devient dépendant de la précharge ; il ne peut plus amortir les

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variations du retour veineux en maintenant le débit pulmonaire constant ; l’hypovolémie conduit à une baisse du débit pulmonaire et à une hypoxémie.

En diastole, la pression du VD hypertrophié et surchargé est supérieure à celle du VG ; le septum interventriculaire bombe dans le VG et réduit le remplissage diastolique gauche (Figures 12.7); l’élévation de la postcharge gauche (vasoconstriction artérielle systémique) tend à replacer le septum dans sa position physiologique.

Une hypotension systémique peut compromettre la perfusion coronarienne droite en réduisant la composante diastolique du flux coronaire vers le VD ; un vasoconstricteur systémique est requis pour parer au risque ischémique.

Si le foramen ovale est perméable, un shunt droite → gauche cyanogène peut s’installer à la faveur d’une augmentation excessive de la POD.

Malgré l’épaississement des parois artérielles pulmonaires, les petits vaisseaux artériolaires périphériques conservent une réactivité vasculaire ; les RAP peuvent encore augmenter par hypoxémie, hypercarbie, acidose, hypothermie ou stress sympathique.

Lors de la prise en charge de ces malades en salle d'opération ou aux soins intensifs, il est capital d'éviter toutes les situations qui peuvent aggraver les RAP:

Hypoventilation (hypercarbie, hypoxémie, atélectasies) ; Surpression intrathoracique (variable selon la fonction du VD, respecter une hyperventilation

normobarique) ; Acidose ; Hypothermie ; Stimulation sympathique (stress, douleur, anxiété) ; Anémie aiguë (seuil de transfusion Hb > 90 gm/L) ; la baisse du transport d’O2 ne peut être

compensée que par une augmentation du débit pulmonaire, qui élève considérablement la PAP.

Hypertension pulmonaire (HTP) Définition de l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP): PAP moy > 25 mmHg au repos et RAP > 240 dynes•s•cm-5 (valeur normale : 60-120 dynes•s•cm-5, < 2 U Wood). Classification de l'OMS: - HTAP essentielle: HTAP primaire, HTAP des cardiopathies congénitales, HTAP secondaire (médicaments, obésité, âge); - HTP postcapillaire (insuffisance ventriculaire gauche, valvulopathie mitrale); - HTAP due à l'hypoxie alvéolaire (BPCO, SAS, haute altitude); - Maladie thrombo-embolique pulmonaire, - HTAP d’origine multifactorielle non éclaircie. Syndrome d'Eisenmenger: HTAP fixée aréactive, PAPm > 55 mmHg, RAP > 800 dynes•s•cm-5. Impact clinique de l'HTP: - Débit pulmonaire fixe, hypoxémie à l'effort ou lors d’hypovolémie - Maintien de la réactivité des petits vaisseaux (vasoconstriction pulmonaire hypoxique) - Hypertrophie du VD: débit droit dépendant de la précharge, intolérance à l'hypovolémie - Risque ischémique du VD élevé en cas d'hypotension systémique - Insuffisance diastolique du VG (effet Bernheim) - Dilatation et décompensation du VD - Shunt D → G si foramen ovale perméable Le pronostic de l’HTP tient davantage à l’état fonctionnel du VD qu’à la valeur de la PAP.

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Clinique de l’HTP La symptomatologie de l’HTP est peu spécifique : dyspnée, fatigabilité, hypoxémie, cyanose d’effort, syncope, pseudo-angor, signes d’insuffisance ventriculaire droite (hépatomégalie, ascite, oedèmes). Elle peut s’accompagner d’hémoptysies. La polycythémie compense la baisse de la PaO2. L’ECG montre des signes d’HVD : déviation droite, grandes ondes R en V1 et V2, BBD, S1Q3. La radiographie du thorax décèle une dilatation du VD, de l’OD (coeur globulaire) et des artères pulmonaires, avec une périphérie claire. L’échocardiographie montre une dilatation et une hypertrophie du VD, une dilatation de l’OD, un aplatissement et un mouvement paradoxal du septum interventriculaire, et une insuffisance tricuspidienne (voir Figure 12.7). La symptomatologie fruste de l’HTP rend son diagnostic précoce difficile, ce qui est malheureux vu l’efficacité de la thérapeutique lorsqu’elle est débutée tôt dans l’évolution de la maladie. La mesure de la PAP au repos manque de finesse, car son élévation est relativement tardive dans l’évolution de la maladie. La baisse de la compliance vasculaire pulmonaire, l’augmentation des RAP, l’élévation de la PAP à l’effort ou au stress hypoxique (FiO2 < 0.15) et l’angio-IRM au gadolinium sont des éléments qui traduisent plus précocement une altération de l’hémodynamique pulmonaire [186]. L’évaluation du VD (échocardiographie, IRM) est essentielle car la fonction ventriculaire droite possède davantage de portée pronostique que la valeur de la PAP. Les critères de sévérité de l’HTAP sont [60,186,215] :

PAPm > 35 mmHg, RAP > 380 dynes•s•cm-5 ; SaO2 < 90%, Hb > 150 gm/L, SvO2 < 65%, VO2 max < 10 mL/min/kg ; Test de marche de 6 min < 300 m ; Dysfonction du VD : FE < 0.3, dilatation du VD (Vtd > 85 mL/m2) et de l’OD (SOD > 12

cm2/m), PVC > 12 mmHg, index systolique < 25 mL/m2 ; NT-proBNP > 365 pg/mL.

Trois examens se partagent la faveur dans l’investigation des malades suspects d’hypertension pulmonaire.

L’échocardiographie ; examen de dépistage idéal pour l’évaluation de la fonction, de la taille et du remodelage du VD et de l’OD, pour la performance du VG, et pour l’appréciation de la PAPs par le truchement de la Vmax de l’insuffisance tricuspidienne, dans la mesure où celle-ci est quantifiable (voir Figure 12.12). La corrélation entre la PAPs évaluée à l’écho et celle mesurée au cathétérisme est toutefois modeste (r = 0.7), mais suffisante pour un examen de dépistage ou de suivi ; elle est moins bonne lorsque la PAP est très élevée [153]. Une divergence de > 10 mmHg survient dans 48-51% des cas, en surestimation comme en sousestimation [100,281]. Lorsque le flux pulmonaire est excessif (shunt G-D), la PAPsyst augmente davantage que la PAPm, ce qui biaise le calcul [255]. Bien que sa forme complexe rende l’évaluation fonctionnelle du VD difficile, plusieurs méthodes permettent d’en évaluer la performance.

o TAPSE (tricuspid annular plane systolic excursion) : déplacement longitudinal de la partie latérale de l’anneau tricuspidien (normal : ≥ 22 mm, vélocité ≥ 18 cm/s) (voir Chapitre 25, Figure 25.77) ; mesure pertinente parce que la majeure partie de l’éjection du VD a lieu par la contraction longitudinale. En cas d’HTAP primaire, la mortalité à 2 ans est quadruplée lorsque le TAPSE est < 18 mm [103].

o Indice de Tei : il mesure la contraction isovolumétrique (CI), l’éjection (Ej) et la relaxation isovolumétrique (RI) ; il compare la durée (en ms) des phases isovolumétriques avec celle de l’éjection : (CI + RI) / Ej (voir Chapitre 25 Figure 25.69). La valeur normale est 0.4-0.5 ; elle s’élève en cas de dysfonction.

o Raccourcissement/épaississement pariétal au Doppler tissulaire o FE par échocardiographie tridimensionnelle (3D), plus performante pour la mesure

des volumes.

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L’IRM ; meilleure technique pour la mesure des volumes, de la masse myocardique et de la fraction d’éjection du VD ; possibilité d’évaluer la fonction diastolique du VD et de mesurer le flux artériel pulmonaire ou de réaliser une angiographie pulmonaire. Contre-indications : claustrophobie, matériel prosthétique, pace-maker non IRM-compatible, etc.

Le cathétérisme droit ; mesure-étalon de la PAP, de la PAPO et des RAP, nécessaire avant d’envisager un traitement vasodilatateur pulmonaire ; il permet la catégorisation en HTAP précapillaire (PAPO < 15 mmHg) et HTP postcapillaire (PAPO > 15 mmHg, où les vasodilatateurs pulmonaires sont contre-indiqués) ; il permet aussi d’évaluer la réversibilité de l’HTAP sous NO. Couplé à une épreuve d’effort, il permet également de débusquer l’HTP des patients souffrant d’insuffisance diastolique du VG [146].

Le degré de réversibilité de l’HTAP est évalué en préopératoire par un test au NO• (inhalation de 10-30 ppm au masque), à l’adénosine (6-12 mg iv) ou à l’époprosténol (> 2 ng/kg/min). On considère que l’HTAP est encore réversible si la PAPm baisse de > 25% (> 10 mmHg) et les RAP de > 30% (en dessous de 400 dynes s cm-5) sans diminution du débit cardiaque [34]. Le test de réversibilité sélectionne les patients souffrant d’HTAP primaire (OMS groupe 1, Tableau 12.9) susceptible de répondre aux bloqueurs calciques ; il n’est pas recommendé dans les autres formes d’HTP [146]. Chez les congénitaux avec un haut débit pulmonaire, la PAP peut ne pas se modifier malgré une baisse des RAP parce que le flux pulmonaire augmente à la faveur de la vasodilatation [255]. La mortalité annuelle moyenne de l’HTP est de 15% par an [28]. Le rapport entre le volume systolique (VS) et la pression artérielle différentielle (PAPs – PAPd) est un bon indice pronostique, parce qu’il traduit la compliance artérielle pulmonaire (valeur normale : environ 5 mL/mmHg). Comme la circulation pulmonaire est hautement pulsatile, ni la PAPm ni les RAP ne sont de bons critères pronostiques, alors que la compliance vasculaire (C = VS/PP) est bien corrélée à la survie [184]. La fonction du VD est le déterminant essentiel du devenir: la mortalité est proportionnelle au degré de dysfonction du VD, et non directement liée à la valeur de la pression pulmonaire [278]. En effet, l’HTAP est fonction de la capacité du VD à générer chroniquement des pressions pulmonaires élevées, alors que la défaillance droite se traduit par l’impossibilité d’une élévation de la PAP. En cas d’insuffisance droite, la PAP tend à redescendre, alors que la situation hémodynamique empire (voir Figure 12.28B). Hypertension pulmonaire et chirurgie En périopératoire, l’HTAP est un facteur de risque majeur en chirurgie cardiaque comme en chirurgie non-cardiaque. La mortalité opératoire est augmentée de 4 à 25 fois. Elle est de 2.4% dans la chirurgie mineure, elle est quadruplée en chirurgie orthopédique (OR 4.0 lors de prothèse totale de hanche et OR 4.5 lors de prothèse totale de genou) [223], elle est de 7% en chirurgie viscérale [278], et de 25-50% lors de césarienne [24] ; d’où la contre-indication absolue à une grossesse chez les patientes souffrant d’HTAP. La morbidité est élevée (40%) : insuffisance respiratoire, défaillance droite, arythmies [278]. Les principaux facteurs aggravant la mortalité sont une anamnèse d’embolie pulmonaire, une hypertrophie du VD, une dysfonction du VD (indice de Tei > 0.7) et un rapport RAP/RAS > 0.6 [278]. En chirurgie cardiaque, il est recommandé d’administrer la substance nébulisée chez le patient avant la CEC (iloprost, milrinone) [335]. Lorsqu’un patient est sous NO dès l’induction de l’anesthésie, certains centres le continuent pendant la circulation extra-corporelle (CEC) en maintenant une ventilation pulmonaire pour éviter l’effet rebond lors de son interruption. Après une CEC, les RAP tendent à augmenter à cause de plusieurs phénomènes : lésions cellulaires d’ischémie-reperfusion, dysfonction endothéliale sur la réaction inflammatoire à la CEC avec baisse de production de NO et sécrétion accrue d’endothéline, diminution du taux de L-arginine précurseur de la L-citrulline donneuse de NO. A cela s’ajoutent les problèmes hémodynamiques (stase gauche), ventilatoires (vasoconstriction hypoxique, œdème, atélectasies) et pharmacologiques (protamine). Un traitement spécifique de l’HTAP doit démarrer dès que la PAPsyst est supérieure au tiers de la pression

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systolique systémique [328]. Le rapport entre les pressions moyennes systémique et pulmonaire (PAM/PAPm) est significativement plus bas (3.3 au lieu de ≥ 4.0) chez les patients qui présentent des complications cardiovasculaires après chirurgie cardiaque ; comme il n’est pas modifié par l’anesthésie, ce rapport est plus pertinent que la valeur absolue de la PAP [288]. L’augmentation du gradient entre la PaCO2 artérielle et la PetCO2 expirée signe une baisse du débit pulmonaire. Hypertension pulmonaire et grossesse La mortalité chez les parturientes souffrant d’HTAP est de 30-56% [24,216]. Actuellement, un traitement assurant le contrôle de la PAP dans des limites raisonnables (RAP 5-7 U Wood) et un suivi très serré dans un centre spécialisé ne permettent de mener à terme que 60% des grossesses [279]. Les antagonistes du récepteur de l’endothéline doivent être stoppés car ils sont tératogènes, mais les anticoagulants (HBPM), les prostacyclines et les IPDE-5 sont poursuivis. Il est conseillé de prévoir une césarienne élective dès la 34ème semaine [113]. Ventilation et hypertension pulmonaire Pour l’anesthésiste et l’intensiviste, ventiler les patients souffrant d’HTP est souvent un défi clinique. La ventilation mécanique de ces malades est un compromis entre une hyperventilation active pour baisser les RAP et le maintien d'une pression intrathoracique moyenne (Pit) basse pour éviter une augmentation de postcharge droite. Si le volume courant est faible, on risque des atélectasies, une hypercarbie, et une augmentation des RAP dans les petits vaisseaux péri-alvéolaires; s'il est élevé, l'hyperinflation augmente la Pit et comprime les gros vaisseaux extra-alvéolaires par la distension des alvéoles pulmonaires [99]. Le volume courant idéal correspond à celui de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) (Figure 12.29). Il faut jouer sur le volume courant, la fréquence et le mode ventilatoire pour obtenir la PaCO2 et la Pit moy les plus basses possible. De ce point de vue, la durée de l'inspirium augmente davantage la Pit moy que la valeur du pic inspiratoire de pression. Toutefois, deux phénomènes importants viennent faciliter la tâche du clinicien.

La compression des gros vaisseaux extra-alvéolaires, dans la partie droite du graphique de la Figure 12.29, ne s’applique pas réellement au patient souffrant d’HTAP, parce que la paroi épaissie et rigide de ses vaisseaux pulmonaires empêche toute compression par une ventilation à haut volume courant. Il n’y a donc pas lieu de craindre une augmentation significative de la PAP lors d’une hyperventilation mécanique.

L'accroissement de postcharge pour le VD que représente l'IPPV est très faible par rapport à sa postcharge habituelle: ajouter une Pit moy de 10 mmHg à une PAPmoy de 50 mmHg modifie moins les conditions hémodynamiques que lorsque la PAPmoy est normale (20 mmHg). Le risque de décompensation du VD est donc très faible lorsque les pressions ventilatoires restent dans les limites habituelles [60].

De plus, l'IPPV offre la possibilité d'hyperventiler le patient et, ce faisant, de diminuer ses RAP par alcalose respiratoire. Seule une dysfonction droite isolée sans élévation chronique de la pression pulmonaire présente un risque de décompensation majeure lors d’IPPV, mais non la situation d’une HTP chronique accompagnée d’une hypertrophie ventriculaire droite [99]. La réaction hémodynamique du patient à l'IPPV peut être testée en préopératoire en lui faisant réaliser une manoeuvre de Valsalva une fois le cathéter artériel en place et en observant l'évolution de la pression artérielle. Le plus souvent, les variations respiratoires sont atténuées et la pression moyenne (PAM) est stabilisée à une valeur très légèrement inférieure (< 15%) à sa valeur en spontanée. Ceci laisse présager une bonne tolérance à l’IPPV.

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Figure 12.29: Evolution des résistances vasculaires pulmonaires (RAP) avec la ventilation. A : Situation normale. A bas volume courant, les RAP s'élèvent dans les petits vaisseaux par vasoconstriction périphérique sur hypoventilation et hypercapnie. A haut volume courant, elles s'élèvent dans les gros vaisseaux périalvéolaires qui sont étirés et comprimés mécaniquement. La résultante (courbe rouge) montre que le meilleur compromis est obtenu au volume de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF). Ceci correspond à une ventilation à 6-8 ml/kg (d’après réf 99). B : En cas d’hypertension pulmonaire chronique, les parois artérielles sont épaissies, avec une média muscularisée, une prolifération sous-endothéliale et une fibrose de l’externa (coupe d’une artère pulmonaire en cartouche). Ces vaiseaux ne sont plus compressibles par la pression intrathoracique. La courbe corrrespondant aux gros vaisseaux est donc aplatie, et les RAP totales n’ont plus une forme en « U » ; elles n’augmentent plus à haut volume courant. Ces patients tolèrent donc très bien l’hyperventilation en IPPV. Hypertension pulmonaire de haute altitude Avec l’altitude, la PaO2 baisse (75 mmHg à 4'800 m, 40 mmHg à 8'800 m) et la PAP moyenne augmente (15 mmHg à 2'000 m et 30 mmHg à 4'500 m). Les poumons subissent une vasoconstriction hypoxique massive (RAP augmentée de 100 à 300%) qui se généralise à l’ensemble des poumons, mais reste inhomogène (voir Chapitre 5, Hypertension pulmonaire). Cette vasoconstriction est un phénomène rapide et soutenu, doublé par un remodelage vasculaire et une muscularisation des vaisseaux distaux lors de passage à la chronicité [355]. Le DO2 est maintenu tant bien que mal par une extraction accrue, une hyperventilation, une érythrocytose et une augmentation de la fréquence cardiaque, mais l’HTAP sollicite gravement le VD dont le risque de défaillance est élevé. L’OAP (HAPE : high-altitude pulmonary edema) est lié à l’inhomogénéité de la vasoconstriction hypoxique : il se déclenche dans les zones non vasoconstrictées face à l’augmentation de la PAP ; ces dernières sont perfusées sous haute pression, mais ne sont pas protégées par la vasoconstriction. Le traitement consiste en O2, redescente à basse altitude, acétazolamide, nifédipine, dexaméthazone et IPDE-5 (sildénafil, tadalafil). La réponse vasculaire pulmonaire à l’altitude possède une forte empreinte génétique. Ainsi, les Tibétains conservent une production normale de NO et présentent une PAP normale alors qu’ils vivent au dessus de 3’600 m ; ils ont une Hb jusqu’à 20% plus basse que les gens des plaines acclimatés à l’altitude. Les Amérindiens des Andes, au contraire, affichent une hyperérythrocytose et un remodelage vasculaire réversible [355].

CRF

Gros vaisseaux Petits vaisseaux

RAP totales

RAP

Volume courant pulmonaire

RAP

Volume courant pulmonaire A B

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Clinique de l’HTAP

Le pronostic de l'HTAP sévère (mortalité annuelle 15%) tient davantage à la fonction ventriculaire droite qu'à la valeur de la pression pulmonaire. Critères de risque périopératoire en cas d'HTAP:

- PAPmoy > 35 mmHg, RAP > 4.5 U Wood - SaO2 < 90%, SvO2 < 65%, Hb > 150 gm/L - Test de marche de 6 min < 300 m - Dysfonction ventriculaire droite

Facteurs aggravants: hypoxie, hypercarbie, atélectasie, acidose, hypothermie, stress, douleur. Bien que l’HTAP multiplie 2-20 fois le risque cardiaque périopératoire, le facteur pronostique le plus important est la fonctioin du VD: lorsqu’il défaille, le VD ne peut plus générer une PAP élevée. Les RAP augmentent en cas d'hypoventilation (vasoconstriction pulmonaire hypoxique) et en cas de ventilation à haut volume courant (occlusion des vaisseaux par la distension alvéolaire). Mais en cas d'HTAP avec HVD, trois éléments favorisent l'IPPV: - La paroi épaisse et rigide des vaisseaux pulmonaires empêche leur compression à haut VC - L'IPPV représente un faible accroissement de postcharge pour le VD en cas d'HVD - L'hyperventilation permet une certaine vasodilatation artériolaire pulmonaire Traitement de l’HTAP La vasodilatation artérielle pulmonaire n’a de sens que si les RAP et le gradient transpulmonaire (GTP = PAPm – PAPO) sont élevés : RAP > 250 dynes•s•cm-5, GTP > 12 mmHg. Elle est essentielle dans l’hypertension pulmonaire du Groupe 1 (voir la classification dans Physiopathologie) et utile dans celle des groupes 3, 4 et 5, mais elle est inappropriée dans l’HTP du groupe 2 (voir Tableau 12.9), qui comprend l’HTP postcapillaire liée à la dysfonction du VG et aux valvulopathies mitrales (gradient transpulmonaire < 12 mmHg) ; dans cette situation, qui représente la majorité des patients souffrant d’HTP en clinique, les vasodilatateurs pulmonaires comme les prostaglandines ou les anti-endothélines tendent à augmenter la congestion pulmonaire (risque d’OAP), et aggravent la mortalité. Un cathétérisme droit est donc recommandé avant de débuter un traitement vasodilatateur pulmonaire. Il permet également de procéder à un test de réversibilité au NO•, considéré comme positif si la baisse de la PAPm est de > 10 mmHg ou de > 25% sans modification du débit cardiaque [34]. Les bloqueurs calciques ne sont indiqués que si le test de réversibilité au NO•/anticalcique s’est révélé positif. Dans l’HTAP primaire, la combinaison d’une prostaglandine (treprostinil, iloprost), d’un anti-endothéline (bosentan) et d’un inhibiteur des phospho-diestérases-5 (sildenafil) réduit la mortalité de 43% [114]. Dans l’HTAP d’origine thrombo-embolique, la thrombendartérectomie chirurgicale permet un diminution de moitié de la PAP et de la mortalité [168,203,316]. D’une manière générale, le traitement étiologique est prioritaire lorsqu’il existe une cause primaire. Le traitement de l’HTAP comprend plusieurs volets : mesures générales, prise en charge de la poussée aiguë, traitement par inhalation, traitement chronique à long terme. Bien qu’elles ne soient pas en elles-mêmes des hypotenseurs pulmonaires, certaines substances sont nécessaires dans la thérapeutique chronique de l’HTP.

