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Microéconomie, Chapitre 2, Le comportement du producteur, Université de Clermont-Ferrand, 2013 1 CHAPITRE 2 : LE COMPORTEMENT DU PRODUCTEUR Pour de nombreux économistes, réduire le rôle de l’entreprise à celui de simple producteur ne permet pas de comprendre et de saisir toute la complexité de l’acte de produire, d’organiser et de manager l’entreprise. En tant que producteur, l’entreprise dispose de facteurs de production, nécessairement limités. Les ressources étant rares, il est important de les employer du mieux possible. Il s’agit donc de définir l’allocation optimale des ressources rares ou la combinaison optimale des activités qui rend l’avantage recherché le plus grand (compte tenu de ressources détenues en quantité limitée). Cette approche consiste à définir une relation de transformation d’inputs en output, c’est à dire une fonction de production. Cette fonction permet d’étudier les techniques de production et de choisir la combinaison qui permet d’atteindre l’optimum de production. L’évolution des techniques, le niveau de l’innovation de l’entreprise, l’intensité de la concurrence vont conditionner ce choix. Si le producteur est largement associée à un comportement de maximisation du profit, il peut également chercher à maximiser le chiffre d’affaires ou la part de marché. Cependant dans tous les cas, il exercer son comportement rationnel en minimisant ses coûts de production. En d’autres termes, pour un volume de production donné, il choisira toujours les inputs de sorte à minimiser le coût de production. I . COMMENT PRODUIRE ? La production est avant tout un processus de transformation des ressources (inputs) en différents produits (output). Généralement, les économistes utilisent une fonction de production pour décrire la relation entre les quantités produites (Y) et les quantités de facteurs de production (le travail, noté L et le capital, noté K). La relation entre la quantité produite (Y) et les quantités de facteur travail (L) et capital (K) est généralement exprimée à l’aide d’une fonction de production 1 , notée : Y = f (K, L). 1 Les économistes utilisent généralement la fonction de type Cobb-Douglass ( α α = 1 .L K Y )

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Microéconomie, Chapitre 2, Le comportement du producteur, Université de Clermont-Ferrand, 2013

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CHAPITRE 2 : LE COMPORTEMENT DU PRODUCTEUR

Pour de nombreux économistes, réduire le rôle de l’entreprise à celui de simple producteur ne permet pas de comprendre et de saisir toute la complexité de l’acte de produire, d’organiser et de manager l’entreprise. En tant que producteur, l’entreprise dispose de facteurs de production, nécessairement limités. Les ressources étant rares, il est important de les employer du mieux possible. Il s’agit donc de définir l’allocation optimale des ressources rares ou la combinaison optimale des activités qui rend l’avantage recherché le plus grand (compte tenu de ressources détenues en quantité limitée). Cette approche consiste à définir une relation de transformation d’inputs en output, c’est à dire une fonction de production. Cette fonction permet d’étudier les techniques de production et de choisir la combinaison qui permet d’atteindre l’optimum de production. L’évolution des techniques, le niveau de l’innovation de l’entreprise, l’intensité de la concurrence vont conditionner ce choix.

Si le producteur est largement associée à un comportement de maximisation du profit, il peut également chercher à maximiser le chiffre d’affaires ou la part de marché. Cependant dans tous les cas, il exercer son comportement rationnel en minimisant ses coûts de production. En d’autres termes, pour un volume de production donné, il choisira toujours les inputs de sorte à minimiser le coût de production.

I . COMMENT PRODUIRE ?

La production est avant tout un processus de transformation des ressources (inputs) en différents produits (output). Généralement, les économistes utilisent une fonction de production pour décrire la relation entre les quantités produites (Y) et les quantités de facteurs de production (le travail, noté L et le capital, noté K). La relation entre la quantité produite (Y) et les quantités de facteur travail (L) et capital (K) est généralement exprimée à l’aide d’une fonction de production1, notée : Y = f (K, L).

1 Les économistes utilisent généralement la fonction de type Cobb-Douglass ( αα −= 1.LKY )

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A. Les facteurs de production

Historiquement, on distingue quatre catégories de facteurs de production : 1) la nature qui offre terres cultivables, richesses minérales… 2) le travail qui est l’aptitude physique et mentale des hommes et des femmes… 3) le capital qui permet l’achat et l’utilisation de produits tels que les machines… 4) le talent de l’entrepreneur qui contribue à la production par ses prises de décisions, les risques qu’il accepte, ses capacités à innover et à gérer une organisation. Par mesure de simplification, les économistes réduisent la fonction de production à deux facteurs : le travail et le capital.

1. Le facteur travail

La production réalisée est généralement liée à la quantité de travail disponible et à la qualité de la main d’oeuvre. La mesure de la richesse produite par le facteur travail est généralement appréhendée par ce que l’on nomme « productivité du travail ».

a. L’approche quantitative du facteur travail

La population active est définie comme l’ensemble des personnes en âge de travailler, ayant ou recherchant une activité rémunérée. Elle rassemble donc par convention : les personnes ayant un emploi, les chômeurs au sens du BIT (Bureau International du Travail) et les militaires du Contingent. L’évolution de la population active est liée à deux catégories de facteurs : (1) l’importance des générations qui arrivent en âge de travailler à la fin de la scolarité obligatoire (il s’agit ici d’un facteur démographique lié au taux de natalité, non de la période actuelle mais des périodes antérieures ; (2) les taux d’activité par âge des adultes, définis comme le rapport entre le nombre d’actifs d’une tranche d’âge et l’effectif total de la tranche d’âge (il s’agit ici d’un facteur institutionnel - âge de la retraite...- ou sociologique - travail des femmes, des jeunes de 16 à 25 ans...). Dans le cas de la France, après être restée stable de 1945 à 1962, la population active a augmenté depuis cette date en raison de l’arrivée de générations nombreuses sur le marché du travail (le Baby Boom) ainsi que l’accroissement continu des taux d’activité féminins, phénomène

