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Partie VIII. Accidents et gestion de la sécurité English Chapitre 60 - Les programmes de sécurité VUE D’ENSEMBLE DE LA RECHERCHE SUR LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL Herbert I. Linn et Alfred A. Amendola La recherche sur la sécurité au travail est l’étude de l’incidence, des caractéristiques, des causes et de la prévention des accidents sur les lieux de travail. Avec les travaux novateurs de John Gordon (1949) et de William Haddon Jr. (Haddon, Suchman et Klein, 1964), puis de plus en plus dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les accidents ont été considérés comme un problème de santé publique auquel pouvait être appliquée l’approche «santé publique», qui avait fait ses preuves contre la maladie. L’épidémiologie, qui est la science de la santé publique, a été appliquée aux accidents, y compris aux accidents du travail. Le modèle épidémiologique décrit la relation entre l’agent (l’entité ou le phénomène environnemental qui est la cause nécessaire de la maladie ou de l’accident), l’hôte (la personne affectée) et l’environnement. Son adaptation à l’étude des accidents du travail est en grande partie due à la perspicacité de deux personnalités marquantes de la recherche sur les accidents, James J. Gibson (1961) et, plus tard, William Haddon Jr. (Haddon, Suchman et Klein, 1964). Haddon s’est aperçu que les diverses formes d’énergie — mécanique, thermique, rayonnante, chimique ou électrique — étaient les «agents» de l’accident, de la même manière que les micro- organismes provoquent des maladies infectieuses. Des chercheurs et des praticiens de nombreuses disciplines — essentiellement l’épidémiologie, l’ingénierie, l’ergonomie, la biomécanique, la psychologie du comportement, la gestion de la sécurité et l’hygiène du travail — étudient les facteurs associés au travailleur (l’hôte), à l’environnement, au type et à la source d’énergie en cause (l’agent) et aux outils, machines et tâches (les véhicules) dont la combinaison provoque l’accident du travail ou y contribue. Deux approches complémentaires: l’approche santé publique et l’analyse de la sécurité L’approche santé publique est un modèle qui fournit un cadre pour la recherche sur la sécurité au travail. Elle comprend: l’identification, la caractérisation et la description des cas d’accident, des risques et des expositions, par le biais de la surveillance; l’analyse approfondie de problèmes particuliers liés aux accidents qui se produisent au sein de populations de travailleurs données, afin d’identifier, de quantifier et de comparer les facteurs de risque et de causalité; l’identification et l’élaboration de stratégies de prévention et d’interventions; l’évaluation des stratégies de prévention par des expériences en laboratoire et sur le terrain; la diffusion d’informations sur les risques et l’élaboration de stratégies et de programmes permettant de réduire les risques et de prévenir les accidents. Dans des conditions idéales, les problèmes de sécurité au travail peuvent être isolés systématiquement et résolus grâce à ce processus. L’analyse de la sécurité est un autre modèle pertinent pour aborder les accidents du travail. On peut dire, pour la définir, qu’il s’agit de «l’examen systématique de la structure et des fonctions d’un système en vue d’identifier les éléments qui contribuent aux accidents, de modéliser les accidents potentiels et de trouver Chapitre 60 - Les programmes de sécurité http://www.ilocis.org/fr/documents/ilo060.htm#ilo060.htm_1 1 of 54 03/11/2015 14:52

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Partie VIII. Accidents et gestion de la sécurité English

Chapitre 60 - Les programmes de sécurité

VUE D’ENSEMBLE DE LA RECHERCHE SUR LA SÉCURITÉAU TRAVAIL

Herbert I. Linn et Alfred A. Amendola

La recherche sur la sécurité au travail est l’étude de l’incidence, des caractéristiques, des causes et de laprévention des accidents sur les lieux de travail. Avec les travaux novateurs de John Gordon (1949) et deWilliam Haddon Jr. (Haddon, Suchman et Klein, 1964), puis de plus en plus dans les années quatre-vingt etquatre-vingt-dix, les accidents ont été considérés comme un problème de santé publique auquel pouvait êtreappliquée l’approche «santé publique», qui avait fait ses preuves contre la maladie. L’épidémiologie, qui estla science de la santé publique, a été appliquée aux accidents, y compris aux accidents du travail. Le modèleépidémiologique décrit la relation entre l’agent (l’entité ou le phénomène environnemental qui est la causenécessaire de la maladie ou de l’accident), l’hôte (la personne affectée) et l’environnement. Son adaptationà l’étude des accidents du travail est en grande partie due à la perspicacité de deux personnalités marquantesde la recherche sur les accidents, James J. Gibson (1961) et, plus tard, William Haddon Jr. (Haddon,Suchman et Klein, 1964). Haddon s’est aperçu que les diverses formes d’énergie — mécanique, thermique,rayonnante, chimique ou électrique — étaient les «agents» de l’accident, de la même manière que les micro-organismes provoquent des maladies infectieuses. Des chercheurs et des praticiens de nombreusesdisciplines — essentiellement l’épidémiologie, l’ingénierie, l’ergonomie, la biomécanique, la psychologie ducomportement, la gestion de la sécurité et l’hygiène du travail — étudient les facteurs associés au travailleur(l’hôte), à l’environnement, au type et à la source d’énergie en cause (l’agent) et aux outils, machines ettâches (les véhicules) dont la combinaison provoque l’accident du travail ou y contribue.

Deux approches complémentaires: l’approche santé publique et l’analyse de la sécurité

L’approche santé publique est un modèle qui fournit un cadre pour la recherche sur la sécurité au travail.Elle comprend:

l’identification, la caractérisation et la description des cas d’accident, des risques et des expositions,par le biais de la surveillance;l’analyse approfondie de problèmes particuliers liés aux accidents qui se produisent au sein depopulations de travailleurs données, afin d’identifier, de quantifier et de comparer les facteurs derisque et de causalité;l’identification et l’élaboration de stratégies de prévention et d’interventions;l’évaluation des stratégies de prévention par des expériences en laboratoire et sur le terrain;la diffusion d’informations sur les risques et l’élaboration de stratégies et de programmes permettantde réduire les risques et de prévenir les accidents.

Dans des conditions idéales, les problèmes de sécurité au travail peuvent être isolés systématiquement etrésolus grâce à ce processus.

L’ analyse de la sécurité est un autre modèle pertinent pour aborder les accidents du travail. On peut dire,pour la définir, qu’il s’agit de «l’examen systématique de la structure et des fonctions d’un système en vued’identifier les éléments qui contribuent aux accidents, de modéliser les accidents potentiels et de trouver

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des mesures permettant de réduire les risques» (Suokas, 1988). Il s’agit d’une démarche de type technique,qui suppose la prise en compte des défaillances potentielles des systèmes (dont l’une des conséquencespourrait être l’accident du travail) pendant la conception ou l’évaluation des processus, équipements, outils,tâches et environnements de travail. Ce modèle présuppose une aptitude à analyser et comprendre lesinteractions entre les composantes des systèmes utilisés sur le lieu de travail, afin d’en prévoir les modes dedéfaillance possibles avant qu’ils soient mis en œuvre. L’idéal est de sécuriser ces systèmes au stade de laconception, au lieu de les modifier après la survenue d’un accident ou de dommages.

L’approche santé publique de la recherche sur la sécurité au travail

La recherche sur la sécurité au travail évolue à mesure que des approches et des perspectives différentes,comme l’épidémiologie et l’ingénierie, s’unissent pour donner naissance à de nouvelles méthodes permettantd’évaluer et de documenter les risques sur les lieux de travail, de manière à définir des stratégies deprévention possibles. Le présent article étudie l’approche santé publique de la recherche sur la sécurité autravail et les domaines dans lesquels l’analyse de la sécurité s’y intègre pour donner une vue d’ensemble dela question et un aperçu des possibilités et des défis futurs. A titre secondaire, il se propose égalementd’examiner: 1) la relation entre la recherche sur la sécurité au travail et la gestion de la sécurité, laréglementation et le transfert de technologies; et 2) l’impact des progrès techniques sur la recherche et lacommunication dans le domaine de la sécurité au travail.

La surveillance

Pour résoudre les problèmes posés par les accidents du travail, il faut d’abord identifier ceux auxquels sontconfrontées les différentes populations de travailleurs. C’est pourquoi l’approche santé publique de larecherche sur la sécurité au travail commence par la surveillance épidémiologique, qui a été définie comme«la collecte, l’analyse et l’interprétation systématiques et continues de données sur la santé afin de décrireun événement de santé et d’en suivre l’évolution» (CDC, 1988). Dans la recherche sur la sécurité, il s’agitde recueillir, d’analyser et d’interpréter des données sur les accidents, les risques, les expositions, lesméthodes de travail et les populations de travailleurs.

La surveillance répond aux questions fondamentales sur les accidents du travail. Elle permet d’obtenir desinformations sur les accidents par catégories démographiques, y compris le sexe, l’appartenance ethnique,l’âge, la profession et le secteur d’activité, en plus des informations sur le moment et le lieu de l’accident et,parfois, sur les circonstances dans lesquelles il s’est produit. Avec ces informations de base, qui fournissentdes dénominateurs pour le calcul des taux, les chercheurs ont pu décrire les risques en termes de: 1)fréquence des accidents, ce qui aide à définir l’ampleur ou la portée d’un problème; et de 2) tauxd’accidents (nombre de lésions ou de décès pour 100 000 travailleurs), qui permet de définir le risque relatifencouru par certaines catégories de travailleurs dans des circonstances données. Ces analyses etcomparaisons permettent d’identifier les problèmes, y compris ceux qui sont nouveaux ou qui s’aggravent,de définir des priorités, de formuler des hypothèses pour des recherches ultérieures, et de suivre lestendances afin d’évaluer l’efficacité des programmes de prévention. Les résultats de la surveillance deslésions et décès imputables à des accidents du travail ont permis aux chercheurs de planifier etd’entreprendre des recherches approfondies visant à identifier les causes ou les facteurs contributifs et, endernière analyse, d’élaborer des stratégies de prévention. Les informations ainsi obtenues ont en outre uneimportante fonction sociale, car elles renforcent la prise de conscience des risques chez les personnesexposées, les gestionnaires des risques, les décideurs et le public, et mettent en évidence des domainescritiques auxquels il faudrait consacrer une attention et des ressources accrues pour la recherche et laprévention.

La recherche analytique

Du fait que la surveillance met en évidence les principaux problèmes liés aux accidents du travail, leschercheurs peuvent concevoir des études afin de répondre à des questions plus précises sur les risques quimenacent telle ou telle population cible. L’analyse épidémiologique et diverses techniques peuvent êtreutilisées pour étudier de plus près les circonstances et les facteurs susceptibles de provoquer directement ou

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indirectement des accidents. En général, la surveillance des accidents du travail ne fournit pas de donnéessuffisamment détaillées pour permettre de déterminer les facteurs de risque, c’est-à-dire les caractéristiquesassociées aux composantes du lieu de travail (travailleurs compris), qui peuvent provoquer directement ouindirectement des incidents dommageables. De ce fait, on peut laisser échapper des possibilités deprévention. Or, il est indispensable de disposer d’informations de ce type, qui décrivent les circonstances del’événement dommageable, si l’on veut analyser la séquence des tâches, l’interaction des facteurs associés àla victime, à ses collègues, aux tâches, aux outils et aux processus, le déroulement de l’événement (avant-pendant-après), les stratégies de prévention utilisées et les attitudes de l’employeur en matièred’organisation et de sécurité.

Une méthode permettant de recueillir des données détaillées consiste à enquêter sur les lésions ou les décèsprovoqués par un accident du travail. Ces enquêtes reposent généralement sur une méthodologie formelleassociant la collecte d’informations — par des entretiens, l’analyse de rapports sur les accidents et d’autresdocuments — et l’analyse et l’observation sur le terrain ou en laboratoire (par exemple, à l’aide detechniques judiciaires), afin de reconstituer les événements et les circonstances qui ont conduit à l’incident.La recherche épidémiologique analytique fait appel à différents types d’études tels que des étudescas-témoins ou des études prospectives ou rétrospectives pour tester les hypothèses se rapportant auxfacteurs de risques spécifiques et leur contribution relative à certains résultats. Les techniques de l’analysede la sécurité: analyse des risques, des emplois, des tâches, des arbres de défaillance ou autres instrumentsd’étude de la sécurité des systèmes peuvent également être utilisées pour définir les risques et les causes, etpour prévoir ou attribuer des probabilités aux divers modes de défaillance susceptibles de provoquer desaccidents parmi les travailleurs. Il se peut que l’avenir de la recherche sur les risques professionnels et lescauses des accidents du travail réside dans une combinaison de ces modes de recherche qui permettra auxmodèles d’étiologie des accidents basés sur des méthodes d’analyse technique d’être validés par uneexpérience s’appuyant sur les résultats des enquêtes et de la recherche épidémiologique.

L’élaboration des stratégies de prévention et des interventions

Les possibilités de prévention peuvent apparaître à mesure que les risques et les causes sont identifiés etcaractérisés et que l’on discerne l’importance relative des facteurs de risque multiples. Une connaissanceplus approfondie des facteurs de risques et de causalité des accidents permet aux chercheurs et auxpraticiens de la sécurité au travail d’envisager des stratégies de prévention visant à réduire les risques ou deproposer des interventions pour rompre l’enchaînement causal des accidents. Aujourd’hui, un large éventailde techniques et de stratégies sont déjà appliquées à la protection des travailleurs, et leur utilisation pourraitêtre encore étendue avec profit. Des techniques et des stratégies mises au point et appliquées dans d’autresdomaines pourraient également être utiles pour la protection des travailleurs, de même que des techniques etdes stratégies restant encore à découvrir. L’objectif de la recherche sur la sécurité au travail est d’identifier,de mettre au point et d’appliquer des stratégies de prévention efficaces pour réduire les risques d’accidentsparmi les travailleurs.

Haddon (1973) a postulé dix stratégies générales de base pour réduire les dommages dus aux risques liés àl’environnement ou au lieu de travail. La priorité la plus élevée des chercheurs en sécurité au travail quiétudient les stratégies de prévention consiste à identifier, concevoir et évaluer des systèmes de préventiontechnique bien intégrés au milieu de travail, aux équipements, aux outils ou aux processus et assurant uneprotection automatique (systèmes de contrôle «passifs») n’impliquant ni geste ni comportement particulierde la part du travailleur. Parmi les trois catégories de stratégies de prévention, qui sont la persuasion (parl’information et l’éducation), l’imposition d’obligations (par l’intermédiaire de la législation ou des normes)(Robertson, 1983) et les stratégies qui assurent une protection automatique, ce sont les dernières qui sontgénéralement retenues comme étant les plus efficaces et souhaitables. A titre d’exemples de systèmes decontrôle passifs, ou automatiques, on peut citer les systèmes de verrouillage des circuits électriques quicoupent automatiquement ces derniers si des barrières de sécurité sont retirées ou neutralisées, ou lescoussins gonflables des véhicules qui s’ouvrent automatiquement en cas de collision.

L’évaluation et la démonstration pratique des stratégies de prévention et desinterventions

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Une étape cruciale souvent omise dans les activités de recherche sur la sécurité est celle de l’évaluationformelle des stratégies de prévention et des interventions potentielles pour vérifier leur efficacité aussi bienen laboratoire, dans des conditions contrôlées, qu’en situation réelle, avant de les appliquer à grande ou trèsgrande échelle. Il arrive que la mise en place, bien intentionnée, d’une stratégie de prévention ait pour effetde créer un nouveau risque imprévu. Même lorsqu’il existe des raisons impérieuses de mettre en œuvre unestratégie de prévention avant d’avoir pu en faire une évaluation en bonne et due forme, il ne faut pasrenoncer définitivement à y procéder. L’évaluation est importante non seulement pour les systèmes decontrôle et les modifications techniques, mais aussi pour les tâches, les processus de travail, les procédures,les réglementations, les programmes de formation et les produits d’information sur la sécurité — c’est-à-direpour toute stratégie, intervention ou modification visant à éliminer ou réduire le risque.

L’information sur les risques d’accidents du travail et sur la prévention

L’identification ou la mise au point de stratégies de prévention efficaces est la clé de la mise en œuvre destratégies d’information. La recherche sur la sécurité au travail produit deux types d’informations qui sontutiles non seulement à la communauté scientifique, mais aussi aux particuliers et aux organisations:l’information sur les risques et l’information sur la prévention.

Les messages de risque peuvent comprendre la notification de l’existence d’un risque, desinformations sur l’étendue ou la nature du risque, des informations sur les populations ou les individusexposés, des informations précisant quand, où, comment et pourquoi le risque existe, et desinformations spécifiant les facteurs qui influent sur le risque ou y contribuent, et leur importancerelative. L’information sur les risques est l’un des principaux produits de la surveillance et de larecherche analytique.Les messages de prévention comprennent des informations sur les méthodes de réduction des risqueset peuvent couvrir une large gamme de stratégies et d’interventions.

L’information sur les risques et sur la prévention doit s’adresser prioritairement aux populations exposées etaux personnes et organisations qui ont le pouvoir d’agir sur les risques au travail ou de les modifier par leursdécisions, leurs programmes et leurs politiques. Ces destinataires, qui comprennent les travailleurs, lesemployeurs, les praticiens de la sécurité et de la santé, les responsables de la réglementation, les assureurs,les législateurs et les décideurs, sont ciblés lorsque les chercheurs élaborent de nouvelles informations surl’existence ou l’ampleur des problèmes d’accidents du travail ou des recommandations pour réduire lesrisques. Une autre population importante, à la fois pour les méthodes et les résultats de la recherche, est lacommunauté des chercheurs, qu’il s’agisse des collègues directs ou des scientifiques des organismesgouvernementaux, des organisations du secteur privé ou des établissements universitaires qui travaillent àmettre en évidence et à résoudre les problèmes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Leschercheurs doivent également entretenir de bonnes relations avec les médias, y compris au niveau régional,et promouvoir l’idée que les accidents et les décès d’origine professionnelle constituent un importantproblème de santé publique et sont évitables.

La communication

Il est nécessaire d’étudier la diffusion et l’application pratique des résultats des recherches sur la sécurité autravail. On évalue rarement la communication des informations sur la sécurité pour déterminer quelsméthodes, messages, canaux et formats sont efficaces pour des groupes particuliers dans des situationsdonnées. Le besoin croissant de communication d’informations en rapport avec la santé a conduit à adopterplusieurs approches applicables à la communication d’informations sur la sécurité. L’éducation sanitaire, lacommunication en matière de santé, la promotion de la santé, l’information sur les risques existants et lemarketing social sont certains des domaines dans lesquels les activités de communication sont systématiséeset étudiées scientifiquement. La recherche sur le comportement, les motivations, les facultés cognitives et laperception de l’humain jouent un rôle évident lorsqu’on veut déterminer si et comment les processusd’information et de communication peuvent susciter une prise de conscience des questions de sécurité etdonner naissance à des comportements sécuritaires chez les individus ou les groupes à risque. Denombreuses techniques de marketing commercial orientées vers les consommateurs ont été adaptées par lesspécialistes du domaine pour favoriser des changements de comportement et d’attitudes dans un but social,

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y compris ceux qui peuvent contribuer à l’amélioration de la sécurité, de la santé et du bien-être destravailleurs.

Les relations entre les résultats de la recherche et la gestion de la sécurité

Les praticiens et les gestionnaires de la sécurité doivent se tenir informés des plus récents résultats destravaux de recherche qui ont des conséquences pratiques pour la sécurité au travail. L’information sur lesnouveaux risques ou sur la prévention peut nécessiter un réexamen et une modification des procédures etprogrammes existants. Il est question dans les paragraphes qui suivent des liens entre la recherche et laréglementation en vigueur sur le lieu de travail et du transfert de technologies — c’est-à-dire du transfert denouvelles stratégies et technologies de prévention ayant fait leurs preuves, depuis les sites où elles ont faitleur apparition vers d’autres lieux de travail comparables où les conditions et les risques sont similaires.

La recherche et la réglementation

Les responsables de la réglementation — ceux qui élaborent et font respecter les normes de sécurité autravail — doivent connaître les résultats des recherches en cours qui ont un impact sur les prescriptionsréglementaires. Les règles de sécurité imposées aux employeurs devraient être fondées sur des stratégies deprévention scientifiquement établies et dont l’efficacité pour la réduction des risques d’accidents a étésuffisamment démontrée. Cela suppose une relation étroite et des communications efficaces entre larecherche sur la sécurité au travail et les responsables de la réglementation. Que l’organe de réglementationsoit un organisme d’Etat ou une organisation privée du secteur industriel, les normes de sécurité qu’ilpromulgue devraient tenir compte des meilleurs résultats scientifiques disponibles. C’est à la fois auxresponsables de la réglementation et aux chercheurs qu’il appartient d’assurer une communication efficace.

La recherche et le transfert de technologie

Les travailleurs, les cadres, les entreprises, les spécialistes et les chercheurs dans le domaine de la sécuritérésolvent tous les jours des problèmes de sécurité en élaborant et en appliquant des stratégies de préventionet des interventions. Malheureusement, il y a trop peu de mécanismes et d’incitations permettant auxindividus ou aux entreprises de partager des mesures de prévention efficaces avec d’autres qui sontpeut-être confrontés à des problèmes similaires, ou les encouragent à le faire. L’industrie et les associationsprofessionnelles, les syndicats, les compagnies d’assurances et d’autres organisations ont pour rôle derecueillir, d’organiser et de distribuer à leurs membres ou clients des informations sur la prévention.Toutefois, un important avantage que pourrait procurer un partage des informations sur la préventiondemeure irréalisé, en particulier dans les petites entreprises et parmi le personnel insuffisamment desservi.Les résultats des recherches dans les domaines de la diffusion des innovations, des communications et de lagestion de l’information pourraient contribuer utilement à combler cette lacune.

La recherche et la technologie

Les progrès de la technologie ont été étendus aux moyens de concevoir et de mener les recherches, dedétecter, mesurer, enregistrer ou afficher et réduire les expositions dangereuses, de maîtriser les risques et deprésenter et diffuser l’information. Les technologies les plus importantes pour la recherche sur la sécuritésont celles qui concernent les capteurs et les matériaux, et peut-être plus encore l’électronique numérique.La puissance de traitement, la capacité de stockage et la mise en réseau des ordinateurs ont ouvert une èrenouvelle de la simulation, de l’automatisation et de communications mondiales. Le défi, pour les chercheurset praticiens de la sécurité au travail, est de tirer parti de ces outils technologiques de pointe pour larecherche et d’améliorer la transmission de l’information sur les risques et la maîtrise des risques. Certainsoutils technologiques peuvent améliorer notre capacité de mener des recherches difficiles, voire dangereuses— par exemple, au moyen de simulations qui évitent la destruction d’équipements ou d’outils onéreux, oul’exposition de participants humains. Certains peuvent améliorer l’analyse ou la prise de décisions — parexemple, en simulant l’expérience humaine — et font donc appel à des compétences peu répandues: savoircomment conduire la recherche sur les accidents du travail et pouvoir les prévenir. Enfin, les outilstechnologiques peuvent renforcer notre capacité à diffuser des informations utiles sur les risques à ceux qui

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en ont besoin et leur permettre de rechercher activement eux-mêmes ces informations.

