70
Chapitre 5 Analyses et interactions Dans ce chapitre, nous présentons les analyses automatiques effectuées à partir des dispositifs LUCIA et les interactions qui en découlent. Nous débutons par une description des techniques de pro- jection des informations lexicales sur des textes (5.1). Cette projection permet la mise en place d’interfaces de parcours rapide d’ensemble de documents et d’assistance à leur exploration (5.2). Ces interfaces de visualisation et d’interaction sont adaptées aux tâches. Nous avons été amené à étudier les aspects génériques et spécifiques de ces tâches pour mieux les élaborer. La projection des données des dispositifs sur des textes permet la mise en place de processus automatiques. Les interfaces et les calculs sont utilisées pour assister l’usager dans le cadre de l’étude de la métaphore et pour une veille documentaire. Ces travaux font l’objet de deux parties distinctes qui présentent les résultats obtenus et leurs perspectives (5.3 et 5.4). Finalement, dans une dernière partie, nous posons la question de l’évaluation de notre système centré sur l’utilisateur dans l’état actuel de ce travail (5.5). 5.1 Projections des informations lexicales ............................................................. 182 5.2 Visualisation et interaction ............................................................................... 190 5.2.1 Techniques de visualisation interactive ........................................................................190 5.2.2 Interactions génériques et spécifiques ..........................................................................196 5.2.3 Facteurs à prendre en considération .............................................................................207 5.3 Étude de la métaphore ...................................................................................... 210 5.3.1 Première expérience .....................................................................................................211 5.3.2 Observations et résultats ...............................................................................................213 5.3.3 Conclusions et perspectives pour l’étude de la métaphore ...........................................223 5.4 Veille documentaire ........................................................................................... 226 5.4.1 LUCIASearch ...............................................................................................................227 5.4.2 Exemple d’utilisation ...................................................................................................232 5.4.3 Conclusions et perspectives sur le projet de veille documentaire.................................247 5.5 Évaluation .......................................................................................................... 248

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Page 1: Chapitre 5 - revue-texto.net · Chapitre 5 Analyses et interactions Dans ce chapitre, nous présentons les analyses automatiques effectuées à partir des dispositifs LUCIA et les

Chapitre 5

Analyses et interactions

Dans ce chapitre, nous présentons les analyses automatiques effectuées à partir des dispositifs

LUCIA et les interactions qui en découlent. Nous débutons par une description des techniques de pro-

jection des informations lexicales sur des textes (5.1). Cette projection permet la mise en place

d’interfaces de parcours rapide d’ensemble de documents et d’assistance à leur exploration (5.2). Ces

interfaces de visualisation et d’interaction sont adaptées aux tâches. Nous avons été amené à étudier

les aspects génériques et spécifiques de ces tâches pour mieux les élaborer. La projection des données

des dispositifs sur des textes permet la mise en place de processus automatiques. Les interfaces et les

calculs sont utilisées pour assister l’usager dans le cadre de l’étude de la métaphore et pour une veille

documentaire. Ces travaux font l’objet de deux parties distinctes qui présentent les résultats obtenus et

leurs perspectives (5.3 et 5.4). Finalement, dans une dernière partie, nous posons la question de

l’évaluation de notre système centré sur l’utilisateur dans l’état actuel de ce travail (5.5).

5.1 Projections des informations lexicales ............................................................. 182

5.2 Visualisation et interaction ............................................................................... 1905.2.1 Techniques de visualisation interactive ........................................................................1905.2.2 Interactions génériques et spécifiques ..........................................................................1965.2.3 Facteurs à prendre en considération .............................................................................207

5.3 Étude de la métaphore ...................................................................................... 2105.3.1 Première expérience .....................................................................................................2115.3.2 Observations et résultats...............................................................................................2135.3.3 Conclusions et perspectives pour l’étude de la métaphore ...........................................223

5.4 Veille documentaire........................................................................................... 2265.4.1 LUCIASearch...............................................................................................................2275.4.2 Exemple d’utilisation ...................................................................................................2325.4.3 Conclusions et perspectives sur le projet de veille documentaire.................................247

5.5 Évaluation .......................................................................................................... 248

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5.1 Projections des informations lexicales

182

5.1 Projections des informations lexicales

Dans cette partie, nous présentons le travail d’analyse automatique préparatoire aux différen-

tes tâches. Les informations soumises par l’utilisateur sont projetées sur des documents. En l’absence

d’analyse grammaticale ou syntaxique, la recherche des entités lexicales des dispositifs dans les textes

relève d’une technique simple d’appariement qui peut amener certaines imprécisions ou ambiguïtés.

Pour chaque entité lexicale repérée, les informations qui lui sont associées dans les structures LUCIA

sont projetées sur le corpus par une annotation. Cette projection a pour but le repérage automatique ul-

térieur des occurrences et récurrences d’attributs et valeurs d’attributs. Ces phénomènes sont exploités

différemment en fonction de la tâche pour laquelle est utilisée le système. Les détails de cette exploita-

tion sont donc détaillés dans les parties 5.2 (relative à l’utilisation de ces données pour la mise en

place des interfaces de lecture et de visualisation), 5.3 (relative à l’analyse de la métaphore) et 5.4 (re-

lative à l’utilisation de LUCIA pour une tâche de veille documentaire).

Dans le chapitre précédent, nous avons vu que les données construites en interaction avec le

logiciel LUCIABuilder étaient stockées dans différents fichiers au format XML. Il était donc logique,

d’un point de vue technologique, de continuer d’exploiter la technologie JAVA et le langage XML

pour explorer les textes inconnus. La phase préparatoire à l’exploitation des données sur corpus incon-

nu nécessite trois étapes (figure 77).

Figure 77 – Projection des données d’une session LUCIA sur un corpus

Trois étapes successives sont nécessaires pour obtenir, à partir d’un corpus inconnu, une ver-

sion annotée de ce même corpus à l’aide des informations fournies par l’utilisateur.

La première étape consiste à créer un index inversé des entités lexicales et des formes possi-

bles qui leurs sont associées dans le Dict_Lex de la session (figure 78).

Page 3: Chapitre 5 - revue-texto.net · Chapitre 5 Analyses et interactions Dans ce chapitre, nous présentons les analyses automatiques effectuées à partir des dispositifs LUCIA et les

Chapitre 5 Analyses et interactions

183

Extrait du Dict_Lex

<lex id="bdb5638">

<lemme cat="N" >bourrasque</lemme>

<flexion genre="F" nb="S">bourrasque</flexion>

<flexion genre="F" nb="P">bourrasques</flexion>

</lex>

Extrait du Dict_Lex inversé (Dict_Lex_Inv)

bourrasque;bdb5638;

bourrasques;bdb5638;

Figure 78 – Extraits d’un Dict_Lex et Dict_Lex inversé correspondant.

Dans la figure 78, nous voyons que le Dict_Lex inversé (Dict_Lex_Inv) n’est pas au format

XML. En effet, comme le montre le schéma de la figure 77, il ne s’agit que d’un fichier temporaire

pour l’annotation d’un corpus inconnu. Ce fichier n’est pas généré automatiquement à chaque explora-

tion de corpus si les dispositifs de la session n’ont pas été modifiés. Il permet simplement d’accélérer

l’étape suivante en ne parcourant pas le Dict_Lex dans son ensemble. La technique employée permet

d’obtenir un Dict_Lex_Inv de taille inférieure au Dict_Lex qui lui correspond.

La seconde étape consiste à créer un corpus annoté à partir d’un corpus de textes inconnus et

du Dict_Lex_Inv qui vient d’être créé. Cette étape nécessite une segmentation des textes du corpus

effectuée en paragraphes et graphies (des détails seront donnés ultérieurement en fonction des tâches).

Pour chaque texte du corpus, on crée en sortie une version XML du texte segmenté où les entités lexi-

cales présentes dans le Dict_Lex_Inv sont repérées à l’aide d’une balise lexApp (pour entité lexicale

appariée) avec la référence adéquate présente dans l’index inversé comme sur le modèle suivant

(figure 79). Comme nous le verrons dans la partie (5.4) relative à la veille documentaire, des docu-

ments composites (pouvant présenter des images, des animations, etc.) peuvent être analysés en fonc-

tion de ces mêmes principes avec des manipulations supplémentaires.

Texte du corpus brut (Extrait de l’article 1 – corpus « Le Monde sur Cd-Rom »):

La bourrasque monétaire pourrait quand même brouiller une telle appréciation.

Document apparié :

<l>

<t>La</t>

<t>bourrasque<lexApp ref="bdb5638"/></t>

<t>monétaire<lexApp ref="bdm30036"/></t> <t>pourrait</t> <t>quand</t>

<t>même</t> <t>brouiller</t> <t>une</t> <t>telle</t>

<t>appréciation</t><t>.</t>

</l>

Figure 79 – Segmentation et appariement d’entités lexicales.

D’un point de vue technique, la segmentation s’effectue avec un StreamTokenizer – segmen-

teur sur flux de données – sur le modèle de celui utilisé dans MEMLABOR (chapitre 4 - partie 4.2.3).

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5.1 Projections des informations lexicales

184

Ce segmenteur minimal permet de distinguer les éléments séparés par des espaces, des apostrophes et

des signes de ponctuations. Des exceptions peuvent être ajoutées au code comme pour par exemple

aujourd’hui. Les exceptions gérées actuellement par le programme n’ont été testées que pour le fran-

çais.

Si le Dict_Lex_Inv contient plusieurs entrées pour une même forme (par exemple des homo-

graphes), autant de balises de type lexApp sont placées dans le segment correspondant. Le corpus ainsi

modifié est placé dans un fichier avec une extension tok.tmp pour « corpus temporaire tokenisé ». Les

entités lexicales complexes ne sont pas repérées en tant que telles au cours de cette étape (figure 80).

Texte du corpus brut (Extrait de l’article 1 – corpus « Le Monde sur Cd-Rom »):

Quant à Paris, l'humeur était massacrante, en début de semaine, sous les co-

lonnes du palais Brongniart.

Document apparié :

<t>Quant</t> <t>à</t> <t>Paris</t><t>,</t> <t>l'</t><t>humeur</t>

<t>était</t> <t>massacrante</t><t>,</t> <t>en</t>

<t>début<lexApp ref="bdd13660"/></t>

<t>de<lexApp ref="bdd11881"/></t>

<t>semaine</t><t>,</t> <t>sous</t> <t>les</t> <t>colonnes</t>

<t>du<lexApp ref="bdd13323"/><lexApp ref="bdd13324"/></t>

<t>palais<lexApp ref="bdp33078"/></t>

<t>Brongniart<lexApp ref="neo6"/></t><t>.

Figure 80 - Segmentation et appariement d’entités lexicales parties d’entités complexes.

La figure 80 montre que les éléments d’entités lexicales complexes sont tous annotés en fonc-

tion des informations du Dict_Lex_Inv (début, de, palais, Brongniart). Les entités complexes des

dispositifs (en l’occurrence palais Brongniart) ne sont pas repérées en tant que telles à ce stade de la

projection des données des dispositifs.

La troisième étape consiste à projeter l’ensemble des données des dispositifs sur le corpus

pour matérialiser la correspondance entre les graphies repérées et les informations qui leur ont été as-

sociées dans la session. Pour cela, document par document, chaque segment correspondant à une gra-

phie appariée est agrémenté de balises supplémentaires tabApp (pour table appariée) comme sur le

modèle suivant (figure 81).

Page 5: Chapitre 5 - revue-texto.net · Chapitre 5 Analyses et interactions Dans ce chapitre, nous présentons les analyses automatiques effectuées à partir des dispositifs LUCIA et les

Chapitre 5 Analyses et interactions

185

<l> <t>La</t>

<t>bourrasque

<lexApp ref="bdb5638"/>

<tabApp ref="disp_La_météo_tab11" vals=" attr11val0"/>

</t>

<t>monétaire

<lexApp ref="bdm30036"/>

<tabApp ref="disp_La_Bourse_tab3" vals=" attr3val0"/>

</t> <t>pourrait</t> <t>quand</t> <t>même</t> <t>brouiller</t> <t>une</t>

<t>telle</t> <t>appréciation</t><t>.</t> </l>

Figure 81 – Mise en relation des graphies du corpus avec les tables des dispositifs

Les identifiants utilisés au cours de cette annotation sont générés automatiquement par LU-

CIABuilder. Dans l’exemple proposé en figure 81, la session courante comporte deux dispositifs dis-

tincts (repérés par disp_La_météo et disp_La_Bourse). Il s’agit des dispositifs en rapport avec la

bourse et l’économie d’une part, et la météorologie d’autre part, présentés respectivement p.159 et

p.189.

Comme pour l’étape précédente, si une entité est présente dans plusieurs dispositifs de la ses-

sion, autant de balises tabApp que nécessaires sont ajoutées à l’annotation. L’exemple montre une an-

notation simple, ce qui signifie que les attributs correspondants aux entités lexicales repérées sont

uniquement ceux de la table dans laquelle ils apparaissent (attribut vals de la balise tabApp). Il s’agit

des attributs de catégorie, spécifiques aux entités lexicales de la table (ou des tables) à laquelle ils

correspondent. Dans le chapitre précédent, nous avons vu que la présentation en table du modèle

n’était qu’une représentation possible et que de simples associations entités/attibuts-valeurs étaient

identiques d’un point de vue computationnel. Comme nous allons le voir en particulier dans la partie

5.2, il est intéressant de distinguer les attributs participant à la caractérisation de la catégorie représen-

tée par la table dans laquelle apparaît une entité (les attributs de catégorie) des attributs associés à cette

entité par le truchement des liens de sous-catégorisation (les attributs hérités). Il est ainsi possible de

procéder à une annotation analogue à celle proposée en figure 81 enrichie cette fois des attri-

buts/valeurs hérités. La figure 82 montre les modifications induites par cet enrichissement.

Page 6: Chapitre 5 - revue-texto.net · Chapitre 5 Analyses et interactions Dans ce chapitre, nous présentons les analyses automatiques effectuées à partir des dispositifs LUCIA et les

5.1 Projections des informations lexicales

186

<l>

<t>La</t>

<t>bourrasque

<lexApp ref="bdb5638"/>

<tabApp ref="disp_La_météo_tab11" vals="attr11val0" herit=""/>

</t>

<t>monétaire

<lexApp ref="bdm30036"/>

<tabApp ref="disp_La_Bourse_reg3" vals="attr3val0" herit="attr2val0

attr1val1 "/>

</t>

<t>pourrait</t> <t>quand</t> <t>même</t> <t>brouiller</t> <t>une</t>

<t>telle</t> <t>appréciation</t><t>.</t>

</l>

Figure 82 – Mise en relation des graphies du corpus avec les attributs de catégorie et les attributs hérités correspondants.

Texte du corpus brut (Extrait de l’article 557 – corpus « Le Monde sur Cd-Rom »):

(…) il y a deux ans, n'en menait pas large en début de séance.

Document apparié :

<t>il</t> <t>y</t> <t>a</t> <t>deux</t> <t>ans</t><t>,</t> <t>n'</t><t>en</t>

<t>menait</t> <t>pas</t> <t>large</t> <t>en</t>

<t>début<lexApp ref="bdd13660"/><tabApp ref="disp_La_Bourse_reg9"

vals=" attr9val1" clexPos="1" clexSize="3" herit="attr2val3 attr1val1 "/>

</t>

<t>de<lexApp ref="bdd11881"/><tabApp ref="disp_La_Bourse_reg9"

vals=" attr9val1" clexPos="2" clexSize="3" herit="attr2val3 attr1val1 "/>

</t>

<t>séance<lexApp ref="bds45019"/><tabApp ref="disp_La_Bourse_reg9"

vals=" attr9val1" clexPos="3" clexSize="3" herit="attr2val3 attr1val1 "/>

</t><t>.</t>

Figure 83 - Mise en relation des graphies du corpus avec les attributs de catégorie et les attributs hérités correspondants : cas des entités complexes.

La figure 83 montre la technique d’annotation employée pour les entités complexes, celles qui

sont composées de plusieurs mots. À la balise tabApp, sont ajoutées deux balises clexPos et clex-

Size qui correspondent respectivement à la position de l’entité en question dans l’entité complexe et

au nombre total d’entités composant l’entité complexe. L’heuristique considérée est celle qui tend à

favoriser les chaînes syntagmatiques les plus longues, celles qui correspondent à des entités lexicales

complexes, même si elles sont composées au moins d’une entité simple présente dans les dispositifs de

la session. Ainsi, séance et début de séance ont été distinguées dans le dispositif en rapport avec la

bourse : la figure 83 montre que dans l’extrait annoté, c’est début de séance qui a été retenu.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

187

Certaines ambiguïtés peuvent apparaître dès la constitution du Dict_Lex_Inv. Par exemple,

des graphies telles que analyses sont associées aussi bien au pluriel du substantif analyse qu’à la forme

de la deuxième personne du présent du verbe analyser. Souvent, ces cas concernent plusieurs entités

lexicales présentes une même ligne d’une même table (nous avons déjà abordé le fait qu’il est possible

de tendre vers une approche morphémique pour les lignes des tables p.73). Ils ne posent donc pas de

problème lors de la projection des informations sur les textes et les phases de calcul. Pour d’autres cas,

en l’absence d’analyse grammaticale, les deux formes sont annotées dans les textes et amènent donc à

des rapprochements erronés par rapport aux informations des dispositifs. Ces erreurs peuvent être re-

pérées par l’utilisation des interfaces de visualisation. Si elles sont sources de problèmes conséquents

pour la tâche, on peut y remédier soit en modifiant la structuration des dispositifs de la session, soit en

modifiant les informations contenues dans le Dict_Lex (nous avons vu à travers la présentation de

LUCIABuilder que cette fonctionnalité était permise par le programme). Si la deuxième solution per-

met de réduire le nombre d’erreurs, elle ne les règle pas toutes. Par exemple, supprimer analyses des

formes possibles du verbe analyser ne permet plus de faire correspondre ces deux formes. C’est le

processus itératif d’utilisation du système qui permet d’évaluer qu’elle est la forme la plus redondante

et donc la plus intéressante à prendre en considération.

Les ambiguïtés peuvent concerner deux entités lexicales décrites dans deux éléments LUCIA

différents (ligne, table, dispositif). Il est possible par exemple de catégoriser courbe parmi les objets

permettant l’analyse aussi bien de phénomènes boursiers que de phénomènes météorologiques. Dans

ces cas limites, l’usager est devant les deux mêmes choix précédents : soit il supprime l’entité de l’un

ou l’autre des dispositifs de la session, soit il fait perdurer l’ambiguïté si elle n’amène pas des erreurs

suffisamment gênantes lors des analyses automatiques. C’est une nouvelle fois le processus itératif qui

permet d’assister le choix de la meilleur solution pour ces problèmes. Nous avions lors de premières

expériences associé temps à un dispositif en rapport avec « la météorologie et le temps qu’il fait ».

L’analyse des premières projections à l’aide des outils de visualisation (c.f. 5.2) nous ont alors montré

que la majorité des utilisations de temps avait trait au temps qui passe plutôt qu’au temps qu’il fait.

Cette entité n’apparaissait donc pas pertinente pour le dispositif en question et a été supprimée. D’une

manière générale, les choix qui relèvent de la sémantique légère amènent à rencontrer des ambiguïtés

sémantiques et syntaxiques qui pourraient être levées avec des quantités de données très importantes

et/ou des analyses spécifiques. Deux raisons nous ont amenés finalement à ne pas prendre en considé-

ration ces phénomènes : l’interaction avec l’utilisateur et le calcul sur la récurrence. L’interaction

permet de montrer les erreurs du calcul à l’utilisateur qui peut choisir d’y remédier si celles-ci gênent

véritablement le bon déroulement de la tâche. Au moins deux façons d’y remédier sont possibles : res-

tructurer les données dans les dispositifs ou revoir les informations des dict_lex. Le calcul sur la ré-

currence permet de prendre principalement en considération les phénomènes redondants, les

récurrences d’attributs et valeurs/attributs, les récurrences d’entités lexicales dans les textes. Si une en-

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5.1 Projections des informations lexicales

188

tité est très présente et a été associée à un domaine où elle n’apparaît finalement pas à sa place, elle

peut en être ôtée. Si une entité est peu présente et que les rapprochements des processus automatiques

sont en partie erronés, alors ces erreurs peuvent perdurer et être considérée comme telles au cas par cas

lors de l’utilisation.