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qui traduit une évolution importante de la société française. A l’opposé, la baisse des taux d’activité des jeunes de 16 à 25 ans suite à l’allongement de la durée des études, ainsi que celle des adultes de plus de 55 ans suite à l’âge de la retraite, sont des facteurs qui ont fait diminué la population active française.

- La quantité de travail disponible résulte non seulement du nombre de personnes désirant travailler, mais également de la durée moyenne du travail. A cet égard, on peut observer deux phénomènes : l’augmentation du nombre d’emplois à temps partiel et la réduction de la durée du travail. De 1981 à 1996, le nombre d’emplois à temps partiel est passé de 10% à 16% pour l’ensemble de la population active et de 20% à plus de 25% pour les femmes actives. On observe dans la Communauté Européenne certain écarts qui peuvent aller du simple au double (le nombre d’emplois à temps partiel est de plus de 65% aux Pays Bas et de moins de 10% en Grèce).

- La réduction de la durée du travail porte sur la durée de vie, l’année, la semaine ou la journée. Il y a un siècle, un ouvrier travaillait jusqu’à la fin de son existence, sans retraite. Aujourd’hui l’âge moyen de départ à la retraite en France est de 59 ans. En 1850, un ouvrier travaillait 3 000 heures par an, sans week-end ni vacances, aujourd’hui la plupart des salariés bénéficient de week-ends de deux jours ainsi que de 5 semaines de congés payés. En France, la durée annuelle du travail est aujourd’hui de 1608 heures (1600 h plus la journée solidarité). De 65 heures à la fin du 19ème siècle, la durée hebdomadaire du travail s’est réduite progressivement. De 1973 à 1982, elle est ainsi passée de 46 heures à 39 heures. Au début des années 2000, les lois Aubry I et II l’ont même ramené à 35 h. Aujourd’hui, ce sont les conventions collectives qui gèrent branche par branche la durée hebdomadaire du travail (exemple des 37.5 H dans le secteur bancaire, des 35 H dans la métallurgie...). Enfin de 12 à 15 h au 19ème siècle, la journée de travail a été ramenée par la loi à 8 h dés 1919.

Plusieurs facteurs sont susceptibles d’expliquer cette réduction de la durée du travail :

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(i) Les gains de productivité permettent de produire davantage en moins de temps. Ils peuvent donner lieu soit à des augmentations de salaires, soit à une réduction de la durée du travail ;

(ii) De nombreuses lois ont encadré cette réduction de la durée du travail. Les congés payés sont ainsi passés de 12 jours en 1936 à 5 semaines en 1982. La retraite fût fixée à 60 ans en 1982. La durée hebdomadaire du travail fût établie à 39 heures en 1982 ;

(iii) L’arbitrage entre temps de loisirs et temps de travail a débouché sur une demande de repos en fin de semaine, demande de vacances d’hiver, la possibilité de convertir des heures supplémentaires en repos compensateurs... De nombreux accords salariaux effectués branche par branche portent sur la réduction du temps de travail ;

(iv) La récession peut également jouer un rôle conjoncturel. La réduction d’activité a conduit quelques entreprises à diminuer le nombre d’heures de travail (pour certaines, ceci peut aller jusqu’à la mise au chômage d’une partie de leur personnel, quelques jours ou semaines dans l’année).

b. L’approche qualitative du facteur travail

Au sein d’une entreprise, d’une branche à l’autre, le facteur travail est rarement homogène. Sa diversité est généralement appréhendée sous l’angle de la répartition par âge, par sexe, par qualification et par Catégories Socioprofessionnelles de la population active.

- L’âge des salariés est une variable prise en compte par les entreprises dans leur politique de gestion du personnel. Les salariés les plus âgés sont nécessaires à l’entreprise en raison de l’expérience qu’ils ont acquise et qu’ils peuvent transmettre. Les jeunes salariés sont susceptibles quant à eux d’apporter des connaissances théoriques récentes, un certain dynamisme et un esprit d’innovation. C’est pourquoi l’entreprise essaie régulièrement de bâtir une pyramide des âges optimale. On peut observer qu’en France, la pyramide des âges de la population active occupée s’est rétrécie aux deux extrémités depuis 1970. Il y a moins de jeunes actifs de 15 à 24 ans, et moins d’actifs âgés de 50 ans et plus, l’essentiel de la population active occupée est constituée de personnes âgées de 25 à 49 ans. L’emploi se serait donc concentré

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sur cette classe d’âge intermédiaire, au détriment d’une répartition par âge plus équilibrée.

