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Chapitre II L’acquisition des biens Le titre I du Livre V sur l’acquisition des biens transpose en droit les orientations de l’ecclésiologie de Vatican II. Il est également marqué par l’application du cinquième principe de révision du code sur le principe de subsidiarité, déjà évoqué 1 . 1) Un principe général a) Le principe. Concernant l’acquisition des biens, le canon 1259 pose un principe clair et sans appel : « L’Église peut acquérir des biens temporels par tout juste moyen qui est permis aux autres personnes selon le droit naturel ou positif. 2 » C’est une explicitation du canon 1254 § 1, à l’adresse des États enclins, ici ou là, à restreindre ce droit de l’Église. L’Église revendique donc une liberté publique reconnue en principe à toute personne juridique. Il s’agit d’un droit fondé sur le droit divin positif, selon lequel l’Église doit pouvoir disposer des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Il se fonde, en tant que droit naturel, sur le droit d’association et le droit de propriété. Ces deux droits vont de pair, car la négation du droit de propriété entraînerait celle du droit d’association. Ce droit se fonde également sur la liberté religieuse, car il ne saurait y avoir de liberté religieuse véritable là où l’État ne reconnaîtrait pas à l’Église et aux divers groupes religieux la capacité patrimoniale. b) Le droit international. Un tel refus serait d’ailleurs contraire au droit international, qui protège les droits des groupes religieux en matière patrimoniale, tant à l’échelon universel qu’à l’échelon régional 3 . En effet, la Convention internationale des Droits de l’homme, du 10 décembre 1948, déclare, en son article 2, que « 1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. 2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté ». En outre, la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’homme affirme que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » 4 . c) Les modes d’acquisition. Différentes classifications des modes d’acquisition ont été avancées. Contentons-nous de celle proposée par Mgr Coccopalmerio : 1 Cf. L. Navarro, « L’acquisto dei beni temporali. Il finanziamento della Chiesa », I beni temporali della Chiesa, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, Studi Giuridici L, 1999, p. 37-58. 2 Le CCEO (c. 1010) est plus concis et, ignorant le c. 1258, ne parle pas de droit de l’Église, mais de droit des personnes juridiques : « Les personnes juridiques peuvent acquérir des biens temporels par tout moyen juste que le droit permet aux autres » 3 Par ex., les groupes religieux se voient reconnaître les droits d’« établir et entretenir des lieux de culte ou de réunion librement accessibles », de « solliciter et recevoir des contributions volontaires, qu’elles soient financières ou autres » ou encore les droits « d’acquérir, de posséder ou d’utiliser des livres sacrés, des publications religieuses dans la langue de leur choix, ainsi que d’autres objets liés à la pratique de la religion ou d’une conviction » (voir art. 16 du « Document de clôture de la Conférence de Vienne sur la sécurité et la coopération en Europe (19 janvier 1989) »), cité par J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens, op. c., p. 25. 4 Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, 4 novembre 1950, art. 14.

Chapitre II – L’acquisition des biens · Ils l’ont justifié en ces termes : « Ceci répond mieux à la sensibilité, à la praxis ... devant les besoins temporels de l’Église

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Chapitre II – L’acquisition des biens

Le titre I du Livre V sur l’acquisition des biens transpose en droit les orientations de

l’ecclésiologie de Vatican II. Il est également marqué par l’application du cinquième principe

de révision du code sur le principe de subsidiarité, déjà évoqué1.

1) Un principe général

a) Le principe. Concernant l’acquisition des biens, le canon 1259 pose un principe clair et

sans appel : « L’Église peut acquérir des biens temporels par tout juste moyen qui est permis

aux autres personnes selon le droit naturel ou positif.2 » C’est une explicitation du canon 1254

§ 1, à l’adresse des États enclins, ici ou là, à restreindre ce droit de l’Église. L’Église

revendique donc une liberté publique reconnue en principe à toute personne juridique.

Il s’agit d’un droit fondé sur le droit divin positif, selon lequel l’Église doit pouvoir disposer

des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Il se fonde, en tant que droit

naturel, sur le droit d’association et le droit de propriété. Ces deux droits vont de pair, car la

négation du droit de propriété entraînerait celle du droit d’association. Ce droit se fonde

également sur la liberté religieuse, car il ne saurait y avoir de liberté religieuse véritable là où

l’État ne reconnaîtrait pas à l’Église et aux divers groupes religieux la capacité patrimoniale.

b) Le droit international. Un tel refus serait d’ailleurs contraire au droit international, qui

protège les droits des groupes religieux en matière patrimoniale, tant à l’échelon universel

qu’à l’échelon régional3. En effet, la Convention internationale des Droits de l’homme, du 10

décembre 1948, déclare, en son article 2, que « 1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits

et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune,

notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute

autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre

situation. 2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique

ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou

territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque

de souveraineté ». En outre, la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’homme

affirme que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit

être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la

langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou

sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre

situation »4.

c) Les modes d’acquisition. Différentes classifications des modes d’acquisition ont été

avancées. Contentons-nous de celle proposée par Mgr Coccopalmerio :

1 Cf. L. Navarro, « L’acquisto dei beni temporali. Il finanziamento della Chiesa », I beni temporali della Chiesa,

Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, Studi Giuridici L, 1999, p. 37-58. 2 Le CCEO (c. 1010) est plus concis et, ignorant le c. 1258, ne parle pas de droit de l’Église, mais de droit des

personnes juridiques : « Les personnes juridiques peuvent acquérir des biens temporels par tout moyen juste que

le droit permet aux autres » 3 Par ex., les groupes religieux se voient reconnaître les droits d’« établir et entretenir des lieux de culte ou de

réunion librement accessibles », de « solliciter et recevoir des contributions volontaires, qu’elles soient

financières ou autres » ou encore les droits « d’acquérir, de posséder ou d’utiliser des livres sacrés, des

publications religieuses dans la langue de leur choix, ainsi que d’autres objets liés à la pratique de la religion ou

d’une conviction » (voir art. 16 du « Document de clôture de la Conférence de Vienne sur la sécurité et la

coopération en Europe (19 janvier 1989) »), cité par J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens, op. c., p. 25. 4 Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, 4 novembre 1950, art. 14.

a) à titre de libéralité : donations, dispositions testamentaires, fondations ;

b) à titre d’acquisition onéreuse : achat-vente, permutation ;

c) à titre d’imposition : impôts et taxes ;

d) à titre d’offrande : collectes, demande d’aumônes ;

e) à titre de prescription acquisitive ou usucapion ;

f) d’autres titres tels que revenus du patrimoine, division ou extinction d’une personne

juridique, dotations et prestations de l’État, etc.

Nous pourrions y ajouter la découverte d’un bien, qui revient au moins partiellement à son

inventeur.

d) La portée du droit positif. Le droit positif mentionné dans le canon est d’abord le droit

positif canonique, universel ou particulier. Par exemple, le canon 199 (c. 1542 CCEO)

énumère des matières qui ne sont pas soumises à prescription ; les canons 121-123 règlent la

fusion et l’extinction des ensembles de personnes et de choses (c. 129-130 CCEO) ; le c. 281§

1 (c. 390 § 1 CCEO) affirme le droit des clercs à recevoir une rémunération « qui convienne à

leur condition » ; etc.

