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CHAPITRE 2 ESPACES DE SOBOLEV 2.1. Notions de distributions On ne donne ici que quelques ´ el´ ements de th´ eorie des distributions. Pour ceux qui souhaitent aller plus loin, on conseillera la lecture de [1, 7, 8]. 2.1.1. D´ efinitions. — efinition 2.1 (Espace de fonctions-test). — Soit un ouvert de R N . On note D() l’ensemble des fonctions C 1 sur R N dont le support est un compact K contenu dans (c’est ` a dire nulles hors de K). On note D( ) l’ensemble des restrictions ` a des fonctions de D(R N ). Exemple. — On sait que la fonction 1 (x)= e -1/x si x> 0, 0 si x 0, est de classe C 1 (R). Donc la fonction (x)= 1 (1-|x| 2 ) pour x 2 R N appartient ` a D(R N ). Famille r´ egularisante. — Pour tout " > 0, on pose " (x)= (x/") R R N (y/")dy . 2 1 0 1 2 0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 x !(x) fonction regularisante ! 2 1 0 1 2 0 0.5 1 1.5 2 x ! " (x) fonction regularisante ! " ; " = 0.5

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  • CHAPITRE 2

    ESPACES DE SOBOLEV

    2.1. Notions de distributions

    On ne donne ici que quelques éléments de théorie des distributions. Pour ceux quisouhaitent aller plus loin, on conseillera la lecture de [1, 7, 8].

    2.1.1. Définitions. —

    Définition 2.1 (Espace de fonctions-test). — Soit ⌦ un ouvert de RN . On noteD(⌦) l’ensemble des fonctions C1 sur RN dont le support est un compact K contenudans ⌦ (c’est à dire nulles hors de K). On note D(⌦) l’ensemble des restrictions à ⌦ desfonctions de D(RN ).

    Exemple. — On sait que la fonction

    ✓1(x) =

    ⇢e�1/x si x > 0,0 si x 0,

    est de classe C1(R). Donc la fonction ✓(x) = ✓1(1�|x|2) pour x 2 RN appartient à D(RN ).

    Famille régularisante. — Pour tout " > 0, on pose

    ✓"(x) =✓(x/")R

    RN ✓(y/")dy.

    −2 −1 0 1 2−0.1

    0

    0.1

    0.2

    0.3

    0.4

    x

    !(x

    )

    fonction regularisante !

    −2 −1 0 1 2

    0

    0.5

    1

    1.5

    2

    x

    !"(

    x)

    fonction regularisante !" ; " = 0.5

  • Cette fonction vérifie les propriétés suivantes :– Support : Supp (✓") = B(0, ").– Positivité : ✓"(x) � 0 8x 2 RN .– Intégrale :

    RRN ✓"(x)dx = 1.

    – C’est une fonction-test sur RN : ✓" 2 D(RN ).

    L’intérêt de cette fonction ✓" réside dans le lemme suivant, qui sera démontré en TD àl’aide de l’Annexe A.

    Lemme 2.2. — i) Soit f 2 C(RN ). Alors f ⇤ ✓" 2 C1(RN ). Si de plus le support de fest compact, alors f ⇤ ✓" converge uniformément vers f sur RN et f ⇤ ✓" 2 D(RN ).

    ii) Soit f 2 Lp(RN ) , 1 p +1. Alors f ⇤ ✓" 2 C1(RN ) et si p < +1 alors f ⇤ ✓"converge vers f dans Lp(RN ).

    Notation. — Soit ↵ = (↵1,↵2, · · · ,↵N ) 2 RN un multi-entier. On note :

    @↵' =@|↵|'

    @↵1x1 @↵2x2 · · · @

    ↵NxN

    avec |↵| = ↵1 + ↵2 + · · ·+ ↵N .

    Définition 2.3 (Distributions). — On dit que u est une distribution sur ⌦ si u est uneforme linéaire sur D(⌦)

    u : ' 2 D(⌦) 7! hu,'i

    qui vérifie la propriété de continuité suivante : Pour tout K compact de ⌦, il existe unentier k et une constante CK tels que

    8' 2 D(⌦) avec Supp (') ⇢ K, |hu,'i| CK max|↵|k

    nk@↵'kL1(⌦)

    o.

    On note D0(⌦) l’espace des distributions sur ⌦.

    Remarque 2.4. — Lorsque, dans cette définition, l’entier k peut être choisi indépendantde K, on dit que la distribution est d’ordre fini. La plus petite valeur de k possible estappelée l’ordre de u.

    2.1.2. Exemples importants. —

    2.1.2.1. Les fonctions localement intégrables dans ⌦. — Soit

    f 2 L1loc (⌦) = {f |K 2 L1(K) , 8K compact ⇢ ⌦}.

    Alors, la forme linéaire

    ' 7!

    Z

    ⌦f' dx

    définit une distribution d’ordre 0, encore notée f par abus. La propriété de continuité estvérifiée avec k = 0 et CK =

    RK |f(x)| dx.

    Remarque 2.5. — L’identification de f avec la distribution définie ci-dessus n’est pos-sible que grâce au lemme suivant.

    Lemme 2.6. — Soient f, g 2 L1loc (⌦). Alors

    8' 2 D(⌦),

    Z

    ⌦f'dx =

    Z

    ⌦g'dx () f = g presque partout dans ⌦.

    20

  • Démonstration. — Par linéarité, on est amené à montrer

    8' 2 D(⌦),

    Z

    ⌦f'dx = 0 () f = 0 presque partout dans ⌦.

    D’autre part, seul le sens ) est à démontrer (l’autre étant évident). Soit ' 2 D(⌦). Posons

    h"(x) =

    Z

    ⌦f(y)'(y)✓"(x� y)dy.

    Comme '(·)✓"(x� ·) 2 D(⌦), on a h" ⌘ 0, d’après l’hypothèse sur f . Prolongeons f' par0 hors de ⌦ : on a alors f' 2 L1(RN ) et h" = (f') ⇤ ✓" = 0 ! f' dans L1(RN ). Doncf' = 0. La fonction ' étant arbitraire, on a bien f = 0 p.p. dans ⌦.

    2.1.2.2. La masse de Dirac. — Soit a 2 ⌦. La forme linéaire

    �a : ' 7! h�a,'i = '(a)

    définit une distribution d’ordre 0, appelée masse de Dirac au point a.

    Remarque 2.7. — Quand reconnâıt-on une fonction dans une distribution ?

    Soit u 2 D0(⌦). On suppose qu’il existe c > 0 telle que

    8' 2 D(⌦) |hu,'i| c k'kL2 .

    Alors, par densité de D(⌦) dans L2(⌦) (Lemme 2.2), u se prolonge de façon unique enune forme linéaire continue sur L2(⌦). Par le théorème de représentation de Riesz, on diramême que u 2 L2(⌦). Plus généralement, soit u 2 D0(⌦) telle que

    8' 2 D(⌦) |hu,'i| c k'kLp , (1 < p < +1)

    Alors u est identifiable avec une fonction de Lp0(⌦), où 1p0 = 1�

    1p .

    2.1.3. Convergence dans D0(⌦). —

    Définition 2.8. — On dit qu’une suite de distributions un converge au sens des distri-butions vers u 2 D0(⌦) ssi

    8' 2 D(⌦), hun,'i �! hu,'i dans R .

    On notera dans ce cas un * u.

    Remarque 2.9. — A l’aide du théorème de Banach-Steinhaus (voir par exemple [1]), onpeut démontrer le résultat suivant. Soit un est une suite de distributions telle que, pourtout ' 2 D(⌦), la suite numérique hun,'i vers une limite. Alors, si l’on note hu,'i cettelimite, u appartient à D0(⌦).

    On a les résultats suivants (dont les démonstrations sont laissées en exercice) :

    Lemme 2.10. — a) Si fn ! f dans L1(⌦) alors fn * f dans D0(⌦).

    b) On a ✓" * �0 dans D0(⌦) lorsque "! 0.

    21

  • 2.1.4. Dérivation des distributions. —

    Définition 2.11. — Soit u 2 D0(⌦). Pour 1 i N , on note @u@xi la distribution définiepar

    8' 2 D(⌦),

    ⌧@u

    @xi,'

    �= �

    ⌧u,@'

    @xi

    �.

    Pour u 2 D0(⌦), on note

    ru =

    ✓@u

    @x1,@u

    @x2, · · · ,

    @u

    @xN

    ◆2 D

    0(⌦)N .

    De même, si ↵ est un multi-entier, on note @↵u la distribution

    8' 2 D(⌦), h@↵u,'i = (�1)|↵| hu, @↵'i .

    Remarque 2.12. — Si f 2 C1(⌦), on a, de façon classique et par simple intégration parparties sur un segment, ' étant nulle au voisinage de @⌦,

    Z

    @f

    @xi' dx = �

    Z

    ⌦f@'

    @xidx

    La dérivée de f au sens des distributions est donc la dérivée usuelle.

    Remarque 2.13. — La dérivation est une opération continue sur D0(⌦) : il est facile devoir que si un * u dans D0(⌦), alors 8↵ multi-entier, @↵un * @↵u dans D0(⌦).

    Exemple. — Dérivée de la fonction de Heaviside H.La fonction de Heaviside est définie comme suit : H(x) = 1 pour x > 0 et H(x) = 0 sinon.Alors, la dérivée de H est la masse de Dirac en 0. En e↵et, pour ' 2 D(⌦), on a

    hH 0,'i = �hH,'0i = �

    Z

    RH'0 dx = �

    Z +1

    0'0 dx = '(0).

    2.2. L’espace de Sobolev H1(⌦) : premières propriétés

    Dans cette section, ⌦ est un ouvert de RN , sans propriété particulière de régularité.

    2.2.1. Définition et structure. —

    Définition 2.14. — Soit ⌦ un ouvert de RN . On dit que u 2 H1(⌦) si u 2 L2(⌦) etsi, pour tout i 2 {1, . . . , n}, la distribution @u@xi appartient aussi à L

    2(⌦) (ou, de façon

    équivalente, si la distribution ru appartient à L2(⌦)N .)

    On considère sur cet espace le produit scalaire

    (u, v)H1 =

    Z

    ⌦uv dx+

    NX

    i=1

    Z

    @u

    @xi

    @v

    @xidx =

    Z

    ⌦uv dx+

    Z

    ⌦ru ·rv dx

    et la norme induite

    kukH1 =

    kuk2L2 +

    NX

    i=1

    ����@u

    @xi

    ����2

    L2

    !1/2=⇣kuk2L2 + kruk

    2L2

    ⌘1/2.

    Théorème 2.15. — L’espace H1(⌦) muni de ce produit scalaire est un espace de Hilbertséparable.

    22

  • Démonstration. — Montrons tout d’abord que H1(⌦) est complet. Soit un une suite deCauchy pour la norme k·kH1 . Alors, un et toutes les fonctions

    @un@xi

    (pour i = 1, · · · , n)forment des suites de Cauchy pour la norme k·kL2 .

    Par conséquent, il existe u 2 L2 et des fonctions gi 2 L2 telles que un ! u dans L2 et@un@xi

    ! gi dans L2 pour tout i.

    Par continuité de l’injection canonique L2 ,! D0(⌦), on a un * u dans D0(⌦) et@un@xi

    * gi dans D0(⌦) pour tout i.

    Enfin, par continuité de la dérivation dans D0(⌦), pour tout i on a gi =@u@xi

    ce qui

    conduit à un ! u dans H1(⌦). Cela démontre que l’espace H1(⌦) est complet.Montrons que H1(⌦) est séparable c’est-à-dire qu’il admet une partie dénombrable

    dense. On va s’appuyer sur les deux résultats suivants :(i) Le produit de deux espaces séparables est séparable.(ii) Si E est un espace de Hilbert et F est un sous-espace fermé de E, la séparabilitéde E entrâıne celle de F (utiliser la projection sur F ).

    On introduit alors l’espace L2(⌦)N+1 muni de la structure hilbertienne produit, et l’ap-plication

    T : u 7!

    ✓v,

    @v

    @x1, · · · ,

    @v

    @xN

    de H1(⌦) dans L2(⌦)N+1. Cette application est une isométrie, de sorte que H1(⌦) s’iden-tifie à un sous-espace fermé de L2(⌦)N+1. Or l’espace L2(⌦) étant séparable, L2(⌦)N+1

    l’est aussi, en vertu de la propriété (i) ci-dessus. Par la propriété (ii), H1(⌦) est doncséparable.

    Généralisations. — On définit plus généralement les familles d’espaces suivants :– Les espaces Hm(⌦), définis pour m 2 N par

    Hm(⌦) =�u 2 L2(⌦) : 8↵ multi-entier tel que |↵| m, @↵u 2 L2(⌦)

    .

    Munis du produit scalaire

    (u, v)Hm =X

    |↵|m

    Z

    ⌦@↵u@↵vdx

    et de la norme

    kukHm =

    0

    @X

    |↵|m

    k@↵uk2L2

    1

    A1/2

    ,

    ce sont des espaces de Hilbert.– Les espaces Wm,p(⌦), définis pour m 2 N, 1 p +1, par

    Wm,p(⌦) = {u 2 Lp(⌦) : 8↵ multi-entier tel que |↵| m, @↵u 2 Lp(⌦)} .