- Le sexe de la population active, et plus précisément la féminisation de l’emploi est un phénomène majeur des sociétés occidentales contemporaines. En France, le taux d’activité des femmes de 25 à 49 ans, qui était en 1970 inférieur à 50%, tourne aujourd’hui autour de 80%. Les écarts entre les différents pays de la Communauté Européenne sont relativement disparates (en Italie, ce taux est passé de 35% à 45%). Bien que cette tendance concerne toutes les professions, il reste cependant plus marqué dans certaines catégories socioprofessionnelles que d’autres, comme le montre le graphique ci-dessous. Ainsi 76 % des emplois d’employés sont occupés par des femmes contre 44% des emplois intermédiaires et à peine 15% des emplois liés à la production, la construction et les transports.

- La qualification requise de la main d’oeuvre est différente selon les emplois, mais elle a souvent des fondements communs. On parle généralement d’emplois à dominante de technicité et d’emplois à dominante d’organisation. En ce qui concerne les emplois à dominante de technicité, la qualification repose sur un savoir faire permettant d’utiliser l’outil ( la machine, l’ordinateur...), de repérer d’éventuelles défaillances et d’y remédier. Ce savoir-faire doit sans cesse s’adapter et évoluer. Au niveau des emplois à dominante d’organisation, la qualification suppose sur la capacité d’organisation, l’aptitude au commandement et la maîtrise de plusieurs activités (polyvalence des cadres). La qualification nécessite au préalable une formation, toutefois la grille des qualifications (c’est-à-dire la grille définie par les Conventions Collectives) ne se calque pas entièrement sur les niveaux de formation. La qualification exige en effet l’acquisition d’une expérience professionnelle plus ou moins longue selon les cas. La qualification ne doit pas être confondue avec la profession : ainsi deux professions différentes peuvent exiger dans des domaines distincts des qualifications assez semblables.

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c. La productivité du travail

La productivité est au coeur du débat économique. Sans elle, pas de progrès du niveau de vie, ni réduction du temps de travail. La croissance de la productivité détermine en effet les revenus réels, le taux d’inflation et le taux d’intérêt, les profits et les cours boursiers. La productivité apparaît généralement sous la forme d’un rapport entre la production totale et un facteur de production (le travail ou le capital ou les deux à la fois). La productivité du travail indique comment varie la production totale lorsque l’on fait varier le facteur travail. On recherche en d’autres termes à préciser la contribution du facteur travail à la croissance de la production. On retient en général deux mesures de la productivité, la productivité moyenne et la productivité marginale du travail.

- On appelle productivité moyenne du travail, le rapport production sur facteur de production utilisé. Si Y représente la production et L le travail, alors la productivité moyenne est égale à Y/L. La productivité moyenne du travail peut être définie comme la quantité produite soit par salarié, soit par heure de travail... En pratique, la mesure la plus utilisée est la production horaire par travailleur dans le secteur industriel.

- On appelle productivité marginale du travail, la variation de la production engendrée par une variation du facteur travail (c’est à dire d’une unité supplémentaire de facteur travail). Soit le rapport ΔY/ΔL. La productivité marginale du travail peut être définie comme la quantité supplémentaire produite à l’aide d’un salarié nouveau, ou d’une heure additionnelle. Certaines observations tirées de l’agriculture, ont montré que lorsque l’on augmentait l’utilisation du facteur travail, les autres facteurs demeurant fixes, à partir d’un certain seuil, la productivité marginale du travail diminuait.

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Tableau 2 : Productivité moyenne et marginale d’un travailleur

Facteur travail

Production Y/L ΔY/ΔL

L = 0 L = 1 L = 2 L = 3 L = 4 L = 5

Y = 0 Y = 60

Y = 100 Y = 120 Y = 130 Y = 125

60 50 40

32.5 25

60 40 20 10 - 5

Ce résultat, observé dès le XVIIIème siècle et plus connu sous le nom de loi des rendements décroissants, a une importance capitale pour l’entreprise, puisqu’il lui permet de comparer le produit d’un salarié supplémentaire (c’est-à-dire d’une embauche) avec son coût. Si le produit d’un salarié supplémentaire est appréhendé par la productivité marginale du travail, et le coût par le salaire, on obtient alors la règle suivante :

L’entreprise embauchera des salariés jusqu’à ce que

la productivité marginale du travail soit égale au salaire : ΔYΔL

= w

Lorsque la productivité marginale du travail est supérieure au coût du travail (salaire), on considère que l’entreprise réalise des gains de productivité. L’origine de ces gains peut être très diverse : il peut s’agir de l’amélioration de la qualité ou de l’intensité du travail, du progrès technique, de la quantité de facteur capital mis à la disposition du salarié.

- Si la croissance de la productivité (notamment moyenne) du travail est un bon indicateur, la productivité globale des facteurs (appelée aussi productivité multifactorielle) est probablement un meilleur indicateur. Elle rend compte de l’efficience en rapportant la production à l’ensemble des facteurs de production (travail et capital). En effet, si on met à la disposition des travailleurs des machines plus performantes ou du capital plus récent, la productivité horaire par travailleur augmente mécaniquement.