Une fois les textes annotés avec les données issues des dispositifs, ces informations sont ex-

ploitées différemment selon la tâche en cours. Dans la partie suivante, nous verrons qu’elles sont utili-

sées pour la mise en place d’une interface de visualisation et d’interaction spécifique aux tâches pour

lesquelles le système est employé.

Page 9: Chapitre 5 - revue-texto.net · Chapitre 5 Analyses et interactions Dans ce chapitre, nous présentons les analyses automatiques effectuées à partir des dispositifs LUCIA et les

Chapitre 5 Analyses et interactions

189

Figure 84 – Dispositif « Bourse et économie ».

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5.2 Visualisation et interaction

190

5.2 Visualisation et interaction

Dans cette partie nous présentons les moyens utilisés pour présenter les résultats des analyses

à l’utilisateur, lui permettre de les exploiter au mieux et assister l’évaluation de leur adéquation avec

ses attentes par rapport à la tâche en cours. L’évaluation en question concerne également celle des res-

sources dans le cycle itératif d’utilisation du système.

Cette partie débute par un rapide état de l’art des techniques de visualisation et d’interaction

pour des données textuelles (5.2.1). Nous proposons ensuite une présentation comparée des deux ap-

plications mettant en œuvre les traitements automatiques qui seront présentés spécifiquement dans les

parties suivantes de ce chapitre. Il est important de noter que si les principes mis en jeu pour l’étude de

la métaphore sont destinés à des experts du modèle, nos solutions quant à la veille documentaire peu-

vent être utilisées par un usager novice. C’est également le cas pour la plupart des autres tâches que le

système peut assister (c.f. chapitre 4 - partie 4.1.4). Dans les deux cas, les applications doivent être en

mesure de fournir des résultats facilement interprétables et rapidement exploitables. Une étude de ces

contraintes communes permet de cerner les représentations visuelles et les interactions à mettre en

œuvre dans les outils qui instrumentent LUCIA [Ferrari et Perlerin, 2004]. Nous devons ainsi préciser

les besoins relatifs à la navigation dans une collection de documents et d’autres corrélés à la représen-

tation à différentes échelles d’un même document pour un repérage rapide de parties intéressantes ou

une analyse approfondie (5.2.2). Finalement, nous analysons le caractère générique de ces besoins et

leur dépendance éventuelle vis-à-vis du modèle, de la tâche et de l’utilisateur pour mieux évaluer la

généricité de nos propositions (5.2.3). Les travaux exposés dans cette partie ont fait l’objet de plu-

sieurs publications [Perlerin et Ferrari, 2003*] et [Ferrari et Perlerin, 2004*] et ont donné lieu à plu-

sieurs projets de DESS117 dont [Taillepied, 2004] et [Hubert, 2003].

5.2.1 Techniques de visualisation interactive

La visualisation de documents numériques dépasse largement la problématique du TAL. Par

exemple, une majorité des systèmes d’exploitation actuels proposent par défaut la métaphore d’un bu-

reau avec une arborescence de dossiers et sous-dossiers pour accéder aux documents électroniques sur

les machines. Ce type de présentation s’avère souvent difficile à manipuler pour des tâches nécessitant

l’exploration de grandes quantités de données. Les modules de recherche sont souvent sollicités pour

retrouver un document à partir du nom du fichier correspondant ou simplement en fonction d’une

chaîne de caractères que l’on sait présente dans le document recherché (par exemple les fonctions

find ou locate du système Linux). Ici les manques des biais de visualisation sont palliés par des

117 DESS RADI, Réseaux, Applications Documentaires et Images, département d’informatique de l’université de Caen.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

191

moyens d’interaction minimaux. Cependant de nombreuses autres solutions de visualisation et

d’interaction avec des ensembles de documents existent.

Parmi les travaux les plus représentatifs de la visualisation et l’interaction avec des docu-

ments, on trouve le Document Lens [Mackinlay et Robertson, 1993]. Le système propose une vision en

perspective déformante de documents textuels voisins et permet de situer un document dans un en-

semble comme on peut le faire avec un support papier (à gauche sur la figure 85). Certaines solutions

nécessitent en outre des appareillages complexes. C’est le cas par exemple du Stereoscopic Field Ana-

lyser [Ebert et al., 1996] qui s’inspire de la réalité virtuelle. À l’aide de lunettes et de capteurs électro-

niques, on peut évoluer dans un espace documentaire représenté en trois dimensions (à droite sur la

figure 85)

Figure 85 - Systèmes Document Lens, et SFAd’après [Mackinlay et Robertson, 1993*] et [Ebert et al., 1996*].

Lorsque les documents peuvent être placés dans des structures hiérarchiques (d’un thème gé-

néral à un ensemble de sous-thèmes, d’un chapitre à ses paragraphes, d’un dossier à ses sous-dossiers,

etc.), la structure arborescente de la hiérarchie peut être exploitée de multiples façons pour la

visualisation de l’ensemble. Avec de telles configurations, on peut bien entendu n’envisager que la

représentation en arbre à l’aide par exemple de simples Java Swing JTree components. On peut

également élaborer des solutions plus complexes du type Space Tree [Grosjean et al., 2002] où l’arbre

représenté se déplie dynamiquement avec des fonctions de recherche et de filtrage (à gauche sur la

figure 86). Les Tree-Maps [Johnson et Schneiderman, 1991] s’inspirent des techniques de

représentations des graphes pour offrir la possibilité de transformer une arborescence sous la forme de

rectangles contigus (à droite sur la figure 86). Le principe est d'affecter à chaque nœud de l’arbre

correspondant une valeur numérique représentative de la taille ou de la complexité du sous-arbre

enraciné à ce nœud. D’autres techniques du même type exploitent des représentations en trois

dimensions avec des pyramides [Beaudoin et al., 1996], des plans, des cubes, etc.

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5.2 Visualisation et interaction

192

Figure 86 – Systèmes Tree-Maps et Space Tree d’après [Johnson et Schneiderman, 1991*] et [Grosjean et al., 2002*].

Dans le cadre de la recherche documentaire, l’exemple le plus connu reste les TileBars de

Hearst [Hearst, 1995]. À la suite d’une requête, un ensemble de rectangles correspondant chacun à un

document jugé pertinent par le système est soumis à l’utilisateur. Dans ces rectangles quadrillés, cha-

que ligne correspond à un mot-clef de la requête et chaque colonne est grisée proportionnellement à la

fréquence du mot-clef au sein du segment de document qui lui est associé (figure 87).

Figure 87 – TileBars d’après [Hearst, 1995*].

Le principe de la cartographie est utilisé pour représenter des ensembles de documents et met-

tre en évidence des proximités et des liens entre documents. Le métamoteur de recherche Kartoo118

présente ainsi les résultats d’une requête sous la forme d’une carte reliant entre eux les sites en fonc-

tion des mots les plus fréquents qui leur sont communs (à droite figure 88). Un principe analogue est

exploité par le métamoteur MapStan119 (à gauche figure 88).

118 http://www.kartoo.com119 http://search.mapstan.net/

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Chapitre 5 Analyses et interactions

193

Dans [Shneiderman, 1996], l’auteur décrit et compare plusieurs méthodes de visualisation de

corpus de documents textuels à l’aide d’expérimentations avec des utilisateurs. Les conclusions de

l’étude montrent que la représentation en deux dimensions nécessite des efforts moins importants que

celle en trois dimensions mais l’absence de tâches véritables à évaluer limite les autres résultats de

l’étude. D’une manière générale, l’évaluation de telles méthodes ne peut s’effectuer au final qu’en

confrontant les applications à des utilisateurs comme dans [Cribbin et Chen, 2001] et [Cockburn et

McKenzie, 2002]. Nous pensons également qu’une véritable tâche impliquant ces utilisateurs doit en-

trer en jeu comme l’a montré, dans un autre champ d’étude, l’expérience décrite dans le chapitre 3..

Figure 88 –Aperçu des résultats de Kartoo et Mapstan pour la requête « caviar ».

Au niveau du document ou du texte, les solutions sont nombreuses pour par exemple permet-

tre la visualisation de relations de similarité entre parties ou fragments. Dans [Salton et al., 1995*], on

propose ainsi de projeter la représentation 2D d’un texte sur le périmètre d’un cercle et d’en relier les

passages calculés comme similaires au moyen de segments (à gauche sur la figure 89). Jacquemin et

Jardino [Jacquemin et Jardino, 2002*] s’inspirent de ces travaux avec 3D-XV un logiciel interactif de

visualisation de documents volumineux encodés dans le format de DTD docbook (format XML) par

une technique de projection et de coloration permettant la mise en valeur de passages relevant d’une

thématique particulière (à droite sur la figure 89). L’interaction passe par le choix de détails de la re-

présentation, des zooms et une présentation conjointe de la représentation en trois dimensions et du

texte correspondant avec des parties coloriées. La coloration d’une partie du texte figure la présence

majoritaire d’un thème donné.

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5.2 Visualisation et interaction

194

Figure 89 – Représentation de similarité entre paragraphes d’un texte d’après[Salton et al., 1995] et 3D-XV d’après [Jacquemin et Jardino, 2002]

L’intérêt grandissant pour les travaux sur corpus a fait croître les besoins de techniques de vi-

sualisations spécifiques pour le TAL. Les nombreux logiciels dédiés à l’analyse de données textuelles,

comme par exemple les logiciels HYPERBASE d’Etienne Brunet120, LEXICO3 de l’équipe CLA2T de

l’université Paris III121 ou encore LEXICA de la société Le Sphinx122 proposent ainsi tous des biais de

visualisation de résultats d’analyses sur corpus dépassant les simples listes textuelles. On trouve dans

ces programmes informatiques des projections en Analyse de Composantes Principales (ACP), des

courbes, des graphiques en secteurs, etc. Certains de ces logiciels utilisent également la couleur pour

mettre en évidence des termes dans les documents pour faciliter l’étude de leurs distributions (c’est le

cas par exemple de TROPES de la société Acetic123 ou ALCESTE de la société Image124). Beaucoup

de ces systèmes permettent une interaction avec l’utilisateur pour par exemple changer des paramètres

de configuration comme les couleurs, ou un déplacement de focus sur les données visualisées (naviga-

tion, zoom, …). Notons enfin que LUCIA est à l’origine du projet ProxyDocs de Roy [Roy, 2004]

qui utilise une représentation cartographique d’ensemble de documents classés thématiquement et dont

les thèmes sont décrits par les techniques de LUCIA.

Les travaux en visualisation sont basés sur l’imagination des concepteurs et sur des considéra-

tions relevant de l’ergonomie, de la psychologie cognitive. Les solutions proposées ont longtemps été

très gourmandes en ressources logicielles et très onéreuses en temps et coût humain. L’apparition et la

démocratisation de techniques légères comme le dessin et les animations vectorielles (en Flash ou avec

120 http://ancilla.unice.fr/~brunet/pub/hyperbase.html121 http://www.cavi.univ-paris3.fr/ilpga/ilpga/tal/lexicowww/lexico3.htm122 http://www.lesphinx-developpement.fr/123 http://www.acetic.fr/tropesfr.htm124 http://www.image.cict.fr/Index_Alceste.htm

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Chapitre 5 Analyses et interactions

195

SVG), les fonctionnalités graphiques de langage comme Java ou les transformations XML à partir de

feuilles XLST ont considérablement amélioré cet état de fait.

Les techniques de visualisation d’ensembles documentaires sont un sujet d’intérêt de nom-

breux chercheurs et firmes productrices de logiciels car la représentation des données est un facteur

essentiel du point de vue de la personnalisation des services. Dans une perspective humaine, la présen-

tation des données et les interactions proposées affectent l’utilisation d’une solution logicielle. Il est

maintenant admis qu’une véritable personnalisation implique que l’usager puisse non seulement adap-

ter ses données (ce qui est permis par l’utilisation de LUCIABuilder) mais aussi avoir accès à des biais

de visualisation et d’interaction spécifiques avec les résultats automatiques [Vassiliou et al., 2002]. La

spécificité des représentations doit donc être préalablement étudiée relativement à l’utilisateur et à la

tâche. Nous verrons dans les parties suivantes que dans un cadre de TAL, la dépendance des représen-

tations doit être également étudiée relativement au modèle utilisé et au type de matériau manipulé.

La visualisation, en tant que représentation personnalisée des données implique à parts égales

les facteurs humains et technologiques [Pednault, 2000]. Du point de vue technologique, des structures

de données adéquates sont nécessaires. Les moyens techniques doivent correspondre au type de public

concerné ; il semble, par exemple, illusoire de vouloir proposer un appareillage de type lunettes 3D

pour visualiser les résultats d’un moteur de recherche de l’Internet. Du point de vue humain, le sys-

tème doit avoir été conçu relativement aux souhaits qui régissent la tâche courante. Dans le domaine

des services commerciaux de l’Internet, Pednault [ibid.] propose un ensemble de recommandations

pour qu’une représentation personnalisée de données soit efficace. Nous les adaptons ici à notre pro-

blématique :

- Il faut être simple et flexible. Il faut représenter seulement ce qui est nécessaire à l’usager pour

résoudre ou assister sa tâche. Il faut éviter les présentations trop restrictives ou trop précises

qui peuvent être caduques ou inutilisables. Nous voyons ici poindre la notion de palier (ou

échelle) de présentation.

- La représentation doit être riche et fluide. La fluidité fait ici référence à la valeur ajoutée ap-

portée par l’interface. La richesse de la représentation est corrélée à l’interprétabilité des in-

formations qui y sont présentées. Le rapport entre les données fournies et celles qui

apparaissent dans les résultats doit être facilement mis en relation par l’utilisateur. Il faut per-

mettre une compréhension optimale des raisonnements effectués à partir des données (nous

parlons ici des « rapprochements » effectués par nos logiciels).

Dans les parties suivantes, nous présentons les solutions logicielles que nous avons élaborées

en fonction de l'étude des facteurs à prendre en considération pour chacune des applications (étude

d’un fait de langue et veille documentaire) et des tâches à satisfaire (visualisation d’ensemble de do-

cuments, assistance à l’exploration d’un document, etc.).

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5.2 Visualisation et interaction

196

5.2.2 Interactions génériques et spécifiques

Nous avons vu en détail dans le chapitre précédent comment pouvait être utilisé LUCIABuil-

der dans deux cas : l’étude d’un fait de langue et une veille documentaire. Ces deux cadres

d’utilisation s’adressent à des types d’utilisateurs distincts. Ils présentent cependant une tâche centrale

commune : la constitution des ressources. Pour présenter les résultats d’analyse en fonction des spéci-

ficités des tâches, nous proposons de préciser quelles sont celles qui sont génériques aux deux applica-

tions.

Dans le cadre d’une veille documentaire, l’efficacité du système ne se limite pas à la qualité

des résultats automatiques. La qualité de l’interaction entre l’utilisateur et ces résultats y contribue en

grande partie puisque c’est l’usager qui a au final le dernier mot. Les besoins d’interaction sont donc

centrés autour des deux situations suivantes :

- la navigation dans une collection de documents analysés pour un repérage rapide des docu-

ments les plus pertinents (ou les plus susceptibles de l’être) ;

- l’identification et la lecture assistée des zones de texte pertinentes dans ces documents.

Dans le cadre du projet d’étude de la métaphore conceptuelle, destiné à des spécialistes de la

langue et du modèle, les besoins d’interactions sont également centrés autour de la double situation

précédente :

- la navigation dans la collection d’articles pour repérer ceux pouvant contenir des emplois de la

métaphore étudiée ;

- l’identification et l’analyse détaillées des zones de texte pertinentes dans les articles.

En faisant le parallèle entre ces deux applications, nous montrerons dans la suite de cette sec-

tion les principes communs et les spécificités de ces deux phases d’interaction. La spécification des

aspects génériques aux deux tâches nous permet de dégager deux paliers de présentation : celui de

l’ensemble de documents et celui du document lui-même. Pour le premier, nous parlerons de vue ma-

croscopique et pour le second de vue microscopique.

5.2.2.1 Parcours du corpus : vue macroscopique

Dans les deux applications, une collection de documents existe, et l’utilisateur doit naviguer

dans cette collection pour y repérer les documents qui l’intéressent le plus. Cet aspect apporte donc

une dimension générique aux interfaces proposées. La présentation de tous les documents est une

fonctionnalité générique, mais dans cette collection, la représentation de chaque document doit différer

selon l’application car les critères de sélection d’un document au sein de l’ensemble ne sont pas iden-

tiques.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

197

Pour l’étude sur la métaphore

Pour l’étude de la métaphore conventionnelle météorologie boursière, deux dispositifs sont

construits : l’un correspondant à la bourse, l’autre à la météo. Chacune des entités lexicales de ces dis-

positifs est repérée automatiquement au sein des documents du corpus. Pour étudier le phénomène, la

première tâche est de naviguer dans le corpus et d’y repérer les documents susceptibles de receler un

emploi métaphorique attendu, c’est-à-dire des documents où au moins une entité lexicale en rapport

avec la météorologie apparaît. Pour faciliter ce repérage, nous utilisons une interface regroupant

l’ensemble des documents traités par les modules de projection des informations de la session (figure

90). Chaque document y est représenté sous la forme d’un graphique en histogrammes. Chaque barre

d’un histogramme correspond à une table d’un dispositif. Elle hérite de la couleur associée à cette ta-

ble dans LUCIABUILDER. Sa hauteur est proportionnelle au nombre d’entités lexicales du document

qui apparaissent dans cette table. Un lien hypertexte permet enfin d’accéder au document représenté

par le graphique. Lorsque des barres de la couleur dominante du domaine source sont repérées, une

observation poussée de l’histogramme permet d’évaluer plus finement le lexique employé dans le do-

cument : le passage de la souris sur l’une des barres déclenche l’affichage du nom de la table associée

et du nombre d’entités lexicales décrites dans cette table et repérées dans le document (figure 90). Le

diagramme contient aussi un rappel des noms des dispositifs, le nombre de lexies trouvées pour cha-

cun d’entre eux, ainsi qu’un lien vers le document analysé.

Figure 90 - Visualisation du corpus analysé pour le projet IsoMeta

L’ensemble des histogrammes est représenté au sein d’une même page HTML qui offre ainsi

une vision d’ensemble du corpus traité, une vue macroscopique sur les documents du corpus. Cette

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5.2 Visualisation et interaction

198

présentation est très simpliste : les documents sont ordonnés selon leur place dans la collection initiale.

On peut cependant ne faire apparaître que les documents qui présentent au moins une entité lexicale

présente dans le dispositif en rapport avec la météorologie pour faciliter le repérage à ce stade de

l’étude. Un mécanisme de filtrage et d’ordonnancement est également proposé en fonction des propo-

sitions de la partie 5.4. Ce qui est véritablement intéressant ici est la manière dont la représentation

d’un document dans cette collection est adaptée à l’utilisateur et à la tâche. Les informations présentes

dans les histogrammes sont très précises au regard du modèle de structuration lexicale utilisé. Elles

nécessitent une bonne appréhension de ce modèle de la part de l’utilisateur. Le choix de couleurs do-

minantes opposées pour les deux domaines facilitent le repérage rapide des articles intéressants (la mé-

téorologie apparaît en nuances de vert et la bourse en nuances de rouge dans la figure 90). Un tel choix

n’est pas inhérent au modèle, il est conseillé lorsqu’il y a plusieurs dispositifs. De façon identique, il

est préconisé d’utiliser le dégradé d’une même couleur en présence d’un seul dispositif. Notons enfin

que la taille des barres n’est pas relativisée car la collection est constituée de textes de tailles compara-

bles. Cet aspect introduit une dépendance de nos représentations au matériau traité, indépendante du

modèle et de l’utilisateur.

Cette interface de visualisation s’appuie sur les langages HTML et CSS et les feuilles de

transformation XSLT à partir du corpus au format XML. Elle fonctionne avec IExplorer5.0 et JDK1.4

(et les versions ultérieures de ces gratuiciels). Le format des documents manipulables par nos modules

est le format TXT (ou HTML en utilisant la transformation HTMLtoTXT proposée dans MEMLA-

BOR – c.f. 4.2.3).

Pour la veille documentaire

Dans le cadre de la veille documentaire, les analyses peuvent être effectuées par le module

LUCIASearch pour filtrer et ordonnancer les résultats obtenus de moteurs de recherche (ce module est

présenté en 5.4.1). Au niveau des représentations proposées et par rapport à la tâche précédente, des

différences majeures apparaissent :

- l’intérêt n’est plus simplement de repérer des entités d’un dispositif dans un document mais de

pouvoir rapidement en évaluer l’importance relative ;

- le corpus est beaucoup moins homogène en genre, en taille, etc. ;

- les descriptions des ressources peuvent être moins complexes que précédemment (l’utilisateur

n’est plus nécessaire un expert de la langue ou du modèle).