Le droit positif est également le droit civil, qui varie d’un État à l’autre. Les administrateurs

de biens « prendront garde particulièrement que l’Église ne subisse un dommage à cause de

l’inobservation des lois civiles »5. Le canon 1259 ne soumet pas pour autant l’Église au droit

civil, « mais revendique pour elle et pour ses personnes juridiques publiques (c. 1258)

l’égalité de traitement que le droit civil accorde aux autres sujets de l’État pour l’acquisition

des biens »6.

L’Église fait habituellement reconnaître dans les concordats ou autres conventions ses droits

d’acquisition et d’administration des biens temporels, sa liberté de recueillir des fonds de ses

fidèles, d’organiser des collectes, la coopération financière avec l’État, la non imposition, la

reconnaissance d’avantages fiscaux en faveur de certaines personnes juridiques

ecclésiastiques, etc.

2) Les modes d’acquisition

Le code envisage expressément différents modes d’acquisition de biens temporels. Il s’agit :

a) des offrandes volontaires spontanées ;

b) des offrandes volontaires demandées ;

c) des taxes ;

d) des impôts diocésains ;

e) le cas échéant d’un financement extra ecclésial

f) la prescription.

L’on peut dresser le tableau suivant :

spontanées (c. 1261, 1267)

ordinaires (c. 1262)

publiques

offrandes demandées (c.1261) spéciales (c. 1266)

5 C. 1284 § 2, 3° CIC 83 ; c. 1028 § 2, 2° CCEO.

6 J.-C. Périsset, op. c., p. 71.

privées (c. 1265)

administration des sacrements et des sacramentaux (c. 1264, 2°)

A) Les offrandes volontaires spontanées

Ce premier aspect retiendra longuement notre attention, car nous devons étudier

successivement :

1. les legs

2. les offrandes à l’occasion des services pastoraux

3. les offrandes pour lé célébration de messes

4. les pieuses volontés

5. les fondations pieuses

6. les charges de messes

a) La notion d’offrande. Au sens strict, l’on entend par offrande « la remise de biens qui sont

offerts librement à l’Église, que ce soit de sa propre initiative ou au travers de l’autorité

compétente »7. En cela, elle se distingue des impôts.

b) Le principe général. Quant aux offrandes spontanées, le canon 1261 § 1 reconnaît que

« les fidèles ont la liberté de disposer de leurs biens temporels en faveur de l’Église ». C’est

une manifestation de la liberté religieuse, que la communauté politique doit respecter,

protéger et favoriser, ainsi que de la participation commune des fidèles à la mission de

l’Église, participation qui est très présente dans le CIC 83, tout particulièrement dans les

devoirs et les droits fondamentaux des canons 208-223 (c. 11-26 CCEO)8. Cette norme

s’harmonise avec le dispositif des canons 1254, 1259 et 1260 (c. 1007, 1010 et 1011 CCEO)

sur la liberté patrimoniale de l’Église face à l’autorité civile. Les membres de la commission

codificatrice ont souligné que les offrandes constituent le mode habituel d’acquisition des

biens, et les ont placés en conséquences avant les normes sur les impôts, qui sont un moyen

extraordinaire. Ils l’ont justifié en ces termes : « Ceci répond mieux à la sensibilité, à la praxis

et à la réalité actuelles, étant donné que là où l’impôt n’est pas imposé par la loi civile,

l’Église n’a aucun pouvoir coercitif effectif d’imposer ses impôts aux fidèles »9.

c) La libre disposition des biens. Cette disposition peut prendre des formes diverses : don,

legs, offrande à l’occasion des services pastoraux, pieuse volonté et fondation pieuse. Aucune

disposition du droit civil ne doit entraver cette liberté du fidèle d’user de ses biens comme il

l’entend et de l’Église de les accepter. Nous pouvons dire que les canons 1260 et 1261 sont un

développement du canon 222 § 1 (c. 25 § 1 CCEO)10

, en laissant la place à la spontanéité des

7 A. Mauro, De Ecclesiæ tributorum iure invigenti disciplina. Principia generalia ac synodales leges in variis

regionibus latæ, Rome, 1966, p. 65-72. 8 Cf. D. Le Tourneau, Droits et devoirs fondamentaux des fidèles et des laïcs dans l’Église, Montréal, Wilson &

Lafleur, 2010. 9 Comm 12 (1980), p. 402.

10 Tel est d’ailleurs le sens du c. 222, par lequel le législateur canonique entend préserver, face à la société civile,

le droit de ses fidèles à subvenir financièrement à ses besoins et son droit propre à recevoir des dons : cf. M.

López Alarcón, sub c. 1261, CB, p. ; V. De Paolis, « De bonis Ecclesiæ temporalibus in novo Codice Iuris

Canonici », Per 73 [1984], p. 134 ; L. Navarro, « L’acquisto dei beni temporali. Il finanziamento della Chiesa »,

loc. cit., p. 41).

fidèles et en n’établissant qu’une obligation générale11

. En effet, selon le canon 222 § 1,

« subvenir aux besoins du Peuple de Dieu ne constitue pas seulement un devoir, mais aussi un

droit. Cela signifie que dans l’Église le fidèle a le droit de prendre l’initiative de contribuer à

résoudre tel besoin par des fondations, des institutions pieuses, des mandats, des legs, etc. »12

Ajoutons que « dans de nombreux cas, il s’agira d’accomplir un devoir de justice, que, pour

des raisons de prudence et de délicatesse, la hiérarchie n’a pas précisé. L’attitude du laïc

devant les besoins temporels de l’Église doit donc consister en un don généreux de biens et

dans la recherche, grâce à sa condition séculière, relations d’affaires, sociales, travail

professionnel, des ressources nécessaires à l’apostolat. C’est là un des traits particuliers de la

pauvreté volontairement vécue par les laïcs »13

.

La libre disposition des biens s’exerce dans les limites du droit naturel et du droit canonique.

Par droit naturel « le mineur, avant l’âge de sept ans accomplis », et celui qui est privé de

l’usage de la raison, sont censés « ne pouvoir se gouverner eux-mêmes » (c. 97 § 2 CIC 83 ; c.

909 § 2-3 CCEO). Par droit ecclésiastique, par exemple, la provision simoniaque d’un office

(c. 149 § 3 CIC 83 ; c. 946 CCEO) ou la renonciation simoniaque à celui-ci (c. 188 CIC 83 ;

c. 968 CCEO) est nulle de plein droit.

« L’évêque diocésain est tenu d’avertir les fidèles de l’obligation dont il s’agit au c. 222 § 114

,

et d’en urger l’application de manière opportune » (c. 1261 § 2). Il doit donc rappeler comme

bon lui semble le devoir fondamental de tout fidèle de subvenir aux besoins de l’Église, soit

en se contentant de le leur rappeler, soit en leur imposant des prestations obligatoires. Quelle

est la nature de cette obligation des fidèles ? La doctrine estime en général qu’il s’agit d’une

obligation grave fondée sur le droit naturel et sur les dispositions prises par l’évêque

diocésain. Mais les services ministériels ne sauraient être refusés à celui qui n’accomplit pas

cette obligation.