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2. Le facteur capital

Dans son ouvrage Des principes de l’économie politique et de l’impôt, David Ricardo (1821, [1977, p. 83]) proposait une conception large du capital : « Le capital est cette partie de la richesse d’une nation qui est employée à la production. Il se compose des matières alimentaires, des vêtements, des instruments et ustensiles, des machines, des matières premières, etc., nécessaires pour rendre le travail productif ». D’une certaine manière, on peut considérer que le facteur capital est protéiforme. On parle à la fois de capital fixe, capital technique, capital circulant, capital immatériel… Sa mesure passe par le calcul de la productivité moyenne et de la productivité marginale afin de les comparer au coût de l’investissement.

a. Les différents concepts du capital

Le capital est un concept qui recouvre plusieurs réalités. C’est un bien qui est produit, non pour satisfaire directement des besoins, mais pour permettre de produire d’autres biens. On appelle capital technique, l’ensemble des biens de production utilisés par l’entreprise, que ceux-ci soient détruits au cours du processus de production (matières premières) ou qu’ils puissent servir à plusieurs reprises (biens d’équipement). Le capital technique est généralement composé de capital fixe (terrains, bâtiments, installations, machines), non détruit au cours du processus de production (utilisé sur plusieurs périodes) et de capital circulant (énergie, matières premières, produits semi-finis), transformé et incorporé au produit au cours du processus de production (détruit au cours de la période). On peut noter dans nos sociétés dites tertiaires, une forte dématérialisation du capital. Ainsi du matériel informatique ne peut fonctionner sans logiciels. Ces derniers étant assimilés à du capital immatériel.

L’accroissement du rôle de l’Etat dans l’économie, illustrée par la politique des grands travaux (tels que les autoroutes, les routes, chemin de fer, aéroports, ports...) fait apparaître une autre forme de capital. Ce capital appelé capital improductif car il ne participe pas directement à la production, est constitué de biens d’équipement collectifs. L’existence d’infrastructures a favorisé le développement

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de la production d’entreprises du secteur privé, et donc la croissance économique du pays (création de richesse, répartition de la richesse entre salariés et entreprises, création d’emplois...). L’acquisition de ce capital physique stipule cependant que l’entreprise dispose à l’origine de moyens de paiements que l’on désigne sous le nom de d’un capital financier. L’origine de ce capital financier peut être très diverse, il peut s’agir : de l’autofinancement (égal au bénéfice non distribué + dotations aux amortissements et aux provisions), d’une émission de titres sur le marché financier, d’une émission d’un emprunt (sur les marchés financier – obligations - ou monétaire ou auprès des banques).

b. Le capital humain

Le capital constitue un stock de ressources permettant de donner naissance à un flux de revenus futurs. Pour Gary Becker, Prix Nobel d’Economie, cette définition ne s’applique pas seulement au capital matériel, mais également au facteur travail qu’il appelle capital humain.

Cette notion n’est pas nouvelle, elle était déjà présente dans l’ouvrage d’Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse (1776). Adam Smith considérait que les fonds accumulés par un pays pouvaient être décomposés en trois types : (i) le fonds destiné à servir immédiatement à la consommation et dont le caractère distinctif est de ne rapporter aucun profit ou revenu (vivres, habits, meubles, maison d’habitation…) ; (ii) le fonds capital circulant (argent, vivres, matières premières, ouvrage d’un artisan…) dont la spécificité est de ne rapporter de revenu qu’en circulant ou en changeant de propriétaire ; (iii) le fonds capital fixe susceptible de rapporter un revenu ou un profit sans changer de propriétaire. Ce fonds pouvait prendre la forme de machines, de bâtiments, de terres (tout ce qui a été utilisé pour améliorer ses rendements) et de talents. Ce sont ces derniers qui renvoient au concept de capital humain.

Adam Smith (1776, [1991, p. 361]) note que « l’acquisition de ces talents coûte toujours une dépense réelle produite par l’entretien de celui qui les acquiert, pendant le temps de son éducation, de son apprentissage

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ou de ses études, et cette dépense est un capital fixé et réalisé pour ainsi dire, dans sa personne. Si ces talents composent pareillement une partie de la fortune de la société à laquelle il appartient. La dextérité perfectionnée, dans un ouvrier, peut être considérée sous un même point de vue qu’une machine ou un instrument d’industrie qui facilite et abrège le travail, et qui, malgré la dépense qu’il a coûté, restitue cette dépense avec un profit ». Gary Becker a montré qu’un certain nombre de dépenses, assimilables à des investissements, permettent de valoriser les ressources de ce capital humain et d’accroître sa productivité.

Ces investissements en capital humain peuvent être :

- des investissements en éducation et en formation (initiale ou continue)

- des dépenses de santé et d’hygiène pouvant avoir des effets bénéfiques sur le long terme (idée de préserver certaines facultés intellectuelles ou physiques)

- le temps consacré à la recherche d’un emploi. Il s’agit d’une comparaison entre le coût de la recherche (coût temporel, consultation de revues, achats de journaux, entretiens, rédaction de CV...) et les gains escomptés de la recherche (salaire, possibilité de promotion, qualité de travail, avantages en nature...).

Tous ces investissements ont un coût, cependant ils doivent être entrepris dans l’expectative de gains futurs. G.S Becker propose à cet effet, un critère de choix de l’investissement en capital humain : les individus rationnels devraient sélectionner leurs investissements en capital humain de telle sorte que la somme des bénéfices escomptés dans le temps soit supérieure au coût actuel de l’investissement. Au niveau de l’économie prise dans son ensemble et à long terme, on peut considérer que les dépenses d’investissement en capital humain (éducation, formation continue..) sont des facteurs de croissance économique. Ce résultat est d’autant plus renforcé que dans le domaine de l’investissement en formation, il n’y a pas de loi des rendements décroissants (c’est peut être parce qu’il n’y a pas toujours de rendement !).