Pour faciliter la navigation dans les listes de résultats, nous proposons en conséquence une re-

présentation schématique du document qui conserve son aspect visuel global, et intègre une coloration

des parties de texte correspondant aux thèmes attendus par l’utilisateur. Les parties colorées des zones

de textes sont proportionnelles aux nombres de récurrences d’attributs que l’on y trouve. C’est la cou-

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Chapitre 5 Analyses et interactions

199

leur de la table majoritairement représentée comme support de récurrences qui est utilisée. En cas

d’égalité, c’est la couleur de la table majoritaire où apparaît l’attribut mis en jeu dans la récurrence qui

est représentée. À l’aide de ce schéma, nous proposons de visualiser de façon schématique la propor-

tion des récurrences relativement aux parties des documents et non au document dans son ensemble -

nous nous inspirons en cela des TileBars (c.f. p.192). Les récurrences sont ici considérées par rapport

au thème auquel elles peuvent correspondre, par rapport aux attributs des tables des dispositifs. La re-

présentation schématique a pour but de conserver l’aspect visuel du document, elle intègre les images

et la mise en forme d’origine. L’aspect visuel global des documents est important à présenter car il

permet le repérage rapide des invariants aspectuels d’un site ou d’un genre textuel dans un format nu-

mérique. Par exemple, un article de journal sur l’Internet est souvent présenté dans un document où

apparaissent un menu de navigation (celui permettant de naviguer dans le numéro ou les archives du

journal en question), des photos (pour illustrer l’article) voir des noms de rubriques, des publicités à

des places définies (en haut et/ou à droite) etc. (figure 91)

Figure 91 - Visualisation d’un document pour la veille documentaire:

à gauche un article du journal Libération (format HTML), à droite la représentation schématique SVGproduite automatiquement avec coloriage de certaines parties du texte.

Les représentations SVG des documents sont obtenues d’un module en Java appelé

HTMLtoSVG. Elle exploite le format SVG pour permettre certaines interactions intéressantes comme

le zoom intégré au langage. L’utilisation de SVG nous permettra également par la suite d’intégrer des

hyperliens vers les parties intéressantes des documents.

Après avoir corrigé les éventuelles erreurs du code HTML (avec JTidy c.f. note 93, p.131), les

structures remarquables du document sont répertoriées et analysées. Il s’agit de repérer les zones de

texte qui seront analysées et celles qui ne seront qu’affichées dans la représentation. Les zones qui ne

seront pas analysées sont celles qui correspondent :

- aux images et aux animations (type Flash, Shokewave…) qui illustrent le document ;

- aux index ou tables des matières qui permettent la navigation intra-site ou vers d’autres sites ;

- aux bandeaux publicitaires.

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5.2 Visualisation et interaction

200

Le repérage des zones de textes, des images et des animations s’effectue par l’analyse (par-

sing) du code HTML : la syntaxe des balises d’insertion de ces éléments est dûment définie pour ce

langage. Pour les zones de navigation et les publicités, des techniques spécifiques ont été élaborées sur

les principes suivants.

Les zones de navigation sont généralement placées à l’intérieur de tables qui contiennent ma-

joritairement des hyperliens. Leur repérage relève d’un calcul sur le nombre de liens présents dans la

table. Plusieurs méthodes ont été expérimentées :

- Si le nombre de liens est supérieur au nombre d’éléments qui ne présentent pas de liens, la ta-

ble est considérée comme une zone de navigation. Cette méthode s’avère fiable mais la satis-

faction que l’on obtient des résultats décroît fortement lorsque les zones analysées présentent

par exemple plusieurs liens de petites tailles (un simple mot par exemple) et un seul grand pa-

ragraphe de texte dans la même zone (de l’ordre de plusieurs lignes).

- Si la zone analysée est un nœud ayant beaucoup de fils dans le graphe web incluant le docu-

ment, alors elle correspond à une zone de navigation. Cette technique est fiable mais elle sup-

pose la mise en place de la création du graphe web du document et donc du site où il apparaît.

Les calculs nécessaires sont donc très importants.

- Si le nombre de liens de la table par rapport au nombre total d’éléments qui y sont présents est

supérieur à un certain seuil, la table est considérée comme une zone de navigation.

L’inconvénient de cette méthode est bien entendu la détermination de la valeur du seuil. Ce-

pendant cette solution est simple et s’avère fiable pour beaucoup des sites analysés. C’est celle

que nous avons mise en place pour la création des représentations des documents en SVG. Du

point de vue technique, on parcourt le contenu de la zone à analyser et l’on calcule la grandeur

cumulée en nombre de caractères des textes des hyperliens. Si les hyperliens sont des images,

c’est la taille des images qui est calculée. Si le nombre de caractères ou la hauteur cumulée des

images de la zone est supérieure à la moitié du nombre de caractères ou de la hauteur totale de

la zone, alors cette zone est considérée comme une zone de navigation.

Dans les représentations SVG, les zones de navigation sont coloriées par défaut en jaune. La

couleur est bien sûr modifiable pour ne pas entrer en conflit avec les couleurs utilisées dans les dispo-

sitifs.

Le repérage des zones publicitaires est délicat. Celles-ci peuvent être de tailles différentes, à

des endroits épars et encodées de façons multiples. Elles peuvent correspondre à de simples images, à

des frames, à des scripts d’animation, etc. Il existe déjà un certain nombre de solutions pour la détec-

tion de publicités dans des documents de l’Internet. Par exemple, le BannerFilter125 d’Andy Lyttle

125 http://freshmeat.net/projects/bannerfilter/

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Chapitre 5 Analyses et interactions

201

compare la taille de la zone analysée avec des tailles de zones qui correspondent couramment à des

publicités (120x600, 350x80 pixels, etc.). Cette solution est approximative car les e-commerçants qui

connaissent l’astuce proposent de plus en plus des zones publicitaires de tailles variables. De plus,

cette méthode entraîne une perte possible d’images ou de parties de texte lorsque le site utilise des zo-

nes de ces tailles pour du texte. Une solution plus efficace consiste à analyser le texte des hyperliens,

le texte des éventuels messages contextuels associés aux images de la zone (balise alt) et les adresses

des hyperliens. Les zones publicitaires contiennent en effet souvent des mots-clefs du type ads, pub,

advertisement, banner, etc. Elle permettent également souvent une navigation via des services de

comptage de clics comme doubleclick.net, makemoney.com, hyperbanner.net, etc. Le repérage de ces

chaînes de caractères amène à caractériser les publicités. Cette méthode est satisfaisante mais présente

quelques désavantages. D’une part, la liste des mots clefs ou des services possibles doit être réguliè-

rement mise à jour ; certaines zones peuvent parfois échapper à l’analyse. En outre, l’utilisation de

simples mots-clefs présente toujours les mêmes problèmes : en l’absence de règles exhaustives ou

d’une interprétation humaine, la présence d’un mot-clef n’est jamais un critère définitif pour un repé-

rage quelconque. Ainsi, certains répertoires de l’Internet se nomment pub pour signifier qu’ils sont

publiques et des liens vers des documents présents dans ces répertoires peuvent amener des erreurs de

repérage. Dans les représentations SVG, les zones publicitaires sont coloriées par défaut en orange.

Cette couleur est elle aussi modifiable par l’utilisateur.

Une fois les zones remarquables du document répertoriées, on peut procéder à l’analyse des

zones de texte et procéder à la création des représentations ainsi que du rapport d’analyse corres-

pondant. Les représentations SVG des documents d’un même ensemble peuvent être présentées

conjointement à leur rapport d’exploration au sein d’un même document HTML comme sur le modèle

de la figure 92. Les résultats rassemblés dans cette figure ont été obtenus de LUCIASearch (c.f. 5.4.1

p.227) par l’interrogation des moteurs de recherche Yahoo et Lycos à partir d’un dispositif en rapport

avec la bourse. La page HTML présente une vision macroscopique de l’ensemble des documents pres-

sentis comme pertinents par le logiciel en fonction des données fournies par l’utilisateur. Il s’agit d’un

prototype : l’intégration de HTMLtoSVG à LUCIASearch n’a pas été totalement finalisée. Nous pou-

vons apprécier ici la valeur ajoutée qu’apporte la représentation schématique des documents coloriés

en fonction du dispositif en question et du repérage des zones remarquables. Le premier document re-

tenu présente principalement deux zones de textes où apparaissent des thèmes décrits dans le dispositif

tandis que le second voit apparaître ces thèmes dans au moins trois parties de la zone textuelle princi-

pale ainsi qu’une zone à droite de la page. Cette dernière correspond en fait à une table HTML qui re-

cèle le texte Études Économiques et Financières dans une taille de police de 6 dans le document

d’origine. La taille de la police est corrélée avec la taille de la zone correspondante ce qui explique son

importance dans la représentation. Il s’agit en fait d’une limite du module HTMLtoSVG. Cependant,

cette limite peut être appréhendée en tant que telle par l’examen rapide du schéma puisque la zone en

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5.2 Visualisation et interaction

202

question n’est pas directement intégrée au corps principal du document et il semble peut probable

qu’une partie importante du texte présent dans le document soit placée dans une zone adjacente.

Dans la figure 92, les informations proposées sont relatives à la requête effectuée à partir de

LUCIASearch (table « Infos recherche ») et aux résultats obtenus (table « Rapport d’exploration »). À

chaque document jugé potentiellement intéressant, on a ajouté les informations obtenues du moteur

consulté (extrait du document, taille pour Yahoo, URL) ainsi que celles relevant de l’exploration du

texte par les modules d’analyse (ici en fonction des tables du dispositif utilisé).

Figure 92 – Insertion des représentations SVG dans une page de résultats de LUCIASearch.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

203

5.2.2.2 Parcours des textes et parties de texte : vue microscopique

Une fois un document jugé potentiellement intéressant à partir des vues macroscopiques, il

faut pouvoir parcourir efficacement ce document. Dans cette partie, nous changeons donc de palier de

représentation.

Pour le projet ISOMETA, présenter le document pour en permettre la lecture n’est pas suffisant

en soi, les emplois métaphoriques doivent être rapidement repérés, et donc mis en évidence au sein du

document. Ce projet est destiné à des utilisateurs experts à la fois de la langue qui est leur objet

d’étude et du modèle. Pour l’analyse d’un fait de langue comme la métaphore, les informations à leur

proposer sont nombreuses et complexes, et les représentations visuelles que nous avons élaborées re-

flètent cette dimension. Pour la vision macroscopique du corpus, nous proposons, comme nous l’avons

vu précédemment, une représentation en histogrammes qui a pour objectif de permettre de saisir en un

regard la présence d’entités lexicales associées par l’utilisateur au domaine source de la métaphore

étudiée. Lorsque l’utilisateur décide d’explorer un document pressenti comme intéressant depuis cette

représentation, il a besoin d’y repérer les emplois métaphoriques potentiels. Nous exploitons la cou-

leur pour le guider en surlignant les entités lexicales des dispositifs (figure 93). Un parcours rapide du

document (à l’aide de la barre de navigation verticale du navigateur) permet de se rendre facilement

vers les zones de textes où apparaissent les entités lexicales d’un dispositif donné (ce principe est le

même que celui proposé dans THEMEEDITOR – c.f. 4.2.4 p.141). L’utilisateur peut donc repérer rapi-

dement les unités lexicales intéressantes pour sa tâche et observer localement le phénomène étudié. Le

passage de la souris sur les unités surlignées déclenche ici aussi l’affichage d’informations complé-

mentaires pour aider à l’interprétation des résultats. Il s’agit du nom de la table (ou des tables) dans

laquelle l’entité est présente ainsi que les attributs et valeurs d’attributs de catégorie correspondants.

Dans l’exemple de la figure 93, l’entité thermomètre appartient à la table « Outils de mesure » et

correspond dans cette catégorie à [Axe : température].

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5.2 Visualisation et interaction

204

Figure 93 – Visualisation d’un document analysé dans le cadre du projet ISOMETA.

D’un point de vue technique, la représentation colorée est obtenue automatiquement depuis la

version XML du document analysé. La page HTML de la vue microscopique est le résultat d’une

transformation par une feuille XLST. Cette page est visible dans les principaux navigateurs pour

l’Internet. Cette représentation s’avère également satisfaisante pour une tâche de veille documentaire

où l’approche thématique est plus probante.

L’interface proposée pour le parcours des documents dans le cadre de l’étude la métaphore ne

rend pas compte visuellement des récurrences d’attributs. Elle permet une approche thématique qui

n’est pas suffisante pour intégrer toutes les informations utiles. En effet, si les informations que l’on

peut obtenir d’un passage de la souris sur une partie de texte coloriée correspondent aux attributs de

catégorie correspondant à l’entité lexicale, la couleur utilisée est celle associée à la catégorie. Dans le

cas où il y a plusieurs attributs, ceux-ci n’apparaissent donc pas en tant que tels dans l’interface. De

plus, si les attributs hérités sont bien associés aux entités par les analyses automatiques, ils ne sont pas

visibles non plus.

Pour l’étude de la métaphore, une interface supplémentaire a donc été développée. Elle ex-

ploite un affichage en trois dimensions afin de pouvoir cumuler des informations visuelles sur les uni-

tés lexicales pertinentes. Il s’agit d’un programme nommé 3D- LUCIAVisualizer (figure 94) qui a été

réalisé au cours d’un projet de DESS [Taillepied, 2004*].

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Chapitre 5 Analyses et interactions

205

1 2

3 4 56

Figure 94 – Copies d’écran de 3D-LUCIAVizualiser

3D-LUCIAVisualizer a été crée à la suite de la réalisation d’un premier prototype de visuali-

sation des récurrences d’attributs/valeurs. Le premier prototype réalisé en Javascript permettait de

faire apparaître et disparaître des rectangles colorés superposés aux entités lexicales d’un texte. Les

rectangles figuraient la présence d’un attribut associé à une entité lexicale dans un des dispositifs de la

session. Au-delà de deux attributs et donc deux rectangles colorés, il était très difficile d’apprécier

quoi que ce soit sur le texte : toutes les informations intéressantes pour la tâche ne pouvaient apparaî-

tre conjointement. Nous nous sommes alors tournés vers la troisième dimension pour pouvoir appré-

cier l’association d’une entité avec de multiples attributs et valeurs d’attributs (rappelons qu’il est

intéressant de pouvoir évaluer la récurrence d’attributs hérités d’autres tables pour une entité donnée).

3D-LUCIAVisualizer permet ainsi à l’utilisateur de choisir une couleur par attribut ou par valeur

d’attribut. Il peut également associer directement un dégradé de couleur pour les attributs d’un même

dispositif. Les documents au format XML préalablement analysés sont visibles dans l’interface princi-

pale du programme. On peut choisir à loisir les attributs et valeurs d’attributs à faire apparaître ou dis-

paraître. On peut également, comme sur la partie 5 de la figure 94, n’exposer que les boîtes colorées

correspondant aux attributs ou aux valeurs d’attributs, faire pivoter en trois dimensions le texte (3 et 4

- figure 94) et zoomer sur les zones intéressantes du texte (2 - figure 94). L’utilisation de cette proposi-

tion logicielle nous a amené aux mêmes conclusions que celles proposées dans [Shneiderman, 1996*]

(déjà évoqués p.193) : l’utilisation de la 3D montre rapidement ses limites en terme de maniabilité et

d’effort à fournir pour repérer les informations à l’écran. Les rotations et les zooms proposés dans 3D-

LUCIAVisualizer s’effectuent à l’aide du clavier ; de l’avis des expérimentateurs (moi-même, Sté-

phane Ferrari et Nicolas Taillepied) l’utilisation prolongée du logiciel est la cause d’une apparition ra-

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5.2 Visualisation et interaction

206

pide des symptômes de la naupathie. Cependant, moyennant un apprentissage minimal et une utilisa-

tion modérée des rotations, cette proposition s’avère efficace pour le repérage visuel des récurrences

en fonction des données présentées dans une session et donc l’évaluation à la fois des résultats obtenus

des logiciels et des ressources proposées initialement. Cette interface permet de mettre en valeur les

récurrences d’attributs aussi bien de catégorie (qui sont liés à un thème) qu’hérités (qui structurent le

domaine). Par exemple, différentes configurations de la représentation du texte proposé dans la figure

94 permettent le repérage de récurrences et d’en apprécier la répartition dans des parties du texte

comme sur les exemples suivants126 (figure 97).

7 entités lexicales supportent une récurrence del’attribut [Rapport au domaine] dans le dispositif de laBourse : grève, séance, Bourse, indice, CAC, marché et palais Brongniart.

Le thème de la Bourse semble donc présent et répartirégulièrement dans le paragraphe visualisé. La lecturedu texte permet de valider ce fait.

Figure 95 - Visualisation d’isotopies potentielles avec 3D- LUCIAVisualizer (1)

6 entités lexicales du dispositif de la Bourse sont sup-ports d’une récurrence de l’attribut [Rapport au do-maine : objet] : Bourse, indice, CAC, marché, PalaisBrongniart.

Le sous-thème « des objets du domaine » semble doncprésent et bien réparti dans ce paragraphe.

Figure 96 - Visualisation d’isotopies potentielles avec 3D- LUCIAVisualizer (2)

126 Les informations sont facilement repérables en faisant apparaître et disparaître une à une les valeurs intéres-santes ou en utilisant une simple rotation selon l’axe vertical.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

207

Les entités indice, CAC et marché du dispositif de laBourse sont supports d’une récurrence de l’attribut [Ac-tion]. CAC est corrélé à [Zone géographique : France].Ce dernier attribut n’étant pas redondant, il ne participe à aucune récurrence en fonction du dispositif utilisé.

Figure 97 – Visualisation d’isotopies potentielles avec 3D- LUCIAVisualizer (3)

5.2.3 Facteurs à prendre en considération

De manière formelle, les interfaces que nous proposons répondent aux exigences classiques de

ce type d’application :

- elles sont interactives (les couleurs et les groupes thématiques peuvent être modifiés par

l’utilisateur, le passage de la souris sur certaines zones permet l’affichage d’informations ci-

blées…) ;

- elles proposent l’abstraction de certaines données pour rendre leur contenu plus explicite par

l’utilisation des graphiques en histogrammes, de représentations schématiques et la possibilité

de modifier la quantité d’information affichée ;

- elles proposent la mise en valeur de données pertinentes pour la tâche par un moyen graphique

facilement repérable et issu des propositions de l’utilisateur pour une exploration rapide des

documents.

Dans les parties précédentes, nous avons présenté les solutions que nous avons élaborées pour

visualiser les résultats automatiques obtenus automatiquement à partir des ressources fournies par

l’utilisateur et interagir avec eux. Nous avons montré l’intérêt des représentations graphiques qui, plus

que les rapports d’exploration textuels, permettent d’évaluer les « rapprochements » qui participent à

l’interprétation d’un texte. Si Rastier affirme que la difficulté avec l’ordinateur est de ne pas crouler

sous les informations, les interfaces proposées doivent, comme un retour des choses, justement faire la

part entre l’information utile et superflue. L’utilisateur peut alors confirmer ou infirmer ses proposi-

tions initiales. Pour les deux applications présentées (ISOMETA et la veille documentaire), il est pos-

sible de distinguer parmi les besoins d’interaction des aspects génériques réutilisables.

Dans les deux applications, le système n’est pas en mesure de décider pour l’utilisateur de la

pertinence des documents. Il permet simplement de les ordonner selon le nombre, la densité et le type

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5.2 Visualisation et interaction

208

des récurrences trouvées et de présenter ce premier résultat agrémenté éventuellement d’un rapport

d’exploration textuel. Le parcours de l’ensemble ainsi constitué est une tâche interactive dont la géné-

ricité repose sur l’utilisation d’un corpus, d’une collection de documents et sur la sélection de docu-

ments pertinents. Pour cette tâche commune, la généricité est cependant réduite. La disposition de

l’ensemble des documents et les fonctionnalités de navigation dans cet ensemble (incluant la possibili-

té de sélectionner pour observation détaillée un document particulier) sont autant d’aspects génériques.