Diurétiques, restriction liquidienne et restriction sodée : adaptation de la précharge du VD en cas d’insuffisance droite et de congestion veineuse systémique ;

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Anticoagulants : une coumarine dosée pour viser un INR de 1.5 – 2.5 est indiquée dans la maladie thrombo-embolique et dans l’HTAP primaire au stade avancé où des thrombus muraux se déposent dans l’arbre vasculaire ;

Oxygène : le but est de maintenir la SaO2 > 90%, notamment pendant le sommeil. Inhalation et nébulisation En anesthésie et en réanimation, la première étape du traitement aigu de l’HTAP est ventilatoire, parce que l’alcalose respiratoire, l’inhalation de gaz et la nébulisation de substances sont les seules techniques qui permettent de baisser la pression artérielle pulmonaire sans hypotension systémique [34,148,357]. L’inhalation présente le double avantage de ne pas causer d’hypotension ni de freiner la vasoconstriction pulmonaire hypoxique des zones non-ventilées, puisque les substances ne sont distribuées que dans les alvéoles ventilées ; de ce fait, l’hypoxémie ne s’aggrave pas.

Hyperventilation : l'hypocapnie (PaCO2: 30-35 mm Hg) et l'alcalose (pH = 7.45) ont des effets vasodilatateurs pulmonaires sans vasodilatation du lit systémique ; c'est le pH ([H+]) et non la PaCO2 qui règle le tonus vasculaire pulmonaire ; la FiO2 doit être élevée (> 0.7), les pressions de ventilations basses et le volume courant proche de la CRF (6-8 mL/kg). La réactivité des RAP à l'acidose et à l'alcalose est accentuée en cas d'hypoxie et d'hypertension pulmonaire [34]. Les résistances vasculaires pulmonaires sont minimales au volume de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) (Figure 12.29). Le ventilateur est réglé de manière à obtenir la pression de ventilation moyenne minimale (6-10 mmHg) pour une PetCO2 de 30-35 mmHg.

NO• (voir Chapitre 5 Monoxyde d’azote) : à raison de 10 – 30 ppm dans le circuit inspiratoire du ventilateur, le NO• inspiré est sans effet systémique car il est immédiatement inactivé par sa liaison avec l’hémoglobine. Il diminue la PAP et les RAP de manière aiguë lorsqu’elles sont élevées, soulage la postcharge du VD et améliore sa fonction. Dans le SDRA, il améliore les échanges gazeux, car la vasodilatation a lieu exclusivement dans les alvéoles ventilées. Toutefois, le NO• ne modifie pas la mortalité et n’induit pas de régression à long terme du remodelage ventriculaire et artériel pulmonaire [136]. D’autre part, il diminue l’agrégabilité plaquettaire. Son sevrage peut être difficile à cause d’un effet rebond sur l’HTAP, qui peut être tempéré par l’administration de sildénafil ou de milrinone [166,242]. Si les RAP ne diminuent pas dans les 30 minutes qui suivent l’administration de NO•, la substance est inefficace et le traitement doit être interrompu [21].

Prostacyclines : par stimulation de l'adénylate-cyclase, elles accroissent le taux d’AMPc et provoquent une vasodilatation artérielle pulmonaire : iloprost en spray nasal (Ilomedin®, 10-20 mcg en 20 min) à répéter toutes les 3-4 heures (demi-vie 30 minutes), ou en nébulisation continue (0.2-0.3 mL/min d’une solution de 10-20 mcg/mL). En traitement aigu, les prostacyclines ont un effet additif avec le NO• [298]. Des études comparatives montrent que l’iloprost est légèrement plus efficace que le NO• et plus facile d’emploi [357]. Les prostacyclines diminuent l’agrégabilité plaquettaire.

Inhibiteurs des phosphodiestérases-3 : nébulisée au lieu d’être administrée en perfusion, la milrinone a moins d’effet hypotenseurs systémiques et davantage d’efficacité pulmonaire ; nébulisation d’une solution de 1 mg/mL à 0.2-0.3 mL/min pendant 10-20 minutes [180]. Elle est moins coûteuse que le NO et les prostaglandines, plus facile à administrer, et ne provoque pas d’effet rebond lors de son interruption [335]. Cependant, la validité de ce traitement se heurte au fait qu’on n’a jamais démontré la présence de récepteurs IPDE-3 dans le lit pulmonaire.

Nitroglycérine : nébulisation à raison de 2.5 mcg/kg/min ; moins efficace que les précédents. Agents systémiques Les agents vasodilatateurs pulmonaires administrés par voie systémique présentent tous un certain effet hypotenseur artériel [9,34,148]. Un traitement médical débuté tôt dans l’évolution de la maladie

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et une combinaison de prostacyclines, d’anti-phosphodiestérase-5 et d’anti-endothéline permettent un certain contrôle de la symptomatologie [215,216].

Prostacyclines : utilisées en traitement chronique et aigu, elle peuvent s’administtrer par voie

systémique. Les prostacyclines restent indispensables dans le traitement de l’HTAP pour baisser la PAP, mais ne semblent pas en diminuer la mortalité [17,136].

o Epoprosténol (Flolan®) en perfusion par voie centrale (2-5 ng/kg/min, demi-vie 4-6 min) ; en traitement chronique, le dosage s’élève à 25-40 ng/kg/min ; réduction du risque de 70% [112] ;

o Treprostinil (Remodulin®) oral, sous-cut ou iv (1.25-2.5 ng/kg/min, demi-vie 3 heures);

o Beraprost ; la seule forme orale (80-120 mg 4 x/j) ; o Iloprost (Ilomedine®) oral, iv ou inhalé (2.5-5 mcg/dose en inhalation, perf 10-20 mcg

en 20 min) ; o La prostaglandine E1 (Prostine VR®) est abandonnée à cause de ses effets

secondaires. Inhibiteurs des phosphodiestérases-5 (IPDE-5) (augmentation de cGMP, voie du NO) : le

sildénafil (Viagra®, Revatio®) (20-50 mg per os 3 x/jour ; il en existe une forme intraveineuse) diminue la PAP et le remodelage du VD, potentialise le NO• et en facilite le sevrage [190] ; il baisse les RAP après chirurgie cardiaque [339] ; la capacité à l’effort est améliorée lors d’HTAP primaire ou secondaire à la haute altitude [10,136,285]. Comme il agit par des voies différentes, il peut être associé au NO• et aux prostaglandines [228,277]. Après une CEC, le sildénafil est souvent plus efficace en association à la L-arginine (15 g/j). Non seulement le sildénafil est un vasodilatateur pulmonaire, mais il possède encore un effet inotrope positif sur le VD et en freine le remodelage hypertrophique [59]. Les IPDE-5 sont la seule classe de vasodilatateurs pulmonaires ayant un effet bénéfique sur l’HTP liée aux pathologies du cœur gauche [129].

Autres inhibiteurs des PDE-5: tadalafil (Adcirca® 40 mg/j), vardenafil, zaprinast. Le dipyridamole (Persantine®) (0.2-0.6 mg/kg iv en 15 minutes, à répéter après 12 heures) est modestement efficace.

Anti-endothélines : le bosentan (Tracleer) est un inhibiteur non spécifique anti ETA et ETB ; le sitaxsentan (Thelin) et l’ambrisentan (Volibris) sont des inhibiteurs spécifiques du récepteur ETA. Le bosentan est efficace sous forme orale (125-250 mg 2 x/j) pour le traitement chronique [292] : baisse des RAP et frein au remodelage. Il présente un risque d’hépatotoxicité, que n’ont ni l’ambrisentan ni le macitentan (Opsumit) [112,116].

Agissant sur des points d’impact différents, les IPDE-5 et les anti-ET sont particulièrement efficaces en combinaison dès le début du traitement (par exemple tadalafil + ambrisentan) [111].

Riociguat (Adempas) : nouvel agent oral qui augmente le taux de cGMP et la sensibilité de ce dernier au NO ; le résultat est une vasodilatation et une action antiproliférative et antifibroblastique. Il baisse les RAP et améliore le périmètre de marche [120], mais ne représente pas un progrès majeur. Il ne peut pas être utilisé en association avec les IPD-5.

Arginine : par sa transformation en citrulline, le chlorure d’arginine (15 mg/kg/min) fournit le substrat nécessaire à la production de NO ; jusqu’ici, un seul essai contrôlé a démontré son efficacité, mais elle est probablement indiquée après une CEC, parce que celle-ci abaisse le taux d’arginine.

Citrulline : ce précurseur du NO• peut réduire l’HTAP des cardiopathies congénitales chez l’enfant (perfusion 9 mg/kg/heure) [22] ; données pour l’instant limitées.

Magnésium : le Mg2+ (5-10 mmol) a un certain effet dilatateur pulmonaire de type anticalcique.

Bloqueurs calciques : utiles à haute dose chez le 15% des malades qui y sont répondeurs (prouvés par un test de réversibilité positif), ils sont inutiles chez les autres et peuvent causer une hypotension systémique [282] ; ils sont contre-indiqués chez les congénitaux car la vasodilatation systémique peut accentuer l’effet cyanogène d’un shunt bidirectionnel [255]. Nifédipine (Adalat® 15 mcg/kg/heure), 5-10 mg (30 mg slow release) per os dans les cas de

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vasoconstriction pulmonaire hypoxique de l'altitude (jusqu’à 120-240 mg/j total) ; amlodipine (Amlor) 2.5-20 mg/j.

Imatinib (Glivec) : agent anticancéreux qui a un effet antiprolifératif sur la fibrose et le remodelage des vaisseaux pulmonaires ; malheureusement, il a un effet inhibiteur et pro-apoptotique sur le VD [59].

Substances avec activité vasodilatatrice pulmonaire dont l’effet inotrope positif améliore la fonction du VD (les dosages des principales substances utilisées dans le traitement de la défaillance ventriculaire sont résumés dans le Tableau 12.15, page 150).

o Inhibiteurs des phosphodiestérases-3 (augmentation de cAMP) : les IPDE-3 sont inodilatateurs systémiques mais ne modifient pas les RAP ; ils augmentent la FE par effet inotrope positif; amrinone (Inocor®), milrinone (Corotrop® bolus 50 mcg/kg, perfusion 0.5 mcg/kg/min).

o Catécholamines β1 : outre son effet inotrope positif, la dobutamine induit une vasodilatation pulmonaire significative ; l'isoprénaline est beaucoup plus efficace (bolus 10 mg, perfusion 0.01-0.05 mcg/kg/min) mais provoque une tachycardie et une hypotension systémique importantes (stimulation β1 + β2).

o La combinaison adrénaline + milrinone est en général efficace parce qu’elle équilibre l’effet inotrope, vasodilatateur pulmonaire et vasoconstricteur systémique.

o Levosimendan (dose de charge 6 mcg/kg, perfusion 0.05-0.2 mcg/kg/min): il diminue la PAP (postcharge droite) et augmente la contractilité ventriculaire par sensibilisation de la troponine au Ca2+ [237] ; il est le seul agent inotrope qui baisse la mortalité.

o Nitroglycérine (0.5-5 mcg/kg/min) : diminution du volume télédiastolique du VD et amélioration de l'insuffisance droite congestive à PVC haute ; léger effet vasodilatateur pulmonaire.

o Nesiritide (charge 2 mcg/kg, perfusion 0.01-0.03 mcg/kg/min) : ce dérivé du BNP abaisse les RAP et améliore l’hémodynamique en cas d’insuffisance droite sur HTAP [295] ; son impact clinique est probablement modeste.

Le maintien de la PAM systémique au-dessus de la PAP (PAM/PAPm > 3) avec un vasoconstricteur artériel (noradrénaline ou vasopressine) est essentiel pour deux raisons.

o Rétablir la position du septum interventriculaire (convexe dans le VD) et l’aide à l’éjection droite réalisée par la contraction du VG ; un augmentation de postcharge gauche est nécessaire pour faire bomber le septum dans le VD en systole.

o Maintenir la perfusion coronarienne du VD, car celui-ci ne peut plus compter que sur la composante systolique du flux coronaire si la PAP se rapproche de la PAM [335].

En anesthésie : le stress et la stimulation sympathique étant des déterminants majeurs de la PAP, il est important de maintenir une anesthésie profonde (fentanyl, sufentanil ou remifentanil à hautes doses, halogéné, midazolam), de veiller à maintenir la normothermie et d’éviter toute acidose (voir Anesthésie, Insuffisance droite et HTAP).

La clef de l’amélioration hémodynamique n’est pas une baisse de la PAP, mais une baisse de la PVC et une augmentation du volume systolique. Les prostacyclines et le NO• ont un effet inhibiteur sur l'adhésivité plaquettaire et favorisent l'hémorragie chirurgicale. Les vaisseaux pulmonaires étant moins bien dotés en récepteurs α que le réseau systémique, les vasodilatateurs artériolaires (nitroprussiate, phentolamine, phénoxybenzamine) provoquent essentiellement un hypotension artérielle systémique et ne sont pas utiles dans le traitement de l'HTAP ; de plus, ils accroissent l’effet shunt par suppression de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et baissent la pression de perfusion coronarienne. Vu cette faible population en récepteurs α, la nor-adrénaline et la néosynéphrine ont un effet vasoconstricteur pulmonaire négligeable [340]. La noradrénaline diminue le rapport RAP/RAS, ce que ne fait pas la vasopressine car l’effet vasoconstricteur systémique de cette dernière ne s’accompagne pas d’une hausse des RAP vu l’absence de récepteurs à la vasopressine dans le lit pulmonaire [38,156].

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 112

Traitement à long terme Le traitement chronique de l’HTAP recommandé actuellement suit une stratégie en plusieurs points et se base sur un suivi dans un centre spécialisé [112,216]. Toutefois, cet algorithme ne s’applique pas aux patients souffrant d’HTAP secondaire à des maladies du cœur gauche (OMS groupe 2) ou à des pathologies pulmonaires (OMS groupe 3) (voir Tableau 12.9).

Mesures de soutien : réhabilitation, anticoagulant, diurétique, digoxine, contraception, etc. Test de réactivité au NO/bloqueur calcique ;

o Si positif : bloqueur calcique ; o Si négatif ou réponse insuffisante au bloqueur calcique: vasodilatateurs pulmonaires.

Malades au stade fonctionnel NYHA II-III (voir Présentation clinique) ; o Anti-récepteur à l’endothéline : ambrisentan, bosentan, macitentan. o Voie du NO (augmentation de cGMP) : IPDE-5 (sildénafil, tadalafil, vardenafil), ou

riociguat. o Inhibiteur de la tyrosine-kinase : imatinib (actuellement mis en suspens).

Malades au stade NYHA III-IV ; o Prostaglandines : époprosténol iv (1er choix), iloprost iv/inhalé, teprostinil iv/scut (les

substances intraveineuses peuvent s’administrer par pompe implantée). o Anti-endothéline : bosentan, ambrisentan. o IPDE-5 : sildenafil, tadalafil.

Réponse clinique inadéquate : possibilités chirurgicales ; o ECMO, assistance VD ; o Transplantation pulmonaire ; o Septostomie interauriculaire.

Dans les cas d’HTAP secondaire à des maladies du cœur gauche, à des pathologies pulmonaires ou à des embolies pulmonaires, le traitement étiologique prime : prise en charge de l’insuffisance gauche, resynchronisation, assistance ventriculaire, chirurgie mitrale précoce, valvuloplastie tricuspidienne, traitement de l’hypoxie, anticoagulation ou thrombendartérectomie pulmonaire. Dans les pathologies pulmonaires, les vasodilatateurs de l’AP augmentent l’hypoxie (mismatch ventilation-perfusion). Dans l’HTAP réactionnelle surimposée à l’hypertension veineuse postcapillaire des pathologies du cœur gauche (groupe 2), seuls les IPDE-5 ont une place, pour autant que le gradient transpulmonaire (PAPm – PAPO) soit > 12 mmHg ; dans une étude, un an de sildénafil a permis de réduire la PAP et la POG, et d’améliorer la fonction et la taille du VD [130] ; les prostacyclines et les anti-endothélines sont contre-indiqués dans le groupe 2. Le NO et les IPDE-5 ont une place dans la décompensation droite secondaire au démarrage d’une assistance ventriculaire gauche [93]. Volet chirurgical Lorsque la défaillance du VD qui accompagne l’HTAP ne peut plus être jugulée pharmacologiquement, on peut recourir à différentes interventions de soutien hémodynamique [148,215,216].

ECLS (Extra-Corporeal Life Support) : la combinaison d’une pompe centrifuge et d’un oxygénateur à membrane branchés entre la veine et l’artère fémorales permet d’assurer la ventilation pendant 5-10 jours en attendant la récupération (voir ECMO).

Assistance ventriculaire droite : Thoratek IVAD™, Abiomed 5000i™, Impella™. Le NO et/ou le sildénafil sont un appoint précieux en cas de décompensation droite lors de la mise en route d’une assistance gauche (voir Anesthésie et assistance, Insuffisance droite aiguë).

Septostomie interauriculaire : en cas de congestion extrême du VD (POD > 20 mmHg), il est possible de diminuer la stase et augmenter le débit systémique en perforant le septum interauriculaire et en réalisant un shunt droite - gauche. Ceci n’est efficace que si

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 113

l’augmentation du débit cardiaque et du transport d’O2 est supérieur au degré de désaturation artérielle induit par le shunt. Cette mesure reste uniquement palliative.

Dans le même ordre d’idée, un shunt de Potts entre l’aorte descendante et l’AP gauche permet de décomprimer le lit pulmonaire si la PAPm est > PAM, avec l’avantage de maintenir la perfusion coronarienne et cérébrale avec du sang oxygéné.

Thrombendartérectomie pulmonaire (TEAP) (voir Thrombendartérectomie pulmonaire) : une HTAP chronique se développe chez environ 3% des patients ayant présenté des épisodes d'embolie pulmonaire [269]. La TEAP est indiquée chez les patients dont la PAPmoy est ≥ 40 mmHg et dont les obstructions sont sur les grosses branches de l'AP. L’intervention consiste à ouvrir successivement les deux artères pulmonaires en CEC sous arrêt circulatoire total en hypothermie profonde et à réséquer les obstructions fibreuses en disséquant au sein de la média. La mortalité opératoire est de 5 à 24% ; la réduction moyenne de la PAP est de 50-60%, et la survie de 50-75% à 5 ans [152].

Transplantation : bi-pulmonaire si la fonction du VD permet de prévoir une bonne récupération, ou, dans de rares cas, cardio-pulmonaire. L’indication est une PAPm > 55 mmHg et une SaO2 < 85% chez un malade dyspnéique au repos. La survie à 5, 10 et 15 ans est de 52%, 43% et 30% pour la transplantation pulmonaire et de 50%, 39% et 26% pour la transplantation cœur-poumons [83,87,216].

Le traitement de l’HTAP est synthétisé dans le Tableau 12.10.