L’Église préfère ces offrandes volontaires au fait de devoir recourir à des impôts. C’est ce qui

découle, entre autres, de l’inversion de l’ordre des canons au cours des travaux de rédaction,

en plaçant les canons 1261 et 1262 après le canon 126015

.

1) Les legs

Les legs sont des dispositions testamentaires mortis causa, par lesquels un fidèle cède à sa

mort la disposition de certains de ses droits patrimoniaux. L’intéressé doit avoir la capacité

juridique de léguer ses biens. L’acte correspondant doit être rédigé par écrit, c’est-à-dire

revêtir une certaine solennité juridique. Le légataire peut désigner un ou plusieurs exécuteurs

testamentaires appelés à assurer que les dispositions testamentaires sont régulièrement

observées.

2) Les offrandes à l’occasion des services pastoraux

Les fidèles sont amenés à verser une offrande à l’occasion de certaines cérémonies

religieuses, telles le baptême, le mariage et les funérailles ecclésiastiques. Ni taxe ni impôt16

,

11

Cf. D. Tirapu, sub c. 1261, ComEx, vol. IV/1, p. 73. 12

J. Hervada, Derecho Constitucional Canónico, Pampelune, Eunsa, p. (143). 13

A. Del Portillo, Fidèles et laïcs dans l’Église. Fondement de leurs statuts juridiques respectifs, Montréal,

Wilson & Lafleur, coll. Gratianus, 2e éd. révisée et mise à jour, 2012, p.205.

14 « La responsabilité commune, dans la mission unique de l’Église, fait que nul ne peut se désintéresser des

besoins matériels que comporte l’exercice de cette mission, et que chacun doit contribuer à y subvenir

généreusement, dans la mesure de ses moyens » (A. Del Portillo, Fidèles et laïcs dans l’Église. Fondement de

leurs statuts juridiques respectifs, Montréal, Wilson & Lafleur, coll. Gratianus, 2e éd. révisée et mise à jour,

2012, p. 71. Cf. M. Calvi, « Commento ad un canone : Sovvenire alle necessità della Chiesa », QDE 2 (1989)

97-98. 15

Cf. Comm 12 (1980), p. 402 ; 16 (1984), p. 28-30. 16

Cf. Comm 12 (1980), p. 403.

cette prestation est à mi-chemin entre l’offrande spontanée et l’offrande demandée. Le CIC 17

qualifiait cette rémunération des ministres de « droit d’étole » et la considérait comme une

taxe. Le CIC 83 parle d’offrande. C’est « une façon d’exprimer le désir de participer plus

activement à la célébration eucharistique et c’est aussi une manière de contribuer à la

communication des biens au sein de la communauté chrétienne »17

. Le canon 1264, 2° établit

qu’il appartient à l’assemblée des évêques de la province ecclésiastique de « fixer le montant

des offrandes à l’occasion de l’administration des sacrements et des sacramentaux »18

. Il ne

s’agit pas de « payer » ces services pastoraux, c’est pourquoi la norme dit « à l’occasion des

sacrements ». L’on ne peut pas refuser un sacrement ou un sacramentel à la personne qui ne

peut pas ou même ne veut pas donner d’offrande19

. En même temps, « la gratuité de la

célébration de ces actes liturgiques, tout comme la convenance du point de vue pastoral que

les fidèles fassent une offrande à l’Église à l’occasion des biens qu’ils en reçoivent » sont

évidentes20

. Acheter les sacrements ou les sacramentaux serait de la simonie pour laquelle une

peine de suspense ou d’interdit est prévue (c. 1380 CIC 83 ; c. 1461 CCEO). Le canon 848

interdit de demander plus que ce que l’autorité a établi, et celui « qui fait un gain illégitime

sur les offrandes de messes sera puni d’une censure ou d’une autre peine juste » (c. 1385).

L’intervention de l’assemblée des évêques de la province ecclésiastique a été voulue pour

assurer une certaine uniformité dans un même contexte territorial21

. Mais cette assemblée ne

fixe pas les frais pour les procès, ce qui revient à l’évêque (c. 1649).

Le canon 1181 précise, à propos des funérailles, qu’il ne faudra faire « aucune acception de

personnes », sous-entendu pour des raisons financières, et que l’on veillera « à ce que les

pauvres ne soient pas privés de funérailles convenables » pour les mêmes raisons22

.

Lorsque les services pastoraux qui génèrent ces offrandes sont des fonctions paroissiales, ce

qui est le cas le plus fréquent, ces offrandes sont considérées comme faites à la paroisse, sauf

volonté contraire du donateur (c. 531 CIC 83 ; c. 291 CCEO) (cf. chap. VI).

La distinction entre « taxes » au premier alinéa et « offrandes » au deuxième alinéa du canon a

été voulue en raison de la diversité des prestations auxquelles elles se réfèrent. Il est évident

qu’il n’était pas possible de fixer un prix pour les choses sacrées23

. Il convient également

d’habituer les fidèles à distinguer ce qui est ressources des prêtres et les actes de leur

ministère, surtout les actes sacramentels24

.

3) Les offrandes à l’occasion de la célébration de messes25

a) Les stips oblata. Les offrandes données à l’occasion de la célébration d’une messe sont un

cas à part. Le code traite la question aux canons 945-95826

, à propos de la très sainte

Eucharistie, dans le Livre IV sur la fonction de sanctification de l’Église. Il semble que

l’origine de cette offrande remonte à la coutume d’apporter, au moment de l’offertoire, les

oblats nécessaires au saint sacrifice, le pain et le vin, et d’autres dons pour la subsistance du

17

Paul VI, m. p. Firma in traditione, 13 juin 1974, A.A.S. 64 (1974), p. 308-311. 18

En droit oriental, il revient à l’évêque éparchial « de déterminer, dans les limites fixées par le droit particulier

de son Église de droit propre, les […] offrandes à l’occasion de la Divine Liturgie, des sacrements, des

sacramentaux et de toute autre célébration liturgique, sauf autre disposition du droit commun » (c. 1013 § 1). 19

Cf. c. 848, 1181. 20

L. Navarro, « L’acquisto dei beni temporali. Il finanziamento della Chiesa », loc. cit., p. 51. 21

Cf. Comm 15 (1984), p. 30. 22

Le c. 878 § 1 prescrit, lui aussi, de ne pas faire acception de personnes. Le paragraphe deuxième du même

canon suggère que soient « reçues seulement les offrandes que les fidèles chrétiens offrent de leur propre gré ». 23

Cf. Comm 12 (1980), p. 403. 24

Cf. Comm 5 (1973), p. 95. 25

Cf. A. Perlasca, « Povertà consacrata e stipendi della sante Messa », QDE 15 (2002), p. 419-434 ; A. Rava,

« Commento a un canone. Trarre profitto illegittimo dall’elemosina della Mesa (can. 1385) », Ibid., p. 315-324 ;

T. Vanzetto, « L’offerta per l’applicazione della Santa Messa. Lineamenti storici », Ibid., p. 197-206. 26

Le CCEO est beaucoup plus restreint en la matière, réglée par les c. 715 et 716.

clergé et l’aide aux nécessiteux27

. Ces offrandes, stips oblata, données par les fidèles pour que

« la messe soit appliquée à leur intention28

contribuent au bien de l’Église » et les fait

participer « à son souci pour le soutien de ses ministres et de ses œuvres » (c. 946).