Les besoins et les tendances de la recherche

La recherche sur la sécurité au travail devrait être prête à tirer avantage de l’évolution des technologies etdes manifestations d’une préoccupation sociale accrue, afin de se concentrer sur les domaines où elle devraitêtre plus intensive, en particulier:

les nouvelles méthodes scientifiques qui incorporent et intègrent l’épidémiologie et les techniquesainsi que les approches de l’ingénierie dans l’étude de la sécurité au travail;une surveillance accrue et normalisée qui permette d’inclure des systèmes pour les accidents nonmortels, les quasi-accidents, les risques et les expositions;le rôle des facteurs organisationnels et économiques dans la sécurité au travail: il faudrait notammentétudier les effets des techniques et des nouvelles tendances en matière de gestion, comme lemouvement en faveur de la qualité qui se manifeste au niveau mondial, à la suite des travaux de W.Edwards Deming;les populations à haut risque délaissées, y compris dans l’agriculture, l’exploitation forestière, la pêchecommerciale, le bâtiment et les petites entreprises dans tous les secteurs, ainsi que les principalescauses de décès et de lésions graves qui nécessitent davantage d’études, notamment en ce quiconcerne la violence et les accidents impliquant l’usage d’un véhicule à moteur dans le cadre del’activité professionnelle (Veazie et coll., 1994);l’évaluation et la démonstration de systèmes de prévention technique et d’autres stratégies deprévention, incluant la réglementation, l’éducation et la communication;le transfert de technologies: l’usage de technologies utilisées à d’autres fins pour aborder les questionsde recherche et de gestion dans le domaine de la sécurité au travail, ainsi que l’utilisation appropriéede technologies ou de stratégies de protection efficaces, mises en œuvre sur un lieu de travail dans unsecteur limité, afin de couvrir des risques similaires dans un domaine plus vaste;le rôle des facteurs psychosociaux, dont le stress, dans l’incidence des accidents du travail;le recours à des approches technologiques anciennes et nouvelles en ce qui concerne les méthodespassives de protection des travailleurs, comme les capteurs, les microprocesseurs, la robotique,l’intelligence artificielle, les techniques de visualisation et d’imagerie, les télécommunications sans filet les systèmes de verrouillage.

Résumé

De tout temps, les chercheurs et les praticiens de la santé publique ont fait appel à l’épidémiologie, labiostatistique, la médecine, la microbiologie, la toxicologie, la pharmacologie, l’éducation sanitaire ainsi qu’àd’autres disciplines pour identifier, évaluer et prévenir les maladies infectieuses et, plus récemment, lesmaladies chroniques. Les lésions et les décès dus aux accidents, et notamment aux accidents du travail, sontégalement d’importants problèmes de santé publique et sont souvent associés à des causes et facteursspécifiques qui contribuent à leur survenue. Les lésions et décès dus aux accidents ne sont pas desévénements aléatoires, mais résultent de relations de causalité, et sont donc prévisibles et évitables. Leursconséquences relèvent des mêmes techniques de résolution des problèmes que celles qui ont été employéespour identifier, caractériser et prévenir les maladies.

Une différence essentielle entre la démarche face à la maladie et l’approche quant aux conséquences desaccidents tient à la nature des mesures de prévention qui peuvent être prises. Pour prévenir ou réduire lerisque de maladies infectieuses ou chroniques, les praticiens de la santé peuvent préconiser ou employertoute une panoplie de moyens: vaccins, produits pharmaceutiques, changements des habitudes alimentairesou du mode de vie, ou surveillance de l’environnement. De la même manière, pour prévenir ou réduire lerisque d’accident du travail, les praticiens de la sécurité peuvent recommander ou utiliser divers moyens deprévention technique: dispositifs de protection sur l’équipement, systèmes de verrouillage, outils et machinesergonomiques, ou des mesures organisationnelles de prévention telles que des méthodes de travail, desprogrammes spéciaux et des cours de formation, ou encore des dispositifs de protection individuelle, commedes appareils de protection respiratoire, des casques ou des amortisseurs de chute. Dans leurs activités de

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prévention des accidents, cela signifie que les épidémiologistes, les biostatisticiens et les spécialistes del’éducation sanitaire s’associent aux ingénieurs, aux physiciens, aux hygiénistes du travail et aux ergonomes.Le processus de résolution des problèmes est le même; seules certaines approches de l’intervention et, parconséquent, les disciplines impliquées dans la mise au point, le déroulement et l’évaluation des interventionspeuvent différer.

Le mécanisme de la recherche sur la sécurité et la santé au travail est l’approche santé publique, uneapproche intégrée et pluridisciplinaire de l’identification par: 1) la surveillance et les enquêtes; 2) l’analyseépidémiologique et de sécurité; 3) les activités de recherche et de développement débouchant sur destechnologies et stratégies de prévention; 4) l’évaluation et la démonstration, pour vérifier que cestechnologies et stratégies sont efficaces; et 5) la communication de l’information sur les risques, desméthodes et des résultats de la recherche, et des technologies et stratégies efficaces. L’approche santépublique et l’approche analyse de la sécurité s’unissent dans l’étude de la sécurité au travail. Les disciplinesprincipales que sont l’épidémiologie et l’ingénierie coopèrent pour apporter de nouvelles connaissances surles causes et la prévention des accidents. De nouvelles technologies de pointe, en particulier l’informatiquenumérique, font l’objet d’adaptations pour résoudre les problèmes de la sécurité au travail.

LES SERVICES FOURNIS PAR L’ÉTAT

Anthony Linehan

On considère dans le monde entier que la définition de normes acceptables de sécurité et de santé au travailet le contrôle de leur application sont des fonctions qui reviennent à l’Etat, même si c’est l’employeur quiest légalement responsable de leur respect (il convient de noter que dans de nombreux pays les normes desécurité sont définies par consensus entre les fabricants, les utilisateurs, les assureurs, le public et l’Etat, etque ce dernier les adopte ensuite ou y renvoie dans des règlements). Pour s’acquitter de sa fonction, l’Etatfournit un certain nombre de services de sécurité. Dans ce contexte, «l’Etat» désigne aussi bien les autoritésnationales que les pouvoirs publics régionaux et provinciaux.

Le cadre législatif

L’un des services les plus importants à l’appui de la sécurité au travail est le cadre législatif dans lequelcelle-ci doit opérer, et la mise en place de ce cadre est l’une des fonctions essentielles de l’Etat. Cettelégislation doit être complète dans sa portée et son application; elle doit refléter aussi bien les normesinternationales que les besoins particuliers du pays, prendre en compte les pratiques de sécurité établies etéprouvées de l’industrie et prévoir les moyens de mettre en pratique ses intentions. Une législation sur lasécurité et la santé fondée sur une large consultation des partenaires sociaux, de l’industrie et de lacollectivité aura beaucoup plus de chances d’être observée et respectée, et contribuera de ce fait largementà l’établissement de normes de protection valables.

Le respect de la législation

Pour important qu’il soit, en tant que tel, le cadre juridique doit être mis en pratique de manière efficace auniveau de l’entreprise. Il est indispensable que l’Etat crée un corps d’inspection pour faire appliquer la loi, ledote de ressources financières et humaines adaptées à sa mission et lui accorde des pouvoirs suffisants pours’acquitter de sa tâche.

L’information sur la sécurité et la santé

La promotion de la sécurité et de la santé est un service clé qui, naturellement, n’est pas réservé auxpouvoirs publics. Les associations de sécurité, les organisations d’employeurs, les syndicats et lesconsultants peuvent tous contribuer à mieux faire connaître les obligations légales, les normes, les solutionstechniques et les nouveaux risques et dangers. L’Etat peut jouer un rôle déterminant en donnant des conseilssur la manière de respecter la législation et les normes qui régissent les pratiques de sécurité, depuis lesméthodes acceptables pour la protection des machines à la publication de tableaux des limites d’exposition à

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des substances dangereuses.

L’Etat devrait également donner l’impulsion en identifiant les thèmes de campagnes et d’initiativesspécifiques. Ces activités sont habituellement menées en collaboration avec les organisations d’employeurset les syndicats, et résultent souvent de l’analyse des statistiques officielles, de celles des employeurs et desassociations sur les accidents et les maladies. En mettant au point leur stratégie en matière de publicité etd’information, les pouvoirs publics doivent veiller à cibler non seulement les secteurs les plus développés etles plus complexes, mais aussi ceux qui n’ont qu’une connaissance très limitée des questions de sécurité etde santé. Une telle orientation est particulièrement importante dans les pays en développement et dans ceuxoù l’économie est fortement tributaire de l’agriculture et de la famille en tant qu’unité d’emploi.

La collecte, l’analyse et la publication de statistiques sur la sécurité et la santé sont un service important.Les statistiques fournissent aux corps d’inspection et à leurs partenaires sociaux la matière première qui leurpermet de voir se dessiner les nouvelles tendances ou les modifications de la typologie des causes desaccidents et des maladies, et d’évaluer, en termes mesurables, l’efficacité des politiques nationales, descampagnes spécifiques et des normes de conformité. Les statistiques permettent aussi jusqu’à un certainpoint de comparer les normes et les résultats au niveau international.

L’exactitude des informations statistiques sur les accidents est évidemment de première importance.Certains pays ont un système de déclaration des accidents entièrement distinct du système de prestationssociales ou de réparation des accidents et où on mise sur l’obligation légale de signaler les accidents àl’autorité compétente. Des études statistiques ont montré une tendance marquée à la sous-déclaration desaccidents (autres que les accidents mortels), laquelle pouvait atteindre jusqu’à 60% dans certains secteurs.Ces chiffres ne peuvent que dévaluer les statistiques produites. L’intégrité et l’exactitude des statistiques surles accidents et sur les maladies doivent être des objectifs prioritaires des pouvoirs publics.

La formation à la sécurité

La formation à la sécurité est un autre domaine où un service peut être fourni par l’Etat. La plupart des loisrelatives à la sécurité et à la santé comprennent des dispositions prévoyant une formation adéquate. Laparticipation directe de l’Etat à l’organisation et à la fourniture d’une telle formation est très variable. Auxniveaux les plus élevés — ceux qui s’adressent aux professionnels de la sécurité —, ce sont habituellementles universités et les instituts de technologie qui sont chargés de ces activités. La contribution directe del’Etat à ce niveau est relativement rare, encore que des scientifiques, des juristes et des ingénieurs desservices d’inspection publics donnent souvent des conférences et fournissent des crédits et des matérielsdidactiques.

Le schéma est à peu près le même aux niveaux inférieurs de la formation. Les cours destinés aux travailleurssont souvent organisés par la branche, des associations professionnelles ou des organismes spécialisés, avecun apport et un financement des services d’inspection, tout comme les cours de sensibilisation destravailleurs à la sécurité. La tâche de l’Etat n’est pas tant d’organiser et de diriger les services de formationque de stimuler et d’encourager des organismes privés à le faire et de ne contribuer directement que lorsquec’est nécessaire. Une aide plus directe peut être fournie par le biais de subventions permettant de défrayerles entreprises. Une grande partie des matériels de formation à la sécurité est basée sur des publications, desnotes d’orientation et des normes officielles.

Les services fournis aux petites entreprises

Le problème de la prestation de services aux petites entreprises est particulièrement complexe. Il y a unbesoin très réel d’apporter une aide bienveillante et des encouragements à ce maillon important del’économie nationale et locale, mais il faut en même temps veiller à le faire efficacement, sans abaisser lesnormes de protection du personnel et mettre éventuellement en danger sa sécurité et sa santé. Les servicesfournis par l’Etat jouent un rôle essentiel dans la recherche d’une solution permettant de concilier ces deuximpératifs.

De nombreux pays fournissent aux petites entreprises un service particulier qui comprend la gestion de la

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sécurité et de la santé. Ce service prend diverses formes, par exemple des dossiers d’information spéciauxdans lesquels on trouve: 1) des précisions sur les moyens de se conformer dans la pratique aux obligationslégales; 2) des indications sur la localisation des sources d’information; et 3) un point de contact avec lesservices d’inspection. Certains corps d’inspection disposent d’un personnel chargé spécialement de répondreaux besoins particuliers des petites entreprises et d’organiser, conjointement avec les associationsprofessionnelles, des séminaires et des réunions où les questions de sécurité et de santé peuvent êtredébattues de manière constructive dans un climat non conflictuel.

La recherche sur la sécurité

La recherche est également un service fourni par l’Etat soit directement par le soutien qu’il apporte à sespropres laboratoires et programmes de recherche sur les problèmes de sécurité et de santé, soitindirectement par l’octroi de subventions à des organismes de recherche indépendants pour des projetsdéterminés. La recherche sur la sécurité et la santé peut être subdivisée en deux grandes catégories:

la recherche légale , que peuvent illustrer les travaux menés à la suite d’accidents majeurs afin d’endéterminer les causes;la recherche à long terme , qui consiste par exemple à étudier les niveaux d’exposition à dessubstances potentiellement dangereuses.

Il existe aussi un service de laboratoire qui fournit des installations pour des tests tels que l’analysed’échantillons et pour l’agrément des équipements de protection. Ce service est important à la fois pour lesinspecteurs et pour les partenaires sociaux concernés, car il permet de valider les normes de santé dans lesentreprises. Il y a un débat sur la question de savoir si l’Etat devrait avoir des laboratoires et des installationsde recherche ou s’il ne vaudrait pas mieux en confier la responsabilité aux universités et à des centres derecherche indépendants. Mais ces discussions portent plus sur les moyens que sur l’objectif fondamental.Peu contesteraient qu’en matière de sécurité et de santé la fonction de recherche, au sens le plus large, estun service essentiel de l’Etat, que celui-ci utilise à cette fin ses propres installations ou qu’il incite, en lesfinançant, des organismes privés à s’en charger.

La représentation dans le domaine de la sécurité

Enfin, l’Etat fournit un service du fait de son rôle de représentation dans la communauté internationale. Denombreux problèmes de sécurité et de santé ont un caractère international qui transcende les frontières despays. La coopération entre les Etats, l’établissement de normes internationalement acceptées sur lessubstances dangereuses, l’échange d’informations entre pays et le soutien aux organisations internationaless’occupant des questions de sécurité et de santé sont des fonctions de l’Etat, et la bonne exécution de cesobligations ne peut que contribuer à améliorer le niveau et les normes de sécurité et de santé aux niveauxnational et international.

LES SERVICES DE SÉCURITÉ: LES CONSULTANTS

Dan Petersen

Il arrive, dans les entreprises, que les responsables de la sécurité — qu’ils s’occupent des comportements, dusystème de sécurité ou de l’environnement physique — fassent appel à des ressources extérieures commedes consultants professionnels en sécurité. En pareil cas, il importe de ne pas oublier que la responsabilité dela conduite à bonne fin de la tâche consistant à analyser un système donné et à lui apporter desaméliorations ne peut (à la différence de l’exécution de la tâche elle-même) être déléguée à des organismesextérieurs. Les analystes internes (par opposition aux consultants externes), qui étudient un système,peuvent généralement obtenir des données plus fiables, car l’entreprise leur est plus familière. Un consultantextérieur, qui a une vaste expérience de l’analyse des problèmes de sécurité et des solutions envisageables,peut néanmoins apporter une aide précieuse.

La recherche d’une aide extérieure

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Si personne, dans une entreprise, n’est familiarisé avec la législation et les normes nationales de sécurité, ilpeut être utile de faire appel à un expert en réglementation de sécurité. Il arrive souvent aussi que personnene soit capable d’analyser les comportements, auquel cas il est souhaitable de rechercher l’aide dequelqu’un qui puisse le faire. Kenneth Albert (1978) considère que l’on devrait solliciter une aide extérieuredans six situations précises:

lorsque des compétences spéciales sont indispensables;lorsqu’une question est politiquement délicate;lorsqu’il faut être impartial;lorsque le temps est un facteur critique et que les ressources internes ne sont pas immédiatementdisponibles;lorsque l’anonymat doit être préservé;lorsque le prestige d’un consultant extérieur serait utile.

Bien que ces remarques n’aient pas été faites à propos de la sécurité, elles semblent valables, lorsqu’on veutdéterminer s’il est nécessaire de recourir à un consultant extérieur en sécurité. Il est fréquent qu’unproblème de sécurité soit lié à la personnalité des dirigeants et qu’il soit alors extrêmement difficile de lerésoudre sur le plan interne. En pareil cas, une solution peut être acceptable par toutes les partiessimplement parce qu’elle est proposée par quelqu’un de l’extérieur. Si une entreprise nécessite d’urgenceune analyse, celle-ci sera souvent faite plus rapidement par un consultant extérieur, dont la recommandationaura souvent plus de poids que celle d’un membre du personnel. En matière de sécurité, de nombreusesentreprises ont apparemment besoin d’une aide extérieure pour l’analyse des comportements, un certainnombre pour l’analyse des systèmes de sécurité et quelques-unes pour l’analyse de l’environnementphysique. Toutefois, si l’on considère la disponibilité des consultants extérieurs, l’offre et la demande sont enrelation inverse, car il semble y avoir un grand nombre de spécialistes de l’environnement physique, alorsqu’il y a moins d’analystes des systèmes de sécurité et que les experts en analyse des comportementssécuritaires sont pratiquement inexistants.

Les consultants en sécurité

Les types de consultants extérieurs en sécurité varient selon les pays, mais ils peuvent généralement êtreclassés dans les catégories suivantes:

ingénieurs ou consultants en sécurité des compagnies d’assurances;consultants du secteur public (aux niveaux du pays, des Etats, des provinces ou au niveau local);cabinets de consultants privés et consultants en sécurité professionnels à plein temps;consultants privés à temps partiel;consultants des commissions ou organismes de sécurité;consultants des associations professionnelles.

Les consultants des compagnies d’assurances. Aux Etats-Unis, la plupart des consultants et ingénieurs desécurité qui ne travaillent ni pour l’Etat, ni pour des entreprises sont employés par des compagniesd’assurances. Beaucoup d’autres professionnels de la sécurité ont commencé leur carrière de cette façon.Presque toutes les entreprises, à l’exception des très grandes et de celles qui ont leur propre systèmed’assurance, sont couramment aidées par les représentants des compagnies d’assurances chargés du suivides sinistres.

Les consultants du secteur public. Les prestataires de services de consultants dans le secteur public diffèrentselon les pays et selon leur rattachement (niveau national, d’un Etat, provincial ou local) et le type de tâchesqu’ils sont autorisés à exécuter et pour lesquelles ils sont qualifiés. Aux Etats-Unis, l’objectif déclaré duprogramme de conseils sur le terrain de l’Administration de la sécurité et de la santé au travail (OccupationalSafety and Health Administration (OSHA)) est d’obtenir «des lieux de travail sûrs et sains pour lepersonnel». Autrement dit, les consultations ne porteront que sur l’environnement physique. Uneorganisation qui recherche ce type d’aide devrait considérer les offres de l’OSHA, mais si elle a besoin d’unconsultant pour une analyse des systèmes de sécurité ou des comportements, il faut qu’elle s’adresseailleurs.

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Les attributions des consultants de l’OSHA sur le terrain sont les suivantes:

identifier et classer correctement les risques;recommander des mesures correctives (à défaut d’une assistance technique);fixer des dates pour la réduction des risques graves;rendre compte à leurs supérieurs de tous risques graves au sujet desquels l’employeur n’a pris aucunemesure;assurer le suivi des mesures prises par l’employeur.

Il est évident que certains aspects de ce service de consultants de l’OSHA sont inhabituels. Les consultantsont pour mission de contribuer à améliorer l’environnement physique, mais dans deux cas ils ont égalementd’autres obligations:

en cas de violations graves des normes de l’OSHA, ils doivent fixer des dates pour la réduction desrisques et veiller à leur respect;en cas de violations imminentes des normes de l’OSHA, ils doivent en aviser soit leurs supérieurs (et,par conséquent, la hiérarchie du ministère du Travail), soit le personnel qui est chargé, au sein del’organisation, de veiller au respect des normes, pour qu’il agisse immédiatement.

En d’autres termes, une consultation de l’OSHA n’est une véritable consultation que lorsque les consultantsne trouvent rien de particulièrement grave. S’ils découvrent un risque grave ou imminent, le «client» perd lecontrôle du processus de décision, tant pour ce qui est de la manière de résoudre le problème que dumoment où il faut agir.

Les cabinets de consultants privés. Une troisième source d’aide extérieure est le consultant privé (à pleintemps) ou le cabinet de consultants privé, qui peuvent apporter une aide dans tous les domaines —comportements, systèmes de sécurité ou environnement physique — sans aucune des limitationsparticulières mentionnées précédemment. La seule difficulté consiste à s’assurer que le consultantsélectionné possède les compétences et les connaissances nécessaires pour fournir l’aide attendue.

Les consultants privés à temps partiel et autres . La quatrième source de consultants privés est constituéedes personnes qui offrent des services de conseil à temps partiel pour compléter leurs revenus. Ce sont soitdes professionnels de la sécurité retraités qui restent actifs, soit des professeurs de l’enseignement supérieurou de l’université qui complètent ainsi leurs revenus et se tiennent informés de ce qui se passe en dehors dumilieu universitaire. Là encore, il s’agit de trouver ces personnes et de s’assurer qu’elles possèdent lescompétences requises. Il y a également des consultants qui proposent leurs services par l’intermédiaire descommissions nationales ou locales de sécurité, et des consultants des associations professionnelles.

Comment trouver un consultant

Dans les deux premières catégories ci-dessus — secteur public et assurances —, il est facile de trouver unconsultant. Aux Etats-Unis, par exemple, on peut contacter l’organisme assureur des travailleurs ou lebureau local des subventions de l’OSHA et leur demander de visiter l’entreprise. De nombreux autres paysoffrent des ressources similaires.

