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Chapitre 4: La Femme du boulanger
En 1938, Marcel Pagnol écrit et tourne le film La Femme du boulanger,
l'œuvre située au centre de sa carrière d'écrivain et de cinéaste. Comme le
générique nous l'annonce, ce film est "entièrement réalisé dans les Studios Marcel
Pagnol à Marseille"; Pagnol a même inauguré son propre cinéma, tout neuf, sur la
Place Castellane à Marseille, pour la première mondiale de La Femme du
boulanger.1 Ce film est donc un tournant dans la carrière de Pagnol car à partir de
ce moment, le cinéaste a la possibilité d'être totalement indépendant, chose rare
dans l'univers du film et même dans le monde du théâtre où la production est
toujours le produit d'une équipe. Jean Renoir parle de Pagnol en expliquant sa
situation en 1938:
Ne nous y trompons pas. Le cinéma français existe parce qu'il y a
encore des gens indépendants, des gens qui ne sont pas soumis aux
trusts. La plupart de mes collègues, du plus petit au plus illustre,
travaillent pour les grandes maisons américaines ou pour la Tobis et
la UFA, qui sont allemandes et sous le contrôle direct de Hitler et
Goebbels*. Je ne les blâme pas. Il faut bien vivre. Je blâme
simplement les pouvoirs publics qui laissent nos adversaires
s'emparer lentement, mais sûrement, de notre marché national.
Rendons hommage à Marcel Pagnol, qui s'est soustrait à toutes ces
combinaisons, et est resté absolument libre. Sa position est assez
forte maintenant pour que, ayant fabriqué un film, il puisse le
projeter devant le public sans passer par les intermédiaires dangereux
205
que nous connaissons trop. On aime ou on n'aime pas ses films. On
est d'accord ou pas d'accord avec lui, mais ce qu'il dit, il le pense, et
il ne va prendre de mot d'ordre nulle part.2
Au sommet de sa carrière, la communauté diégétique des œuvres pagnoliennes
trouvera alors une réplique dans les méthodes de production car la troupe d'acteurs
et l'équipe technique groupées autour de Pagnol ainsi que l'atmosphère du plateau
reflètent la camaraderie de la communauté représentée dans le film lui-même.3
C'est dans La Femme du boulanger que Pagnol montre définitivement sa
vision du monde, après avoir fait un bout de chemin avec les idées de Jean Giono
et avant d'entamer ses deux mondes complets: celui des Bastides Blanches de
Manon des Sources et celui de La Treille des Souvenirs d'enfance. Dans cette
œuvre d'une centralité absolue, Pagnol exclut la grande ville de Marseille et les
tout petits villages de la Haute Provence pour créer une communauté villageoise
provençale où les personnages forment un microcosme de chaque village du
monde. C'est pour cela que les films et les livres de Marcel Pagnol sont
universels.
Ce film marque une rupture totale d'ailleurs avec l'oeuvre de Jean Giono en
même temps qu'il intègre la matière gionienne dans la communauté pagnolienne.
C'est Giono qui fournit le sujet du film, mais c'est ici que le texte pagnolien se
révèle entièrement dans sa forme définitive. Les deux étapes suivantes de la
carrière de Pagnol auront la communauté comme lieu central et le modèle de la
collectivité sera celle de La Femme du boulanger.
Les déclarations de Pagnol dans Les Cahiers du Film (1933) avaient attiré
l'attention de toute la critique. Comme Pierre Leprohon dit: "Marcel Pagnol se fait
206
le champion d'une idée: la 'cinématurgie', [qui] n'est autre que de mettre le théâtre
en conserve..."4. Mais La Femme du boulanger est écrit pour être filmé, comme
César, Jofroi, Angèle, Regain, et Le Schpountz. Le village entier devient le lieu du
drame, les membres de la communauté villageoise prennent la place des
comédiens et des spectateurs sur une scène de théâtre, et ce microcosme provençal
devient une métaphore du village mondial.
Encore une fois, Pagnol prend l'anecdote de son film d'un récit
autobiographique, Jean le bleu, écrit par Jean Giono. Pagnol avait acheté les droits
cinématographiques des cinq romans de Giono édités chez Grasset Colline,
Regain, Un de Baumugnes, Le Serpent d'étoiles, et Jean le bleu en 1932.5 C'est un
contrat synallagmatique (qui comporte obligation réciproque entre les parties),6 et
si une des parties ne suit pas les prévisions du contrat, l'autre est automatiquement
désengagée. Il est prévu que Giono collabore avec Pagnol pour écrire les
scénarios, mais les deux hommes ne peuvent pas travailler ensemble. La rupture
de cette association mènera donc à une action judiciaire, un procès intenté en 1941
par Giono contre Pagnol après la sortie de La Femme du boulanger. A part leur
caractère très distinct, leur vision du monde est trop différente, et l'auteur du conte
considère le film basé sur son livre comme une trahison de son œuvre.7
Jean le bleu contient des souvenirs d'enfance de Giono dont un s'appelle
"Le boulanger, le berger, Aurélie." Le monde de Giono est aussi idéaliste que
celui de Pagnol, mais pour Giono, l'homme est un élément de la nature et participe
aux phenomènes naturels, tandis que la communauté pagnolienne se bat pour
survivre en groupe contre les forces naturelles qui menacent de détruire les
accomplissements humains. Le dialogue dans le monde de Pagnol est la seule
207
forme de communication et l'interaction des hommes du groupe assure la survie de
la collectivité.
Caldicott note six innovations entre le récit de Giono et le scénario créé par
Pagnol:
i) The baker stops baking as soon as he hears of his wife's
departure with the shepherd; the village bread supply is thus
directly linked to the baker's marital plight and the villagers have a
powerful incentive to mobilize in support of the baker.
ii) The baker refuses to admit his wife's adultery and to believe that
he is a cocu; he persists in repeating that Aurélie is visiting her
mother. His willful incredulity matches the obstinate character of
Raimu, who plays the part of the baker, and it also prepares for the
memorable conclusion when Aurélie is welcomed back by him as if
nothing had happened. But Pomponette the cat is given a terrible
scolding for her absence.
iii) Pagnol's baker is normally a teetotaler but he often drinks to
excess during his wife's absence; his drunkenness, allied with his
obstinate incredulity, creates a number of scenes of high comedy.
iv) The baker at one point tries to hang himself; there is nothing so
dramatic in Giono's version.
v) The baker falls out with the curé who, besides being celibate,
seems to him to be too young to understand the plight of a cocu.
vi) Pagnol creates a curé and an instituteur and exploits all the
comic possibilities of the small-village rivalry between the two.8
208
Toute l'histoire de La Femme du boulanger est résumée par la première
phrase de la nouvelle: "La femme du boulanger s'en alla avec le berger des
Conches"9. La communauté est représentée par un homme--César--dans le conte
de Giono, alors que Pagnol nous présente d'abord toute la collectivité comme un
microcosme du village français de la Troisième Répubique. En nous montrant un
bourg qui fonctionne malgré les colères qui durent des générations, nous
comprenons l'importance du départ de la boulangère, car cette action risque de
dissoudre le groupe humain, comme celui de Marius risque de dissoudre la
communauté du Vieux-Port de Marseille.
Tous les hommes se mobilisent quand ils voient que le boulanger ne fera
plus de pain s'il n'a pas sa femme chez lui. Il faut que les uns travaillent avec les
autres pour trouver celle dont le boulanger a besoin. Les villageois sont donc
obligés de se parler et de travailler en équipe pour que leur communauté survive.