Cependant, la représentation d’un élément dans l’ensemble ne participe plus de la généricité de

l’interaction. Chaque document doit être représenté pour permettre à l’utilisateur d’apprécier rapide-

ment sa pertinence, tant absolue que relative à la collection. Qu’il s’agisse de repérer les emplois mé-

taphoriques ou les zones du document en rapport avec un des thèmes d’une veille documentaire, la

phase d’exploration d’un texte présente elle-aussi des aspects génériques et des aspects spécifiques. La

généricité concerne les fonctionnalités de navigation et de lecture d’un document pour l’assistance. La

spécificité des interactions à mettre en œuvre dans cette phase concerne la présentation des résultats

d’analyse, dépendante des informations utiles à la tâche. C’est donc la tâche pour laquelle est utilisé le

système qui apparaît comme premier facteur à prendre en considération pour l’élaboration des interfa-

ces.

Le modèle sur lequel se fonde une application de TAL constitue un autre facteur de dépen-

dance potentielle pour les interactions et les représentations visuelles. Dans nos travaux, ce facteur est

fixe et ne peut être modifié. Pour les deux applications, il est possible d’afficher les résultats d’analyse

conjointement au texte d’origine ; une partie de ces résultats est superposée au document affiché pour

la lecture. Cette possibilité n’est pas systématique, elle tient en partie à l’existence d’analyses locales,

qu’il devient donc possible de situer dans le document. D’autres approches, globales, synthétiques,

produisent des résultats qui ne peuvent être mis en relation avec un élément particulier du texte. Il

convient donc de noter que le modèle influence les moyens d’interaction, même si nos propres travaux

ne permettent pas son analyse. L’approche du global vers le local est commune aux deux applications :

c’est en fonction des configurations des récurrences au sein des textes que l’on peut évaluer la validité

d’une association locale au niveau d’une entité lexicale. Ceci constitue un autre aspect générique aux

deux applications.

L’utilisateur constitue un second facteur à prendre en considération que l’aspect individu-

centré de notre approche rend prégnant. C’est à lui que revient la phase finale d’interprétation du ma-

tériau textuel. Les deux applications étudiées ont l’avantage de faire intervenir des utilisateurs dont les

niveaux d’expertise de la langue, du modèle et des outils qui le mettent en œuvre peuvent être très dif-

férents. Or, le niveau d’expertise de l’utilisateur est en rapport direct avec la manière dont les résultats

d’analyse sont à présenter. Dans notre approche, son influence commence dès la constitution des res-

sources lexicales et se poursuit jusqu’à la phase finale d’observation des résultats.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

209

Les applications étudiées tendent à montrer que ce n’est pas tant la tâche qui guide le choix

des interactions et des représentations visuelles, que la manière selon laquelle l’utilisateur peut appré-

hender cette tâche. Lorsque l’utilisateur est supposé expert au départ, toute la richesse du modèle peut

se transposer aux interactions et aux représentations qui lui sont proposées. Mais lorsqu’il n’est fami-

lier ni du modèle ni des outils, les interactions et les représentations visuelles utilisées doivent avoir

autant l’objectif de l’aider dans sa tâche que celui de le former. Il est donc indispensable d’offrir à

l’utilisateur la possibilité de s’approprier pleinement toutes ces notions pour, à terme, améliorer son

efficacité dans la réalisation de la tâche concernée. Le modèle LUCIA prévoyant un retour sur les res-

sources à l’issue d’un cycle d’utilisation, la familiarisation avec le modèle passe aussi par un lien fixe

entre les ressources et la manière dont il peut y être fait référence lors de la présentation de résultats

d’analyse. C’est pourquoi l’association de couleurs aux tables est faite de manière permanente et non

pas uniquement lors de chaque phase d’analyse. C’est également le cas pour les attributs et valeurs

d’attributs dans 3D-LUCIAVisualizer : les couleurs associées sont conservées dans des fichiers de

configuration et peuvent être réutilisées à loisir. Prévoir la manière dont il sera fait référence aux res-

sources lors de la présentation interactive des résultats à l’utilisateur et utiliser dès leur constitution des

méthodes similaires pour présenter ces ressources améliore selon nous la lisibilité des modèles et leur

prise en main. Les interactions et les représentations visuelles véhiculent une grande partie de

l’information que le logiciel communique à l’utilisateur, leur cohérence avec les notions des modèles

mis en œuvre aide donc l’utilisateur à se les approprier.

L’étude des facteurs à prendre en considération pour la réalisation d’interface pour le TAL

nous a permis de mieux caractériser l’influence des modèles linguistiques utilisés, du type

d’utilisateur, des tâches et du matériau traité sur les interactions nécessaires dans les applications de

TAL [Ferrari et Perlerin, 2004]. L’instrumentation informatique de la linguistique est enrichie par les

interactions et les moyens de visualiser les informations. Il nous semble donc pertinent de revisiter les

propositions de standards et plates-formes d’ingénierie linguistique sous cet angle, en y intégrant les

aspects interactionnels trop souvent délaissés. Il convient cependant de prendre conscience des limites

de la généricité des interfaces d’interaction et de visualisation et de concevoir au cas par cas des solu-

tions adaptées.

Dans les parties suivantes, nous présentons les processus d’analyse spécifiques et les résultats

obtenus dans les deux champs d’applications choisis : l’étude de la métaphore (5.3) et la veille docu-

mentaire (5.4).

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5.3 Étude de la métaphore

210

5.3 Étude de la métaphore

Dans cette partie, nous présentons les résultats obtenus pour l’étude de la métaphore météoro-

logie boursière dans le cadre du projet ISOMETA (pour Isotopies et Métaphore). ISOMETA est un

projet qui réunit trois chercheurs : Stéphane Ferrari, Pierre Beust et moi-même. Son but est de produire

des aides à l’interprétation des métaphores et des indices de détection d’emplois métaphoriques grâce

à l’utilisation de LUCIA.

La méthode expérimentale adoptée est la suivante : à partir de l’étude d’un ensemble de do-

cuments sélectionnés arbitrairement dans le corpus extrait de Le Monde sur CD-ROM qui traite de

l’économie et de la bourse (décrit p.118), deux dispositifs en rapport avec les domaines source et cible

de la métaphore « météorologie boursière » ont été construits [Perlerin et al., 2002]. Ces données ont

ensuite été projetées automatiquement sur le corpus dans son ensemble en fonction des techniques

exposées dans les parties précédentes. Les résultats de cette projection ont été analysés manuellement.

Nous étions assistés en cela par nos logiciels de visualisation interactive des résultats. Plusieurs itéra-

tions du processus expérimental ont été nécessaires. Les premières nous ont amenés à modifier les res-

sources initialement construites et à apporter des modifications au protocole de construction de départ

(5.3.1). Ces modifications ont été intégrées au modèle tel qu’il a été décrit dans les chapitres précé-

dents mais elles sont intéressantes à présenter comme faisant partie d’un cycle d’utilisation du système

car elles montrent ainsi les évolutions induites par l’analyse des résultats des logiciels. C’est un argu-

ment supplémentaire en faveur d’un processus de recherche et de développement en aller-retour entre

des outils (des logiciels d’étude) et des corpus (des corpus d’étude)127. Ces modifications concernent

entre autres la distinction entre les attributs partagés et les attributs propres. Cette première expérience

a été également en partie décrite dans [Perlerin et al., 2002*]. Cette distinction a permis d’obtenir des

résultats pour la caractérisation et l’aide à l’interprétation d’emplois métaphoriques. Elle n’a pas ce-

pendant permis de proposer des processus entièrement automatiques pour distinguer des emplois mé-

taphoriques d’emplois non métaphoriques d’entités lexicales du domaine source (5.3.2). Les

conclusions et perspectives de cette étude sont présentées dans une dernière section (5.3.3).

Dans toute cette partie, les tables ont été construites par les chercheurs impliqués dans le pro-

jet, i.e. par deux spécialistes du modèle (Beust et Perlerin) ainsi qu’un spécialiste du traitement auto-

matique du fait de langue étudié (Ferrari).

127 Les premiers étant conditionnés par les seconds comme nous l’avons vu en 5.2.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

211

5.3.1 Première expérience

À la suite d’une étude statistique d’une partie du corpus (188 premiers articles – ce qui

représentait approximativement un tiers des 565 présents pour un échantillon d’étude i.e. 134 220

tokens), nous avons pu créer des groupes d’entités lexicales en distinguant d’abord celles qui

pouvaient avoir trait aux domaines source et cible étudiés et en regroupant ensuite celles qui pouvaient

être regroupées dans un thème dans THEMEEDITOR (XXX). Ces 188 premiers articles ont été choisis

arbitrairement pour constituer le corpus d’observation. L’ensemble du corpus a ensuite été utilisé pour

les analyses. Dans les premiers dispositifs, les attributs ont été choisis pour leur capacité à catégoriser,

décrire et distinguer les entités d’un même groupe en fonction des observations qui avaient été faites

du corpus. Ceux qui ont été choisis étaient apparus dans un premier temps comme les plus pertinents

en fonction de nos expertises. Un consensus parmi les auteurs s’était ainsi dégagé mais certains

manques sont apparus à l’issue de la projection de cette première présentation sur le corpus. Les outils

de visualisation et d’interaction développés donnaient techniquement entière satisfaction : ils

permettaient d’identifier les textes où les deux domaines étaient co-présents et d’observer les

attributs/valeurs mis en jeu dans les parties intéressantes de ces textes [Perlerin et al., 2002*].

Cependant, les informations projetées sur les textes du corpus n’offraient pas la possibilité de proposer

une caractérisation des emplois métaphoriques ou de fournir une assistance satisfaisante à leur

interprétation. Un cycle d’utilisation peut amener à évaluer l’adéquation des données initialement

proposées avec une tâche donnée. La figure 98 présente une des tables initialement créées pour le

domaine de la météorologie.

Figure 98 – Table LUCIA établie pour l’amorce du processus itératifd’après [Perlerin et al., 2002*].

Cette table a été construite en se conformant au protocole de construction des dispositifs que

nous avions élaboré initialement assistés des différentes propositions logicielles exposées dans les

chapitres précédents. La seule différence avec celui proposé p.174 (c.f. 4.5) était qu’il ne proposait pas

encore la distinction entre attributs propres et attributs partagés.

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5.3 Étude de la métaphore

212

L’accalmie intervenue ensuite sur le front monétaire, grâce aux interventions des banques centrales et

aux déclarations apaisantes des officiels américains, a cependant réchauffé l’ambiance à la corbeille.

(12) Extrait de l’article 42 du corpus « Le monde sur CD-ROM ».

Ainsi, pour l’exemple (12), la présence d’isotopies supportées d’une part par accalmie et réchauffé

pour le domaine de la météorologie et par monétaire, banques centrales et corbeille d’autre part, pou-

vaient être montrées par la visualisation des résultats et les rapports d’exploration obtenus des proces-

sus automatiques. Mais les attributs utilisés ne permettaient pas de mettre en place des principes d’aide

à l’interprétation des emplois d’accalmie et réchauffé dans le cotexte de l’article. On pouvait simple-

ment repérer la présence de [Type : chaud] et [Caractère : faible] pour réchauffé et les attributs/valeurs

correspondant aux entités mises en valeur dans l’exemple (12) décrites dans les dispositifs de

l’expérience. En d’autres termes, les éléments de signification potentiels associés aux entités lexicales

permettaient de repérer des récurrences en rapport avec chaque domaine décrit mais pas en relation

avec les deux domaines. Il était impossible de trouver des récurrences notables d’attributs et valeurs

d’attributs des deux domaines dans les textes pour des emplois de la métaphore étudiée. Le manque

qui est apparu concernait l’absence d’attributs utilisés pour décrire les deux domaines. Il concernait

donc le protocole de construction des dispositifs : c’est cette première utilisation du modèle dans le

cadre du projet ISOMETA qui nous a amené à conseiller l’utilisation d’attributs partagés, utilisables

pour catégoriser des entités lexicales de domaines distincts.

Ce constat nous a ainsi amené à distinguer les attributs partagés entre plusieurs dispositifs des

attributs utilisés que pour un seul domaine (que nous appelons attributs propres). Cette proposition a

eu également une répercussion sur nos propositions logicielles. Il était dorénavant apparu indispensa-

ble de distinguer les listes d’attributs des dispositifs où ils apparaissaient pour pouvoir facilement en

réutiliser d’un dispositif à l’autre et matérialiser la distinction entre les deux types d’attribut (avant ce-

la, les attributs étaient intégrés au fichier du dispositif dans lesquels ils apparaissaient). Nous avons

ainsi élaboré le mécanisme des dictattr.

Définitions :

- Un attribut propre n’est utilisé pour une session donnée que dans un seul dispositif.

- Un attribut partagé est utilisé pour une session donnée dans au moins deux dispositifs.

Nous voyons que c’est toujours relativement à une tâche et une situation d’utilisation du mo-

dèle que l’on peut attribuer des propriétés aux attributs (comme dans la partie 4.4 p.160 du chapitre 4).

Dans les faits, comme nous le verrons plus loin, il apparaît que la notion d’attribut partagé est trop res-

trictive. Si le caractère partagé est relatif à une session, la création et la manipulation d’attributs au

cours de l’utilisation du système amène à considérer de façon spontanée des attributs comme potentiel-

lement partageables. Le caractère partageable relève de l’impression de l’usager et bien entendu du ou

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Chapitre 5 Analyses et interactions

213

des domaines qu’il aborde dans sa session mais aussi de l’observation de l’apparition des attributs

dans des textes. Ainsi, pour la création de dictattr distincts ou pour l’analyse des métaphores, nous

avons été amenés à préférer l’opposition attributs partageables / attributs propres à l’opposition attri-

buts partagés / attributs propres. Nous en verrons la raison principale et l’incidence par l’exemple dans

la partie 5.3.2. Le principe de catégorisation proposé dans LUCIA limite à la fois les entités lexicales

et les attributs à mettre en jeu. L’utilisation d’attributs partagés n’est pas systématique. C’est une

contrainte inhérente à la tâche d’étude du fait de langue dans le cadre d’utilisation du modèle.

Si dans une même chaîne syntagmatique des entités lexicales impliquent la présence et donc la

récurrence possible d’attributs propres à deux domaines différents, il est possible dans certains cas

d’établir l’existence d’emplois métaphoriques. La présence d’un attribut partagé permet éventuelle-

ment de trouver la trace d’un point commun entre les deux domaines tandis que des valeurs différentes

de ces attributs permettront d’y trouver une différence. La partie suivante propose des exemples qui

mettent en œuvre ces principes.

5.3.2 Observations et résultats

À la suite de la première expérience, nous avons donc revu les dispositifs à partir de la distinc-

tion entre attributs propres et attributs partageables. Il s’agissait d’une modification qualitative des

données initiales vis-à-vis de la tâche en cours. Les deux dispositifs ont donc été modifiés à l’issue

d’un deuxième cycle d’utilisation du système. Celui en rapport avec la météorologie a déjà été présen-

té (p.159). La figure 84 (p.189) présente celui en rapport avec la bourse et l’économie dans son état

actuel. Selon les définitions proposées précédemment, les attributs partagés entre les deux dispositifs

sont :

- [Rapport au domaine : objet vs. agent, activité vs. influent vs. phénomène] ;

- [Action : étudie, analyse vs. intervient] ;

- [Rapport à l’activité : rôle vs. profession] ;

- [Direction : monte vs. descend] ;

- [Évaluation : bien vs. mal].

Les attributs propres au dispositif en rapport avec la météorologie sont :

- [Axe : agitation vs. couverture nuageuse vs. température vs. pression] ;

- [Etat : liquide vs. solide vs. gazeux] ;

- [Force : violent vs. très violent].

Les attributs propres au dispositif en rapport avec la bourse sont :

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5.3 Étude de la métaphore

214

- [Zone géographique : France vs. USA vs. Japon vs. Europe vs. Allemagne vs. Grande-

Bretagne] ;

- [Situation : situé vs. non situé] ;

- [Rapport au temps : début vs. pendant vs. fin].

L’observation de ces attributs amène à considérer spontanément les attributs [Etat : liquide vs.

solide vs. gazeux], [Force : violent vs. très violent], [Situation : situé vs. non situé] et [Rapport au

temps : début vs. pendant vs. fin] comme possiblement utilisables pour structurer et décrire des entités

lexicales d’autres domaines que celui pour lequel ils ont été utilisés. On peut donc les considérer

comme partageables. Par exemple [Etat] pourrait être utilisé dans le domaine de la physique, [Force]

pour décrire et distinguer des entités en rapport avec des domaines aussi divers que les genres cinéma-

tographiques ou certains sports. Le cas de l’attribut [Zone géographique : France vs. USA vs. Japon vs.

Europe vs. Allemagne vs. Grande-Bretagne] est différent car l’opposition proposée met en jeu à la fois

des pays et un continent - une entité internationale qui apparaît pertinente pour le domaine de la bourse

et l’économie : l’Europe. Si cette opposition s’avère acceptable pour distinguer les entités franc, dol-

lar, yen, euro, deutschemark et livre dans le dispositif de la figure 84 c’est avant tout parce que la pé-

riode correspondant au corpus d’observation utilisé rendait courante l’utilisation cooccurrente de ces

termes (remarquons qu’écu a également été retenu alors qu’à l’heure actuelle ce terme n’est plus utili-

sé pour désigner une monnaie européenne : c’est une réalité diachronique du corpus dont les docu-

ments ont été rédigés entre 1987 et 1989). Nous voyons ici que si [Zone géographique] peut être

considéré comme un attribut partageable, sa validité en tant que telle est dépendante de la dimension

temporelle, et du domaine et de la période du corpus considérée. De manière synchronique avec le

corpus, il est considéré comme partageable.

Il est important de noter que l’attribut [Rapport au domaine] a un statut particulier au sein des

deux dispositifs. Comme nous pouvons le constater, les deux tables qui l’utilisent dans les deux dispo-

sitifs sont constituées majoritairement de lignes vides. D’une manière générale, la table « Entités du

domaine » a une forte teneur ontologique. Elle permet de stabiliser le dispositif en étant le point de dé-

part des sous-catégorisations que le composent. Elle permet également de décrire soit des entités très

communes pour le domaine (comme météo pour le dispositif en rapport avec la météorologie avec

[Rapport au domaine : objet]) soit des entités qu’il est finalement difficile de considérer comme ayant

trait au domaine (comme grève et salaire pour le dispositif en rapport avec la bourse et l’économie

avec [Rapport au domaine : influent]) – nous avons déjà constaté ce fait lors de l’expérience d’écrite

dans le chapitre 3 (partie 3.4 p.104). Les éventuelles récurrences de l’attribut [Rapport au domaine] ne

sauraient donner d’indications véritablement spécifiques sur les entités lexicales des textes. Elles n’ont

d’ailleurs pas été considérées lors du repérage des récurrences intéressantes pour la métaphore. Un tel

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Chapitre 5 Analyses et interactions

215

attribut est considéré comme très générique par rapport au domaine et comme trop général pour que

ses récurrences soient exploitables pour cette tâche.

La contrainte de construction des dispositifs à l’aide d’attributs partageables permet

d’analyser des récurrences trans-dispositifs et ainsi retrouver des résultats connus sur la métaphore

mais jamais formalisés comme tels :

- l’absence d’entité lexicale dans un domaine cible d’une métaphore conceptuelle pour certaines

valeurs sémantiques peut être comblée par une lexicalisation dans le domaine source

(5.3.2.1) ;

- le lien métaphorique entre un domaine source et un domaine cible peut être de nature analogi-

que (5.3.2.2) ;

- le lien métaphorique entre un domaine source et un domaine cible peut amener des éléments

de significations nouveaux à partir du domaine source. (5.3.2.3).

5.3.2.1 Entités lexicales absentes du domaine cible

L’absence d’entité lexicale dans un domaine cible d’une métaphore conceptuelle pour certai-

nes valeurs sémantiques peut être comblée par une lexicalisation dans le domaine source. Cette ab-

sence donne lieu à des emplois que l’on peut considérer comme métaphoriques. Relativement à la

définition du domaine par un dispositif LUCIA, on peut apprécier ce fait dans l’étude des exemples

suivants (13), (14), (15) et (16).

…La bourrasque monétaire pourrait quand même brouiller une telle appréciation. Le franc n'a pas

cessé de perdre du terrain face au mark, qui atteignait, le 2 janvier, le cours record de 3, 312 F, malgré le sou-

tien de la monnaie française par la Banque de France…

(13) Extrait de l’article 1 du corpus « Le monde sur CD-ROM ».

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5.3 Étude de la métaphore

216

Figure 99 – Attributs et valeurs d’attributs pour l’exemple (13).