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c. La productivité du capital

Le capital peut être appréhendé à partir des notions de productivités. La productivité moyenne du capital est la quantité produite par unité de capital utilisée. Si Y est la production et K le capital, alors la productivité moyenne est égale à Y/K. La productivité moyenne du capital peut être définie comme la quantité produite par machine. La productivité marginale du capital mesure la variation de la production engendrée par une variation du facteur capital. Soit le rapport ΔY/ΔK. La productivité marginale du capital peut être définie comme la quantité supplémentaire produite à l’aide d’une nouvelle machine. L’utilisation accrue du facteur capital, les autres facteurs de production restant fixes et sans progrès technique, conduit à la Loi des Rendements Décroissants.

L’entreprise peut alors comparer le produit d’une unité de capital supplémentaire (ΔY/ΔK) avec son coût (i). On obtient alors la règle suivante : l’entreprise utilisera du capital jusqu’à ce que la productivité marginale du capital soit égale au taux d’intérêt.

Soit ΔY/ΔK = i

K

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Tableau : Variations quantitatives et qualitatives des facteurs capital et travail

Facteur Capital Facteur Travail

Variations de la

quantité

Variation du stock de capital liée à l’investissement Variation du taux d’utilisation (capital utilisé / capital total) Variation de la durée d’utilisation

Variation de la population active Migrations intersectorielles de la main d’oeuvre Variations de la durée du travail

Variations de la qualité

Variations liées à l’âge du capital

Variations liées à l’âge moyen, l’instruction, l’intensité du travail

3. Le Progrès technique

Le progrès technique joue un rôle essentiel dans la croissance de la production et dans l’utilisation des facteurs de production.

a. Origine du Progrès Technique

Le progrès technique est lié à la connaissance scientifique mais également à l’expérience et la recherche des entreprises.

- Le progrès technique, appréhendé sous l’angle de la connaissance scientifique, peut concerner aussi bien les produits, que les procédés de fabrication ou les modes d’organisation. Dans le cas de produits, le progrès technique apparaît à travers la mise au point de nouveaux produits. Il peut s’agir de produits ou consommations intermédiaires (exemple des fibres optiques qui ont remplacé progressivement le cuivre et l’aluminium dans les communications), ou de produits de consommation finale (caméscopes, platine laser...). Dans le cas des modes d’organisation, le progrès technique touche le système de production dans son ensemble (Organisation Scientifique du Travail de Taylor, Travail à la chaîne de Ford, spécialisation ou diversification...) ou l’entreprise

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toute entière (Apparition d’une Direction des Ressources Humaines, de l’Ergonomie…). Dans le cas des procédés de fabrication, le progrès technique prend la forme de nouveaux équipements (robotisation, PAO : Production, assistée par Ordinateur...) ou d’une nouvelle conception du travail (3x8, flexibilité...).

Plusieurs révolutions technologiques se sont succédées depuis la fin du XVIIIème siècle, affectant à chaque fois quatre domaines principaux (l’énergie, les matériaux, les machines, les transports). Il semble qu’aujourd’hui une nouvelle révolution industrielle (la 4ème) touche les technologies de l’information (électronique et informatique, fibres optiques, ordinateur, Internet...). A côté de ses changements fondamentaux, il s’est opéré une remise en cause des anciennes formes d’organisation du travail (Taylorisme, Fordisme). Le Toyotisme met ainsi l’accent sur l’adaptation de la production à la demande, à la qualité des produits, à la réduction des stocks, le Juste à Temps, et à la polyvalence du personnel). L’Ecole des Ressources Humaines redéfinit les relations entre l’entreprise et ses salariés (adaptation de l’entreprise aux salariés : concept de l’entreprise citoyenne).

- Le progrès technique s’appuie également sur les programmes de recherche mis en place par les entreprises et l’expérience acquise au fil des années. On distingue généralement deux types d’expérience : l’expérience par la pratique illustrée par la « courbe d’expérience » qui met en relation la production cumulée avec les coûts de production et l’expérience par les interactions des agents économiques appréhendée par la densité et la qualité des échanges d’informations au sein de l’entreprise (facteur de diffusion du progrès technique).

La recherche des entreprises est quant à elle dissociée en trois types : la recherche fondamentale qui contribue à ouvrir l’espace des connaissances et à mettre à jour des possibilités lointaines, la recherche appliquée qui se voit fixer des objectifs concrets et doit déboucher sur des brevets commercialisables, enfin la recherche-développement qui permet de passer du stade de l’invention d’un nouveau produit ou d’un nouveau procédé à celui de réalisation.

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b. La relation Progrès technique et facteurs de production

Le calcul de la contribution de chaque facteur de production (travail et capital) à la croissance économique (taux de croissance du PIB), montre que, même en tenant compte des améliorations des facteurs, une partie de la croissance économique reste inexpliquée. C’est ainsi que P. Dubois montre qu’une partie significative de la croissance économique s’explique non par l’augmentation des quantités de facteurs de production utilisés, mais par l’introduction du progrès technique. Alors que le taux de croissance de l’économie française avait été de 5,2% par an de 1951 - 1973, les contributions des facteurs travail et capital étaient respectivement de 0.55% et 1.55%. Le progrès technique expliquerait à lui seul plus de 3% de cette croissance. Le progrès technique joue en effet un double rôle sur la croissance économique :

- il stimule la demande (création de nouveaux biens et nouveaux besoins, amélioration des produits arrivés à maturité ou en déclin) ;