    Munis de la norme

    kukWm,p =X

    |↵|m

    k@↵ukLp , pour p < +1

    etkukWm,1 = max|↵|m

    k@↵ukL1 ,

    ce sont des espaces de Banach. Dans le cas p = 2, les normes k·kWm,2 et k·kHm sontéquivalentes.

    23

  • – Dans le cas ⌦ = RN , on définit les espaces Hs(RN ) avec s 2 R+, par

    Hs(RN ) =nu 2 L2(RN ) : (1 + |⇠|2)s/2bu 2 L2(RN )

    o, (2.1)

    où bu est la transformée de Fourier de u, notée aussi F(u) par la suite. On rappelleque l’opérateur

    L1(RN ) \ L2(RN ) ! L1(RN ) \ L2(RN )

    u(x) 7! bu(⇠) = 1(2⇡)N/2

    Z

    RNe�ix·⇠u(x) dx

    se prolonge par continuité en une isométrie sur L2(RN ). On rappelle aussi que latransformée de Fourier inverse est définie par

    F�1(u)(x) =

    1

    (2⇡)N/2

    Z

    RNeix·⇠u(⇠) d⇠.

    Proposition 2.16. — Lorsque s est entier, cette dernière définition est équivalente àcelle donnée au-dessus pour Hm(RN ), et les normes sont équivalentes.

    Démonstration. — On ne va faire la preuve que dans le cas m = 1. Notons

    H =nu 2 L2(RN ) : (1 + |⇠|2)1/2bu 2 L2(RN )

    o

    et montrons que H = H1(RN ), avec kukH1 = k(1 + |⇠|2)1/2bukL2 . Tout d’abord, on peutvoir facilement, par une intégration par parties, que pour tout ' 2 D(RN ) et 1 j N ,on a

    [@xj' = i⇠j b' et F�1(i⇠j') = @xjF�1('),

    toutes ces fonctions étant (au moins) dans L2(RN ).Montrons que H ⇢ H1(RN ). Pour tout u 2 H et ' 2 D(RN ), on a

    (i⇠j û, '̂)L2 = �

    Z

    RNû i⇠j'̂d⇠ = �

    Z

    RNû[@xj'd⇠ = �

    Z

    RNu @xj'dx = h@xju,'i,

    donc, par Cauchy-Schwarz, |h@xju,'i| k⇠j ûkL2k'kL2 , ce qui su�t à identifier @xju avecune fonction de L2(RN ), avec de plus k@xjukL2 k⇠jukL2 . On a donc u 2 H1(RN ) etkukH1 k(1 + |⇠|

    2)1/2bukL2 .Montrons maintenant l’inclusion inverse : H1(RN ) ⇢ H. Pour tout u 2 H1(RN ) et

    ' 2 D(RN ), la fonction ⇠ 7! ⇠j'(⇠) appartient aussi à D(RN ) et on a

    hi⇠j û,'i = hiû, ⇠j'i = �(û, i⇠j')L2 = �(u, @xjF�1('))L2 .

    Or u et F�1(') étant toutes les deux dans H1(RN ), en utilisant le résultat de den-sité ci-dessous (Théorème 2.17), on démontre que l’intégation par partie suivante estvalide : (u, @xjF

    �1('))L2 = (@xju,F�1('))L2 . Ainsi, par Cauchy-Schwarz, |h⇠j û,'i|

    k@xjukL2k'kL2 et donc, comme ci-dessus, ⇠j û s’identifie avec une fonction L2 telle que

    k⇠j ûkL2 k@xjukL2 . On obtient ainsi que u 2 H avec kukH1 � k(1 + |⇠|2)1/2bukL2 .

    24

  • 2.2.2. Un premier résultat de densité. — Travailler sur les fonctions L2(⌦) et leursdérivées au sens des distributions est souvent délicat. Pour beaucoup de preuves, il estcommode de se ramener aux fonctions régulières et de passer ensuite à la limite. Dans lecas où ⌦ = RN , nous avons le résultat de densité souhaité, mais, comme on le verra plusloin lors de la présentation de la notion de “trace sur le bord”, lorsque ⌦ est un ouvertquelconque de RN , di↵érent de RN , D(⌦) n’est pas dense dans H1(⌦).

    Théorème 2.17. — Soit u 2 H1(RN ). Alors il existe une suite un 2 D(RN ) telle queun ! u dans H1(RN ).

    Démonstration. — La démonstration de ce résultat se fait en deux étapes.

    Étape 1 : troncature.

    Montrons que l’espace suivant est dense dans H1(RN ) :

    H1c =�u 2 H1(RN ) : Supp (u) est compact

    .

    Soit � 2 D(RN ) satisfaisant

    �(x) =

    ⇢1 pour |x| 1,0 pour |x| � 2.

    Pour n 2 N⇤, posons un(x) = �(x/n)u(x). Alors on a bien un 2 H1c et un ! u dansH1(RN ). En e↵et, de la relation

    @(un � u)

    @xi= (�(x/n)� 1)

    @u

    @xi(x) +

    1

    n

    @�

    @xi(x/n)u(x)

    on déduit ����@(un � u)

    @xi

    ����L2

    ����(�(x/n)� 1)@u

    @xi(x)

    ����L2

    +c

    nkukL2 .

    Le premier terme tend vers 0 par convergence dominée, le second terme tend aussi vers 0.

    Étape 2 : convolution.

    La seconde étape utilise une technique de régularisation par convolution, avec le lemmesuivant qui est démontré plus loin.

    Lemme 2.18. — Soit u 2 H1(RN ) et ✓ 2 L1(RN ). Alors ✓ ⇤ u 2 H1(RN ) et on a, pouri = 1, · · · , N ,

    @

    @xi(✓ ⇤ u) = ✓ ⇤

    @u

    @xi. (2.2)

    Avec l’étape précédente, il su�t maintenant de montrer que, pour tout u 2 H1c (RN ),il existe une suite un 2 D(RN ) telle que un ! u dans H1(RN ). Pour n 2 N⇤, on poseun = ✓1/n⇤u, où ✓1/n désigne la famille régularisante définie au début du chapitre. Puisqueu et ✓1/n sont à supports compacts, un est aussi à support compact. De plus, comme

    u 2 L2(RN ) et ✓ 2 C1(RN ), on a un 2 C1(RN ), donc un 2 D(RN ).D’après le Lemme 2.2, on a un ! u dans L2(RN ). Par ailleurs, le Lemme 2.18 donne

    que @un@xi =@u@xi

    ⇤ ✓1/n, donc le même Lemme 2.2 entrâıne que@un@xi

    !@u@xi

    dans L2(RN ). Ona donc bien un ! u dans H1(RN ).

    25

  • Preuve du lemme. — On utilise les résultats classiques sur la convolution dans les espacesde Lebesgue. Comme u 2 L2(RN ) et ✓ 2 L1(RN ), on a déjà ✓ ⇤ u 2 L2(RN ). Soit ' 2D(RN ). Nous allons montrer l’identité suivante :

    Z(✓ ⇤ u)

    @'

    @xidx = �

    Z ✓✓ ⇤

    @u

    @xi

    ◆' dx (2.3)

    qui entrâıne directement (2.2), puis @@xi (✓ ⇤ u) 2 L2(RN ).

    Pour montrer (2.3), traitons tout d’abord le cas particuler où ✓ est à support compact.En notant ✓̌(x) = ✓(�x), on a

    Z(✓ ⇤ u)

    @'

    @xidx =

    ZZ✓(x� y)u(y)

    @'

    @xi(x) dxdy =

    Zu

    ✓✓̌ ⇤

    @'

    @xi

    ◆dx

    =

    Zu@

    @xi

    �✓̌ ⇤ '

    �dx = �

    Z@u

    @xi

    �✓̌ ⇤ '

    �dx = �

    Z ✓✓ ⇤

    @u

    @xi

    ◆' dx.

    On a bien démontré (2.3). Notons qu’on a utilisé ici que ✓̌ ⇤' est bien une fonction-test, cequi découle notamment du fait que ✓ est à support compact. Si maintenant ✓ n’est pas àsupport compact, on introduit une suite ✓n 2 C0c (RN ) telle que ✓n ! ✓ dans L1(RN ) (voirAnnexe A). L’identité (2.3) est valable pour ✓n, autrement dit, on a

    Z(✓n ⇤ u)

    @'

    @xidx = �

    Z ✓✓n ⇤

    @u

    @xi

    ◆' dx. (2.4)

    Ensuite, en utilisant la Proposition A.7 et u 2 H1(RN ), on obtient que ✓n ⇤ u ! ✓ ⇤ u etque ✓n ⇤

    @u@xi

    ! ✓ ⇤ @u@xi dans L2(RN ) donc, en passant à la limite dans (2.4), on obtient

    bien (2.3).

    Corollaire 2.19. — Soit ⌦ ⇢ RN , un ouvert. Soit u 2 H1(⌦) tel que Suppu ⇢ !, où !est un ouvert tel que ! ⇢ ⌦ et ! est compact. Alors le prolongement eu de u par zéro horsde ⌦ appartient à H1(RN ) et il existe une suite de fonctions un 2 D(⌦) telle que un ! udans H1(⌦).

    Démonstration. — D’après les propriétés de !, on peut trouver une fonction ✓ 2 D(⌦)telle que ✓ = 1 sur !. Montrons d’abord que eu 2 H1(RN ). Il est clair que eu 2 L2(RN ),examinons son gradient. Pour ' 2 D(RN ), on a

    hreu,'i = �heu,r'i = �Z

    !ur'dx = �

    Z

    !u✓r'dx = �

    Z

    ⌦ur(✓')dx = hru, ✓'i

    car ✓'|⌦ 2 D(⌦). Donc, on a l’estimation

    |hreu,'i| |hru, ✓'i| ����Z

    ⌦ru✓'dx

    ���� krukL2k✓'kL2 krukL2k'kL2 ,

    qui su�t à déduire que reu 2 L2(RN ), donc que eu 2 H1(RN ).Ainsi, on peut appliquer le Théorème 2.17 à cette fonction eu : il existe une suite vn 2

    D(RN ) telle que vn ! eu dans H1(RN ). Posons un = ✓vn|⌦. On a bien un 2 D(⌦) et ilest facile de vérifier que run = ✓rvn|⌦ + vnr✓|⌦, ce qui entrâıne immédiatement queun ! ✓eu|⌦ = u dans L2(⌦) et que run ! ✓reu|⌦ + eur✓|⌦ = ru dans L2(⌦). Autrementdit, on a un ! u dans H1(⌦).

    26

  • 2.2.3. L’espace H10 (⌦) et son dual. —

    Définition 2.20. — On appelle H10 (⌦) le complété de D(⌦) dans H1(⌦).

    Remarque 2.21. — Par densité de D(RN ) dans H1(RN ) (Théorème 2.17), on a l’iden-tification H10 (RN ) = H1(RN ). Mais, en général, on n’a pas H10 (⌦) = H1(⌦).

    Le théorème suivant aura une importance pratique lorsque nous aborderons la résolutiondes EDP elliptiques avec condition de Dirichlet.

    Théorème 2.22 (Inégalité de Poincaré). — Si ⌦ est borné, alors il existe uneconstante C⌦ > 0 telle que

    8u 2 H10 (⌦), kukL2 C⌦ krukL2 . (2.5)

    Par conséquent, la semi-norme u 7! krukL2 est une norme sur H10 (⌦), équivalente à la

    norme H1(⌦), et que l’on notera kukH10 .

    Démonstration. — Il su�t de raisonner avec des fonctions régulières. En e↵et, par densitéde D(⌦) dans H10 (⌦), l’inégalité (2.5) est équivalente à

    8u 2 D(⌦), kukL2 C⌦ krukL2 .

    Soit maintenant u 2 D(⌦). On note eu le prolongement de u par 0 hors de ⌦. Puisque ledomaine ⌦ est borné, il est compris dans une bande : il existe a < b tels que

    ⌦ ⇢�x 2 RN : a xN b

    .

    En posant x = (x0, xN ), c’est-à-dire x0 = (x1, . . . , xN�1), on a

    eu(x) = eu(x0, xN ) =Z xN

    a

    @eu@xN

    (x0, y)dy.

    Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on en déduit

    |eu(x)|2 (xN � a)Z xN

    a

    ����@eu@xN

    (x0, y)

    ����2

    dy (xN � a)

    Z +1

    �1

    ����@eu@xN

    (x0, y)

    ����2

    dy

    puis, en intégrant par rapport à x0,Z

    RN�1

    ��eu(x0, xN )��2 dx0 (xN � a)

    Z

    RN

    ����@eu@xN

    ����2

    dy.

    Il reste à intégrer par rapport à xN :Z

    RN|u(x)|2 dx =

    Z

    RN|eu(x)|2 dx =

    Z b

    a

    Z

    RN�1

    ��eu(x0, xN )��2 dx0dxN

    1

    2(b� a)2

    Z

    RN

    ����@eu@xN

    ����2

    dy

    1

    2(b� a)2

    Z

    RN|reu|2 dy = 1

    2(b� a)2

    Z

    RN|ru|2 dy.

    On a donc l’inégalité demandée, avec C⌦ =p22 (b�a). La preuve d’équivalence des normes

    kukH10 et kukH1 sur H10 (⌦) est immédiate.