Malgré le caractère partagé des attributs [Direction] et [Évaluation], aucune entité lexicale n’a

pu être associée à ces attributs avec les valeurs [Direction :monte] et [Évaluation : mal] dans le dispo-

sitif en rapport avec la bourse et l’économie. Nous constatons en examinant les attributs de catégories

(présentés sur une première ligne dans la figure 99) et les attributs hérités par les entités lexicales pré-

sentes dans l’exemple (13) (présentés dans les lignes suivantes dans la figure 99), qu’un certain nom-

bre d’isotopies potentielles apparaissent : une récurrence propre au domaine de la bourse et de

l’économie (supportée par monétaire, franc, mark, cours, monnaie et Banque de France), la récur-

rence des attributs [Action] (supportée par bourrasque, monétaire, franc, mark, cours, monnaie et

Banque de France), etc. Remarquons que monnaie française et F (pour franc) ne sont pas repérés

comme support d’une isotopie : l’examen d’un tel texte peut amener à ajouter ces entités aux disposi-

tifs utilisés : il s’agit d’une mise à jour quantitative du dispositif. Monnaie française et F pourraient

être ajoutés à la ligne de la table « Monnaie » et décrits par [Zone géographique : France]. L’examen

des isotopies qui apparaissent dans le texte de l’exemple (13) permet de pressentir la présence d’un

emploi métaphorique de bourrasque car le terme n’est pas le support d’un récurrence en rapport avec

son domaine. Comme nous le verrons par l’examen des autres exemples, cet indice n’est cependant

pas systématique. En revanche, la non-récurrence des attributs partageables [Force] [Évaluation], [Di-

rection] et [Rapport au domaine : phénomène] amène à les considérer comme valables pour assister

l’interprétation de ce terme dans le présent contexte. Une réécriture de l’entité lexicale en contexte

pourrait être possible. Cette réécriture peut avoir valeur d’assistance à l’interprétation si elle met en jeu

les signes, signifiants ou éléments de signification utilisés dans les dispositifs. On peut voir que bour-

rasque est utilisée dans l’exemple (13) au même titre qu’un phénomène évalué mal qui monte violem-

ment dans le domaine de la bourse et l’économie. Rappelons qu’aucune entité lexicale associable au

domaine de la bourse et de l’économie n’a été repérée dans le corpus comme pouvant mettre en jeu ces

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Chapitre 5 Analyses et interactions

217

éléments de signification : un phénomène de la bourse qui monte et qui est évalué négativement –

nous n’en avons pas trouvé en dehors d’emplois métaphoriques tels que celui présenté en (13).

…COURAGE, fuyons... Tel était le slogan en vogue ces jours derniers sous les lambris du palais Bron-

gniart, où la bourrasque monétaire a fait s'envoler nombre d'investisseurs et autant d'espoirs de nouveaux re-

cords…

(14) Extrait de l’article 10 du corpus « Le monde sur CD-ROM ».

L’examen de l’exemple (14) est identique au précédent à la présence près de s’envoler qui

donne lieu à une isotopie supportée par bourrasque et envoler qui ne peut être repérée avec les res-

sources actuelles en terme de récurrence d’attributs/valeurs. Il s’agit de l’une des limites actuelles de

l’approche : nous y reviendrons en 5.3.3.

…Il n'empêche que les intérêts pétroliers suscitent encore des convoitises. Abu-Dhabi a profité de la

crise pour entrer à hauteur de 5 % dans le capital de Total, un associé et ami il est vrai. Le Koweït a racheté,

lui, 16% des actions BP, privatisée en pleine bourrasque…

(15) Extrait de l’article 215 du corpus « Le monde sur CD-ROM » 128.

L’utilisation de bourrasque dans des articles relatifs à l’économie est multiple. Remarquons

d’ailleurs que les autres entités correspondant aux valeurs d’attributs de catégorie et hérités sont dans

le dispositif en rapport avec la météorologie : rafale, tourbillon, orage, orageux et tempête. Certaines

d’entre elles pourraient être substituées à bourrasque dans les exemples précédents sans que

l’interprétation que l’on puisse faire de ces textes changent profondément (orageux ne peut pas faire

l’objet d’une telle substitution car il y a une différence de statut grammatical avec les autres entités). Il

s’agit là d’une des perspectives du projet ISOMETA (voir 5.3.3).

… Pour l'instant, le film d'octobre 1989 n'a pas cherché à surpasser dans le grandiose celui d'octobre

1987, encore moins celui d'octobre 1929. Dix jours après la grande bourrasque, les effets en ont déjà presque

été effacés sur la plupart des grandes places financières.

La suite du scénario ? Les météorologues financiers restent prudents. " On peut avoir à tout moment

un nouveau krach boursier ", n'a pas hésité à prédire, samedi 21 octobre, M. Maurice Allais, le prix Nobel

d'économie 1988, à Nice, à l'occasion de l'université annuelle du Club de l'Horloge. Les acteurs financiers eux-

mêmes sont plongés dans une grande incertitude…

(16) Extrait de l’article 565 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

L’exemple (16) ci-dessus interroge nos propositions quant à la portée des isotopies, c’est-à-

dire, dans le cadre d’ISOMETA, les empans de texte à prendre en considération pour pouvoir détecter

des indices de la présence d’emplois métaphoriques. En effet, dans les deux paragraphes consécutifs,

128 Nous remarquerons qu’en fonction du protocole expérimental exposé en début de cette partie, les articles nu-mérotés au-delà de 188 ne faisaient pas partie du sous-corpus ayant servi à l’élaboration des dispositifs.

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5.3 Étude de la métaphore

218

on constate la présence de deux termes du dispositif en rapport avec la météorologie : bourrasque et

météorologues. L’examen de leurs places dans les dispositifs amène à constater qu’ils ne partagent que

l’attribut [Rapport au domaine] dont nous avons déjà souligné le statut particulier. Leur co-présence ne

nous permet pas de conclure sur l’utilisation métaphorique des deux termes, cependant que l’examen

du texte par un spécialiste, assisté éventuellement par les outils de visualisation et d’interaction créés à

cette fin, permettrait de constater un filage de la métaphore météorologique tout le long de l’article. Le

filage d’une métaphore consiste précisément à prolonger des récurrences en rapport avec le domaine

source au-delà des limites des phrases et des paragraphes. Les principes proposés ici pour assister

l’interprétation et la détection des métaphores s’avèrent possible à mettre en place au niveau de la

phrase ou du paragraphe mais sur un empan plus grand, le savoir d’un expert est nécessairement re-

quis.

Une récurrence en rapport avec la prédiction et l’incertitude peut être repérée dans l’exemple

(16). Elle est supportée par météorologue, prédire et incertitude. Il s’agit d’un cas identique à celui

examiné avec bourrasque et s’envoler dans l’exemple (14). D’une manière générale, de telles configu-

rations ont été soulignées deux fois dans les exemples proposés dans cette partie.

…La semaine écoulée est à cet effet significative. Les 1, 7% de progression n'ont pas été acquis de ma-

nière constante. Lundi (+ 0, 14% ) et mardi (- 0, 07% ) étaient des journées à troubler les plus confiants. Rien ne

s'y passait. Le calme plat s'installant, certains pensaient que, privé des affaires qui avaient donné du piment à la

cote jusqu'alors, le marché "retombait comme un soufflé "…

(17) Extrait de l’article 365 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

…APRES trois semaines de calme plat, la Bourse s'est subitement réveillée et l'ennui s'est très rapide-

ment dissipé. L'activité a repris tant et si bien que l'indice CAC a pulvérisé son précédent record historique de

470, 4 établi le 24 avril dernier avant que la place parisienne ne sombre dans la léthargie. Vendredi, ce baromè-

tre des valeurs françaises atteignait un nouveau sommet à 478, 5 révélant ainsi une progression de 4% en cinq

séances…

(18) Extrait de l’article 491 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

L’absence d’entité lexicale dans un domaine cible d’une métaphore conceptuelle pour certai-

nes valeurs sémantiques comblées par une lexicalisation décrite de manière similaire dans le domaine

source est apparue également pour d’autres exemples. Les exemples (17) et (18) montrent les mêmes

phénomènes avec calme plat associé à [Évaluation : mal] [Direction : stagne] dans le dispositif en rap-

port avec la météorologie.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

219

5.3.2.2 Analogie du lien métaphorique

Le lien métaphorique entre un domaine source et un domaine cible peut être de nature analo-

gique. L’examen des exemples suivants permet de voir comment à partir des ressources des deux dis-

positifs, cette analogie peut être formalisée.

…Mieux même, les places financières semblent avoir retrouvé une nouvelle santé. Des records à la

hausse tombent à Tokyo, à Wall Street et ailleurs. Le Dow Jones par exemple, le thermomètre de la Bourse de

New-York, qui avait chuté de 508 points lors du "lundi noir" déjà rangé dans les rayons de l'histoire financière,

a repris 102, 9 points mardi, puis 188, 7 points mercredi…

(19) Extrait de l’article 126 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

Dans l’exemple (19), on peut considérer que thermomètre est source d’une métaphore in præ-

sentia dont la cible est exprimée par Dow Jones. Cette métaphore trouve une explication à travers la

récurrence de l’attribut [Rôle] avec la valeur [étudie, analyse]. Nous reproduisons ici les extraits des

dispositifs correspondant pour mieux apprécier le phénomène.

Figure 100 – Extrait du dispositif en rapport avec la météorologie présenté p.159.

Figure 101 – Extrait du dispositif en rapport avec la bourse et l’économie présenté p.189.

Les éléments potentiels de significations mis en jeu par les entités Dow Jones et thermomètre

regroupent les attributs de la catégorie ainsi que ceux hérités. Les ensembles des éléments de significa-

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5.3 Étude de la métaphore

220

tion des deux entités partagent donc l’attribut [Rôle]. Cet héritage d’attributs permet de trouver une ré-

currence de [Rôle] dans l’exemple (19). Il s’agit de l’équivalent d’une isotopie trans-dispositif, une ré-

currence supportée par deux entités lexicales de deux dispositifs distincts. La présentation des attributs

et leur redondance trouvée par les analyses automatiques permettent de suspecter un emploi métapho-

rique et de proposer une aide à son interprétation : thermomètre est utilisé comme ayant trait à un objet

qui sert à l’étude et l’analyse au même titre qu’un graphique ou une courbe. Une telle réécriture utili-

sant les attributs et valeurs d’attributs mis en jeu permet de rendre compte de la nature analogique du

lien métaphorique. Cette analogie concerne la structuration des deux domaines en fonction des

contraintes du modèle. On retrouve le même phénomène avec thermomètre et indicateur, indice dans

les exemples (20), (21) et (22). Dans les exemples (21) et (22), la présence de l’attribut spécifiant les

indices boursiers en fonction de leur zone géographique supportée par CAC et Nikkei renforce le phé-

nomène. Cette présence pourrait donner lieu au repérage de récurrences avec valeurs françaises pour

l’exemple (21) et Tokyo et Kabuto-cho pour l’exemple (22) si après observation, ces lexies étaient

ajoutées au dispositif en rapport avec la bourse.

Tout s'est passé comme prévu. En fin de matinée, l'indicateur instantané de tendance enregistrait une

avance de 1, 5%. A 12 h 30, au début de la séance principale, des agents des renseignements généraux (RG) pa-

trouillaient sous les lambris pour s'assurer que le dispositif était bien en place. Jusqu'à la clôture à 14 h 30, le

thermomètre du marché ne cessa de monter pour s'élever de 3, 4%.

(20) Extrait de l’article 197 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

L'indice CAC, le thermomètre des valeurs françaises, est revenu au voisinage de la barre des 300

points enfoncée le 28 octobre 1987.

(21) Extrait de l’article 261 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

Mardi, pourtant, et à la suite de Wall Street, les principales places retrouvaient l'optimisme, les cours

ouvrant pour la plupart à la hausse. Mardi, la Bourse de Tokyo a regagné une grande partie des pertes de la

veille. L'indice Nikkei, le thermomètre du Kabuto-cho, avait reculé de 1, 8% lundi. Il était en hausse de 1, 5%

mardi.

(22) Extrait de l’article 557 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

New-York, c'est la crainte d'un réveil de l'inflation qui a déprimé les cours des obligations et poussé à

la hausse leurs rendements, celui de l'emprunt à trente ans du Trésor, véritable thermomètre pour les investis-

seurs qui bondissait de 8, 50% à plus de 8, 75%.

(23) Extrait de l’article 285 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

L’exemple (23) se distingue par la présence de emprunt à trente ans du Trésor qui non seule-

ment n’est pas présent dans le dispositif en rapport avec la bourse mais serait certainement apparu en

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Chapitre 5 Analyses et interactions

221

corrélation avec [Action : intervient] et non [Action : rôle] sur le modèle des entités déjà présentes

dans la table « Objets ». La présence de cours pourrait amener à retrouver le lien d’analogie dans

l’emploi métaphorique mais il ne s’agit pas véritablement d’un élément in præsentia pour la méta-

phore en question. Il est alors difficile de conclure sur une telle configuration.

Jeudi, un rayon de soleil daigna même filtrer à travers les verrières, et le marché, virtuellement à l'ar-

rêt à l'ouverture matinale (+ 0, 03% ) enregistrait en fin de journée une avance de 0, 74%. A la veille du week-

end, l'indice CAC-40, dans le rouge durant la première partie de la journée (- 0, 14% ), revenait ensuite dans le

vert et y restait (+ 0, 42% ). Bref, d'une semaine à l'autre, le mercure est remonté de presque un degré au ther-

momètre de la Rue Vivienne.

(24) Extrait de l’article 574 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

La température a très brutalement baissé, non seulement à l'extérieur, obligeant les plus frileux à re-

mettre une petite laine, mais rue Vivienne aussi. La Bourse de Paris, qui depuis deux mois et demi pataugeait

joyeusement dans une interminable consolidation, s'est repliée d'un bloc et à toute allure vers la cote 430 de

l'indice CAC, péniblement atteinte au début du mois de mars dernier. Le coup de froid a été sévère (- 5, 5% ) et

d'autant plus inquiétant pour la " végétation mobilière " que le thermomètre a chuté de 4% au cours de la seule

séance de vendredi.

(25) Extrait de l’article 45 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

Dans les exemples (24) et (25), nous sommes en présence d’une alternance de plusieurs enti-

tés associées aux deux domaines – remarquons que frileux et petite laine pourraient éventuellement

être intégrées au dispositif de la météorologie à la suite de l’étude de cet exemple. Nous sommes ici en

présence du même phénomène que précédemment pour thermomètre (présence d’indice et CAC). Les

autres entités de la météo n’apportent pas de support supplémentaire à la récurrence de [Rôle]. On

constate ici encore que la métaphore météorologique est filée. La fiabilité des résultats pour la distinc-

tion avec un emploi qui serait non métaphorique de thermomètre n’a pas été évaluée, il semble que les

seules indications obtenues de l’analyse en terme de récurrence d’attributs des textes ne permettent pas

de systématiser les principes exposés dans cette partie (c.f. 5.3.3).

5.3.2.3 Nature créatrice du lien métaphorique

Le lien métaphorique entre un domaine source et un domaine cible peut amener des éléments

de significations nouveaux à partir du domaine source. Pour apprécier la formalisation de ce fait à

l’aide des concepts de LUCIA, nous reproduisons dans les figures suivantes des extraits des deux dis-

positifs (figure 102 et figure 103).

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5.3 Étude de la métaphore

222

Figure 102 – Extrait du dispositif en rapport avec la bourse et l’économie présenté p.189.

Figure 103 – Extrait du dispositif en rapport avec la météorologie présenté p.159.

Ce krach était dû, en très grande partie, à la chute vertigineuse et incontrôlée du dollar, signe que la

tempête affecte dorénavant les marchés financiers.

(26) Extrait de l’article 153 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

L’exemple (26) met en présence les entités tempête et krach. Tempête est source d’une méta-

phore in absentia dont la cible n’est donc pas lexicalisée dans le cotexte. Deux récurrences des attri-

buts [Direction] et [Évaluation] peuvent cependant être repérées. Celles-ci constituent un faisceau de

récurrences mettant en valeur la table des « Phénomènes dynamiques » du domaine de la bourse. No-

tons également que du point de vue de la description de la cible (et non d’une récurrence) l’attribut

[Rapport au domaine] prend une valeur identique pour les deux entités. Les deux lexies sélectionnent

la même valeur [Évaluation : mal], cette appréciation apparaît donc particulièrement pertinente dans

une interprétation possible de cette métaphore et pour une réécriture. En revanche, les entités lexicales

sélectionnent deux valeurs distinctes de l’attribut [Direction] : [Direction : monte] pour tempête

et [Direction : descend] pour krach. Cet attribut est donc moins saillant que l’attribut [Évaluation] pour

la réécriture que l’on peut proposer. L’attribut [Force] a été utilisé pour spécialiser certaines

« Intempéries », il n’entre pas en jeu dans le faisceau des récurrences repérées par les processus. On

considère alors qu’il est transporté depuis le domaine source vers le domaine cible. Les attributs re-

dondants dans la chaîne syntagmatique analysée [Direction] et [Évaluation], constituent les premiers

éléments d’une interprétation de la métaphore. Ici, tempête est considéré comme ayant trait à phéno-

mène dynamique évalué comme mal. Nous l’avons précisé en début de cette partie, l’attribut [Force]

est un attribut partageable, dans ces circonstances, il est considéré comme caractérisant l’aspect créatif

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Chapitre 5 Analyses et interactions

223

de cette métaphore. Nous sommes donc tentés de caractériser le phénomène dynamique boursier en

question comme étant non seulement évalué mal (ou mauvais) mais également violent. Le transport de

[Force] est permis parce-qu’il est partageable.

5.3.3 Conclusions et perspectives pour l’étude de la métaphore

Le projet ISOMETA a permis de caractériser la dynamique des attributs et valeurs d’attributs

mis en jeu dans certains emplois métaphoriques et de montrer la capacité de LUCIA à rendre compte

d’opérations de transports et d’actualisation d’attributs et valeurs d’attributs en contexte. Nous avons

montré à ce propos que l’on pouvait retrouver la nature analogique autant que la nature créatrice de la

relation entre la source et la cible d’une métaphore en étudiant les configurations des attributs/valeurs

pour chacun de ces phénomènes. Pour rendre compte de l’aspect analogique, les techniques de structu-

ration proposées pour les domaines sont suffisantes. Pour l’aspect créatif, la méthodologie n’est pas

encore aboutie et doit être encore développée pour mieux rendre compte des transports possibles de

valeurs d’attributs. En particulier, le transport d’attribut doit être étudié au regard du cotexte de leurs

apparitions. L’interprétation d’une métaphore n’est pas singulière mais s’inscrit dans le cadre plus gé-

nérique de l’exploration d’un texte, d’un corpus, d’un parcours interprétatif et la systématisation des

transports n’est pas possible automatiquement. On peut cependant envisager de proposer des interac-

tions spécifiques en forme de suggestions produites automatiquement dans ces cas de figures.

La notion déjà connue de métaphore conventionnelle a été observée lors de nos analyses.

Dans le corpus d’articles de bourse, nous avons relevé de nombreux emplois de métaphores relevant

de la météorologie boursière. On peut effectivement considérer alors, que pour ce corpus, cette méta-

phore est effectivement conventionnelle (au sens de [Lakoff et Johnson, 1980*]). Il s’agit d’une

convention relative à un domaine mais également au genre textuel étudié (le genre journalistique).

Faute d’autre corpus, nous ne pouvons confirmer le statut de cette métaphore pour d’autres genres.

Dans [Ferrari, 1997*], l’auteur propose une analyse des moyens que peut fournir l’informatique pour

automatiser, ou semi-automatiser, la phase d’expertise préalable à la constitution des données relatives

aux métaphores conventionnelles. La notion de domaine relativement à la métaphore conceptuelle ne

s’avère pas facile à manipuler dans les faits, en particulier en ce qui concerne le domaine source de la

métaphore lorsqu’on étudie un corpus du domaine cible. Des exemples analogues au (14) nous amè-

nent à pointer les difficultés que l’on peut rencontrer lorsque l’on cherche à rassembler des entités

lexicales relevant d’un domaine source dans le cadre d’une telle étude de fait de langue. Ce fait a déjà

été abordé à la suite des travaux de Lakoff et Johnson sur des corpus où l’on constate l’utilisation

conjointe de sources multiples que l’on peut considérer parfois comme proches. Dans quelle mesure

peut-on par exemple faire correspondre le verbe s’envoler au domaine de la météorologie ? Si ce type

de question peut se résoudre facilement dans un cadre de veille documentaire où le point de vue de

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5.3 Étude de la métaphore

224

l’utilisateur et sa façon d’appréhender sa tâche suffisent pour rendre valides les ressources utilisées, il

n’en est pas de même pour une étude de fait de langue où l’expertise des usagers détermine la validité

des résultats. Ainsi, si les résultats obtenus en terme d’indications pour la détection et de réécritures

possibles d’emplois métaphoriques à l’aide de LUCIA s’avèrent satisfaisants et encourageants, il sem-

ble que le concept-même de métaphore conceptuelle pourrait être revu à l’aune des domaines et des

dimensions au sens de la SI, plutôt que relativement aux entités lexicales elles-mêmes préalablement

décrites à l’aide d’attributs. Il est prévisible que l’utilisation de LUCIA dans une telle perspective

puisse apporter de nouvelles modifications au modèle lui-même. Nous pensons en particulier que

l’utilisation de la représentation des dispositifs en forme de groupes d’attributs/valeurs permettraient

de faire a posteriori la distinction entre domaines à partir des propositions de structuration des proces-

sus automatiques.