A la fin, grâce aux autorités de la commune, qui sont aussi les maîtres de la parole,
c'est-à-dire le maire, l'instituteur et le curé, les hommes arrivent à persuader la
boulangère de retourner chez elle. Elle sera pardonnée par son mari et par le
village, et comme dans Angèle, la communauté deviendra plus tolérante en
s'élargissant pour inclure le désir des femmes. La dernière scène nous montre le
boulanger et sa femme en train de rallumer le four, symbole du foyer et du pain,
produit qui prouve que l'homme domine la nature en cultivant le blé de la terre.
Pour que les hommes survivent, il faut qu'ils fonctionnent ensemble pour lutter
contre les menaces de la nature.
La communauté
209
Le commencement du film de Marcel Pagnol est bien structuré pour
présenter au public toute l'atmosphère, les personnages et même les limites du
groupe villageois avant qu'il ne se passe la moindre action. Tout autour du village
provençal il y a des collines; le lieu civilisé n'existe qu'à l'intérieur des murs de la
cité.
Les trois séquences du début du film établissent l'ambiance du village,
ambiance qui n'existe pas dans le conte de Giono. Le dialogue, dans le texte
pagnolien, est l'instrument des conflits et pour montrer les points de vue nombreux
et divergeants, Pagnol ajoute six ou sept personnages pour peupler son village.
La première séquence est celle de Pétugue et de Casimir. Celui-là vient
demander à l'instituteur de dire à Casimir, le gérant du Cercle (le café de la place)
qu'un chien mort est tombé dans son puits. C'est Cassoti qui l'a vu tomber dedans,
mais ni Cassoti, ni Pétugue ne peuvent le dire à Casimir parce qu'ils ne lui parlent
pas. Cassoti ne lui parle pas parce qu'ils se sont battus au régiment il y a vingt ans;
Pétugue ne lui parle pas parce que déjà leurs grands-pères ne se parlaient pas.
Alors, "ça vient de loin" et "vous pensez que ça doit être quelque chose de
grave"10. L'instituteur (qui, dans le conte de Giono et dans le scénario de Pagnol,
est désigné seulement par sa fonction) prononce le jugement de l'auteur: "C'est
vraiment un village de crétins"11.
Dans le texte pagnolien, une action dramatique est un conflit de
personnages ou d'idées, et cette première discussion du scénario, une scène
comique, est sans doute écrite pour attirer l'attention du spectateur et pour montrer
le fonctionnement du dialogue. Nous avons vu le même procédé dans Angèle où
l'on entre dans les conflits par une histoire drôle qui présage quand même les
210
vraies confrontations des personnages. Ici, il s'agit d'un chien mort qui
empoisonne l'eau du village; plus tard, il s'agira du pain quotidien des villageois.
Dans les deux cas, c'est une question de vie ou de mort à cause d'un manque de
nourriture.
Si le récit de Giono garde un ton sobre, Pagnol ne peut pas se passer
d'humour. Ce premier échange révèle aussi deux perspectives: celle des villageois
et celle des étrangers. Les gens du village suivent leur propre logique, mais
l'étranger (en ce cas, l'instituteur) les juge différemment. Pour lui, c'est un village
d'imbéciles. Il a de l'instruction et son rôle est celui du chœur dans le théâtre grec
ancien en commentant la conduite des villageois; c'est ainsi qu'il les trouve
"crétins."
Avant de passer à l'action, le film de Pagnol établit toute la société et ses
valeurs d'échange par deux autres séquences. Le couple instituteur-curé, ennemis
traditionnels sous la Troisième République, deviendra de plus en plus important
dans les œuvres de Marcel Pagnol. L'instituteur est le représentant de l'école
publique et laïque, tandis que le curé parle pour les vieilles traditions de l'Eglise
Catholique. Ici, comme plus tard dans les livres de Pagnol, il faut que les deux
hommes travaillent ensemble pour aider la collectivité à survivre, mais comme
d'habitude, le fonctionnaire d'Etat et le représentant de l'Eglise catholique ont des
différences fondamentales à résoudre. Dans cette deuxième scène, nous pouvons
donc comparer les villageois sans instruction (qui se retirent la parole quand ils ne
sont pas d'accord) aux hommes qui ont de l'instruction qui, selon la didascalie, se
parlent d'un ton glacial, mais qui continuent le dialogue.
211
Le premier débat concerne Jeanne d'Arc; le curé est fâché contre
l'instituteur parce que celui-ci a dit aux élèves que l'héroïne en quesion "crut
entendre des voix"12. Il aurait préféré que l'instituteur dise "Jeanne d'Arc entendit
des voix"13. L'instituteur répond que si elle avait entendu des voix, elle aurait été
moins combustible.
Ensuite, l'instituteur reproche au curé d'avoir dit aux élèves qu'en histoire
naturelle il y a quatre règnes: minéral, végétal, animal, et humain. Cette
discussion (et la séquence) finit quand le curé dit à l'instituteur qu'il va se retirer
sans saluer l'instituteur car il ne salue pas les animaux. Ainsi, chaque interlocuteur
a une phrase comique et spirituelle à dire à l'autre. Cela permettra au dialogue de
continuer lors de leur prochaine rencontre.
Ces deux adversaires luttent pour l'âme des enfants du village, chacun
voulant que son point de vue domine à l'avenir. Il est clair que les enfants ont
intérêt à suivre l'action (bien qu'ils ne soient que spectateurs) et littéralement ils la
suivent. Ils écoutent le dialogue de leurs maîtres; ce discours mènera à leur survie
ou à leur disparition, car la vie du village est organisée autour du pain quotidien.
Nous, les spectateurs, observons que les hommes instruits ne résolvent pas mieux
leurs différences de points de vue que les gens sans instruction. Et justement, ce
dialogue est essentiel dans la communauté pagnolienne pour que la conversation
continue sans violence.
La troisième séquence du film est un autre exemple donné par Pagnol pour
établir comment les hommes peuvent avoir des conflits sans pouvoir trouver de
solution. Ici, il s'agit de Barnabé et d'Antonin. On voit le débat paysan en train
d'aller vers le résultat noté dans la première scène. Antonin demande à Barnabé de
212
tailler ses arbres parce que l'ombre de ceux-ci tombe sur le jardin potager
d'Antonin. Casimir croit qu'Antonin est raisonnable, mais les deux paysans ne
peuvent pas résoudre leur dispute. Ils se retirent donc la parole. Nous voyons
ainsi le processus qui mène à un village où des gens ne se parlent pas. (Dans le
film, Pagnol commence par la séquence Pétugue-instituteur et continue par celle
de Barnabé et d'Antonin. Il finit par la scène instituteur-curé et crée ainsi une
progression dramatique impressionnante.) En créant ces trois séquences au début
du film, le texte lui-même nous montre l'importance de la réconciliation du groupe
villageois à la fin du film.
Après l'interaction entre trois groupes d'individus, tous habitants du village,
tous membres de la communauté villageoise, tout le monde se trouve devant la
boulangerie. Tout le monde attend le pain du nouveau boulanger. On voit ainsi
que le boulanger est au centre de la collectivité, au centre de l'écran, et que
l'existence du village dépend de lui.
Expliquant l'histoire de l'ancien boulanger, Lange "celui qui s'est pendu
dans la cave"14 les gens s'éloignent dans l'espace, comme ils s'éloignent de
l'histoire principale. Pagnol met le mouvement de la narration dans les pieds de
ses acteurs. Nous constatons donc l'importance d'avoir un boulanger sur place, et
cette idée est accentuée par le mouvement physique des villageois.