    27

  • Remarque 2.23. — La démonstration précédente montre que l’inégalité est vraie dèsque ⌦ est borné selon une direction. Par ailleurs, l’inégalité de Poincaré (2.5) permet demontrer que si ⌦ est borné et non vide, alors l’inclusion H10 (⌦) ⇢ H

    1(⌦) est stricte. Ene↵et considérons la fonction constante u ⌘ 1. Cette fonction est clairement dans H1(⌦),mais ne peut pas appartenir à H10 (⌦), car sinon (2.5) entrâınerait alors |⌦|

    1/2 = kukL2 = 0.

    Pour terminer cette section, on identifie le dual de H10 (⌦).

    Théorème 2.24. — Le dual de H10 (⌦) s’identifie à un sous-espace de D0(⌦). On le note

    H�1(⌦). De plus, on a

    H�1(⌦) =

    (u 2 D0(⌦) : u = f0 +

    NX

    i=1

    @fi@xi

    , f0 2 L2(⌦), fi 2 L

    2(⌦), 1 i N

    ). (2.6)

    Démonstration. — Une forme linéaire continue sur H10 (⌦) s’identifie à une distribution dela façon suivante. Par la Définition 2.20, il est nécessaire et su�sant de définir cette formelinéaire sur D(⌦) pour qu’elle soit bien définie. Soit u 2 H�1(⌦), on note hu, viH�1,H10 son

    action sur une fonction v 2 H10 (⌦). Pour tout ' 2 D(⌦), on pose naturellement

    hu,'i = hu,'iH�1,H10 .

    On vérifie facilement que cela définit une distribution d’ordre au plus 1.Notons provisoirement H l’espace de droite dans (2.6) et montrons d’abord que

    H�1(⌦) � H. Soit ' 2 D(⌦) et u = f0 +PN

    i=1@fi@xi

    . Alors

    hu,'i = hf0,'i �NX

    i=1

    ⌧fi,

    @'

    @xi

    et donc par Cauchy-Schwarz,

    |hu,'i|

    NX

    i=0

    kfik2L2

    !1/2k'kH1 .

    Par densité, u se prolonge donc en une forme linéaire continue sur H10 (⌦). Notons que l’onaura donc, pour tout v 2 H10 (⌦),

    hu, viH�1,H10 =

    Z

    ⌦f0v dx�

    NX

    i=1

    Z

    ⌦fi@v

    @xidx.

    Cette formule ne dépend bien entendu par du choix des fonction fi (qui ne sont pasuniques). On peut poser

    kukH�1 = infu=f0+

    P @fi@xi

    NX

    i=0

    kfik2L2

    !1/2.

    Montrons maintenant que H�1(⌦) ⇢ H. Soit u 2 H�1(⌦), on notera hu, viH�1,H10l’action de u sur un élément v 2 H10 (⌦). On utilise pour cela le théorème de représentationde Riesz sur (L2(⌦))N+1.

    28

  • Etape 1. On définit une forme linéaire continue sur un sous-espace vectoriel de (L2)N+1.

    Soit G =n⇣

    v, @v@x1 , · · · ,@v@xN

    ⌘: v 2 H10 (⌦)

    o⇢ (L2(⌦))N+1. L’application

    T : G ! R⇣v, @v@x1 , · · · ,

    @v@xN

    ⌘7! hu, viH�1,H10

    est une forme linéaire continue sur G.Etape 2. Prolongement par le théorème de Hahn-Banach (Corollaire I-2 de [2]). Laforme linéaire T se prolonge en g, forme linéaire continue sur (L2(⌦))N+1.

    Etape 3. Par le théorème de représentation de Riesz, il existe (f0, f1, · · · , fN ) 2 (L2)N+1

    tels que, 8(w0, w1, · · · , wN ) 2 (L2)N+1, on ait

    g(w0, w1, · · · , wN ) =NX

    i=0

    Zfiwidx,

    donc en particulier,

    8v 2 H10 (⌦), hu, viH�1,H10 = T⇣v, @v@x1 , · · · ,

    @v@xN

    ⌘= g

    ⇣v, @v@x1 , · · · ,

    @v@xN

    =

    Zf0vdx+

    NX

    i=1

    Zfi@v

    @xidx

    = hf0, vi+NX

    i=1

    ⌧fi,

    @v

    @xi

    �= hf0, vi �

    NX

    i=1

    ⌧@fi@xi

    , v

    �.

    On a bien u = f0 �NX

    i=1

    @fi@xi

    au sens des distributions, donc u 2 H.

    Remarque 2.25. — On peut faire un commentaire sur la terminologie H�1. Commenous l’avons vu, sur RN , les espaces de Sobolev d’exposant s � 0 peuvent être définis parla transformée de Fourier. En fait, la définition (2.1) s’étend pour les exposants négatifs enutilisant la transformée de Fourier des distributions tempérées. L’espace des distributionstempérées S 0(RN ) est le dual de l’espace S(RN ), fonctions C1 à décroissance rapide à l’in-fini, voir par exemple [1]. On a alors la caractérisation équivalente suivante de H�1(RN ) :

    H�1(RN ) =nu 2 S 0(RN ) : (1 + |⇠|2)�1/2bu 2 L2(RN )

    o

    qui généralise bien (2.1).

    2.3. Prolongements

    Dans de nombreuses situations, il peut être utile de savoir prolonger une fonction deH1(⌦) en une fonction de H1(RN ). Ceci va nécessiter des hypothèses de régularité sur ledomaine ⌦.

    29

  • Afin de définir ce qu’est un ouvert régulier, introduisons quelques notations. Pour toutx 2 RN , on note x = (x0, xN ) où x0 = (x1, x2, . . . , xN�1) 2 RN�1, puis

    RN+ =�x = (x0, xN ) : xN > 0

    , RN� =

    �x = (x0, xN ) : xN < 0

    Q =�x = (x0, xN ) : |x

    0| < 1 et |xN | < 1

    , où |x0| =

    N�1X

    i=1

    x2i

    !1/2

    Q+ = Q \ RN+ , Q� = Q \ RN� , Q0 =�x = (x0, xN ) : |x

    0| < 1 et xN = 0

    .

    Définition 2.26. — Un ouvert ⌦ de RN est dit de classe C1 si pour tout x 2 @⌦ il existeun voisinage U de x dans RN et une application � : Q ! U bijective telle que

    � 2 C1(Q), ��1 2 C1(U), �(Q+) = U \ ⌦, �(Q0) = U \ @⌦.

    Le théorème principal de cette section est le suivant.

    Théorème 2.27. — Soit ⌦ un ouvert de classe C1, de frontière bornée (ou bien ⌦ = RN+ ).Alors il existe un opérateur de prolongement linéaire et continu

    P : H1(⌦) ! H1(RN )c’est-à-dire tel que Pu|⌦ = u et kPukH1(RN ) CkukH1(⌦).

    Avant de démontrer ce théorème, on va énoncer deux lemmes utiles.

    Lemme 2.28. — Soit u 2 H1(Q+). On définit la fonction suivante, prolongée parréflexion :

    u⇤(x0, xN ) =

    ⇢u(x0, xN ) si xN > 0u(x0,�xN ) si xN < 0.

    Alors on a u⇤ 2 H1(Q) et ku⇤kH1(Q) p2kukH1(Q+).

    Démonstration. — Il est déjà clair que u⇤ 2 L2(Q) avec ku⇤kL2(Q) p2kukL2(Q+). On va

    alors démontrer les propriétés suivantes, qui permettent de déduire directement le résultatsouhaité :

    @u⇤

    @xi=

    ✓@u

    @xi

    ◆⇤si 1 i N � 1, (2.7)

    @u⇤

    @xN=

    8>><

    >>:

    @u

    @xN(x0, xN ) si xN > 0

    �@u

    @xN(x0,�xN ) si xN < 0.

    (2.8)

    On utilisera la suite ⌘k de fonctions de C1(R) définie par ⌘k(t) = ⌘(kt) pour t 2 R etk 2 N⇤, où ⌘ est une fonction fixée, de classe C1, telle que ⌘(t) = 0 si t < 1/2 et ⌘(t) = 1si t > 1.

    Preuve de (2.7). Soit ' 2 D(Q). En posant

    (x0, xN ) = '(x0, xN ) + '(x

    0,�xN ),

    on peut voir que, pour 1 i N � 1, on a⌧@u⇤

    @xi,'

    �= �

    Z

    Qu⇤@'

    @xidx = �

    Z

    Q+

    u@

    @xidx. (2.9)

    30

  • La fonction n’appartient a priori pas à D(Q+), en revanche on a ⌘k(xN ) (x0, xN ) 2D(Q+), ce qui permet d’écrire

    Z

    Q+

    @u

    @xi⌘k dx =

    ⌧@u

    @xi, ⌘k

    �= �

    ⌧u,@(⌘k )

    @xi

    �= �

    Z

    Q+

    u⌘k@

    @xidx

    car ⌘k ne dépend pas de la variable xi. Par convergence dominée, on peut passer à la limitedans les deux intégrales de cette série d’identités, lorsque k ! +1, ce qui donne

    Z

    Q+

    u@

    @xidx =

    Z

    Q+

    @u

    @xi dx =

    Z

    Q+

    @u

    @xi' dx+

    Z

    Q+

    @u

    @xi(x0, xN )'(x

    0,�xN ) dx

    =

    Z

    Q+

    @u

    @xi' dx+

    Z

    Q�

    @u

    @xi(x0,�xN )'(x

    0, xN ) dx

    =

    Z

    Q

    ✓@u

    @xi

    ◆⇤' dx =

    ⌧✓@u

    @xi

    ◆⇤,'

    �.

    En insérant cette égalité dans (2.9), on obtient bien (2.7).

    Preuve de (2.8). On notera v(x0, xN ) la fonction définie par le membre de droite de (2.8).Soit ' 2 D(Q). En posant cette fois

    �(x0, xN ) = '(x0, xN )� '(x

    0,�xN ),

    on obtient ⌧@u⇤

    @xN,'

    �= �

    Z

    Qu⇤

    @'

    @xNdx = �

    Z

    Q+

    u@�

    @xNdx. (2.10)

    On doit maintenant faire attention au fait que

    @(⌘k�)

    @xN= ⌘k

    @�

    @xN+ k⌘0(kxN )�,

    de sorte que, comme on a aussi ⌘k� 2 D(Q+),Z

    Q+

    @u

    @xN⌘k� dx = �

    Z

    Q+

    u⌘k@�

    @xNdx�

    Z

    Q+

    uk⌘0(kxN )� dx. (2.11)

    La dernière intégrale tend vers 0 lorsque k ! +1. Pour le montrer, on remarque toutd’abord que la fonction �(x0, xN ) s’annule pour xN = 0 donc, cette fonction étant régulière,il existe une constante M > 0 telle que |�(x0, xN )| M |xN |. Par conséquent, on a lamajoration

    ����Z

    Q+

    uk⌘0(kxN )� dx

    ���� k⌘0kL1M

    Z

    Q+

    |u|kxN10kxN1 dx C

    Z

    Q+

    |u|10kxN1 dx,

    ce qui permet de conclure par convergence dominée.Par conséquent, en passant à la limite dans (2.11) (toujours par convergence dominée),

    on obtient comme ci-dessus

    Z

    Q+

    u@�

    @xNdx =

    Z

    Q+

    @u

    @xN� dx =

    Z

    Q+

    @u

    @xN' dx�

    Z

    Q+

    @u

    @xN(x0, xN )'(x

    0,�xN ) dx

    =

    Z

    Q+

    @u

    @xN' dx�

    Z

    Q�

    @u

    @xN(x0,�xN )'(x

    0, xN ) dx

    = hv,'i .

    Avec (2.10), on obtient bien @u⇤

    @xN= v.

    31

  • Le lemma suivant de partitions de l’unité est supposé connu et sera aussi utilisé dans lapreuve du Théorème 2.27. Il est donné ici sans preuve.

    Lemme 2.29 (Partitions de l’unité). — Soit � un compact de RN et O1, O2, . . . , Ondes ouverts tels que � ⇢ [ni=1Oi. Alors il existe des fonctions ✓0, ✓1, ✓2, . . . , ✓n de classeC1(RN ) telles que

    (i) Pour i = 0, 1, . . . , n, on a 0 ✓i 1 etkX

    i=0

    ✓i = 1 sur RN .

    (ii) Pour i = 1, . . . , n, le support de ✓i est compact et inclus dans Oi.

    (iii) Le support de ✓0 est inclus dans RN \ �.

    Démonstration du Théorème 2.27. — Remarquons tout d’abord que la démonstration duLemme 2.28 fonctionne aussi si l’on remplace Q+ par RN+ , ce qui permet directementde démontrer le Théorème 2.27 dans le cas ⌦ = RN+ . Considérons maintenant le cas d’unouvert ⌦ de frontière bornée. Comme @⌦ est compacte et de classe C1, il existe des ouverts(Oi)1in de RN tels que @⌦ ⇢ [ni=1Oi et il existe des applications �i : Q ! Oi bijectivestelles que

    �i 2 C1(Q), ��1i 2 C

    1(Oi), �i(Q+) = Oi \ ⌦, �i(Q0) = Oi \ @⌦.

    On peut alors appliquer le Lemme 2.29 à � = @⌦, qui donne les fonctions ✓0, ✓1, ✓2, . . . ,✓n.

    Soit maintenant u 2 H1(⌦). On déduit du point (i) du Lemme 2.29 que

    u =nX

    i=0

    ui où ui = ✓iu.

    On va prolonger séparément chacune des fonctions ui à RN .