- il stimule l’offre (amélioration de la productivité des équipements, meilleure organisation du travail) tout en modifiant l’utilisation des facteurs de production. Il contribue, d’une part à la substitution du travail qualifié au travail non qualifié (l’introduction de machines plus sophistiquées nécessite des niveaux de qualification plus élevés, on observe ainsi une modification de la structure des emplois), d’autre part, à la substitution du capital au travail (le progrès technique en perfectionnant les équipements les rend plus productifs et permet d’économiser du travail. Ceci a bien sûr une conséquence non négligeable sur la montée du chômage et la réduction de la durée du travail)

B. Les techniques de production

Les grandeurs caractéristiques qui aident les producteurs dans leurs choix, renvoient toutes à la notion de productivité d’un facteur, c’est-à-dire la quantité de biens obtenue pour chaque dose de ce facteur, les autres restant constants. On dessine alors une surface de production qui figure la relation entre x et y, chaque xi pris séparément. Pour mieux caractériser la forme de cette surface,

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il est naturel ensuite de comparer les variations de production ΔY enregistrées, lorsque change la dose employée d’un facteur de production ΔXi, les autres restants invariants. La limite du rapport ΔX/ ΔXi pour des variations faibles de ΔXi est la productivité marginale du facteur i. Il convient ensuite de décrire les liaisons entre facteurs et produits. Ce qu’il est important de connaître en premier lieu, ce sont toutes les combinaisons de facteurs de production qui fournissent le même produit total. Elles décrivent des courbes dites d’isoproduits. Le long d’une de ces lignes d’indifférence le produit total est constant et tout accroissement de la dose d’un facteur est compensé par une diminution d’un ou plusieurs autres facteurs. De la même manière, il est utile de connaître l’assortiment des produits que l’on peut obtenir avec une quantité de un ou plusieurs facteurs de production. Nous dessinons alors des courbes d’isofacteurs ou isocoûts.

Dans un processus productif, les facteurs peuvent être agencés de deux façons différentes. Dans un cas, on associera dans des proportions fixes des heures ouvrées avec des quantités de biens capitaux, la fonction de production est alors dite à coefficients constants. Dans l’autre, on aura la possibilité de combiner de diverses façons quantités de travail et quantités de capital : la fonction de production devient à coefficients variables. Ces deux types de fonctions seront examinées tour à tour.

1. La fonction de production à coefficients constants

Dans une telle hypothèse, la combinaison de facteurs de production échappe à l’entrepreneur. C’est une donnée qui s’impose à lui. Il s’ensuit que le volume de production ne peut varier qu’en raison d’une extension de son échelle. On supposera qu’un volume de production Y donné ne peut être obtenu qu’à partir d’une combinaison donnée d’heures de travail (u) et d’unités de biens de capitaux (v) de telle sorte que :

Y = L / u = K / v ou encore L = u. Y et K = v.Y

Les coefficients u et v, strictement positifs, précisent la proportion de cette combinaison. Celle-ci étant connue, il est clair que c’est la

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quantité existante du facteur le moins abondant qui sera déterminante pour évaluer le volume de quantités produites. Autrement dit, d’éventuelles quantités excédentaires de facteurs resteront inutilisées; mathématiquement, cela revient à présenter la fonction sous la forme : Y = f (K, L) = min (L/u, K/v). Le graphique ci-dessous représente cette fonction. En portant les quantités de travail et de capital respectivement en abscisses et en ordonnées, et en supposant qu’elles se trouvent dans un rapport de 1 à 3 (v/u = 1/3), on trace une famille isoquants dont la forme perpendiculaire apprend que toute quantité de facteurs existant en excédent demeure inexploitée.

Fig 1 : famille d’isoquants On peut cependant compliquer quelque peu l’analyse en inférant qu’un volume de production identique pourrait être obtenu à partir de combinaisons de production alternatives. C’est précisément le cas sur le graphique ci-dessous où la quantité produite découle de l’association de facteurs de production dans des proportions différentes, v/u prenant successivement les valeurs 3, 1, 1/3.

Fig 2 : Isoquants et combinaisons de production alternatives

0 L

K

Y

Y

Y

Y

Y

Y

0 L

K

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Ainsi, quand trois techniques sont envisageables, l’isoquant prend la forme d’une ligne brisée comportant deux segments de droite, par suite, n techniques impliquent une configuration de n-1 segments qui épouse la forme d’une courbe dès lors que n tend vers l’infini.

2. Les fonctions de production à coefficients variables

Désormais, la combinaison des facteurs de production ne s’impose plus au producteur : c’est au contraire lui qui la choisit. Ce choix diffère selon qu’un des facteurs est variable, l’autre restant fixe ou que tous les facteurs sont variables en même temps. Au sein d’une période de temps, relativement brève, il est logique de considérer que certains facteurs sont susceptibles de s’adapter tandis que d’autres ne le peuvent pas : la théorie économique moderne pose que la main d’oeuvre (facteur travail) offre une certaine souplesse dans la courte période, alors que le stock de capital demeure invariant. En revanche, lorsque l’on gagne la longue période, tous les facteurs deviennent variables. Il faut par conséquent dissocier la courte période de la longue période, avant d’examiner une fonction très utilisée en économie, la fonction Cobb-Douglass.

a. La fonction de courte période

Alfred Marshall définissait la courte période comme le laps de temps durant lequel au moins un des facteurs de production devait être considéré comme fixe. C’est d’ordinaire le facteur capital dont la quantité est donnée. Il en résulte que le volume de production ne varie que sous l’effet d’une augmentation ou d’une diminution du nombre d’heures travaillées. Mathématiquement, on allégera l’écriture antérieure en posant : Y = g (L)

avec g(L) = f (L,k )

Le producteur va ainsi mettre tout en oeuvre pour obtenir la meilleure combinaison entre le stock d’outillage et le nombre d’heures de travail. Cette recherche d’optimum s’appuie sur l’hypothèse de rationalité du producteur qui présente l’intérêt de mettre en lumière la fameuse loi des rendements décroissants.