Divisions dans la communauté
Quand ce groupe est réuni, Félix et le boucher ne se parlent pas; Maillefer
explique qu'ils sont fâchés à mort en ajoutant: "D'ailleurs, ce sont deux imbéciles,
et je suis fâché avec tous les deux"15. Quoique cette collectivité soit loin de la
213
perfection, ceux qui ne parlent pas aux autres du groupe ont quand même trouvé
un moyen de communiquer--soit qu'ils parlent à haute voix, soit qu'ils trouvent un
messager, car il faut que le groupe reste uni malgré les opinions différentes.
Le couple qui vient d'arriver dans ce village est composé du vieux
boulanger et de sa jeune femme. Casimir demande au boulanger si son pain sera
aussi beau que sa femme. Dans La Trilogie Marseillaise, cette même
configuration du ménage
--c'est-à-dire, Panisse et Fanny--est celle qui lie les membres du groupe et qui
assure son avenir. Comme remarque Ginette Vincendeau :
The thematic configuration of powerful old men, and their marriage
to young women, is a staple of French theatre, both comic
(Molière's vieux barbons) and melodramatic, and is found in a wide
range of 1930's French films....16
Alors, si les hommes sont attirés par la femme du boulanger, Mademoiselle
Angèle (celle qui fait chanter les enfants à l'église) rejette cette sensualité...tout
comme le jeune curé le fera un peu plus tard dans le même scénario.
Il y a donc une autre division dans ce village, celle qui met le point de vue
masculin en opposition au point de vue des femmes; celles-ci se sentent menacées
par la sexualité de la boulangère. Alors que le boulanger et les villageois sont
devant le magasin, on entend la voix de la boulangère (hors champ); elle annonce
que le pain est prêt. Elle ne fait pas partie du groupe, les autres parlent d'elle, sa
voix est entendue, mais on ne la voit pas au début. Dans le film, on ne voit que
son dos au commencement. Ses premières paroles révèlent sa place d'outsider
214
aussi bien que le ton de sa voix annonce son ennui. Avant de voir la boulangère, le
spectateur rencontre la réaction des autres envers elle.
Le berger est introduit dans la boulangerie et dans l'histoire par
l'intermédiaire du marquis. Celui-ci salue la boulangère et la remercie d'être si
belle; lui, il est "chef d'escadron à la retraite, mais paillard en activité"17. Le
marquis est le lien entre le lieu civilisé dont il est le maire et la nature sauvage où
il vit, hors du village, en entretenant trois ou quatre dames de petite vertu "pour le
plaisir de ses vieux jours et le dévergondage de ses bergers..."18.
Le curé n'en est pas content, et nous voyons donc une troisième division
dans cette petite société, entre le marquis et le curé. Le curé craint que le marquis
donne le mauvais exemple, mais le marquis répond: "Non, monsieur le Curé, non,
car la débauche n'est pas un péché gratuit; les exemples dangereux ce sont les
exemples à la portée de toutes les bourses..."19. Ici, entre le curé (et sa moralité
conventionnelle) et le marquis, nous voyons aussi une différence de classe sociale.
Le regard masculin/patriarcal
Dans le film, la caméra encadre le regard du berger envers la boulangère; le
spectateur ne voit même pas son visage à elle. Le regard ou le point de vue est
donc totalement masculin. La scène sensuelle où la boulangère cherche le berger
en lui disant: "Ouvre le sac, et tiens-le"20 est un rappel du conte de Giono. Un
parfum de volupté baigne la séquence, et Pagnol ajoute et juxtapose une courte
séquence chez le curé où celui-ci parle à sa bonne et puis flaire et palpe le pain. A
chacun sa sensualité. Le conte de Giono est l'histoire d'un jeune homme et son
entrée dans le monde de la chair, tandis que Pagnol, comme d'habitude, accentue le
215
regard masculin, mais pour souligner l'idée de la collectivité patriarcale. Dans un
patriarcat, la structure et l'organisation sociales sont fondées sur la puissance
paternelle du mari.
Pour comparer les relations intimes entre le boulanger et sa femme à celles
du berger et de la boulangère, Pagnol nous fait entrer d'abord dans la chambre des
conjoints. Pendant que la boulangère se déshabille et se couche, Aimable parle
affaires et chiffres. Il parle du prix du blé et des bénéfices possibles. Aurélie ne
dit qu'un mot: "Rien"21, et nous ne savons même pas si elle écoute son mari. En
contraste avec les débats que nous avons vus entre les paysans, entre le curé et
l'instituteur, et entre le curé et le marquis, ici il n'y a qu'un monologue. Le
monologue est ce qui fait taire et ce qui tue la participation dans la collectivité du
texte pagnolien. Si Aurélie s'enfuit plus tard avec le berger, c'est qu'elle ne peut
pas s'exprimer par la parole et il n'y a que l'action. Marius et Angèle avaient fait la
même chose.
Quand Aurélie se couche, elle tourne le dos au boulanger. Dehors (hors
champ), on entend la sérénade du berger. C'est un autre élément ajouté par Pagnol
à la nouvelle de Giono. Aimable pense que la sérénade est pour le remercier pour
le bon pain; nous avons déjà vu qu'il y a une association entre la sensualité de la
boulangère et le bon pain. La beauté d'Aurélie est comparée à la bonté du pain.
Le boulanger suggère donc qu'on donne une fougasse au berger et il demande à
Aurélie de descendre le lui servir. Ici, Pagnol transpose le jugement de la
boulangère envers son mari dans la nouvelle de Giono ("tu es pitoyable,") et c'est
le lecteur-spectateur qui a ce sentiment à l'égard du boulanger, car si celui-ci ne
comprend pas, le public est le complice de la boulangère et du berger. Le
216
boulanger est pitoyable, mais malgré sa naïveté, il est sympathique et généreux.
N'oublions pas qu'il s'appelle Aimable.
Pour séparer le couple dans le noir au rez-de-chaussée, il faut qu'Antonin
entre et insiste pour que le berger sorte avec lui. Antonin partira tôt à la chasse et
vient commander sa fougasse. Antonin sait d'instinct qu'il est nécessaire que le
berger s'en aille pour ne pas déranger l'ordre patriarcal de la communauté.
L'essentiel est compris par la plupart des participants du groupe, bien que
l'essentiel ne soit jamais prononcé dans le texte pagnolien.
Lorsqu'Aurélie remonte à sa chambre, le boulanger lui demande si elle n'a
pas froid. Les spectateurs savent qu'il est ou sera bientôt cocu. Dans les comédies
nouvelles, celles qui datent du quatrième siècle avant Jésus Christ et dont
Ménandre est le plus célèbre représentant, on se moque du vieux cocu:
...comedy often turns on a clash between a son's and a father's will.
Thus the comic dramatist as a rule writes for the younger men in his
audience, and the older members of almost any society are apt to
feel that comedy has something subversive about it.22
Ce qui est intéressant chez Pagnol, c'est qu'il écrit pour que le public soit toujours
du côté du vieux cocu. Le public se met du côté d'Aimable parce qu'il est bon,
parce qu'il veut plaire, parce qu'il exprime ses sentiments, et parce qu'il est
généreux. C'est ainsi que le texte de Marcel Pagnol prend toujours partie pour la
communauté et sa survie, même si des individus sont sacrifiés.
Tandis que Giono annonce l'action dès la première phrase, décrit les trois
personnages principaux et passe à la réaction du village, Pagnol, lui, nous montre
l'interaction des individus du village; nous voyons les trois personnages principaux
217
dans leur rôle quotidien avant la fugue. (Il s'est servi de la même structure pour
Angèle.) On n'entend pas les raisons psychologiques du départ d'Aurélie, mais il
existe une motivation dramatique pour la suite du scénario. Dans une comédie,
l'ordre du début est dérangé par une transgression, et à la fin, l'ordre est rétabli.23
Puisque la conclusion de La Femme du boulanger est heureuse, il faut la
considérer comme une comédie bien qu'elle contienne des éléments de mélodrame.