    Prolongement de u0. Pour la fonction u0, le prolongement se fait simplement en posant

    u0(x) =

    ⇢u0(x) si x 2 ⌦0 si x 2 RN \ ⌦.

    On a ✓0 2 C1(RN ) \ W 1,1(RN ). Pour cette dernière propriété, on rappelle en e↵et quel’on a 0 ✓0 1 et r✓0 = �

    Pni=1r✓i (et chacune de ces fonction est régulière, à support

    compact). De plus, on a Supp ✓0 ⇢ RN \ @⌦.Soit ' 2 D(RN ). Pour j = 1, . . . , N , on aZ

    RNu0@'

    @xjdx =

    Z

    ⌦✓0u

    @'

    @xjdx =

    Z

    ⌦u

    ✓@(✓0')

    @xj�@✓0@xj

    '

    ◆dx

    = �

    Z

    ✓@u

    @xj✓0'+ u

    @✓0@xj

    '

    ◆= �

    Z

    RN

    ✓@u

    @xj✓0'+ u

    @✓0@xj

    '

    ◆.

    On a utilisé ici le fait que ✓0'|⌦ 2 D(⌦). Il s’en suit l’identification

    @u0@xj

    =@u

    @xj✓0 + u

    @✓0@xj

    ,

    et donc on a u0 2 H1(RN ) avec ku0kH1(RN ) CkukH1(⌦).

    32

  • Prolongement de ui, 1 i n. On transporte d’abord u depuis Oi \ ⌦ vers Q+ grâce àla fonction �i. Posons

    vi(y) = u(�i(y)) pour y 2 Q+.

    Par changement de variable régulier, on préserve l’appartenance à H1 (admispour l’instant, voir [2], Proposition IX.6, à énoncer et démontrer à la fin de lasous-section 2.2.2), donc vi 2 H1(Q+). On utilise ensuite le Lemme 2.28 pour définirsur Q le prolongement de vi par réflexion, noté v⇤i 2 H

    1(Q). On revient ensuite sur Oi enposant

    wi(x) = v⇤i (�

    �1i (x)) pour y 2 Ui.

    On a alors wi 2 H1(Oi), wi = u sur Oi \⌦ et kwikH1(Oi) CkukH1(Oi\⌦). Enfin, on pose

    ui(x) =

    ⇢✓i(x)wi(x) si x 2 Oi0 si x 2 RN \Oi.

    On a bien ui 2 H1(RN ) (procéder comme ci-dessus pour u0) et kuikH1(RN ) CkukH1(Oi\⌦).

    Conclusion. En posant Pu =Pn

    i=0 ui, on a bien toutes les propriétés souhaitées.

    Corollaire 2.30. — On suppose ⌦ de classe C1. Soit u 2 H1(⌦). Alors il existe une suiteun 2 D(RN ) telle que un|⌦ ! u dans H1(⌦). Autrement dit, l’espace D(⌦) est dense dansH1(⌦).

    Démonstration. — Supposons tout d’abord @⌦ bornée. D’après le Théorème 2.27, unefonction u 2 H1(⌦) peut être prolongée en une fonction Pu 2 H1(RN ). Ensuite, d’aprèsle théorème de densité 2.17, il existe une suite un 2 D(RN ) qui converge vers Pu dansH1(RN ). Il est alors immédiat de vérifier que un|⌦ ! u dans H1(⌦).

    Lorsque @⌦ n’est pas bornée, on raisonne par troncatures en considérant les intersectionsde ⌦ avec des grandes boules. Cette partie de la preuve est laissée en exercice.

    2.4. Traces et formule de Green

    On va montrer qu’à toute fonction u 2 H1(⌦), on peut associer naturellement unefonction u 2 L2(@⌦), qui est la “trace de u sur le bord”. Comme ci-dessus, le cas dudemi-espace RN+ va nous servir de modèle.

    2.4.1. Le cas de la dimension 1. — Le cas de la dimension 1 d’espace peut être traitéséparément. En e↵et, on va montrer que les fonctions de H1(]a, b[) ont un représentantcontinu sur [a, b], ce qui permet de parler de façon univoque des valeurs au bord u(a) etu(b).

    Lemme 2.31. — Soient a < b. L’espace H1(]a, b[) s’injecte de façon continue dansC0,1/2([a, b]), l’espace des fonctions 1/2-Höldériennes sur [a, b].

    Démonstration. — Soit u 2 H1(]a, b[). On veut montrer qu’il existe u 2 C0,1/2([a, b]),choisi de façon continue par rapport à u, tel que u = u presque partout dans ]a, b[. Pourx 2 [a, b], on pose

    eu(x) =Z x

    au0(t)dt.

    33

  • La fonction eu est bien définie pour tout x 2 [a, b] car u0 2 L1(]a, b[). En fait, on peut voirque eu appartient à C0,1/2([a, b]), par une simple inégalité de Cauchy-Schwarz : en e↵et,pour tout x, y 2 [a, b], on a

    |eu(x)� eu(y)| =����Z x

    yu0(t)dt

    ���� p|x� y|

    ��u0��L2

    . (2.12)

    Calculons maintenant la dérivée de eu au sens des distributions. Pour ' 2 D(]a, b[),

    heu0,'i = �heu,'0i = �Z b

    aeu(x)'0(x)dx = �

    Z b

    adx'0(x)

    Z x

    au0(t)dt

    Fubini= �

    Z b

    adt u0(t)

    Z b

    t'0(x)dx

    =

    Z b

    au0(t)'(t)dt car '(b) = 0

    = hu0,'i

    donc eu0 = u0 dans D0(⌦). Ainsi, u � eu est une constante � 2 R. Posons u = eu + � 2C0,1/2([a, b]). On a bien u = u presque partout sur ]a, b[.Il reste à montrer la continuité de l’injection H1(]a, b[,! C0,1/2([a, b]). Rappelons que la

    norme sur cet espace s’écrit

    kukC0,1/2 = max[a,b]

    |u|+ supx 6=y

    |u(x)� u(y)|

    |x� y|1/2.

    D’après (2.12), on a déjà

    supx 6=y

    |u(x)� u(y)|

    |x� y|1/2 ku0kL1 kukH1 .

    Pour l’autre terme, on écrit

    max[a,b]

    |u| max[a,b]

    |eu|+ |�| ku0kL2 + |�| (par Cauchy-Schwarz).

    Mais on a aussi

    |�| = |u(x)� eu(x)| =Z 1

    0|u(x)� eu(x)|dx kukL2 + ku0kL2

    ce qui donne finalement

    max[a,b]

    |u| kukL2 + 2ku0kL2

    p5kukH1 .

    La preuve du lemme est terminée.

    Remarque 2.32. — En dimension N > 1, le lemme ci-dessus est faux. Les fonctions H1

    peuvent admettre des singularités, mais celles-ci doivent être localisées sur des variétés dedimension au plus N � 2. Par exemple, on peut montrer (voir TD) que la fonction définiesur ⌦ = B(0, 12) ⇢ R

    2 par u(x, y) = (� ln |x|)↵ avec 0 < ↵ < 12 appartient à H1(⌦).

    34

  • 2.4.2. Un théorème de trace. — Tout va reposer sur un calcul très simple.

    Lemme 2.33. — Pour tout v 2 D(RN+ ), on a l’inégalitékv(·, 0)kL2(RN�1) kvkH1(RN+ ). (2.13)

    Démonstration. — Soit v 2 D(RN+ ). On a, pour tout x0 2 RN�1,��v(x0, 0)

    ��2 = �Z +1

    0

    @

    @xN(��v(x0, xN )

    ��2)dxN = �2Z +1

    0v(x0, xN )

    @v

    @xN(x0, xN )dxN

    Z +1

    0

    ��v(x0, xN )

    ��2 +����@v

    @xN(x0, xN )

    ����2!dxN

    où l’on a utilisé l’inégalité de Cauchy-Schwarz et 2ab a2 + b2. En intégrant par rapportà x0, on obtient

    Z

    RN�1

    ��v(x0, 0)��2 dx0

    Z

    RN+

    |v(x)|2 +

    ����@v

    @xN(x)

    ����2!dx

    d’où (2.13).

    Sachant que D(RN+ ) est dense dans H1(RN+ ) (Corollaire 2.30), et que D(RN�1) est densedans L2(RN�1), l’application v 7! v(·, 0) de D(RN+ ) sur D(RN�1) se prolonge par continuitéen une application linéaire continue de H1(RN+ ) sur L2(RN�1). De plus, (2.13) est vraiepour ce prolongement. Ce procédé, appliqué à un ouvert ⌦ ce classe C1, va nous permettrede définir l’application trace.

    Théorème 2.34. — Soit ⌦ ⇢ RN un ouvert de classe C1 et de frontière bornée (ou⌦ = RN+ ). Alors l’application �0 : v 7! �0v = v|@⌦ de D(⌦) dans C0(@⌦) se prolonge parcontinuité en une application linéaire continue de H1(⌦) dans L2(@⌦), encore notée �0 etappelée application trace.

    Démonstration. — Le cas ⌦ = RN+ venant d’être démontré, traitons de cas ⌦ de classe C1et de frontière bornée. Par prolongement par continuité, ce résultat se déduit de la densitéde D(⌦) dans H1(⌦) (Corollaire 2.30) et de l’inégalité suivante : il existe une constanteC > 0 telle que, pour tout v 2 D(⌦), on a

    k�0vkL2(@⌦) kvkH1(⌦). (2.14)

    Pour démontrer cette inégalité, on utilise une partition de l’unité telle que définie dansle Lemme 2.29 pour � = @⌦, couplée à des fonctions �i définies comme au début de lapreuve du Théorème 2.27 ci-dessus. Pour v 2 D(⌦), on pose

    wi = (✓iv) � �i.

    D’après le Lemme 2.33 et en utilisant la régularité des fonctions ✓i et �i, on obtient

    kwi(·, 0)kL2(RN�1) kwikH1(RN+ ) CikvkH1(⌦).

    Pour conclure à (2.14), il su�t de se convaincre de l’équivalence des normes suivantes :

    kvkL2(@⌦) =

    ✓Z

    @⌦|v(x)|2d�

    ◆1/2et

    nX

    i=1

    k(✓iv) � �ik2L2(RN�1

    !1/2

    35

  • qui résulte encore des propriétés de la partition de l’unité et des régularités des fonctionsbijectives �i.

    2.4.3. Applications du théorème de trace. — La première application du théorèmede trace est une généralisation de la formule de Green (intégration par parties) sur H1(⌦).

    Théorème 2.35. — Soit ⌦ ⇢ RN , de classe C1 et de frontière bornée. Alors, 8u, v 2H1(⌦), on a

    Z

    @u

    @xivdx = �

    Z

    ⌦u@v

    @xidx+

    Z

    @⌦�0u �0v nid� 1 i N

    où ni désigne la ieme composante du vecteur normal sortant n(x) au point x 2 @⌦.

    Démonstration. — Ce théorème résulte de la même formule dans le cas où u, v 2 C1(⌦)et ⌦ de classe C1, voir la Proposition C.5 dans l’annexe C, couplée avec la densité de D(⌦)dans H1(⌦) (Corollaire 2.30) et la continuité de l’application trace �0.

    Remarque 2.36. — Par commodité, on omettra souvent le “�0” dans cette expression :Z

    @u

    @xivdx = �

    Z

    ⌦u@v

    @xidx+

    Z

    @⌦uv nid�

    Corollaire 2.37. — Soit ⌦ ⇢ RN , de classe C1 et de frontière bornée. Pour u 2 L2(RN ),on note u = u1 + u2, avec u1 = u|⌦ et u1 = u|RN\⌦. On a alors

    u 2 H1(RN ) ()

    8<

    :

    u1 2 H1(⌦)u2 2 H1(RN \ ⌦)�0u1 = �0u2.

    Démonstration. — (=)) Pour tout u 2 H1(RN ) et ⌦ ⇢ RN , on a toujours u1 = u|⌦ 2H1(⌦). En e↵et, pour tout ' 2 D(⌦), on a l’identité

    hru1,'i = �hu1,r'i = �

    Z

    ⌦u1r'dx = �

    Z

    RNur'dx =

    Z

    RNru'dx,

    (on a utilisé le fait que le prolongement de ' par 0 hors de ⌦ est une fonction-test D(RN ))qui entrâıne l’estimation

    |hru1,'i|

    ����Z

    RNru'dx

    ���� krukL2(RN )k'kL2(⌦),

    puis que ru1 2 L2(⌦) avec ru1 = ru|⌦.Cette remarque entrâıne que si u 2 H1(RN ), alors u1 2 H1(⌦) et u2 2 H1(RN \ ⌦).

    Montrons la troisième propriété. Par densité de D(RN ) dans H1(RN ), on peut trouver unesuite 'n 2 D(RN ) telle que 'n ! u dans H1(RN ). Par définition de �0, on a

    �0('n|⌦) = 'n|@⌦ = �0('n|RN\⌦). (2.15)

    Par ailleurs, on a 'n|⌦ ! u|⌦ = u1 dans H1(⌦) et 'n|RN\⌦ ! u|RN\⌦ = u2 dans H

    1(RN \⌦) (cela découle encore de la remarque ci-dessus). Donc, par continuité de l’applicationtrace, on peut passer à la limite dans (2.15), ce qui donne �0u1 = �0u2.