Il est plus difficile de trouver un consultant dans les deux autres catégories, les consultants privésindépendants et les cabinets de consultants. Aux Etats-Unis, plusieurs organisations publient des annuairesde consultants. La Société américaine des ingénieurs de la sécurité (American Society of Safety Engineers(ASSE)), par exemple, publie un annuaire national où figurent les noms de quelque 260 consultants (ASSE,1974). L’utilisation de cet annuaire semble cependant poser des problèmes considérables. Une analyse de laliste montre que 56% des personnes indiquent qu’elles sont disponibles, mais ne précisent pas si ellestravaillent pour des sociétés et cherchent à se procurer un revenu supplémentaire ou si elles sont desconsultants à plein temps ou des retraités travaillant à temps partiel. De plus, 32% supplémentaires avaientdes liens avec des cabinets de consultants et 5% avec des universités, 3% étaient des courtiers enassurances, 3% avaient des liens avec des entreprises industrielles et 1% avec des administrations des Etats.En fait, cet annuaire, vanté comme un document indiquant au lecteur «où se trouvent les experts en sécurité

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et santé au travail», n’est rien d’autre qu’une liste des personnes qui ont versé leur cotisation et sontmembres de la division «consultants» de l’ASSE.

Il n’existe pas de moyen facile de trouver un consultant ayant les compétences nécessaires. En dehors descompagnies d’assurances et du secteur public, le mieux est probablement: 1) d’entrer en rapport avecd’autres entreprises confrontées à des problèmes similaires, pour voir à qui elles ont fait appel et si elles ontété satisfaites des résultats; 2) de prendre contact avec une organisation professionnelle au niveau national;ou 3) de consulter les annuaires professionnels comme celui cité plus haut, en gardant à l’esprit les réservesfaites à son sujet.

Les consultants des compagnies d’assurances

Les consultants extérieurs les plus facilement disponibles sont ceux des compagnies d’assurances. Dès ledébut du mouvement en faveur de la sécurité au travail, le secteur des assurances s’est intéressé à laquestion. Pendant de nombreuses années, la seule aide extérieure possible, pour la plupart des entreprises,était celle que pouvait leur fournir leur assureur. Bien que cela ne soit plus le cas, c’est le plus souvent auxconsultants des compagnies d’assurances que l’on continue de faire appel.

Les départements sécurité des grandes compagnies d’assurances ont trois fonctions spécifiques:

une fonction d’assistance à la vente;une fonction d’assistance à la souscription;une fonction de service à la clientèle.

Seule la troisième est utile au client qui a besoin d’une assistance dans le domaine de la sécurité. La fonctiond’assistance à la souscription est exercée par un représentant de terrain qui est le «poste avancé» de lacompagnie d’assurances; il observe tout ce qui se passe sur le lieu d’activité du souscripteur de la police eten rend compte à l’assureur au siège de la compagnie. La troisième fonction consiste à aider les clients àaméliorer leurs programmes de sécurité et de prévention des sinistres et à réduire la probabilité qu’ils aientdes accidents et enregistrent des pertes financières. L’assistance offerte varie considérablement d’unecompagnie à l’autre.

Au fil des années se sont dégagées différentes philosophies qui déterminent la valeur du service que lescompagnies d’assurances sont en mesure de fournir. Dans certaines d’entre elles, le département chargé desservices de sécurité fait encore nettement partie de la fonction de souscription et sa tâche consiste àobserver et à rendre compte, alors que dans d’autres le département technique rend compte au servicesouscription. Dans d’autres compagnies, le département de suivi des sinistres est indépendant, sa fonctionpremière étant de servir le client; c’est seulement à titre secondaire qu’il exerce des fonctions d’assistance àla vente et à la souscription. Lorsque la mission première du service est l’assistance à la vente, le service à laclientèle est pénalisé. Si le département du suivi des sinistres fait partie de la fonction souscription, il peutêtre difficile d’en obtenir un service en matière de sécurité, pour la simple raison qu’il n’a peut-être pas depersonnel suffisamment qualifié pour ce genre de service. S’il ne fait pas partie de la fonction souscription, ilpeut être en mesure de fournir un bon service à la clientèle. Mais il peut aussi être totalement inefficace, carde nombreux facteurs sont susceptibles d’intervenir et d’entraver la prestation efficace d’un service desécurité.

Lorsque le service se limite à une inspection, comme c’est le plus souvent le cas, le système de sécurité etles comportements sont totalement ignorés. Lorsqu’il consiste uniquement à fournir de la documentation etdes aides en matière de sécurité, il est pratiquement inutile. Lorsqu’il consiste essentiellement ouentièrement à organiser des réunions sur la sécurité pour le client, par exemple en proposant un programmede sécurité «prêt à l’emploi» conçu au siège de la compagnie d’assurances pour toutes les entreprisesassurées, ou simplement à vérifier que l’environnement physique est conforme à la réglementation, il n’estpas très utile non plus.

Selon la philosophie dont s’inspire l’assureur, d’autres services pourront être proposés, en plus de celui quiest fourni par le représentant se rendant chez le client. La figure 60.1 énumère un certain nombre de services

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supplémentaires types qui peuvent être particulièrement utiles pour les clients, comme l’hygiène du travail,les soins infirmiers et des services spécialisés (services techniques ou de protection contre l’incendie), selonles besoins de l’entreprise. Les services de formation sont relativement moins courants, mais ils n’en sontpas moins utiles.

Figure 60.1 Services supplémentaires de consultants

Les consultants du secteur public

Comme pour les consultants des compagnies d’assurances, les entreprises doivent peser un certain nombrede facteurs avant de décider si elles doivent ou non faire appel à des consultants du secteur public, parmilesquels il faut citer:

les conditions de l’assistance offerte par le secteur public sont-elles acceptables?le personnel est-il compétent?la portée du service offert n’est-elle pas trop limitée?l’entreprise pourra-t-elle garder le contrôle de l’orientation principale de la consultation?

Avant toute chose, l’entreprise doit se demander si elle souhaite avoir affaire à l’Etat. Lorsqu’elle fait appelà des consultants privés ou aux consultants d’une compagnie d’assurances, les conclusions de laconsultation, quelles qu’elles soient, ne sont jamais communiquées à des tiers. Quoi qu’elle décide de faire,la décision appartient à elle seule, et elle garde le contrôle de la diffusion des informations. Avec desconsultants du secteur public, les choses en vont autrement. S’ils constatent par hypothèse qu’il y a desviolations de la législation ou des risques présentant une menace immédiate pour la vie ou la santé, ilspeuvent décider d’imposer quelles mesures prendre à l’égard du risque et quand le faire; l’entreprise n’estalors plus maître de la situation.

Les consultants du secteur public peuvent aider à déterminer si une entreprise respecte ou non laréglementation et les normes. Ce service est très limité et présente de nombreuses faiblesses, comme l’asouligné Peters (1978) dans un article intitulé «Why only a fool relies on safety standards» (Pourquoi seulun imbécile fait-il confiance aux normes de sécurité): «Pour ceux qui savent peu de choses sur la sécurité, ilsemble tout à fait plausible et raisonnable de penser que l’existence de bonnes normes de sécurité et unrespect suffisant de ces normes sont un moyen satisfaisant de garantir la sécurité». Peters estime nonseulement qu’une telle attitude est erronée, mais aussi que la confiance en des normes nuit aux activitésprofessionnelles nécessaires à la réduction des sinistres.

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Les consultants privés

Avec un consultant privé, qu’il soit indépendant ou employé d’un cabinet, et qu’il travaille à plein temps ouà temps partiel, il n’y a aucune obligation de faire rapport. Le consultant privé n’a pas à se soumettre à uneobligation de rendre compte; il n’y a de relation qu’entre l’entreprise et lui. La portée de la consultation estlimitée, car le «client» peut contrôler très directement la cible des activités du consultant. Sa seulepréoccupation est donc de savoir si le consultant est compétent ou non dans les domaines où son aide estnécessaire, et si les honoraires qu’il demande paraissent justifiés. La figure 60.2 indique certaines desfonctions fondamentales d’un consultant en gestion.

Figure 60.2 Fonctions de base d'un consultant en gestion

G. Lippit (1969), auteur de nombreuses publications sur le processus de consultation, a défini huit activitésspécifiques de cette profession:

Aider la direction à examiner les problèmes d’organisation (par exemple, en mettant sur pied uneréunion des cadres afin d’identifier les problèmes posés par les relations entre le personnel du siège etle personnel de terrain).

1.

Aider la direction à examiner comment un véritable dialogue pourrait contribuer à résoudre cesproblèmes (par exemple, pour ceux concernant le personnel du siège et le personnel de terrain, étudieravec la direction comment une conférence sur les blocages dans la communication pourrait contribuerà les surmonter).

2.

Examiner les objectifs à court et à long terme de la réforme envisagée (on peut penser à laparticipation de la direction pour définir et affiner les objectifs).

3.

Rechercher avec la direction des solutions de remplacement aux plans de réforme proposés.4.

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Mettre au point avec la direction les plans de réforme (par exemple, en se basant sur les objectifs,définir avec un groupe de travail un processus de réforme comprenant un système d’évaluationintégré, au lieu de soumettre simplement à la direction, pour approbation, un plan établi de façonindépendante).

5.

Rechercher des ressources appropriées pour mettre en œuvre des plans de réforme (par exemple,fournir à la direction une liste de différentes ressources internes et externes; la personne chargéed’encourager la réforme doit aider la direction à comprendre en quoi chaque ressource pourracontribuer à une résolution efficace du problème).

6.

Conseiller la direction quant à l’évaluation et au réexamen du processus de réforme (l’évaluation doitse faire en termes de résolution des problèmes et en collaboration avec la direction; la personnechargée d’encourager la réforme doit évaluer l’état actuel du problème et non vérifier si certainesactivités ont été exécutées ou non).

7.

Définir avec la direction les mesures de suivi à prendre pour faciliter la résolution du problème etaméliorer les résultats de la réforme (en encourageant, entre autres, la direction à étudier lesconséquences des mesures déjà prises et à évaluer la situation actuelle de l’entreprise afin dedéterminer les autres mesures éventuellement nécessaires pour assurer le suivi de l’application de laréforme).

8.

Lippit (1969) a également identifié cinq positions que le consultant peut adopter en fonction des besoins deson client (voir figure 60.3).

Figure 60.3 Cinq types de consultant

Le choix d’un consultant

Pour choisir un consultant, il est préconisé de procéder comme l’indique la figure 60.4.

Figure 60.4 Choix d'un consultant

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La décision de faire appel ou non à un consultant devrait être fondée sur les besoins définis de l’utilisateur etdu type de connaissances et de compétences que devra posséder le consultant pour être vraiment utile. Ilsemblerait alors logique de se tourner vers les individus ou les groupes qui ont les connaissances et lescompétences requises. Ce processus peut avoir pour résultat de révéler que le travail peut être fait sans aideextérieure, par exemple en trouvant les compétences nécessaires sur le plan interne et en les appliquant auxproblèmes de sécurité identifiés. Inversement, il peut être décidé d’aller chercher à l’extérieur lescompétences nécessaires.

L’évaluation du travail du consultant

Après avoir travaillé avec des consultants pendant un certain temps, une entreprise est à même de juger defaçon beaucoup plus précise leur travail et leur utilité (voir figure 60.5). A la suite de l’analyse fournie par leconsultant, on conclura peut-être que le reste du travail, ou un travail similaire, peut être fait égalementgrâce aux ressources internes. Beaucoup d’entreprises procèdent ainsi et celles qui envisagent de le faire

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sont de plus en plus nombreuses tant pour la sécurité que pour d’autres domaines.

Figure 60.5 Evaluation du travail du consultant

Les méthodes de résolution des problèmes

Dans son ouvrage intitulé How to Be Your Own Management Consultant , K. Albert (1978) considère qu’il ya quatre méthodes de résolution interne des problèmes:

recruter un consultant interne à plein temps;confier temporairement une tâche spéciale à un membre du personnel;créer un groupe de travail pour étudier un problème;établir une collaboration entre un consultant extérieur et un consultant interne.

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Albert estime en outre que, quelle que soit l’approche retenue, le succès dépend du respect des règlesfondamentales suivantes:

obtenir le plein appui de la direction;assurer la confidentialité;se faire accepter par les services opérationnels;ne pas se mêler de la politique de l’entreprise;rendre compte à un niveau élevé;commencer lentement et rester objectif.

LA MISE EN ŒUVRE D’UN PROGRAMME DE SÉCURITÉ

Tom B. Leamon

La mise en œuvre d’un programme de sécurité devrait s’effectuer comme toute autre activité courantenormale de gestion générale. Pour qu’elle réussisse, il faut disposer des informations nécessaires pour laprise de décisions à chaque étape du programme et pour la communication entre tous les niveaux del’entreprise.

Le niveau de la direction

L’introduction d’un programme de sécurité — nouveau ou modifié — exige au départ l’accord de ladirection générale, qui peut la considérer comme une décision sur le rapport coûts/avantages à prendre enfonction des demandes concurrentes de ressources émanant d’autres secteurs de l’entreprise. La volonté deréduire les dommages, la souffrance et la douleur sur le lieu de travail en appliquant un programme desécurité sera tempérée par la capacité de l’entreprise de maintenir l’effort nécessaire. Pour décider enconnaissance de cause, la direction devra disposer de trois éléments:

Une description explicite du programme, avec une définition complète de la démarche proposée.1. Une évaluation de l’impact du programme sur les activités de l’entreprise.2. Une estimation du coût de la mise en œuvre du programme, avec une prévision des avantagespotentiels.

3.

La seule exception concerne les cas où le programme est imposé par la législation et doit être institué pourque l’entreprise soit autorisée à poursuivre ses activités.

En ce qui concerne le troisième élément, il est utile d’ajouter une estimation du coût réel des mesures déjàen vigueur dans l’entreprise pour assurer la sécurité, ainsi que des coûts couverts par l’assurance directe oudes dépenses courantes diverses. On peut penser que les coûts indirects seront toujours importants; lesestimations relatives aux incidents graves au Royaume-Uni montrent que les coûts réels (supportés parl’entreprise comme coûts indirects) sont deux à trois fois et jusqu’à dix fois supérieurs aux frais réels directsd’assurance. Dans les pays où l’assurance est obligatoire, la dépense et, par conséquent, l’économie varientconsidérablement en fonction de l’environnement social. Les frais d’assurance sont probablement plusélevés dans les pays où les assureurs sont tenus de couvrir la totalité des frais médicaux et de réadaptation,comme aux Etats-Unis, que dans ceux où la prise en charge des travailleurs accidentés fait partie du contratsocial. Pour bien montrer l’importance de ces pertes, le mieux est de calculer la production annuellenécessaire pour obtenir les recettes perdues du fait de l’indemnisation des dommages. Cela est parfaitementcompatible avec l’idée selon laquelle, si une entreprise doit nécessairement assumer le risque inhérent à sonactivité, elle devrait gérer ce risque pour réduire ses pertes et améliorer ses résultats financiers.

Le niveau de l’encadrement

Lorsque l’accord de la direction générale aura été obtenu, il faudra constituer une équipe chargée de mettreau point la stratégie et le plan de lancement du programme. Cette approche a plus de chances de réussir quecelle qui consiste à confier la responsabilité de la sécurité à une personne désignée comme ingénieur de

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sécurité. L’importance de l’engagement de ces équipes sera extrêmement variable selon l’entreprise et lecontexte social. Mais il est indispensable d’avoir au moins la participation des responsables des opérations,du personnel, de la gestion des risques et de la formation, ainsi que des principaux représentants descatégories de travailleurs qui seront concernées par le programme. Il est probable qu’une équipe ainsiconstituée détectera les conflits éventuels (par exemple, entre la production et la sécurité) à un stadeprécoce, avant que les attitudes et les positions, ainsi que les procédures, le matériel et l’équipement aientété définitivement arrêtés. C’est à ce stade que la collaboration, et non la confrontation, devrait offrir demeilleures chances de résoudre les problèmes. Cette équipe devrait présenter ses conclusions dans undocument exposant comment l’entreprise voit le programme, ses principaux éléments, le calendrier de sonapplication et les responsabilités de ceux qui y participent.

Il faudrait s’assurer que l’engagement de la direction soit tout à fait clair pour les cadres au niveauopérationnel auquel le programme pourra être appliqué. Le meilleur moyen d’y parvenir est peut-êtred’instituer un système de rétro-facturation ou d’imputation des coûts réels des accidents à ce niveau degestion. La direction devrait éviter de considérer les frais médicaux et d’indemnisation (ou les fraisd’assurance correspondants) comme des frais généraux de l’entreprise. Le chef de service, soucieux ducontrôle financier au jour le jour de l’entreprise, devrait pouvoir prendre connaissance du coût réel desprogrammes de sécurité insuffisants sur le même document comptable que les coûts de production et dedéveloppement. Par exemple, le chef de service d’une entreprise dans laquelle tous les coûts de réparationdes accidents du travail et des maladies professionnelles sont passés en frais généraux sera incapable dejustifier l’emploi de ressources pour éliminer un risque grave concernant un petit nombre de travailleurs.Cette difficulté peut surgir au niveau local, alors que la dépense permettrait de réaliser des économiessubstantielles au niveau de l’entreprise. Il est essentiel que les cadres responsables de la conception despostes de travail et des opérations supportent les conséquences, ou tirent avantage, de la mise en œuvre duprogramme de sécurité dont ils ont la charge.

Le niveau de la maîtrise

Il est demandé aux agents de maîtrise de comprendre, de communiquer et de faire respecter les objectifs duprogramme de sécurité définis par la direction. Les programmes efficaces aborderont la question de laformation théorique et pratique des agents de maîtrise à cette fonction. Bien que l’on fasse parfois appel àdes spécialistes pour former les travailleurs, ce sont les agents de maîtrise qui devraient être responsables decette formation ainsi que du comportement des travailleurs. En particulier, ceux qui sont informésconsidèrent que leur responsabilité englobe la prévention des actes contraires à la sécurité et le refus detolérer des conditions de travail dangereuses. On considère que le contrôle du processus de fabrication est laprincipale responsabilité des agents de maîtrise et que ce contrôle procure des avantages en réduisant lesdommages et les lésions involontaires. Que la fonction de sécurité soit confiée à des agents de sécurité, à descommissions paritaires travailleurs-employeurs ou à des consultants, la responsabilité courante dudéroulement sûr et sans erreur du processus devrait figurer explicitement dans la description d’emploi desagents de maîtrise.

Le niveau des travailleurs

Au début du siècle, le principal moyen utilisé pour inciter les travailleurs à la sécurité était le renforcementnégatif. Des règles étaient fixées et les travailleurs étaient censés les observer sans poser de questions, toutetransgression donnant lieu à des mesures disciplinaires. Avec la complexification des postes de travail, lessystèmes de gestion souple et les attentes sociales croissantes des travailleurs, les insuffisances et les défautsde cette approche sont devenus manifestes. Le domaine militaire n’est pas le seul où la souplesse et laresponsabilité au niveau local sont des caractéristiques fondamentales des unités les plus performantes.Cette approche a conduit à miser davantage sur le renforcement positif et la responsabilisation destravailleurs, avec les exigences que cela suppose aux niveaux de la formation et de la compréhension. Cetteorientation vers la sécurité reflète la tendance observée chez les travailleurs du monde entier à vouloir uneamélioration de la qualité de la vie professionnelle et l’apparition de groupes de travail autogérés.

Le plan de lancement du programme de sécurité

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Les éléments essentiels du programme de sécurité consisteront à définir les besoins de familiarisation avec labase conceptuelle du programme, le développement de compétences spécifiques en matière de sécurité etl’utilisation d’instruments de mesure. Les responsabilités seront attribuées au moment du lancement dechacune des étapes du programme. Ce processus de préparation se terminera par la mise en place d’unsystème de mesure, ou audit du programme de sécurité, afin d’en évaluer en continu l’exécution. Le plandevra mentionner explicitement la nécessité d’une solution appropriée en matière de communication. Dansde nombreuses cultures, de multiples langues et dialectes coexistent sur le lieu de travail et il arrive mêmeque, dans certaines, le dialecte ou la langue «des cadres» n’est pas nécessairement employé par les autrestravailleurs. Ce problème inclut celui de l’usage d’un jargon et d’acronymes dans la communication entre lesgroupes. La participation des travailleurs à l’élaboration du programme de lancement peut contribuer àéviter ces problèmes et conduire à des solutions comme des instructions et directives multilingues, unrecours plus large à des symboles et pictogrammes, et le choix d’un langage simple. L’approche plus globalede la participation des travailleurs au plan favorisera leur adhésion aux objectifs et méthodes du plan et leuracceptation.

L’audit du programme de sécurité devrait être répété à intervalles réguliers (annuels) et servir de base à desplans triennaux glissants (ou cycliques), qui définiront l’orientation future du programme et inciteront à uneamélioration continue, même s’il y a des changements dans les systèmes de production et de traitement.

Une amélioration continue

Les programmes de sécurité qui réussissent ne restent pas statiques, mais évoluent en fonction des mutationsde l’environnement social et de l’entreprise. De même, ils évitent les objectifs spectaculaires, maisirréalisables. Le concept clé est celui d’amélioration continue et de relèvement sans relâche des normes. Leplan glissant de trois ans est un bon moyen d’y parvenir, car il permet chaque année de déterminer desobjectifs généraux et d’estimer les coûts et les avantages probables au cours des trois années suivantes, cequi assure automatiquement une adaptation et une amélioration continue. Un avantage supplémentaire estque, du fait que ces plans doivent être examinés chaque année par la direction, les objectifs de la fonctionsécurité sont alignés en permanence sur ceux de l’entreprise.

Conclusion

La mise en œuvre du programme de sécurité doit refléter le fait que ce dernier fait partie intégrante de lagestion de l’entreprise. Son succès dépend d’une définition claire des responsabilités aux différents niveauxde la direction. La participation des travailleurs à la mise en œuvre du programme et, en particulier, au plande lancement, ne peut que contribuer à une large adoption du plan. Le plan de lancement est un documentdans lequel sont définies les activités nécessaires, leur chronologie et les responsabilités dans la mise enœuvre de chacune d’entre elles. Les composantes de chaque activité — qu’il s’agisse de la formation, del’élaboration d’une procédure de travail ou de l’enseignement — doivent être décrites d’une manière nonambiguë pour le personnel de l’entreprise à tous les niveaux. La dernière étape du plan consiste à faire ensorte qu’un cycle d’amélioration continue puisse s’instaurer grâce à la mise en place d’un audit duprogramme de sécurité sur une base au moins annuelle.

LES PROGRAMMES DE SÉCURITÉ EFFICACES

Tom B. Leamon

Le respect de l’impératif moral qui consiste pour toute entreprise à chercher activement à réduire lesdommages, les douleurs et les souffrances sur le lieu de travail a pour limites la capacité de le faire de façonsoutenue. La plupart des activités humaines comportent des risques, et les risques sur le lieu de travailvarient considérablement, depuis ceux qui sont nettement inférieurs aux risques des activités nonprofessionnelles normales jusqu’à ceux qui sont beaucoup plus élevés. Une décision fondamentale pour uneentreprise est d’accepter les risques qui sont susceptibles d’entraîner des pertes financières et qui sontdéfinis à partir de la douleur et des souffrances des travailleurs victimes d’accidents. Un programme desécurité efficace a pour but de maîtriser une partie de ces pertes en réduisant les risques, notamment lorsque

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ceux-ci découlent de conditions ou d’actes dangereux. Le programme de sécurité est donc simplement unélément du système de gestion et consiste, comme tel, en stratégies, procédures et normes complémentaires.De même, comme les autres programmes de gestion, on le mesure à son efficacité, c’est-à-dire à sa capacitéde réduire le nombre des accidents et les dommages qui en résultent.