Par exemple, il y a une juxtaposition constante entre des scènes comiques et
tragiques.24
Comme Ginette Vincendeau explique, à propos de La Trilogie Marseillaise
(mais c'est la même chose pour toutes les œuvres de Pagnol), le système
économique des années trente en France est fait pour garder l'argent et donc le
pouvoir dans les mains de la vieille génération. Voilà pourquoi il y a des mariages
où l'homme est beaucoup plus âgé que la femme. Mais "the narrative...justifies...
the desirability of such a marriage"25.
Le pouvoir de la vieille génération est affirmé de nouveau à la fin, mais
Pagnol explore les forces contradictoires et éventuellement menaçantes qui
s'opposent à ce pouvoir. Une de ces forces est la sexualité de la jeune femme. La
conclusion du scénario justifie le mariage où la compassion remplace le désir car
c'est la seule façon d'assurer l'avenir du groupe villageois. Parlant de la trilogie,
Vincendeau dit:
Simultaneously offering the image of perfect womanhood
and the image of its transgression, the trilogy addresses
contradictory impulses and ideological positions in its audience,
though of course these contradictory positions are themselves
218
definied by patriarchy.26
Le lieu civilisé
Le lieu civilisé dans le texte pagnolien est le village, l'espace humain. Les
villageois, qui ont tout de suite compris que la boulangère a quitté son vieux mari,
commencent à plaisanter. La tradition littéraire du cocu comique vient de la farce
moyenâgeuse. L'effet comique et ensuite dramatique employé par Pagnol est la
répétition des scènes, et ces actions servent à nous montrer aussi le caractère du
boulanger. Celui-ci va d'abord à la chambre chercher sa femme, puis au jardin, et
finalement à l'église. En se servant du village comme un espace théâtral, le
metteur en scène délimite l'espace du drame en indiquant au public que le
boulanger refuse d'accepter sa vérité. Tout le monde dans le village est concerné
car tous voient que la boulangère a disparu de leur lieu.
Le boulanger devient de plus en plus désespéré, et ce qui a commencé par
des séquences très amusantes dans le film (exemples: des blagues au sujet du
cocuage, le Papet qui croit avoir vu "la sœur" du boulanger à cheval avec un jeune
homme) va de plus en plus vers le drame. Le lecteur-spectateur comprend que le
boulanger sait de quoi il s'agit après que le curé lui dit qu'il souhaite que Dieu soit
auprès de sa femme, et que le boulanger répond: "j'aimerais mieux que ce soit lui
qu'un autre"27.
La caméra circule dans le village avec le boulanger; après avoir cherché sa
femme dans l'église, le boulanger va à la terrasse du cercle. L'église est un espace
intérieur où nous verrons surtout des femmes. La terrasse du cercle est à
l'extérieur, et c'est un espace masculin. Tous les membres de la communauté
219
seront concernés par les malheurs du boulanger. Au café, Aimable annonce à
l'instituteur, à Casimir, et à Barnabé qu'il ne sait pas où est sa femme; ensuite, il
leur dit qu'elle est peut-être chez sa mère. Elle a quitté le village, et comme
Jacques Bens dit: "Aimable n'est pas un mari aveugle ni complaisant mais résigné,
meurtri. L'amour qu'il porte à sa femme le conduit à tout accepter d'elle pourvu
qu'elle revienne"28. Quand elle est hors du lieu civilisé, le boulanger est hors de
lui.
L'instituteur suggère que la boulangère ait peut-être laissé une lettre à la
maison expliquant sa disparition. Quand le boulanger décide d'y aller, les autres
hommes du groupe le suivent. Cette promenade ramène l'action au drame
personnel dont le lieu est la boulangerie. La réaction publique se passera au cerle
ou sur la place du village. Pagnol a probablement écrit le rôle pour Raimu,29 et
Pagnol, en tant que metteur en scène, se sert des gros plans pour les scènes
intimes. Raimu est un acteur de théâtre qui est comique, excessif et qui gesticule
comme un Marseillais pendant les moments publics, mais qui sait se restreindre
aux moments intimes.30 Le jeu de Raimu sur la place publique n'est pas le même
jeu qu'il emploie devant son fournil. C'est un rappel constant que le sort de la
collectivité dépend entièrement de la tragédie personnelle du boulanger. Si la
femme du boulanger ne revient pas, la communauté villageoise sera détruite.
Le sens figuré
Un des tics stylistiques de Marcel Pagnol est de nous faire attendre aussi
longtemps que possible avant de prononcer le mot auquel tout le monde pense.
Dans ce scénario, on arrive presqu'à la moitié du texte avant qu'on ne prononce le
220
mot "cocu." Mais, une fois le mot prononcé, l'auteur peut commencer son enquête
sur le comique du cocuage, une vieille thématique des farces du Moyen Age.
Jusqu'à la mobilisation du village entier, il y aura les deux histoires parallèles: la
souffrance du boulanger et le comique de la situation.
Quelques exemples du développement de cette histoire à la fois drôle et
triste sont: (1) Tout le monde est au cercle et l'instituteur dit: "Il est curieux de
constater qu'un mari trompé par sa femme est toujours un sujet de conversation
assez comique! Pourquoi?"31. Barnabé répond: "...Je ne dis pas que ça soit
tordant, mais enfin, quoi, ça porte à rire...C'est joyeux"32. (2) Plus tard, toujours
au cercle, Maillefer passe et dit: "Alors boulanger, tu es cocu?"33. Et le boulanger
répond: "Moi? Oh! que non! Ça, c'est un mot rigolo, un mot pour quelqu'un de
riche...moi, si c'était vrai, je ne serais pas cocu, je serais malheureux. Ce n'est pas
pareil, tu comprends?"34. (3) Dans la grande salle du cercle, pendant la réunion, le
boulanger parle aux villageois et se moque de lui-même en disant: "...En plus, je
suis gêné par cette lampe qui est au-dessus de ma tête, parce que j'ai peur, si je
remue trop, de la casser d'un coup de corne"35. C'est parce qu'il est capable de
plaisanter que la foule est de son côté pour de bon.
Puisque c'est le boulanger lui-même qui rit de sa situation, le lecteur-
spectateur reste toujours avec lui, et le public sympathise avec le vieux barbon.
Normalement, dans une comédie, le public est du côté du jeune qui défie le vieil
ordre de la société et c'est pour cela qu'on considère le genre comique subversif.
Mais chez Pagnol, l'avenir de la communauté devient plus important parce que les
sentiments du public restent avec le vieux barbon et ses valeurs. Ce qui est
subversif dans les textes pagnoliens, c'est que, bien qu'ils soient considérés comme
221
des textes comiques, la communauté n'est jamais vraiment menacée par la jeune
génération.
Pagnol montre les imperfections de la société, mais le public préfère le
boulanger au berger.36 Le dernier exemple de l'histoire du cocuage est quand les
quatre pochards reviennent, après avoir cherché la belle boulangère, chantant
"Vivent les cornes du boulanger" et donnant à Aimable une énorme paire de
cornes de cerf. Là, nous voyons la peine du boulanger et ce n'est plus comique; le
public était déja du côté du boulanger, et maintenant plus que jamais.