    ((=) Pour ' 2 D(RN ) et i 2 {1, . . . , N}, on a

    h@iu,'i = �

    Z

    RNu@i'dx = �

    Z

    ⌦u1@i'dx�

    Z

    RN\⌦u2@i'dx.

    36

  • Or, la formule de Green donneZ

    ⌦u1@i'dx = �

    Z

    ⌦@iu1'dx+

    Z

    @⌦�0u1�0'nid�,

    où n est le vecteur normal unitaire sortant de ⌦. De même, on aZ

    RN\⌦u2@i'dx = �

    Z

    RN\⌦@iu2'dx�

    Z

    @⌦�0u2'nid�

    (noter que �n est le vecteur normal unitaire sortant de RN \ ⌦). Comme par hypothèse,�0u1 = �0u2, on a donc

    h@iu,'i =

    Z

    ⌦@iu1'dx+

    Z

    RN\⌦@iu2'dx.

    Ainsi la fonction de L2(RN ) définie par @iu1 sur ⌦ et par @iu2 sur RN⌦ s’identifie presquepartout à @iu. Cela montre bien que u 2 H1(⌦).

    Une autre application intéressante du théorème de trace est une caractérisation plusintuitive de l’espace H10 (⌦) défini par la Définition 2.20.

    Théorème 2.38. — Soit ⌦ ⇢ RN un ouvert de classe C1 et de frontière bornée (ou⌦ = RN+ ). Pour tout u 2 H1(⌦), les assertions suivantes sont équivalentes :

    (i) u 2 H10 (⌦).

    (ii) La fonction eu(x) =⇢

    u(x) si x 2 ⌦0 si x 2 RN \ ⌦

    appartient à H1(RN ).(iii) �0u = 0.

    Démonstration. — (i) ) (iii). On a H10 (⌦) ⇢ Ker �0. En e↵et, soit u 2 H10 (⌦) et soit

    'n une suite de fonctions de D(⌦) telle que 'n ! u dans H1(⌦). Par continuité del’application trace, on a �0'n ! �0u dans L2(@⌦). Mais, comme les fonctions 'n sont àsupport compact dans ⌦, on a �0'n = 0. Donc �0u = 0 presque partout sur @⌦.

    (iii) ) (ii). Il su�t d’appliquer le Corollaire 2.37 à la fonction eu. En e↵et, on a eu|⌦ =u 2 H1(⌦), eu|RN\⌦ = 0 2 H1(RN \ ⌦) et �0u = �00 = 0, donc eu 2 H1(RN ).(ii) ) (i). C’est la partie la plus compliquée de cette preuve. En raisonnant encore parpartitions de l’unité, on peut voir qu’encore une fois, il su�t de montrer le résultat pour⌦ = RN+ . Considérons donc une fonction u 2 H1(RN+ ) telle que son prolongement eu par 0hors de RN+ appartient àH1(RN ). On va montrer que u est la limite d’une suite de fonctionsde D(R+N ). Il faut combiner trois techniques : troncature, translation et régularisation parconvolution.

    Troncature. Soit � 2 D(RN ) une fonction de troncature, telle que �(x) = 1 si |x| 1 et�(x) = 0 si |x| � 2. Pour M 2 N⇤, on pose euM (x) = �(x/M)eu(x). Il est immédiat de voirque euM ! eu dans H1(RN ) lorsque M ! +1.Translation. Pour tout h > 0, on note ⌧heu la fonction translatée définie par

    ⌧heuM (x0, xN ) = euM (x0, xN � h).On a facilement que @i⌧heuM = ⌧h@ieuM , donc la fonction ⌧heuM appartient à H1(RN ). Onvérifie en outre que ⌧heuM ! euM dans H1(RN ) lorsque h ! 0 (pour montrer ce résultatpour la norme L2, il convient d’ approcher la fonction L2 par une fonction C0c , ensuite ilest facile d’en déduire l’analogue pour la norme H1).

    37

  • Régularisation. Le support de la fonction ⌧heuM est compact et est inclus dans {(x0, xn) :xN � h} : il est donc inclus dans un certain ouvert ! tel que ! ⇢ RN+ et ! est compact.D’après le Corollaire 2.19, il existe une suite 'n 2 D(RN+ ) qui converge vers ⌧heuM dansH1(RN+ ) (c’est l’étape de régularisation par convolution). En faisant tendre M ! +1,h ! 0 et n ! +1, par extraction diagonale on construit une suite de fonctions de D(RN+ )qui converge vers u dans H1(RN+ ).

    2.5. Un résultat de compacité

    Le but de cette section est de démontrer le théorème de compacité suivant.

    Théorème 2.39 (de Rellich). — Soit ⌦ un ouvert borné de RN , de classe C1. Alorsl’injection canonique de H1(⌦) dans L2(⌦) est compacte.

    Rappelons que, si X et Y sont deux espaces de Banach, une application linéaire A :X ! Y est dite compacte si pour toute suite un 2 X bornée, il existe une sous-suite u'(n)telle que Au'(n) converge dans Y . Le théorème précédent signifie donc que, si ⌦ est bornéet de classe C1, alors de toute suite bornée dans H1(⌦), on peut extraire une sous-suitequi converge dans L2(⌦).

    Démonstration. — Considérons une suite un bornée dans H1(⌦) et notons vn = Pun sonprolongement dans H1(RN ) selon l’opérateur de prolongement défini dans le Théorème2.27. Alors vn est une suite bornée de H1(RN ). De plus, comme ⌦ est borné, quitte àmultiplier vn par une fonction de troncature régulière, à support compact et valant 1 sur⌦, on peut sans perte de généralité supposer que les fonctions vn ont toutes leur supportinclus dans un même compact K ⇢ RN .

    Un résultat classique d’analyse fonctionnelle dit que tout ensemble borné d’un espace deHilbert (qui est donc réflexif) est faiblement relativement compact. Ainsi, en considérantl’espace de Hilbert L2(RN ), la suite vn étant bornée dans L2(RN ), on peut extraire unesous-suite de vn (encore notée vn) qui converge vers v 2 L2(RN ) pour la topologie faibleL2(RN ). Notons que le support de v est aussi inclus dans K. En e↵et, pour toute fonction' 2 D(RN \K), on a

    Z

    RN\Kv(x)'(x)dx =

    Z

    RNv(x)'(x)dx = lim

    n!+1

    Z

    RNvn(x)'(x)dx = 0,

    ce qui entrâıne que v|RN\K est nulle presque partout (par le Lemme 2.6). Dans la suite, on

    note wn = vn � v. La suite wn est une suite de fonctions bornées dans H1(RN ), à supportdans K, et convergeant vers 0 faiblement dans L2(RN ).

    On va maintenant utiliser la caractérisation de H1(RN ) par la transformée de Fourier.On rappelle en e↵et que u 2 H1(RN ) si, et seulement si, u 2 L2(RN ) et (1 + |⇠|2)1/2bu 2L2(RN ), et alors

    kukH1 = k(1 + |⇠|2)1/2bukL2 .

    38

  • Par le théorème de Plancherel, on a

    kwnk2L2 =

    Z

    RN| bwn(⇠)|2 d⇠

    Z

    |⇠|M| bwn(⇠)|2 d⇠ +

    1

    1 +M2

    Z

    |⇠|�M(1 + |⇠|2) | bwn(⇠)|2 d⇠

    Z

    |⇠|M| bwn(⇠)|2 d⇠ +

    1

    1 +M2supn

    kwnk2H1 . (2.16)

    Démontrons que, pour tout M > 0, la première intégrale converge vers 0 lorsque n ! +1.Soit ⇠ 2 RN . Comme le support de wn est inclus dans K, on a

    bwn(⇠) = (2⇡)�N/2Z

    RNe�ix·⇠wn(x)1K(x)dx,

    où 1K désigne la fonction indicatrice de K. Comme K est borné, la fonction x 7!e�ix·⇠ 1K(x) est clairement une fonction de L2(RN ), donc la convergence faible L2 dewn vers 0 entrâıne que

    8⇠ 2 RN , limn!+1

    bwn(⇠) = 0.

    De plus, par Cauchy-Schwarz, on a la majoration uniforme suivante

    | bwn(⇠)| (2⇡)�N/2Z

    RN|wn(x)|1K(x)dx (2⇡)

    �N/2|K|1/2 sup

    nkwnkL2 .

    On peut donc appliquer le théorème de convergence dominée, pour montrer que, pour toutM > 0,

    limn!+1

    Z

    |⇠|M| bwn(⇠)|2 d⇠ = 0.

    Il ne reste plus qu’à conclure. Pour tout " > 0, on commence à choisir M tel que1

    1+M2 supn kwnk2H1 <

    "2

    2 . Ensuite, il existe n0 tel que, pour tout n � n0, on aR|⇠|M | bwn(⇠)|

    2 d⇠ < "2

    2 . En insérant ces inégalités dans (2.16), on obtient kwnkL2 ".ON vient de démontrer que la sous-suite vn converge vers v pour la topologie forte deL2(RN ). La restriction un = vn|⌦ converge donc vers v|⌦ dans L2(⌦).

    Ce théorème joue un rôle important dans la théorie spectrale des opérateurs elliptiques.On peut aussi lui trouver une application intéressante pour obtenir des inégalités de typePoincaré par des démonstrations par l’absurde. On renvoie pour cela à un exercice vu enTD.

    39

  • CHAPITRE 3

    PROBLEMES ELLIPTIQUES LINEAIRES

    3.1. Introduction : Un problème de minimisation

    Dans de nombreuses situations, la résolution d’une EDP elliptique peut être associéeà la recherche d’un équilibre en terme d’énergie. Par exemple, lorsque l’EDP régit unproblème d’élasticité, il peut s’agir de trouver la solution qui minimise les e↵orts subitspar une membrane élastique sous contraintes.

    On se propose de regarder le problème modèle suivant. On cherche à minimiser lafonctionnelle

    J(u) =1

    2

    Z

    ⌦|ru(x)|2 dx�

    Z

    ⌦f(x)u(x)dx

    où u 2 H10 (⌦) et ⌦ est un domaine borné de classe C1.

    Interprétation physique : On cherche, parmi un ensemble d’états possibles, celui quicorrespond à la plus petite énergie. Exemple : si l’on considère l’équilibre d’une membraneélastique, on recherche la position en laquelle la membrane subira le moins d’e↵orts, detensions internes.

    Lemme 3.1. — Soit f 2 L2(⌦). Alors J admet un unique minimiseur u 2 H10 (⌦).

    Démonstration. — Montrons d’abord que inf J > �1. Cela découle de l’inégalité dePoincaré : il existe une constante C⌦ telle que, pour tout u 2 H10 , kukL2 C⌦ krukL2 ,donc

    J(u) �1

    2kruk2L2 � kfkL2 kukL2 (Cauchy-Schwarz)

    �1

    2kruk2L2 � C⌦ kfkL2 krukL2 .

    Or la fonction t 7! g(t) = 12 t2� C⌦ kfkL2 t est minorée car

    g(t) =1

    2(t� C⌦ kfkL2)

    2�

    1

    2C2⌦ kfk

    2L2 � �

    1

    2C2⌦ kfk

    2L2

    Ainsi J(u) � �12C2⌦ kfk

    2L2 , ce qui donne que j = inf J > �1.

    Montrons que l’infimum est atteint. Par définition de l’infimum, il existe une suiteun 2 H10 (⌦) telle que j J(un) < j +

    1n . Montrons que cette suite est de Cauchy dans

  • H1(⌦). Pour cela, on remarque que, pour tout (v, w) 2 (H10 (⌦))2, on a

    J(v) + J(w)� 2J

    ✓v + w

    2

    ◆=

    1

    2

    Z

    |rv|2 + |rw|2 � 2

    ����r✓v + w

    2

    ◆����2!dx

    =1

    2

    Z

    ⌦|r(v � w)|2 dx

    �1

    2(1 + C2⌦)

    �1kv � wk2H1

    avec l’inégalité de Poincaré. Par conséquent, en notant C 0⌦ =12(1 + C

    2⌦)

    �1, on a

    C 0⌦ kun � upk2H1 J(un) + J(up)� 2J

    ✓un + up

    2

    J(un) + J(up)� 2j

    1

    n+

    1

    p.

    La suite (un)n est donc de Cauchy dans H1(⌦) qui est complet. Donc il existe u 2 H1(⌦)tel que un �! u dans H1(⌦).

    Or, H10 (⌦) est fermé dans H1(⌦) (par définition, car c’est l’adhérence de l’ensemble des

    fonctions-test) donc u 2 H10 (⌦). Par ailleurs, il est facile de voir que J est continue surH1(⌦), ce qui entrâıne J(u) = limn!1 J(un) = j. On conclut donc que u = minv2H10 J(v).

    Il reste à montrer l’unicité du minimiseur. Soient v et w deux minimiseurs de J surH10 (⌦). On a

    C 0⌦ kv � wk2H1 J(v) + J(w)� 2J

    ✓v + w

    2

    ◆= 2j � 2J

    ✓v + w

    2

    ◆ 0,

    donc v = w.

    En réalité, ce qui nous intéresse surtout ici c’est le point de vue di↵érentiel.

    Lemme 3.2. — La fonctionnelle J est de classe C1 sur H1 et sa di↵érentielle est donnéepar

    dJu(v) =

    Z

    ⌦ru ·rv �

    Z

    ⌦fv.