Traitement de l’hypertension pulmonaire Correction de l’acidose, de l’hypothermie, du stress et de la douleur Ventilation et inhalation (pas d’effet systémique) - Hyperventilation normobarique - NO• (10-30 ppm) - Nébulisation de prostacycline (iloprost) ou de milrinone ou de nitroglycérine Vasodilatateurs pulmonaires (risque d’hypotension systémique) - Prostacyclines (epoprostenol, treprostinil) - Inhibiteurs des phosphodiestérases-5 (sildenafil) - Inhibiteurs du récepteur de l’endothéline (bosentan) - Inhibiteurs des phosphodiestérases-3 (milrinone) - Anticalciques (15% des cas sont répondeurs) - Catécholamines β, levosimendan - Nitroglycérine, nesiritide, riociguat, Mg2+ Vasoconstricteurs systémiques - Noradrénaline - Vasopressine Procédés non-pharmacologiques - ECMO, assistance ventriculaire droite - Septostomie interauriculaire - Thrombendarterectomie pulmonaire post-embolie - Transplantation pulmonaire ou cardio-pulmonaire La clef de l’amélioration hémodynamique n’est pas seulement une baisse de la PAP, mais une baisse de la PVC et une augmentation du volume systolique, traduisant l’amélioration de la fonction du VD

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Tableau 12.10

Traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire

Approfondissement de l'anesthésie (fentanyl, sufentanil, rémifentanil), réchauffement du patient, sédation si anxiété (benzodiazépine), correction de l’acidose.

Hyperventilation: PaCO2 30-35 mmHg, pH > 7.45

Hyperoxie: FiO2 > 0.7 IPPV avec basse P intrathoracique (Pmoy: 6-10 mmHg) NO• : 10-30 ppm dans le circuit inspiratoire + perfusion iv d’arginine (15 mg/kg/min) Aérosol de prostanoïde (iloprost 10-20 mcg en 15 min) et/ou de milrinone (sol 1 mg/mL à 0.2-0.3 mL/’ pdt 10-20 min) Sildénafil (10 mg/20 mL en inhalation)

Epoprostenol en perfusion (2-5 ng/kg/min)

Teprostinil en perf (1.25-2.5 ng/kg/min), oral ou scut Sildénafil (10 mg 3x/j per os ou iv) Sulfate de magnesium (5-10 mmol)

Catécholamines β: dobutamine Anti-phosphodiesterases-3: milrinone (0.5 mcg/kg/min)

Levosimendan (0.1-0.2 mcg/kg/min) Noradrénaline, vasopressine (repositionnement/soutien du septum à l’éjection du VD, ↑ perfusion coronarienne) Adaptation de la précharge du VD (PVC) Ouverture/non-fermeture du péricarde et du sternum CPIA (↑ P perfusion coronarienne), ECMO, RVAD

Anti-phosphodiesterases-5: sildénafil, tadalafil, vardenafil

Anti-endothéline: bosentan (125-250 mg/j per os) Activateur du cGMP: riociguat Bloqueurs calciques: nifedipine, mais 15% de répondeurs

Sont à éviter: dopamine, digitale, kétamine, desflurane, N2O.

CPIA: contre-pulsion intra-aortique. ECMO: extracorporeal membrane oxygenation. RAS: résistance artérielle systémique. RAP: résistance artérielle pulmonaire. RVAD: right ventricular assist device.

Traitement aigu vasodilatateur des RAP sans effet sur les RAS

Traitement de l'insuffisance du VD

Traitement aigu par voie systémique

Traitement chronique de l’HTAP

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 115

Anesthésie en cas d’insuffisance cardiaque L'anesthésie interfère avec les mécanismes compensatoires de l'insuffisance ventriculaire par une série d'effets :

Diminution de la stimulation sympathique centrale ; Vasodilatation artérielle ; Veinodilatation centrale ; Perturbation des baroréflexes ; Effets inotrope et chronotrope négatifs ; Variations de la pression intrathoracique (ventilation en pression positive).

D'autre part, l'induction et le maintien de ces patients est difficile à gérer pour l'anesthésiste :

Le cœur fonctionne à la limite de ses possibilités ; la moindre modifications des conditions de charge est source de baisse du débit cardiaque ;

Le volume systolique est fixe et bas ; Le débit cardiaque est directement lié à la fréquence et inversément proportionnel à la

postcharge ; L'hypervolémie chronique de l'insuffisance congestive rend le lit vasculaire peu compliant aux

variations de volume ; Le flux plasmatique rénal, la filtration glomérulaire et le débit hépatique sont diminués ; La réabsorption sodique est globalement plus diminuée que la rétention d'eau, d'où

hyponatrémie et augmentation globale du volume liquidien extracellulaire ; La masse cellulaire est diminuée par rapport au volume total de l’organisme.

Evaluation préopératoire L'insuffisance ventriculaire non compensée est considérée comme un facteur de risque opératoire majeur, entraînant une mortalité de 10-30% [61,173,187]. Celle-ci descend à 5-6% si l'insuffisance est traîtée et le patient asymptomatique au moment de l'intervention. Pour le même type d’intervention, la mortalité des patients en insuffisance ventriculaire est augmentée de 60% par rapport à celle de patients ayant une hémodynamique normale [138]. Au dessus de 65 ans, elle est doublée (11.6% au lieu de 6.2%) [141]. Le taux de complications cardiovasculaires après chirurgie non-cardiaque majeure est de 18% en cas d’insufisance diastolique, 23% en cas d’insuffisance systolique et 49% en cas d’insuffisance congestive [195]. Seules la chirurgie en urgence et l’insuffisance rénale aiguë confèrent des risques analogues. La comparaison entre des patients en insuffisance ventriculaire chronique et des patients souffrant de coronaropathie montre que la mortalité à 30 jours est le double chez les premiers (11.7%) par rapport aux seconds (6.6%) ; chez ces derniers, le risque est pratiquement identique à celui des contrôles (6.2%) [207]. Contrairement aux apparences, l’insuffisance cardiaque est donc plus dangereuse que l’ischémie myocardique en périopératoire. Dans l'évaluation préopératoire, les meilleures corrélations avec les complications cardiaques postopératoires ont été observées pour les éléments suivants [187].

Galop protodiastolique (B3) ; Stase pulmonaire, OAP anamnestique ; Dyspnée à < 4 MET (< 1 étage d’escaliers) ; Stase périphérique (turgescence jugulaire, hépatomégalie) ; Fraction d'éjection du VG < 0.3 ; Dilatation du VG (Dtd > 4 cm/m2), insuffisance mitrale de degré ≥ II.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 116

Le degré de dilatation ventriculaire est probablement le meilleur critère pronostique. En l'absence de valvulopathie, le risque opératoire est inversément proportionnel à la FE. Cependant, lorsqu'une valvulopathie est présente, la FE perd sa pertinence et le degré de dilatation ventriculaire est un critère plus adéquat. La présence d’insuffisance multiorganique (rénale, hépatique) est un facteur de risque supplémentaire. La qualité de la prise en charge opératoire a une valeur critique chez ces malades instables : opération rapide, hémorragie minimale, chirurgie peu délabrante, positionnement ne compromettant pas l'hémodynamique, voie d'abord interférant peu avec la ventilation postopératoire, maintien rigoureux de la stabilité hémodynamique. En anesthésie, la rigueur de la prise en charge a davantage d'importance que la technique choisie. Examens paracliniques

Laboratoire: Na+ (hyponatrémie), K+, Ca2+, Mg2+, urée, créatinine, albumine, TP, tests hépatiques (stase), bilirubine, gazométrie artérielle (échanges gazeux, équilibre acido-basique), lactate.

Peptides natriurétiques : un taux de BNP > 200 pg/ml est significatif pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque [150] ; en cas de décompensation aiguë, le taux est plus élevé (675 pg/ml) que dans les cas chroniques (340 pg/ml). Le NT-proBNP est un bon prédicteur de l’évolution à court terme de l’IC (> 500 pg/ml, taux normal < 200 pg/ml) [233]. Les peptides natriruétiques s’élèvent aussi dans l’insuffisance diastolique isolée (> 200 pg/ml ) [312]. Dans le postopératoire de chirurgie non-cardiaque, une élévation du BNP > 250 pg/mL et du NT-proBNP > 720 pg/mL possède une valeur prédictive positive de 80% pour les complications cardiovasculaires à 30 jours ; le risque de décès et d’infarctus est augmenté de 4 fois (OR 4.5 et 4.2), et celui d’insuffisance cardiaque de 18 fois (OR 18.5) ; à 6 mois, les risques de complications sont encore doublés chez les malades dont les peptides natriruétiques étaient élevés en postopératoire [289]. Une prise en charge thérapeutique centrée sur ces données améliore nettement la survie (OR 1.48) [341].

ECG : arythmies, QRS large (> 120 msec), BBG ou BBD, ischémie, surcharge, strain pattern ; peu sensible et peu spécifique.

Rx thorax : cardiomégalie, agrandissement sélectif d'une cavité, redistribution vasculaire pulmonaire, oedème, lignes de Kerley, épanchements.

Echocardiographie : c'est l'examen qui présente le meilleur rapport coût / bénéfice ; il permet la quantification de l'anatomie dynamique et de la fonction ventriculaire droite et gauche, la recherche de valvulopathie associée, la mesure du degré de dilatation, la détection de compression péricardique et de zones akinétiques ou anévrysmales.

Fonctions respiratoires : réduction de la capacité vitale < 1.5 L/m2 (très pathognomonique et de bonne valeur pronostique), augmentation du volume résiduel (> 1.2 L), syndrome restrictif (diminution du VEMS < 50% de la valeur prédite, diminution de la compliance pulmonaire < 100 mL/cm H2O).

VO2 max à l’effort : 12-14 mL/kg/min en cas d’insuffisance modérée, < 10 mL/kg/min en cas d’insuffisance sévère (stade IV).

Coronographie: seulement si une revascularisation est envisageable. Préparation préopératoire Un malade en insuffisance cardiaque ne doit être opéré que lorsqu’il est optimalement compensé. Un délai de deux à dix jours est nécessaire pour rééquilibrer un patient en insuffisance congestive selon la thérapeutique nécessaire [173].

Baisse de postcharge (vasodilatateurs) ; Diminution du volume liquidien extra et intracellulaire (diurétiques) ; Antiarhythmiques ; Apport nutritionnel et protéique ;

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 117

Repos strict ; Amélioration de la fonction systolique (agents inotropes) ; En cas d’insuffisance polyorganique sévère : CPIA, assistance percutanée, ECMO.

Le temps requis varie selon l'excédent liquidien à éliminer (5 à 20 litres suivant les cas) et selon le degré de cachexie métabolique et nutritionnelle à compenser (hyperalimentation, carnitine, etc). Il s'agit d'une thérapeutique intensive, conduite en milieu approprié (soins intensifs, cardiologie, etc), qu'il faut toujours envisager avant de refuser un cas. L'insuffisance rénale et/ou hépatique sont en général réversibles par la correction de l'insuffisance cardiaque ; le bronchospasme peut n'être que la traduction d'une surcharge liquidienne. Par contre, la cachexie et le degré de dénutrition sont des facteurs aggravants mal améliorables et déterminants pour le pronostic postopératoire. L'ischémie coronarienne est souvent intriquée avec l'insuffisance myocardique. Elle peut être primaire (cardiomyopathie ischémique), ou secondaire à la pathologie déclenchante : hypertrophie ou dilatation ventriculaire, stimulation sympathique extrême, etc. Une hypoperfusion systémique par bas débit peut rendre significatives des sténoses infra-cliniques. Dans les cas profondément décompensés, la mise en place d’une contre-pulsion intra-aortique ou d’une assistance ventriculaire percutanée 24 heures avant l’opération permet d’améliorer la perfusion coronarienne et de stabiliser l’hémodynamique afin d’opérer dans de meilleures conditions [240]. Tous les médicaments nécessaires à l’équilibre hémodynamique du patient sont maintenus à la prémédication, à l’exception des diurétiques et de la digitale. L’hypoventilation et la chute du tonus sympathique engendrées par les opiacés et les diazépines obligent à en limiter les doses ou à les élimiter de la prémédication. Le réconfort et une ambiance calme sont plus efficaces et moins dangereux.

Evaluation préopératoire de l’insuffisance ventriculaire Risque opératoire: mortalité 10-30% en cas d’insuffisance non-compensée, 5% si compensée; d’où l’importance d’une préparation préopératoire adéquate. Sauf urgence, le malade ne doit être opéré que lorsque sa compensation est optimale. Eléments défavorables dans l’évaluation du risque: - FE < 0.3 (sans valvulopathie) - Dilatation du VG (Dtd > 4 cm/m2), IM > II - Capacité d’effort < 4 MET - Galop protodiastolique (B3) - Stase gauche (OAP anamnestique, dyspnée) - Insuffisance du VD et stase droite (oedèmes, hépatomégalie) Laboratoire: BNP > 200 pg/ml, NT-proBNP > 500 pg/ml Echocardiographie: fonction et taille VG et VD, valvulopathie, altérations de la cinétique segmentaire Prémédication: - Maintenir tous les médicaments hémodynamiques, y compris les IEC - Suspendre les diurétiques et la digitale

- Eviter ou limiter les opiacés et les diazépines Stratégies d’anesthésie Prise en charge anesthésique La priorité est à la stabilité hémodynamique, car la moindre déviation peut entraîner une décompensation majeure. Même si elle peut paraître excessive en regard de l'opération prévue, la technique d'anesthésie doit être choisie en fonction d’une interférence minimale avec les conditions

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 118

physiopathologiques et non avec l’idée de faire le plus simple possible (Tableau 12.11). De ce point de vue, l'anesthésie loco-régionale rachidienne n'est pas moins perturbatrice que l'anesthésie générale. Les conditions du réveil seront assurées selon les besoins. Chez ces malades dont la marge de sécurité est nulle, l'attitude est celle d’une tolérance zéro : toute variation hémodynamique doit être corrigée sans délai en suivant deux principes (Figure 12.30).

Réagir immédiatement dès que s'amorce une modification hémodynamique, en suivant les tendances instantanées et non la valeur absolue du chiffre. L'administration d'un hypertenseur, par exemple, se fait dès que la pression commence à diminuer, et non lorsqu'elle a atteint une valeur déjà basse. Lors d’épisodes hypotensifs, la circulation est très ralentie, et l'effet du médicament manifeste une forte inertie, faisant courir le risque de donner des doses cumulatives en l’absence de réponse immédiate.

Sous-corriger par rapport au besoin théorique, de manière à éviter l'effet rebond qui crée une sorte de roulis rythmique, chaque dose de médicament administrée renvoyant le paramètre à l'extrême opposé.

Tableau 12.11 Stratégie anesthésique en cas d’insuffisance ventriculaire

Maintien de la stabilité hémodynamique :

• Précharge sans surcharge ; éviter l’hypovolémie et surtout l’hypervolémie ; • Postcharge abaissée (vasodilatation artérielle) ; • Volume télédiastolique ventriculaire maintenu bas (cave dilatation) ; • Agents inotropes selon besoin.

Choisir la technique et les médicaments en fonction de la stabilité peropératoire, non en fonction du type d’intervention ou du réveil :

• Substances sans effet inotrope négatif ; • Induction : etomidate, fentanyl ; thiopental et kétamine sont contre-indiqués ; • Entretien : opiacé (fentanyl, sufentanil), isoflurane ou sevoflurane à ≤ 1 MAC ; alternative :

midazolam ou propofol en perfusion ; • Assurer l’anesthésie en auto-pilote pour pouvoir porter toute l’attention aux problèmes

hémodynamiques. Monitoring: cathéter artériel mandatoire avant l’induction (test de tolérance à l’IPPV par une manœuvre

de Valsalva) ; selon besoin, échocardiographie transoesophagienne, cathéter pulmonaire de Swan-Ganz. Induction lente, dosages standards diminués de moitié. Ventilation normobarique (Pit moy 6-10 cm H2O) ; hyperventilation si hypertension pulmonaire. Correction immédiate de toute déviation hémodynamique (tolérance zéro), mais en sous-corrigeant le

paramètre (ne pas gérer l’hémodynamique au moyen des agents d’anesthésie) : • Viser PAM 70-75 mmHg • Elévation des jambes si précharge basse ; rester très prudent avec l’administration de volume

et préférer un vascoconstricteur en cas d’hypotension ; • Néosynéphrine / noradrénaline si PA ↓ et fréquence élevée ; • Dobutamine ou milrinone + adrénaline ou levosimendan si fonction systolique ↓ ; • Isoflurane / nitroprussiate si PA ↑ et dilatation du VG ; • Ephédrine, dopamine : peu d’effet à cause de la déplétion en catécholamines endogènes.

Si PAP ↑ et dysfonction du VD : • Hyperventilation, dobutamine, milrinone, NO•, prostaglandines, nitroglycérine.

Maintien de la normothermie. Seuil de transfusion à Hb 90-100 g/L. Correction des arythmies et de la désynchronisation AV (pace-maker).

On doit jouer sur le volume perfusé (précharge), les amines sympathicomimétiques (effet inotrope) et les substances vasoactives (postcharge) pour stabiliser le débit cardiaque et maintenir la mVO2. Entre plusieurs techniques également applicables, l'anesthésiste choisira celle qu'il (elle) maîtrise le mieux,

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car les résultats sont toujours meilleurs en suivant une méthode connue avec rigueur et doigté plutôt qu'en improvisant avec une technique que l’on gère mal. Figure 12.30: Stratégie de maintien d’une donnée physiologique (ici la pression artérielle) selon le double principe de la réaction immédiate et de la sous-correction. Dès que la pression moyenne baisse (courbe bleue), on administre une dose réduite d’agent vasoconstricteur (A) avant même que la pression soit sortie de la zone de sécurité (entre 70 et 90 mmHg, par exemple). La pression se rétablit avec de faibles oscillations. Si l’on attend que la pression soit descendue dans la zone rouge (50 mmHg) et que l’on administre alors une dose importante de vasoconstricteur (B), on assiste à une poussée hypertensive (> 100 mmHg) qui oblige à administrer un hypotenseur ; le bascule vers le haut et vers le bas s’amplifie comme un roulis rythmique, chaque dose de médicament administrée renvoyant le paramètre à l'extrême opposé. De plus, la circulation est très ralentie lors d’épisodes hypotensifs et l'effet du médicament manifeste une forte inertie, faisant courir le risque de donner des doses cumulatives en l’absence de réponse immédiate. D'une manière générale, l'insuffisance cardiaque amplifie la dépression hémodynamique due aux différents agents d’anesthésie. Même lorsqu’ils sont quasiment dépourvus d'effet inotrope négatif, ceux-ci perturbent la précharge, la postcharge, la fréquence et les baroréflexes de manière significative ; de plus, la ventilation mécanique modifie le régime de pression intrathoracique. Chez l’insuffisant cardiaque, la stratégie est fondée sur les éléments suivants (Tableau 12.11) [32].

La précharge doit être maintenue mais pas augmentée ; le lit vasculaire est très peu compliant

aux variations de volume circulant à cause de l’excès de volume extracellulaire et de la vasoconstriction ; toute augmentation de remplissage menace de dilater le ventricule. D’autre part, le remplissage augmente très peu le volume systolique parce que la courbe de Frank-Starling de l'insuffisant cardiaque est aplatie (voir Figure 12.3). Il est plus efficace de contrôler l’hypotension par des vasoconstricteurs que par des cristalloïdes ou des colloïdes. Toutefois, l’hypovolémie est mal tolérée à cause de la fixité du volume systolique et de la fréquence cardiaque.

La postcharge ne doit pas s'élever, car la FE est fonction de l'impédance à l'éjection ; la vidange systolique diminue si les résistances montent ; le ventricule dilate et le travail d’éjection augmente (loi de Laplace). La vasodilatation artérielle améliore le débit cardiaque. La limite est le maintien d’une PAM suffisante pour assurer la pression de perfusion coronarienne et la position neutre du septum interventriculaire.

Seules sont utilisées des substances dont l'effet inotrope négatif est minimal. Par exemple: étomidate, fentanyl, sufentanil, midazolam, isoflurane, sevoflurane, vécuronium,

Zone de sécurité

Zone interméd

Zone de danger

Zone de danger

Zone interméd

P art

A

B

B

© Chassot 2011

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 120

cisatracurium, rocuronium. Le propofol a très peu d’effet inotrope négatif mais baisse considérablement la précharge et la postcharge et bloque la cardio-accélération.

Les doses des agents d’anesthésie sont réduites. Un bon repère est de ne donner que la moitié du dosage habituel des agents intraveineux ; les halogénés sont maintenus à ≤ 1 MAC.

L’induction est très lente : il faut attendre le pic d'effet des substances administrées, qui est retardé à cause du ralentissement circulatoire. Le patient élimine lentement les substances administrées (bas débit rénal, stase hépatique).