C’est un « usage approuvé de l’Église » que « tout prêtre célébrant ou concélébrant la messe

peut recevoir une offrande » (c. 945 §1 CIC 83 ; c. 715 §1 CCEO). Il a l’obligation morale

d’appliquer la messe à l’intention qui lui a été indiquée, même si l’offrande a disparu sans

faute de sa part (c. 949). Les offrandes de messes ne sont pas soumises à la taxation de la part

de l’évêque29

.

b) La détermination du montant. Le montant de l’offrande est fixé par décret du concile

provincial ou de l’assemblée des évêques de la province ecclésiastique (c. 952 §1). Depuis

1992, en France l’assemblée des évêques donne une indication du montant des offrandes de

messe identique pour tout le territoire, à l’exception des départements concordataires. Les

prêtres se voient recommander vivement de célébrer la messe aux intentions des fidèles,

surtout de ceux qui sont dans le besoin », « même s’ils n’ont pas reçu d’offrande » (c. 945 §

2). Il ne leur est pas permis de demander une offrande supérieure au montant fixé, mais ils

peuvent l’accepter si elle leur est offerte spontanément (c. 952 § 1).

c) Une offrande par messe. Le principe général veut que l’on célèbre autant de messes que

l’on a reçu d’offrandes. En cas de binage ou de trinage, le prêtre peur accepter une offrande

pour chaque messe célébrée, tout en ne conservant que l’offrande d’une seule messe30

. En

revanche, « le prêtre qui concélèbre une deuxième messe le même jour ne peut sous aucun

prétexte recevoir une offrande à ce titre » (c. 951 § 2), à l’exception du jour de Noël (c. 951 §

1). Les offrandes excédentaires doivent être destinées aux fins établies par l’ordinaire31

. Mais

le prêtre peut accepter une rétribution à titre extrinsèque, telle que remboursement des frais de

déplacement, honoraires pour la prédication, etc. (c. 951 § 1).

L’ordinaire du lieu a le devoir et le droit de veiller à l’accomplissement des charges de messes

pour les églises du clergé séculier. Le supérieur a les mêmes devoir et droit pour les églises

des instituts religieux ou des sociétés de vie apostolique (c. 957). L’ordinaire doit contrôler les

registres correspondants (c. 958).

d) Les messes « collectives ». Un décret de la congrégation pour le Clergé tranche la question

des messes dites « collectives »32

. D'après la doctrine, ce décret répond, dans son aspect

formel, à l'article 18 § 2 de PB, c'est-à-dire qu'il acquiert une force législative à même de

modifier le canon 948, en raison de son approbation « en forme spécifique » par le Pontife

romain33

. La question a été étudiée à propos de la dimension juridique du sacré34

.

27

Les intérêts perçus sur les offrandes de messes ne doivent pas être utilisés pour des messes et deviennent des

biens ecclésiastiques de la paroisse, compris comme un revenu ordinaire de la paroisse et donc soumis à l’impôt

de l’évêque » (J. A. RENKEN, « The parochus as administrator of parish property », StCan 43 [2009] 500, notre

traduction). 28

L’expression semble imprécise, car le donateur fait souvent célébrer la messe à une autre intention que la

sienne propre. Le c. 945 § 1 parle à juste titre d’« intention déterminée ». 29

Cf. J. PASSICOS, « Rapports droit général et particulier : Une contribution diocésaine imposée aux paroisses

confiées à des religieux », AC 45 (2007) 114-117. 30

Cf. A. de Fuenmayor, « Sobre el destino de los estipendios de las misas binadas y trinadas », IC 28 (1988), p.

201-211. 31

L’ordinaire en question est l’ordinaire du célébrant, sauf pour les curés et les vicaires paroissiaux, auquel cas il

s’agit de l’ordinaire du lieu : cf. réponse du CPTL, 6 août 1987, CB 1778-1779. 32

Congr. pour le Clergé, décr. Mos iugiter, 22 février 1991, A.A.S. 83 (1991) 443-446. 33

Cf. D. J. Andrés, « De oblata stipe in sic dictis Missis communitariis seu de unione plurium fidelium

intentiones in unam tantum Missæ celebratione », Commentarium pro religiosis 68 (1987), p. 399-403 ; P.

Gefaell, « A proposito del decreto sulle Messe plurintenzionali ‘collectivam’ celebratis iuxta Decretum ‘Mos

4) Les pieuses volontés

a) Nature

b) Exécution

c) Substitution fiduciaire

A) Nature des pieuses volontés35

. Par pieuse volonté l’on entend communément toute

disposition de biens réalisée par un acte inter vivos ou mortis causa « en faveur d’une cause

pieuse, c’est-à-dire pour une fin propre de l’Église », autrement dit « surnaturelle »36

. Les

pieuses volontés peuvent consister en libéralités, envisagées aux canons 1300-1302 (c. 1044-

1046 CCEO), qui accroissent directement le patrimoine d’une personne juridique déjà

existante, ou en fondations pieuses, qui comportent des charges imposées au bénéficiaire par

le donateur, d’ordre spirituel ou caritatif. Les causes pieuses peuvent être ecclésiastiques ou

laïques, les premières correspondant au canon 1257 § 1 sur les biens ecclésiastiques des

personnes juridiques publiques, soumises aux normes du Livre V ; les secondes concernant

des biens qui, « tout en étant destinés à une fin pieuse, sont confiés à une personne physique

ou à une personne juridique privée et donnent vie à celle-ci »37

.

Nous commençons donc par les pieuses volontés en général, avant d’aborder l’étude des

fondations pieuses.

a) Les pieuses volontés en général. Le devoir fondamental du canon 222 § 2 dont, nous

l’avons vu, l’évêque diocésain doit urger l’application (c. 1261 § 2), s’accompagne du

principe posé par le canon 1299 § 1 : « Qui peut disposer librement de ses biens en vertu du

droit naturel et du droit canonique38

peut laisser ses biens pour des causes pies, par acte entre

vifs ou pour cause de mort. » Le respect et du droit naturel et du droit canonique qui

l’explicite, a pour conséquence que les causes pies établies par celui qui est atteint par une

incapacité ou une interdiction purement civile seront valides si elles sont protégées par le droit

naturel ou par le droit canonique39

. La norme du canon 1299 § 1 est une mise en pratique des

vertus de religion et de charité. La personne doit évidemment pouvoir disposer de ses biens à

sa guise, ce qui suppose qu’elle remplit au préalable des obligations de droit naturel telle

qu’assurer l’avenir matériel de sa famille. Cette libre disposition peut être modifiée par la

condition juridique de l’intéressé, comme dans le cas d’un mineur ou d’un membre d’institut

religieux.

La question se pose de savoir si un mineur possédant l’usage de la raison peut disposer de ses

biens. L’on peut estimer que les limites apposées par le droit civil sont une explicitation du

droit naturel et que, en l’absence d’une précision canonique, il faut les respecter en droit

canonique. Le mineur reste toutefois soumis à la puissance parentale et à celle des tuteurs

éventuels dans l’exercice de ses droits.