La sécurité des lieux de travail dépend de la maîtrise des risques et des comportements dangereux, qui estune des tâches fondamentales de la direction. Un programme de sécurité devrait procurer des avantagescomplémentaires: une réduction des dommages et des souffrances des travailleurs, (qu’elles résultentd’accidents ou de maladies aiguës ou chroniques) et une réduction corrélative de la charge financière quereprésentent ces accidents pour l’entreprise. Pour obtenir ces avantages, il faudra procéder comme avec tousles outils de gestion, à savoir définir des objectifs, suivre les résultats et corriger les écarts. Cette approchesera appliquée à un éventail relativement large d’activités, y compris la conception organisationnelle, lesprocédés de production et le comportement des travailleurs.

La sécurité dans l’entreprise

Un lieu de travail sûr est l’aboutissement d’un processus complexe et interactif, qui est différent danschaque entreprise. Un processus type est illustré à la figure 60.6. Pour réussir, le programme de sécuritédevra prendre en compte les différents aspects d’un tel système.

Figure 60.6 Processus de gestion et sécurité au travail

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La sécurité est souvent considérée comme une question qui concerne les travailleurs et les postes de travail,mais la figure 60.6 montre que la direction joue un rôle fondamental, car la sécurité fait partie des objectifsgénéraux de l’entreprise. Il est clair en effet que la direction est responsable du choix des procédésindustriels utilisés, du contrôle des agents de maîtrise, des conditions de travail, de l’attitude des travailleurset de leurs méthodes qui sont autant de facteurs déterminants de l’étendue d’un risque en un lieu de travaildonné. Il y a généralement une forte probabilité qu’aucun accident ne survienne, et une faible probabilitéqu’il s’en produise un et qu’il provoque des dommages matériels ou corporels. Un programme de sécurité apour but de réduire ce risque et de limiter au minimum les dommages corporels.

Comprendre le processus accidentel

Il existe plusieurs théories concurrentes des causes des accidents, mais le modèle proposé pour la premièrefois par Frank Bird (1974) est particulièrement utile, car il fournit une analogie facile compatible avec denombreuses méthodes de gestion. Bird a comparé le processus qui conduit à des dommages corporels oumatériels à une rangée de dominos posés sur la tranche (voir figure 60.7). Lorsqu’un domino tombe, il peutentraîner les autres, et il se produit alors une succession d’événements qui finit par entraîner la chute de ladernière pièce, qui correspond à la survenue de dommages. Cette analogie implique que, si l’un quelconque

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des dominos est retiré de la rangée ou est suffisamment solide pour supporter l’impact de celui qui leprécède, la succession des événements est interrompue, et le dernier événement, qui correspond à undommage corporel ou matériel, ne se produit pas.

Figure 60.7 Théorie des dominos de Bird modifiée par E. Adams

Bien qu’il existe des modèles plus récents, cette approche reste valable, car elle met clairement en lumière lanotion d’intervention dans le processus accidentel et le rôle que peut jouer un programme de sécuritéefficace en permettant des interventions qui empêchent le déroulement du processus, et donc éviteront desdommages corporels.

Les buts de l’organisation

La plupart des auteurs s’accordent sur le fait que l’aspect le plus important de tout programme de sécuritéest l’engagement visible et continu de la direction générale. Cet engagement doit être reconnu et manifestéaux différents niveaux de l’encadrement jusqu’à la maîtrise. La direction a souvent l’impression que sonsouci de la sécurité est visible par tous dans l’entreprise, alors qu’en réalité il peut y avoir un phénomène dedilution dans les couches successives de la hiérarchie. Pour qu’un programme de sécurité réussisse, il fautque la direction montre clairement son attachement à l’idée que la sécurité est une responsabilité de tout lepersonnel, depuis les cadres supérieurs jusqu’aux travailleurs temporaires. Elle devrait l’exprimer sous laforme d’un court document écrit, distribué à tout le personnel et utilisé le plus tôt possible pour l’initiationdes nouvelles recrues. Certaines entreprises, récemment, sont allées plus loin en introduisant l’idée quel’engagement d’instaurer un lieu de travail sûr et sain pour tous ses travailleurs et tous ses clients faisaitpartie de leurs valeurs explicites. Elles exposent souvent cette position dans des documents, à côté d’autresvaleurs plus traditionnelles telles que la recherche du profit, la fiabilité, le service à la clientèle etl’engagement en faveur de la communauté.

La clarté de la communication est particulièrement importante dans les grandes organisations, où le liendirect entre les chefs d’entreprise et les travailleurs peut facilement être rompu. L’un des meilleurs moyensd’y parvenir consiste à élaborer une série de politiques et de procédures écrites, et, en premier lieu, lafixation, par la direction générale, des objectifs à atteindre par le programme de sécurité. Ces objectifsdevraient être clairs, concis, réalisables, défendables et surtout dépourvus d’ambiguïté. La direction ne doitpas se contenter de supposer que chacun, aux différents niveaux de la hiérarchie, a la même connaissance,la même compréhension et la même perception du programme de sécurité; il faut que tous ces aspects soientparfaitement explicités. De même, en énonçant cette procédure écrite, il est essentiel de fixer des objectifsréalistes.

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Le contrôle exercé par la direction

La mise au point de programmes de sécurité efficaces, sur la base de cet engagement initial, exige que l’onintègre la mesure des résultats obtenus en la matière à l’évaluation annuelle des résultats de l’ensemble dupersonnel d’encadrement. Conformément à la conception selon laquelle la sécurité n’est que l’une desnombreuses mesures du contrôle des processus par la direction, les résultats obtenus dans ce domainedoivent être pris en compte au même titre que la production, les coûts unitaires et la rentabilité de tel ou telservice. Dans la mesure où les accidents résultent d’un manque de contrôle du processus, cette approchesemble parfaitement compatible avec la place accordée aujourd’hui à la notion de management total de laqualité (TQM). Il s’agit dans les deux cas de réduire au minimum les écarts par rapport à la normale afin demieux contrôler la réalisation des objectifs de l’entreprise. En outre, la notion, propre à la TQM,d’amélioration graduelle, année après année, s’applique parfaitement à la gestion à long terme desprogrammes de sécurité.

La formation et l’éducation

La formation et l’éducation sont des composantes capitales de tout programme de sécurité. Ellescommencent avec la diffusion, par la direction, non seulement des objectifs du programme, mais aussid’informations sur les progrès accomplis dans leur poursuite, mesurés grâce à la tenue de dossiers et à lacomptabilité analytique. L’éducation, au sens d’une démarche visant à faire mieux comprendre la natured’un risque et les méthodes utilisées pour le réduire, paraît efficace, notamment dans les cas où subsistentdes doutes sur les facteurs de risque individuels. On en a un exemple avec la multiplication des cas detroubles musculo-squelettiques par hypersollicitation des membres supérieurs en Australie, en Europe et enAmérique du Nord. Ces troubles sont devenus un problème important, notamment parce que tout le monden’est pas d’accord quant aux critères à appliquer pour les prévenir. Il apparaît toutefois qu’en raison de leurcaractère cumulatif la solution pourrait fort bien résider dans l’éducation. S’ils sont conscients des risquesqu’ils encourent, les travailleurs sauront reconnaître les expositions nocives et y remédier en changeant leurmanière de travailler. De même, s’ils comprennent les mécanismes de développement des lombalgies, lestravailleurs éviteront certaines pratiques de travail potentiellement dangereuses et leur substitueront desméthodes plus sûres.

Mais la formation des travailleurs ne suffit pas. Il est tout aussi impérieux de former les cadres et agents demaîtrise pour qu’ils comprennent quelles sont leurs responsabilités et obligations et prennent davantageconscience des risques éventuels. Il leur incombe d’indiquer aux travailleurs des procédures claires et nonambiguës pour qu’ils s’acquittent de leurs tâches sans danger. Il faudrait qu’ils comprennent les risques quecomportent des opérations particulières et les effets que telle ou telle exposition à des agents toxiques ouphysiques est susceptible d’avoir. En outre, les cadres, agents de maîtrise et travailleurs devraient bienconnaître les procédures à suivre pour limiter au minimum les dommages après un accident.

Un comportement sécuritaire

Au XXe siècle, des conceptions fluctuantes concernant les programmes de sécurité ont attribué laresponsabilité du comportement des travailleurs, dans des proportions variables, aux individus, auxemployeurs et à la société. Mais il est clair qu’un comportement sécuritaire est la clef de voûte du processusde sécurité. Un exemple de l’importance de ce comportement est le développement d’une éthique de groupe(ou normes d’équipe) selon laquelle l’hypothèse, par un membre du groupe, qu’il y a un risque peut êtreperçue négativement par les autres membres. L’inverse est également vrai: l’acceptation de pratiquesdangereuses peut finir par être considérée comme «normale». De tels comportements peuvent être modifiéspar des méthodes spéciales de formation et de renforcement, comme le prouvent les programmesextrêmement efficaces de lutte contre la propagation du sida due à l’utilisation négligente des aiguilles dansle secteur des soins de santé. L’insistance de la direction, associée à une formation et à un recours à dumatériel pédagogique, a permis de modifier radicalement les procédures utilisées et de réduire la fréquencede ce risque.

La participation

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De plus en plus, les sociétés obligent les travailleurs à participer aux programmes de sécurité. Bien que lavalidation de cette participation tende à être assez variable, une telle implication des travailleurs peut êtreutile dans plusieurs phases du processus de sécurité. Il ne fait pas de doute que les personnes exposées à desrisques sont des sources très utiles pour l’identification de ces risques et qu’elles connaissent fréquemmentles solutions qui permettraient de les réduire. Lorsque les problèmes ont été définis et des solutions mises aupoint, il sera beaucoup plus facile de les appliquer si les travailleurs ont participé à la tenue de dossiers, ainsiqu’à l’identification, la mise au point et la validation des interventions proposées. Enfin, la participation auprogramme de sécurité aide à comprendre l’engagement de la direction et les contraintes budgétaires.

Les incitations

Certains pays ont largement recouru à des mesures d’incitation en faveur des comportements sécuritaires.Ces mesures sont loin d’avoir fait la preuve de leur efficacité, mais elles peuvent, dans le cadre d’unprogramme de sécurité global, servir à montrer que la direction reste soucieuse de la sécurité et stimulerfortement l’obtention de résultats. Ainsi, les programmes de sécurité qui comportent l’envoi d’une petiterécompense financière par courrier à une personne ont peu de chances d’être efficaces, alors que la mêmerécompense, remise en public par la direction, et fondée sur des résultats concrets — par exemple, 2 500heures de travail sans accident — constituera vraisemblablement une mesure de renforcement positif. Dansla pratique, c’est, dans beaucoup de secteurs, l’inverse qui est vrai: il existe de nombreuses mesures quirécompensent des comportements peu conformes à la sécurité. Par exemple, il est clair que les systèmes derémunération à la pièce récompensent les travailleurs qui, dans un cycle de travail, suppriment tous leséléments qui prennent du temps, y compris ceux qui peuvent rendre le travail plus sûr. Les entreprises quiappliquent des mesures d’incitation ont sans doute plus besoin de systèmes de prévention technique et deméthodes de surveillance active si elles souhaitent vraiment protéger la sécurité et la santé de leur personnel.

Le mesurage et le contrôle

L’information est l’élément moteur de la gestion, et la documentation est un élément essentiel del’information de gestion. En l’absence de source de données fiable, on ne sera pas assuré de progresser versune réduction des accidents, et la volonté de la direction de consacrer des ressources à la réduction desrisques peut être ébranlée. Dans certains pays, la collecte de telles données est une obligation légale, et il estévident qu’un programme de sécurité efficace doit faciliter le rassemblement et l’exploitation de cesdonnées. Le respect des prescriptions réglementaires peut être nécessaire, mais il est rarement suffisant pourque le programme de sécurité soit efficace. Ces prescriptions peuvent varier d’un endroit à l’autre, ce quiocculte la valeur des données; cette situation est particulièrement problématique dans les entreprisesimplantées en des sites multiples relevant de juridictions régionales ou nationales différentes. Enconséquence, la normalisation de la collecte des données et la méthode à appliquer doivent être définiesspécialement dans le cadre du programme de sécurité. Chaque programme doit donc commencer par définirles informations nécessaires au respect des réglementations, puis déterminer ensuite les besoins de collecteet d’analyse complémentaires en vue de réduire les accidents.

Le coût des accidents

Le calcul du coût des pertes est un élément capital de la gestion des données. L’analyse des sources depertes, c’est-à-dire la détermination des sources de pertes effectives, comprend le mesurage du nombred’incidents, de leur gravité et du coût direct des dommages, matériels et corporels, et des maladies. Cesinformations sont essentielles pour que la direction puisse faire porter ses efforts sur les véritables problèmesqui se posent sur le lieu de travail. Dans de nombreux pays, les prestations de réparation — qu’elles soientdirectement à la charge de l’employeur, d’une fédération ou d’un organisme public — sont présuméesproportionnelles à la souffrance des travailleurs. De ce fait, en identifiant la source de la perte, la directions’acquitte de sa responsabilité consistant à instaurer des conditions de travail sûres d’une manièreparfaitement compatible avec l’approche de l’analyse coûts-avantages appliquée pour d’autres activités.

Les coûts directs ne correspondent pas aux coûts financiers réels supportés par l’entreprise du fait desaccidents du travail et des dommages corporels. De nombreux pays du monde ont essayé, avec une rigueur

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variable, d’estimer les coûts indirects liés aux accidents. Ces coûts comprennent la perte de tempsd’encadrement, la perte de temps de production pendant l’enquête sur l’accident, la remise en état, laformation du personnel de remplacement et les heures supplémentaires nécessaires pour respecter lecalendrier de production. On a constaté que ces coûts indirects dépassaient nettement les coûts directs,souvent dans une proportion de trois à dix fois le montant des pertes directement couvertes par l’assurance.

La détermination des coûts

Le mesurage des pertes suppose normalement qu’on exerce une surveillance passive , qui exige une analysede la fréquence et de la gravité des accidents survenus dans le passé. La surveillance passive ne suffit pastoujours, notamment dans les cas où les probabilités d’erreurs sont très faibles, mais où les dommagespotentiels non maîtrisés sont très importants lorsqu’elles se concrétisent. En pareilles circonstances, enparticulier dans les industries de transformation complexes, il est nécessaire de faire une évaluation despertes potentielles . Il est évidemment inadmissible, au prétexte qu’il n’y a jamais eu de victime, que desprocessus mettant en jeu de grandes quantités d’énergie ou de produits toxiques ne soient pas analysés avantqu’un accident se produise. Dans certaines branches, il est donc sage d’instituer une surveillance active ,surtout lorsque des processus similaires ont déjà entraîné des pertes ailleurs. Les informations émanant desorganisations professionnelles et des organismes nationaux et internationaux s’occupant des questions detravail et de sécurité sont des sources précieuses dont on peut se prévaloir pour établir, avant un incident,des estimations qui auront des chances d’être valables. D’autres techniques, notamment l’analyse par arbrede défaillance et l’analyse des modes de défaillance, sont étudiées dans des rubriques distinctes del’ Encyclopédie . Dans des cas tels qu’une exposition à des produits chimiques, la surveillance active peutcomprendre des examens médicaux réguliers du personnel. Cela est particulièrement important lorsque desvaleurs limites bien établies ont été déterminées. La méthode consistant à estimer des pertes potentielles etréelles met en lumière un aspect qu’un programme de sécurité efficace devrait prendre en compte, et qui estla différence entre le risque quotidien et les effets d’une catastrophe potentielle.

La rétro-information

Il a été démontré que la rétro-information était fondamentale dans de nombreuses activités des entreprises, ycompris les programmes de sécurité. Le calcul des taux d’incidence et de gravité servira de base àl’affectation rationnelle des ressources par l’entreprise et au mesurage de la réussite du programme. Cesinformations sont aussi utiles à la direction pour l’évaluation de la fonction sécurité qu’aux travailleurs pourl’exécution du programme. La présentation de ces données devrait cependant être conçue en fonction del’utilisateur final: les données globales permettront à la direction de faire des comparaisons entre les unitésopérationnelles, tandis que les données propres aux différents services et les moyens visuels (tels quegraphiques à thermomètre indiquant, au niveau de l’atelier, le nombre de journées de travail sans accident)peuvent contribuer à améliorer la compréhension et l’adhésion de l’ensemble du personnel.

Les observations sur le terrain

Dans un programme de sécurité efficace, le système d’information est un élément dérivé qui doit êtrecomplété par une approche pratique de la sécurité sur le lieu de travail. Cela suppose une inspectionsommaire , consistant pour un observateur informé et spécialement formé à repérer subjectivement lesdangers d’un lieu de travail. Cette méthode est en outre particulièrement indiquée pour détecter lesmanquements au règlement de l’entreprise ou aux prescriptions légales. Ainsi, la réduction des dangers grâceà l’emploi de protecteurs de machines est inefficace s’il apparaît qu’un grand nombre de ces dispositifs ontété enlevés, ce que permet de constater une inspection sommaire. Cette dernière étant une procédureouverte et adaptable, elle est aussi le moyen le plus facile de mettre en évidence des insuffisances dans laformation des travailleurs et peut-être dans celle de l’encadrement.

Pour être efficaces, les programmes de sécurité devraient appliquer cette technique régulièrement, mais defaçon aléatoire. L’inspection sommaire n’est cependant pas la seule façon de repérer les dangers. Lestravailleurs eux-mêmes peuvent fournir des informations précieuses. Dans de nombreux cas, ils ontl’expérience de «quasi-accidents» jamais signalés, et ils sont donc bien placés pour en parler avec le

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responsable de la sécurité pendant l’inspection. D’une manière générale, ils devraient être encouragés parl’encadrement à signaler toutes les lacunes, réelles ou potentielles, sur le plan de la sécurité.

L’enquête après accident

Tous les accidents doivent être analysés par le supérieur responsable. Les accidents comme ceux qui seproduisent dans les industries de transformation nécessitent souvent une enquête par une équipe depersonnes compétentes représentant des intérêts divers et comprenant éventuellement un expert extérieur.Les programmes efficaces associent souvent les travailleurs à ces enquêtes, ce qui permet de mieuxcomprendre ce qui s’est passé et de diffuser rapidement des recommandations. Il ressort clairement de lafigure 60.6 que les accidents ne sont pas seulement les événements qui aboutissent à des dommagescorporels, mais aussi ceux qui occasionnent des dommages matériels, voire des événements importants neprovoquant ni les uns ni les autres (ce sont les «quasi-accidents»). Il apparaît sur la figure que ces incidentsdevraient faire l’objet d’une enquête et d’un contrôle de la part de la direction, même si personne n’a étéblessé. En évitant des incidents similaires à l’avenir, on réduira le risque qu’ils provoquent des dommagescorporels. Les enquêtes après accident, qui visent à trouver un coupable, paraissent moins efficaces quecelles qui ont pour objectif de déterminer les causes. Lorsqu’on cherche un coupable, la pression descollègues et d’autres comportements psychosociaux risquent de nuire gravement à la qualité desinformations recueillies.

Le rapport d’accident est essentiellement une démarche formalisée, comportant des descriptions écrites desévénements qui se sont produits avant, pendant et après l’accident, et une évaluation des facteurs qui y ontconduit. Il devrait se terminer par une recommandation précise: modifier immédiatement la méthode detravail ou, dans le cas de situations complexes, demander qu’une nouvelle enquête soit faite par desprofessionnels. Le rapport d’accident devra être signé par le supérieur responsable, ou par le chef del’équipe chargée de l’enquête, et transmis à l’échelon approprié de la hiérarchie. L’examen et l’acceptationdes recommandations par la direction sont un élément essentiel du processus de comptes rendus d’accidents.En signant, le directeur devrait préciser s’il accepte ou refuse les changements proposés dans le but deprévenir de nouveaux accidents, et tout refus devrait être motivé. Les enquêtes sur des accidents qui nedébouchent pas sur la désignation d’une personne chargée de donner suite aux recommandations risquentd’être inefficaces et d’être rapidement considérées comme sans intérêt par toutes les parties concernées.Pour réussir, un programme de sécurité doit être conçu de telle manière que les enseignements tirés d’unaccident soient acceptés ailleurs dans l’entreprise.

La maîtrise des risques

Le meilleur moyen de maîtriser un risque sera toujours de le supprimer par des moyens de préventiontechnique prévus dès la conception, ou en guise de substitution ou de modification. Si le risque est éliminé(ou du moins si des mesures ont été prises pour le limiter et s’en prémunir), l’opérateur sera protégé, quellesque soient les différences individuelles tenant à la formation, la force physique, l’attention, la fatigue ou aurythme circadien.

Malheureusement, dans certains cas, le coût de ces mesures de prévention technique peut atteindre oudépasser les limites de la viabilité économique. Certains procédés sont par nature beaucoup plus risqués qued’autres, et les moyens techniques applicables n’apportent qu’une solution partielle. Les travaux deconstruction en hauteur, l’exploitation des mines de charbon souterraines, la production d’acier et laconduite d’un véhicule sur de très longs parcours sont autant d’activités qui exposent les travailleurs à desrisques supérieurs à la «normale». En pareils cas, il peut s’avérer nécessaire de prendre des mesuresorganisationnelles de prévention et d’imposer des dispositifs de protection individuelle. Les mesuresorganisationnelles peuvent consister en une formation et des procédures spécifiques pour réduire les risques:par exemple, l’interdiction de pénétrer seul dans des espaces confinés ou la mise en place de systèmes deverrouillage pour isoler des équipements ou des processus dangereux par rapport à l’opérateur pendant lecycle de travail. Ces procédures peuvent être efficaces, mais elles supposent un entretien permanent. Lespratiques de travail, en particulier, tendent à s’écarter des procédures administratives requises. Il faut mettreun terme à cette tendance en organisant des séances de formation et de recyclage pour tous les travailleurset agents de maîtrise concernés.

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Le dernier élément de la maîtrise des risques est l’utilisation de dispositifs de protection individuelle telsqu’appareils de protection respiratoire, gants de protection, harnais et casques de sécurité, pour n’enmentionner que quelques-uns. En général, ces dispositifs sont utiles lorsque les risques n’ont pas étécomplètement éliminés du lieu de travail ou ne font pas l’objet de mesures organisationnelles de prévention.Ces dispositifs qui ont pour but de réduire les effets de ces risques sur les travailleurs peuvent néanmoinsposer certains problèmes parmi lesquels il faut citer: une utilisation inappropriée, une mauvaise conception,un contrôle inadéquat de la part des supérieurs et un défaut d’entretien.