Une régularité intéressante a été observée dans certains articles du corpus. Elle concerne les

extensions d’une métaphore « au fil » d’un texte qui donnent lieu à des faisceaux de récurrences

d’attributs associés à des entités lexicales du domaine source. Jusqu’ici, nous n’avons pas encore ex-

ploité cette particularité dans ISOMETA. La distinction automatique entre des emplois métaphoriques

filés et la simple présence redondante de termes en rapport avec le domaine source est difficile à ca-

ractériser. Il est d’autant plus difficile d’opérer cette distinction que l’on trouve, de manière épisodi-

que, dans le corpus étudié, des textes où cohabitent des emplois métaphoriques et d’autres non

métaphoriques. Dans l’exemple (27), des entités associées au domaine de la météorologie

s’entrecroisent dans la chaîne paradigmatique avec des entités du domaine du corpus en présentant

parfois des emplois métaphoriques (pour tourbillon). C’est l’expert qui est ici encore sollicité pour

analyser ces cas. Dans de telles circonstances, les outils de visualisation et d’interactions qui ont été

présentés apparaissent comme une aide précieuse à l’analyse (c.f. 5.2.2.2).

Le décor changeait de nouveau mercredi. La neige faisait une apparition plus que remarquée sur les

marches du palais. L'action Damart, fabricant bien connu de sous-vêtements adaptés contre le froid, s'envolait,

gagnant en pourcentage ce que la température perdait en degrés. Ce sont encore les intempéries qui poussaient

vigoureusement les valeurs pétrolières, comme Raffinage (+6, 55% ) et ELF-Aquitaine (le titre est monté jus-

qu'à 351 F jeudi, avant d'être « victime » le lendemain de prises de bénéfices).

(…) Certes, les avancées successives de Wall Street, l'envolée de Tokyo et le redressement de Francfort

en fin de période donnaient, à Paris, le sentiment agréable d'être pris dans un tourbillon général.

(27) Extrait de l’article 4 du corpus « Le monde sur CD-ROM »

Les perspectives du projet sont encore multiples. En plus d’évaluer nos propositions et donc

entreprendre l’automatisation de certains de leurs aspects (voir 5.5), nous pensons que les aides à

l’interprétation que l’on peut fournir peuvent devenir la base d’un système de génération automatique

de métaphores. Ce domaine de recherche est déjà étudié pour, par exemple, rendre plus spontanées les

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Chapitre 5 Analyses et interactions

225

interactions homme/machine en langue naturelle. Il apparaît notamment qu’un manque lexical pour

une combinaison d’attributs donnée dans le domaine cible comblé dans le domaine source est un lieu

propice à la métaphore. Cependant, il n’est pas possible de systématiser les métaphores possibles. Ain-

si dans l’exemple (15), il est envisageable de proposer les entités bourrasque et tempête pour la cons-

truction de métaphores dans le domaine de la bourse ayant trait à des phénomènes violents, évalués

comme mauvais. Ceci est rendu possible par la spécification de ces entités dans une catégorie à part

entière utilisant l’attribut [Force]. En l’absence de cet attribut, ces entités auraient été présentes dans la

ligne de la table de niveau supérieur regroupant des entités telles que vent. Or il paraît peu envisagea-

ble d’utiliser vent dans ce cotexte pour mettre en jeu une métaphore de signification très proche. Cer-

tains problèmes restent donc posés : comment distinguer strictement les entités lexicales des domaines

sources et cibles, comment juger de la pertinence d’un emploi métaphorique produit pour un certain

contexte…

L’absence d’analyse grammaticale du corpus nous permet de limiter les temps de traitements

pour analyser rapidement différents corpus sans être dépendants des éventuelles erreurs des analy-

seurs. Cependant, nous avons déjà abordé le fait que ce principe, qui relève d’une sémantique légère

pour le TAL, peut amener quelques erreurs d’appariement. Dans le domaine de la météorologie, les

entités lexicales ayant trait aux saisons n’ont ainsi pas été intégrées au dispositif. La distinction entre

été en tant que nom ou forme de l’auxiliaire être est en effet impossible sans analyse des textes. Sur

cette simple entité, nous avons pu repérer 1176 occurrences dans l’ensemble du corpus. Parmi ces oc-

currences, seules 74 correspondent au nom, c’est-à-dire moins de 0,6% des occurrences et aucune

d’entre elles n’a été envisagée comme métaphorique. Cependant, une analyse plus précise de ces phé-

nomènes d’homographies pourrait apporter quelques informations plus précises sur l’intérêt que pour-

rait apporter une analyse grammaticale dans ce cadre.

Du point de vue du modèle, la distinction entre attributs propres et attributs partagés a permis

également de revenir sur la filiation avec les sèmes de la SI. En corrélation avec la SI, les attributs

propres peuvent être les pendants de sèmes mésogénériques (i.e. relatifs à un domaine dans le sens de

la SI). Par exemple, dans l’analyse de Hébert [Hébert, 2001] de la tirade «… Cachez ce sein que je ne

saurais voir. … » dans le Tartuffe de Molière (1622-1673), le chercheur met au jour le sème mésogé-

nérique /sexualité/ pour sein129. Plus en rapport avec notre corpus d’étude, le sème /bourse/ pour

bourse et mi-séance dans «… La Bourse de Paris est à l'équilibre à mi-séance... » est lui-aussi méso-

générique. Les libertés prises avec la SI, nous amènent également à considérer les attributs partagea-

bles de LUCIA comme les pendants de sèmes afférents de dimensions inférieures au domaine.

129 Notons au passage, que comme il est précisé dans [Hébert, 2001*], l’identité des signifiants phoniques sein et saint permet d’actualiser simultanément dans cette fameuse tirade non seulement le sème mésogénérique/sexualité / mais également /religion/ qui peut être considéré également comme mésogénérique.

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5.4 Veille documentaire

226

Cependant, l’afférence, c’est-à-dire l’inférence qui permet l’actualisation d’un sème afférent en

contexte, est systématiquement proposée par le logiciel quelle que soit la validité effective de cette

opération : c’est à l’utilisateur d’en juger la conformité avec son interprétation. En SI, les sèmes affé-

rents n’apparaissent que par instruction contextuelle, le contexte de la tâche et le corpus étant fixe pour

une étude du type ISOMETA, on peut envisager une actualisation automatique mais pas une validité

systématique de cette actualisation. D’une manière générale, il est difficile de trouver une corrélation

stricte entre les types d’attributs et les types de sèmes puisque les attributs sont utilisés pour décrire et

structurer des significations potentielles d’entités lexicales alors que les sèmes sont le résultat de

l’interprétation d’un texte. Cependant, la notion d’attribut propre est particulièrement intéressante dans

notre approche de la métaphore : le parallèle avec les sèmes mésogénériques peut être poursuivi jus-

qu’à l’isotopie et la notion d’impression référentielle. Rappelons que pour la SI, les domaines dépen-

dent de normes sociales. Comme il a été souligné dans [Tanguy, 1997b* : 71], la stabilité

socioculturelle130 du découpage de l’univers référentiel par des domaines induit des effets de référence.

Ces effets sont une ou des isotopies présentes le long de la chaîne syntagmatique de sémèmes relevant

d’un même domaine – dans le cadre de LUCIA, nous parlons d’entités lexicales appartenant à un

même dispositif ou partageant un même attribut propre.

La partie suivante présente les résultats obtenus avec LUCIA dans un autre champ

d’application : celui de la veille documentaire.

5.4 Veille documentaire

Dans cette partie, nous présentons des exemples de résultats de l’utilisation de LUCIA dans

un cadre de veille documentaire. L’usager potentiel n’est pas nécessairement un expert en terminolo-

gie, en linguistique ou en lexicologie – tout au plus pourra-t-il être un spécialiste de son domaine

d’intérêt relativement à la situation de sa tâche, un spécialiste d’un domaine de discours. Le détail des

descriptions et leur nature même pourront ainsi être différents que ceux construits dans un cadre

d’étude d’un fait de langue. Du point de vue de la finesse des descriptions, un utilisateur peut par

exemple n’être intéressé que par des documents qui abordent de façon générale son centre d’intérêt,

dans ce cas, le dispositif correspondant pourra être composé d’un nombre restreint de tables rassem-

blant des entités lexicales très générales par rapport au domaine. D’autres usagers peuvent s’impliquer

plus personnellement dans les descriptions et donc mettre l’accent dans les dispositifs sur des attributs

en relation avec un jugement ou une évaluation particulière d’un thème ou la façon d’aborder ce

thème. D’autres encore peuvent proposer des descriptions fines avec un nombre de tables important.

Ce nombre de table peut augmenter à la suite de plusieurs utilisations du système si les premiers résul-

130 L’identification des domaines se situe au palier sociolectal puisqu’ils sont dépendants de normes sociales.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

227

tats ne sont pas pleinement satisfaisants. Ces possibilités peuvent avoir des répercussions non seule-

ment sur la quantité de données manipulée automatiquement, mais aussi sur la nature des attributs mis

en jeu dans les dispositifs. Dans le cas d’une description générale, on peut avoir une majorité

d’attributs partageables réinvestis d’autres dispositifs. Dans le cas d’une description précise, les dispo-

sitifs peuvent présenter une majorité d’attributs propres spécifiant les entités lexicales retenues. Nous

allons voir dans cette partie que ces particularités peuvent influer sur les processus automatiques né-

cessaires à la veille et qu’elles peuvent être cooccurrentes dans un même dispositif. Ce sont alors les

choix de critères de filtrage et d’ordonnancement par rapport à ces données qui permettent de se foca-

liser sur un aspect particulier du domaine décrit.

Les analyses automatiques qui permettent un repérage des informations des dispositifs à

l’intérieur de textes sont utilisées pour une caractérisation chiffrée des textes. Ces caractéristiques sont

exploitables pour des processus de filtrage et d’ordonnancement personnalisés. Nous avons vu dans la

partie 5.2 l’importance de la présentation des résultats pour la tâche de veille documentaire : les do-

cuments peuvent être représentés sous la forme de schémas accompagnés de rapports d’exploration

sous la forme de textes qui rassemblent selon divers niveaux de détail les informations repérées et cal-

culées par les logiciels. Dans cette partie, nous présentons un logiciel d’étude, nommé LUCIASearch,

qui permet ces opérations automatiques sur des textes inconnus. Ce logiciel est dédié à la veille docu-

mentaire sur des documents non formatés de l’Internet (5.4.1). Un exemple d’utilisation nous permet

de présenter des exemples de résultats que l’on peut en obtenir (5.4.2). Enfin, les conclusions et les

perspectives de ces travaux sont présentées dans une dernière section (5.4.3).

5.4.1 LUCIASearch

LUCIASearch est un logiciel d’étude qui a pour but de montrer la faisabilité et la valeur ajou-

tée que peuvent apporter des analyses automatiques de documents inconnus à partir de dispositifs. Ce

logiciel est un métamoteur : il permet l’interrogation simultanée de plusieurs moteurs de recherche de

l’internet. Il filtre et réordonnance les résultats proposés. Il exploite ainsi l’index et le système

d’interrogation par requêtes des moteurs tout en palliant leurs manques en terme d’analyse personnali-

sée de contenu. Il propose une technique de pull dans le cadre d’une veille documentaire.

LUCIASearch a été implanté en Java. Il utilise en particulier les classes du package java.net

pour accéder à travers les réseaux à des documents distants de la machine de l’utilisateur. En outre, il

exploite les techniques de projections des données des dispositifs exposées en 5.1 et permet la création

automatique des interfaces de lecture d’ensemble de documents et de documents spécifiques à la veille

documentaire présentées dans 5.2.

Page 48: Chapitre 5 - revue-texto.net · Chapitre 5 Analyses et interactions Dans ce chapitre, nous présentons les analyses automatiques effectuées à partir des dispositifs LUCIA et les

5.4 Veille documentaire

228

La figure suivante propose une vision globale du fonctionnement du système (figure 104), le

point de départ correspond à la situation où un utilisateur a déjà constitué un ou plusieurs dispositifs

pour la tâche.

Figure 104 – Fonctionnement général de LUCIASearch.

Un ou plusieurs dispositifs peuvent être exploités par LUCIASearch pour produire une re-

quête par sélection d’éléments particuliers (1 sur la figure 104). On peut sélectionner une ou plusieurs

lignes de tables, une table ou plusieurs tables ou un dispositif dans son ensemble. La requête soumise

au moteur de recherche est générée en fonction des entités lexicales des éléments sélectionnés. Si le

nombre d’élément est trop important, le fonctionnement des moteurs de recherche implique souvent

des listes de résultats très courtes voire vides. Pour pallier cet inconvénient, il est également proposé

de créer sa propre requête à partir d’une simple liste de mots (1b sur la figure 104). Cette liste peut être

proposée à la main par l’utilisateur ou créée à partir de la sélection d’entités lexicales du dispositif uti-

lisé.

Dans sa version actuelle (version 1.0 de juillet 2004), LUCIASearch propose d’interroger soit

le moteur de recherche Yahoo, soit le moteur Lycos, soit les deux131. La syntaxe de la requête peut in-

tégrer les options de positionnement d’expressions, c’est-à-dire la caractérisation d’une entité com-

plexe pour qu’elle ne soit pas considérée par le moteur comme une suite d’entités simples. Cette

fonctionnalité est possible à partir de la caractérisation de la syntaxe des URL de requêtes générées par

les moteurs interrogeables par le logiciel. Les pages de résultat des moteurs, obtenues automatique-

ment à partir de la génération de l’URL correspondante, sont ensuite analysées : les parties intéressan-

131 Des problèmes inhérents au fonctionnement du moteur Google nous empêchent pour l’instant de proposer ce moteur pourtant très populaire parmi ceux proposés gratuitement sur l’Internet. Ces problèmes concernent la né-cessité d’obtenir un cookie pour analyser à distance ses résultats.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

229

tes y sont repérées. Les parties intéressantes des pages de résultats sont celles qui correspondent aux

informations relatives aux documents résultats. Une étude préalable de l’aspect des pages de résultat

des moteurs a été nécessaire pour, par exemple, distinguer les liens publicitaires ou de navigation par-

mi les autres services du moteur (2 sur la figure 104). Pour les moteurs Yahoo et Lycos, les résultats

apparaissent comme les items d’une liste numérotée (balises <li>) après une liste de liens sponsorisés.

Les documents d’arrivée des liens sponsorisés ne sont pas analysés. Ces liens sont caractérisés par la

mise en page HTML (la CSS de Yahoo les placent dans des balises correspondant à une classe nom-

mée sponsored tandis que Lycos utilise une liste d’items titrée Liens sponsoris&eacute;s).

Les informations proposées par le moteur pour chaque document résultat sont stockées et

pourront être affichées plus tard à l’issue de la chaîne de traitements en complément du rapport

d’exploration textuel et des représentations schématiques. Ces informations sont par exemple la taille

du document (généralement donnée en kilooctets), le titre (récupéré par le moteur à partir de la balise

<title> de la page HTML), un extrait du texte du document contenant les mots de la requête et bien

sûr l’URL qui permet d’y accéder. Le prototype présenté dans la figure 92 (p.202) nous a déjà permis

de montrer ces fonctionnalités – rappelons que l’intégration de HTMLtoSVG n’a pas été finalisée et

que cette figure présente un prototype qui n’a pas été généré entièrement de façon automatique

L’ensemble des documents proposés par les moteurs est analysé à distance (parsing à distance

de chaque document correspondant à une URL de résultat – 3 sur la figure 104) grâce à l’URL récupé-

rée. À l’heure actuelle, cette analyse est proposée pour les documents aux formats HTML et TXT – les

documents HTML générés dynamiquement par PHP sont bien entendus traités de façon identique au

document directement en HTML.

Les premières analyses permettent d’éliminer les documents redondants pour les moteurs in-

terrogés et les URL invalides (type erreur 404). Il s’agit de deux fonctionnalités classiques des mé-

tamoteurs. Les URL invalides sont repérées lorsque l’accès à travers le réseau produit une erreur. En

effet, la mise à jour des index des moteurs demande un certain temps et des documents initialement

indexés peuvent avoir été supprimé : l’Internet est une base documentaire très volatile132. Si plusieurs

moteurs sont interrogés, les documents redondants sont éliminés par comparaison des URL.

Les URL valides sont ensuite explorées. Les documents correspondants sont analysés par pro-

jection des ressources contenues dans les dispositifs. Des processus spécifiques permettent de repérer

dans les pages HTML les zones textuelles des documents et de les distinguer des zones de navigation,

des publicités ou des images. Ces processus ont été décrits en 5.2.2.1 car ils sont également utilisés

pour la mise en œuvre de l’interface de parcours rapide de l’ensemble documentaire résultant. Les zo-

132 L’association américaine Internet Archive tente de constituer depuis de nombreuses années une archive géné-rale des documents publiés sur l’Internet pour pallier ce genre de désagréments. http://www.archive.org. La tâ-che semble cependant bien vaste et ne saurait de toutes façons être exhaustive.

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5.4 Veille documentaire

230

nes de textes sont transformées au format TXT (à l’aide du module HTMLtoTXT dans le cas du

HTML) et analysées en terme de repérage des entités lexicales des dispositifs. Les zones textuelles

sont repérées à l’aide de la structure HTML des documents. En présence de tableaux, si une cellule de

d’un tableau n’a pas été considérée comme une zone de navigation ou ne présente pas uniquement une

image ou animation, celle-ci est considérée comme une zone textuelle et fera donc l’objet d’une ana-

lyse. Si la structure du document utilise les balises de titres et paragraphes HTML (type <h1>, <h2>,

<p>, etc.), une zone textuelle correspond à l’ensemble du texte contenu entre deux balises de plus haut

niveau (par exemple entre <h2>titre1</h2> et <h2>titre2</h2>). Comme nous l’avons déjà signalé,

l’utilisation d’HTML est très libre sur l’Internet et il est très courant de ne pas trouver ce type de bali-

ses dans les documents. Pour ces cas de figure, les zones de textes correspondent à des paragraphes

(<p> ou <br>) consécutifs. Si les paragraphes présentent moins de 15 mots, ils sont alors agglomérés à

la zone textuelle précédente (ou suivante s’il s’agit de la première zone de texte). Ce seuil arbitraire est

critiquable car il ne permet pas de distinguer les titres longs des petits paragraphes. Il a été obtenu à la

suite d’une expérimentation menée lors d’un projet de DESS133 [Hubert, 2003*]. Lorsque les docu-

ments traités sont au format TXT, les zones textuelles correspondent aux parties de textes distinguées

par des sauts de lignes. La même technique d’agglomération de texte que pour les documents HTLM

est appliquée.

La mise en corrélation des entités lexicales avec les descriptions des dispositifs permet la mise

en place de calculs sur les récurrences d’attributs dans les zones remarquables : les parties de textes

sont annotées sur le modèle de ce qui a été présenté en 5.1. En parallèle, l’interface de parcours rapide

de l’ensemble documentaire est générée selon les principes exposés en 5.2.2 (4 sur la figure 104).

Dans la partie suivante, nous proposons un exemple d’utilisation de LUCIASearch. Cet

exemple permet de montrer la faisabilité et l’intérêt des analyses automatiques de textes inconnus à

partir de dispositifs.