Le maintien de l’anesthésie est assuré en « auto-pilote » (halogéné à environ 1 MAC, midazolam en perfusion) de manière à se concentrer sur l’hémodynamique.

Les déviances hémodynamiques sont corrigées par des agents vasoconstricteurs, vasodilatateurs ou inotropes, mais non par des modifications de la profondeur de l’anesthésie.

L'effet de la ventilation en pression positive peut être évalué en faisant exécuter une manoeuvre de Valsalva par le patient éveillé lorsque le cathéter artériel est en place ; les variations de la courbe artérielle renseignent sur la manière dont sera tolérée la surpression intrathoracique (faire tenir le Valsalva pendant au moins 20 secondes).

Maintenir la température par tous les moyens (chauffer la salle et les perfusions, emballer le malade dans du cotton de rembourrage pour plâtre) : l'hypothermie est un des facteurs déterminants des complications cardiaques postopératoires [106]. Les frissons augmentent la VO2 jusqu’à 400% et contraignent à une élévation du DC, donc à une surcharge hémodynamique.

Maintenir les valeurs hémodynamiques avec un support pharmacologique de manière proactive dès la moindre variation.

o En bolus : éphédrine (5 mg) si baisse de précharge et bradycardie, phényléphrine (100 mcg) si baisse des RAS et tachycardie ; dans l’insuffisance ventriculaire, l’éphédrine perd son efficacité à cause de la déplétion du myocarde en catécholamines endogènes.

o En perfusion : dopamine (2-5 mcg/kg/min, effet alpha excessif par rapport à l’effet béta au-delà de cette dose), dobutamine (2-10 mcg/kg/min), adrénaline (0.01-0.1 mcg/kg/min), milrinone (0.5 mcg/kg/min) ;

o Eviter l’administration de nor-adrénaline (0.01-1.0 mcg/kg/min) seule sans support inotrope ;

o Nitroprussiate en cas de dilatation du VG ; nitroglycérine en cas de dilatation du VD ; o Les agents inotropes indirects comme l’éphédrine ou la dopamine n’ont pas d’effet

lorsque les catécholamines endogènes sont épuisées. Maintenir le transport d'oxygène (DO2) en transfusant du sang dès que la concentration

d'hémoglobine baisse de 20% de sa valeur initiale ou de sa valeur normale; l’Hb est maintenue > 100 g/L. Mais la surtransfusion est une surcharge de volume dangereuse.

Des interventions majeures peuvent être courronnées de succès chez des malades en insuffisance ventriculaire pour autant qu’il ne se passe aucun incident ni aucune déviation hémodynamique significative. Ces patients ne sont compensés que dans la situation de base, mais ils ont perdu toute réserve fonctionnelle (voir Figure 12.39, page 149) [71]. Il s’agit donc de les maintenir en permanence le plus près possible de leurs conditions de repos et de ne rien leur imposer qui ressemble à un effort, car ni leur volume systolique ni leur débit cardiaque ne peuvent augmenter. D’où une stratégie d’anesthésie proactive fondée sur une correction immédiate de toute déviance hémodynamique et sur une anticipation des problèmes qui pourraient survenir. Monitorage Les risques encourus justifient un monitoring invasif, même s'il doit être enlevé dès la salle de réveil (voir Chapitre 6 Monitorage) [32].

Cathéter artériel : il informe instantanément sur la pression fournie par le VG ; il illustre la contractilité (dP/dt), la postcharge et le volume circulant par la forme analogique et les variations respiratoires de la courbe (Figure 12.31). C'est certainement le monitorage le plus

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utile et le plus simple ; il est indispensable. L’artère fémorale est plus facile à canuler que la radiale dans les cas instables ; elle présente également l’avantage de mieux refléter la pression aortique et de ne pas être influencée par la vasoconstriction périphérique.

Pression de remplissage : la relation entre la pression et le volume télédiastoliques est fonction de la compliance de la cavité cardiaque où se fait la mesure ; comme la courbe de compliance d’un ventricule insuffisant est déplacée vers le haut et vers la gauche, sa pente se redresse et la relation entre la pression et le volume devient plus étroite (voir Figure 12.6). De ce fait, la mesure de la PVC (insuffisance droite) et de la PAPO (insuffisance gauche) est un indice de remplissage plus fiable chez un patient en insuffisance congestive que chez un individu normal. De plus, la PAPO renseigne sur la pression qui règne au niveau capillaire pulmonaire et permet de ce fait de diriger adéquatement l’apport liquidien. En cas d’insuffisance gauche ou droite, le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est indispensable pour gérer adéquatement l’administration liquidienne dans les situations où les variations de la volémie sont importantes (chirurgie majeure, chirurgie cardiaque).

Echocardiographie transoesophagienne (ETO): diagnostic anatomique fonctionnel, évaluation de la fonction ventriculaire systolique et diastolique en continu, mesure et surveillance de la taille des ventricules, quantification des effets cardiaques des variations de précharge et de postcharge, détection de l’hypovolémie. Le monitorage échocardiographique permet d’observer l’évolution de l'insufisance mitrale ou tricuspidienne, qui est un bon repère du degré de dilatation et de dysfonction ventriculaire. L’ETO est une technique peu invasive qui apporte un maximum de renseignements en cas d’insuffisance ventriculaire.

Débit cardiaque : Swan-Ganz (thermodilution), PiCCO (surface sous la courbe artérielle), Doppler oesophagien, NiCCO (principe de Fick sur le CO2 expiré). La mesure du volume systolique est plus intéressante que celle du débit cardiaque, car ce dernier est déjà l’objet d’une correction naturelle par le biais de la fréquence, alors que la volume éjecté est une valeur primaire. Les variations ventilatoires du volume systolique sont un excellent indice de la réponse au remplissage lorsque la fonction ventriculaire est normale, mais sont d’autant moins apparentes que cette dernière est abaissée, parce que la courbe de Starling aplatie du ventricule insuffisant rend son débit peu dépendant des variations de remplissage [228].

Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est nécessaire à la prise en charge de l’insuffisant cardiaque pour toute chirurgie majeure (chirurgie invasive, chirurgie de l’aorte abdominale, chirurgie cardiaque) parce qu’il mesure la PAP (fonction du VD), la PAPO (risque d’exsudat pulmonaire), le volume systolique et la SvO2, et qu’il calcule le débit cardiaque et les résistances artérielles systémiques et

Insuffisance VG © Chassot 2011 Fonction normale

B

Artère fémorale Aorte ascendante

A

Artère radiale

Figure 12.31 : Courbes de pression artérielle. A. Image d’une courbe artérielle dans l’aorte ascendante et dans l’artère fémorale ou radiale. La pression systolique enregistrée dans la radiale est plus élevée, mais la diastolique est plus basse ; la pression différentielle (Psyst – Pdiast) est agrandie. La pression moyenne est pratiquement identique dans les trois vaisseaux B. Comparaison de la courbe artérielle lorsque la fonction ventriculaire est normale et lors d’insuffisance ventriculaire gauche; la pente ascentionnelle (dP/dt) est très diminuée, la courbe est arrondie et le dicrotisme relevé; la pression différentielle (PAs – PAd) est très diminuée. La surface sous la courbe systolique est proportionnelle au volume systolique.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 122

pulmonaires. D’une manière générale, il apporte peu d’information pour évaluer l’hypovolémie, car la courbe de compliance est presque horizontale à bas volume : les variations de volume s’accompagnent de minimes variations de pression. En hypervolémie, au contraire, la courbe de compliance curvilinéaire se redresse et chaque variation de volume se traduit par une modification de pression significative ; la PAPO devient un indice fiable de remplissage (Figure 12.32). Le cathéter de Swan-Ganz est globalement indiqué dans trois circonstances :

Pour régler l'administration liquidienne dans les situations d'hypervolémie et de stase pulmonaire, comme lors d'insuffisance ventriculaire gauche congestive ou de pathologie mitrale ;

Pour surveiller la circulation pulmonaire en cas de défaillance ventriculaire droite, d'hypertension pulmonaire ou de pathologie pulmonaire (BPCO sévère) ;

Pour mesurer le débit cardiaque, la PAPO et la SvO2 (adéquation du DC aux besoins de l'organisme).

Stratégie d’anesthésie en cas d’insuffisance ventriculaire Priorité n° 1: stabilité hémodynamique. Quelle que soit l’intervention, la prise en charge est axée sur l’insuffisance ventriculaire, dont découlent l’équipement et la technique d’anesthésie. Une attitude proactive est requise chez ces malades dont la marge de sécurité est nulle: toute déviance hémodynamique doit être corrigée sans délai dès que s'amorce une modification, en suivant les tendances instantanées, non la valeur absolue du chiffre, et en sous-corrigeant de manière à éviter le basculement dans la variation opposée. - Précharge: restriction liquidienne; le VS augmente peu avec le remplissage (courbe de Starling aplatie); en cas d’hypotension, préférer les vasoconstricteurs; mais l’hypovolémie est mal tolérée (VS et FC fixes); seuil de transfusion: Hb 100 g/L; - Postcharge: maintenue basse; limite: PAM suffisante pour la perfusion coronarienne et la position neutre du septum interventriculaire; - Induction très lente et dosages réduits; - Choix de substances ayant le minimum d’interférence hémodynamique (etomidate, fentanyl, sevoflurane/isoflurane, midazolam, propofol très lent); - Assurer l’anesthésie en auto-pilote pour se concentrer sur l’hémodynamique; - Corriger les déviances par des agents vasoconstricteurs, vasodilatateurs ou inotropes, non en modifiant la profondeur de l’anesthésie; - Tolérance à l’IPPV testée avant l’induction par une manoeuvre de Valsalva; - Maintien de la normothermie (sauf si CEC). Monitorage: cathéter artériel et ETO, Swan-Ganz pour chirurgie majeure et chirurgie cardiaque. Le cathéter artériel pulmonaire est supérieur aux systèmes de type PiCCO parce qu’il mesure la PAP (fonction du VD), la PAPO (risque d’exsudat pulmonaire) et la SvO2 (adéquation du DC aux besoins). Dans le cadre de l’insuffisance cardiaque, le PiCCO et les techniques analogues sont moins utiles que la Swan-Ganz, car ils ne fournissent pas d’accès à la PAPO ni à la SvO2. En hypovolémie, on ne retrouve pas d’accentuation des variations ventilatoires de la pression artérielle et du volume systolique chez l’insuffisant cardiaque, car il présente une courbe de Starling très plate [227]. Avec la thermodilution transpulmonaire, toutefois, le PiCCO calcule le volume sanguin intrathoracique et l’eau pulmonaire totale qui sont de bons indices de précharge et d’hypervolémie ; d’autre part, la saturation en O2 dans l’OD (SvcO2) peut remplacer la SvO2, bien que moins fiable. L’administration liquidienne et inotrope gérée en fonction de buts prédéterminés et grâce à des protocoles institutionnels basés sur l’interprétation d’un monitorage précis (goal-directed therapy) est associée à

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 123

une réduction des complications cardiovasculaires (OR 0.54), des arythmies (OR 0.54) et des épisodes ischémiques (OR 0.70) [12]. Le but est de maintenir constants le débit cardiaque et la SvO2, en jouant sur la précharge, la postcharge et la contractilité en évitant l’improvisation. Figure 12.32 : Les deux phases de la courbe de Frank-Starling et de la courbe de compliance déterminent les meilleures techniques de monitorage. Ces deux phases sont séparées par un pointillé jaune vertical. Domaine A : A gauche, en hypovolémie, la courbe de compliance est quasi-plate, mais la courbe de Starling est dans sa phase ascendante ; une variation du volume de remplissage se traduit par une variation non-significative des pressions de remplissages, mais par une variation importante du volume systolique et de la pression artérielle. Ce sont les indices éjectionnels dynamiques (variations ventilatoire de la pression artérielle et du volume systolique VS) ou les mesures indépendantes de la compliance (surfaces des cavités à l’ETO, oscillations du septum interauriculaire) qui sont les plus pertinentes. Domaine B : A droite, en hypervolémie, la courbe de compliance est très redressée, mais la courbe de Starling est horizontale ; une variation du volume de remplissage se traduit par une variation importante des pressions de remplissages, mais par aucune variation du volume systolique ni de la pression artérielle. Ce sont les pressions de remplissage fournies par la Swan-Ganz (PVC, PAPO) qui deviennent utiles. En effet, la relation précharge / volume systolique est bien marquée pendant la phase de recrutement de la courbe de Starling, alors que la relation pression / volume de remplissage n’est significative que pendant la phase de redressement de la courbe de compliance. Le malade en insuffisance gauche congestive est typiquement dans une situation d’hypervolémie chronique. Ventilation et insuffisance ventriculaire Maintenir la respiration spontanée ou ventiler en pression positive est un dilemne fréquent face à un malade en insuffisance cardiaque. Rappelons que la pression de travail des ventricules est la pression transmurale (Ptm), qui est la différence entre la pression intracardiaque (Pic) et la pression intrathoracique (Pit) : Ptm = Pic - Pit. Le démarrage de l’IPPV occasionne une relative hypovolémie intrathoracique à cause du transfert liquidien de l’intérieur vers l’extérieur de la cage thoracique [321].

© Chassot 2015

Pression ou VS Indices éjectionnels

dynamiques (PA, PiCCO)

ETO

ΔV

ΔVS

ΔP’

ΔVS’

Pressions de remplissage

(PVC, PAPO) Swan-Ganz

ΔP

ΔV

Courbe de Starling

Courbe de compliance

A B

Pression ou volume télédiastolique

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 124

Les modifications de la Pit ont des conséquences différentes pour le ventricule gauche et pour le ventricule droit (voir Chapitre 5, Interactions cardio-respiratoires). Insuffisance ventriculaire gauche systolique Lors d’un inspirium spontané, la baisse de la Pit augmente la capacitance pulmonaire ; ce stockage de sang diminue le retour vers l’oreillette gauche. A cette baisse de précharge gauche s’ajoute une augmentation de la postcharge. En effet, le VG doit générer une pression intracavitaire (Pic) suffisante pour propulser le sang dans l'aorte vers l’extérieur de la cage thoracique où règne la pression atmosphérique, alors qu'il travaille au sein d'une pression subatmosphérique qui le « décomprime » en permanence. La pression transmurale en systole Ptm(s) augmente, car l'effet de ces deux pressions se cumule : Ptm = Pic - (- Pit). La postcharge effective du VG augmente. L’expirium spontané correspond à l’inverse de la situation précédente. La Pit augmente par rapport à la Patm ; la pression transmurale cardiaque diminue. Le VG est comprimé de l’extérieur, donc sa contraction est facilitée : Ptm = Pic - (+ Pit). En ventilation en pression positive (IPPV), la pression est transmise à la cavité thoracique par l'intermédiaire des poumons qui sont en surpression par rapport à la Pit. Cette transmission de la pression ventilatoire à l'ensemble de la cavité thoracique dépend de la qualité du parenchyme pulmonaire; les poumons peu compliants (BPCO, SDRA, stase, etc) ne la transmettent que partiellement; l’atténuation est de l’ordre de 40-70%. La Ptm diminue proportionnellement à la Pit induite, car le ventricule est comprimé par la Pit ; la pression ventilatoire (Pv) s'additionne à la Ptm : Ptm = Pic – Pv, ou Pic = Ptm + Pv (Figure 12.33). A performance ventriculaire gauche égale, la PA systémique augmente. Si le VG développe une pression systolique de 120 mmHg et qu’il règne momentanément dans la cage thoracique une surpression de 20 mmHg, la pression mesurée au bras est de 120 + 20 = 140 mmHg. Pour fournir la même pression systolique en périphérie, le VG peut économiser 20 mmHg dans notre exemple. Autrement dit, la postcharge effective du VG baisse. L’IPPV, et a fortiori la PEEP, constituent une véritable prothèse pour le VG. Leur sevrage, par contre, peut entraîner une défaillance gauche [271]. Simultanément, la précharge du VG augmente : les poumons étant comprimés comme une éponge, davantage de sang est propulsé vers l’OG. Cet effet dépend du degré de remplissage de la circulation pulmonaire ; il est particulièrement marqué lors d’insuffisance ventriculaire gauche parce que la stase pulmonaire entretient un volume élevé. Le temps de passage normal à travers les poumons prend 2 à 5 cycles cardiaques ; en cas d'insuffisance cardiaque, le temps de transit pulmonaire est prolongé jusqu'à 8-10 cycles cardiaques. Après ce délai, la baisse du volume éjecté par le VD va retentir sur le remplissage gauche. L’expirium de la ventilation en pression positive inverse ces conditions, mais n’est pas l’équivalent d’un inspirium spontané, car la pression endothoracique n’atteint pas de valeurs subatmosphériques ; la situation est plutôt celle d’une apnée. Comme cette phase est normalement plus longue que celle de l’inspirium, les effets hémodynamiques globaux vont être tributaires de la pression intrathoracique moyenne, qui est la moyenne de toutes les pressions instantanées enregistrées au cours d'un cycle respiratoire. Comme le VG insuffisant travaille sur une courbe de Frank-Starling très horizontale, les variations de remplissage ne se traduisent que par de faibles variations du volume systolique. Sur un enregistrement de la courbe de pression artérielle, on ne voit qu’une légère élévation de la pression systolique lors de l’inspirium en IPPV, correspondant à l’aide à l’éjection fournie par l’augmentation de la Pit. Ceci est bien démontré par une manoeuvre de Valsalva, où la courbe de pression artérielle prend une allure carrée (Figure 12.34) : l'élévation de la Pit est transmise au VG et à la PA systémique (phases 1 et 2); cet accroissement est soudainement perdu lorsque la Pit est relâchée (phase 3). Mais comme le coeur travaille sur la partie horizontale de sa courbe de Starling, la diminution du retour veineux de la phase 2 n'affecte pas son débit; le baroréflexe n'est pas activé; il n'y a pas d'effet rebond en phase 4 [40].

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Cette manoeuvre est une simple exagération des effets de l’IPPV, qui démontre que l'insuffisant systolique gauche tolère très bien la ventilation mécanique en pression positive et bénéficie de ses conséquences hémodynamiques : précharge maintenue et baisse de la postcharge, donc amélioration du débit. Insuffisance diastolique Il n'en est pas de même lorsqu'on est en présence d'une insuffisance diastolique. Dans cette situation, la manoeuvre de Valsalva est très mal tolérée (Figure 12.35A), et ceci pour trois raisons :

L'ordre de grandeur des ΔPit est identique à celui de la P télédiastolique (Ptd 8-18 mmHg) ; l'effet sera donc bien plus significatif que sur la PA systolique, qui est 6 à 10 fois supérieure.

La faible compliance cardiaque rend le volume systolique très dépendant des pressions de remplissage et de leurs variations ; le ventricule opère sur une courbe de Starling très verticale (Figure 12.3) ; les variations ventilatoires du remplissage occasionnent d’amples variations de la PA systolique.

La Pit agit comme une restriction à la distension diastolique du ventricule : le volume ventriculaire est plus petit pour la même pression de remplissage ; la dilatation du VD sur l'accroissement de sa postcharge fait que le septum interventriculaire bombe dans la cavité gauche (effet Bernheim) [164] ; ces effets seront d'autant plus marqués qu'il existe une anomalie de relaxation.

L’IPPV se traduit par d’amples variations du volume éjecté et de la pressiona artérielle systolique. La relative hypovolémie intrathoracique baisse significativement la pression artérielle.

OD OG VCI

Patm

Pit ↑↑

VP

+ +

P VD ↑

V VG ↑

Ptm

© Chassot 2011

Ao

AP

VCS

Pabd 0

Figure 12.33 : Inspirium en ventilation en pression positive. La situation est analogue à celle d'un Valsalva, mais la source de la pression positive est pulmonaire, contrairement à l’expirium spontané où la Pit monte à cause du mouvement de la cage thoracique. La transmission de cette pression à travers le parenchyme pulmonaire est variable selon la compliance des poumons. Le retour veineux et l'éjection du coeur droit sont freinés et le flux pulmonaire diminue, alors que les poumons, comprimés de l'intérieur comme une éponge, remplissent le retour au coeur gauche. La précharge du VG augmente (augmentation du volume systolique), et la postcharge du VD s’élève (augmentation de pression intraventriculaire). La position du septum interventriculaire dépend du rapport de ces deux phénomènes. Pit : pression intrathoracique. Ptm : pression transmurale. VCI : veine cave inférieure. VCS : veine cave supérieure. AP : artère pulmonaire. VP : veines pulmonaires.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 126

Figure 12.34: Effet sur la pression artérielle systémique d'une manoeuvre de Valsalva (Pit = 40 mm Hg) tenue pendant 30 secondes chez un individu normal (A) et chez un insuffisant ventriculaire gauche (B) [40]. A: Manoeuvre de Valsalva normale:

phase 1: la Pit est élevée ; la PA systémique s'élève; phase 2: la diminution du débit droit pendant la phase 1 retentit sur le remplissage gauche: la PA

systémique baisse, la fréquence cardiaque augmente par réflexe; phase 3: la Pit baisse brusquement (relâchement du Valsalva, analogue à un inspirium forcé); au faible

retour veineux gauche s'ajoute l'effet du DP transmural sur le VG: la PA systémique s'effondre; phase 4: l'augmentation du débit droit de la phase 3 arrive maintenant au coeur gauche, et s'ajoute à la

vasoconstriction périphérique suscitée par l'hypotension de cette phase; la PA systémique augmente, la fréquence baisse par réflexe.