Les premiers secours

Malgré tous les efforts entrepris pour réduire les risques, le programme de sécurité doit prévoir les mesures àprendre après un accident. La mise en place de moyens de premiers secours et de traitement médicald’urgence peut apporter des avantages considérables au programme de sécurité. Il faudra établir unprotocole pour le traitement médical après un accident. Des travailleurs sélectionnés devront se familiariseravec les instructions écrites pour demander une assistance médicale sur le lieu de travail. Cette assistancedevrait être organisée à l’avance, car tout retard risque d’aggraver l’état de la victime. Pour les accidents quine provoquent que des lésions mineures, on peut limiter les pertes grâce à un traitement médical sur le lieumême de l’accident. Le traitement des coupures et contusions légères dans les locaux de l’entreprise permetde réduire le temps pendant lequel les intéressés ne sont pas à leur poste.

Pour les premiers secours, il faut disposer d’une quantité suffisante de fournitures, mais surtout assurer uneformation appropriée, qui peut influer directement sur les chances de survie en cas de lésionspotentiellement mortelles, et réduire la gravité de nombreux accidents moins critiques. Les premiers soins,comme la réanimation cardio-respiratoire ou la stabilisation d’une hémorragie, peuvent être déterminantspour la vie d’une personne qui a besoin d’un traitement lourd urgent. Souvent, les premiers soins dispenséssur le lieu d’un accident facilitent d’importantes interventions chirurgicales ultérieures. Les premiers secoursjouent un rôle plus important encore dans les entreprises implantées loin des centres urbains, où untraitement médical peut être retardé de plusieurs heures.

Les premiers secours peuvent également faciliter le retour au travail dans de bonnes conditions lorsque leslésions sont mineures. Il a été montré que ces interventions sur place rendent moins nécessaires les longuesconsultations médicales à l’extérieur de l’entreprise et évitent ainsi une perte de productivité. Surtout, ellesréduisent les risques de médicalisation en cas d’accident, problème qui commence à se poser dans plusieurspays.

La planification en prévision des catastrophes

Un programme de sécurité devrait identifier périodiquement, au moins une fois par an, les causespotentielles de catastrophe. Dans certaines situations — par exemple, le stockage de grandes quantités deproduits inflammables ou dangereux —, cela n’est pas trop difficile. Dans d’autres, en revanche, il faut fairepreuve de beaucoup d’ingéniosité pour présenter des propositions utiles en vue de prévoir d’éventuellescatastrophes. Par définition, les catastrophes sont rares, et il est peu probable qu’une entreprise soit victimedeux fois du même type de catastrophe. La prise en charge médicale, la circulation de l’information et lagestion de la situation sont autant d’éléments qui devraient être définis dans le programme de sécurité. Il vade soi que dans de nombreuses entreprises ces plans annuels seront réduits au minimum, mais le fait mêmed’en élaborer peut contribuer utilement à sensibiliser la direction à certains des risques assumés parl’entreprise.

Conclusion

Un programme de sécurité efficace n’est pas un ouvrage ou un recueil de notes, mais un plan conceptuelvisant à réduire les risques de dommages corporels, mesurés sur la base de leur fréquence et de leur gravité.Comme tous les processus au sein d’une entreprise, celui de sécurité relève de la direction et non d’uningénieur de sécurité ou des travailleurs. La direction a la responsabilité de fixer les objectifs, de fournir desressources, de mettre en place les moyens de mesurer les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs

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et de prendre des mesures correctives lorsque les progrès ne sont pas satisfaisants. Pour cela, l’informationjoue un rôle primordial, suivi en importance par la communication des objectifs à tous les niveaux del’entreprise — direction, encadrement, exécution — où chacun peut contribuer à l’instauration deconditions de travail sûres. Malheureusement, des insuffisances dans l’organisation, les procédures et lescomportements peuvent y faire obstacle. Un programme de sécurité efficace est un programme qui reconnaîtces facteurs et les prend en compte dans l’élaboration d’une approche intégrée pour atténuer la douleur etles souffrances provoquées par les accidents du travail et les maladies professionnelles.

LES PROGRAMMES D’INCITATION À LA SÉCURITÉ

Gerald J.S. Wilde

Les programmes d’incitation à la sécurité ont un objectif déclaré: réduire les pertes dues aux accidents. Maisils ont aussi des effets secondaires positifs. D’une part, ils sont une option intéressante pour l’industrie, dansla mesure où les économies qu’ils permettent de réaliser sont généralement supérieures à leur coût. D’autrepart, ils peuvent contribuer à améliorer le moral dans l’entreprise; un meilleur climat général peut avoir deseffets bénéfiques sur la productivité, au-delà des gains résultant de la réduction des accidents. Lesprogrammes d’incitation ciblant des groupes proposent une cause que les membres du personnel partagententre eux et avec la direction. En incitant à agir conformément à la sécurité, «on supprime les effetsindésirables du recours à la discipline et aux sanctions, on accroît la satisfaction professionnelle et onrenforce les relations entre l’encadrement et les travailleurs» (McAfee et Winn, 1989).

Le rapport coût-efficacité des programmes d’incitation

Il y a eu de nombreux cas, dans l’industrie manufacturière, le bâtiment et d’autres secteurs, où le tauxd’accidents par salarié a été réduit de 50 à 80%. De meilleurs résultats encore sont parfois obtenus, commecela a été le cas de deux sociétés minières où le nombre total de journées de travail perdues a diminué de 89et 90%, respectivement (Fox, Hopkins et Anger, 1987). Il arrive aussi que les résultats soient plus modestes.Une usine de câbles a réduit le coût des accidents par salarié de 35%, un fabricant de produits du tabac de31% (Stratton, 1988), une entreprise de traitement et de transport de céréales de 30%, un complexetouristique du Pacifique de 39% et un fabricant de produits alimentaires de 10% (Bruening, 1989).

Ces effets positifs se manifestent longtemps. Des programmes d’incitation, dans deux mines américaines, ontété étudiés sur des périodes de 11 et 12 ans. Dans l’une des mines, le nombre des journées de travail perduespour cause d’accident a été ramené à environ 11% du niveau de référence et dans l’autre à environ 2%. Lesrapports avantages-coûts se situaient, d’une année à l’autre, entre 18 et 28 dans une mine et 13 et 21 dansl’autre. Rien n’a laissé penser qu’il y avait une baisse d’efficacité avec le temps (Fox, Hopkins et Anger,1987). Un rapport avantages-coûts élevé — de l’ordre de 23 à 1 — a également été observé dans le secteurdu tourisme hôtelier.

Le rapport entre les avantages (économies réalisées grâce aux accidents évités) et les coûts des programmes(primes et frais de gestion) est généralement supérieur à 2 pour 1, ce qui signifie que la prévention desaccidents peut être rentable pour les entreprises. Cela tient en grande partie à la réduction des cotisationsqu’elles versent aux commissions de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles etaux compagnies d’assurances, ainsi qu’à l’augmentation de la production, à la réduction des tempsd’inactivité et à un moindre recours au personnel de remplacement.

Les conditions nécessaires à l’efficacité des programmes d’incitation

Les programmes d’incitation à la sécurité, lorsqu’ils sont bien conçus, reçoivent l’approbation de ceuxauxquels ils s’adressent et, à cet égard, ils soutiennent favorablement la comparaison avec les autres formesde motivation pour la sécurité, comme les règlements, les consignes ou la discipline, qui ont beaucoup moinsla faveur des intéressés. Pour dire les choses familièrement: une petite carotte n’est pas seulement mieuxappréciée qu’un gros bâton; elle est aussi beaucoup plus efficace. Un seul effet secondaire négatif a étéobservé jusqu’à présent, à savoir la tendance à sous-déclarer les accidents lorsque des programmes

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d’incitation sont en vigueur, mais il est apparu qu’elle ne concernait heureusement que les accidents mineurs(McAfee et Winn, 1989).

Il ressort aussi des programmes d’incitation qui ont été mis en œuvre que certains ont eu des effets beaucoupplus marquants que d’autres. Par exemple, un plan d’incitation allemand promettant aux chauffeurs-routiersune prime de 350 DM pour chaque période de six mois pendant laquelle ils n’étaient pas mis en cause dansun accident a permis, dans sa première année d’application, de réduire de deux tiers le coût direct desaccidents et de le maintenir à ce niveau pendant plus de trente ans (Gros, 1989). En Californie, l’expérience«bons conducteurs», dans le cadre de laquelle une prolongation gratuite d’un an du permis de conduire étaitofferte pour chaque année de conduite sans accident, a fait baisser de 22% le taux d’accidents au cours de lapremière année de son application (Harano et Hubert, 1974).

Nous avons essayé ici de déterminer, à partir des rapports publiés sur ce sujet, quels étaient les composantsdes programmes d’incitation à la sécurité les plus efficaces. Il a nécessairement fallu procéder par déduction,car il n’y a pas eu jusqu’à présent d’expérience de contrôle consistant à faire varier un seul paramètre enmaintenant tous les autres constants. Pour des raisons évidentes, il est peu probable que de tellesexpériences soient jamais menées, car ce n’est pas l’affaire de l’industrie. Néanmoins, les élémentsénumérés ci-après semblent réalistes (Wilde, 1988; McAfee et Winn, 1989; Peters, 1991).

La vigueur dans la conduite du programme

Le lancement et le maintien dans la durée d’un programme d’incitation à la sécurité devraient être menésavec vigueur, détermination et cohérence. Il ne faudrait pas se contenter d’informer les travailleurs ou lesconducteurs de véhicules de l’existence du programme, mais aussi le rappeler fréquemment à leur attention.Pour motiver et informer les groupes ciblés, les responsables des programmes d’incitation devraient leurfaire connaître fréquemment et clairement les résultats obtenus (Komaki, Barwick et Scott, 1978).

Récompenser les bons résultats

Les programmes d’incitation à la sécurité devraient récompenser le résultat (le fait de ne pas avoir provoquéd’accident), et non le moyen employé (par exemple, le port de lunettes de protection ou de ceintures desécurité, la sobriété ou le respect des règles de sécurité de l’atelier), car on ne renforce pas nécessairement lamotivation pour la sécurité en récompensant un comportement particulier. Dans le domaine de la circulationroutière, par exemple, un avantage potentiel, en matière de sécurité, résultant de la fréquence accrue d’unecertaine forme de comportement «sûr», peut fort bien être neutralisé par l’adoption moins fréquente d’autresformes de comportement «sûr». «Le risque est que, s’il peut y avoir une amélioration du côté ducomportement récompensé, d’autres comportements de sécurité apparentés peuvent se détériorer» (McAfeeet Winn, 1989).

Des récompenses attrayantes

On peut penser que les programmes d’incitation seront d’autant plus efficaces qu’ils rendront plusimportante la différence entre l’avantage, tel qu’il est perçu, de ne pas avoir d’accident, et l’inconvénient,tel qu’il est perçu, d’en avoir un. Les récompenses instituées par les employeurs pour un travail sansaccident ont pris des formes très diverses, allant de la remise de sommes d’argent à des félicitationspubliques. On peut citer aussi les timbres-primes, les billets de loterie, les chèques-cadeaux, la distributiond’actions de la société, les congés supplémentaires, les promotions et d’autres privilèges. Les sommesd’argent sont une récompense suffisamment souple pour empêcher que les intéressés ne soient «blasés»,mais les objets, notamment les cadeaux personnalisés, peuvent rappeler durablement à leur bénéficiaire lavaleur de la sécurité. Les objets ont également une composante «valeur ajoutée», dans ce sens qu’ilspeuvent être obtenus à un prix inférieur à celui que devraient probablement payer les bénéficiaires s’ilsdevaient les acheter dans le commerce. Aux Etats-Unis, tout un secteur d’activité s’est créé autour desobjets offerts en récompense de la sécurité. Les chèques-cadeaux sont à mi-chemin entre les sommesd’argent et les objets; on peut les utiliser avec souplesse tout en les personnalisant et en y inscrivant unmessage en souvenir. Les automobilistes ont bénéficié de récompenses en espèces, de réductions de primes

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d’assurance et de renouvellements gratuits de leur permis de conduire.

Il n’est pas nécessaire que les récompenses soient d’un montant élevé pour être efficaces. On peut mêmepréconiser de petits cadeaux comme des insignes pour une conduite sûre pendant un ou cinq ans. Les petitesrécompenses présentent l’avantage de pouvoir être offertes plus fréquemment; elles incitent probablementmoins à la sous-déclaration et peuvent favoriser l’intériorisation d’attitudes de sécurité par le processus deréduction de la dissonance cognitive (Bruening, 1990). Lorsqu’une petite récompense modifie lecomportement d’une personne, cette dernière peut justifier ce changement en se disant qu’il a été motivé parle souci de la sécurité et non par cette incitation insignifiante. Une telle intériorisation des attitudes desécurité n’est pas nécessaire lorsque l’incitation extérieure est importante, car elle justifie alors entièrementle changement de comportement.

On notera cependant que les récompenses modestes ne peuvent influer sur les attitudes qu’après unchangement de comportement consécutif à une quelconque incitation extérieure mineure. Il faut donc que larécompense soit suffisamment souhaitée pour provoquer, au départ, un certain changement decomportement. Les récompenses doivent avoir une «valeur perçue» dans l’esprit des bénéficiaires. Danscertains cas, une petite récompense matérielle équivaut à une grande récompense sociale à cause de sa«fonction symbolique». Un comportement sûr peut ainsi devenir «ce qu’il convient de faire». Cela peutaider à expliquer pourquoi, en Californie, une incitation modeste, telle que le renouvellement gratuit dupermis de conduire pour un an, a entraîné une importante réduction du taux d’accidents de la route. De plus,de même que des études antérieures avaient montré qu’il y avait une relation exponentielle (à la puissance3) entre les taux d’accidents dans des tâches dangereuses (par exemple, le travail aux pièces) et des salairesplus élevés, de même, on peut penser que des augmentations relativement modestes des salaires pourrécompenser l’absence d’accidents devraient entraîner une baisse proportionnellement plus grande des tauxd’accidents (Starr, 1969).

Une progressivité des récompenses

L’importance de l’incitation devrait continuer à augmenter progressivement à mesure que s’accumule lenombre de périodes ininterrompues sans accident; ainsi, la prime correspondant à dix années sans accidentdevrait être plus de dix fois supérieure à la prime correspondant à une année sans accident.

Les règles de fonctionnement du programme

Les règles de fonctionnement du programme devraient rester simples, de manière à être facilementcomprises par tous ceux qui sont visés. Il est primordial que le programme d’incitation soit mis au point encoopération et en consultation avec les personnes qu’il concerne. Les individus ont davantage tendance àessayer d’atteindre des objectifs qu’ils ont eux-mêmes contribué à définir (Latham et Baldes, 1975).

Un programme perçu comme équitable

Le programme d’incitation devrait être perçu comme équitable par tous ceux auxquels il s’applique: il fautque la prime puisse être considérée comme une juste récompense pour ne pas avoir provoqué d’accident aucours d’une période donnée. Il faut aussi que les travailleurs qui ne peuvent prétendre à la récompense (laplus élevée) n’éprouvent aucune rancœur envers le système, et que ceux qui sont récompensés soientconsidérés par leurs collègues comme méritant la récompense. Le hasard jouant un rôle dans le fait d’avoirou de ne pas avoir d’accident, l’octroi d’une récompense peut être subordonné à la condition supplémentaireque le travailleur concerné, n’ayant pas provoqué d’accident, soit également soucieux de la propreté et de lasûreté de son poste de travail. Au cas où des mesures de dissuasion sont également appliquées, il faut que lessanctions en question apparaissent comme justifiées.

Des récompenses perçues comme accessibles

Les programmes devraient être conçus de manière que la prime soit considérée comme potentiellementaccessible. Cela est particulièrement important lorsque la récompense est attribuée dans le cadre d’une

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loterie. Les loteries permettent de distribuer des récompenses plus importantes, ce qui peut accroître l’intérêtsuscité par un programme d’incitation mais, parmi ceux qui auront accumulé des «points sécurité», ceux quirecevront une prime seront moins nombreux. En revanche, certains risquent d’être découragés d’essayeractivement d’accumuler des «points».

Une période de latence courte

La période pendant laquelle une personne ne doit avoir aucun accident pour prétendre à une prime devraitrester relativement courte. Les récompenses et sanctions différées tendent à être oubliées, et contribuentdonc moins efficacement à modifier les comportements qu’une récompense plus immédiate. On a mêmeappliqué des périodes ne dépassant pas un mois. Si l’on choisit des périodes plus longues, il faut que lesrappels, rapports intermédiaires et autres interventions soient mensuels. Dans l’expérience californiennecitée plus haut, la baisse du taux d’accidents a été plus importante parmi les conducteurs dont le permisdevait être renouvelé dans le délai d’un an après la date où ils avaient été informés du programmed’incitation, que parmi ceux dont le permis ne devait être renouvelé que deux ou trois ans plus tard.

Des récompenses pour le groupe et pour les individus

Les programmes d’incitation à la sécurité devraient être conçus de manière à renforcer la pression exercéepar les collègues pour éviter les accidents. Le plan devrait inciter chacun non seulement à se préoccuper desa propre sécurité, mais aussi à exercer une influence sur les autres pour que leur probabilité d’accidentdiminue également. Dans l’industrie, on le fait en accordant une prime à l’ensemble de l’équipe de travail,en plus des primes individuelles quand il n’y a pas d’accident. Les primes collectives accroissent l’esprit decompétition pour l’obtention de ces récompenses. On a constaté en outre qu’elles étaient efficaces seules,c’est-à-dire même en l’absence de primes individuelles. On peut également renforcer un programme deprimes doubles (individuelles et collectives) en informant les familles de l’existence du programme de prixde sécurité, des objectifs en matière de sécurité et des récompenses possibles.

Prévenir la sous-déclaration des accidents

Il faudrait réfléchir aux moyens de lutter contre la tendance des travailleurs à ne pas déclarer les accidentsdont ils sont victimes. La possibilité que les programmes d’incitation encouragent cette tendance semble êtreleur seul inconvénient (encore que des objections morales aient parfois été élevées contre l’idée derécompenser des individus parce qu’ils avaient atteint un objectif auquel ils auraient dû aspirerspontanément, sans avoir besoin d’être «payés» pour respecter les consignes de sécurité). Certainsprogrammes d’incitation prévoient des déductions de crédits sécurité en cas de non-déclaration d’accidents(Fox, Hopkins et Anger, 1987). Heureusement, les seuls accidents qui, parfois, ne sont pas déclarés sont desaccidents mineurs, mais plus la prime de sécurité est importante, plus ce phénomène risque de devenirfréquent.

Des récompenses à tous les niveaux de l’entreprise

Les récompenses pour le respect des règles de sécurité ne devraient pas être réservées aux salariés, mais ilfaudrait les étendre à leurs supérieurs immédiats et aux cadres, de manière à généraliser et à rendre pluscohérente une attitude positive à l’égard de la sécurité dans l’entreprise et à instaurer une «culture» de lasécurité.

Faut-il compléter les récompenses par une formation à la sécurité?

Bien que la formation à la sécurité diffère de la motivation pour la sécurité et qu’il faille bien distinguerentre l’aptitude d’une personne à adopter un comportement de sécurité et sa volonté de le faire, certainsauteurs estiment qu’il y aurait amélioration de la sécurité si l’on disait aux travailleurs quels comportementsparticuliers permettent d’éviter des accidents (par exemple, Peters, 1991).

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Maximiser les économies nettes ou le rapport avantages-coûts?

Lorsqu’on envisage un programme d’incitation à la sécurité, il faudrait se demander quel est le principalobjectif visé: réduire autant qu’il est possible le taux d’accidents, ou obtenir un rapport avantages-coûtsmaximum? Certains programmes ne permettent qu’une baisse légère de la fréquence des accidents, mais àtrès faible coût. Leur rapport avantages-coûts peut donc être plus élevé que celui d’autres programmes,capables pourtant d’entraîner une beaucoup plus grande réduction du taux d’accidents. Contrairement à lavaleur absolue du rapport avantages-coûts, le montant économisé peut être nettement supérieur dans lesecond cas. Prenons un exemple: un programme de sécurité A dont la mise en œuvre coûte 200 000 dollarsE.-U. permet d’économiser 700 000 dollars E.-U., et un programme B coûtant 300 000 dollars E.-U. peutfaire économiser 900 000 dollars E.-U. Le rapport avantages-coûts de A est de 3,5 et celui de B de 3,0.Autrement dit, si l’on s’en tient à ce critère, A l’emporte sur B, mais si l’on considère l’économie nette, lerésultat est différent. Le programme A permet d’économiser (700 000 moins 200 000), soit 500 000 dollarsE.-U., et le programme B (900 000 moins 300 000), soit 600 000 dollars E.-U. De ce point de vue, il fautdonc donner la préférence au plus grand programme.

Conclusion

Comme n’importe quelle autre mesure de lutte contre les accidents, il ne faudrait pas mettre en place deprogramme d’incitation sans en évaluer au préalable la faisabilité à court et long terme et sans déterminer saforme optimale ni sans prévoir une évaluation scientifiquement satisfaisante du coût de sa mise en œuvre etde son efficacité réelle en matière de réduction du taux d’accidents. Sans ce type de recherche, jamais l’effetsurprenant d’un certain programme de récompenses n’aurait été découvert. Bien qu’il semble peu probable,dans la pratique, qu’un programme d’incitation ait un impact négatif, on a constaté que l’une des variantesd’une série de programmes d’incitation-récompenses destinés aux automobilistes californiens avait produiten fait une détérioration des statistiques de la sécurité routière. L’idée était d’accorder un avantage auxconducteurs sans antécédents d’accident, sans les informer à l’avance de cette possibilité. Il s’agissait doncd’une récompense inattendue et non d’une incitation, ce qui montre bien l’importance de cette distinctionpour la promotion de la sécurité. Le terme incitation désigne une gratification ou une prime annoncée àl’avance , qui est octroyée aux travailleurs ou aux automobilistes à la condition expresse que leurresponsabilité ne soit pas engagée dans un accident au cours d’une période future spécifiée.

LA PROMOTION DE LA SÉCURITÉ

Thomas W. Planek

La promotion de la sécurité a pour but d’inciter les salariés à améliorer leur comportement et celui de leurscollègues pour ce qui est de leur propre protection et de contribuer à la réalisation des objectifs déclarés deleur entreprise en matière de sécurité. La promotion de la sécurité vise à faire prendre davantage consciencedes problèmes de sécurité à tous les niveaux de l’entreprise et à confirmer que l’amélioration de la sécuritédu personnel est une tâche hautement prioritaire pour la direction.