133 DESS RADI : Réseaux, Applications Documentaires et Image du département d’informatique de l’universitéde Caen.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

231

Figure 105 – Dispositif « Biocorrosion »

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5.4 Veille documentaire

232

5.4.2 Exemple d’utilisation

L’exemple d’utilisation de LUCIASearch que nous proposons a été élaboré pour une démons-

tration de LUCIASearch aux décideurs du CRITT BNC qui nous ont approché en juillet 2004 pour une

exploitation du système à des fins professionnelles. Un des partenaires du CRITT BNC est la société

CORRODYS - (entité mixte créée par l'Université de Caen et le CRITT BNC, avec le soutien du

CEA). CORRODYS propose des services de détection et de solutions préventives et curatives pour les

phénomènes de la biocorrosion. C’est donc ce sujet qui a été choisi pour l’élaboration d’un dispositif

et la présentation d’un exemple d’utilisation du logiciel d’étude.

5.4.2.1 Dispositif utilisé

L’exemple d’utilisation de LUCIASearch que nous proposons est fondé sur l’exploitation du

dispositif présenté en figure 105, p.231 relatif au domaine de la biocorrosion. Ce dispositif a été élabo-

ré à la suite d’une étude (manuelle et statistique en fonction du protocole de construction des disposi-

tifs proposé en p.174 partie 4.5) d’un corpus de textes présentant les causes et les solutions

industrielles du problème de la corrosion d’origine bactérienne. Ce corpus constitué de 9 pages du site

de la société CORRODYS134 contient 3 445 mots. Le dispositif a été créé de façon à présenter diffé-

rents points de vue cooccurrents sur le domaine afin de mieux exposer les possibilités du système. Ce

dispositif a été utilisé dans LUCIASearch pour obtenir des documents en rapport avec la biocorrosion

du béton en fonction de la manière dont a été décrit le domaine dans le dispositif. La biocorrosion du

béton est l’un des domaines d’intérêt particulier de la société CORRODYS.

L’examen du dispositif proposé en figure 105 permet de voir que le phénomène de la biocor-

rosion est appelé également biodétérioration, corrosion bactérienne ou simplement corrosion. Des en-

tités lexicales identiques apparaissent dans des tables distinctes. Nous avons déjà présenté cette

possibilité dans le chapitre 3. Dans le cas présent, cette configuration permet l’expression de deux

points de vue complémentaires sur ces entités. Par exemple, l’entité eau de mer est placée dans la ca-

tégorie des « Facteurs de risque » et associée à [Nature du facteur : vivant]. Les tables qui sont des

sous-catégories de « Facteurs de risque » permettent de distinguer des entités en fonction des attributs

[Type de cellule] et [Fonctionnement]. Il s’agit là d’une description à caractère plutôt référentiel par

rapport à des observations biologiques. Ceci traduit une connaissance encyclopédique sur les concepts

associables aux entités en question dans le domaine décrit. Ce sont les différences entre ces connais-

sances qui sont exprimées dans la table en question. La même entité eau de mer apparaît également

dans la table « Facteurs de risque dangereux » qui est une sous-catégorisation de la table « Facteurs de

risque 2 » distinguant des facteurs de risque de la biocorrosion en fonction de leur dangerosité. Il s’agit

134 http://www.corrodys.com.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

233

là d’un critère de catégorisation plus subjectif, difficilement envisageable dans le cadre d’une descrip-

tion d’un autre domaine – nous avons déjà présenté ce fait dans le chapitre 3 p.100. Les tables qui sont

des sous-catégories de « Facteurs de risque 2 » sont renseignées avec les entités lexicales qui apparais-

sent également parfois dans d’autres tables mais on y a également ajouté des entités plus spécifiques

comme bactérie sulfuro-oxdydante ou bactérie sulfurogène. Ce fait traduit un intérêt particulier à dé-

crire ces entités en terme de risque plutôt qu’en fonction de considérations biologiques. Les critères de

validité des structures sont respectés car, entre autres, aucune entité lexicale n’est associée dans le dis-

positif avec des valeurs différentes d’un même attribut. Une faute d’orthographe courante a également

été intégrée au dispositif, il s’agit de bactérie thiosulphato-réductrice et bactérie sulphato-réductrice

qui sont deux formes inspirées de l’orthographe anglo-saxonne redondante dans le corpus

d’observation, utilisées pour désigner des bactéries thiosulfato-réductrices ou sulfato-réductrices. La

présence d’entités comme bactérie (table « Micro-organismes facteurs de risque ») et bactérie sulfu-

rogène (table « Facteurs de risque très dangereux ») ne pose pas de problèmes particuliers lors des

analyses. Comme nous l’avons indiqué en 5.1, l’heuristique de repérage des entités lexicales dans les

textes donne le primat aux entités complexes : les analyses automatiques tiendront compte de la dis-

tinction posée dans le dispositif.

5.4.2.2 Expérience

Pour l’exemple, nous avons utilisé une requête constituée des deux mots béton et biocorro-

sion. Différentes modalités d’ordonnancement et de filtrage ont été utilisées sur les résultats.

De nombreux termes sont utilisés pour désignés la biocorrosion. Le nombre de requêtes po-

tentielles est donc très important si l’on examine les combinaisons possibles de ces termes avec bé-

ton135 pour la recherche prévue. Dans le cadre d’une tâche véritable, il est possible d’analyser les

documents obtenus de la simple requête « béton » et d’obtenir du logiciel les documents présentant le

plus de récurrence des attributs présents dans le dispositif en question classés selon divers critères en

fonction de la nécessité de la tâche : on peut favoriser la présence de récurrences d’un ou plusieurs at-

tributs (pour une approche au niveau des isotopies) ou favoriser la présence de certaines entités lexica-

les associées à une ou plusieurs tables particulières (pour une approche thématique au niveau des

tables). Une telle démarche est longue en temps de calcul et produit une quantité très importante

d’information : elle n’a donc pas été retenue pour être présentée dans ce tapuscrit.

L’exemple correspond à la configuration du logiciel présentée dans la figure 106. Dans la par-

tie en haut à gauche, une représentation arborescente permet d’avoir accès à toutes les tables du dispo-

135 Pour donner un ordre d’idée du nombre de documents que proposent un moteur comme Lycos censés être en rapport avec ce sujet, la requête « béton biocorrosion » aboutit à 6 documents, « béton » à plus de 10 000 docu-ments, et « biocorrosion » aboutit à 39 documents.

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5.4 Veille documentaire

234

sitif et de pouvoir y sélectionner des mots pour la requête. Une fois sélectionnée, une entité lexicale est

présentée dans la partie en haut à droite avec le nom de la table ainsi que les attributs/valeurs de caté-

gorie correspondants. Le panel du bas permet de sélectionner une table, une ligne de table ou tout le

dispositif comme critère de filtrage et d’ordonnancement. Dans la figure 106, il s’agit de la configura-

tion par défaut : l’ensemble du dispositif va être utilisé pour classer les documents lors de l’analyse : la

partie en bas à droite est vierge. Si l’on désire favoriser la présence d’une ou plusieurs tables et/ou la

présence d’un ou plusieurs attributs ou valeurs d’attributs, la sélection se fait sur le même principe que

pour les entités lexicales.

Figure 106 – Copie d’écran de LUCIASearch pour la requête « béton biocorrosion »avec tout le dispositif comme critère de filtrage.

L’ URL de la requête générée automatiquement pour le moteur Yahoo est :http://fr.search.yahoo.com/search/fr?ei=UTF-8&fr=fp-tab-web-

t&x=op&va=biocorrosion+b%C3%A9ton&va_vt=any&vp=&vp_vt=any&vo=&vo_vt=any&ve=&ve_vt=any&vd=all&v

st=0&vs=&vf=all&vc=countryFR&fl=1&vl=lang_fr&n=20&brfw=Lancer+la+recherche

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Chapitre 5 Analyses et interactions

235

Pour le moteur Lycos, l’URL de la requête est la suivante :http://vachercher.lycos.fr/cgi- bin/pursuit?query=b%E9ton+biocorrosion&x=0&y=0& cat=fr&tld

=com&family=off

Figure 107 – Ensemble des documents obtenus.

L’ensemble des documents proposés par les moteurs et analysés automatiquement par le logi-

ciel sont présentés dans la figure 107. Les titres proposés sont ceux repérés par les moteurs, la courte

présentation du document a été rédigée par nos soins. Cette figure montre également l’ordre de clas-

sement de ces documents pour chacun des moteurs. Tous les documents proposés par le moteur Yahoo

sont présentés également par le moteur Lycos qui ne propose pas de document nouveau par rapport à

l’autre moteur – son intérêt est donc nul dans l’exemple. Notons que le document intitulé

« Laboratoire Corrosion – Fragilisation Hydrogène – CFH » n’est pas analysable par le logiciel pour

l’instant car il est au format PDF (c.f. 5.4.3).

Pour représenter l’ensemble des analyses et des calculs automatiques, nous proposons de nous

attarder particulièrement sur le document intitulé « Le Laboratoire de biocorrosion / biodétériora-

tion ». La figure 108 propose une représentation schématique des zones analysées dans ce document.

Elle précise les entités lexicales du dispositif qui y ont été repérées avec les attributs de catégorie et les

attributs hérités correspondants (les attributs/valeurs hérités sont précédés d’un +).

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5.4 Veille documentaire

236

Figure 108 – Schématisation du repérage automatique des récurrences.

La structure HTML du document est constituée d’un ensemble de tables. Les cellules de ces

tables et ces tables elles-mêmes ont été considérées comme des zones textuelles si elles n’avaient pas

été repérées en tant que zones de navigation (comme c’est le cas pour la partie sous le titre du docu-

ment « Exemples d'études confiées au laboratoire de biodétérioration » et celle à gauche sous le texte

« Laboratoire de biocorrosion / biodétérioration CORRODYS »). Sur la figure, les zones textuelles ont

été encadrées de noir, le document a été tronqué car aucune zone remarquable (présentant au moins

une occurrence d’une entité du dispositif) n’est présente au-delà de la partie présentée. L’analyse du

document a mis au jour la présence de 168 graphies n’appartenant pas à la stop-list (par abus de lan-

gage nous utiliserons le terme entité non vide) : les calculs sur les entités lexicales supports de récur-

rences d’attributs et valeurs d’attributs pourront ainsi être relativisés par rapport à l’ensemble des

entités non vides du document.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

237

Les figures suivantes rassemblent les résultats du calcul fondé sur ces informations selon deux

paliers d’analyse : le document dans son ensemble et les zones textuelles repérées.

Figure 109 – Résultat du calcul des récurrences d’attributs et valeurs d’attributs pour le document « Le Laboratoire de biocorrosion / biodétérioration ».

La figure 109 présente le résultat du calcul des récurrences d’attributs et valeurs d’attributs

pour l’ensemble du document. Les chiffres présentés entre parenthèses correspondent aux calculs rela-

tifs au nombre d’entités différentes supports d’une récurrence. Les pourcentages correspondent au

nombre relatif d’entités support d’une récurrence par rapport au nombre d’entités non vides. L’attribut

majoritairement redondant dans le document est [Nature du phénomène]. La valeur d’attribut majori-

tairement redondante dans le document est [Nature du phénomène : résultat]. Les attributs [Nature du

facteur] et [Niveau de risque] présentent des nombres de récurrences absolues et relatives identiques.

Le contenu du document semble correspondre au domaine du dispositif dans son ensemble.

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5.4 Veille documentaire

238

Figure 110 - Résultat du calcul des récurrences d’attributs et valeurs d’attributs par zones textuelles du document « Le Laboratoire de biocorrosion / biodétérioration ».

La figure 110 présente le nombre de récurrences d’attributs et valeurs d’attributs par zone de

document. Elle montre que c’est la zone textuelle numéro 3 qui présente le plus de récurrences

d’attributs et valeurs d’attributs différentes de manière absolue, tandis que c’est la zone numéro 1 qui

en présente le plus de façon relative. Cependant, l’analyse n’a repéré dans cette zone que 4 entités non

vides, c’est donc une petite zone et il est donc probable que son contenu n’est pas très intéressant (il

s’agit en l’occurrence simplement du nom du laboratoire). Les attributs [Nature du facteur] et [Niveau

de risque] sont récurrents dans la zone 3 du fait de la présence des mêmes entités lexicales. Dans la

zone 6, cooccurrent deux entités lexicales en rapport avec les mots de la requête : béton qui est présent

tel quel dans la requête et corrosion qui partage la même valeur d’attribut que biocorrosion dans la ta-

ble des « Phénomènes de la biocorrosion ». Cette zone comporte 15 entités non vides et l’attribut [Na-

ture du phénomène] est récurrent pour 13,3% des entités de cette zone. Elle apparaît donc comme la

zone la plus intéressante relativement à la requête.

Figure 111 - Résultat du calcul des occurrences d’entités lexicales en fonction des tables du dispositif sur l’ensemble du document « Le Laboratoire de biocorrosion / biodétérioration ».

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Chapitre 5 Analyses et interactions

239

La figure 111 présente le résultat du calcul des occurrences d’entités lexicales en fonction des

tables dans lesquelles elles apparaissent. Elle montre que la table majoritairement représentée dans le

document est l’une des plus générales au dispositif : « Phénomènes de la biocorrosion » (4,2% des en-

tités du document appartiennent à cette table) et que les tables « Facteurs de risque », « Facteurs de

risque dangereux » et « Facteurs de risque très dangereux » sont présentes en proportions équivalentes.

Tous les thèmes décrits dans le dispositif ne sont donc pas présents. En particulier, aucune des tables

les plus spécifiques au domaine (Technique de caractérisation physico-chimiques et Bactéries sulfu-

rogènes) n’est représentée.

L’ensemble de ces calculs peut être réitéré sur tous les documents retenus. Ils sont proposés

ici pour l’exemple mais ils peuvent être envisagés un par un, une fois les informations des dispositifs

projetées sur les documents et les zones de ces documents repérées par le système. C’est là l’intérêt

d’annoter les textes et non de produire la projection des données au coup par coup.

Les figures suivantes présentent les résultats obtenus pour l’ensemble des documents présenté

dans la figure 107. Dans les documents intitulés BTP-Génie Civil, Matériaux – Chimie et Université

Paul Sabatier – Toulouse III – France : Les laboratoires de recherche n’ont été repérées que des zo-

nes de navigation ou des zones textuelles qui ne présentent aucune récurrence d’attributs : ils ne sont

pas présentés dans cette liste de résultats (c.f. 5.4.2.3).

Pour le document CEFRACOR, les trois entités corrosion, biodétérioration et matériaux sont

présentes dans une même zone textuelle. Cette zone est la seule du document à présenter une récur-

rence d’attributs/valeurs. Celui-ci semble donc peu intéressant pour la tâche. L’analyse a permis de re-

pérer 272 entités non vides dans l’ensemble du document et 33 dans la zone en question.

Figure 112 - Résultat du calcul des récurrences d’attributs et valeurs d’attributs pour l’ensemble du document CEFRACOR.

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5.4 Veille documentaire

240

Figure 113 - Résultat du calcul des récurrences d’attributs et valeurs d’attributs pour la zone textuelle remarquable du document CEFRACOR.

Figure 114 - Résultat du calcul des occurrences d’entités lexicales en fonction des tables du dispositif sur l’ensemble du document CEFRACOR.

Pour le document Opération 8, l’analyse a permis de repérer 351 graphies non vides et de dis-

tinguer six zones textuelles dont quatre présentent des récurrences d’attributs (zones 2, 3, 4 et 6). Une

zone supplémentaire fait apparaître une occurrence de corrosion (zone 2). Elle présente donc une ré-

currence supportée par la même entité lexicale. Cette récurrence est moins intéressante que si elle était

supportée par deux entités distinctes.

Figure 115 - Résultat du calcul des récurrences d’attributs et valeurs d’attributs pour l’ensemble le document Opération 8.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

241

Figure 116 - Résultat du calcul des récurrences d’attributs et valeurs d’attributs par zones textuelles du document Opération 8.

Figure 117 - Résultat du calcul des occurrences d’entités lexicales en fonction des tables du dispositif sur l’ensemble du document Opération 8.

Pour le document sans titre classé numéro 7 par le moteur Yahoo (nous l’appellerons Vri-

gnaud du nom de son auteur), l’analyse a permis de repérer 4 896 graphies non vides et de distinguer

75 zones textuelles en tout. Vu la taille du document, nous ne présentons pas le détail des résultats du

calcul des récurrences d’attributs et valeurs d’attributs pour toutes les zones textuelles. Nous présente-

rons celles qui peuvent s’avérer intéressantes en fonction des critères d’ordonnancement et de filtrage

choisis en fin de partie.

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5.4 Veille documentaire

242

Figure 118 - Résultat du calcul des récurrences d’attributs et valeurs d’attributs pour l’ensemble le document Vrignaud.

Figure 119 - Résultat du calcul des occurrences d’entités lexicales en fonction des tables du dispositif sur l’ensemble du document Vrignaud.

Pour l’ensemble des résultats obtenus, différents critères de filtrage et d’ordonnancement sont

possibles. Le critère « Nombre d’attributs représentés » permet d’ordonnancer les documents en fonc-

tion de la présence du plus grand nombre d’attributs différents. Ce critère permet d’obtenir des docu-

ments qui maximisent les aspects différents du domaine décrit dans le dispositif. Il est possible de

donner un nombre minimum d’attributs qu’un document doit présenter pour être retenu dans la liste.

Dans l’exemple étudié, si l’on désire avoir aux moins trois attributs représentés, le classement obtenu

est le suivant : Vrignaud, Le Laboratoire de biocorrosion / biodétérioration et Opération 8. Ce clas-

sement permet d’aboutir à des documents qui abordent au moins plusieurs aspects du domaine.

Le critère « Présence d’attributs particuliers » permet de ne garder dans les résultats que des

documents qui présentent au minimum des récurrences d’attributs ou attributs/valeurs sélectionnés.

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Chapitre 5 Analyses et interactions

243

Dans l’exemple, si l’on désire ne voir apparaître que des documents qui présente des récurrences de

[Niveau de risque : très dangereux], l’ordre final en se basant sur les valeurs absolues d’entités sup-

ports est : Vrignaud, Le Laboratoire de biocorrosion / biodétérioration et Opération 8. Le même clas-

sement en valeurs relatives d’entités supports de l’attribut/valeur inverse la place du premier et du

dernier en favorisant les documents courts où l’attribut est récurrent. Si l’on désire en revanche ne voir

apparaître que des documents spécifiques sur le domaine, on pourra dans le cas présent forcer la pré-

sence de l’attribut [Matière réduite], ce qui en fonction de la configuration du dispositif utilisé revient

à forcer la présence de la table Bactéries sulfurogènes (la présence requise d’une table est aussi un cri-

tère possible). Dans ce cas, seul le document intitulé Vrignaud est présenté. C’est le seul document

proposé qui aborde ce thème. Dans les faits, c’est le seul document de la liste de résultats qui aborde le

sujet de la corrosion de manière précise et scientifique. La présence d’une table spécifique au domaine

est donc cohérente.

Les critères de présence d’un attribut particulier ou d’une table particulière peuvent être choi-

sis en fonction des zones textuelles. Dans ce cas, les documents seront filtrés et ordonnés en fonction

de la présence de zones textuelles où cooccurrent soit des entités supports de l’attribut sélectionné, soit

des entités de la table sélectionnée. Dans l’exemple, si l’on opte pour cette option avec l’attribut [Ni-

veau de risque], cela traduit un intérêt particulier pour un document présentant une zone spécifique au

domaine où sont potentiellement évoqués des facteurs de risque de la biocorrosion. Dans l’exemple, la

liste de documents obtenue est la suivante : Opération 8, Vrignaud et Le Laboratoire de biocorrosion /

biodétérioration. En effet, les zones de ces documents qui présentent cet attribut sont respectivement :

- les zones 3 et 6 pour Opération 8 où les récurrences sont respectivement supportées par 3(2)

entités et 2(2) entités ;

- les zones 52 et 60 pour Vrignaud où les récurrences sont respectivement supportées par 2(2)

entités (bactérie-sulfuro-oxydante et béton) et 2(1) entités (bactérie-sulfuro-oxydante) ;

- la zone 3 pour Le Laboratoire de biocorrosion / biodétérioration où les récurrences sont sup-

portées par 2(2) entités.