    Démonstration. —

    J(u+ v)� J(u) =

    Z

    ⌦ru ·rvdx+

    1

    2

    Z

    ⌦|rv|2 dx�

    Z

    ⌦fvdx

    La continuité de J est évidente :

    |J(u+ v)� J(u)| krukL2 krvkL2 +1

    2krvk2L2 + kfkL2 kvkL2 = O(kvkH1).

    La di↵érentiabilité est aussi évidente. En posant

    Lu(v) =

    Z

    ⌦ru ·rvdx�

    Z

    ⌦fvdx,

    alors Lu est clairement continue sur H1 et on a

    |J(u+ v)� J(u)� Lu(v)| 1

    2kvk2H1 = o(kvkH1)

    42

  • Enfin, le caractère C1 découle de |Lu(v)� Leu(v)| kr(u� eu)kL2 krvkL2 , qui entrâıne

    kLu � Leuk kr(u� eu)kL2 .

    Corollaire 3.3. — Le minimiseur u de J sur H10 (⌦) satisfait :

    u 2 H10 (⌦) et 8v 2 H10 (⌦)

    Z

    ⌦ru ·rvdx =

    Z

    ⌦fvdx (3.1)

    ou encore 8<

    :

    ��u = f au sens des distributions,u = 0 sur @⌦,

    u 2 H1(⌦).(3.2)

    Démonstration. — L’équation (3.1) découle directement de dJu = 0, que l’on vérifie ainsi.Pour t 2 R et pour v 2 H10 , on a

    dJu(v) = limt!0

    J(u+ tv)� J(u)

    t

    avec J(u+ tv) � J(u), donc8>><

    >>:

    J(u+ tv)� J(u)

    t 0 si t < 0,

    J(u+ tv)� J(u)

    t� 0 si t > 0,

    ce qui donne, en passant à la limite, à la fois dJu(v) 0 et dJu(v) � 0.Prenons v 2 D(⌦) dans (3.1) (noter que D(⌦) ⇢ H10 (⌦)) :

    NX

    i=1

    Z

    @u

    @xi

    @v

    @xidx =

    Z

    ⌦fvdx

    m

    NX

    i=1

    ⌧@u

    @xi,@v

    @xi

    �= hf, vi

    m

    *�

    NX

    i=1

    @2u

    @x2i, v

    += hf, vi,

    d’où ��u = f dans D0(⌦). Les autres propriétés de (3.2) proviennent de u 2 H10 (⌦).

    Bilan. A partir d’un problème de minimisation, on a résolu (c.a.d. trouvé une solutionà) une EDP elliptique (l’équation de Laplace), au sens des distributions. Cela signifie quela solution n’étant que dans H1(⌦) a priori, on ne peut définir son Laplacien que dansD

    0(⌦).On a aussi, ainsi, trouvé une formulation intermédiaire (3.1). Tout ceci nous fournit les

    idées directrices de ce chapitre. On va résoudre les problèmes elliptiques au sens desdistributions (on parle de solutions faibles) en se ramenant non pas à un problème deminimisation (ce n’est pas toujours possible), mais à une formulation du type (3.1) appeléeformulation variationnelle.

    43

  • Remarque 3.4. — On a vu que J admet un unique minimiseur. On verra plus loin que(3.1) et (3.2) admettent une unique solution. A ce stade du développement, ceci n’est pasencore démontré.

    3.2. Solutions faibles pour le problème de Dirichlet

    3.2.1. L’équation de Laplace. — On s’intéresse à l’EDP suivante :⇢

    ��u = f dans ⌦u = 0 sur @⌦.

    (3.3)

    Définition 3.5. — Une fonction u est dite solution faible de (3.3) si u 2 H10 (⌦) et si��u = f au sens des distributions.

    Remarque 3.6. — A priori, pour cette définition, on n’a besoin que des hypothèses sui-vantes : ⌦ ouvert, et f 2 D0(⌦). On va néanmoins supposer des hypothèses plus fortes,permettant d’utiliser la notion de traces pour interpréter la condition aux limites, et per-mettant aussi d’utiliser l’inégalité de Poincaré. Nous supposerons toujours ⌦ borné, declasse C1.

    Remarque 3.7. — Rappelons que le dual de H10 (⌦), appelé H�1(⌦), a été identifié, lors

    du Théorème 2.24, à un sous-espace de distributions et que l’on a l’identification (2.6) dansce théorème. Par conséquent, le Laplacien d’une fonction H1(⌦) appartient à H�1(⌦) etil est donc clair que nous ferons les hypothèses minimales sur f suivantes : f 2 H�1(⌦).

    Quelques petits calculs. Soit u une solution faible de (3.3) et ' 2 D(⌦), alors on asuccessivement

    h��u,'i = hf,'i = hf,'iH�1,H10*�

    NX

    i=1

    @2u

    @x2i,'

    += hf,'iH�1,H10

    NX

    i=1

    ⌧@u

    @xi,@'

    @xi

    �= hf,'iH�1,H10

    NX

    i=1

    Z

    @u

    @xi

    @'

    @xidx = hf,'iH�1,H10

    Z

    ⌦ru ·r' dx = hf,'iH�1,H10 .

    Soit v 2 H10 et 'n une suite de D(⌦) convergeant vers v. En passant à la limite dansl’égalité ci-dessus, on obtient

    8<

    :

    u 2 H10

    8v 2 H10

    Z

    ⌦ru ·rv dx = hf, viH�1,H10 .

    (3.4)

    On passe ainsi de l’EDP (3.2) à ce problème intermédiaire. Le point intéressant est qu’ona en fait l’équivalence entre les deux problèmes.

    Lemme 3.8. — Soit ⌦ borné, de classe C1 et f 2 H�1(⌦). Une fonction u est solutionfaible de (3.3) si, et seulement si, elle vérifie (3.4).

    44

  • Définition 3.9. — Une formulation variationnelle est la donnée– d’un espace de Hilbert V– d’une forme bilinéaire continue a(·, ·) sur V ⇥ V– d’une forme linéaire continue `(·) sur V

    et consiste à rechercher une solution du problème⇢

    u 2 V8v 2 V a(u, v) = `(v).

    (3.5)

    Application ici. La formulation (3.4) est appelée formulation variationnelle du problèmede Dirichlet pour le Laplacien (3.3). Elle rentre bien dans le cadre de la Définition 3.9,où l’on a : V = H10 (⌦), a(u, v) =

    R⌦ru · rvdx et `(v) = hf, viH�1,H10 . On vérifie sans

    di�culté la continuité de a : par Cauchy-Schwarz,

    |a(u, v)| krukL2 krvkL2 kukH1 kvkH1 .

    La continuité de ` est codée dans l’information f 2 H�1(⌦).

    Le point fort de cette approche repose sur la possilibité d’utiliser le théorème de Lax-Milgram :

    Théorème 3.10 (Lax-Milgram). — On se donne une formulation variationnelle selonla Définition 3.9. On suppose que la forme bilinéaire a est coercive, c’est à dire :

    9↵ > 0 : 8u 2 V, a(u, u) � ↵ kuk2V .

    Alors le problème (3.5) admet une unique solution u.De plus, si a est symétrique, alors u est l’unique minimiseur de J(v) = 12a(v, v)� `(v)

    sur V .

    Démonstration. — On applique tout d’abord par deux fois le théorème de représentationde Riesz. Pour tout v 2 V fixé, w 7! a(v, w) est une forme linéaire continue sur V . Ilexiste donc un unique A(v) 2 V tel que 8w, a(v, w) = (A(v), w). De la bilinéarité de a,on déduit la linéarité de A. Et, en prenant w = A(v), on a

    kA(v)k2 = a(v,A(v)) M kvk kA(v)k ,

    d’où

    kA(v)k M kvk ,

    c’est-à-dire, A est continue. De même, il existe u0 2 V tel que 8w 2 V , `(w) = (u0, w).

    Il s’agit alors de trouver u tel que : 8w a(u,w) = `(w), ce qui se réécrit

    A(u) = u0.

    On va utiliser le théorème du point fixe de Banach :

    Soit X un espace de Banach etT : X ⇥X strictement contractante,

    alors T admet un unique point fixe.

    Soit T (v) = v � �(A(v) � u0) avec � > 0 à fixer. Si T admet un point fixe alors ce pointfixe vérifie le résultat attendu pour u : A(u) = u0.

    45

  • On cherche donc une valeur de � telle que T soit strictement contractante. On calcule

    kT (v)� T (w)k2 = kv � w � �A(v � w)k2

    = kv � wk2 � 2�(A(v � w), v � w) + �2 kA(v � w)k2

    kv � wk2 � 2�a(v � w, v � w) + �2M2 kv � wk2

    (1� 2�↵+ �2M2) kv � wk2 .

    Il su�t alors de trouver � tel que 1 � 2�↵ + �2M2 < 1, ce qui est vérifié dès lors que� < 2↵M2 . Prenons par exemple � =

    ↵M2 et alors T est contractante.

    Pour traiter le cas où a est symétrique, il su�t de reprendre point par point ladémonstration du premier lemme du chapitre (en exercice).

    Remarque 3.11. — Dans le théorème de Lax-Milgram, on obtient en plus une estimationa priori sur la solution. En e↵et, dans

    8v 2 V, a(u, v) = `(v),

    il su�t de prendre v = u et on obtient a(u, u) = `(u). Ainsi, en utilisant la coercivité dela forme bilinéaire a,

    ↵ kuk2 a(u, u) = `(u) k`kV 0 kuk

    d’où kuk k`kV 0↵ .

    Théorème 3.12. — Soit f 2 H�1(⌦), où ⌦ est un ouvert borné de classe C1. Alors (3.3)admet une unique solution faible u. De plus, il existe une constante c, ne dépendant quede ⌦, telle que

    kukH1 c kfkH�1 .

    Démonstration. — D’après le Lemme 3.8 (et les propriétés de continuité de a et f), ilsu�t de montrer que la formulation variationnelle (3.4). Pour appliquer le théorème deLax-Milgram, il su�t de vérifier la coercivité de la forme bilinéaire . La coercivité de a sevérifie grâce à l’inégalité de Poincaré :

    a(u, u) =

    Z

    ⌦ru ·rudx = kruk2L2 � C⌦ kuk

    2H1 .

    3.2.2. Problèmes elliptiques d’ordre 2. — On s’intéresse maintenant au problèmeelliptique d’ordre 2 général introduit au début du cours :

    NX

    i=1

    NX

    j=1

    @

    @xi

    ✓aij(x)

    @u

    @xj

    ◆+

    NX

    i=1

    bi(x)@u

    @xi+ a0(x)u = f(x) sur ⌦, (3.6)

    avec condition aux limite de Dirichlet homogène sur @⌦

    u = 0 sur @⌦. (3.7)

    Les hypothèses sont les suivantes.– Sur le domaine : ⌦ borné, de classe C1.– Sur les données : aij , bi, a0 de classe L1(⌦) ; f 2 H�1(⌦).

    46

  • – Sur l’opérateur : uniforme ellipticité, il existe une constante c0 > 0 telle que

    Pour presque tout x 2 ⌦, 8⇠ 2 RN ,NX

    i,j=1

    aij(x)⇠i⇠j � c0 |⇠|2 .

    Lemme 3.13. — Les deux assertions suivantes sont équivalentes :(i) u 2 H1(⌦) satisfait (3.6) au sens des distributions et (3.7) au sens des traces.(ii) u satisfait la formulation variationnelle suivante :

    (u 2 H10 (⌦)

    8v 2 H10 (⌦) a(u, v) = hf, viH�1,H10(3.8)

    où

    a(u, v) =NX

    i=1

    NX

    j=1

    Z

    ⌦aij(x)

    @u

    @xj

    @v

    @xidx+

    NX

    i=1

    Z

    ⌦bi(x)

    @u

    @xivdx+

    Z

    ⌦a0(x)uvdx.

    Une fonction u satisfaisant ces propriétés est dite solution faible de (3.6), (3.7).

    Démonstration. — Simple généralisation de ce qui a été fait pour le Laplacien, laissée enexercice.

    Il convient désormais de s’intéresser à l’utilisation du théorème de Lax-Milgram, et plusprécisément à la coercivité de a. On a

    a(u, u) =NX

    i=1

    NX

    j=1

    Z

    ⌦aij(x)

    @u

    @xj

    @u

    @xidx+

    NX

    i=1

    Z

    ⌦bi(x)

    @u

    @xiudx+

    Z

    ⌦a0(x)u

    2dx

    unif. ellipticité� c0 kruk

    2L2 +

    NX

    i=1

    Z

    ⌦bi(x)

    @u

    @xiudx+

    Z

    ⌦a0(x)u

    2dx

    Inég. Poincaré�

    c01 + C2⌦

    kuk2H1 + 2 termes d’ordres inférieurs.