Des non catholiques sont fondés à donner des biens pour des causes pies, mais l’élément à

prendre en compte pour que cette disposition puisse être considérée comme pieuse est

l’intention juridique manifestée au for externe, non la simple intention morale ou interne40

.

iugiter’ », Per 80 (1991), p. 579-608 ; T. Rincón-Pérez, « El decreto de la Congregación para el Clero sobre

acumulación de estipendios (22-II-1991), IC 31 (1991), p. 628-640. 34

Cf. D. Le Tourneau, La dimension juridique du sacré, op. cit., n° 263, p. 312-313. 35

Cf. F. Falchi, « Le pie volontà », I beni temporali della Chiesa, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana,

Studi Giuridici L, 1999, p. 163-221. 36

V. De Paolis, I beni temporali della Chiesa, Bologne, 1995, p. 224. 37

F. Falchi, « Le pie volontà », loc. cit., p. 168. 38

Ce qui n’exclut pas une référence au droit civil si besoin est dans certains cas. 39

A. de Fuenmayor, cité par J. M. Vázquez García-Peñuela, sub c. 1299, ComEx, vol. IV/1, p. 178. 40

J. M. Vázquez García-Peñuela, sub c. 1299, ComEx, vol. IV/1, p. 179.

Rien n’interdit que des personnes juridiques, aussi bien ecclésiastiques que civiles, procèdent

à des causes pies, pourvu qu’elles le fassent par le truchement de leurs organes légitimes.

Ajoutons que les membres des instituts religieux ne peuvent disposer de leurs biens temporels

sans la permission de leur supérieur compétent (c. 668 § 2 CIC 83 ; c. 529 § 4 CCEO).

Le § 2 du même canon 1299 dispose que, « dans les dispositions pour cause de mort en faveur

de l’Église, les formalités juridiques du droit civil seront autant que possible observées ; si

elles ont été omises, les héritiers doivent être avertis de l’obligation à laquelle ils sont tenus

d’accomplir la volonté du testateur ». Que faut-il entendre ici par « Église » ? Le canon 1258

précise qu’habituellement « sous le terme d’Église, on entend non seulement l’Église tout

entière ou le Siège Apostolique, mais aussi toute personne juridique publique dans l’Église ».

La doctrine est d’avis que le terme « Église » est encore plus étendu dans le canon 1299 § 2,

en ce qu’il a « simplement le sens d’offrande faite pour une fin pieuse ou une cause pieuse,

même s’il ne s’agit pas d’une personne juridique »41

.

Les héritiers doivent être informés (moneri debent) de leurs obligations d’exécuter les

dispositions testamentaires, même si elles sont invalides en droit civil. L’on tiendra cependant

compte des circonstances, et si cela se révèle inutile ou dommageable, l’on omettra cette

information. Les normes des canons 1299-1302 affirment la priorité des lois canoniques sur celles de l’État

en matière de pieuses volontés, l’intention des donateurs étant d’ordre surnaturel, puisque

motivée par les fins du canon 1254 § 2 (c. 1007 § 2 CCEO).

b) Les éléments d’une pieuse volonté. Toute volonté pieuse comporte trois éléments :

a) l’intention du donateur ; b) le but de l’offrande, à savoir des œuvres religieuses ou de

charité chrétienne ; c) le destinataire, personne juridique publique agissant « au nom de

l’Église » (c. 116 § 1). Ceci n’exclut nullement que le donateur soit éventuellement non

catholique, non baptisé ou même athée, du moment qu’il entend soutenir une œuvre sociale

dont il fait siens les objectifs.

1) La pia voluntas du fidèle peut : a) soit constituer une institution patrimoniale nouvelle,

b) soit apporter des biens à une personne juridique déjà existante, constituant ainsi la

fondation pieuse sur laquelle nous reviendrons.

Sauf indication contraire, « les offrandes faites aux supérieurs ou aux administrateurs de toute

personne juridique ecclésiastique, même privée, sont présumées faites à la personne juridique

elle-même » (c. 1267 § 1 CIC 83 ; c. 1016 § 2 CCEO), non au supérieur ou à l’administrateur

lui-même. C’est une présomption de droit, qui admet donc la preuve contraire. C’est ainsi, par

exemple, qu’une offrande remise au curé est destinée à la paroisse, non à son usage personnel

( c. 531 CIC 83 ; c. 291 CCEO). Les offrandes faites à une église qui est à la fois paroissiale

et capitulaire sont présumées faites à la paroisse (c. 510 § 4).

Cette norme ne concerne pas les associations privées de fidèles qui n’ont pas été dotées de

personnalité juridique (c. 322 § 1). Mais elles sont soumises à la vigilance de l’autorité

ecclésiastique (c. 323 § 1), qui doit donc veiller « à ce que les biens soient employés aux buts

de l’association » (c. 325 § 1).

2) Une juste cause pour la refuser. Celui qui reçoit une offrande ne peut la refuser, « si ce

n’est pour une juste cause et, dans les affaires importantes, avec la permission de l’ordinaire

s’il s’agit d’une personne juridique publique » (c. 1267 § 2). La « juste cause » porte sur la

provenance licite des biens, la bonne foi du donateur, la destination qu’il leur donne qui peut

excéder la capacité de gestion du bénéficiaire, la nature et la représentation figurative de la

41

V. Rovera, « I beni temporali della Chiesa », La normativa del nuovo codice, a cura di E. Cappellini, Brescia,

2e éd., 1995, p. 292.

chose, etc.42

Avant d’accepter un don, surtout s’il est immobilier, il sera prudent que le

bénéficiaire prenne conseil auprès de l’économe diocésain ou de celui de l’institut de vie

consacrée. Le refus d’une offrande est considéré comme dépassant le cadre de

l’administration ordinaire. La non observation des conditions mises au refus par ce canon

entraînerait l’obligation de réparer les dommages causés (c. 128 CIC 83 ; c. 935 CCEO).

3) Le rôle de l’ordinaire. L’ordinaire est l’exécuteur de toutes les pieuses volontés, entre vifs

ou pour cause de mort (c. 1301 § 1 CIC 83 ; c. 1045 § 1 CCEO) ; il lui revient donc d’éviter

tout refus inconsidéré d’une pieuse volonté. L’on tiendra compte de la nature de l’offrande et

de la capacité du bénéficiaire d’y faire face, par exemple dans le cas où il y aurait donation

d’un bâtiment. Son rôle est indépendant de la volonté du testateur : il découle de la loi elle-

même.

L’ordinaire doit donner sa permission pour accepter des biens « grevés d’une charge modale

ou d’une condition », sous réserve des dispositions du canon 1295, qui portent sur le respect

des normes en matière d’aliénation de biens ecclésiastiques ou de risque de voir s’amoindrir

la situation patrimoniale d’une personne juridique (c. 1267 § 2 CIC 83 ; c. 1016 § 3 CCEO).

La raison est la même que pour le canon 1281 § 1 (c. 1024 § 1 CCEO) sur les actes dépassant

l’administration ordinaire.

Au nombre des charges peut figurer l’obligation de célébrer des messes au titre d’une

fondation pieuse non autonome, dont nous verrons qu’elle doit être acceptée par l’ordinaire.