Pagnol développe en même temps l'histoire de l'acceptation de la situation
du cocuage qui mène à la souffrance du boulanger. Dans une comédie, l'auteur
peut développer un thème tragique plus profondément s'il y a le rire constamment
mélangé dedans. C'est peut-être dans La Femme du boulanger que Pagnol se sert
au maximum de son trait de style caractéristique: l'opposition du sens littérale au
sens figuré des mots. Considérons quelques exemples.
Le boulanger va à l'église où le jeune curé ne pense qu'à tirer une leçon de
cet événement bouleversant pour Aimable. Au lieu de consoler le boulanger, le
curé parle de péché et conclut: "Sachez que toute femme a besoin d'un berger"37.
Pagnol mélange exprès le sens figuré du Christ et le sens littéral que le boulanger
comprend. Le curé n'a pas de compassion et ne voit que l'abstraction tandis que le
boulanger souffre parce qu'il ne comprend que le sens quotidien et concret du
langage.
Après que le curé dit que cette histoire sera "un grand bienfait pour la
paroisse"38, le boulanger, dégoûté, sort de l'église et promène sa tristesse au bar où
222
il prendra une bonne cuite. Aimable a eu sa prise de conscience et la seule
solution en face de cette vérité trop difficile à avaler, c'est de boire.
Autour du boulanger, les villageois se réunissent. Quand Aimable annonce
qu'il ne fera plus de pain puisque c'était pour sa femme qu'il pétrissait, la situation
n'a plus rien de comique pour le village. C'est à ce moment-là que le drame
personnel devient la crise de la communauté.
Les hommes du village accompagnent le boulanger, ivre, chez lui. Celui-ci
se couche dans le pétrin et enfin il prononce la phrase que tout le monde a sur les
lèvres depuis le début du film et qui informe le texte entier: "Et maintenant, je suis
tout seul...Et même, je suis dans le pétrin..."39. Il y a ensuite un très beau discours
du boulanger (qui a été coupé, malheureusement, du film); il explique l'expression
"une chance de cocu":
...une femme aussi belle et aussi jeune qu'elle, ça doit avoir un mari
superbe; jeune, musclé, jeune, bronzé, jeune, intelligent, jeune...Eh
bien, son mari, c'est moi! Ça veut dire que j'ai eu de la chance, une
chance de cocu. Lequel est-ce qui est trompé? Ce n'est pas moi:
c'est le beau jeune qui la méritait. On dit qu'elle me trompe avec le
berger. Pas du tout. C'est moi qui, depuis cinq ans, ai
trompé le berger avec elle! Alors, de quoi je me plaindrais?40
Le dialogue
Dans le texte de Marcel Pagnol, les malheurs du boulanger obligent tous
les anciens ennemis de se parler, tandis que dans la nouvelle de Jean Giono, il y a
223
seulement un personnage--César--qui représente le village. Ce changement prouve
à quel point la communauté pagnolienne existe à travers et à cause du dialogue.
La grande réunion du village entier dans le scénario pagnolien appaîtra
encore pendant le procès de Manon dans Manon des Sources. Dans ces deux
œuvres, on voit au plus complet la communauté villageoise de Pagnol. Dans La
Femme du boulanger, le marquis organise les hommes du village pour qu'ils
partent deux par deux à la recherche de la belle boulangère. Il faut quand même
d'abord rejeter les objections des uns et des autres; par exemple, Fine dit: "Quand
même, de faire tout ça pour cette espèce de créature!"41. Antonin se plaint au
marquis: "Mon commandant, ce n'est pas possible que nous partions
ensemble...Nous sommes fâchés, à cause de ses trois ormeaux."42 Mais sans cette
coordination et avec la coopération de tous, on résoudra le problème des
villageois. Le bien-être commun devient plus important que les incompatibilités
individuelles.
Pendant que les hommes du village recherchent la boulangère, l'attente est
trop longue pour le boulanger et il essaie de se pendre dans sa cave lorsque le
marquis crie (hors champ): "On l'a retrouvée!"43. Tout le monde entre donc dans
la salle à manger pour écouter l'histoire de Maillefer, celui qui l'a trouvée.
Dans le scénario et dans le film, Maillefer est un reflet, avec un petit clin
d'œil, de l'auteur lui-même, une mise-en-abyme. Il contera l'histoire à sa façon,
sans qu'on lui pose des questions, sans qu'on l'interrompe. Si l'on l'arrête, il s'en
va, car, comme il explique:
...si on me coupe quand je parle, je ne peux plus rien dire. (Au
boulanger.) Je ne sais pas si tu le sais, mais au concours de boules
224
de Peyruis, en 1926 ou 27, non 26. Oui, c'est l'année que ceux de
Pomiès ont gagné le concours. Au concours de Peyruis, j'ai reçu
une boule sur la tête.44
Evidemment, le boulanger, comme le lecteur-spectateur, est impatient de savoir
l'histoire, mais le conteur prendra le temps et le plaisir de conter le récit comme il
veut. Maillefer, comme son nom l'indique, apporte la dernière maille pour boucler
cette histoire. Il commence donc au début de la journée pour parler du temps, de
ses pensées et de chaque détail de ce qui s'est passé depuis. Mais quand il entend
les voix des pochards dans la cave, il s'arrête. Quelqu'un leur dit de se taire,
comme un spectateur le dirait à une autre personne dans une salle de théâtre (ou de
cinéma) et puis, Maillefer reprend sa longue histoire de pêche. Quand celui-ci dit:
"Et alors, à la troisième secousse..."45, Antonin n'en peut plus et dit ce que tout le
monde pense (tous les personnages aussi bien que tous les spectateurs): "A la
troisième secousse, tu commences à nous emmerder"46. Maillefer va sortir quand
le boulanger essaie de l'étrangler. Un monologue ou l'absence du dialogue dans un
texte pagnolien mène toujours à la violence.
Quand Maillefer dit qu'il a vu la boulangère et le berger dans une île dans
le marais, un comité s'organise pour ramener la boulangère. Dans la nouvelle de
Giono, après que Maillefer a dit qu'Aurélie était couchée au soleil, toute nue, il y a
la description du "petit trou" de la femelle du brochet que Maillefer a pêchée et qui
est maintenant morte sur la table de la salle à manger. Chez Pagnol, il n'y a jamais
rien d'aussi cru, et le seul rapprochement entre le monde animal et celui de la
collectivité humaine est fait en comparant la Pomponnette à Aurélie. La
225
Pomponnette est une chatte partie à l'aventure, mais elle revient aux conforts de la
maison et à son chat, Pompon, dans la boulangerie.
Une autre différence entre le conte de Giono et le scénario de Pagnol est
que chez Giono, dès que le boulanger sait où est sa femme, il a envie d'aller à sa
rencontre. Ce sont les autres personnages qui lui disent que ce n'est pas sa place
d'y aller. Par contre, dans le texte de Pagnol, le boulanger ne veut pas voir sa
femme ailleurs que chez lui, et c'est Aimable qui suggère que le curé y aille parce
qu'il parle si bien. Là, nous voyons les deux facteurs qui forment la communauté
humaine: le foyer et le discours. D'ailleurs, c'est la chanson du berger-troubadour
qui avait séduit Aurélie. Elle a cedé aux mots étrangers chantés par le berger pour
quitter son mari et son village.
Puisque l'instituteur a des bottes pour traverser le marais, Maillefer sera le
guide du curé monté sur les épaules du représentant de l'école laïque. Cette image,
si charmante et comique, est déjà dans la nouvelle de Jean Giono. Dans le conte,
l'instituteur parlera d'abord, puis le curé "pourrait faire l'affaire sans se mouiller les
pieds"47. On voit que les deux auteurs, Giono et Pagnol, ont un côté anti-clérical.