B: Même manoeuvre chez un patient en insuffisance ventriculaire gauche sévère; on voit que l'hémodynamique est bien plus stable. Les phases 1 et 3 sont normales: l'élévation de la Pit est transmise au VG et à la PA systémique (phase 1); cet accroissement est soudainement perdu lorsque la Pit est relâchée (phase 3). Mais comme le coeur travaille sur la partie horizontale de sa courbe de Starling, la diminution du retour veineux de la phase 2 n'affecte pas son débit; le baroréflexe n'est pas activé; il n'y a pas d'effet rebond en phase 4. Insuffisance ventriculaire droite et hypertension pulmonaire L’effet des ΔPit est plus marqué à droite, car la compliance pariétale de l’OD et du VD sont plus élevées, et leurs pressions intracavitaires plus basses. Les variations de pression d’origine respiratoire y représentent des modifications équivalant aux 30 à 50% de leur Pic normale. En inspirium spontané, l’augmentation du retour veineux se traduit par un agrandissement des dimensions de l’oreillette et du ventricule droit jusqu’à 30% [4] ; le flux artériel pulmonaire augmente de 15-25%. La postcharge ventriculaire droite baisse, et le sang s’accumule dans le lit vasculaire pulmonaire où il est "aspiré". La pompe diaphragmatique augmente le retour veineux par la veine cave inférieure (VCI) en inspirium parce que la pression abdominale (pression d’amont) s’élève à cause de la descente du diaphragme, alors que la pression transmurale de l’OD (pression d’aval) s’abaisse à cause de la dépression intrathoracique. Ce phénomène est bien marqué chez l’insuffisant cardiaque droit dont la VCI est distendue et très au-dessus de sa pression critique de fermeture. En inspirium d’IPPV et avec des niveaux croissants de PEEP, le retour veineux vers l’OD est freiné ; la postcharge du VD augmente de la valeur de la pression ventilatoire moyenne ; le volume systolique droit baisse. Au-delà de 15 cm H2O, la postcharge du VD s’élève significativement, ce qui conduit à une augmentation de sa pression télédiastolique ; ce faisant, celle-ci peut déplacer le septum interventriculaire vers la gauche et réduire la dimension diastolique du VG. Une valeur de PEEP de 10-15 cm H2O suffit à décompenser un VD insuffisant ou ischémique.

1

2

3

4 1 3

A B

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 127

Les effets de l’IPPV sont délétères sur la fonction ventriculaire droite. Le rétablissement de la performance du VD nécessite en général une augmentation du volume circulant et une baisse des pressions de ventilation (baisse de la Pit moy). En cas d’insuffisance droite, la situation peut évidemment être très difficile. Cependant, il faut distinguer trois cas de figure différents.

Insuffisance ventriculaire droite sur dysfonction myocardique primaire (infarctus droit, cardiomyopathie du VD) ;

Insuffisance ventriculaire droite congestive sur élévation aiguë de la postcharge (embolie pulmonaire, PEEP excessive) ;

Hypertrophie ventriculaire droite sur hypertension pulmonaire chronique : BPCO sévère, HTAP primaire, syndrome d’Eisenmenger, etc.

Dans le premier cas, la PAP est normale mais le ventricule droit est dysfonctionnel. L’IPPV représente une augmentation de postcharge qui peut suffire à décompenser le VD déjà défaillant. La respiration spontanée garantit une meilleure stabilité hémodynamique. Dans le deuxième cas, l’accroissement de postcharge par l’IPPV (Pit moy augmentée de 6-10 mmHg) est faible par rapport à la postcharge extrême que subit déjà le VD (PAPsyst 50-80 mmHg), mais cette petite augmentation peut suffire à décompenser complètement la situation. La tolérance à l’IPPV est variable de cas en cas ; elle peut être testée avant l’induction par une manoeuvre de Valsalva ou une CPAP au masque. Figure 12.35: Manœuvre de Valsalva. A: Manoeuvre de Valsalva en cas de dysfonction diastolique (cardiomyopathie restrictive). L’irrégularité du pouls paradoxal en ventilation spontanée est suivie d’une légère élévation de pression lors de l'installation du Valsalva (1) et d’un effondrement tensionnel lors du maintien (2) de la haute pression intrathoracique. L’extrême dépendance du volume systolique par rapport à la précharge effondre la pression artérielle lorsque la surpression intrathoracique freine le retour veineux. L’amélioration de la pression artérielle survient lors de l'inspirium profond qui suit (3), par augmentation du retour veineux intrathoracique (augmentation de précharge). B: Manœuvre de Valsalva chez un patient souffrant d’hypertension pulmonaire et d’HVD (PAP moyenne 52 mmHg). 1: bloquage de la respiration et surpression endothoracique; la PA fémorale augmente par amélioration de la performance du VG lorsque la Pit augmente. 2: phase de stabilisation à Pit élevée; la réduction du débit veineux systémique retentit sur le coeur gauche, mais la PAM est voisine de celle mesurée en phase de repos ; la diminution reste dans les valeurs normales de pression artérielle. 3: le patient reprend son souffle; cet équivalent d'une manoeuvre de Mueller (Pit ↓) abaisse la PA périphérique. 4: phase de ré-équilibration; l'absence de bradycardie en phase 4 est la seule anomalie par rapport à une situation normale. La chute la plus importante a lieu en phase 3 lors de l’inspirium profond, comme dans une situation normale. Ce malade supportera donc normalement l’IPPV.

1 2 3

4

Valsalva Inspirium

Relâche-ment du Valsalva

1

2

3

A B

Valsalva

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 128

Dans le troisième cas, une hypertension pulmonaire chronique a entraîné une hypertrophie ventriculaire droite (HVD), et la situation est très différente. Quatre phénomènes entrent alors en ligne de compte :

En cas d'hypertension pulmonaire chronique (PAPmoy > 30 mmHg), l’augmentation de Pit par l’IPPV représente une élévation d’à peine 10-20% de la postcharge droite par rapport à la PAP habituelle, alors que cette augmentation de postcharge est de 50% ou davantage pour un VD normal. L’IPPV est mieux supportée en cas d’HTAP chronique qu’en cas de PAP normale, comme il apparaît lors d’un Valsalva (Figure 12.35B).

Lors d’HTAP chronique, les parois artérielles sont épaissies, muscularisées et fibrosées ; elles résistent à la compression par la pression ventilatoire et à la distension alvéolaire par l’hyperinflation, ce qui n’est pas le cas d’artères pulmonaires normales. L’impédance du VD n’augmente par lorsque le volume courant est élevé ; l’hyperventilation est bien tolérée.

Même en cas d’HTAP, la réactivité des artérioles à l’acidose et à l’hypocapnie persiste ; la PAP peut encore s’élever en cas d’hypoventilation [50]. L’IPPV contribue à baisser les résistances pulmonaires par hyperventilation (hyperoxie, hypocarbie et alcalose) [34].

Dans le BPCO, les pressions de ventilation sont mal transmises par le parenchyme pulmonaire peu compliant; la Pit engendrée est inférieure à la pression ventilatoire, et la postcharge droite est moins augmentée qu'il n'y paraît.

Les patients souffrant d’HTAP chronique bénéficient donc de la ventilation mécanique en IPPV. Ces notions prennent toute leur importance lorsqu’il s’agit de choisir la technique d’anesthésie la plus appropriée. En chirurgie cardiaque, les lésions d’ischémie-reperfusion, le syndrome inflammatoire de la CEC et les modifications ventilatoires conduisent à une baisse de la production endothéliale de NO et à une exacerbation de l’HTAP [16,81,177]. Interactions globales Le passage de la respiration spontanée à la ventilation contrôlée est un moment délicat. La résultante hémodynamique dépend de l’élément qui prédomine dans le tableau clinique.

Prédominance d’insuffisance systolique du VG : l’IPPV améliore la performance systolique, la pression artérielle est stable.

Prédominance d’insuffisance diastolique du VG : les oscillations respiratoires sont accentuées, la pression artérielle est instable.

Insuffisance ventriculaire droite primaire : toute augmentation de postcharge peut décompenser le VD ; la respiration spontanée et la loco-régionale assurent une meilleure stabilité hémodynamique.

Hypertension pulmonaire aiguë : la réponse est variable selon la réserve fonctionnelle du VD. Hypertension pulmonaire chronique avec HVD : l’IPPV est bien tolérée et peut baisser la PAP

par hyperventilation et alcalose respiratoire. Etat de la volémie : l’instabilité hémodynamique est potentialisée par l’hypovolémie. Etat du parenchyme pulmonaire : l’IPPV diminue les variations tensionnelles liées aux

inspirium forcés des patients souffrant de BPCO ; les poumons pathologiques transmettent mal les variations de pression du ventilateur.

Pression abdominale : l’augmentation du retour veineux par la pompe diaphragmatique dépend de la pression abdominale et du degré de remplissage de la VCI ; l’effet est perdu lors de la curarisation.

Si l'on dispose d'un cathéter artériel mis en place avant l'induction, on peut tester le retentissement de l’IPPV sur l'hémodynamique du patient en lui faisant faire une manoeuvre de Valsalva pendant au moins 20 secondes : la réponse de la pression artérielle permet de prévoir le comportement du patient au moment de la ventilation contrôlée. Les malades qui manifestent la plus forte chute de débit cardiaque lors de l'institution de l’IPPV ou de la PEEP sont ceux souffrant d’insuffisance diastolique :

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 129

ce sont notamment les personnes âgée et les patients présentant une HVG (hypertension artérielle, sténose aortique) ou une ischémie myocardique. La prédictibilité du Valsalva pour la réponse hémodynamique en IPPV n’est pas absolue, car la manoeuvre augmente simultanément la pression abdominale, alors que la curarisation supprime l’effet de pompe du diaphragme et diminue le retour veineux par la VCI.

Ventilation et insuffisance ventriculaire La pression générée par une cavité cardiaque est sa pression transmurale (Ptm), ou différence entre la pression intracardiaque (Pic) et la pression intrathoracique (Pit): Ptm = Pic – Pit. La postcharge du VG est à l’extérieur de la cage thoracique et ne change pas au cours de la ventilation. Insuffisance systolique du VG: - Inspirium spontané: Pit subatmosphérique; Ptm = Pic – (- Pit) ou Pic = Ptm + (- Pit) ; le VG est “décomprimé” par rapport à sa postcharge extrathoracique, sa Ptm augmente - En IPPV ± PEEP (Pit positive = Pv, pression ventilatoire moyenne): Ptm = Pic - Pv, ou Pic = Ptm + (+ Pv); la Pv augmente la Pic, donc aide l’éjection du VG - L’IPPV est bien supportée, son sevrage est difficile Insuffisance diastolique: - La courbe de Starling est très verticale, le VS est très sensible aux variations de précharge - L’IPPV occasionne d‘amples variations cycliques du VS et de la PAs et une baisse de la PAM Insuffisance du VD (IVD), 3 situations possibles: - Défaillance propre du VD (infarctus, cardiomyopathie, sepsis) avec PAP normale: IPPV mal supportée à cause de l’augmentation de la postcharge du VD défaillant - IVD sur élévation aiguë de la postcharge (embolie pulmonaire): l’IPPV représente une faible

augmentation supplémentaire de la PAP, mais peut suffire à décompenser le VD; tolérance variable à l’IPPV

- HTAP chronique avec HVD: l’IPPV augmente peu la postcharge chroniquement élevée du VD hypertrophié; l’IPPV est bien tolérée et permet de baisser les RAP par hyperventilation Agents intraveineux et halogénés Pharmacocinétique et pharmacodynamique des agents intraveineux La baisse du débit cardiaque et la rétention hydro-sodée conduisent à une augmentation du volume sanguin et du volume extracellulaire, à une baisse du volume intracellulaire (perte de masse musculaire), et à une hypoalbuminémie relative. La pharmacocinétique est donc modifiée chez les patients en insuffisance cardiaque [247].

Prolongation de la phase de distribution intraveineuse ; Variation globale du volume de distribution (Vd) :

• ↓ du Vd des substances à distribution intracellulaire (opiacés, diazépines) ; • ↑ du Vd des substances à distribution exclusivement extracellulaire (curares,

catécholamines) ;

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 130

Modification de la distribution tissulaire: débit relatif augmenté dans le compartiment central (cerveau, coeur, poumons) et diminué dans le compartiment périphérique (vasoconstriction dans les viscères, les reins, les muscles et la peau) ;

Baisse de la clearance des substances par plusieurs mécanismes : • ↓ du flux plasmatique rénal (FPR), redistribution du FPR du cortex vers la

médullaire et ↑ de la résorbtion tubulaire ; • ↓ du débit hépatique, stase hépatique, ↓ du métabolisme ;

Hypoalbuminémie : ↑ fraction libre des substances liées aux protéines ; l'effet clinique est accentué.

Lorsqu’on administre la dose conventionnelle d’une substance, les taux plasmatiques sont plus élevés que chez un individu normal (diminution du volume de distribution effectif et de la clearance), et les effets centraux cérébraux et cardiaques sont amplifiés, mais le temps nécessaire pour obtenir l’effet est prolongé. La baisse du Vd intracellulaire augmente l’effet des substances liposolubles comme tous les agents à action sur le système nerveux central. L’augmentation du liquide extracellulaire dilue les substances hydrosolubles comme les catécholamines ou les curares. L’augmentation de la fraction libre plasmatique est particulièrement marquée pour le propofol. La baisse du métabolisme hépatique entraîne un retard d’élimination des substances à haute extraction hépatique comme la morphine et les fentanils. Les agents d'anesthésie interfèrent avec l'hémodynamique par effet direct sur le coeur et les vaisseaux ou par effet indirect via le contrôle neuro-humoral. In vitro, la plupart des substances utilisées ont un certain effet inotrope négatif. In vivo, cet effet est souvent très faible, car il est dominé par la dépression sympathique centrale et l’altération des baroréflexes, qui modifient les conditions de précharge et de postcharge. En clinique, l'effet central est d'autant plus marqué que le tonus sympathique de base est nécessaire au maintien de l’équilibre hémodynmique. Le résultat final sur la pression artérielle et le débit cardiaque est une combinaison indissociable de ces différents éléments. La dépression sympathique centrale, par exemple, est maximale avec le thiopental, suivie par le propofol, puis par les halogénés; elle est quasi-nulle pour l'étomidate; la kétamine et le protoxyde d'azote induisent au contraire une stimulation sympathique. La modification des baroréflexes est la plus importante pour le thiopental, moins marquée pour le propofol et presque inexistante pour l'étomidate (Figure 12.36). La baisse de précharge due au midazolam ou au propofol, bien tolérée par un coeur normal, induit une chute du débit cardiaque et une hypotension sévères lorsque le ventricule dépend de cette précharge pour maintenir sa fonction (insuffisance diastolique, hypovolémie). La kétamine possède un puissant effet inotrope négatif direct sur le myocarde, mais celui-ci est masqué par la stimulation sympathique centrale ; par contre, il devient évident lorsque le système sympathique est déjà maximalement stimulé ou épuisé. Les effets hémodynamiques des agents d'induction intraveineux sont résumés dans le Tableau 12.12 (page 133). Pour chaque substance, l'effet sur la contractilité myocardique est fonction de la dose. A dose équimolaire, le propofol est sensiblement moins cardiodépresseur que le thiopental, mais davantage que la kétamine ; l'étomidate et le midazolam ont très peu d'effet. De plus, les concentrations plasmatiques nécessaires à obtenir le sommeil sont très différentes pour chaque agent, passant de 3 micromoles pour l'étomidate à 50 micromoles pour le propofol et 100 pour le thiopental [247]. De ce fait, l'agent qui perturbe le moins l'hémodynamique est l'étomidate. Toutefois, les agents habituellement utilisés en anesthésie cardiaque (étomidate, midazolam, propofol, fentanils, isoflurane, sevoflurane) ont des effets cardiodépresseurs mineurs ; les modifications hémodynamiques sont plutôt liées aux effets de ces substances sur les mécanismes de contrôle vasomoteur central [145]. Le sommeil lui-même s'accompagne d'une baisse de l'activité sympathique centrale qui réduit invariablement les performances hémodynamiques, mais aussi les besoins métaboliques de l'organisme. Les curares actuels (vecuronium, cisatracurium, rocuronium) sont pratiquement dénués d’effet hémodynamique, à l’exception du pancuronium qui augmente la fréquence cardiaque de 10%. Toutefois, la curarisation en elle-même a des conséquences majeures. La perte de la pompe

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 131

diaphragmatique, la baisse de la pression abdominale et la baisse de la contention veineuse dans les membres et l’abdomen sont l’équivalent d’une baisse de précharge (pooling veineux). De plus, la nécessité de ventiler les malades augmente la pression intrathoracique et freine le retour veineux au coeur droit.

Ainsi la curarisation, additionnée au démarrage de l’IPPV qui augmente la postcharge du VD, conduit-elle à une hypovolémie relative et à une baisse de la pression artérielle. Pour éviter de surcharger le malade avec des cristalloïdes ou des colloïdes, le plus simple est de corriger cette hypotension en élevant les jambes du patient (autotransfusion réversible d’environ 500 mL) et en administrant de l’éphédrine à faible dose (effet α veineux). Toutefois, le volume systolique est peu dépendant de la précharge lors d’insuffisance systolique, et l’IPPV agit comme une prothèse éjectionnelle pour le VG ; la pression artérielle tend donc à rester plus stable que chez un individu normal au démarrage de la ventilation mécanique. Les effets hémodynamiques de l'induction avec les principaux agents d'anesthésie sont résumés dans la Figure 12.37 et les Tableaux 12.12 et 12.13 (page 133). Les effets hémodynamiques de chaque substance sont détaillés dans le Chapitre 4, Effets hémodynamiques des agents d’anesthésie. Les halogénés Pour l'induction comme pour le maintien de l'anesthésie, les agents volatils halogénés présentent des effets hémodynamiques significatifs (Tableau 12.13) [311]. D'une manière générale, ils diminuent la

Modification en % de la valeur de contrôle

0

-20

-40

-60

+20 Th Pr Iso Et

N2O

A

Modification en % de la valeur de contrôle

0

-20

-40

-60

-80

Th Pr Et

C B

Th Pr Et

Figure 12.36 : Effets hémodynamiques centraux de différents agents d'anesthésie. A: Dépression de l'activité sympathique centrale pour le thiopental (Th), le propofol (Pr), l'isoflurane (Iso), l'étomidate (Et) et le protoxyde d'azote. B: Dépression de la réponse des barorécepteurs à un vasopresseur (phényléphrine 150 mcg). C: Dépression de la réponse des barorécepteurs à un vasodilatateur (nitroprussiate 100 mcg) (d'après réf 90 et 92). L’etomidate est clairement la substance qui perturbe le moins le baroréflexe.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 132

sécrétion de catécholamines à l'état basal, et limitent la réponse sympathique centrale aux stimuli chirurgicaux. Aucun de ces gaz n'altère de manière significative les conditions de précharge ventriculaire, mais tous abaissent la postcharge à des degrés variables. A l'exception éventuelle du sevoflurane, ils atténuent le réflexe du barocontrôle. L'effet inotrope négatif est d'autant plus marqué que le ventricule est dysfonctionnel. Cet effet inotrope négatif dose-dépendant est secondaire à une diminution de l'entrée passive du Ca2+ (phase 2 du potentiel d'action) par modification de la perméabilité des canaux calciques, et à une perturbation du trafic calcique au niveau du réticulum endoplasmique. La quantité de Ca2+ ionisé disponible pour se lier à la troponine C est diminuée, donc la force de contraction l'est également. Les halogénés interfèrent avec la fonction diastolique, mais les résultats sont contradictoires selon les études. Dans certains travaux, ils présentent des effets lusitropes négatifs et provoquent une baisse de compliance du ventricule gauche, qui se traduit par un ralentissement de la phase de relaxation isovolumétrique [117,258]. Dans d’autres, ils améliorent la relaxation ventriculaire [296]. Cette incohérence tient probablement à la présence ou non d’une dysfonction diastolique préalable chez les patients, de son importance, des indices échocardiographiques choisis et du contexte hémodynamique (cardiopathie ischémique, CEC, ou chirurgie non-cardiaque). Lorsque le débit cardiaque est abaissé et le débit pulmonaire ralenti, la captation d’un gaz de grande solubilité est augmentée et la vitesse d’induction accélérée, comme c’est le cas pour l’halothane (coefficients de solubilité : halothane 2.5, isoflurane 1.4). Cet effet est peu significatif pour les gaz peu solubles dans le sang (coefficients de solubilité : sevoflurane 0.69, desflurane 0.42). L’augmentation relative du débit sanguin dans le compartiment central (cerveau, coeur) par rapport au compartiment

Thiopental Etomidate Propofol Kétamine

100

80

80

60

60

50

40

30

20

20

15

10

Fréquence (b/min)

PAM (mmHg)

Vol syst indexé (ml/m2)

mVO2 (ml/min/100g)

E A E A

E A E A

Figure 12.37: Effets hémodynamiques des agents d'induction intraveineux. E: patient éveillé avant l'induction; A: patient anesthésié après l'induction (d'après réf 145). Le minimum de perturbation est obtenu avec l’etomidate. Par ordre croissant d’effet hémodynamique: etomidate < propofol < kétamine < thiopental.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 133

périphérique (muscles, viscères) accélère l’installation de l’effet clinique des gaz chez l’insuffisant cardiaque ; ceci est d’autant plus marqué que le coefficient de partition cerveau/sang est plus élevé (halothane 1.9, sevoflurane 1.7, isoflurane 1.6, desflurane 1.3). Il est donc prudent de ne pas dépasser 1 MAC chez ces malades.