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Sur le graphique ci-dessous, trois courbes ont été portées : celle du produit total (YT ), celle du produit moyen (YM ) et celle du produit marginal (Ym ) .

Fig 3 : Optimum et rendements

Le point A correspond au point d’inflexion de la courbe du produit total, point qui se repère du fait que la dérivée seconde y est nulle (Y ''T = 0) . Il est normalement aligné avec le point B, point maximum de la courbe du produit marginal. Cet extremum est en effet atteint quand (Y 'm = 0 ), et l’on vérifie que Y 'm = (Y 'T )' = 0. Au point C, la courbe de produit marginal intersecte celle du produit moyen en son maximum. Enfin, pour qu’à son tour, la courbe du produit total atteigne son maximum, la dérivée première doit aussi s’annuler : les points D et E sont alignés puisqu’en E, le produit marginal coupe l’axe des abscisses.

Trois phases distinctes apparaissent. Dans la phase I (à gauche de la verticale AB), le produit s’élève à un rythme croissant. Ceci reflète un mauvais emploi des facteurs disponibles, car le facteur capital est surabondant : plus on emploie de travailleurs, plus la production croît plus que proportionnellement. Ce serait une erreur

Phase 1 Rendements

croissants Phase III

Rendements négatifs

A

B

C

L

Y

Phase II Rendements décroissants

E

D

Ym YM

YT

0

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de rester dans cette zone. Dans la phase II (bornée par les parallèles AB et DE), les décisions deviennent rationnelles parce que le produit marginal reste positif tout en décroissant. En d’autres termes, bien que positifs, les rendements décroissent. Par contre, dans la phase III, les rendements deviennent carrément négatifs, cette fois c’est le facteur travail qui est surabondant par rapport aux quantités de capital disponibles, et par suite, toute décision de produire dans cette zone est non fondée sur le plan économique.

b. La fonction de longue période

La longue période peut être définie comme un laps de temps durant lequel tous les facteurs de production sont soumis à variation. A la différence des fonctions de production à coefficients fixes, les fonctions de production à facteurs variables apprennent qu’un niveau de production identique peut être atteint à partir des combinaisons de facteurs distinctes. Sur le graphique ci-dessous, on constate qu’un volume de production Y identique peut être obtenu grâce à des combinaisons de facteurs différentes (L1,K1) et (L2,K2 ) , de même qu’une infinité d’autres. Ce qui permet de tracer une courbe continue. Cette courbe est une courbe d’iso-production, appelée plus fréquemment isoquant.

Fig 4 : Courbe d’Iso-produit

Le taux marginal de substitution technique (TMST) est par définition, le taux auquel on troque le capital contre le travail pour obtenir un niveau de production donné. Il est alors égal au rapport

O

K

L

Y

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des productivités marginales des facteurs et s’infléchit progressivement au fur et à mesure que la substitution s’opère. On note donc :

TMSTK ,L =Y 'LY 'K

Si nous revenons à présent sur la question de l’augmentation de la production. Il n’est pas difficile de comprendre que si l’on augmente les quantités de facteurs utilisées dans une proportion similaire, ce n’est plus une modification de la combinaison productive que l’on enregistre, mais un changement d’échelle de production, comme le souligne le graphique ci-dessous. On représente l’élévation du niveau de production par une famille d’isoquants qui émigre vers le nord-ouest. Les demi-droites ayant le point O pour origine sont chacune caractérisées par des rapports capital/travail constants. On constate ainsi que

OK1 /OL1 =OK2 /OL2 =OK3 /OL3 .

Fig 5 : Famille d’isoquants Par définition, on dira qu’une fonction de production qu’elle est homogène de degré m si elle vérifie la condition :

λm f (L,K ) = f (λK, λ L)

Y3

Y2

Y1

L

K

L1 L2 L3

K3 K2 K1

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- si m = 1, les rendements sont dits constants à l’échelle (si vous doublez les quantités de facteurs employés, vous doublerez la quantité produite. - si m > 1, les rendements sont croissants à l’échelle (la production est plus que proportionnelle aux quantités de facteurs). - si m < 1, les rendements sont décroissants à l’échelle.

L’analyse économique retient le plus souvent les fonctions de production à rendements constants à l’échelle. Elles sont appelées linéaires homogènes et se traduisent graphiquement par des espaces égaux entre les isoquants. Tel est le cas, entre autres, de la fonction Cobb-Douglass. La fonction Cobb Douglass inventée par un mathématicien et un économiste en 1928, est de la forme :

Y =µLα K β

Y la production est obtenue à partir d’une combinaison de facteurs, L et K, élevés à des exposants respectifs tels que 0 <α < 0 et β =1 −α . 3. La programmation linéaire de la production Pour produire, l’entrepreneur a besoin de facteurs de production. Etant donné qu’il se les procure à titre onéreux sur les marchés du travail et du capital, ils représentent pour lui des coûts. Ses ressources n’étant pas illimitées, il doit intégrer une contrainte dans ses prévisions. Cette contrainte a pour nom isocoût et englobe les diverses combinaisons (exprimées en valeur) de facteurs de production correspondant à une enveloppe de coûts donnée.