Certaines conditions grevant la pieuse volonté peuvent être trop lourdes pour le bénéficiaire,

comme, par exemple, le don d’une propriété en viager à charge d’entretenir les propriétaires

jusqu’à leur décès43

.

4) Le respect de la finalité. « Les offrandes faites pour une fin déterminée ne peuvent être

affectées qu’à cette fin » (c. 1016 § 1 CCEO ; c. 1267 § 3 CIC 83)44

. C’est-à-dire que la

destination des biens fixée par le donateur doit être respectée scrupuleusement, y compris

dans les modalités qu’il a pu préciser le cas échéant. Cette disposition veut éviter les conflits

éventuels quant à la destination des offrandes, sur laquelle divers canons se prononcent :

offrandes faites à une église qui est à la fois paroissiale et capitulaire (c. 510 § 4), offrande

faite à l’occasion d’une fonction paroissiale réalisée par quelqu’un d’autre que le curé (c. 531

CIC 83 ; c. 291 CCEO), offrandes versées au vicaire à l’occasion de son ministère pastoral (c.

551).

Encore faut-il que la pieuse volonté respecte les canons auxquels il n’est pas permis de

déroger et qu’elle ait été acceptée. Le canon 1300 (c. 1044 CCEO) précise que « les volontés

des fidèles qui donnent ou laissent leurs biens pour des causes pies par acte entre vifs ou pour

cause de mort, une fois légitimement acceptées45

, seront très soigneusement – diligentissime -

exécutées, même en ce qui concerne le mode d’administration et d’utilisation des biens »,

sous réserve du canon 1301 § 3 (c. 1045 § 3 CCEO) qui déclare nulles et non avenues les

clauses contraires au droit de l’ordinaire de veiller à l’exécution des pieuses volontés. C’est-à-

dire que le donateur ne peut s’opposer au principe hiérarchique qui structure l’Église en tant

que communauté de fidèles « constituée et organisée en ce monde comme une société » (c.

204 § 2 CIC 83 ; c. 7 § 2 CCEO), mais qu’il doit respecter le devoir fondamental de la

42

Cf. D. Tirapu, sub c. 1267, ComEx, vol. IV/1, p. 90. 43

Voir d’autres cas dans J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 112. 44

Cf. les c. 121, 122, 123, 326 § 2, 531, 6216 § 1, 706, 3°, 954, 1267 § 3, 1284 § 2, 3°, 1300, 1302 § 1, 1303 § 2,

1304 § 1, 1307 § 1, 1310 § 2. Cf. E. Zanetti, « I fedeli e i beni ecclesiastici : alcune domande », QDE 4 (1991),

p. ; J. A. Renken, « The parochus as administrator of parish property », StCan 43 (2009) 497. 45

Cf., pour cette incise, Comm 5 (1973), p. 102.

communion (c. 209 CIC 83 ; c. 8 CCEO)46

. Toute clause visant à annuler le droit de visite de

l’ordinaire qui serait apposée comme une condition sine qua non serait nulle en raison d’un

vice irrémédiable du consentement. Bien que ce paragraphe 3 du canon 1301 envisage cette

clause à propos des dernières volontés, il est prudent d’appliquer cette disposition aussi aux

pieuses volontés inter vivos.

L’adverbe diligentissime souligne que l’accomplissement de la pieuse volonté est une

question de stricte justice.

5) Deux principes. Cette norme établit deux principes : d’une part, le don qu’un fidèle entend

effectuer au profit d’une personne ecclésiastique juridique doit être accepté légitimement par

celle-ci et, d’autre part, une fois accepté, il engage le bénéficiaire à respecter la volonté du

donateur, non seulement quant à l’administration des biens mais aussi quant à leur utilisation.

La volonté du donateur porte non seulement sur la détermination de la part de biens qui

doivent être pris dans son patrimoine et de la fin à laquelle elle est destinée, mais aussi sur la

façon de l’administrer et de l’investir. En effet, le donateur peut exprimer sa volonté que les

biens soient employés non seulement pour les fins spécifiques de la personne juridique à

laquelle il les remet, mais aussi pour des fins différentes, en tout ou en partie, auquel cas il

s’agit d’une fiducie (c. 1302 CIC 83 ; c. 1046 CCEO), dont nous occuperons plus avant.

S’il fallait procéder à la fusion d’ensemble de personnes ou de choses, il faudrait respecter

« en ce qui concerne la destination des biens et l’accomplissement des charges, la volonté des

fondateurs et des donateurs, ainsi que les droits acquis » (c. 121).

Le devoir de l’administrateur d’accomplir ses fonctions « au nom de l’Église » (c. 1282), en

« bon et fidèle administrateur » (c. 1283, 1°) et en observant les dispositions imposées par le

fondateur ou le donateur (c. 1284 § 2, 3° CIC 83 ; c. 1228 § 2, 3° CCEO). Ce devoir de

l’administrateur répond au devoir fondamental des fidèles de subvenir aux besoins de l’Église

(c. 222 § 1 CIC 83 ; c. 25 §1 CCEO), dont il convient de favoriser l’accomplissement par une

saine gestion.

B) L’exécution des pieuses volontés

a) L’ordinaire, exécuteur né. La régulation canonique des causes pies s’appuie sur deux

principes fondamentaux : le respect de la volonté du donateur, d’une part, et, de l’autre, la

vigilance de l’ordinaire sur l’exécution des pieuses volontés que détermine le canon 1301 (c.

1045 CCEO).

L’ordinaire est l’exécuteur né de toutes les pieuses volontés (c. 1301 § 1 CIC 83 ; c. 1045 § 1

CCEO), et doit veiller à leur exécution (c. 1302 § 2). Par ordinaire, on entend ceux

qu’énumère le canon 134 § 1 (c. 984 § 1 & 3 CCEO), à savoir l’évêque diocésain et ceux qui

lui sont équiparés en droit, les vicaires généraux et épiscopaux, et ceux qui possèdent le

pouvoir exécutif ordinaire pour leurs sujets, c’est-à-dire les supérieurs majeurs des instituts

religieux cléricaux et des sociétés cléricales de vie apostolique de droit pontifical. Si la pieuse

volonté n’est effectuée en faveur d’aucune institution existante, mais qu’elle consiste à en

fonder une nouvelle, l’ordinaire chargé de son exécution sera celui qui a la juridiction sur la

nouvelle personne juridique.

L’ordinaire est l’exécuteur éminent, ce qui n’empêche pas le donateur de désigner d’autres

exécuteurs, qui peuvent être les héritiers ou les légataires. Dans ce cas, « de droit, l’ordinaire

peut et doit veiller, même par une visite, à l’exécution des pieuses volontés, et les autres

exécuteurs sont tenus de lui en rendre compte après s’être acquittés de leur mission » (c. 1301

§ 2 CIC 83 ; c. 1405 § 2 CCEO). Il détient donc un droit de vigilance, uniquement sur le

46

Cf. D. Le Tourneau, Droits et devoirs fondamentaux, nos

76-88.

bénéficiaire. L’ordinaire a donc le pouvoir de surveiller la mise en œuvre des volontés pieuses

par les personnes juridiques qui lui sont soumises, même si le donateur n’est pas son sujet. Ce

pouvoir et devoir de vigilance est expressément mentionné à propos des charges de messes (c.