En dernière analyse, l’efficacité d’un programme ou d’une activité de promotion de la sécurité d’uneentreprise dépend directement de la qualité de la gestion du programme de sécurité. La promotion de lasécurité peut contribuer grandement à améliorer la sécurité sur le lieu de travail lorsqu’il existe une méthoderationnelle de gestion des risques à tous les stades opérationnels: planification des installations, conceptiondes machines, formation et encadrement du personnel, équipements de protection individuelle, entretien del’environnement de travail, nettoyage, interventions en cas d’urgence et remise en état.

Quelle que soit son efficacité intrinsèque pour le changement des attitudes et des comportements dessalariés, un programme de promotion de la sécurité doit avoir l’appui de la direction, qui doit montrer sonleadership et son engagement. C’est là une condition indispensable au succès de toute action de promotion,que cette dernière soit axée sur la production, la qualité des produits ou la sécurité et la santé du personnel.C’est aussi une caractéristique de tous les programmes de sécurité efficaces, aussi différents soient-ils dansle détail.

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La motivation du personnel

La promotion de la sécurité est directement liée à la notion de motivation, qui a fait l’objet de nombreusesétudes. La question de savoir comment et pourquoi les individus sont «motivés» pour adopter de nouveauxcomportements et changer les anciens est controversée. Une interrogation centrale tient à la relation entreattitudes et comportement. Le changement d’attitude doit-il précéder le changement de comportement?Peut-il y avoir un changement de comportement sans changement d’attitude? Le changement d’attitudepermet-il de prévoir le changement de comportement? Le changement de comportement entraîne-t-il unchangement d’attitude?

Les réponses à ces questions sont incertaines. Quelques chercheurs insistent sur le fait que le meilleurmoyen d’obtenir une motivation consiste à modifier uniquement le comportement extérieur, alors qued’autres considèrent que le changement de l’attitude interne, ou changement cognitif, doit faire partie duprocessus de changement du comportement. Ces deux points de vue ont influencé la manière de conduire lapromotion de la sécurité.

Bien qu’elle ne soit pas directement observable, la motivation peut être déduite des changements dans lecomportement et les attitudes. Elle est définie par les trois variables suivantes:

L’ orientation du comportement nécessite de définir les objectifs et de dispenser la formation oul’éducation nécessaires pour les atteindre.L’ intensité de l’action implique la prise de connaissance et la consolidation du changement ducomportement et des attitudes, essentiellement par le renforcement et par la rétro-information.La persistance de l’effort implique la pérennisation des changements souhaités de comportement etd’attitude dans tous les aspects de l’activité des salariés.

Les modèles de promotion de la sécurité

Les publications sur la sécurité décrivent diverses théories et méthodes de promotion de la sécurité quiconcernent chacune des variables de la motivation; deux modèles ont prouvé leur capacité d’améliorer lesrésultats en matière de sécurité. Le premier, appelé gestion du comportement en organisation (GCO) , estaxé sur la modification du comportement et l’application des méthodes de contrôle du comportement misesau point par B.F. Skinner. Le second, appelé management total de la qualité (TQM) , est axé sur lamodification des processus et l’application des principes du contrôle de qualité élaborés par W.E. Demming.

La modification du comportement repose sur l’hypothèse que les causes du comportement tiennent àl’environnement. On peut donc prévoir et contrôler le comportement en étudiant l’interaction entre lesindividus et leur environnement. Ces connaissances requièrent de définir les éléments ci-après:

les antécédents de comportement, c’est-à-dire les cas dans lesquels il y a une réaction;1. le comportement ou l’action qui interviennent;2. les conséquences qui renforcent le comportement ou l’action.3.

L’amélioration de la qualité nécessite une «constance dans les objectifs», c’est-à-dire un engagement dupersonnel et de la direction à faire de l’amélioration de la qualité des produits et des services une priorité del’entreprise. Cette adaptation de l’attitude repose sur une décision consciente de la direction de tout mettreen œuvre pour que l’amélioration envisagée de la qualité devienne une réalité. Les objectifs del’amélioration de la qualité sont plus généraux et les méthodes utilisées pour les atteindre moins uniformesque dans le cas de la modification des comportements. Il s’agit davantage de remplacer, voire de supprimer,des processus complets que de modifier des comportements individuels.

Comme le montre le tableau 60.1, les deux modèles réagissent aux variables et aux actions que suppose lamotivation. Ils diffèrent, en revanche, quant aux éléments de sécurité sur lesquels ils mettent l’accent pourmotiver le personnel. Ils diffèrent donc dans leur efficacité à satisfaire aux trois variables de la motivation.

Tableau 60.1 Modèles GCO et TQM de motivation du personnel

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Variables demotivation

Action en vue de lamotivation

Elément de sécurité privilégié

GCO TQMOrientation ducomportement

Préciser les objectifs Comportement Attitudes/comportement

Assurer une formation Formation ducomportement

Formation auxprocessus

Intensité de l’action Renforcement Fréquence ducomportement

Amélioration desprocessus

Rétro-information Données sur lecomportement

Indicateurs dufonctionnement

Persistance del’effort

Obtenir l’adhésion dupersonnel

Changement decomportement

Améliorationcontinue

Obtenir l’adhésion de ladirection

Changement destyle

Changementculturel

Le modèle GCO

L’orientation du comportement

Les objectifs de sécurité de la gestion du comportement humain au sein d’une organisation sontgénéralement bien délimités et consistent à accroître la fréquence de certains comportements sécuritaires et,par conséquent, à réduire l’incidence des actes dangereux. On peut utiliser les sources suivantes poursélectionner les actes ou comportements accidentogènes à observer et leur réduction éventuelle:

l’analyse des enquêtes sur les accidents et des dossiers de sécurité qui s’y rapportent;des entretiens avec le personnel à tous les niveaux pour obtenir des informations sur les événementsnon signalés, les risques, etc.;les résultats des inspections de sécurité internes.

Sur la base des informations fournies par ces sources, le personnel est ensuite invité à participer àl’établissement d’une liste des comportements prioritaires considérés comme déterminants pourl’amélioration de la performance en matière de sécurité. Un système d’observation est créé pour repérer lafréquence de ces comportements, des observateurs sont formés et un programme d’observations est établi.On étudie alors la fréquence des comportements prioritaires pendant une période précédant l’intervention.Cette phase de définition du problème permet d’obtenir les données de référence par rapport auxquelles onmesurera le succès du processus de modification des comportements. Ces données permettent également designaler au personnel la présence d’un comportement dangereux sur le lieu de travail.

Le personnel reçoit ensuite une formation qui porte sur les comportements à adopter, fournit des directivessur les résultats souhaitables en matière de comportements sécuritaires et prévoit une rétro-information surles comportements. Par exemple, on organise parfois une projection de diapositives ou de vidéocassettes surles pratiques sûres et les pratiques dangereuses, suivie d’une discussion. On communique également aupersonnel, à cette occasion, des données de référence et on l’encourage à améliorer sa performance en cequi concerne les comportements déterminants pour la sécurité. Les données, souvent présentées sous formede graphiques, sont affichées dans l’usine afin de préparer les étapes suivantes du programme GCO. Lesactivités d’observation et de reconnaissance sont menées de façon continue par les supérieurs ou par descollègues spécialement formés. On ajoute, le cas échéant, à la formation de nouveaux éléments de sécuritéqui deviennent alors partie intégrante du programme.

L’intensité de l’action

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La GCO fait appel à la fois au renforcement individuel et à la rétro-information du groupe pour modifier lescomportements. Le renforcement se fait au niveau individuel sous forme de félicitations que l’on adresse devive voix ou d’autres témoignages de satisfaction lorsqu’un comportement sécuritaire est observé sur le lieude travail. La rétro-information sur le niveau du comportement sécuritaire du groupe est égalementcommuniquée pendant toute la durée du programme.

Divers types de récompenses peuvent être utilisées pour renforcer les comportements, telles que:

des incitations financières individuelles (par exemple, des primes en espèces et des bons d’achat deproduits de consommation);des félicitations et une rétro-information (par exemple, connaissance des résultats, notes defélicitations et commentaires positifs);des concours par équipes, avec éventuellement des récompenses en espèces.

Les récompenses sont souvent attribuées de manière combinée, de sorte qu’il est très difficile d’isolerl’impact d’un type particulier de renforcement. Il est clair cependant qu’on incite l’individu à adopter uncomportement sécurité si on réagit de manière positive chaque fois qu’il le fait.

Le renforcement comprend aussi la rétro-information du groupe sur les résultats obtenus en matière desécurité, souvent sous la forme de courbes d’apprentissage ou de graphiques en barres indiquant l’évolutiondu pourcentage des comportements de sécurité observés pendant la période d’intervention. Ces informationssont affichées de façon bien visible pour que le groupe se rende compte de ses progrès, ce qui tend àmaintenir sa performance en matière de sécurité et l’incite à faire mieux encore.

Dans ce modèle, le renforcement et la rétro-information exigent d’observer en permanence lescomportements. Un tel programme permet une communication efficace dès qu’un comportement sécuritaireest observé ou qu’une pratique dangereuse doit être corrigée. Bien que la modification des comportementsmette l’accent sur le renforcement positif plutôt que sur la discipline, ses partisans reconnaissent que desréprimandes ou d’autres marques de réprobation sont parfois nécessaires. Chaque fois que possible, ondevrait cependant éviter ce type de mesures, car elles n’agissent habituellement qu’à très court terme etrisquent de diminuer l’adhésion de la personne concernée à l’ensemble du programme.

La persistance de l’effort

Si l’on veut que le modèle GCO permette de pérenniser un changement de comportement, il faut à la foisexercer une observation continue et renforcer des comportements sécuritaires particuliers jusqu’à ce que cesmêmes comportements se confortent d’eux-mêmes et soient intégrés spontanément à l’activitéprofessionnelle. Le point fort de la GCO réside dans la création d’un système de mesurage permettant à uneentreprise de suivre et contrôler en permanence les comportements déterminants pour la sécurité. Pourobtenir des résultats sur le long terme, il faut que l’utilisation de ce système de mesurage fasse partieintégrante du style de gestion de l’entreprise.

On ne saurait donc guère contester que l’approche GCO donne des résultats positifs, et ce assez rapidement.La plupart des études montrent que le renforcement positif, sous forme d’incitations ou de rétro-information,améliore la sécurité ou réduit le nombre des accidents sur le lieu de travail, du moins à court terme. Enrevanche, les recherches effectuées n’ont pas permis de démontrer de manière parfaitement concluante queces changements sont effectivement durables. En fait, la plupart des études portent sur de courtes périodes(moins d’un an), ce qui a soulevé des questions quant à la permanence des effets de la GCO, bien que deuxétudes, réalisées l’une aux Etats-Unis, l’autre en Finlande, aient fait état de certains effets positifs à longterme.

Aux Etats-Unis, l’application d’un système de timbres-primes a permis d’améliorer la sécurité dans deuxmines de charbon pendant plus de dix ans. Des timbres étaient donnés aux travailleurs pour les récompenserde ne pas avoir d’accidents avec arrêt de travail, d’appartenir à un groupe sans accidents avec arrêt detravail, de ne pas être impliqués dans des incidents ayant provoqué des dommages matériels, d’avoir fait dessuggestions en matière de sécurité qui ont été adoptées ou d’avoir eu un comportement exceptionnel en

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matière de prévention des accidents ou des incidents. Outre le système des bons, ils suivaient une formationintensive pendant la période de référence afin d’être incités à adopter un comportement de sécurité et àmaintenir des conditions de travail sûres. Il a été considéré que cette formation avait joué un rôle trèsimportant dans les améliorations obtenues.

En Finlande, un programme a été organisé dans un chantier naval pour y améliorer l’ordre et la propreté. Ceprogramme en trois étapes: mesurage des données de base, formation puis rétro-information del’encadrement et des travailleurs a permis d’obtenir des améliorations notables exprimées en indices d’ordreet de propreté plus élevés, améliorations qui se sont maintenues au même niveau pendant une période desuivi de deux ans et ce, même en l’absence de rétro-information des intéressés. Des réductions importantesdu nombre des accidents ont également été observées pendant toute la durée du projet. Les effets à longterme de ce programme ont été attribués au renforcement exercé par lequel on cherche à faire adopter descomportements pérennes et qui ont des effets durables sur l’environnement (comme les changements dans ledomaine de l’ordre et de la propreté peuvent en avoir) plutôt que de susciter des comportements éphémèreschez les travailleurs dont l’impact est tout aussi éphémère.

Malgré ces études, il est difficile de dire dans quelle mesure la GCO contribue à maintenir longtemps desaméliorations de la performance en matière de sécurité. Dans l’étude réalisée aux Etats-Unis, l’utilisationdes bons est manifestement devenue un élément admis du mode de gestion des mines, mais l’accent a aussiété mis avec force sur la formation. La rétro-information sur les changements de l’environnement quirésultent d’un comportement, comme dans l’étude finlandaise, semble prometteuse. Mais, là aussi, certainsindices donnent à penser que d’autres facteurs ont pu contribuer à influencer le personnel des chantiersnavals pendant la période de suivi «sans rétro-information».

Cela dit, la majorité des recherches tendent à montrer qu’il faut maintenir la rétro-information, si l’on veutque les programmes GCO obtiennent des succès durables, et que ce processus doit s’accompagner d’un stylede gestion qui le permette. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, les effets positifs du changement decomportement s’amenuisent rapidement et retombent à leurs niveaux antérieurs. En ce qui concerne l’ordreet la propreté, l’amélioration des résultats persiste apparemment pendant une période relativement longue,mais il reste à établir pourquoi.

Le modèle TQM

L’orientation du comportement

Le modèle TQM a des objectifs généraux et vise à mettre en place des processus améliorés. Il met l’accentsur la mise en évidence et la suppression des situations qui provoquent ou favorisent des comportementsdangereux plutôt que sur les actes dangereux en tant que causes d’accidents.

La démarche TQM fait pour l’essentiel appel aux mêmes méthodes que la GCO pour découvrir les carencesen matière de sécurité et les améliorations à apporter. Elle se concentre en outre sur les systèmes etpratiques de gestion qui contribuent à ces problèmes. Les faiblesses peuvent apparaître dans toutes lesfonctions de l’entreprise, depuis la planification jusqu’à l’évaluation du rapport coût-efficacité, en passantpar l’organisation et la prise de décisions. Elles peuvent aussi résulter de la présence ou de l’absence depratiques intégrant les considérations de sécurité du personnel dans les activités courantes de l’entreprise,comme l’application des principes ergonomiques à la conception des postes de travail et des équipements,l’examen des spécifications en matière d’achat par des professionnels de la sécurité et de la santé et lacorrection en temps voulu des risques signalés. Des indicateurs opérationnels comme les derniers cités,associés à des statistiques sur les accidents, les temps de panne et l’absentéisme, fournissent desinformations de première main sur l’appui que le système de gestion apporte à la fonction sécurité.

Les enquêtes sur la perception du programme de sécurité par le personnel sont également devenues unmoyen courant d’évaluer le système de gestion de la sécurité. Le personnel donne son avis sur l’efficacitédes pratiques de gestion et des activités de soutien de la sécurité dans son entreprise. Les données sontrecueillies anonymement, selon les procédures administratives habituelles. Les résultats de ces enquêtesaident à définir les améliorations prioritaires et fournissent une nouvelle référence pour l’évaluation des

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progrès accomplis.

De même que la TQM définit ses objectifs d’une manière plus large que la GCO, de même elle offre aupersonnel des formations plus variées. Elle ne cherche pas seulement à apprendre au personnel commentavoir un comportement de sécurité, mais aussi comment s’améliorer soi-même et constituer des équipespermettant de contribuer à l’amélioration continue de la sécurité dans l’ensemble de l’entreprise.

On ne soulignera jamais assez combien il est important de planifier les tâches au niveau des systèmes etd’assurer une formation suffisante à la sécurité aux personnes dont les emplois se sont développés etenrichis du fait de l’évolution des méthodes de travail. Certains signes indiquent que la fréquence desaccidents augmente en proportion du nombre et de la diversité des tâches non répétitives que les travailleursont à exécuter. Il n’est pas certain que les études sur la TQM aient pris en considération cet effet indésirablepotentiel.

L’intensité de l’action

Le modèle TQM utilise diverses méthodes pour renforcer les procédés améliorés. L’objectif est de créer uneculture d’entreprise appuyant les efforts concertés du personnel pour améliorer les processus. Lesmécanismes de modification des comportements comprennent également des techniques de renforcement etde rétro-information afin de reconnaître et de récompenser une amélioration de la performance.

Les principales conditions favorisant la mise au point de meilleures méthodes de travail sont les suivantes:

une atmosphère de travail ouverte, avec un partage accru de l’information et la suppression desbarrières formelles entre les services;une focalisation sur la participation du personnel, le travail en équipe et la formation à tous lesniveaux;la suppression des barrières informelles à la fierté pour la qualité du travail;une culture d’entreprise qui facilite la contribution de l’ensemble du personnel aux améliorations;un suivi pour mettre en pratique ou développer plus complètement de nouvelles idées d’améliorationdes méthodes.

L’adoption de ces mesures élève le moral et le degré de satisfaction du personnel, ce qui peut accroître sadétermination à améliorer sa performance en matière de sécurité.

Il convient de noter que le renforcement au niveau du personnel est courant dans le modèle TQM. Toutefois,au lieu de réagir à des comportements particuliers, on félicite les travailleurs pour leur comportementsécuritaire à tous les stades d’un processus, le but étant de les encourager à intérioriser un procédé donnantde meilleurs résultats en matière de sécurité.

Une rétro-information sur les résultats constatés en matière d’amélioration de la sécurité et de la santé estégalement assurée périodiquement par le biais de réunions ou de bulletins d’information, ainsi que par desenquêtes de suivi. Ces résultats sont présentés sous la forme d’indicateurs de fonctionnement, tels que lenombre de journées de travail perdues du fait d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, lecoût de la réparation à cet égard, le nombre de suggestions faites en vue d’améliorer la sécurité et la santé,les niveaux de présence au travail, ou encore des données sur l’attitude des travailleurs vis-à-vis de leursécurité.

La persistance du comportement

L’efficacité à long terme de l’approche TQM réside dans sa capacité d’instaurer ou d’améliorer de manièredurable des méthodes favorisant la sécurité au travail. Cela suppose une modification à la fois des attitudeset des comportements. Pour que les améliorations ne soient pas éphémères, il faut aussi qu’elles soientacceptées au plus profond de la pratique et de la philosophie de la gestion, autrement dit qu’elles deviennentpartie intégrante de la culture d’entreprise. C’est pourquoi on n’obtient pas immédiatement de résultatspositifs. Par exemple, les entreprises qui utilisent avec succès la TQM font état d’une moyenne de trois ans

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pour obtenir une amélioration de la qualité.

La preuve qu’il existe un lien entre la TQM et l’amélioration de la performance en matière de sécurité vientde deux sources: les statistiques sur la sécurité dans les entreprises qui ont réussi, grâce à la TQM, àaméliorer la qualité de leurs produits et de leurs services, et les méthodes de soutien à la sécurité desentreprises qui ont d’excellents bilans de sécurité. Aux Etats-Unis, sur 14 entreprises récompensées par lePrix Malcolm Baldrige pour l’excellence de leur gestion et de leurs résultats en matière de qualité, 12avaient de meilleurs chiffres pour ce qui est des journées de travail perdues pour cause d’accident du travailou de maladie professionnelle que la moyenne dans leur secteur d’activité. Pour onze d’entre elleségalement, l’adoption des méthodes de la TQM avait contribué à améliorer ces chiffres, et pour trois, elles’était accompagnée d’une détérioration.

L’efficacité des techniques de la TQM appliquées à la sécurité au travail est également illustrée par le faitque des entreprises membres du Conseil national de la sécurité (National Safety Council (NSC)) ont lesmeilleurs résultats des Etats-Unis dans le domaine de la sécurité. Elles appliquent des programmes quimettent l’accent sur une approche «humaniste» de la gestion du personnel, avec moins de discipline, uneparticipation plus active des salariés et une meilleure communication entre les travailleurs et la direction.

Du fait que le modèle TQM met l’accent sur la participation des travailleurs et qu’il leur confie desresponsabilités dans la mise en œuvre des améliorations des systèmes et des méthodes en faveur de lasécurité et de la santé, il optimise le potentiel de changement permanent. L’importance qu’il accorde à laformation du personnel pour lui permettre de mieux contribuer à l’amélioration future de la performance enmatière de sécurité est également un gage d’efficacité à long terme. Enfin, la TQM considère les travailleurscomme des décideurs actifs qui sont responsables de leur environnement et ne se contentent pas d’y réagir .Ces caractéristiques expliquent pourquoi il est hautement probable que le personnel comme la direction sesentent concernés par les changements apportés à long terme par la TQM.

Comparaison de la GCO et de la TQM

La GCO cherche à réduire les pratiques dangereuses particulières et à améliorer la performance en matièrede sécurité par une démarche structurée qui définit des comportements déterminants pour la sécurité,apprend au personnel à reconnaître les pratiques sûres et les pratiques dangereuses, établit un systèmed’observation des comportements et applique un programme de renforcement et de rétro-information poursuivre l’évolution du comportement du personnel. Parmi ses points forts, il faut citer: l’importance accordéeà l’observation des comportements et au mesurage des résultats, ainsi que l’obtention rapide de résultatspositifs. Ses points faibles tiennent à sa focalisation des comportements particuliers qui n’ont peut-être pasété intégrés à la nécessité de changer le système de gestion, au recours à un programme de contrôle extérieurpour le maintien des comportements et à l’absence de preuve quant à la durée de ses effets.

La TQM cherche à améliorer les processus qui, dans le système de gestion, influent sur la sécurité et la santédu personnel. Elle met l’accent à la fois sur les changements d’attitude et de comportement et s’appuie surde nombreux programmes de participation et de formation du personnel pour définir tant les objectifsd’amélioration de la sécurité et de la santé que les moyens de les atteindre. Elle fait appel au renforcementet à la rétro-information pour reconnaître les améliorations des processus et la part que les salariés y ontprise. Ses points forts sont l’importance accordée à la participation des travailleurs et au contrôle interne(qui facilite et renforce les changements d’attitude et de comportement), sa capacité de maintenir lesaméliorations en matière de sécurité et de santé et son intégration dans l’effort de gestion global del’entreprise. Pour résumer ses points faibles, on peut dire qu’elle dépend: 1) d’une forte participation de ladirection et du personnel qui est longue à se développer et à porter ses fruits; 2) de nouveaux systèmes demesurage des processus; et 3) de la volonté de la direction d’allouer le temps et les ressources nécessaires àl’obtention de résultats positifs.