Tableau 12.12 Effets hémodynamiques des agents intraveineux

Substance Précharge PA PAP Fréquence Contractilité Midazolam ↓↓ ↓↓ ↓ ↑ ↓ Etomidate - ↑ - ↑ - Propofol ↓↓↓ ↓↓↓ ↓ ↓ ↓ Kétamine ↑ ↑↑↑ ↑↑↑ ↑↑ ↓↓* Thiopental ↓↓ ↓↓↓ ↑ ↑↑ ↓↓↓ Fentanyl ± ↓ ↓↓ ↓ - Sufentanil ± ↓↓ ↓↓ ↓↓ - Rémifentanil ± ↓↓ ↓↓ ↓↓↓ ↓ * : effet direct sur le cœur in vitro, surcompensée par la stimulation sympathique centrale in vivo.

Tableau 12.13 Effets hémodynamiques des agents d’inhalation

Substance MAC(%) RAS RAP Fréquence Contractilité Halothane 0.75 - ↓ ↓↓ ↓↓↓ Isoflurane 1.17 ↓↓↓ ↓↓ ↑ ↓ Sevoflurane 1.8 – 2.1 ↓↓ ↓ ↓ ↓ Desflurane 6.6 ↓↓ ↑↑↑ ↑↑ ↓* N2O 104 ↑ ↑↑ ↑↑ ↓

* : peut être masquée par la stimulation sympathique lors des augmentations de la fraction inspirée

L'effet le plus marqué de l’isoflurane (Forene®) est la baisse des RAS (25% à Fi 1.2%) ; ceci est bénéfique en cas d'insuffisance congestive. Les RAP baissent si elles sont élevées ; la vasoconstriction pulmonaire hypoxique est inhibée (risque d'hypoxémie par effet shunt). La fréquence cardiaque augmente de 15 à 20% dès 1 MAC, sauf chez le sujet âgé. La baisse de la pression artérielle est secondaire à la vasodilatation artérielle, non à un effet inotrope négatif. Cette baisse de postcharge fait que l’isoflurane est bien adapté à l’anesthésie du patient en insuffisance gauche, pour autant que la PA ne baisse pas trop. Le sevoflurane (Sevorane®) induit une inhibition sympathique centrale à 1 MAC (1.7%) : bradycardie, baisse des RAS, faible baisse du débit cardiaque. Ses effets hémodynamiques sont voisins de ceux de l’isoflurane, mais avec un effet vasodilatateur artériel nettement plus faible et moins de tachycardie. Il

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 134

est particulièrement indiqué dans les situations où la vasodilatation artérielle est dangereuse, comme dans la sténose aortique ou l’insuffisance droite. Les effets du desflurane (Suprane®) à doses équi-anesthésiantes (la MAC est de 6-7% chez l'homme) sont voisins de ceux de l'isoflurane : tachycardie et baisse progressive des RAS. Mais le maintien du débit cardiaque est dû essentiellement à la tachycardie et à la stimulation sympathique centrale. Celle-ci est particulièrement importante lors de l'accroissement brusque de la fraction inspirée, comme c'est le cas à l'induction ou à l'approfondissement de l'anesthésie [37,91]; cette stimulation sympathique s'accompagne d'une élévation soudaine des résistances pulmonaires [67]. La tachycardie et l’augmentation des pressions pulmonaires en font un agent inadapté au patient insuffisant cardiaque. Le protoxyde d'azote (N2O) occupe une place à part comme co-anesthésique servant à potentialiser l'effet des autres substances. Il provoque une stimulation sympathique centrale et une augmentation des RAP, particulièrement si elles sont déjà élevées. Son effet inotrope négatif mineur peut devenir significatif en cas de décompensation ventriculaire. Il n’a pas sa place chez l’insuffisant cardiaque.

Agents d’anesthésie et insuffisance ventriculaire L’insuffisance cardiaque entraîne des modifications pharmacocinétiques: - ↓ Vd intracellulaire, ↑ Vd extracellulaire, hypoalbuminémie (↑ fraction libre) - ↑ débit du compartiment central (coeur, cerveau, poumons) au détriment du compartiment périphérique (muscle, viscères) - ↓ clearance et élimination - Ralentissement de la phase de distribution Conséquence clinique: ralentir l’induction, diminuer les doses de moitié Mis à part la kétamine et le thiopental, les agents d’anesthésie ont peu d’effet inotrope négatif; mais certains modifient considérablement la précharge, la postcharge et l’activité des barorécepteurs. Ordre décroissant d’altération hémodynamique en cas d’insuffisance ventriculaire: - Etomidate (0), midazolam (±), propofol (+), kétamine (++), thiopental (+++) - Sevoflurane (0), isoflurane (+), desflurane (++) Bien que sans effets hémodynamiques significatifs, les curares baissent le VS et la PA par perte de la pompe diaphragmatique et de la contention veineuse des membres et de l’abdomen (pooling veineux). Anesthésie générale du patient en insuffisance ventriculaire gauche La première démarche est d’équiper le patient d'un cathéter artériel. L’évolution de la pression artérielle au cours d’une manoeuvre de Valsalva permet d'anticiper sa réaction à la ventilation en pression positive. La préoxygénation est généreuse, éventuellement en position semi-assise pour éviter la dyspnée. L'atmosphère est calme et rassurante, car ces patients sont souvent extrêmement anxieux. Les clefs du maintien de l'équilibre hémodynamique sont :

La réduction des doses (point de repère : demi-dose par rapport à la norme pondérale) ; La lenteur d’administration (20-30 secondes par dose) ; La correction immédiate de toute variation hémodynamique significative avec les doses

minimales nécessaires à ramener les valeurs à la norme du patient.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 135

L'agent d'induction le plus sûr est l'étomidate (0.3 mg/kg), accompagné de fentanyl (5-10 mcg/kg). D’autres substances sont envisageables (midazolam, propofol), à la condition de respecter les règles de réduction des doses et de lenteur d’administration ; pour le propofol, par exemple, il est recommandé d’administrer une dose de 1 mg/kg, à compléter si nécessaire [95]. La kétamine maintient la stabilité hémodynamique à cause de la stimulation sympathique centrale qu’elle provoque, mais elle a un effet cardiodépresseur direct sur la fibre moycardique. Elle est contre-indiquée chez les patients dont le système sympathique est déjà puissamment sollicité comme les insuffisants cardiaques chroniques, ou épuisé comme les malades de soins intensifs, car l’absence de réponse sympathique démasque l’effet inotrope négatif. En cas de défaillance ventriculaire, la kétamine peut provoquer un choc cardiogène gravissime. Après curarisation, la ventilation au masque vise une légère hypocapnie. L'induction de l'anesthésie et la ventilation en pression positive provoquent un déplacement de volume de l'intérieur vers l'extérieur de la cage thoracique de l'ordre de 300 – 600 ml, ce qui est bénéfique en cas d’insuffisance congestive gauche [351]. L'élévation des jambes assure un retour veineux complémentaire pour prévenir cette baisse de précharge et augmenter la pression transmurale de l'OD sans augmenter la Pit. Chez le patient curarisé, la position de Trendelenburg est moins efficace, car le poids des viscères sur le diaphragme paralysé augmente la pression intrathoracique si bien que la pression transmurale de l'OD ne se modifie pas. Cette manoeuvre s'accompagne de bolus d'éphédrine (5 mg) à la demande, ou de néosynéphrine (100 mcg) en cas de tachycardie ou d'arythmies. Toutefois, l’éphédrine est un agent indirect qui perd son efficacité dans l’insuffisance ventriculaire à cause de la déplétion du myocarde en catécholamines endogènes. Si des doses répétées sont nécessaires, on commence une perfusion de dobutamine. La pression visée est une PAM de 70-75 mmHg [226]. La xylocaïne est efficace pour diminuer la réactivité hémodynamique à l'intubation ; cependant, les taux sériques obtenus par injection de 1.5 mg/kg iv ont un effet négatif puissant sur la contractilité et sur la conduction. Il est préférable de l’utiliser sous forme de spray laryngo-trachéal (max. 3 mg/kg) réalisé 2-3 minutes avant le passage du tube ; la réabsorption assez lente du spray évite les pics sériques élevés pour une efficacité comparable à celle de l’administration intraveineuse. Le maintien de l'anesthésie est basé sur l’association d’un opiacé et d’un agent d’anesthésie choisi pour ses faibles effets hémodynamiques.

Fentanyl ou sufentanil ; l’alfentanil est une alternative pour les interventions courtes. Aux doses habituelles en bolus, le rémifentanil est trop bradycardisant et trop hypotenseur, mais l’utilisation en perfusion continue à objectif de concentration est plus stable, à la condition de viser des valeurs adaptées à l’état hémodynamique du patient ; il présente l’avantage d’être métabolisé par les estérases sériques et de ne dépendre ni de la fonction hépatique ni de la fonction rénale.

Isoflurane ou sevoflurane (≤ 1 MAC) ; la vasodilatation artérielle de l’isoflurane facilite l'éjection du VG. Les halogénés présentent deux avantages par rapport aux agents intraveineux, à la condition de rester à dosage modéré pour éviter leur effet inotrope négatif à Fi élevée (> 1.5 MAC) :

• Leurs effets sont rapidement réversibles lorsqu’on cesse leur administration ; • Ils offrent une protection myocardique par effet de préconditionnement en cas de

cardiomyopathie ischémique et ne peuvent être que bénéfiques dans les cardiomyopathies.

Midazolam, de préférence en perfusion continue ; même en perfusion, le propofol a davantage d’effets hémodynamiques (baisse de précharge et de postcharge).

Hormis les moments de stimulation chirurgicale et d'hypertension artérielle, il est préférable de maintenir stable la fraction inspirée d’halogéné ou la vitesse de perfusion de l’agent intraveineux afin d'assurer un sommeil constant.

Il est préférable de régler les écarts hémodynamiques par des substances sélectives (hypotenseurs, hypertenseurs, inotropes) plutôt que par l’approfondissement ou la diminution de l’anesthésie.

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 136

Il est essentiel que le sommeil et l’analgésie soient assurés en auto-pilote, de manière à pouvoir porter toute son attention sur l’équilibre hémodynamique et la gestion des perfusions.

Les faibles doses d’hypnotique tolérées par ces patients font courir un risque d’éveil sous anesthésie, que l’hémodynamique très perturbée reflète mal ; ce désavantage peut être compensé par une curarisation minimale qui permet au malade de bouger en cas de réveil. Le BIS™ peut être utile, mais n’est pas d’une grande fiabilité.

La ventilation est règlée de manière à obtenir une discrète hyperventilation (PaCO2: 35 mmHg) en maintenant la pression moyenne endothoracique basse (Pmoy: 6-10 mmHg) ; la tolérance à la PEEP est variable. En cas d'hypertension pulmonaire, une hyperventilation normobarique est de règle. La température est maintenue au voisinage de la normothermie par tous les moyens, sauf lorsqu'une CEC hypothermique est prévue [106]. Dans les cas d’instabilité hémodynamique extrême, il peut arriver que l’on doive synchroniser l’induction de l’anesthésie et la chirurgie : mise en place d’une contre-pulsion intra-aortique préopératoire par voie fémorale ou canulation de CEC fémoro-fémorale en anesthésie locale avant l’induction. Celle-ci n’est démarrée que lorsque le soutien hémodynamique est optimal. Cas particulier : insuffisance diastolique Les substances d’anesthésie ont des effets variables selon la fonction diastolique préalable et selon le modèle étudié (animal, homme normal, ou insuffisant cardiaque). Les halogénés semblent diminuer la relaxation active lorsqu’elle est normale [117,258], mais l’améliorer en cas de dysfonction protodiastolique [296] ; ils abaissent la fonction systolique de l’OG (FE < 25%) [213]. Certains agents intraveineux altèrent significativement la relaxation active (barbiturés, kétamine), le propofol ne fait que prolonger la phase de relaxation isovolumétrique, et l’étomidate semble sans effet [213]. Malheureusement, les travaux cliniques sont assez rares. Dans une étude canadienne, l’induction de l’anesthésie (sufentanil, midazolam, isoflurane, pancuronium) chez des patients ischémiques (pontages aorto-coronariens) a présenté les caractéristiques suivantes à l’échocardiographie [72a].

OD et OG : augmentation du diamètre et de la surface ; VG : diminution de la surface télédiastolique et télésystolique; FE inchangée ; Flux mitral : baisse de la vélocité E (10%), baisse prononcée de la vélocité A (34%) ; Anneau mitral : baisse des vélocités E’ et A’ ; VD : augmentation de la surface télédiastolique et télésystolique; FE diminuée.

Ce profil de modifications parle pour une baisse du retour veineux et une hausse de la postcharge du VD, liées à la mise en route de la ventilation contrôlée. Il s’y ajoute une diminution de la relaxation active (baisse de E’) et une baisse significative de la fonctions systolique de l’OG (baisse marquée du flux A, baisse de la FE de l’OG), compatibles avec l’effet inotrope négatif de l’anesthésie générale.

Insuffisance ventriculaire gauche: AG Manoeuvre de Valsalva une fois le cathéter artériel en place (test de tolérance à l’IPPV). Induction : etomidate ou midazolam, fentanyl ou sufentanil - Diminuer les doses - Ralentir la vitesse d’induction - Correction proactive immédiate de toute déviation hémodynamique Hypotension à l’induction : élever les membres inférieurs (autotransfusion), éphédrine, néosynéphrine, agent inotrope ; éviter l’administration de cristalloïdes ou de colloïdes Maintien : sevoflurane ou isoflurane (environ 1 MAC), perfusion de midazolam ou de propofol

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 137

Anesthésie loco-régionale Le rationnel de l'anesthésie loco-régionale (ALR) ou de l'anesthésie combinée est triple [356] :

Diminuer la douleur et le support ventilatoire postopératoires ; Diminuer la réponse neuro-endocrine (sécrétion d’adrénaline, de cortisol, etc) et sympathique

(tachycardie, hypertension) au stress ; Diminuer l'hypercoagulabilité périopératoire (baisse de la fibrine et fibrinolyse accrue).

Selon le niveau, les effets hémodynamiques de l'anesthésie rachidienne ne sont pas identiques. Il faut distinguer la péridurale thoracique haute (C7-D4), la péridurale médio-thoracique (D5-D10), et la péridurale lombaire. L'anesthésie péridurale thoracique haute aux niveaux C7 à D4 bloque les afférences et les efférences du sympathique cardiaque. Ceci induit un effet inotrope négatif, une bradycardie, une vasodilatation coronarienne (↑DO2), une baisse de la consommation d’O2 myocardique (↓VO2), et une vasodilatation du système veineux capacitif et artériel thoracique [123]. La baisse de précharge est plus importante que celle de postcharge, car le réseau artériel correspondant à ces métamères est moins volumineux que le réseau veineux central. Le bloc provoque une hypotension importante qui peut compromettre la perfusion coronarienne malgré un rapport DO2/VO2 favorable [317]. Ceci est plus marqué chez les malades sous IEC, parce que le système rénine-angiotensine assure normalement le maintien de la pression artérielle lors de bloc péridural thoracique [55]. Sous anesthésie générale, l’hypotension est accentuée par l’absence de réflexe vasoconstricteur dans les zones non bloquées et par la cardiodépression additionnelle des agents d'anesthésie [20]. Le bloc entre C7 et D4 inhibe la vasodilatation pulmonaire neurogène active ; les résistances pulmonaires peuvent augmenter sensiblement. Alors qu’elle est en général bénéfique pour le coronarien, la péridurale thoracique haute ne l’est pas pour le malade en insuffisance ventriculaire. Un bloc aux niveaux D5 à D12 interrompt la sécrétion de catécholamines par les surrénales, et provoque une vasodilatation splanchnique de tout le territoire coeliaque et mésentérique supérieur. Le bloc lombaire (D12-L5) induit une vasodilatation artérielle et veineuse du petit bassin et des membres inférieurs. La vasodilatation veineuse s'accompagne d'un stockage de sang dans les grandes veines centrales et d'une brusque baisse de précharge dans l'OD. Ceci stimule les récepteurs à la distension auriculaire (stretch-receptors) et induit alors une bradycardie (réflexe de Bezold-Jarisch) pour assurer un volume ventriculaire diastolique suffisant [155]. Ce phénomène potentialise la baisse du débit cardiaque et amplifie les effets de l'hypovolémie. Ce réflexe, particulièrement rebelle à l'atropine, survient plus fréquemment avec les blocs lombaires que thoraciques [235]. Dans les segments non bloqués, les baroréflexes déclenchent une vasoconstriction sympathique dont l'effet sur les RAS est proportionnel à l'étendue des segments libres [326]. La rachianesthésie compromet davantage l’hémodynamique que la péridurale de même niveau à cause de la grande vitesse d’installation du bloc sympathique. Chez l'individu sain, ces phénomènes sont bien tolérés moyennant une adaptation du volume circulant et des vasopresseurs. L’amélioration du rapport DO2/VO2 myocardique est bénéfique chez les malades coronariens. La situation est différente chez les insuffisants cardiaques, dont l'hémodynamique est partiellement compensée par une stimulation sympathique permanente.

La sympatholyse cardiaque compromet d'autant plus les performances hémodynamiques que celles-ci dépendent du tonus sympathique pour compenser l'insuffisance ventriculaire.

En cas de bloc supérieur à D5, le réflexe cardioaccélérateur est perdu ; chez l'insuffisant cardiaque, le débit chute avec la baisse de la fréquence.

La chute de la précharge peut décompenser une insuffisance diastolique isolée, même en l'absence d'insuffisance systolique.

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Le remplissage vasculaire rapide surcharge ces patients déjà en rétention hydro-sodée chronique.

L’alternative à la loco-régionale implique la ventilation mécanique, mais cette dernière est bénéfique pour l’insuffisance ventriculaire gauche ; en cas d’insuffisance droite, la situation est plus complexe (voir ci-après Insuffisance droite).

L’utilisation de plus en plus fréquente d’antiplaquettaires et d’anticoagulants chez l’insuffisance cardiaque limite drastiquement les possibilités de pratiquer une ALR rachidienne.

Malgré la diminution des thromboses artérielles après pontages artériels périphériques et la baisse de l'incidence des thrombo-embolies après chirurgie générale, l’anesthésie rachidienne ou l’anesthésie combinée ne modifient pas significativement la morbidité ni la mortalité postopératoires, sauf dans certaines situations particulières [65,249,253,263]. L’insuffisance cardiaque n’est pas en soi une indication à la loco-régionale rachidienne ni à l’anesthésie combinée. Par contre, l’analgésie péridurale postopératoire est un avantage certain pour la réduction du stress, pour la reprise ventilatoire et pour le confort du patient. Une bonne solution est de placer le cathéter péridural avant l’induction, mais de ne mettre en route la péridurale qu’à la fin de l’intervention, sans dose de charge. L’adjonction d’un opiacé à l’anesthésique local réduit les effets hémodynamiques. N’ayant pas d’effets hémodynamiques significatifs, les blocs périphériques sont particulièrement bien adaptés au malade en insuffisance ventriculaire.