957). Il devra nommer un exécuteur dans le cas du décès ou du refus de l’exécuteur ou des

exécuteurs testamentaires. Il devra le nommer si le donateur a omis de le faire. Il est

également appelé à le démettre de ses fonctions si, après avertissement, il continue de négliger

d’accomplir sa tâche.

b) En cas de négligence de l’administrateur. Si l’exécuteur ou les exécuteurs négligent

d’accomplir leur charge, l’ordinaire urgera l’exécution de la libéralité. L’exécution n’est pas

aveugle, en ce sens qu’elle doit tenir compte de la situation réelle, notamment des

changements sociaux et financiers qui peuvent intervenir, et qui ont des répercussions sur le

patrimoine constitué par la cause pieuse. Il y aura lieu alors de procéder à la réduction, la

modération et la commutation des volontés des fidèles pour les causes pies, dont s’occupe le

canon 1310 (c. 1054 CCEO), que verrons plus avant.

L’exécuteur doit respecter les délais éventuellement fixés. En l’absence de toute précision,

l’on s’en tiendra au droit civil. Si la pieuse volonté consiste à créer une fondation pieuse

autonome, l’exécuteur doit suivre les indications de la lettre de fondation jusqu’à ce que la

fondation soit constituée et dotée de ses organes de gouvernement. S’il s’agit d’une fondation

pieuse non autonome, l’exécuteur doit recueillir le consentement de la personne juridique

bénéficiaire.

c) Les facultés de l’administrateur. Dans les limites de l’administration ordinaire, il est permis

à l’administrateur d’une cause pie « de faire des dons sur les biens mobiliers qui

n’appartiennent pas au patrimoine stable, pour des buts de piété ou de charité chrétienne » (c.

1285)47

. Que les causes pies puissent contribuer à la piété ou à la charité est une bonne chose.

Mais deux limites y sont apportées : a) ne concerner que les biens mobiliers ; b) ne pas porter

sur le patrimoine stable de la personne juridique. De plus ces dispositions doivent relever de

l’administration ordinaire, sous peine d’invalidité (c. 1281 § 1 CIC 83 ; c. 1024 § 1 CCEO).

Ces dons ne doivent pas non plus amoindrir le patrimoine stable de la personne (c. 1295 CIC

83 ; c. 1042 CCEO). En outre ils doivent remplir les conditions des canons 1291-1294 (c.

1035-1041 CCEO) sur l’aliénation.

C) La substitution fiduciaire

a) Notion de fiducie. La pieuse volonté fiduciaire consiste en la présence d’une charge

confidentielle que quelqu’un, le fiduciant, réalise en faveur d’une personne, le fiduciaire, pour

qu’il destine à des causes pies des biens qu’il lui a transmis. Le fiduciaire devient titulaire de

ces biens, mais son titre est limité par l’obligation personnelle qu’il a contractée envers le

fiduciant. Le fiduciaire n’acquiert donc pas ces biens pour lui mais pour autrui.

La fiducie est une libéralité faite à une personne, le fiduciaire, à charge pour elle de la

transmettre à une cause pie. Le fiduciaire acquiert les biens, non pour lui-même, mais pour un

autre. Il en est le titulaire réel jusqu’à ce qu’il les ait transmis selon la charge qui lui a été

faite.

b) Quand peut-elle exister ? La substitution fiduciaire peut intervenir entre vifs ou pour

cause de mort. « La personne qui a reçu fiduciairement par acte entre vifs ou par testament

47

Le CCEO est plus directif en ce sens qu’il interdit les dons sur les biens mobiliers n’appartenant pas au

patrimoine stable, « excepté des dons modestes selon une coutume légitime, si ce n’est pour une cause juste de

piété ou de charité » (c. 1029).

des biens pour des causes pies doit informer l’ordinaire de sa fiducie, et lui indiquer tous les

biens meubles et immeubles qu’il a reçus, avec les charges dont ils sont grevés » (c. 1302 § 1

CIC 83 ; c. 1046 § 1 CCEO). S’il peut l’informer oralement, il est sans doute préférable qu’il

le fasse par écrit, en dressant un inventaire des biens et des charges. Aucun délai n’est précisé

pour ce faire, mais il le fera néanmoins diligentissime, selon l’esprit du canon 1300 (c. 1044

CCEO), ce qui peut se traduire par le plus tôt possible. L’ordinaire à informer est celui du lieu

où le bénéficiaire est domicilié.

La formulation « la personne qui… » manque de rigueur. En effet, il eût été préférable de dire

« le fidèle qui… », étant donné que la personne qui reçoit des biens pour des causes pies ne

peut être qu’un fidèle de l’Église catholique latine ou d’une Église orientale, selon le code

concerné. La norme ne concerne en effet pas celui qui n’a pas été baptisé, qui n’a pas été reçu

dans l’Église catholique, ni celui qui l’a quittée, car les obligations et les droits propres aux

chrétiens s’appliquent à ceux qui sont dans la communion de l’Église (c. 96).

c) Le rôle de l’ordinaire. Une fois informé, l’ordinaire « doit exiger que les biens reçus

fiduciairement soient placés de façon sûre, et veiller à l’exécution des pieuses volontés » (c.

1302 § 1 CIC ; c. 1046 § 2 CCEO), en sa qualité d’exécuteur de toutes les pieuses volontés »

(c. 1301 § 1 CIC 83 ; c. 1405 § 1 CCEO). Il s’agit évidemment des biens meubles. Tout

changement du placement doit être effectué avec l’autorisation de l’ordinaire. Le fiduciaire

devra lui rendre compte de sa gestion.

Le système de la fiducie est utilisé pour éviter l’imposition fiscale qui frappe la transmission

directe de biens, ou pour éviter la confiscation de biens ecclésiastiques dans des périodes de

persécution. La fiducie, comme le nom l’indique, suppose que la personne est de confiance,

car elle peut disposer des biens autrement que selon les termes de la fiducie. Le risque existe

aussi qu’elle meurt avant de l’avoir exécutée.

Relevons que le choix de l’ordinaire ne dépend pas de la personne du fiduciaire ni directement

du donateur, mais du domicile ou de la condition canonique du bénéficiaire. L’intention du

donateur est donc décisive, puisqu’elle détermine le bénéficiaire de la pieuse volonté et, par

voie de ricochet, l’ordinaire.

d) Le refus de la fiducie. Le fiduciaire doit refuser la fiducie si elle comporte une clause

interdisant « de façon expresse et absolue » l’information de l’ordinaire prévue par le droit et

son droit de vigilance (c. 1302 § 1 CIC 83 ; c. 1046 § 1 CCEO), même si cette clause ne rend

pas la fiducie nulle et non avenue. Si le fiduciaire l’a malgré tout acceptée, par ignorance ou

pour toute autre cause, son acceptation est valide, puisque le canon ne comporte pas de

sanction expresse d’invalidité de l’acte, comme dans le cas de l’acceptation d’une fondation

sans l’autorisation de l’ordinaire (c. 1304 § 1 CIC 83 ; c. 1048 § 2 CCEO).

e) Le renvoi au droit civil. Le canon 22 (c. 1504 CCEO) établit le principe de la

« canonisation » du droit civil, sous deux conditions : que les lois civiles ne soient pas

contraires au droit divin et qu’il n’existe pas une norme de droit canonique en la matière,

laquelle l’emporterait sur la norme civile. Le canon 1290 prévoit explicitement que la preuve

par témoins, du canon 1547, est admise dans tous les procès, ce que certains ordres juridiques

civils ne reconnaissent pas.