Les programmes et les pratiques de promotion de la sécurité

Dans les paragraphes qui suivent, nous examinerons d’abord l’interaction entre les systèmes derémunération et la sécurité. Les modes de rémunération ont un effet déterminant sur la motivation des

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salariés en général et, dans le cadre de l’exécution du travail, ils sont susceptibles d’influer sur leurs attitudeset leurs comportements à l’égard de la sécurité. Nous examinerons ensuite les mesures d’incitation,notamment les récompenses financières et non financières, à la lumière du débat sur leur valeur en tant quetactique de promotion de la sécurité, et nous traiterons pour terminer du rôle de la communication et descampagnes de promotion de la sécurité.

Les modes de rémunération et la sécurité

Les modes de rémunération peuvent jouer indirectement un rôle sur la sécurité lorsque des régimes derémunération au rendement, de participation aux gains ou de primes sont institués pour accroître laproduction, ou lorsque la rémunération se fait à la pièce. Chacun de ces systèmes peut inciter les travailleursà éviter les procédures de travail sécuritaires pour gagner davantage. Les modes de rémunération peuventaussi être directement liés à des considérations de sécurité lorsque des suppléments de salaire sont verséspour des travaux comportant des risques supérieurs à la moyenne.

Les rémunérations au rendement

Une entreprise peut instituer un programme de rémunération au rendement ou de participation aux gainsparce qu’elle veut améliorer la productivité, les statistiques de sécurité, les taux de mise au rebut, deréusinage ou de retour, ou d’autres critères de performance, seuls ou en association. De tels programmespeuvent être un moyen de faire connaître au personnel la stratégie et les priorités de la direction. C’estpourquoi les critères de performance que l’entreprise inclut dans son régime de rémunération au rendementsont extrêmement importants. Si la performance en matière de sécurité et les facteurs connexes en fontpartie, les travailleurs estimeront probablement que la direction y attache de l’importance. S’ils n’en font paspartie, c’est le message inverse qui sera perçu.

Il y a des cas où c’est le rendement qui sert de critère de rémunération incitative pour conduire les salariés às’accommoder de conditions de travail dangereuses ou à ne pas déclarer les accidents. Certains observateursont relevé que ce type d’abus devient de plus en plus fréquent, notamment dans les négociations collectivesou dans le cadre des efforts visant à réduire le montant des prestations de réparation versées au personnel. Ilva de soi que cette pratique non seulement n’envoie pas le bon message aux salariés, mais aussi va àl’encontre du but recherché et augmentera en dernière analyse les charges nationales.

Bien que la théorie sur laquelle s’appuie le principe de la rémunération au rendement semble être solide,dans la pratique son influence sur la productivité des travailleurs est loin d’être établie. Les recherchesconsacrées aux effets des systèmes de rémunération au rendement sur la productivité ont donné des résultatstrès disparates, ce qui montre qu’une approche simpliste de la planification et de la mise en œuvre de telssystèmes peut poser des problèmes. En revanche, lorsqu’ils sont appliqués correctement, ils peuvent avoirdes répercussions très positives sur la productivité, et plus particulièrement sur la production.

Une enquête réalisée aux Etats-Unis sur les effets des programmes de primes sur les accidents et laproductivité dans 72 mines n’a guère permis de conclure à un impact significatif en termes d’amélioration dela sécurité ou d’augmentation de la production. Environ 39% de ces programmes incluaient la sécurité dansle calcul des primes, les autres non. Dans l’échantillon étudié, la fréquence de versement des primes étaittrès variable. Le paiement des salaires se faisait normalement sur une base mensuelle, mais dans denombreux cas les mineurs ne recevaient une prime de productivité qu’une ou deux fois par an, voire moinssouvent. L’effet sur la production était alors négligeable et, comme on pouvait s’y attendre, la performanceen matière de sécurité ne s’en trouvait pas modifiée. Même dans les mines où des primes de rendementétaient versées plus de 80% du temps, on n’a observé aucun effet négatif significatif sur la sécurité desmineurs (aucune augmentation de la fréquence des taux d’accidents avec arrêt de travail). Les mines quiavaient des programmes de primes monétaires visant uniquement la sécurité n’ont pas enregistré non plus deréduction des taux d’accidents. La plupart retenaient les accidents avec arrêt de travail et les violations desconsignes de sécurité comme critères de performance, et elles n’ont pas fait mieux que nombre desprogrammes basés sur la productivité.

L’impossibilité de trouver une relation nette entre rémunération au rendement et productivité ou sécurité,

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dans cette enquête, montre combien il est difficile d’appliquer avec succès des programmes de rémunérationau rendement. Bien que les augmentations de salaires soient importantes, tous les travailleurs n’y attachentpas la même valeur. De nombreux autres facteurs peuvent aussi influer dans un sens ou dans l’autre surl’effet de motivation souhaité des incitations monétaires. Souvent, les programmes de rémunération aurendement ou de participation aux gains ne produisent pas les résultats escomptés lorsque les salariésconsidèrent qu’ils sont injustes. Pour éviter ces situations et renforcer le pouvoir de motivation de cesprogrammes, on peut notamment:

fixer une norme de performance que les travailleurs jugent raisonnable;accroître la fréquence des distributions de primes;appliquer des critères de performance multiples;ne fixer que des objectifs de performance sur lesquels les salariés puissent exercer un contrôle.

Le mode de rémunération à la pièce est aussi controversé. C’est peut-être le moyen le plus direct de lier larémunération aux résultats. Malgré tout, de très nombreuses études décrivent les comportementsindésirables auxquels donne lieu ce système, qui est souvent une source de relations conflictuelles entre lesalarié et l’employeur pour tout ce qui touche à la productivité: détermination de taux de production,établissement de limites informelles à la production et négociation de systèmes de rémunération à la piècequi s’écartent des normes. Dans certains cas, la performance peut même baisser même si la rémunérationaugmente.

Malheureusement, l’existence même des programmes de rémunération à la pièce, qu’ils aient ou non l’effetrecherché sous forme d’une augmentation de la productivité, crée une atmosphère qui peut nuire àl’exécution des tâches dans des conditions de sécurité. Ainsi, une analyse du passage d’un mode derémunération à la pièce à un mode de rémunération au temps dans l’industrie forestière suédoise a montréune diminution de la fréquence et de la gravité des accidents. Après le changement, plusieurs centaines detravailleurs concernés ont été interrogés sur les effets qu’il avait eu sur l’exécution de leur travail. Ils ont citétrois causes principales de réduction des taux d’accident:

une atténuation des pressions exercées pour qu’ils travaillent vite, prennent des risques et ignorentcertaines règles de sécurité;une réduction du stress, se traduisant par des erreurs de jugement moins nombreuses;le fait d’avoir davantage de temps pour considérer les questions de sécurité, essayer de nouvellesméthodes et échanger des informations avec leurs collègues.

L’expérience suédoise n’a été que partiellement corroborée par des recherches antérieures menées enColombie-Britannique, au Canada. Il n’y avait dans ce cas aucune différence pour ce qui est de la fréquencedes accidents, entre les «abatteurs» rémunérés à la pièce et ceux qui l’étaient au temps, mais les accidentsétaient plus graves parmi les premiers.

En dernière analyse, les avis restent partagés en ce qui concerne les utilisations et abus potentiels des modesde rémunération au rendement, leur contribution à l’accroissement de la productivité et leurs effets sur lasécurité. En tout état de cause, les études qui leur sont consacrées sont peu nombreuses et les quelquesdonnées disponibles ne permettent certainement pas de conclure. Il est clair que l’effet des programmes derémunération au rendement sur la sécurité dépend de leur contenu, de la modalité de leur mise en œuvre etdu contexte dans lequel ils se situent.

Les rémunérations compensatoires

Les économistes ont étudié la question des suppléments de rémunération pour les travaux à haut risque, envue d’attribuer une valeur économique à la vie humaine et de déterminer si le marché apporte déjà unecompensation pour les expositions à des risques élevés. Si tel est le cas, on peut soutenir que lesinterventions des pouvoirs publics afin de réduire les risques dans ces domaines ne sont pas rentables,puisque les travailleurs reçoivent déjà une compensation pour leur exposition à des risques accrus. Destentatives ont été faites aux Etats-Unis et au Royaume-Uni pour valider la théorie des salairescompensatoires d’après les estimations disponibles sur la mortalité. Au stade actuel, il semblerait que la

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validité de cette théorie ait reçu une certaine confirmation au Royaume-Uni, mais pas aux Etats-Unis.

Un autre problème auquel est confrontée cette théorie tient au fait que beaucoup de travailleurs n’ont pasconscience des risques réels inhérents à leurs tâches, notamment des expositions aux maladiesprofessionnelles. D’après des enquêtes menées aux Etats-Unis, des pourcentages importants de travailleursignorent qu’ils sont exposés à des conditions de travail dangereuses. En outre, sur le plan psychologique, lesindividus ont tendance à minimiser l’importance des probabilités très faibles qui sont associées à leur propremort. De ce fait, même s’ils connaissent les risques réels associés à leur travail, ils sont prêts à les assumer.

Bien que la question des salaires compensatoires pose quelques curieux problèmes théoriques qui ne sontpas encore résolus, le véritable danger d’une structure de salaires compensatoires réside dans sa justification.Le fait pour un employeur de recourir à un supplément de salaire, sous quelque forme que ce soit, pourexcuser le maintien d’un programme de sécurité et de santé inférieur à la norme, est une pratiquedangereuse et totalement inacceptable.

Les incitations à la sécurité

Une incitation peut être définie comme un motif d’entreprendre une action avec un zèle particulier pourrecevoir une récompense. Le recours à des incitations pour motiver les salariés est une pratique trèscourante dans le monde entier. Néanmoins, la valeur des programmes d’incitation est controversée tantparmi les scientifiques que parmi les praticiens. Les positions vont de la négation qu’il existe un lienquelconque entre les mesures d’incitation et la motivation à l’affirmation que les incitations jouent un rôledéterminant dans le changement des comportements. Entre ces deux extrêmes, il y a ceux qui voient dansles programmes d’incitation des stimulants utiles pour améliorer la productivité et ceux pour qui ilsn’encouragent pas les comportements souhaités des travailleurs et donnent des résultats exactement opposésà ceux qui étaient recherchés.

Pour ce qui est de la sécurité et de la santé, les avis sur l’utilité des programmes d’incitation ne sont pasmoins partagés. Dans certaines entreprises, par exemple, la direction est réticente à offrir des incitationssupplémentaires pour la sécurité parce qu’elle considère qu’elle fait partie intégrante du travail et qu’il n’estpas nécessaire d’insister spécialement sur elle. Selon une autre opinion, des incitations qui visent à améliorerla performance en matière de sécurité réduisent la valeur intrinsèque perçue du bien-être au travail, alorsque c’est, au fond, la raison la plus importante pour laquelle on met l’accent sur la sécurité.

A côté des motifs philosophiques de contester la valeur des programmes d’incitation, il faut tenir compted’autres problèmes lorsqu’on examine leurs mérites ou leur contribution potentielle en tant que moyen depromotion de la sécurité. Il s’agit des problèmes liés aux critères sur lesquels s’appuient les programmesd’incitation, aux possibilités de détournement du programme de la part des employeurs comme des salariéset au maintien de la participation du personnel.

Les critères d’attribution des incitations sont déterminants pour le succès du programme. Certainsprogrammes présentent des lacunes du fait qu’ils sont uniquement liés: 1) à l’accumulation d’un certainnombre de journées sans accident; 2) au taux d’accidents avec arrêt de travail (réduction des indemnitésversées aux salariés); et 3) à d’autres mesures en rapport avec les accidents. Les critères liés aux accidentsne sont pas très sensibles. La réussite du programme est mesurée négativement par la réduction du nombred’événements ou par le fait qu’ils ne se produisent pas. Comme les accidents sont des événements rares, ilpeut s’écouler un temps relativement long avant qu’on observe des améliorations significatives. De telsindices n’évaluent pas le bilan de sécurité d’une entreprise, mais son bilan déclaré en matière d’accidents,qui peut dépendre de nombreux facteurs sur lesquels les participants au programme d’incitation n’ont pas lemoyen d’agir.

Les employeurs comme les salariés peuvent faire un mauvais usage des programmes d’incitation à lasécurité. Les premiers les utilisent parfois en guise de système légitime de gestion de la sécurité et de la santéou pour remédier à court terme à des insuffisances anciennes dans ce domaine, alors qu’il faudrait untraitement très différent et beaucoup plus fondamental qu’une action de promotion. Chez les seconds, laprincipale forme d’usage détourné paraît être la non-déclaration d’un accident ou d’un incident par crainte

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que le groupe ou l’individu en cause soit privé d’une récompense. Ce risque semble accru lorsque ce sontdes incitations qui sont en jeu ou que des plans d’incitation financière pour l’amélioration de la performanceen matière de sécurité sont intégrés aux contrats de travail ou aux conventions collectives.

La réussite d’un programme d’incitation dépend en grande partie de la nature de la participation des salariéset de leur perception de son équité. Si les objectifs sont trop ambitieux ou que les salariés ne voient pascomment leurs efforts personnels peuvent aider à les atteindre, le programme ne sera pas efficace. En outre,plus la distance est grande entre l’exécution d’un travail selon les règles de sécurité et l’octroi de larécompense, moins l’impact du système d’incitation sera important. Il est difficile de maintenir la motivationdes travailleurs avec un programme d’incitation qui ne «rapporte» rien pendant plusieurs mois, voiredavantage, et qui, même alors, ne rapporte que si les choses se passent bien pendant toute cette période.

Il est clair que tous ces écueils expliquent en partie pourquoi de nombreuses entreprises hésitent à mettre enœuvre des programmes d’incitation pour promouvoir la sécurité. Il est facile de concevoir un programme quine fonctionne pas. De nombreuses données, certaines quasi expérimentales, d’autres non scientifiques,témoignent cependant de la contribution des incitations à la réussite de programmes de sécurité et de santé.Les incitations, les récompenses et les félicitations visant à motiver le personnel à travailler selon les règlesde sécurité sont des éléments acceptés du modèle GCO comme du modèle TQM. Dans le premier, lesincitations qui visent à renforcer le comportement des salariés sont déterminantes pour la réussite duprogramme. Dans le second, les récompenses, promotions et autres incitations ont pour objet de reconnaîtrela contribution des individus à l’amélioration des méthodes. Des journées spéciales et d’autres typesd’actions sont également organisées au niveau du groupe, de l’équipe ou de l’entreprise pour célébrer lesrésultats.

D’une manière générale, on peut considérer que le recours à des incitations a une influence positive sur lesattitudes et le comportement des salariés. Lorsque la performance en matière de sécurité et de santé joue unrôle dans la décision d’augmenter un salarié, elle prend une plus grande importance en tant qu’obligation liéeà la fonction. Comme on l’a vu, les mesures des taux d’accidents et d’indicateurs connexes posent desproblèmes lorsqu’elles constituent les seuls critères d’incitation. En revanche, des mesures positives de laperformance en matière de sécurité, à savoir une amélioration des comportements ou des processus, donnentune spécificité à l’action du salarié et offrent l’occasion d’une rétro-information fréquente et d’unedistribution d’incitations. Les caractéristiques inhérentes aux programmes d’incitation efficaces semblentapporter une solution à certains des problèmes liés aux critères de performance, à l’usage détourné desprogrammes et à la nature de la participation du personnel. Bien que la recherche dans ce domaine aitencore beaucoup à faire, il existe suffisamment de données pour guider les entreprises qui souhaitentintégrer des programmes d’incitation à leur système de gestion de la prévention.

Le dévoiement des programmes par les employeurs et les salariés est le plus souvent dicté par lescirconstances. La possibilité d’y remédier dépend essentiellement des raisons pour lesquelles on a recours àdes programmes d’incitation afin de pallier les insuffisances dans la gestion de la sécurité. Si, pour ladirection, la sécurité et la santé des salariés n’ont qu’un faible degré de priorité, les abus de ce genre ont debonnes chances de durer jusqu’à ce que les circonstances contraignent l’entreprise à changer de politique.En revanche, lorsque la direction a la volonté d’améliorer la situation en matière de sécurité et de santé, lanécessité d’une approche globale pour résoudre les problèmes sera comprise et acceptée, et le rôle desoutien joué par les programmes d’incitation sera reconnu et apprécié. De même, il sera possible de remédieren grande partie au problème de la non-déclaration des accidents par le personnel en modifiant les critèresd’attribution des incitations.

Les recherches ont montré que pour maintenir l’intérêt du personnel les récompenses devaient être à la foisfréquentes et liées à l’amélioration des résultats. Pour renforcer le sentiment de participer à un programmed’incitation, il faudrait si possible que le personnel soit associé au choix des objectifs prioritaires à atteindreen matière de sécurité. On doit veiller alors à ce que l’attention portée aux comportements prioritaires neconduise pas à négliger d’autres fonctions importantes. Il faudrait donner à ceux qui participent auprogramme des critères précis et des informations claires sur les moyens de bien faire son travail et leurcommuniquer des rapports d’activité fréquents.

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Certaines données établissent également une distinction, du point de vue de l’effet produit, entre lesrécompenses qui ressortissent à un jugement sur la performance et celles qui témoignent d’unereconnaissance de la compétence. Des études ont montré que les secondes ont plus de force que lespremières, sans doute parce que la compétence reconnue («informational reward») est perçue par letravailleur comme dépendant de lui, alors que la récompense sur la base de la performance («controllingreward») est tributaire d’autrui, donc extérieure à soi et non contrôlable.

En résumé, le bon usage des incitations peut aider utilement les entreprises qui les emploient judicieusement.Elles peuvent accroître l’intérêt des salariés pour la sécurité et les inciter à se protéger davantageeux-mêmes.

La communication dans la promotion de la sécurité

Diverses formes de communication sont utilisées pour accroître l’efficacité de toute mesure de promotion dela sécurité. Le processus de communication peut se résumer par la question suivante: «Qui dit quoi, par quelmoyen, à qui et avec quel effet?». En conséquence, les programmes de communication comportentgénéralement une source, un message, un moyen, une cible et des objectifs.

La communication varie en termes de couverture et d’impact. Les affiches, banderoles et autres médiasauxquels fait appel la sécurité ont une couverture importante, parce qu’il est facile de les exposer à la vued’un grand nombre de personnes pendant longtemps. En revanche, on considère généralement que leurimpact est faible, parce qu’il y a peu de chances que chaque présentation produise l’effet souhaité. Mais lesmédias, qui sont des moyens de communication unidirectionnelle, sont particulièrement efficaces lorsqu’ils’agit de sensibiliser le public aux questions de sécurité et de santé et de donner des directives ou de lancerdes rappels. Ils peuvent aussi contribuer à faire prendre conscience aux travailleurs que la directions’intéresse à leur bien-être. En revanche, la communication de personne à personne, ou bidirectionnelle,qu’il s’agisse de discussions de groupe ou de contacts individuels, est limitée pour ce qui est de lacouverture, mais peut avoir un impact et conduire à la décision de changer de comportement.

La crédibilité de la source est très importante dans la communication en matière de sécurité et de santé.Ainsi, sur le lieu de travail, la connaissance d’une tâche et des risques qu’elle comporte et le fait de donnerun bon exemple contribuent de façon importante à faire des supérieurs des sources crédibles d’informationssur la sécurité et la santé.

En ce qui concerne le contenu de la communication, l’utilisation de la peur est un sujet de recherches et decontroverses depuis de nombreuses années. On fait appel à des messages jouant sur la peur pour modifierdes attitudes face aux risques inhérents aux comportements dangereux en effrayant le public cible. Lemessage entreprend ensuite de diminuer la peur qu’il a provoquée en indiquant comment prévenir le dangerou réduire le risque. Pour le lieu de travail, il s’agira de campagnes visant à promouvoir l’utilisation d’unéquipement de protection individuelle et, en dehors du lieu de travail, de campagnes antitabac et decampagnes en faveur du port de la ceinture de sécurité en voiture. Le principal argument avancé contre cetype de messages est que les destinataires le bloquent ou le suppriment. De telles réactions risquent de seproduire lorsqu’un message très menaçant ne parvient pas à atténuer la peur qu’il a provoquée et que lesindividus se sentent incapables de faire face au danger, pour des raisons qui tiennent soit à eux-mêmes, soitaux circonstances.

Si l’on utilise des messages jouant sur la peur, on devrait prendre les précautions suivantes:

le message devrait susciter un niveau de préoccupation élevé et souligner les avantages des mesures àprendre;les mesures de prévention suggérées devraient être concrètes, relativement détaillées et précises;les directives concernant la réduction des risques devraient être présentées en une seule fois, dès quela réaction de crainte a été suscitée;les mesures de prévention suggérées devraient être compréhensibles et perçues par le public ciblecomme étant de nature à prévenir efficacement le danger;la source du message devrait être très crédible;

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toutes statistiques ou données sur les risques utilisées devraient correspondre au lieu de travail ou à lasituation.

Enfin, la communication en matière de sécurité et de santé devrait tenir compte des groupes cibles auxquelssont destinés les messages. Les études ont montré, par exemple, que les messages jouant sur la peur avaientplus d’impact sur les nouveaux salariés que sur les anciens, qui peuvent tirer parti de leur expérience pourfaire la part des choses. On a constaté aussi que ces messages réussissaient très bien à influencer les salariésqui n’avaient pas de supérieur direct et qui étaient donc censés respecter d’eux-mêmes les règles de sécurité.

Pour aider à définir des cibles et à fixer des objectifs, il est recommandé de faire des enquêtes auprès dessalariés afin d’évaluer le niveau de leurs connaissances en matière de sécurité et de santé, leurs attitudesenvers les programmes et les pratiques de gestion de la sécurité et le respect des règles et des procédures.Ces évaluations permettent de préciser les priorités en matière d’éducation et de persuasion, et servent derepère pour les évaluations ultérieures de l’efficacité des actions de communication.

Les campagnes de sécurité

On lance généralement des campagnes de sécurité pour attirer l’attention des salariés sur un problèmed’accident spécifique et on leur associe souvent un slogan ou un thème particuliers afin de maintenirl’intérêt et la visibilité. On fait appel à des moyens de communication de masse tels que affiches, banderoles,vidéocassettes, brochures et divers autres supports écrits ou oraux. Ces campagnes peuvent avoir pourobjectifs d’accroître la sensibilisation, de transmettre des informations et de modifier les attitudes en vued’induire des changements de comportement.

Les campagnes de sécurité poursuivent le même objectif que les programmes de modification descomportements et autres qui s’efforcent de convaincre les travailleurs, les agents de maîtrise et les cadresd’intégrer la sécurité dans l’exécution des tâches. Elles sont cependant beaucoup moins précises dans ladéfinition des comportements et des résultats à obtenir et moins rigoureuses dans le renforcement de cescomportements. Néanmoins, il s’agit dans l’un et l’autre cas de mettre l’accent sur l’importance despratiques de travail sûres en espérant qu’elles se transformeront en habitudes.