Dans son scénario, Pagnol profite du conflit entre le curé et l'instituteur
comme source de dialogue dans le village. Celui-là dit à celui-ci que le Démon a
sa part dans tous les péchés, mais que la boulangère a, à côté d'elle, son libre
arbitre. Le boulanger, peu instruit, croit que le curé parle du berger. Souvent, une
source
d' humour chez Pagnol est la confusion entre la parole prise à la lettre et non pas
au sens figuré.
226
Puisqu'il est nécessaire que les hommes de la parole s'accordent et
travaillent ensemble pour ramener la boulangère, le marquis a intérêt à expliquer
que si l'instituteur accepte de porter le curé, "ce sera un hommage--involontaire
peut-être--mais un hommage à la supériorité du clergé"48. Nous voilà donc devant
un autre exemple du tic de style de Pagnol où il mélange le sens figuré au sens
littéral. L'instituteur répond au curé qu'il accepte de le porter sur son dos, mais ce
sera plutôt un sacrifice à la douleur du boulanger--et il le fera, d'ailleurs, "sans
aucune idée de récompense et sans aucun espoir de Paradis"49.
L'instituteur relance ainsi le débat car le texte pagnolien a besoin de
dialogues conflictuels pour se propager et pour faire rire. Le comique supprime la
violence toujours sous-jacente à la divergence d'idées. En plus, cette dernière
séquence montre qu'on n'a pas effacé les différences d'opinions, mais qu'il faut
s'unir pour s'entraider ou la communauté disparaîtra.
Dans la nouvelle de Jean Giono, on passe ensuite au lendemain soir, celui
du retour de la boulangère au village, quand l'instituteur arrive vers vingt-deux
heures avec Aurélie. Elle ne veut pas rentrer tant qu'il y a du monde dans la rue
car le regard des autres la gène; elle a honte. Et puis, le surlendemain matin, les
villageoises vont lui parler, lui donner des compliments et lui acheter du pain.
Aurélie reste dans l'ombre de la boutique--pas devant la boutique, comme au début
de l'histoire. César passe et la salue, demandant qu'elle vienne prendre l'air. C'est
le signe d'acceptation. Les belles lèvres d'Aurélie "avaient un peu de dégoût,
comme si elles avaient trop mangé de confiture"50. A midi, le boulanger charge
son four et "la fumée noire retombe sur le village avec toute son odeur de terre, de
227
paix et de victoire"51. L'ordre est donc rétabli: le monde patriarcal est en place et
chaque femme est dans son foyer.
Le pardon
Il est intéressant de noter que les actions qui représentent des transgressions
--la fugue et le retour de la pécheresse--ne sont pas montrées dans le conte gionien.
Marcel Pagnol, par contre, a intérêt à nous montrer toute l'histoire pour que nous
comprenions que ce qui est important dans son œuvre est la continuation à tout
prix de la collectivité.
Dans une très belle séquence (qui rappelle Une Partie de campagne de Jean
Renoir) tournée dans la presqu'île de Giens, on voit d'abord le berger et la
boulangère qui dorment, enlacés, dans la hutte des marais. Du bord du marais, de
l'autre côté de l'eau, on voit de loin (un plan d'ensemble) Maillefer, le curé et
l'instituteur. Ce sont les représentants de la civilisation provençale qui arrivent
pour remplacer le couple. Dans les œuvres futures de Pagnol, il se servira de ce
même village provençal pour montrer un microcosme de l'humanité. Comme
Jean-Charles Tacchella dit:
Pagnol n'a jamais cherché à être nouveau (c'est bien ce que certains
lui reprochaient). Il se voulait éternel, traitant des histoires de
toujours, et c'est ainsi qu'il est devenu classique.52
Et pourquoi un village de Provence? Parce que, comme disait Marcel Pagnol:
"L'universel, on l'atteint en restant chez soi"53.
Le couple du curé et de l'instituteur s'avançant vers le berger, la boulangère
et l'île sauvage, est une scéne allégorique. La culture et la parole humaine arrivent
228
pour dompter et conquérir le côté animal et sensuel des êtres humains. La
communauté humaine sera le garant de la survie des hommes. Le pardon sera
essentiel pour inclure la boulangère dans la collectivité après son escapade dictée
par son instinct sexuel.
A la fin du scénario, on voit des femmes du village qui causent autour de la
fontaine; c'est une scène comique où les femmes disent du mal d'Aurélie tout en
disant que ceux qui jugent les autres manquent de charité chrétienne. De toute
façon, il est évident que la présence de la femme du boulanger est nécessaire pour
le bon fonctionnement du village. Après tout, sa présence ou son absence crée un
dialogue.
L'instituteur entre dans la boulangerie pour annoncer qu'Aurélie arrivera
bientôt. Pagnol se sert de la même technique pour le retour de la boulangère qu'il
a employée pour son départ: on annonce la scène et ensuite on la voit. Cette
répétition sert à accentuer l'importance de la scène à venir et à aiguiser l'appétit du
spectateur.
Comme dans la nouvelle de Giono, Aurélie ne veut pas que les autres la
regardent; l'ironie, évidemment, c'est qu'au cinéma, le public entier verra son
retour. Le curé lui fait de la morale. La didascalie nous fait voir les idées de
l'auteur:
Il y a le cimetière, entouré de hauts cyprès. Contre le tronc d'un
gros cyprès, Aurélie cache son visage. Debout, auprès d'elle, le jeune
prêtre, lentement, et avec une immense pitié, lit la plus belle page
de l'Evangile.54
229
Cette plus belle page, selon Pagnol, est "Que celui de vous qui est sans péché lui
jette la pierre le premier"55. C'est la leçon que Marcel Pagnol montre toujours dans
toutes ses œuvres: le pardon, la tolérance, et la compassion pour les autres afin
que la communauté des êtres humains dure. Dans un article, j'ai développé l'idée
que le monde créé par Marcel Pagnol est un village idéalisé: "Le village où il y a
des échanges de point de vue accompagnés de rires est un monde idéalisé où la
tolérance existe. Dans ce village utopique de Marcel Pagnol, la parole remplace le
désir et la violence, la culture l'emporte sur la nature, et la communauté est
toujours plus importante que l'individu"56.
L'espace public
L'espace du village est contrasté avec le marais, l'espace du couple.
Comme dans les films de Jean Renoir, les encadrements peuvent se lier à l'aspect
théâtral de l'œuvre de Pagnol, mais il y a aussi plusieurs séquences au village qui
commencent quand les acteurs passent par la porte du village; derrière, on voit la
plaine provençale qui entoure le village. Quand les acteurs ont une conversation
en montant la rue principale vers la boulangerie, on voit les maisons des deux
côtés latéraux de l'écran. Quand le boulanger est devant le four, il y a un arc
arrondi qui sépare le fournil du comptoir. Toutes ces limites clairement marquées
sont là pour montrer la contrainte spatiale et les espaces clos qui correspondent
parfaitement au monde clos du village et à une contrainte discursive.57 S'il n'y a
pas d'espace hors champ, c'est que le village est la limite du monde civilisé et le
lieu qui privilégie la parole des hommes. "L'énonciation et l'espace sont donc
étroitement liés, voire interdépendants"58. Ces espaces sont également des espaces
publics; toute conversation dans ces lieux devient donc dialogue commun.