D’autres critères de filtrage et d’ordonnancement sont possibles. L’évaluation de leur intérêt

n’est pas facile car ils apparaissent dépendants du dispositif initial. Par exemple, la simple présence de

récurrences de l’attribut [Niveau de risque] permet de pressentir la présence de facteurs de risque du

domaine. Vu les valeurs de l’attribut, ces facteurs sont considérés au minimum comme dangereux. De

manière générale, si l’on s’en tient au protocole de construction de dispositif proposé, les tables ras-

semblant les entités les plus spécifiques au domaine apparaissent sans sous-catégorisation, c’est-à-dire

en bas des arbres de la forêt d’arbres que représente le dispositif. Ainsi, le critère qui tend à favoriser

la présence d’une table ou d’un attribut très spécifique permet d’obtenir des documents classés et fil-

trés en fonction de la présence d’entités spécifiques au domaine et donc susceptible d’aborder le do-

Page 64: Chapitre 5 - revue-texto.net · Chapitre 5 Analyses et interactions Dans ce chapitre, nous présentons les analyses automatiques effectuées à partir des dispositifs LUCIA et les

5.4 Veille documentaire

244

maine de façon précise, voire à l’aune d’une thématique particulière du domaine. En revanche, la pré-

sence d’un attribut très générique (type [Nature du phénomène] dans l’exemple), tend à favoriser la

présence de documents simplement en rapport avec le domaine tel qu’il a été décrit, ce qui peut être

intéressant pour un premier filtrage si l’on n’utilise qu’une entité générale pour la requête et qu’on

laisse le logiciel procéder aux analyses sur l’ensemble des résultats.

5.4.2.3 Discussion

L’expérience décrite dans la partie précédente a pour but de montrer la faisabilité et l’intérêt

des analyses automatiques de documents à partir d’un ou plusieurs dispositifs. LUCIASearch est un

logiciel d’étude qui permet une analyse en terme de contenu de documents. Il permet de pallier les

manques d’autres systèmes documentaires (tout en profitant de leurs index). Par-là même, les analyses

proposées permettent un accès personnalisé aux documents. L’exploration assistée de leur contenu est

supportée par les interfaces de lecture créées.

La requête proposée en exemple a été utilisée pour simuler l’intérêt particulier d’un utilisateur

pour un aspect précis du domaine décrit dans le dispositif proposé en exemple. Le critère de filtrage le

plus adéquat pour la tâche simulée est celui qui force la présence de la table [Facteurs de risque très

dangereux]. Dans ce cas, à partir des 7 documents de départ analysables proposés par les moteurs de

recherche, seuls 3 sont proposés. Ils sont classés dans l’ordre suivant :

1 : Vrignaud où une récurrence de l’attribut est supportée par 14 (3) entités sur l’ensemble du

document.

2 : Le Laboratoire de biocorrosion / biodétérioration où une récurrence de l’attribut est sup-

portée par 4 (4) entités sur l’ensemble du document.

3 : Opération 8 où une récurrence de l’attribut est supportée par 3 (2) entités sur l’ensemble

du document.

À la lecture de ces documents, on peut voir que Vrignaud présente de façon très détaillée le

mécanisme de détérioration des canalisations. Le document aborde effectivement le sujet de la biodé-

térioration du béton et traite du phénomène de biocorrosion. Le second document de la liste présente

spécifiquement des problèmes de biocorrosion dont celui du béton. C’est un document court à carac-

tère général. La présence de nombreuses photos et de courtes zones de texte peut être repérée à l’aide

d’une présentation schématisée. Cette présentation peut éviter la lecture du document si la tâche né-

cessite d’obtenir des documents précis et non une présentation générale du domaine. Le dernier docu-

ment de la liste présente une opération de recherche d’un laboratoire de physique des liquides et

d’électrochimie. Cette opération aborde effectivement le problème de la biocorrosion mais la détério-

ration du béton n’apparaît pas comme un sujet de recherche à part entière. Ce document est particuliè-

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Chapitre 5 Analyses et interactions

245

rement intéressant pour montrer l’intérêt des analyses. Une seule occurrence de l’attribut valeur [Na-

ture du facteur : vivant] apparaît : cette valeur ne prend part à aucune récurrence. À la lecture, on re-

marque que la corrosion de nature biologique (la biocorrosion) n’est qu’un thème de recherche du

laboratoire parmi d’autres et qu’il n’est pas abordé en tant que tel dans le texte. De même, une seule

récurrence de l’attribut/valeur [Nature du phénomène : facteur] apparaît et elle est étayée dans les deux

zones textuelles (zone 2 et 4) par deux occurrences de la même entité lexicale. Cette récurrence est

donc moins significative que si elle était appuyée par deux entités distinctes alors même que l’attribut

[Nature du phénomène] est hérité par de nombreux termes généraux et spécifiques au domaine dans le

dispositif.

Certains problèmes apparaissent à l’issue de cette expérience. Si les analyses automatiques à

partir de données personnalisées montrent leur intérêt, certains problèmes inhérents au traitement de

documents de sources hétérogènes perdurent. D’une part, l’impossibilité de traiter d’autres formats

que le HTML est une limite importante à l’utilisation de LUCIASearch dans des conditions autres

qu’expérimentales. D’autre part, l’exemple a été choisi à dessein pour montrer la difficulté de traiter

de documents de tailles très différentes. L’utilisation des pourcentages par rapport aux nombres

d’entités lexicales non vides des documents ne permet pas de résoudre totalement la relativisation de

l’importance des thèmes représentés par les tables ou les récurrences d’attributs/valeurs. Les principes

de sémantique légère montrent ici une limite car plus les documents sont longs, plus ils sont suscepti-

bles de receler des entités non présentes dans les dispositifs et ce fait n’est pas pris en compte pour

l’instant dans le calcul des résultats.

L’exemple étudié permet de pointer l’aspect itératif de l’utilisation du système. À partir de

l’examen des résultats obtenus, on peut envisager un retour à la fois quantitatif et qualitatif sur les

données de départ. D’un point de vue quantitatif, de nouvelles entités lexicales de documents jugés

pertinents peuvent être ajoutées au dispositif de départ. D’un point de vue général au domaine, la lec-

ture de Vrignaud fait apparaître par exemple de nombreuses occurrences de termes comme corrosivité

ou oxydation qui semblent en rapport avec le domaine du dispositif et peuvent donc faire l’objet d’une

catégorisation. De même, d’un point de vue plus spécifique au domaine, des termes qui ont trait à des

mécanismes de la corrosion comme oxydo-réduction ou enduit biologique (utilisé indifféremment pour

biofilm) pourraient être ajoutés. D’un point de vue qualitatif, l’ajout de ces entités pourrait amener à

modifier la structure du dispositif de départ. De plus, des termes comme matériau et corrosion appa-

raissent finalement comme trop généraux et pourraient être supprimés de la table [Phénomènes de la

biocorrosion]. Enfin, la biocorrosion en milieu maritime n’apparaît pas comme un thème général du

domaine et pourrait faire l’objet d’une catégorisation particulière de termes comme eau de mer et

micro-algue.

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5.4 Veille documentaire

246

Le choix des critères de filtrage et d’ordonnancement n’est pas trivial. Cependant, la techni-

que d’annotation des documents permet de générer plusieurs classements consécutifs pour choisir les

plus adaptés à la tâche. Une fois déterminés, ces critères pourront être réutilisés pour une recherche

analogue. Les techniques de filtrage qui ne dépendent pas de critères formulés par l’usager sont appré-

ciables. L’examen manuel des pages BTP-Génie Civil et Matériaux – Chimie permet d’apprécier

qu’elles sont effectivement très majoritairement composées d’hyperliens et d’apprécier la validité du

choix automatique dans ce cas présent. Le document de l’université de Toulouse (intitulé Université

Paul Sabatier) présente une liste de mots-clefs associés à des hyperliens censés aboutir aux sites de

laboratoires de recherche concernés par le sujet ainsi représenté. Si biocorrosion fait partie de cette

liste, l’hyperlien correspondant aboutit finalement à une page générée dynamiquement qui indique

qu’ « aucun laboratoire ne correspond à ce critère de recherche »136. Le cas des deux autres docu-

ments est plus discutable. Le document BTP-Génie Civil propose ainsi un lien intitulé Production de

béton à partir de résidus plastiques qui aboutit à une brève scientifique qui n’aborde par le problème

de la corrosion de ce matériau. Le même document ainsi que celui intitulé Matériaux – Chimie propo-

sent un autre lien intitulé Entreprise – L’avenir très prometteur d’une science encore assez mécon-

nue : la biocorrosion qui aboutit à un document fournissant une présentation générale de

CORRODYS. Dans ce dernier document, il n’est pas fait mention de la corrosion du béton. Ces re-

marques ne remettent pas en cause l’intérêt du système LUCIA mais limitent l’utilisation de LUCIA-

Search dans sa version actuelle. Il est envisageable d’analyser les textes des zones considérées comme

des zones de navigation et de parcourir le graphe web à partir du point représenté par un hyperlien co-

hérent avec les ressources du dispositif utilisé.

Notre première présentation à la société CORRODYS a permis de voir quels étaient les points

forts de nos propositions :

- l’analyse de documents non formatés ;

- la présentation interactive des résultats d’analyse tant du point de vue des ensembles de docu-

ments que pour les documents et leur contenu ;

- l’utilisation de données personnalisables et modifiables.

Les points faibles concernent essentiellement le fait que LUCIASearch est un logiciel d’étude

et non pas un logiciel utilisable tel quel dans un cadre professionnel. Nous revenons sur ce point dans

la partie suivante.

136 http://www.ups-tlse.fr/RECHERCHE/acces_labo_par_motcle.php3?mot=96

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Chapitre 5 Analyses et interactions

247

5.4.3 Conclusions et perspectives sur le projet de veille documentaire

Une expérience dans le champ de la veille documentaire a permis de montrer comment, à par-

tir de ressources structurées de façon différentielle, LUCIA peut assister un utilisateur pour l’accès à

des documents inconnus.

Comme nous l’avons vu dans cette partie, la multiplicité des critères possibles de filtrage et

d’ordonnancement et l’incidence de la structuration des ressources sur les résultats obtenus des logi-

ciels ne permettent pas de considérer les résultats obtenus automatiquement comme suffisants en soit -

au moins lors des premières utilisations dans un processus itératif. C’est pour cela que les interfaces de

parcours rapide d’ensembles documentaires et d’assistance à l’exploration du contenu des documents

apparaissent indispensables dans ce cadre. Plus que le seul travail des logiciels, c’est l’interaction avec

l’utilisateur qui permet d’obtenir des résultats satisfaisants. Le repérage de zones coloriées dans les

documents ou dans leur représentation schématique permet par exemple d’accéder rapidement aux

parties de documents potentiellement les plus intéressantes en fonction des désirs de l’usager.

Les adaptations pour une utilisation professionnelle de nos propositions sont multiples. Nos

contacts nous ont amené à envisager les modifications nécessaires pour l’élaboration d’un logiciel

d'emploi (en opposition à un logiciel d’étude137) à partir des existants. Ces modifications concernent

tout d’abord l’intégration de tous les logiciels d’étude proposés dans une même plate-forme, de THE-

MEEDITOR à LUCIASearch en passant par LUCIABUILDER. Ces logiciels devront en outre subir des

adaptations pour qu’ils soient utilisables dans des conditions réelles (rédaction d’une aide avec des

professionnels, modifications techniques pour uniformiser les standards de sauvegarde, etc.). Spécifi-

quement à LUCIASearch, ces adaptions concernent également les formats analysables : le format PDF

est par exemple envisageable car il existe déjà des solutions pour des conversions de PDF vers TXT

(qui supportent difficilement entre autres les mises en page en colonnes). D’autres concernent la pré-

sentation des données. LUCIASearch ne propose pas à l’heure actuelle d’utilisation des dispositifs à

partir de leur présentation en tables, c’est-à-dire à partir de la présentation utilisée pour les construire

en interactions avec les logiciels. Il faut remédier à cet inconvénient pour parvenir à préserver des vues

cohérentes sur les données pour un plus grand confort des utilisateurs. LUCIASearch peut être adapté

pour ne plus être seulement un métamoteur mais également être utilisable pour analyser des docu-

ments déjà en possession de l’utilisateur et pour procéder à des recherches précises. Une fois les do-

cuments annotés, les résultats d’analyse pourraient être conservés et constituer ainsi une sorte d’index

personnel en rapport avec un domaine précis. D’autres techniques pourraient parfaire le fonctionne-

ment itératif du système. Par exemple, l’ajout d’entités lexicales dans les dispositifs pourrait être

facilité par une interface dédiée (basée par exemple sur la représentation en groupes d’attributs/valeurs

137 Au sens de [Nicolle, 1996], c’est-à-dire un logiciel conçu dans le but de vérifier des hypothèses (sur les lan-gues) en les expérimentant sur du matériau textuel attesté.

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5.5 Évaluation

248

des dispositifs). Le repérage des entités potentiellement intéressantes pourrait également faire l’objet de

calcul sur la base de techniques simples du type tf.idf [Salton et MacGill, 1983*] ou celle proposée

dans [Vergne, 2003*]. Ces techniques seraient bien entendues utilisées toujours dans une optique

d’assistance.

5.5 Évaluation

Il est temps d’aborder l’évaluation de nos travaux et pour ce faire, les techniques d’évaluation

des modèles de TAL centrés sur l’utilisateur. Si les parties précédentes ont montré l’intérêt et la faisa-

bilité de nos techniques pour l’accès personnalisé aux documents et l’assistance à leur contenu,

l’évaluation de nos travaux est perfectible et doit se poursuivre.

Pour le projet ISOMETA, de la nature-même du fait de langue étudié et en l’absence de

consensus autour de sa définition, une évaluation quantitative pourrait passer par le pré-traitement ma-

nuel de corpus judicieusement sélectionnés. Ce type d’activité nécessite un investissement en temps

très important. Si le temps nous a justement manqué pour le réaliser, nous avons entamé un projet en

ce sens dans le cadre du pôle MODESCOS (Modélisation en Sciences Cognitives et Sociales) de la

Maison de la Recherche en Sciences Humaines de l’Université de Caen-Basse Normandie. Ce projet

vise l’annotation par plusieurs utilisateurs des emplois métaphoriques correspondants aux domaines

décrits dans le corpus utilisé. Il devra permettre la mise au point de règles de distinction entre des em-

plois métaphoriques et des emplois non métaphoriques d’entités lexicales du domaine source. L’aspect

centré-utilisateur du modèle, fut il utilisé par des experts, nécessite une prise en considération de la

dimension subjective de certaines facettes de l’interprétation que l’on peut faire d’un emploi métapho-

rique. Pour le projet ISOMETA, le consensus était fondé sur l’avis concordant des trois membres. La

mise en place d’expériences avec d’autres utilisateurs permettra également d’évaluer ce consensus.

Dans le cadre de la veille documentaire (5.4), des mesures existent pour évaluer les systèmes.

Mais comme il est souligné dans [Loupy, 2000*], il est très difficile d’effectuer des mesures ayant

pour but une évaluation dès qu’un facteur mis en jeu dans un système est soumis au jugement humain.

Or, notre système est justement centré sur l’individu. Comment dès lors prétendre à une évaluation ?

Les méthodes classiques d’évaluation issues de la problématique de la recherche

d’information visent la quantification de la qualité des résultats produits par un système. Les taux de

rappel et de précision sont les plus couramment employés. Le rappel est la proportion de bons résul-

tats fournis par le programme par rapport aux bons résultats qu’il aurait dû idéalement fournir. La pré-

cision est la proportion de résultats corrects parmi l’ensemble des réponses fournies par le programme.

Deux mesures duales découlent de ces deux taux : le bruit, qui est la proportion de fausses réponses

parmi l’ensemble des résultats fournis, et le silence, qui est la proportion de bonnes réponses qui au-

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Chapitre 5 Analyses et interactions

249

raient dû être proposées par le système et qui ne l’étaient pas. Ces taux permettent des évaluations

comparatives entre systèmes, en particulier au cours de campagnes d’évaluation. Ces taux ne peuvent

être calculés que relativement à un travail effectué à la main par des experts. Or, nous avons déjà sou-

ligné la difficulté de mettre d’accord des experts, simples être humains, sur un problème particulier

(chapitre 4, p.129). Le calcul de ces taux suppose que l’on sache combien de bonnes réponses sont

possibles. Dans ces conditions, il ne s’agit toujours que d’une approximation de la qualité d’un sys-

tème calculée par rapport aux résultats d’un ou plusieurs agents humains. La généricité de ces taux est

ainsi contestable. En premier lieu, ils nécessitent la constitution d’un corpus de test. Dans une problé-

matique de veille documentaire comme celle proposée avec LUCIASearch, il est impossible de calcu-

ler de façon incontestable le rappel des résultats proposés car personne ne peut établir en dehors de

l’utilisation même du système sur un échantillon de documents combien il en existe précisément qui

sont intéressants pour une tâche documentaire donnée. La constitution d’un corpus de test doit en outre

correspondre aux conditions réelles d’utilisation des systèmes pour lesquels ils doivent servir. Ainsi

dans [Lavenus et Lapalme, 2002], les auteurs montrent la différence entre les questions/réponses du

corpus de référence des conférences TREC (dédiées à l’évaluation des systèmes de Q/A) par rapport à

de véritables questions d’utilisateurs en recherche documentaire. Comme il est montré [Spark Jones,

2001], une évaluation en laboratoire est toujours fondée sur des présupposées concernant le contexte

de la tâche. Selon notre point de vue, pour mieux considérer la tâche, il faut remettre l’humain,

l’usager potentiel, au centre de l’interaction avec les systèmes. Cela implique que ces derniers ne

soient plus évalués exclusivement de façon comparative, mais aussi individuellement pour éviter au

minimum d’avoir des corpus de test en décalage avec les visées applicatives.

Dans la plupart des champs de recherche de l’informatique, l’évaluation des programmes est

un souci premier car elle conditionne leur utilisation. Mais les systèmes informatiques, et d’autant plus

ceux dédiés au TAL, ne se réduisent pas à un ensemble de programmes : d’autres aspects doivent être

considérés pour leur évaluation globale. Une dimension supplémentaire est ainsi importante à prendre

en compte : le temps. Évaluer un système à un instant donné ne garantit pas une utilisation future, en

particulier lorsque l’on ne peut pas prédire les évolutions possibles des données à traiter. Nous avons

montré que les langues évoluaient constamment : les mots changent en forme et en sens dans et par

leur usage. Comme le propose Beust [Beust, 2004], des évaluations de systèmes tels que LUCIA doi-

vent donc être menées de façon syncho-diachronique car c’est ainsi que vivent les langues. La proprié-

té des langues de se décrire sur les plans synchroniques et diachronique a été mise en évidence par

Saussure. C’est parce que la réflexivité est première dans les langues vivantes que leur usage amène à

les modifier elles-mêmes, passant sans cesse d’un état synchronique à l’autre. Partant de ce constat,

Beust [ibid.] affirme même qu’ « en ne tenant pas compte de cette réflexivité au centre de la sémioti-

que des interactions langagières, les évaluations classiques en TAL ne font finalement pas la diffé-

rence entre langues vivantes et langues mortes ». La dimension temporelle des données n’est pas la

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5.5 Évaluation

250

seule à devoir être prise en considération, celle du système doit l’être également. Si les évaluations

classiques s’effectuent sur des logiciels finalisés, fournis « clefs en main », il n’est pas prévu d’évaluer

la capacité de l’utilisateur à utiliser de mieux en mieux le logiciel et celle du logiciel à contenir des

données de mieux en mieux structurées ou décrites par l’utilisateur. Or, cette approche avec amorçage

est justement un des points originaux de nos propositions. Nous avons montré, à la fois pour les tra-

vaux sur la métaphore et ceux sur la veille documentaire, combien le cycle itératif d’utilisation pouvait

amener des modifications bénéfiques sur les résultats obtenus.

Notre démarche a été d’intégrer à mi-parcours une première évaluation relative à l’utilisabilité

de notre modèle à travers l’expérience décrite dans le chapitre 3 (partie 3.4). Les résultats présentés

dans ce chapitre concernent la démonstration de l’intérêt et de la faisabilité de nos propositions.

L’évaluation du système en lui-même ne saurait passer que par des expériences en conditions réelles.

Dans le cadre de la veille documentaire, nous espérons que nos collaborations avec des acteurs profes-

sionnels du domaine nous apporteront des solutions. Nous envisageons une démarche d’évaluation ex-

périmentale comme celles pratiquées dans certaines sciences humaines avec des expérimentations

avec plusieurs sujets, le recueil des résultats et des entretiens avec les sujets et enfin l’analyse du maté-

riau ainsi constitué.

Pour clore ce document, nous proposons dans la partie suivante un bilan des travaux effectués.

Nous replaçons nos travaux dans le champ plus général des STIC et nous retournons vers le principe

de sémantique légère pour le TAL que nous avons défendu tout au long de ce tapuscrit.