Insuffisance ventriculaire gauche: ALR Les effets hémodynamiques de l’ALR rachidienne dépendent du niveau et de l’extension du bloc. Péridurale thoracique haute (C7-D5): - Sympathicolyse cardiaque, risquée lorsque le DC dépend de la stimulation sympathique - Amélioration du rapport DO2/VO2 bénéfique en cas de coronaropathie - Effet inotrope négatif, baisse de précharge plus importante que la baisse de postcharge - Diminue les RAS au niveau thoracique mais ne baisse pas les RAP; peut les augmenter - Pas d’intérêt pour l’insuffisance ventriculaire systolique (VG et VD) - Désavantage pour l’insuffisance diastolique Péridurale thoracique basse (D6-D12): - Inhibition de la sécrétion surrénalienne - Vasodilatation splanchnique, baisse de précharge et de postcharge Bloc lombaire (péridurale ou rachianesthésie): - Vasodilatation veineuse et baisse du retour veineux, bradycardie - Pas d’effet cardiaque bénéfique en cas d’insuffisance ventriculaire Blocs périphériques: bonne indication car absence d’effets hémodynamiques significatifs. L’intérêt de l’ALR rachidienne réside essentiellement dans la qualité de l’antalgie postopératoire. Insuffisance droite et hypertension pulmonaire Pour l’anesthésiste, le patient souffrant d’hypertension pulmonaire (HTP) présente plusieurs caractéristiques limitantes.

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Débit pulmonaire fixe ; lorsque le DC augmente sur une demande accrue en O2, le lit

pulmonaire ne peut pas se dilater, le flux pulmonaire ne varie pas et le malade devient hypoxique. Seule la PAP augmente. Lors d’un test de réponse au volume (250 mL iv), la PVC s’accroît, la PAP s’élève de > 20 mmHg, alors que la PAPO reste < 15 mmHg [216].

Hypertrophie ventriculaire droite ; plus il est hypertrophié, plus le VD fonctionne comme le VG, et son débit devient dépendant de sa précharge. Le patient est intolérant à l’hypovolémie.

Dépendance de la pression systémique ; la postcharge du VG doit rester importante pour maintenir le septum interventriculaire en position neutre et assurer son aide contractile au VD [32]. En cas d’hypotension systémique, la pression de perfusion coronaire du VD diminue et le ventricule court un risque d’ischémie myocardique.

Dysfonction diastolique du VG ; la dilatation du VD empiète sur la cavité du VG en diastole et en rétrécit le volume, ce qui corrrespond à une insuffisance diastolique gauche.

Persistance de la réactivité des petits vaisseaux pulmonaires ; sous l’effet de l’hypercarbie, de l’hypoxie ou de l’acidose, les RAP peuvent encore s’élever et déclencher une poussée hypertensive pulmonaire.

Les facteurs suivants sont considérés comme les meilleurs critères de risque cardiovasculaire et de mortalité en cas d’HTP (voir Clinique de l’HTP) :

Dysfonction du VD, dilatation de l’OD, PVC > 12 mmHg ; PAP moyenne > 35 mmHg, rapport PAPsyst/PAsyst > 0.7, rapport PAM/PAPm ≤ 3 ; SaO2 < 90%, Hb > 150 gm/L, SvO2 < 65%, VO2 max < 10 mL/min/kg ; Test de marche de 6 min < 300 m ; BNP > 200 pg/mL, NT-proBNP > 500 pg/mL ; PAP non réactive au NO• (baisse de PAP syst < 25%) ; Arythmies ventriculaires, rythme non-sinusal.

La sévérité de l’HTP ne reflète pas la fonction du VD, car elle baisse si ce dernier défaille ou augmente si le débit ventriculaire droit s’élève. Le rapport PAM/PAPm (normal ≥ 4) est un meilleur critère de l’importance de l’HTP que la valeur de la PAP. Les agents anti-hypertenseurs pulmonaires sont maintenus à la prémédication sans interruption, qu’ils soient oraux (bosentan, sildénafil, anticalcique), inhalé (iloprost, milrinone), sous-cutané (treprostinil) ou intraveineux (époprosténol). Les substance nébulisées sont continuées sur le ventilateur. En cas d’hypotension systémique, il est préférable d’ajouter un vascoconstricteur plutôt que de diminuer la dose. Un dispositif d’administration de NO doit être prévu sur le ventilateur de salle d’opération. Stratégies possibles Endormir un patient en insuffisance droite congestive ou souffrant d'hypertension pulmonaire (HTAP) est toujours complexe. La stratégie est basée sur les 7 points suivants (Tableau 12.14) :

Adapter la précharge à la fonction du VD (PVC 10-12 mmHg) ; Maintenir les résistances artérielles systémiques ; Baisser les résistances vasculaires pulmonaires ; le rapport PAM/PAPm est maintenu à sa

valeur d’équilibre préopératoire ; Maintenir le rythme sinusal (70-90 batt/min) ; Choisir un support inotrope spécifique ; Choisir entre respiration spontanée et ventilation mécanique ; Eviter l’acidose, l’hypothermie, le stress, la douleur et les frissons.

La première question stratégique est celle du choix entre l’anesthésie loco-régionale (ALR) avec ventilation spontanée ou l’anesthésie générale avec ventilation contrôlée. L’impact de l’IPPV sur l’insuffisance droite a déjà été analysé (voir Ventilation et insuffisance ventriculaire). Les

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caractéristiques de l’ALR rachidienne ne la rendent pas moins invasive dans le cadre de l’insuffisance du VD et de l’HTAP.

Veinodilatation avec baisse de la précharge du VD, d’où baisse du débit pulmonaire car le débit du VD est dépendant de sa précharge en cas d’hypertrophie sur HTAP ; ceci ne s’applique pas aux cas d’HTAP aiguë avec VD normal.

Vasodilatation artérielle avec baisse des résistances systémiques, d’où risque d’hypotension artérielle, d’aggravation des interactions entre les ventricules, d’ischémie coronarienne droite et d’aggravation de shunt D-G.

L’ALR ne permet pas d'hyperventiler le patient ; au contraire, la sédation fait courir un risque d'hypoventilation et d'hypoxie.

L'arbre vasculaire pulmonaire étant peu doté en récepteurs α et β [176], l'anesthésie péridurale thoracique n'a pas d'influence significative sur les résistances pulmonaires lorsqu’elles sont élevées, mais elle diminue la stimulation sympathique nécessaire à maintenir la performance ventriculaire systolique [34].

La péridurale est une excellente technique d’antalgie postopératoire ; à effet équi-analgésiant, elle assure une meilleure ventilation spontanée que les opiacés. Son utilisation optimale est un bloc d’installation lente (sans dose de charge) induit en fin d’intervention. Son utilisation peropératoire en cas d’HTAP, par contre, ne permet pas une aussi bonne stabilité hémodynamique que les opiacés.

La rachianesthésie est contre-indiquée en cas d’HTAP à cause de la chute trop brusque de la précharge et de la postcharge.

Les prostaglandines ayant un effet anti-agrégant, il est recommandé d’attendre 15-30 minutes après l’administration d’époprosténol et 2-4 heures après celle d’iloprost pour procéder à une anesthésie loco-régionale rachidienne [353].

Tableau 12.14 Stratégies en cas d’insuffisance droite et/ou d’hypertension pulmonaire

Insuffisance primaire du VD (infarctus, cardiomyopathie, PAP normale)

• Assurer la pression de perfusion coronarienne (nor-adrénaline) • Assurer la contractilité (dobutamine, milrinone, levosimendan) • Optimaliser la précharge • Ventilation spontanée recommandée

Insuffisance congestive du VD par excès de postcharge (embolie pulmonaire, poussée d’HTAP)

• Baisser la précharge (nitroglycérine, diurétique) • Assurer la contractilité (dobutamine, milrinone, adrénaline, levosimendan) • Baisser la PAP si cela est possible • Tester tolérance à l’IPPV par manoeuvre de Valsalva en pré-induction

Insuffisance du VD lors d’HVD sur HTAP chronique • Baisser les RAP (hyperventilation, NO•, prostacyclines) • Maintenir précharge élevée • IPPV recommandée

Anesthésie loco-régionale • Blocs périphériques recommandés • Péridurale > D6 : pas d’intérêt, voire ↑ RAP • Péridurale < D6 : possible si installation très lente du bloc • Rachianesthésie : déconseillée

Contre-indiqués: kétamine, thiopental, N2O, desflurane Comme déjà mentionné, il existe trois cas de figure qui imposent des contraintes et des stratégies différentes.

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Dysfonction primaire du VD avec PAP normale ; en cas d’infarctus, la priorité est au maintien

d’une pression de perfusion coronarienne suffisante (vasoconstricteur systémique) ; en cas de cardiomyopathie, la priorité est au maintien de la contractilité (catécholamines, milrinone) ; la précharge est optimalisée (PVC 10-12 mmHg) pour obtenir le meilleur débit.

• La ventilation spontanée est le meilleur choix ; • L’ALR est une solution logique.

Défaillance aiguë entraînant une insuffisance congestive du VD sur excès de postcharge (embolie pulmonaire, BPCO, PEEP élevée, etc) ; la priorité est de baisser la précharge droite (nitroglycérine, diurétiques, position en contre-Trendelenburg), de soutenir l’hémodynamique droite (dobutamine, milrinone + adrénaline, nor-adrénaline), et de baisser la postcharge si cela est possible.

• L’effet d’une augmentation de Pit est mal prévisible ; • Choisir le mode ventilatoire en fonction de la tolérance à une manoeuvre de

Valsalva ou à la CPAP au masque ; • Si la curarisation et l’IPPV sont nécessaires, hyperventiler en maintenant la

Pit moy la plus basse possible (petit volume courant, haute fréquence). Hypertension pulmonaire chronique avec hypertrophie ventriculaire droite ; la priorité est de

baisser les RAP (hyperventilation, NO•, prostacyclines, etc) ; la précharge doit rester élevée car le VD hypertrophié fonctionne sur une courbe de Starling analogue à celle du VG.

• L’IPPV est le meilleur choix ; • L’ALR n’est indiquée que pour l’analgésie postopératoire.

Agents d’anesthésie et ventilation Les agents d'anesthésie ont en général peu d’effets sur la circulation pulmonaire, à quelques exceptions près [323,335].

Le thiopental augmente les RAP [284]. La kétamine augmente les RAP de manière significative chez l’adulte ; elle inhibe la

vasorelaxation induite par le NO• endogène [252]. Le propofol augmente la réponse aux vasoconstricteurs pulmonaires [172] ; d’autre part, il

baisse la précharge et les RAS. L’etomidate est sans effet sur la PAP et les RAP [297] ; il reste l’inducteur de premier choix. Les fentanils (fentanyl, sufentanil, alfentanil) amortissent efficacement l’augmentation des

RAP en cas de stimulation sympathique. L'isoflurane et le sevoflurane atténuent la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et la

vasoconstriction réactionnelle à l'hypotension [109,112] ; ils freinent la vasodilatation de médiateurs endogènes tels le NO•, l'adénosine et la PGI2, mais agissent comme discrets vasodilatateurs pulmonaires [109].

Le desflurane potentialise la vasoconstriction pulmonaire et augmente les RAP lorsqu’on en augmente la fraction inspirée [67,241].

Le protoxyde d'azote augmente les résistances pulmonaires chez l'adulte, non chez l'enfant [149].

Le bloc péridural cervical bas ou thoracique haut (C7-D5) inhibe la vasodilatation pulmonaire active neurogène, non-dépendante du NO• ; les RAP peuvent augmenter sensiblement. D’autre part, il inhibe la réponse inotrope à une augmentation de postcharge et peut accélérer la défaillance droite en cas d’HTAP aiguë [280].

A part la kétamine, le thiopental, le desflurane et le N2O, aucun agent habituel n’est contre-indiqué en cas d’HTAP chez l’adulte. D'une manière générale, l'anesthésie doit être assez profonde pour bloquer la stimulation sympathique, ce que font les fentanils à dose élevée. La ventilation est un compromis entre l’hyperventilation (PCO2 < 30 mmHg, pH > 7.45) et le maintien d'une pression intrathoracique moyenne (Pit) basse (6-10 cm H2O). Si le volume courant (VC) est faible, l’hypoventilation induit une vasoconstriction des petits vaisseaux à cause de l’acidose

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respiratoire (hypoxie, hypercarbie, atélectasies). Si le VC est élevé, les vaisseaux de grande taille sont comprimés et étirés par l’hyperinflation alvéolaire ; leur résistance augmente [99]. Le VC idéal correspond à celui de la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) (Figure 12.29). Une combinaison de volume courant modeste (6 mL/kg), de fréquence respiratoire élevée et d’allongement de la pause expiratoire permet de maintenir la Pit moyenne et la PaCO2 les plus basses possible (la durée de l'inspirium augmente davantage la Pit moyenne que la valeur du pic inspiratoire de pression). Tous les phénomènes qui peuvent exacerber les RAP sont à éviter :

Hypoventilation : hypercarbie, hypoxémie, atélectasies ; Surpression intrathoracique ; Acidose ; Hypothermie ; Stimulation sympathique, stress, douleur, anesthésie superficielle.

La péridurale thoracique basse ou lombaire avec installation très lente du bloc, sans dose de charge, est une alternative en cas d’insuffisance droite si l’HVD et l’HTAP ne sont pas massives ; la postcharge du VD n’est pas modifiée ; l’apport liquidien est réglé en fonction de la précharge (PVC) et de l’installation du bloc sympathique. La rachianesthésie est contre-indiquée parce que la chute de la précharge droite et des RAS est trop brutale, particulièrment lorsqu’il existe un shunt (voir Chapitre 18) [323]. Les recommandations pour l'anesthésie en cas d’insuffisance droite et d’HTAP sont résumées dans le Tableau 12.14. Hémodynamique La dopamine ayant un effet α vasoconstricteur pulmonaire, le choix du support inotrope se porte sur une catécholamine à effet β pur (dobutamine, isoprénaline) et un IPDE-3 (milrinone) ; la milrionone est plus efficace que la dobutamine pour augmenter la performance du VD en cas de RAP élevées [323]. La combinaison adrénaline (0.05-0.1 mcg/kg/min) + milrinone (0.5-1.0 mcg/kg/min) est souvent la plus efficace pour réaliser le meilleur compromis hémodynamique. La nor-adrénaline est nécessaire pour maintenir la pression artérielle systémique et la perfusions coronarienne droite ; l’augmentation de la postcharge gauche favorise le positionnement du septum interventriculaire bombé dans le VD et améliore le soutien du VG au VD. La vasopressine pourrait être le vasopresseur systémique idéal, car elle n’augmente pas les RAP [38]. Bien que très onéreux, le levosimendan (0.05-0.2 mcg/kg/min) est un agent inotrope bien adapté car il abaisse les RAP et restaure le couplage ventriculo-artériel droit. La contrepulsion intra-aortique peut être indiquée pour le maintien de la perfusion coronarienne. Après chirurgie cardiaque, la non-fermeture du péricarde et du sternum diminue les contraintes mécaniques sur le VD et prévient l'interférence du ventricule droit dilaté sur le ventricule gauche. Ces mesures s’accompagnent de l’administration de vasodilatateurs pulmonaires (voir Tableaux 12.5 et 12.10). Monitorage En présence d’HTAP (PAPm > 25 mmHg), un cathéter artériel systémique est mandatoire. L’amplitude des variations de la pression artérielle en IPPV (ΔPA) est normalement proportionnelle au degré d’hypovolémie du patient ; malheureusement, ce n’est plus le cas en présence d’une défaillance droite et/ou d’une hypertension pulmonaire. Dans cette situation, le ΔPA n’est plus un indice de réponse au remplissage, mais peut au contraire conduire à une surcharge de volume très délétère dans la cadre d’une défaillance droite congestive [358]. L’évaluation du volume à l’échocardiographie est largement préférable pour diagnostiquer une hypovolémie [345]. Le cathéter pulmonaire de Swan-Ganz est recommendé en cas de chirurgie majeure, aortique ou cardiaque. Dans les autres cas, une voie centrale est suffisante pour évaluer la PVC, qui indique la précharge du VD et son degré de congestion. Les mesures à surveiller en permanence sont la PVC, la PAP, les RAP et le VS ; la PAPO n’est déterminante qu’en cas de dysfonction du VG ou de pathologie mitrale [154]. Une information majeure sur la fonction du VD peut être obtenue par l’enregistrement de la pression intraventriculaire

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droite (PVD) (port ventriculaire du cathéter artériel pulmonaire Paceport™) ; la superposition des courbes de PVD et de PAP montre que la pression diastolique du VD, normalement horizontale et inférieure à la PAPd, devient oblique ascendante lors de défaillance du VD, au point que sa valeur télédiastolique devient identique à celle de la PAPd (voir Figure 12.12B) [81]. L'échocardiographie transoesophagienne (ETO) est capitale, car elle permet de suivre la fonction et la taille du VD, ainsi que la position du septum interventriculaire [345]. En cas d’augmentation brusque de postcharge ou de dysfonction aiguë, le VD se dilate immédiatement. La stase qui s’ensuit se manifeste par une dilatation de l’OD et un bascule du septum interauriculaire dans l’OG. La dysfonction du VD se caractérise par (Figure 12.7) (voir Chapitre 25, Fonction VD, Indices échocardiographiques) :

Augmentation de taille de l’OD et du VD ; Hypokinésie/akinésie de la paroi libre du VD ; Bombement du septum interauriculaire dans l’OG ; Bombement du septum interventriculaire dans le VG, dont la taille diminue en diastole ; Apparition ou aggravation d'une insuffisance tricuspidienne ; Dilatation des veines caves, disparition des variations respiratoires de leur taille ; Shunt D-G par le foramen ovale, s’il est perméable.

L’ETO permet en outre de suivre l’évolution de la volémie, de la fonction du VG et des valvulopathies. En chirurgie cardiaque par sternotomie, l’observation du champ opératoire permet de voir la fonction et la dimension du VD, puisque celui-ci est positionné antérieurement. Il est dilaté lorsque sa taille dépasse en hauteur la ligne d’ouverture du péricarde au niveau du diaphragme. Dans ces conditions, il est prudent de ne pas refermer le pericarde ni le sternum pour éviter la compression droite. Crise hypertensive pulmonaire Toute élévation de la PAP en cours d’intervention commande une intervention rapide de la part de l’anesthésiste. Celui-ci doit d’abord s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une défaillance du VG ni d’une décompensation mitrale (PAPO > 15 mmHg, dysfonction du VG ou aggravation de l’IM à l’examen ETO); dans ce cas, la prise en charge porte sur l’insuffisance gauche ou la maladie mitrale, et non sur un traitement vasodilatateur pulmonaire potentiellement néfaste. Si l’élévation de la PAP s’accompagne au contraire d’une augmentation des RAP et d’une PAPO < 15 mmHg, un traitement vasodilatateur pulmonaire s’impose (voir Traitement de l’HTAP) [335].

Alcalose hyperventilatoire, approfondissement de l’anesthésie et de l’analgésie, correction de l’acidose métabolique et de l’hypothermie.

Inhalation de NO (10-20 ppm); addition facultative d’arginine en perfusion (15 mg/kg/min). Iloprost en inhalation (10-20 mcg en 20 min) ou en nébulisation (0.2-0.3 mL/min d’une

solution à 10-20 mcg/mL). Epoprosténol (2-5 ng/kg/min) ou tréprostinil (1.25-2.5 ng/kg/min) en perfusion. Sildénafil (20-50 mg) par sonde gastrique (il existe depuis peu une préparation iv); il prévient

l’effet rebond à l’arrêt du NO. Vasopresseur artériel pour le maintien de la pressions systémique (perfusion coronarienne

droite) et de l’interdépendance ventriculaire (aide du VG au VD). Bloqueur calcique: dangereux en cas d’insuffisance droite, augmente la mortalité chez les

85% de non-répondeurs. Si la poussée d’HTAP s’accompagne d’une défaillance droite (PVC ≥ 13 mmHg, dilatation aiguë du VD et de l’OD, aggravation de l’IT), le traitement doit comprendre un soutien pharmacologique de la fonction droite; par ailleurs, ce traitement améliore également la fonction gauche.

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Dobutamine en perfusion (environ 5 mcg/kg/min). Milrinone en perfusion (0.5 mcg/kg/min), ± perfusion d’adrénaline. Levosimendan (0.05-0.2 mcg/kg/min); très coûteux. Nitroglycérine (0.5-5 mcg/kg/min) si PVC > 15 mmHg. Maintien de la pressions systémique, de l’interdépendance ventriculaire et de la perfusion

coronarienne droite avec un vasopresseur artériel (noradrénaline, vasopressine). En cas d’échec de ces mesures, prévoir une ECMO ou une assistance ventriculaire.