230
Il y aurait donc un lien important entre le réalisme poétique des années
trente et les films de Marcel Pagnol, qui montrent un monde clos où l'évason
semble impossible. Dans ce film, il y a des oppositions visuelles qui montrent l'art
cinématographique de Pagnol; en voici trois exemples: (1) le film commence par
une séquence extérieure et finit par une séquence intérieure, suggérant l'ordre du
foyer retrouvé qui influencera le rétablissement de la collectivité; (2) quand le
boulanger descend dans la cave, l'image est sombre comme l'état d'âme du
boulanger, et quand il remonte à la salle à manger bien éclairée, c'est que sa
femme est retrouvée; (3) l'espace clos du village, l'espace des hommes et du
dialogue, est contrasté à un endroit sauvage où Aurélie et le berger s'enfuient.
Le monde valorisé par Marcel Pagnol est l'espace villageois, où le dialogue
est la colle qui unit les gens de la collectivité. Tous les bons films de Marcel
Pagnol ont trois choses en commun, selon André Bazin: (1) les acteurs, comme
Raimu; (2) le texte; et (3) la Provence. Le régionalisme n'est jamais exploité,
mais plutôt incorporé dans le dialogue et le choix des acteurs.59
Malgré les textes écrits par Jean Giono, en adaptant Jofroi, Angèle et
Regain, Marcel Pagnol s'éloigne de plus en plus des idées de Giono. Jofroi60 est
assez fidèle à la nouvelle, mais:
Pagnol's subsequent adaptations strayed progressively so far from
Giono's original that, after La Femme du boulanger, their legal
differences simply recognized an already existing de facto
separation61
La rupture absolue entre Marcel Pagnol et Jean Giono a lieu à cause de La Femme
du boulanger.
231
Les deux auteurs ont essayé plusieurs fois de collaborer sur les adaptations,
mais leur façon de travailler, leur personnalité, et surtout leurs valeurs étaient si
différentes que la tâche était impossible. Pagnol a interprêté la disassociation de
Giono du scénario comme un vote de confiance en lui, mais Citron cite le Journal
de Giono le 14 décembre 1937 après une visite aux studios: "Trouvé un homme à
bout, vidé, faible, désemparé. Je n'ai rien osé demander de ce qui m'était dû..."62.
Il est logique pour Pagnol de garder le title de la nouvelle de Giono publiée
dans la NRF en 1932, car le personnage du titre est le centre d'intérêt dans le film
de Pagnol. Le titre donné par Giono à cet épisode de Jean le bleu est "Le
Boulanger, le Berger, Aurélie"; ce n'est qu'une liste des trois personnages. Mais
pour Giono, la liberté avec laquelle Pagnol se sert de son texte et de son titre lui
pousse à bout de sa patience.
Selon Caldicott, La Femme du boulanger est "an apparent high point in
Pagnol's cinema career, it announces a certain number of changes"63.
Puisqu'Orane Demazis n'est plus associée aux productions de Pagnol, Raimu
devient le centre du groupe. Raimu incarnera le boulanger qui, chez Giono, est
"un petit homme grêle et roux"64. Lorsque Pagnol écrit ce rôle pour Raimu,
évidemment la personnalité de l'homme changera. Selon Castans, Raimu ajoute
toujours son grain de sel à la mise en scène aussi.65
La Femme du boulanger est le dixième film de Pagnol depuis Jofroi.
Encore une fois et même plus que d'habitude, Pagnol change les idées, la
coloration et le ton de l'anecdote de Giono. Selon Caldicott, "Pagnol is inspired by
a more gentle, gregarious sense of continuity in human relations"66. Au lieu de
filmer La Femme du boulanger dans la Haute-Provence de Giono, Pagnol le filme
232
dans le village du Castellet, près d'Aubagne, et dans ses studios à Marseille. C'est
une confirmation de sa propre vision du monde: "The tendency is always toward
humanization of Giono's lofty, lyric strain..."67.
Les spectateurs reconnaissent les mêmes acteurs que dans La Trilogie
Marseillaise, notamment Raimu qui joue Aimable le boulanger, Charpin qui joue
le Marquis, et Robert Vattier qui joue le curé. Ainsi il y a trois des quatre
personnages de la partie de cartes de la trilogie. Caldicott remarque qu'il est
surprenant que Pagnol garde l'association avec l'œuvre de Giono, car il n'a pas
besoin de le faire.68 Caldicott dit:
La Femme du boulanger is an admirably balanced film which, over
and above the episode from which it takes its title, illustrates some
of the concerns and rivalries of provincial France under the Third
Republic; the Provençal setting brings a large dose of color and
spontaneous mirth to the subject."69
Caldicott a sans doute raison parce qu'en effet, Giono porte plainte contre
Marcel Pagnol à cause de ce film. Dans La Femme du boulanger, Pagnol établit
son petit monde définitivement, et son village est opposé à celui de Jean Giono où
l'homme fait partie de la nature. Dorénavant, la communauté pagnolienne sera
fondée--négativement (dans Manon des Sources) ou positivement (dans Les
Souvenirs d'enfance)--sur le village provençal de La Femme du boulanger. Ce
monde est vivant et plein de personnages divergents qui sont obligés de s'entraider
pour survivre malgré leurs différences. C'est la vision du monde de Marcel
Pagnol; c'est un monde idéalisé où l'humanisme, l'humour et la compassion
règnent.
233
L'individu
La boulangère, tout comme le berger, est le symbole du côté sensuel,
sexuel, et animalier de l'être humain. La femme du boulanger est beaucoup plus
jeune que son mari et par sa beauté, elle menace l'unité et la survie de la
collectivité qui est formée de couples. Les autres femmes du village l'appellent
"une créature"70 parce que leurs maris sont fascinés par elle. Tandis que la plupart
des femmes se trouvent dans l'église ou au foyer, la boulangère s'évade avec le
berger pour exprimer sa sensualité.
Ce couple ne peut pas rester dans le village, espace où la culture domine.
Tous les deux sont exclus du dialogue des villageois. Dominique, le berger,
chante une sérénade en italien pour séduire Aurélie. Aurélie ne prononce que 144
mots71 dans un texte de cent-soixante-cinq pages qui dure deux heures. Ce qui
définit la civilisation et l'appartenance au groupe dans le texte pagnolien est le
dialogue. Celui qui chante en italien et celle qui dit peu de mots sont
nécessairement exclus.
Bien que le nom vienne de l'œuvre de Jean Giono, il est intéressant de
noter le nom de la femme du boulanger. L'homonyme de la première syllabe de
son nom est "or," le métal brillant qui a beaucoup de valeur. Cela fait aussi penser
au proverbe: "La parole est d'argent et le silence est d'or." Aurélie n'a pas la
parole, bien qu'elle attire tous les hommes par son "aura."
Les premiers mots d'Aurélie sont dits hors champ. Cela accentue le fait
qu'elle n'est pas incluse dans ce village provençal où l'ordre patriarcal domine.
Quand on voit les conjoints dans leur chambre, un monologue d'Aimable remplace
234
le dialogue conjugal. Puisque la femme ne se sert pas des paroles, elle n'a que des
actions pour s'exprimer. Comme Marius et Angèle, elle s'enfuit de la collectivité
pour tenter de trouver sa parole. Elle est exclue de tous les dialogues entre
hommes qui mettent en valeur l'échange social du village. D'ailleurs, Aurélie
s'enfuit exactement comme son mari s'enfuira de l'église plus tard dans l'histoire,
en face du monologue du curé. Les monologues dans un texte pagnolien sont
dangereux; il faut ou fuir ou devenir violent.
Le titre du film, comme dans les autres œuvres de Pagnol, montre le centre
d'intérêt. Ici, il est important de noter que c'est son statut de femme du boulanger
qui la définit. Aurélie est nécessaire pour le bon fonctionnement de la
communauté seulement parce qu'Aimable ne peut pas vivre et travailler sans elle.