Soit C = w L + r K + F

où L, K sont les quantités de facteurs employés w, r : prix de ces facteurs (w : salaire et r : taux d’intérêt) F : coûts fixes On procède alors à une maximisation sous contrainte pour tirer meilleur parti de la dite contrainte.

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Par conséquent, il convient d’annuler les dérivées premières et de vérifier la négativité des dérivées secondes, car telles sont les conditions de premier et second ordre qu’implique la recherche d’un extremum maximal. Soit Max : Y = f (K, L)=L.K (1) sous la contrainte C = wL + rK + F (2) On en tire l’expression : K = (-w/r) L + (C-F)/r qui introduite dans (1) transforme la fonction de production en une fonction à une variable telle que :

Y = (−w / r)L2 + (C −F)L / r L’extremum de cette parabole est obtenu par l’application de la condition de premier ordre :

dYdL

= −2(w / r)L + (C −F) / r = 0 ⇒ L = C −F2w

Les conditions du second ordre permettent d’affirmer que le point est bien un maximum :

d 2Yd L2

= −2 wr< 0

Du point de vue géographique, le problème consiste à sélectionner dans la carte d’isoquants celui le plus élevé possible ayant un point commun avec la droite d’isocoût. Ce point d’équilibre est obtenu en E (graphique ci-dessous), la droite y est tangente à la courbe.

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Fig 6 : Equilibre

En E, on sait que la pente de l’isoproduit est égale à l’isocoût : dK/dL=-w/r

En multipliant ce rapport par -1, on trouve :

−dK / dL = dY / dLdY / dK

= TMST = w / r

On en conclut qu’à l’équilibre le rapport des productivités marginales des facteurs, ou encore leur TMST est égal au rapport de leur prix. En d’autres termes, c’est démontrer qu’à l’optimum les productivités marginales des facteurs pondérées par leurs prix sont égales :

dY / dLw

=dY / dK

r

Jusqu’à maintenant, l’enveloppe de coûts et des prix des facteurs de production ont été considérés comme constante. Revenons sur ces hypothèses. Dans le cas où l’entrepreneur dispose de facilités nouvelles pour acquérir des facteurs en plus grand nombre, l’ordonné à l’origine de l’isocoût s’élève et, ce faisant, provoque sa translation. En revanche, dès l’instant où ce sont les prix des facteurs qui changent, le revenu demeurant constant, on

E

L

K

A

B 0

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enregistre une rotation de cette même droite tantôt autour de A (variation de w), tantôt autour de B (variation de r).

Fig 7 : Effets revenu et effet substitution

Des effets de revenu et de substitution se manifestent dans la théorie de la production. Sur les deux graphiques, on observe une modification du sentier d’expansion de la firme (OR), mais ce n’est que dans le second qu’il s’opère au prix d’une modification de la combinaison productive. Exercice 1 : Une entreprise produit 2 biens notés 1 et 2 à partir d’une combinaison de deux facteurs de production notés A et B. La production de k unités de bien 1 nécessite au moins k unités de facteur A et 6 k unités de facteur B. Pour produire k unités de bien 2, il faut au moins k unités de facteur A et 24 k unités de bien B 1/ Ecrire les fonctions de production associées aux techniques qui permettent de produire les biens 1 et 2. Quelle est la forme des rendements d’échelle de l’entreprise ? 2/ L’entrepreneur dispose de 100 unités de A et de 1200 unités de B. Représenter dans le plan (X,Y) l’ensemble des productions réalisables dans l’entreprise, X étant la quantité de biens 1 et Y la quantité de biens 2. 3/ Si l’entrepreneur a un comportement concurrentiel sur les marchés des biens A et 2 et si les prix de vente sont respectivement 1 et 2, déterminer la décision de production. Quelle serait cette décision si les prix étaient respectivement 2 et 1 ?

0

R

K

L

R

L

0

K

B B’

A

A’ A

B’ B

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Exercice 2 : La production de chaises d’une entreprise peut se faire selon 4 techniques de production numérotées de 1 à 4, demandant respectivement pour produire une chaise : (2,2) ; (1,6 ; 2,6) ; (3, 1) et (1, 3) unités de facteurs de production (bois et travail).

1. Représenter dans le plan des facteurs de production ces différentes techniques

2. Les prix des facteurs sont de Pb = 1 et Pt= 4. Quelle technique sera utilisée et quelle sera alors la production si le budget est de 700 ? Représenter le sentier d’expansion quand le budget varie.

3. Le prix du bois étant fixé, déterminer Pt, la technique de

production choisie, en fonction du prix du travail. Exercice 3 : On constate les résultats suivants pour une production particulière. Neuf couples de facteurs de productions A et B sont ainsi testés, ce qui donne les résultats suivants : 1B 2B 3B

1A 10 15 17 2A 15 20 22 3A 17 22 30

1. D’après les observations, que peut on dire des rendements

d’échelle ?

2. Peut on tenter de généraliser cette fonction de production ? A priori, la loi des rendements décroissants est elle vérifiée ?