Malheureusement, peu d’études ont examiné l’efficacité des campagnes de sécurité dans les entreprises. Descas de réussite sont fréquemment décrits dans les publications sur la sécurité au travail, mais ils sontrarement étayés par des faits convaincants. Des études ont été consacrées aux effets de médias particulierscomme les affiches; elles font état de certains résultats positifs et peuvent servir à orienter la communicationdans le cadre de campagnes, mais il n’y a tout simplement pas d’étude significative sur l’efficacité descampagnes de sécurité dans l’industrie. La majorité des informations utiles viennent de la sécurité routière,en particulier des campagnes menées aux Etats-Unis et en Australie.

Parmi les recommandations générales que l’on peut tirer des rapports isolés, de l’étude de l’efficacité desmédias et de l’expérience acquise en matière de promotion de la sécurité routière, celles qui suivent sontsusceptibles d’accroître l’efficacité de toute campagne de sécurité et méritent une attention particulière:

procéder à des études des besoins pour sélectionner les cibles de la campagne, en exploitant lesréactions des salariés pour compléter les données obtenues d’autres sources;assurer la participation du personnel à la planification de la campagne et au choix des supports;effectuer des essais pilotes du thème et des supports de la campagne auprès des groupes cibles visés;impliquer tous les niveaux de la hiérarchie dans la campagne;jouer sur les thèmes émotionnels et persuasifs plutôt que sur les thèmes rationnels et informatifs.

Les campagnes de sécurité ont pour but d’appuyer les programmes de sécurité totale des entreprises. C’estpourquoi il est généralement préférable de juger leur efficacité en fonction de leur capacité d’atteindre lesobjectifs auxiliaires définis: maintenir l’intérêt pour la sécurité, exprimer l’intérêt de la direction pour lasécurité du personnel, inciter le personnel à participer aux activités de sécurité, améliorer son moral et luirappeler les précautions spéciales à prendre.

Les tentatives d’utilisation des critères de réduction des taux d’accidents pour mesurer l’efficacité des

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campagnes, si elles semblent logiques, sont généralement contrariées par les effets du programme de sécuritéen vigueur. En outre, comme les accidents et les lésions sont des événements rares, ce sont des critèresrelativement sensibles pour l’évaluation des effets de changements particuliers des programmes de sécuritéqui traitent des aspects humains ou comportementaux du système de sécurité.

ÉTUDE DE CAS: LES CAMPAGNES NATIONALES DESÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL EN INDE

K.C. Gupta

Généralités

Cette étude de cas, qui présente un exemple de campagne nationale de sécurité réussie, est basée sur 24années d’expérience de l’organisation de la campagne annuelle de la journée nationale de la sécurité(National Safety Day, NSD), en Inde. Cette campagne célèbre la création par le gouvernement indien, le 4mars 1966, au ministère du Travail, du Conseil national pour la sécurité (National Safety Council (NSC)),organisme autonome, apolitique et sans but lucratif, chargé, au niveau national, de créer, de développer et desoutenir un mouvement bénévole en faveur de la sécurité et de la santé au travail. Le Conseild’administration du NSC comprend des représentants de toutes les organisations patronales et syndicalescentrales. Le NSC comptait environ 4 000 membres en avril 1995, appartenant en majorité à l’industrie,mais aussi à d’autres secteurs d’activité. En 1966, il y a eu en Inde une tendance à la hausse des accidentsdans les usines, et l’application des règles de sécurité et de santé au travail par les pouvoirs publics n’avaitpas suffi à elle seule à l’inverser. C’est pourquoi la création du NSC comme organisme bénévole a été uneétape importante. Pendant de nombreuses années, il s’est occupé essentiellement de la sécurité dansl’industrie, mais il a étendu récemment son champ d’action à certains secteurs non industriels et s’intéressedepuis à la sécurité au travail en général. La santé au travail, en revanche, n’en est encore qu’à sesbalbutiements en Inde. L’idée de célébrer la date de la fondation du NSC en organisant une campagnenationale de sensibilisation ayant trouvé un écho favorable, la première campagne de la Journée nationale dela sécurité a été lancée en 1972. C’est maintenant un événement annuel et, bien que sa durée ait été portée àune semaine, on continue de parler de campagne de la journée nationale de la sécurité.

Les objectifs

Les objectifs de la NSD, qui ont été maintenus vastes, généraux et souples, sont les suivants:

relever les normes de sécurité et de santé au travail dans tout le pays;obtenir l’appui et la participation de toutes les principales parties prenantes des différents secteurs àdifférents niveaux, comme le gouvernement central et les gouvernements des Etats, ainsi que leursorganes et institutions de réglementation, les administrations de districts et les administrations locales,les organisations non gouvernementales (ONG), les organisations patronales, les entreprises publiques,privées et mixtes et les syndicats;promouvoir une participation active des employeurs à l’éducation de leur personnel afin d’atteindreles objectifs de sécurité et de santé sur les lieux de travail en tirant parti des connaissances, del’expérience et des talents locaux;favoriser la mise au point de programmes et d’activités axés sur les besoins, le respect des obligationslégales et le renforcement des systèmes de gestion de la sécurité et de la santé au travail dans lesentreprises;rallier au mouvement bénévole pour la sécurité et la santé au travail certains secteurs jusqu’ici noncouverts par la législation dans ce domaine, par exemple le bâtiment, la recherche-développement etles petits commerces et établissements qui se servent de machines, d’équipements et de matériauxdangereux.

Ces objectifs s’inscrivent dans un projet plus général qui est de créer et renforcer une culture de sécurité etde santé sur les lieux de travail et de l’intégrer dans la culture de travail. Dans un pays en développement,

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une telle ambition reste une tâche extrêmement difficile.

La méthodologie et l’approche

La méthodologie et l’approche employées pour lancer et promouvoir la campagne comprenaient initialementdeux éléments: 1) l’envoi de lettres aux organisations affiliées au NSC pour leur demander d’organiser lacampagne; 2) la fourniture à ces organisations de matériels promotionnels conçus par des professionnels, telsque badges, exemplaires de l’engagement solennel pris à l’occasion de la NSD (voir encadré), banderoles,affiches, autocollants, etc., et des objets promotionnels utilitaires tels que porte-clés, stylos à bille et presse-papiers portant des messages sur la sécurité et la santé au travail. Ces matériels sont conçus, produits etdistribués au niveau central par le NSC, et visent:

A faciliter l’organisation de la campagne par les participants en leur évitant de consacrer du temps etde l’argent à concevoir et produire eux-mêmes ces matériels en petites quantités.

1.

A s’assurer que les matériels utilisés pour la campagne soient de qualité professionnelle et comportentdes messages attrayants reflétant les problèmes nationaux de sécurité et de santé au travail.

2.

A procurer des recettes pour contribuer à l’autonomie financière du NSC dans ses activités en vued’atteindre son objectif général de renforcement du mouvement bénévole en faveur de la sécurité etde la santé au travail en Inde.

3.

Engagement solennel à l’occasion de la journée nationale de la sécurité

En ce jour, j’affirme solennellement que je me consacrerai à la cause de la sécurité, de la santé etde la protection de l’environnement et que je ferai de mon mieux pour observer les règles,règlements et procédures en vigueur et adopter des attitudes et des habitudes permettantd’atteindre ces objectifs.

J’ai pleinement conscience que les accidents et les maladies constituent une lourde charge pourl’économie nationale et peuvent être la source d’invalidité, de décès, de dommages corporels etmatériels, de détresse sociale et d’une dégradation générale de l’environnement.

Je ferai tout mon possible pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles etpour protéger l’environnement, dans mon propre intérêt et dans celui de ma famille, de macollectivité et de la nation tout entière.

Dans certains Etats, c’est le gouverneur de l’Etat qui fait prendre l’engagement solennel ci-dessusaux ministres et à d’autres hauts fonctionnaires ainsi qu’aux dirigeants et au personnel desentreprises industrielles et au public qui participent à la NSD. Dans les entreprises privées, c’estgénéralement le chef d’entreprise ou un autre cadre supérieur qui fait prendre à l’ensemble dupersonnel le même engagement.

D’abord limitée aux membres du NSC, la campagne s’est progressivement élargie. Après une dizained’années, la méthodologie et l’approche choisies ont été modifiées suivant les grandes lignes stratégiquessuivantes:

Le ministère du Travail de l’Union indienne (Union Ministry of Labour), qui est responsable de lasécurité et de la santé au travail, a été invité à soutenir les efforts déployés par le NSC pour demanderaux Etats de l’aider à organiser les célébrations. A cette fin, les ministres du Travail des Etats ont étépriés de constituer des comités de campagne au niveau de l’Etat et des districts; ces comitéscomprendraient des représentants des industries, des travailleurs et des pouvoirs publics concernés, etils rendraient compte au gouvernement central. Cette aide a permis à la campagne d’acquérir unedimension nationale.

1.

Les chaînes de télévision et les radios publiques ont été invitées par le gouvernement à couvrir lacampagne, ce qui a donné à cette dernière une grande visibilité.

2.

Les revues du NSC, de même que les magazines et journaux publiés par les employeurs et lessyndicats et la presse nationale et locale, ont joué un plus grand rôle.

3.

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La durée de la campagne a été portée à une semaine, et les participants ont été autorisés à commenceret conclure la campagne à la date de leur choix, à condition que la journée du 4 mars (jour de lafondation du NSC) soit incluse. Ce changement a permis de rendre la campagne visible pendant pluslongtemps.

4.

Les sections du NSC dans les Etats, de même que ses centres d’action au niveau des districts, ont faitparticiper activement les gouvernements des Etats et les administrations de district à la campagne surle terrain.

5.

La campagne s’est développée au fil des années. Les figures 60.8, 60.9 et 60.10 indiquent le nombrede personnes auxquelles un badge a été distribué et les recettes procurées par la vente des matériels dela campagne.

6.

Figure 60.8 Progression de la campagne NSD: nombre de personnes ayant reçuun badge

Figure 60.9 Progression de la campagne NSD: recettes procurées par la ventede matériels (1972-1982)

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Figure 60.10 Progression de la campagne NSD: recettes procurées par la ventede matériels (1983-1995)

La participation aux différents niveaux

La participation de toutes les parties prenantes aux niveaux national, des Etats, des districts et desentreprises a été déterminante pour le bon déroulement et le succès de la campagne. Le degré departicipation de ces différents acteurs n’a cependant pas été uniforme. En premier lieu, tous n’ont pascommencé à participer à la campagne la même année. Ensuite, ils ont une perception très différente les unsles autres de leur rôle et de leurs besoins. Par exemple, certains gouvernements, notamment ceux des Etatsindustriels, ont organisé des activités élaborées et très utiles mais, dans certains autres, moins industrialisés,les activités sont restées très modestes. De même, alors que certaines associations professionnelles ontbeaucoup soutenu la campagne, d’autres n’y participent pas encore. Les activités menées aux niveauxnational, des Etats et des districts ont porté sur des questions générales, alors qu’au niveau des entrepriseselles ont été plus détaillées et davantage axées sur les besoins.

Les matériels de la campagne

Les questions et les messages de sécurité et de santé au travail au niveau national sur lesquels doivent porterles matériels produits par le NSC pour la campagne d’une année déterminée sont définis par un grouperestreint de professionnels du NSC, de l’industrie et des syndicats. Les supports visuels pour transmettre lesmessages d’une façon simple, humoristique et efficace sont conçus par des dessinateurs connus. On a ainsil’assurance que les matériels utilisés pour la campagne sont originaux, attrayants, intéressants et enracinésdans la culture indienne.

Ces matériels se répartissent en deux grandes catégories: 1) les matériels purement promotionnels employésà des fins de présentation et d’éducation; et 2) les matériels à la fois promotionnels et utilitaires qui, tout endélivrant des messages sur la sécurité et la santé au travail, servent aussi dans la vie de tous les jours. Laplupart des objets appartenant à la deuxième catégorie sont destinés à l’usage quotidien des travailleurs etsont relativement peu coûteux, de sorte que les chefs d’entreprise peuvent se les procurer et les distribuergratuitement à leur personnel. Certains articles sont destinés plus particulièrement aux cadres, afin qu’ils sesentent associés à la campagne. Pour éviter la monotonie, ces objets sont soit modifiés d’une année surl’autre dans leur style et leur apparence, soit purement et simplement remplacés. Avec le développement dela campagne et l’augmentation de la demande de matériels au fil des années, un certain nombre deproducteurs et de fournisseurs privés se sont mis à en proposer après avoir fait leur propre étude de marché.Cette évolution a été la bienvenue. Il existe également des entreprises qui produisent des matériels associésaux thèmes particuliers de leurs propres campagnes axées sur leurs besoins. Un grand nombre d’entre elles

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organisent des concours parmi leur personnel pour trouver des idées, et elles font connaître les noms desgagnants grâce à leurs matériels de campagne.

Les activités

Au niveau national, les activités de la campagne ont pris la forme de réunions publiques, de colloques, dedébats et de discussions, d’appels et d’envois de messages, et de diffusion de films spéciaux sur les questionsnationales de sécurité et de santé au travail. La participation du ministre de l’Union et de hautsfonctionnaires du ministère du Travail, du Président et de hauts responsables du NSC, de chefs d’entreprises,de dirigeants syndicaux nationaux et de personnalités éminentes d’institutions, de représentants des ONG etdu public, a donné à ces activités l’impact recherché. Les chaînes de télévision et les radios nationales, lapresse et d’autres médias imprimés ont également contribué à faire largement connaître ces activités.

Au niveau des Etats, les activités varient de l’un à l’autre, mais elles sont généralement du même type qu’auniveau national. Elles visent à faire connaître les problèmes spécifiques rencontrés par le biais des languesrégionales. Depuis quelques années, on observe qu’une importante fonction gouvernementale, à savoir ladistribution de prix pour la sécurité, accompagne les célébrations de la campagne, ce dont il faut se féliciter.

Au niveau des entreprises, les activités sont plus pratiques et plus variées. En général, elles sont imaginéespar les commissions de sécurité (lorsqu’elles existent, ce qui est obligatoire pour les entreprises à partir d’uneffectif minimal de salariés) ou par un groupe de travail spécial mis en place par la direction. Parmi lesactivités les plus courantes, on peut citer les concours entre salariés ou entre services sur la bonne tenue deslocaux, les taux d’accidents les plus faibles, le travail sans accident, les affiches et les slogans sur la sécurité,les suggestions d’amélioration de la sécurité, etc., ainsi que les expositions, parodies, pièces de théâtre,saynètes, chansons, programmes et séminaires de formation, exposés, projections de films, démonstrationspratiques, organisation d’exercices d’urgence, cérémonies, etc. Des experts extérieurs à l’entreprise sontégalement invités en qualité de conférenciers.

Nous résumons ci-après les activités les plus courantes et les plus importantes qui ont contribué au succès dela campagne au niveau des entreprises:

les pièces de théâtre interprétées par le personnel de certaines entreprises: ces pièces qui étaient d’unbon niveau et offraient un divertissement utile relataient des cas d’accidents et les enseignements à entirer. Elles ont été enregistrées sur cassettes pour être diffusées par la télévision nationale et par lestélévisions des Etats, de manière à augmenter leur impact;la Qwaali , forme de chanson populaire sur le sous-continent indien, a aussi été couramment utiliséepour faire passer les messages sur la sécurité et la santé au travail, tout en offrant un divertissementconforme aux traditions culturelles indiennes;un certain nombre de grandes entreprises des secteurs public et privé possèdent des écoles et deslogements pour leur personnel. Beaucoup d’entre elles ont organisé des activités, notamment desconcours, pour sensibiliser les familles et les écoliers à la sécurité et à la santé; ces manifestations onteu un impact positif sur la motivation des salariés. Même les entreprises n’ayant pas d’écoles ou delogements ont employé cette méthode pour faire participer, avec le même succès, les familles et lesenfants d’âge scolaire de leur personnel;à la suite de la catastrophe de Bhopal, de nombreuses entreprises travaillant à la fabrication, austockage ou à l’utilisation de produits chimiques dangereux et susceptibles de provoquer des accidentsmajeurs ont lancé des actions de sensibilisation à la sécurité et à la santé auprès des collectivités duvoisinage. Elles invitent les membres de ces collectivités à visiter leurs usines, dans lesquelles ellesorganisent des expositions et des manifestations pendant la campagne. Elles invitent également lesautorités publiques en qualité d’hôtes d’honneur. Cette approche a contribué utilement à instaurerentre l’industrie, les pouvoirs publics et les collectivités les liens de coopération si nécessaires pourassurer une réaction rapide et efficace en cas d’urgence chimique au niveau local;les activités comportant des démonstrations pratiques de l’utilisation de moyens de sécuritéimportants, comme les méthodes de lutte contre l’incendie et les équipements de protectionindividuelle, l’organisation d’exercices d’alerte et la tenue dans l’entreprise de stages de formation etde séminaires répondant à des besoins particuliers, ont réussi à susciter l’enthousiasme et à instaurer

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un climat favorable dans les entreprises.

Ces activités conviennent particulièrement aux campagnes de sécurité et de santé au travail au niveau desentreprises.

Les résultats obtenus

La campagne de la NSD a eu un impact positif sur la tendance des accidents du travail en Inde (censés êtredéclarés en application de la loi sur les usines). Comme le montre le tableau 60.2, le taux d’incidence desaccidents du travail (nombre d’accidents pour 1 000 travailleurs) est tombé de 75,67 en 1971 à 26,54 en1992 (dernière année pour laquelle des statistiques publiées sont disponibles), soit une réduction d’environ65%. On notera que cette diminution est due à l’effet combiné sur la sécurité et la santé de la politiquegouvernementale, de la législation et de son application, de l’éducation et de la formation, de la promotion,de la modernisation de l’appareil et des procédés industriels, etc., et des campagnes de la NSD.

Tableau 60.2 Nombre d'usines indiennes en activité, emploi moyen estimé par jour,accidents soumis à déclaration et taux d'incidence de ces accidents

Année Nombre d’usinesen activité

Emploi moyenestimé par jour(en milliers)

Accidents du travail Taux d’accidents pour 1 000travailleurs dans lesétablissements fournissantdes statistiques

Mortels Total Mortels Total1971 81 078 5 085 635 325 180 0,15 75,67

1972 86 297 5 349 655 285 912 0,15 63,63

1973 91 055 5 500 666 286 010 0,15 62,58

1974 97 065 5 670 650 249 110 0,14 53,77

1975 104 374 5 771 660 242 352 0,14 50,86

1976 113 216 6 127 831 300 319 0,17 61,54

1977 119 715 6 311 690 316 273 0,14 63,95

1978 126 241 6 540 792 332 195 0,15 68,62

1979 135 173 6 802 829 318 380 0,16 62,19

1980 141 317 7 017 657 316 532 0,14 66,92

1981 149 285 7 240 687 333 572 0,16 76,73

1982(P) 157 598 7 388 549 296 027 0,13 69,10

1983(P) 163 040 7 444 456 213 160 0,13 55,63

1984(P)* 167 541 7 603 824 302 726 0,10 36,72

1985(P)* 175 316 7 691 807 279 126 0,23 58,70

1986(P) 178 749 7 795 924 276 416 0,14 49,31

1987(P) 183 586 7 835 895 236 596 0,14 41,54

1988(P) 188 136 8 153 694 200 258 0,15 41,68

1989(P) 193 258 8 330 706 162 037 0,16 35,11

1990(P) 199 826 8 431 663 128 117 0,21 33,11

1991(P)* 207 980 8 547 486 60 599 0,21 26,20

1992(P)* 207 156 8 618 573 74 195 0,20 26,54

P = provisoire; * = données incomplètes.

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Source: Labour Bureau.

Le secteur public de la recherche-développement, qui comprend 40 laboratoires nationaux répartis sur toutle territoire et employant plus de 26 000 personnes, dont plus de 9 000 scientifiques, ne relève d’aucune loisur la sécurité et la santé au travail. Au cours des dernières années, la direction générale et les différentslaboratoires ont commencé à organiser des célébrations de la NSD, créé des cellules de sécurité et entreprissystématiquement d’établir un système rationnel de gestion de la sécurité et de la santé au travail. On a là unexemple concret de l’impact de la campagne de la NSD sur le renforcement du mouvement bénévole enfaveur de l’amélioration de la sécurité et de la santé au travail en Inde.

Les organismes responsables des centrales nucléaires, des usines d’eau lourde et des réacteurs de recherche,ainsi que d’autres divisions du Département de l’énergie atomique (Department of Atomic Energy (DAE))du gouvernement, ont organisé des célébrations pendant la campagne NSD. Ils ont institué des concoursentre services et décerné des prix pour les progrès accomplis en matière de sécurité, de santé et deprotection de l’environnement. C’est un organisme indépendant qui est chargé, sous le contrôle du DAE, deveiller au respect de la réglementation sur la sécurité et la santé dans les établissements cités ci-dessus et quine peuvent toutefois pas être inspectés par les organismes publics de réglementation couvrant d’autres lieuxde travail. Les activités menées dans le cadre de la campagne ont permis d’établir des liens entre cetorganisme et les organismes extérieurs, ainsi qu’entre le NSC et d’autres institutions, et elles ont en outrefacilité la diffusion des informations sur la sécurité et la santé au travail auprès de la population.

Situé sur la côte ouest, le Gujarat est l’un des Etats indiens les plus industrialisés. Il compte 525établissements industriels grands et moyens qui fabriquent, stockent ou utilisent un ou plusieurs des 38produits chimiques dangereux. Toutes ces usines ont élaboré et répété des plans d’intervention en casd’urgence. Dans le cadre de la dernière campagne NSD, chacune d’entre elles a été priée par l’inspecteur enchef des établissements industriels d’assurer une formation pratique à l’utilisation d’appareils de protectionrespiratoire et d’extincteurs au personnel des services d’urgence de dix petites usines du voisinage. Sixpersonnes (deux par équipe) ont été sélectionnées dans chaque petite entreprise, soit au total 31 500 pour 5250 entreprises. Cet exemple illustre l’utilité de la campagne NSD, puisqu’elle a permis d’apporter uneformation pratique aux interventions d’urgence dans des petites entreprises qui mettent en œuvre desprocédés dangereux.

En conclusion, on peut dire que la principale contribution de la campagne NSD est de faire prendreconscience au monde des affaires et de l’entreprise, ainsi qu’à la population, que la sécurité, la santé et laprotection de l’environnement constituent une partie intégrante et essentielle de la stratégie dedéveloppement durable. Il reste cependant encore beaucoup à faire avant que cette stratégie se traduisedavantage dans les faits. Nul doute que la campagne NSD aura un rôle croissant à jouer pour qu’il en soitainsi.

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