    Il y a donc deux situations :(i) Les cas favorables où les termes d’ordres inférieurs sont positifs :

    – Par exemple, si pour tout i, on a bi = 0 p.p. et a0 � 0 p.p. sur ⌦.– Ou encore, plus généralement, si div bi 0 au sens des distributions et a0(x) � 0p.p. sur ⌦. En e↵et, pour tout ' 2 D(⌦), on a

    NX

    i=1

    Z

    ⌦bi@'

    @xi' dx =

    NX

    i=1

    ⌧bi,

    @

    @xi

    ✓'2

    2

    ◆�= �

    ⌧div b,

    '2

    2

    �� 0,

    cette propriété de signe reste donc vraie, par densité, pourPN

    i=1

    R⌦ bi

    @u@xi

    u dx, avec

    u 2 H10 (⌦).(ii) Les cas défavorables où les termes d’ordres inférieurs n’ont pas de signe a priori.Dans ce cas, le problème (3.6), (3.7) peut avoir plusieurs solutions faibles ou n’enavoir aucune. Voici deux contre-exemples, en dimension un :

    – Pour le problème⇢

    �u00 � ⇡2u = 0 sur ]0, 1[,u(0) = u(1) = 0,

    l’ensemble des solutions est {↵ sin⇡x , ↵ 2 R}.

    47

  • – Pour le problème⇢

    �u00 � ⇡2u = 1 sur ]0, 1[,u(0) = u(1) = 0,

    il n’y a pas de solution faible. En e↵et, une solution u vérifierait la formulationvariationnelle, donc, pour tout v 2 H10 (0, 1),

    Z 1

    0u0(x)v0(x)dx� ⇡2

    Z 1

    0u(x)v(x)dx =

    Z 1

    0v(x)dx.

    Prenons v(x) = sin(⇡x). En remarquant que v 2 H2(0, 1), la formule de Greendonne

    Z 1

    0u0(x)v0(x)dx = �

    Z 1

    0u(x)v00(x)dx+ u(1)v0(1)� u(0)v0(0)

    = ⇡2Z 1

    0u(x)v(x)dx.

    Donc, on devrait avoirR 10 sin(⇡x)dx = 0, alors que cette intégrale vaut 2/⇡.

    Théorème 3.14. — Sous les hypothèses ci-dessus :(i) Si, de plus, div bi 0 au sens des distributions et a0 � 0 p.p. sur ⌦, alors (3.6),(3.7) admet une unique solution faible.

    (ii) Sinon, il existe "0 � 0 tel que, dès que kbkL1 + ka0kL1 "0, le problème (3.6),(3.7) admet une unique solution faible.

    Démonstration. — Avec l’analyse précédente, il su�t dans chaque cas de montrer la coer-civité de la forme bilinéaire. Dans le cas (i), on a déjà vu que, pour tout u 2 H10 (⌦), ona

    a(u, u) � c1 kuk2H1 avec c1 =

    c01 + C2⌦

    .

    Dans le cas (ii), on utilise l’inégalité de Cauchy-Schwarz :

    a(u, u) � c1 kuk2H1 +

    X

    i

    Z

    ⌦bi@u

    @xiu+

    Z

    ⌦a0u

    2

    � c1 kuk2H1 � kbkL1krukL2kukL2 � ka0kL1kuk

    2L2

    � (c1 � 2"0) kuk2H1

    donc "0 =c14 convient.

    3.3. Régularité H2

    Dans cette section nous nous intéressons à la régularité de la solution selon la régularitéde la donnée f . Soit u solution de (3.3) ou de (3.6), (3.7).

    – Si f 2 H�1(⌦) mais f 62 L2(⌦), on ne peut pas espérer u 2 H2(⌦).– En revanche, si f 2 L2(⌦), en dimension 1, on récupère directement u 2 H2(⌦). Ene↵et : u00 = �u 2 L2(⌦).

    – En dimension supérieure, le résultat reste vrai mais plus compliqué à établir. Ene↵et, l’information disponible est seulement qu’une combinaison linéaire de certainesdérivées secondes est dans L2, et on veut en déduire que toutes les dérivées secondessont dans L2. C’est le caractère elliptique du problème qui e↵ectue ce transfert derégularité.

    48

  • Théorème 3.15 (Régularité H2 pour le Laplacien). — Soit u solution faible de(3.3) et ⌦ borné, de classe C2. Si f 2 L2(⌦) alors u 2 H2(⌦), et il existe une constantec > 0, ne dépendant que de ⌦, telle que kukH2 c kfkL2.

    Démonstration. — Supposons avoir montré que u 2 H2(⌦). Alors l’existence de laconstante c provient du théorème de l’application ouverte de Banach. En e↵et, l’appli-cation

    H2(⌦) \H10 (⌦) 7�! L2(⌦)

    u �! ��u

    est un opérateur linéaire continu et bijectif, son inverse l’est donc aussi. Il reste à montrerla régularité. Cela se fait en deux étapes :

    (i) Régularité intérieure : 8� 2 D(⌦), u� 2 H2(⌦).(ii) Régularité au voisinage du bord : u 2 H2(⌦).

    Mais avant de traiter le cas ⌦ régulier quelconque, on va traiter deux cas particuliers quis’avéreront utiles.

    Étape 1 : ⌦ = RN .On cherche à montrer que

    �u 2 H1(RN ) et �u 2 L2(RN )

    �=) u 2 H2(RN ).

    Commençons par une preuve non rigoureuse mais intuitive. Soit u 2 H1(RN ) et ��u =f 2 L2(RN ). Alors on a

    8v 2 H1(RN ),Z

    RNru ·rvdx =

    Z

    RNfvdx.

    Imaginons que l’on puisse prendre v = @2u

    @x2i, pour i 2 {1, . . . , N}. Il vient alors

    Z

    RNru ·r

    ✓@2u

    @x2i

    ◆dx =

    Z

    RNf@2u

    @x2idx.

    Par intégration par partie, on obtient la relation����@2u

    @x2i

    ����2

    L2

    Z

    RN

    ����r@u

    @xi

    ����2

    dx kfkL2

    ����@2u

    @x2i

    ����L2

    . (3.9)

    D’où ����@2u

    @x2i

    ����L2

    kfkL2 .

    En revenant à l’étape intermédiaire (3.9), il vient donc, pour tout i 2 {1, . . . , N},

    X

    j

    ����@2u

    @xi@xj

    ����2

    L2 kfk2L2

    et u 2 H2(⌦). Cependant, cette démonstration n’est pas rigoureuse, car @2u

    @x2in’est a priori

    pas une fonction-test admissible. Pour permettre un tel raisonnement, il nous faut passerpar des fonctions de H1(RN ) qui approcheront @2u

    @x2i, les quotients di↵érentiels.

    Lemme 3.16. — Soit ⌦ = RN ou ⌦ = RN+ et ei le i-ème vecteur de la base canonique.Si ⌦ = RN+ , on suppose de plus que i N � 1. Pour tout u 2 L1loc(⌦) et h 2 R⇤, on pose

    ⌧hu(x) = u(x+ hei) p.p., et Dhu =⌧hu� u

    h.

    49

  • (i) Si u 2 H1(⌦), alors pour tout h 2 R⇤, on a

    kDhukL2(V )

    ����@u

    @xi

    ����L2(⌦)

    .

    (ii) Soit u 2 L2(⌦). Supposons qu’il existe C1 indépendante de h telle que

    8h 2 R⇤, kDhukL2 C1.

    Alors on a @u@xi 2 L2(⌦) et

    ����@u

    @xi

    ����L2

    C1. (3.10)

    Démonstration. — Commençons par remarquer que l’on a l’intégration par partiesdiscrète, pour tout u, v 2 L2(⌦),

    Z

    ⌦uD�hv dx = �

    Z

    ⌦Dhuv dx.

    Preuve de (i). On raisonne par densité et on prouve l’inégalité pour u 2 D(⌦). On a alors,pour h 6= 0,

    Dhu(x) =u(x+ hei)� u(x)

    h=

    Z 1

    0

    @u

    @xi(x+ thei)dt,

    donc, par Cauchy-Schwarz et Fubini,Z

    ⌦(Dhu(x))

    2dx

    Z

    ✓Z 1

    0

    @u

    @xi(x+ thei)dt

    ◆2dx

    Z

    Z 1

    0

    ✓@u

    @xi(x+ thei)

    ◆2dtdx

    =

    Z 1

    0

    Z

    ✓@u

    @xi(x+ thei)

    ◆2dxdt =

    Z

    ✓@u

    @xi(x)

    ◆2dx.

    Preuve de (ii). Soit ' 2 D(⌦). Par intégration par parties discrète, on a����Z

    ⌦u(x)Dh'(x)dx

    ���� =����Z

    ⌦D�hu(x)'(x)dx

    ���� kD�hukL2k'kL2 C1k'kL2 .

    En passant à la limite h ! 0, cela donne donc, pour tout ' 2 D(⌦),����

    ⌧@u

    @xi,'

    ����� =����

    ⌧u,@'

    @xi

    ����� C1k'kL2 .

    La distribution @u@xi se prolonge donc par continuité en une forme linéaire continue sur

    L2 et par le théorème de représentation de Riesz sur L2, @u@xi s’identifie elle-même à une

    fonction de L2 (voir la Remarque 2.7) et on a l’estimation (3.10).

    On e↵ectue maintenant la preuve rigoureuse de la régularité H2, en utilisant la techniquedes translations de Nirenberg. Soit i 2 {1, . . . , N} et h 2 R⇤, on prend alors v = D�hDhu 2H1(RN ), (combinaison linéaire de fonctions appartenant à H1(RN )). On a donc

    Z

    RNru ·r (D�hDhu) dx =

    Z

    RNfD�hDhudx

    50

  • et, par intégration par partie discrète (noter que les opérateurs r et Dh commutent),

    kDhruk2L2 = krDhuk

    2L2 =

    Z

    RNr(Dhu) ·r(Dhu)dx kfkL2 kD�hDhukL2

    En utilisant le Lemme 3.16 (i), il vient alors

    kDhruk2L2 kfkL2 krDhukL2 = kfkL2 kDhrukL2

    d’où kDhrukL2 kfkL2 et, en utilisant le Lemme 3.16 (ii), on obtient donc que@@xi

    (ru) 2

    L2(⌦). Il s’en suit que u 2 H2(RN ).

    Étape 2 : ⌦ = RN+ .

    On peut reproduire la preuve ci-dessus, à condition de ne prendre que des translationstangentielles, donc i 2 {1, . . . , N � 1}. On obtient donc

    8i 2 {1, . . . , N � 1}, 8j 2 {1, . . . , N},@2u

    @xixj2 L2(⌦).

    Pour traiter la dernière dérivée seconde, on utilise simplement l’équation :

    @2u

    @x2N= �u�

    N�1X

    i=1

    @2u

    @x2i= �f �

    N�1X

    i=1

    @2u

    @x2i2 L2(⌦).

    Étape 3 : ⌦ borné, de classe C2.

    On ne va faire qu’esquisser cette preuve, pour la détails on pourra se référer à [2]. Onutilise des partitions de l’unité et on écrit u =

    Pni=0 ✓iu. Comme ✓0 2 D(⌦), on a

    ��(✓0u) = ✓0f � 2r✓0 ·ru� u�✓0 2 L2(RN ),

    en identifiant ✓0u et son prolongement par zéro sur RN . Donc l’Étape 1 nous donne que✓0u 2 H2(RN ).

    Le traitement des autres termes ✓iu, 1 i n est plus délicat. Il faut utiliser uneapplication �i : Q ! Oi bijective telle que

    �i 2 C2(Q), ��1i 2 C

    2(Oi), �i(Q+) = Oi \ ⌦, �i(Q0) = Oi \ @⌦

    et considérer la fonction vi = (✓iu) � �i. Ensuite, l’équation de Laplace ��(✓iu) = fi 2L2(O1) se transporte sur Q+ en une équation elliptique du second ordre. Il faut doncadapter la technique des translations de Nirenberg dans le cas RN+ à cette équation ellip-tique, ce qui est possible dès lors que les coe�cients de cette équation sont dans C1 (onfait une intégration par parties dans la preuve...). On montre ainsi que vi 2 H2(Q+), puison revient à ✓iu grâce à �

    �1i .

    Quelques généralisations.

    – Opérateur uniformément elliptique d’ordre 2. Si u 2 H10 (⌦) vérifie

    8v 2 H10 (⌦),NX

    i=1

    NX

    j=1

    Z

    ⌦aij(x)

    @u

    @xj

    @v

    @xidx =

    Z

    ⌦fv dx, (3.11)

    avec f 2 L2(⌦) et aij 2 C1(⌦), alors u 2 H2(⌦).

    51

  • – Régularité supérieure : si ⌦ est de classe Ck+1 et si les fonctions aij sont de classeCk(⌦), alors la solution de (3.11) satisfait

    f 2 Hk�1(⌦) =) u 2 Hk+1(⌦).

    – Espaces Lp : si ⌦ est de classe C2 et si les fonctions aij sont de classe C1(⌦), alors

    f 2 Lp(⌦) , 1 < p < +1 =) u 2 W 2,p(⌦)

    Le résultat est faux pour p = 1 ou p = +1.

    3.4. Autres problèmes aux limites

    3.4.1. Condition de Dirichlet non homogène. — Dans cette section, on garde unopérateur uniformément elliptique :

    Lu = �NX

    i=1

    NX

    j=1

    @

    @xi

    ✓aij

    @u

    @xj

    ◆+ a0u

    en considérant, pour simplifier un peu, que nous n’avons pas de terme d’ordre 1, et quel’on a a0 � 0 presque partout. Les hypothèses sont toujours :

    – Domaine ⌦ borné, de classe C1.– Données aij , a0 de classe L1(⌦) ; f 2 H�1(⌦).– Opérateur L uniformément elliptique.