Sa fuite avec le berger risque de dissoudre la collectivité villageoise parce que le
boulanger ne fera plus de pain si elle n'est pas là.72
La fable
Au début du film, on nous présente Pompon et Pomponnette, les deux chats
du boulanger. Le boulanger explique à ses clients que la chatte est présente sans
être là. La situation parallèle est, évidemment, celle de la femme du boulanger.
Avant de partir avec la boulangère, le berger s'exprime à son chien en lui
disant qu'il comprend maintenant ce qui lui est arrivé l'année dernière et qu'il sait à
présent pourquoi son chien est parti. Il établit un lien entre sa sexualité et celle du
chien. Le désir est donc lié à une force animale et indomptable.
L'histoire de la femme du boulanger est donc liée à celle de la chatte, car le
désir reste inexprimé dans le village et les sentiments eux-mêmes ne peuvent pas
235
se dire sans la distance établie par l'intermédiaire d'un animal. A part le
symbolisme sexuel du mot chat, il y a aussi son association au diable comme
animal familier. La boulangère est une pécheresse.
Dans la séquence la plus célèbre du film, on voit la Pomponnette qui vient
de rentrer à la boulangerie. Le boulanger la regarde et puis il dit tout ce qu'il a sur
le cœur au sujet de sa femme à la chatte. Aimable évite de dire ses sentiments à sa
femme; il lui a fait un pain en forme de cœur, il lui parle comme si elle revenait de
chez sa mère, il lui demande de manger, et il ne mentionne pas ses souffrances
émotionnelles. "Ce n'est qu'à travers la Pomponnette, 'la femme' de son chat
Pompon, qui s'est évadée du foyer trois jours avant la boulangère, qu'il est capable
de dire ce qu'il éprouve"73. Il l'appelle "Garce, salope, ordure"74, et plus il parle,
plus il mélange la métaphore et les pronoms.
Il commence par parler de son "chat de gouttières" et finit par dire "ton
berger de gouttières." Il oppose la beauté du berger à la tendresse. Dans toutes les
œuvres de Pagnol, c'est la tendresse du vieux père qui est valorisée, parce que c'est
celui qui représente la communauté. Le boulanger essaie d'expliquer ses émotions
pour rétablir l'ordre du couple car le village entier dépend de lui. Mais pour parler
de sentiments profonds, il faut qu'il passe indirectement par un animal, parce que,
à la fin du film, comme au début, la femme est toujours exclue du dialogue.
Aurélie participe à la conversation en répondant pour la chatte. Le dialogue n'est
pas direct, mais c'est un commencement.
Quand Aimable lui demande si elle repartira, elle lui dit: "Elle ne repartira
plus"75. Puisque Pompon et Pomponnette sont ensemble ainsi que le boulanger et
236
sa femme, il est possible de rallumer le four. L'union du couple et l'autorité du
mâle sont rétablies.
La communauté présente dans La Femme du boulanger est celle des
œuvres épiques futures de l'auteur: la collectivité de Manon des Sources en est
l'exemple négatif et celle des Souvenirs d'enfance est le monde idéalisé vu par
l'enfant Marcel.
237
1 Raymond Castans, Marcel Pagnol: biographie (Paris: Editions Jean-Claude Lattès, 1987) 323-324.
2 Cité dans Jacques Bens, Pagnol (Paris: Ecrivains de toujours, 1994) 202.
3 Castans, Marcel Pagnol 232.
4 Pierre Leprohon, Présences contemporaines cinéma (Paris: Nouvelles Editions Debresse, 1957) 78.
5 Castans, Marcel Pagnol 240.
6 Voir la discussion des relations entre Pagnol et Giono dans C. E. J. Caldicott, Marcel Pagnol (Boston: Twayne, 1977) 98-108.
7 Voir Pierre Citron, Giono (Paris: Editions du Seuil, 1990) 340. Voir aussi ma discussion dans le troisième chapitre des œuvres écrites par Giono et adaptées par Pagnol.
8 Caldicott, Marcel Pagnol 106-107.
9 Jean Giono, Jean le bleu (Paris: Editions Bernard Grasset, 1932) 148.
10 Marcel Pagnol, La Femme du boulanger (Paris: Editions de Fallois, 1989) 22.
11 Ibid. 23.
12 Ibid. 29.
13 Ibid.
14 Ibid. 35.
15 Ibid. 38.
16 Ginette Vincendeau, "In the Name of the Father: Marcel Pagnol's 'Trilogy' Marius (1931), Fanny (1932), César (1936)." French Film: Texts and Contexts, eds. Susan Hayward and Ginette Vincendeau (London: Routledge, 1990) 20.
17 Pagnol, La Femme du boulanger 41.
18 Ibid. 42.
19 Ibid. 46.
20 Ibid. 47.
21 Ibid. 49.
22 Northrop Frye, Anatomy of Criticism (Princeton: Princeton UP, 1957) 164.
23 Ibid. 169.
24 Vincendeau, French Film 12; "In melodrama two themes are important: the triumph of moral virtue over villainy, and the consequent idealizing of the moral views assumed to be held by the audience." Frye, Anatomy of Criticism 47.
25 Vincendeau, French Film 20.
26 Ibid. 23.
27 Pagnol, La Femme du boulanger 72.
28 Bens, Pagnol 130.
29 Castans, Marcel Pagnol 314-315.
30 Vincendeau, French Film 13.
31 Pagnol, La Femme du boulanger 93.
32 Ibid.
33 Ibid. 101.
34 Ibid.
35 Ibid. 127.
36 Comparer cette situation à celle de L'Ecole des Femmes de Molière où le public est entièrement du côté des jeunes amoureux.
37 Pagnol, La Femme du boulanger 95.
38 Ibid. 96.
39 Ibid. 119.
40 Ibid. 120.
41 Ibid. 129.
42 Ibid. 134.
43 Ibid. 145.
44 Ibid. 148-149.
45 Ibid. 152.
46 Ibid.
47 Giono, Jean le bleu 161.
48 Pagnol, La Femme du boulanger 163.
49 Ibid. 165.
50 Giono, Jean le bleu 163.
51 Ibid. 164.
52 Claude Beylie, Jean Douchet, Paul Giannoli, et Jean-Charles Tacchella, Les Années Pagnol, ed. Pierre Lagnan (Paris: 5 Continents, 1989), 15.
53 Ibid. 111.
54 Pagnol, La Femme du boulanger 174. (J'ai souligné les mots.)
55 Ibid. 175.
56 Paméla Klein, "Le village provençal dans l'œuvre de Marcel Pagnol," Revue Marseille 180, hors série, avril 1997: 33.
57 Michael Issacharoff, Lieux comiques ou le temple de Janus (Paris: José Corti, 1990) 68.
58 Ibid.
59 Cité dans Caldicott, Marcel Pagnol 101: "Le Cas Pagnol," France Observateur, November 19, 1954: 29-30.
60 Voir chapitre 3 de cette thèse.
61 Caldicott, Marcel Pagnol 100.
62 Citron, Giono 340.
63 Caldicott, Marcel Pagnol 105-106.
64 Giono, Jean le bleu 148.
65 Castans, Marcel Pagnol 325.
66 Caldicott: Marcel Pagnol 98.
67 Ibid. 99.
68 Ibid. 107.
69 Ibid. 108.
70 Pagnol, La Femme du boulanger 129.
71 Castans, Marcel Pagnol 314.
72 Comme dans L'Arlésienne par Alphonse Daudet, la vedette est l'héroïne par son absence et par la réaction de celui qui joue le rôle principal.
73 Klein, Revue Marseille 33.