La clef de l’amélioration hémodynamique n’est pas une baisse de la PAP, mais une baisse de la PVC et une augmentation du volume systolique.

Anesthésie et insuffisance droite Critères de risque préopératoire: dysfonction du VD, PAPm > 30 mmHg (non réversible sous NO), rapport PAM/PAPm ≤ 3, SaO2 < 90%, Hb > 150 g/L. Impact clinique de l'HTAP: - Débit pulmonaire fixe, hypoxémie à l'effort ou lors d’hypovolémie - Persistance de la réactivité des petits vaisseaux (vasoconstriction pulmonaire hypoxique) - HVD: débit droit dépendant de la précharge, intolérance à l'hypovolémie - Risque ischémique du VD élevé en cas d'hypotension systémique - Insuffisance diastolique du VG (effet Bernheim) Prise en charge de l’anesthésie en cas d’insuffisance droite

- Adapter la précharge à la fonction du VD - Maintenir l’interaction ventriculaire en élevant les RAS (vasopresseurs) - Abaisser les résistances vasculaires pulmonaires - Choisir un support inotrope spécifique - Choisir entre respiration spontanée et ventilation mécanique - Eviter l’acidose, l’hypothermie, le stress, la douleur et les frissons

Insuffisance du VD (IVD) et ventilation, 3 situations possibles: - Insuffisance du VD (infarctus, cardiomyopathie, sepsis) avec PAP normale: IPPV mal supportée à cause de l’augmentation de la postcharge du VD défaillant; ALR indiquée - IVD sur élévation aiguë de la postcharge (embolie pulmonaire): l’IPPV représente une faible

augmentation supplémentaire de la PAP, mais peut suffire à décompenser le VD; tolérance variable à l’IPPV

- HTAP chronique avec HVD: l’IPPV augmente peu la postcharge chroniquement élevée du VD hypertrophié; l’IPPV est bien tolérée et permet de baisser les RAP par hyperventilation; indication à l’AG de préférence à l’ALR Chirurgie cardiaque La chirurgie cardiaque est une épreuve particulièrement dure pour le VD, car tout concourt à augmenter les RAP (CEC, lésion pulmonaire de reperfusion, atélectasies, protamine, réaction inflammatoire, dysfonction endothéliale) et le risque ischémique droit (protection myocardique suboptimale, embolie gazeuse coronarienne, hypotension, infarctus) [131,132]. En cas d’assistance ventriculaire gauche, le risque de décompensation droite est élevé (voir Anesthésie et assistance ventriculaire). En cas d’insuffisance droite congestive, il peut être utile de débuter le levosimendan

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(0.05-0.2 mcg/kg/min) dès l’induction. A cause de l’effet rebond à l’arrêt du NO, il est préférable de continuer son administration en ventilant pendant la CEC [335]. Les substances administrées en perfusion sont maintenues jusqu’à la CEC. Curieusement, la contraction longitudinale du VD, qui est son principal axe d’éjection, diminue de moitié dans les 5 minutes qui suivent l’ouverture du péricarde et persiste pendant toute l’intervention; les opérations sans péricardotomie extensive sont dépourvues de cet effet [343]. Il est probable que la péricardotomie modifie l’interdépendance ventriculaire. La mise en charge et la période qui suit la CEC sont des moments à haut risque d’exacerbation de l’HTAP. Vu la composante de vasoconstriction artérielle pulmonaire qui accompagne toute HTP postcapillaire, la correction d’une pathologie mitrale ou d’une insuffisance gauche ne se traduit pas par une normalisation de la PAP dès la sortie de CEC. Il s’y ajoute au contraire les éléments propres à cette dernière. L’interdépendance ventriculaire, qui fournit 30-40% de la performance systolique droite, est monitorée par la position du septum interventriculaire à l’ETO. Une augmentation des RAP ou une baisse des RAS renversent le gradient trans-septal et péjorent la fonction droite. Une surcharge en volume dilate le VD, induit une insuffisance tricuspidienne et fait basculer le septum dans le VG (effet Bernheim) [321]. Tant que le péricarde est ouvert, le VD peut s’expandre vers l’extérieur et le VG est peu gêné, mais dès la fermeture du péricarde et du sternum, le coeur est comprimé comme lors d’une tamponnade et l’interférence est maximale. Il est donc souvent nécessaire de fermer le péricarde avec un patch d’élargissement et de laisser le sternum ouvert pour 48-72 heures.

Anesthésie et HTAP Agents d’anesthésie et HTAP: - Kétamine et thiopental augmentent les RAP; propofol: sensibilisation aux hypertenseurs pulmonaires - Etomidate, midazolam: sans effet - Fentanils: freinent la vasoconstriction pulmonaire sympathique (douleur, stress, froid) - Sevoflurane, isoflurane: freinent la vasoconstriction pulmonaire hypoxique - Desflurane: augmente les RAP Monitorage: cathéter artériel, PVC, si possible ETO; dans les cas de chirurgie majeure, cathéter pulmonaire de Swan-Ganz Technique d’anesthésie recommandée en cas d’HTAP: - Maintien strict de la normothermie - Maintien strict de la pression systémique (RAP élevées par nor-adrénaline ou vasopressine) - Si HTAP chronique avec HVD: préférence pour anesthésie générale et ventilation contrôlée - Alcalose respiratoire (hyperventilation à basse pression), FiO2 élevée; correction de l’acidose - Anesthésie et analgésie profondes - Sédation: midazolam - Induction: étomidate - Maintien: halogéné (sevoflurane) + fentanil (fentanyl, sufentanil, remifentanil) - Agents inotropes (dobutamine, milrinone) et vasodilatateurs pulmonaires (NO, iloprost,

époprosténol) selon besoin. La thrombendartérectomie pulmonaire (TEAP) L'hypertension pulmonaire chronique secondaire à la maladie thrombo-embolique a un pronostic catastrophique, qui est fonction du degré d'HTAP: lorsque la PAP moy est de 50 mmHg, la mortalité à 5 ans est de 90%. Après une période silencieuse, l'affection se développe chez environ 4% des patients

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ayant présenté des épisodes d'embolie pulmonaire [269]. Les thrombi ne se résolvent pas, mais s'organisent en obstructions fibreuses, épaississements intimaux excentriques et membranes obstructrices des branches majeures (Figure 12.38). L’HTAP thrombo-embolique se définit par une PAPm > 25 mmHg avec une PAPO < 15 mmHg en présence de thrombi organisés dans les artères pulmonaires élastiques après au moins 3 mois d’anticoagulation efficace [183,310]. L'angiographie pulmonaire met en évidence des irrégularités, des obstructions, des modifications brusques de calibre, des bandes transversales et des dilatations présténotiques. Le scan ventilé-perfusé révèle des défauts bilatéraux dans la perfusion mais une ventilation homogène. Il existe un léger syndrome restrictif. Les indications à la TEAP d’urgence (opération de Trendelenburg) sont un échec ou une contre-indication de la fibrinolyse, des thrombi-en-transit dans les cavités droites (écho), un foramen ovale largement perméable et/ou une dysfonction ventriculaire droite. Assosciée à une thrombolyse pharmacologique, la thrombolyse pulmonaire par cathéter à ultrasons (système EKOS™) tend maintenant à remplacer l’intervention chirurgicale. L’anticoagulation sous forme d’héparine non-fractionnée en perfusion doit démarrer dès que le diagnostic est posé (aPTT visé : 60-80 secondes). L’évaluation préopératoire des cas chroniques réclame une échocardiographie pour estimer la fonction ventriculaire droite (dilatation-hypertrophie du VD, dilatation de l’OD, importance de l’insuffisance tricuspidienne), un scan ventilé/perfusé (sensibilité > 96%) et un cathétérisme/angiographie pulmonaire pour établir le diagnostic et l’opérabilité. En effet, des lésions trop distales sont une contre-indication à la chirurgie [168]. La thérapeutique est limitée: traitement médical non curatif (anticoagulation, prostacyclines, bosentan, sildenafil, O2), transplantation pulmonaire, ou thrombendarterectomie chirurgicale en CEC. Celle-ci est indiquée chez les patients dont la PAPmoy est ≥ 40 mmHg et dont les obstructions sont sur les grosses branches de l'AP. Des lésions distales ou des RAP > 1'200 dynes•sec•cm-5 sont de mauvais pronostic, car ces patients ne bénéficient pas de l’intervention. Un syndrome obstructif ou restrictif important est une contre-indication. Mais aucun patient ne doit être considéré comme inopérable avant d’avoir été confirmé comme tel par au moins deux chirurgiens expérimentés [183]. Le type d’obstruction découvert à l’opération, selon la classification de Jamieson, est déterminant pour le pronostic [152,333].

Type I : thrombus dans les gros vaisseaux (12% des cas) ;

Figure 12.38 : Evolution des lésions vasculaires périphériques après embolie pulmonaire. L’HTAP chronique post-embolique provient d’une vasoconstriction artériolaire persistente, qui évolue vers une hypertrophie de la média et une prolifération intimale, la formation de microthrombi, et finalement des lésions plexiformes.

Vasoconstriction pulmonaire

Hypertrophie de la média Thrombus

Lésions plexiformes

© Chassot 2015

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Type II : épaississement de l’intima et réseau fibrotique dans les artères lobaires, pas de thrombus dans les gros vaisseaux (38% des cas) ;

Type III : lésions distales dans les branches segmentaires et subsegmentaires (39% des cas) ; Type IV : absence de matériel thrombo-embolique (8% des cas).

Les résultats de la chirurgie sont meilleurs dans les deux premières catégories (survie à 1 an 98%) que dans les deux dernières (survie à 1 an 86%) [333]. Après sternotomie médiane, la TEAP consiste à ouvrir successivement les deux artères pulmonaires en CEC sous arrêt circulatoire total en hypothermie profonde (20°C). L'arrêt est nécessaire pour obtenir un champ opératoire exsangue à cause des artères bronchiques qui débitent en permanence dans le lit pulmonaire tant que la CEC fonctionne. Pendant ce temps, une protection cérébrale pharmacologique (Solu-médrol® 1 gm, glace pilée autour de la tête) et une oxymétrie cérébrale (ScO2 par NIRS) sont indiquées (voir Chapitre 24 Protection cérébrale) [303]. L’intervention consiste à réséquer les obstructions fibreuses en disséquant au sein de la média; ceci prend 20-30 minutes par côté. La CEC est rétablie entre les périodes de TEAP pour assurer la reperfusion cérébrale. L'insuffisance tricuspidienne (IT) n'est pas annuloplastiée, car elle diminue dès que la PAP baisse; par contre, le foramen ovale est fermé s'il est perméable. La mortalité opératoire est actuellement de 2.2 - 4.7% dans les centres spécialisés ; la survie à 5 ans est de 75-82% [168,203,316]. Le succès de l’opération repose sur cinq principes de base [183].

La thrombendarterectmie doit être bilatérale ; L’identification du plan de dissection est cruciale ; L’arrêt circulatoire doit permettre une visualisation parfaite ; L’endartérectomie doit être aussi complète que possible ; L’anticoagulation à vie est maintenue à un INR 2-3.

Comme l’interruption des prostacyclines provoque un effet rebond sur la PAP, il est recommandé de maintenir le traitement jusqu’à l’opération et de le prolonger jusqu’à la CEC par une perfusion ; les IPDE-5 et les anti-endothélines sont administrés à la prémédication [303]. La dilatation du VD et de l’OD, une PVC > 14 mmHg, une insuffisance tricuspidienne majeure et des RAP > 1'000 dynes•s•cm-5 sont des signes avant-coureurs d’une possible défaillance droite. Cependant, les inotropes à titre prophylactique sont vivement déconseillés par crainte d’un syndrome d’hyperperfusion ; un bas débit compensé est préférable pour le postopératoire immédiat. L'induction a lieu après contrôle de la tolérance à la pression positive par une manoeuve de Valsalva une fois le cathéter artériel en place. L'intubation avec un tube 2-lumières permet d’isoler les poumons en cas d'hémorragie bronchique peropératoire, mais l’aspiration et la bronchoscopie y sont plus difficiles ; d’autre part, l’exclusion pulmonaire est rarement nécessaire. Beaucoup de centres préfèrent donc un tube monolumière facilitant la bronchoscopie. La ventilation vise une hyperventilation hypobarique: Pit moy basse, PaCO2 30-32 mmHg, pH > 7.45. Le cathéter de Swan-Ganz est introduit jusque dans le tronc de l'AP pour procéder à des mesures de pression, puis retiré en OD avant la CEC ; il n'est en aucun cas poussé en position bloquée ; il est replacé au moment de la mise en charge. L'ETO est nécessaire pour diagnostiquer un FOP, mesurer l'IT, et estimer la fonction de chaque ventricule ainsi que la volémie [154]. La catécholamine la plus utile est la noradrénaline ; si elle est indiquée à cause d’une dysfonction ventriculaire majeure, l’association adrénaline-milrinone doit être administrée à la dose la plus faible possible pour éviter un syndrome d’hyperperfusion. La vasodilatation pulmonaire n’est pas souhaitée pour les mêmes raisons, sauf en cas d’échec de l’intervention. Pour assurer un transport d'O2 satisfaisant, le taux d'Hb est maintenu à ≥ 100 g/L. Après la CEC, on peut rencontrer plusieurs problèmes [78,316].

Hémorragie bronchique: bien que peu fréquente (0.5-2% des cas), elle peut être cataclysmique, et impose l'isolement du poumon concerné par un tube endotrachéal à double lumière ; le tamponnement peut se faire par l'introduction d'un bloqueur bronchique et une ventilation monopulmonaire controlatérale, par l'embolisation sélective de l'artère concernée après repérage bronchoscopique, ou par une lobectomie pulmonaire [209]. Une PEEP importante peut aider, de même que l'administration intrabronchique de vasoconstricteurs

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(vasopressine 20 U dans 10 ml NaCl 0.9%). L'oxygénation extracorporelle (ECMO) peut permettre la sortie de CEC en attendant le traitement définitif.

Oedème de reperfusion: il est causé par une pression intravasculaire élevée dans des zones jusque-là hypoperfusées et survient dans 10-30% des cas; il demande une ventilation protectrice sous PEEP (10-15 cm H2O), furosemide, restriction liquidienne, et/ou ECMO dont la durée moyenne est de 5 jours [168,198]. Il est plus fréquent dans les séries où l'on utilise généreusement les catécholamines, les vasodilatateurs et une ventilation à haut volume et haute pression [210].

Libération importante d'interleukines (IL-6): elle est responsable d'une vasoplégie massive en per- et postopératoire, qui peut réclamer de hautes doses de noradrénaline et l'adjonction de vasopressine (1-5 U/h) [78].

Insuffisance ventriculaire droite: perfusion de dobutamine et de milrinone (Corotrop® 0.5 mcg/kg/min) + adrénaline, ajustement de la précharge selon la PVC et la performance du VD à l'ETO.

Perturbations de la coagulation : elles sont rares, les patients étant plutôt hypercoagulables ; le souci principal est d’éviter les thromboses.

Persistence de l'HTAP (1 cas sur 5): perfusion d'epoprostenol (Flolan® 2-5 ng/kg/min), spray d'iloprost (Ilomedin® 25 mcg 6-12 fois/24 heures), NO• (20-40 ppm). Une réduction de la PAP de moins de 50% par rapport à la valeur préopératoire est de mauvais pronostic [78].

Séquelles neurologiques des périodes d'arrêt circulatoire (2-15% des cas selon la durée de l’arrêt), diminuées en cas de perfusion cérébrale selective pendant la CEC.

Lorsqu'elle est réussie, l'intervention baisse immédiatement la PAP d'au moins 50% (RAP < 500 dynes•sec•cm-5). Le VD réduit sa dilatation, et l'IT diminue. Une anticoagulation permanente est reprise dès que possible. La mortalité opératoire est basse lorsque la PAP est réduite (2-5%), mais non lorsqu'elle persiste (17% des cas): si les RAP postop sont > 500 dynes•s•cm-5, la mortalité est de 31% [78]. La survie à 5 ans est de 75-82% [168,203,316]. Les principales causes de mortalité sont la persistence de l'HTAP, l'oedème de reperfusion et l'hémorragie bronchique. Les patients inopérables (un tiers de cas évalués en préop) ou ceux dont l’hypertension persiste après l’intervention peuvent bénéficier d’un traitement médical : IPDE-5, anti-endothéline, prostacycline, riociguat (voir Traitement de l’HTAP) ; mais leur survie est la moitié de celle des malades opérés avec succès.

Thrombendartérectomie pulmonaire La non-résolution des thrombi conduit à une HTAP dans 4% des cas d’embolie pulmonaire. L’extraction chirurgicale de ces thrombi chroniques en CEC est une opération à risque (mortalité 2.5-5%) qui demande une prise en charge très spécifique. Complications de la TEAP: - Hémorragie bronchique (prévoir tube à 2-lumières) - Oedème de reperfusion - Insuffisance droite - Persistance de l’HTAP (20% des cas)

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Conclusion Le vieillissement de la population et l’extension de la chirurgie à des malades à risque de plus en plus élevé amènent fréquemment l’anesthésiste à prendre en charge des patients en insuffisance ventriculaire. Une bonne compréhension des mécanismes physiopathologiques, une préparation intensive des malades et un choix perspicace de la technique d’anesthésie permettent d’obtenir des résultats satisfaisants. Une adaptation pharmacologique adéquate et un contrôle rigoureux des paramètres hémodynamiques sont essentiels au succès de l’opération. Des interventions majeures peuvent être courronnées de succès chez des malades en insuffisance ventriculaire compensée pour autant qu’il ne se passe aucun incident ni aucune déviation hémodynamique significative. Ces patients sont compensés dans la situation de base, mais ont perdu toute réserve fonctionnelle (Figure 12.39) [71]. Il s’agit donc de les maintenir le plus près possible de leurs conditions de repos et de ne rien leur imposer qui ressemble à un effort, car ni leur volume systolique ni leur débit cardiaque ne peuvent augmenter. D’où une stratégie d’anesthésie proactive fondée sur une correction immédiate de toute déviance hémodynamique et sur une anticipation des problèmes qui pourraient survenir.

Capacité basale 20

40

60

80

%

Evolution de l’insuffisance

Réserve fonctionnelle

100 Figure 12.39 : Réduction de la réserve fonctionnelle en rapport avec l'évolution de l’insuffisance ventriculaire. La capacité basale (ligne bleue) est altérée très progressivement, mais la capacité fonctionnelle maximale (courbe rouge) est dramatiquement réduite; les patients ont perdu toute faculté d'adaptation aux variations des conditions de charge ou à l'effet inotrope négatif des substances [d’après réf 71].

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Précis d’Anesthésie Cardiaque 2015 – 12 Insuffisance ventriculaire 150

Tableau 12.15 Dosages des principales substances utilisées dans le traitement de la défaillance ventriculaire

Substance Dose de charge Perfusion

Dopamine 1-5 mcg/kg/min Dobutamine 1-10 mcg/kg/min Adrénaline 0.01-0.1 mcg/kg/min Isoprénaline bolus 10 mcg 0.01-0.05 mcg/kg/min Noradrénaline 0.01-1 mcg/kg/min Dopexamine 3-5 mcg/kg/min Amrinone 1,5 – 2.0 mg / kg 5 – 30 mcg/kg/min Milrinone 50 - 75 mcg / kg iv 0.4-0.75 mcg/kg/min

5 mg en inhalation Enoximone 0.5 – 1.0 mg / kg 5 – 10 mcg/kg/min Levosimendan 6 mcg/kg* 0.1-0.2 mcg/kg/min Neseritide 2 mcg/kg 0.01-0.03 mcg/kg/min Thyroxine 0.03-0.5 mg/kg/min Vasopressine 1-5 U/h Nitroprussiate de Na 1 - 10 mcg/kg/min Nitroglycérine 20 mcg 10 - 100 mcg/min Epoprosténol 2 ng/kg/min 2-20 ng/kg/min Treprostinil 1.25-2.5 ng/kg sous-cutané 1.25 ng/kg/min en perf iv Iloprost 2.5-5.0 mcg/dose en inhalation 10-20 mcg en 20 min Nifédipine 15 mcg/kg/heure Sildénafil 0.25-0.75 mg/kg aux 4-6 heures

* : à la condition que la pression artérielle soit normale

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Auteurs Pierre-Guy CHASSOT Ancien Privat-Docent, Maître d’enseignement et de recherche,

Faculté de Biologie et de Médecine, Université de Lausanne (UNIL), CH - 1005 Lausanne Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), CH - 1011 Lausanne

Dominique A. BETTEX Professeure, Faculté de Médecine, Université de Zürich

Cheffe du Service d’Anesthésie Cardiovasculaire, Institut für Anästhesiologie, Universitätspital Zürich (USZ), CH - 8091 Zürich