    Définition 3.17. — Soit ⌦ un ouvert de classe C1, de frontière bornée. On note

    H1/2(@⌦) = {v 2 L2(@⌦) : 9V 2 H1(⌦) tel que v = �0V }

    l’image de H1(⌦) par l’application trace �0. Muni de la norme

    kvk = inf{kV kH1 où V 2 H1(⌦) est tel que �0V = v},

    c’est un espace de Banach.

    Théorème 3.18. — Sous les hypothèses ci-dessus, on suppose de plus que g 2 H1/2(@⌦).Alors il existe un unique solution faible u 2 H1(⌦) de

    ⇢Lu = f (⌦)u = g (@⌦)

    (3.12)

    Démonstration. — On définit une solution faible de (3.12) par : u 2 H1(⌦) et⇢

    Lu = f au sens des distributions�0u = g.

    La propriété d’unicité de la solution découle du théorème d’unicité de la solution duproblème de Dirichlet homogène. Pour ce qui est de l’existence, on se ramène au problèmede Dirichlet homogène en introduisant une fonction G appelée relèvement de g : SoitG 2 H1(⌦) tel que �0G = g. La fonction G n’est bien entendu pas unique et existe bienpar définition de H1/2(@⌦). De plus, comme on a la caractérisation

    H�1(⌦) =

    (v 2 D0(⌦) : 9f0, f1, · · · , fN 2 L

    2(⌦), v = f0 +NX

    i=1

    @fi@xi

    ),

    52

  • il est clair que, comme les coe�cients aij et a0 sont dans L1, on a LG 2 H�1(⌦). Enposant alors eu = u�G, on aura que u est solution faible de (3.12) si, et seulement si

    ⇢Leu = f � LG au sens des distributions�0eu = 0,

    c’est-à-dire si eu est solution faible d’un problème elliptique avec conditions de Dirichlethomogène. Le Théorème 3.14 (i) nous dit donc qu’il existe un unique tel eu.

    Remarque 3.19. — Supposons que ⌦ est de classe C2 et que aij 2 C1(⌦). Si de plusf 2 L2(⌦) et g 2 H3/2(@⌦) = {�0G, G 2 H2(⌦)}, alors on peut choisir un relèvement deg tel que LG 2 L2(⌦) et on aura donc eu 2 H2(⌦) par le théorème de régularité elliptique,d’où l’on déduit que u 2 H2(⌦).

    3.4.2. Le problème de Neumann pour le Laplacien. — On souhaite maintenantimposer des conditions aux limites sur les dérivées de u (comme il est naturel de le faireen dimension 1). Quelques remarques préliminaires s’imposent.

    Remarque 3.20. — Remplacer “u = 0 sur @⌦” par “ru = 0 sur @⌦” n’est pas une idéeconvenable en dimension supérieure à 1. En e↵et, remplacer une condition scalaire par unecondition vectorielle revient à imposer N conditions aux limites au lieu d’une seule. Lacondition la plus naturelle issue des problèmes modélisés porte sur la dérivée normale deu. Pour x 2 @⌦, la dérivée normale à u au point x est

    @u

    @n(x) = ru · n(x) =

    NX

    i=1

    @u

    @xini(x),

    où n(x) désigne le vecteur normal à @⌦ au point x, unitaire et dirigé vers l’extérieur.Remarquons que n(x) est une fonction vectorielle continue sur le bord, de module 1.Ainsi, sirxu 2 L2(@⌦), on aura

    @u@n comme produit d’une fonction L

    2 par une fonction L1.

    @⌦

    n⌦

    La condition aux limites dite de Neumann homogène s’écrit :

    @u

    @n= 0 sur @⌦

    et correspond physiquement à un “flux nul de u à travers @⌦”.

    Remarque 3.21. — Malheureusement, lorsque u 2 H1(⌦), sa dérivée normale sur @⌦n’a pas nécessairement de sens alors que c’est bien le cas pour u 2 H2(⌦) selon la théoriedes traces. Il ne sera donc pas possible de définir une solution faible de

    8<

    :

    ��u = f (⌦)

    @u

    @n= 0 (@⌦)

    (3.13)

    avec u 2 H1(⌦), où la première équation ��u = f serait prise au sens des distributionset où @u@n = 0 serait prise au sens des traces.

    53

  • L’idée consistant à changer d’espace fonctionnel et à remplacer H1(⌦) par H2(⌦) nousamènerait à considérer un espace trop restrictif et ne fonctionne pas. On y reviendra plusloin.Solution : on va supposer d’abord u 2 H2(⌦), définir une formulation variationnelle enélargissant ensuite l’espace à H1(⌦). La solution faible du problème sera définie commeétant la solution de la formulation variationnelle.

    Remarque 3.22. — Il est impossible que le problème (3.13) admette une unique solution.En e↵et, si u est solution alors u+c est aussi solution, quelle que soit la constante c 2 R. Onva alors s’intéresser au problème suivant, qui aura une meilleure propriété de coercivité :

    8<

    :

    ��u+ u = f (⌦)

    @u

    @n= 0 (@⌦).

    (3.14)

    Le cas sans terme d’ordre 0 est abordé en TD.

    Quelques petits calculs. Soit u solution du problème (3.14), où l’on suppose u 2 H2(⌦),ce qui entrâıne donc que l’on doit s’être donné une fonction f 2 L2(⌦). On multiplie lapremière équation par une fonction-test v 2 H1(⌦), et l’on utilise la formule de Greensuivante. Pour tout u 2 H2(⌦) et v 2 H1(⌦), on a

    Z

    ⌦��u vdx =

    Z

    ⌦ru ·rvdx�

    Z

    @⌦

    @u

    @nvd�

    Ainsi, si u est solution du problème, puisque @u@n = 0, on obtient

    8v 2 H1(⌦),

    Z

    ⌦ru ·rv dx+

    Z

    ⌦uv dx =

    Z

    ⌦fv dx

    A ce stade, on cherche u 2 H2(⌦) et la fonction-test se trouve dans H1(⌦). Or, il nous estindispensable que l’espace de la solution et celui des fonctions de base soient identiques,en vue de l’utilisation du théorème Lax-Milgram, et aussi en vue de la discrétisationqui suivra. On peut alors envisager de prendre la fonction test dans H2(⌦). Mais onimagine bien que cela risque d’être inadapté dans la mesure où le problème initial amenaitnaturellement à considérer des fonctions-tests H1 seulement. Regardons ce qu’il se passee↵ectivement dans le cas d’un tel choix. Chercher u 2 H2(⌦) tel que

    8v 2 H2(⌦),

    Z

    ⌦ru ·rv dx+

    Z

    ⌦uv dx =

    Z

    ⌦fv dx.

    L’existence et l’unicité d’une solution pour ce problème seraient liées à la coercivité dela forme bilinéaire impliquée. Et cela reviendrait à dire qu’il existe une constante ↵ > 0telle que : 8u 2 H2(⌦), kuk2H1 � ↵ kuk

    2H2 . Cela se traduirait par une équivalence des

    normes k·kH1 et k·kH2 sur H2(⌦), ce qui induirait H2(⌦) = H1(⌦). En e↵et, D(⌦) est

    dense dans (H1(⌦), k·kH1) et alors aussi dans (H2(⌦), k·kH1) puisque D(⌦) est dense

    dans (H2(⌦), k·kH2) et que l’on considère qu’il y a équivalence des deux normes dansH2(⌦). De fait, H1(⌦) = H2(⌦). On remarquera la di↵érence avec le cas (H10 , H

    1).

    On est en fait dans une impasse avec un tel choix : l’espace qui convient aux problèmeselliptiques d’ordre 2 est e↵ectivement H1(⌦).

    54

  • Définition 3.23 (Solutions fortes, solutions faibles). —Une fonction u 2 H2(⌦) qui vérifie ��u+ u = f au sens L2(⌦) et @u@n = 0 sur @⌦ au sensdes traces est dite solution forte de (3.14). La formulation variationnelle de (3.14) s’écrit

    8<

    :

    u 2 H1(⌦)

    8v 2 H1(⌦),

    Z

    ⌦ru ·rv dx+

    Z

    ⌦uv dx =

    Z

    ⌦fv dx.

    (3.15)

    Une fonction u satisfaisant (3.15) est dite solution faible de (3.14).

    Théorème 3.24. — Soit ⌦ borné, de classe C1 et f 2 L2(⌦). Alors (3.14) admet uneunique solution faible u. De plus, si ⌦ est de classe C2, alors cette solution faible est enfait l’unique solution forte du problème.

    Démonstration. — Pour la première partie du théorème, on utilise le théorème de Lax-Milgram, avec l’espace de Hilbert V = H1(⌦), la forme bilinéaire

    a(u, v) =

    Z

    ⌦ru ·rvdx+

    Z

    ⌦u vdx

    qui est le produit scalaire sur H1(⌦), donc clairement continue et coercive, et la formelinéaire continue

    v 7!

    Z

    ⌦f vdx.

    Démontrons maintenant la seconde partie du théorème. Tout d’abord, les calculs ci-dessus montrent que toute solution forte du problème est solution faible. Remontons lescalculs dans l’autre sens. Soit u satisfaisant (3.15). En prenant v 2 D(⌦), on obtientfacilement ��u+u = f au sens des distributions. Si l’on suppose de plus que u 2 H2(⌦),alors en appliquant la formule de Green, on obtient, quel que soit v 2 H1(⌦),

    Z

    @⌦

    @u

    @nv d� =

    Z

    ⌦ru ·rv dx+

    Z

    ⌦�u vdx =

    Z

    ⌦ru ·rv dx+

    Z

    ⌦(u� f) vdx = 0.

    Si l’on sait que H1/2(⌦), l’ensemble des traces des fonctions H1(⌦), est dense dans L2(⌦),alors on peut en déduire que @u@n = 0 en tant que fonction L

    2(@⌦) : u est solution forte duproblème.

    Ce résultat de densité se montre de la façon suivante. Tout d’abord, remarquons quele cas ⌦ = RN+ , dont le bord est RN�1 ⇥ {0} est très simple. On sait déjà que l’ensembledes fonctions C1c (RN�1) est dense dans L2(RN�1). Comme il est clair que tout fonction'(x0) 2 C1c (RN�1) est trace d’une fonction � 2 H1(RN+ ) (prendre �(x0, xN ) = '(x0)�(xN )où � est une fonction C1c (R+) telle que �(0) = 1), on en conclut que H1/2(RN�1⇥{0}) estdense dans L2(RN�1 ⇥ {0}). On en déduit le même résultat dans le cas ⌦ borné de classeC1 en utilisant l’argument habituel de partitions de l’unités pour se ramener à RN+ .Il reste à montrer que toute solution faible est dans H2(⌦). En fait, un examen de

    la preuve de la régularité H2 pour le problème de Dirichlet (donc pour la formulationvariationnelle (3.15) avec H1(⌦)) montre que l’on peut remplacer partout H10 (⌦) parH1(⌦) dans cette preuve (les seules intégrations par parties sont tangentielles au bord).Sous réserve donc que ⌦ est de classe C2 (ce qui était utilisé dans cette démonstration),et comme on a pris soin dès le début de choisir f 2 L2(⌦), on en déduit donc par cetargument que u 2 H2(⌦), donc que la solution faible est l’unique solution forte.

    55

  • Conclusion. La démarche de résolution du problème de Neumann homogène est donc lasuivante.

    – On définit la formulation variationnelle surH1(⌦) en supposant la solution u 2 H2(⌦)(donc en partant d’une solution forte) pour permettre les calculs.

    – Sur H1(⌦), la formulation variationnelle est bien posée. Toute la di�culté vient deson interprétation.

    – La solution faible u satisfait l’équation au sens des distributions et, dès qu’elle estdans H2(⌦), elle satisfait la condition aux limites au sens des traces.

    – En fait, dès que ⌦ est assez régulier, on dispose d’un théorème de régularité H2 quinous dit que la solution est une solution forte. La boucle est bouclée...

    Remarque 3.25. — Considérons les deux problèmes variationnels :8<

    :

    u 2 H10 (⌦)

    8v 2 H10 (⌦),

    Z

    ⌦ru ·rv dx+

    Z

    ⌦uv dx =

    Z

    ⌦fv dx

    (3.16)

    et 8<

    :

    u 2 H1(⌦)

    8v 2 H1(⌦),

    Z

    ⌦ru ·rv dx+

    Z

    ⌦uv dx =

    Z

    ⌦fv dx

    (3.17)

    Dans le premier cas, on a vu que u est la solution faible du problème de Dirichlet, tandisque dans le deuxième cas il s’agit de la solution du problème de Neumann.

    – La condition de Dirichlet est présente dans la définition de l’espace fonctionnelH10 (⌦) :On dit que c’est une condition essentielle.

    – La condition de Neumann est présente implicitement dans la formulation variation-nelle. On dit que c’est une condition naturelle.

    3.4.3. Le problème de Neumann pour L elliptique. — On s’intéresse ici à nouveauà un opérateur de la forme

    Lu = �NX

    i=1

    NX

    j=1

    @

    @xi

    ✓aij

    @u

    @xj

    ◆+ a0u.

    On ébauche seulement la théorie. La question principale que l’on veut aborder ici est :quelle condition naturelle est associée à la formulation variationnelle suivante ?

    ⇢u 2 H1(⌦)8v 2 H1(⌦) a(u, v) = `(v)

    (3.18)

    où l’on a repris les formes bilinéaires et linéaires suivante :8>>><

    >>>:

    a(u,