Dans les pieuses volontés pour cause de mort en faveur de l’Église (in bonum Ecclesiæ), « les

formalités juridiques du droit civil seront autant que possible observées ». A défaut de l’être,

les héritiers seront avertis de leur obligation « d’accomplir la volonté du testateur » (c. 1299 §

2 CIC 83 ; c. 1043 § 2 CCEO). Mais l’Église n’a aucun moyen de les y contraindre, et

l’obligation en question n’est pas exigible devant la juridiction civile. Elle doit effectuer ce

rappel, même par écrit, mais ne peut ainsi qu’en appeler à la conscience des héritiers. Elle le

fera même si elle prévoit que le rappel sera inefficace ou mal accueilli. Ce respect du droit

civil ne sera pas toujours possible, c’est pourquoi il n’est pas rendu obligatoire, mais

simplement souhaité : « autant que possible », dit le texte.

L’expression in bonum Ecclesiæ doit être interprétée comme faisant référence à toute bonne

œuvre ou toute bonne cause.

Pour les actes entre vifs, même si le renvoi au droit civil n’est pas explicite, il semble découler

directement du canon 1290 (c. 1234 CCEO). Des actes qui ne respecteraient pas les formalités

du droit civil ne seraient probablement pas valides.

5) Les fondations pieuses

a) Généralités48

. Les fondations pieuses sont un autre type de pieuses volontés, qui se

caractérisent par le fait que les effets produits par l’acte de disposition soit sont permanents

soit sont indéfinis, ce qui se produit par l’inscription d’un patrimoine à une fin pieuse. Les

fondations pieuses sont définies au canon 1303 (c. 1047 CCEO) et se divisent en deux

catégories, alors que le CIC 17 les assimilait toutes à un contrat synallagmatique du genre do

ut facias et ne devenaient jamais une personne juridique. Les fondations comportent comme

éléments : a) un ensemble de choses ou de biens à même de satisfaire pendant un certain

temps des finalités religieuses données ; b) que les biens temporels puissent être licitement

transférés ou livrés ; c) une volonté fondatrice pour une finalité précise déterminée par la

volonté du fondateur, qui doit être éminemment ecclésiastique, une fondation purement

philanthropique étant exclue ; d) une organisation particulière de la disposition des biens en

question (investissement, gestion, administration, etc.), organisation qui varie selon que l’on a

affaire à une fondation autonome ou à une fondation non autonome ; e) la masse patrimoniale

de doit pas être nécessairement remise à une personne juridique ecclésiastique : elle peut être

érigée en personne juridique, publique ou privée, indépendante (fondation pieuse autonome),

ou être remise à une personne juridique ecclésiastique déjà existante (fondation pieuse

autonome), à charge de réaliser des fins déterminées ; f) l’érection par l’autorité

ecclésiastique compétente dans le cas d’une fondation pieuse autonome. Dans le cas de la

fondation autonome, c’est le fondateur qui prévoit l’organisation de la fondation pieuse, qui

est établie ex novo et doit recevoir la personnalité juridique. Dans le second cas, celui de la

fondation non autonome, la fondation s’appuie sur une personne juridique déjà existante pour

accomplir les fins déterminées par le fondateur49

.

Il existe deux sortes de fondations pieuses : a) les fondations pieuses autonomes et b) les

fondations pieuses non autonomes. Dans l’un et l’autre cas, la volonté du donateur est

première quant à l’offrande et à son utilisation.

b) Les fondations pieuses autonomes. Les fondations pieuses autonomes sont

des « ensembles de choses affectées aux buts dont il s’agit au canon 114 § 2 – les œuvres de

piété, d’apostolat et de charité spirituelle ou temporelle – érigés en personne juridique par

l’autorité ecclésiastique compétente »50

. La déclaration de volonté qui donne lieu à la

fondation peut se réaliser par un acte inter vivos ou par un acte mortis causa. Cet acte de

fondation doit préciser non seulement les biens qui la dotent et les fins pour lesquelles elle est

constituée, mais aussi son mode d’organisation, et ce, d’ordinaire, par le biais des statuts. Les

statuts de cette personne juridique devront être approuvés par l’autorité compétente (c. 117

48

Cf. P. G. Marcuzzi, S.D.B., « Le fondazione pie », I beni temporali della Chiesa, Cité du Vatican, Libreria

Editrice Vaticana, Studi Giuridici L, 1999, p. 223-262. 49

Cf. F. Aznar Gil, La administración de los bienes temporales de la Iglesia, op. cit., p. 145. 50

Le CCEO précise l’autorité compétente : « Les fondations pieuses autonomes ne peuvent être érigées que par

l’évêque éparchial ou par une autre autorité supérieure » (c. 1048 § 1).

CIC 83 ; c. 922 § 1 CCEO).

Les fondations autonomes sont donc dirigées « selon le droit et les statuts, par une ou

plusieurs personnes physiques, ou par un collège » (c. 115 § 3). L’intervention essentielle de

l’autorité ecclésiastique consiste en un acte distinct de l’approbation, qui est l’acte d’érection

de la fondation pieuse, par lequel le patrimoine destiné et organisé acquiert la personnalité

juridique. L’acte d’érection a donc valeur constitutive. Il ne peut être refusé que pour les

motifs indiqués au canon 114 § 3 (c. 921 § 3 CCEO), à savoir si la fondation ne répond pas à

une « fin réellement utile » ou si elle ne dispose pas de moyens suffisants.

Le décret d’érection doit préciser si la personne juridique ainsi créée est privée ou publique,

ce qui correspond à la volonté du ou des fondateurs. Les biens en question doivent, au moins

dans leur majorité, être stables, générateurs de revenus. Seules les fondations pieuses

autonomes jouissent de la personnalité juridique au sens du canon 114 § 2 et présentent donc

la caractéristiques d’être perpétuelles (c. 120 § 1 CIC 83 ; c. 927 § 1 CCEO). Elles peuvent

être publiques ou privées.

Le canon ne dit rien de l’extinction de la fondation pieuse autonome. Il faudra donc s’en tenir

à ce qui est disposé au canon 120 § 1 (c. 927 § 1 CCEO), après l’affirmation du principe

général qu’une personne juridique « est, par sa nature, perpétuelle ».

c) Les fondations pieuses non autonomes. Les fondations pieuses non autonomes sont

constituées par « des biens temporels donnés de quelque façon que ce soit à une personne

juridique publique, à charge pour elle d’en employer les revenus annuels pour faire célébrer

des messes et remplir d’autres fonctions ecclésiastiques déterminées, ou poursuivre les fins

dont il s’agit au canon 114 § 2, et cela pendant un temps assez long dont la durée sera fixée

par le droit particulier » (c. 1303 § 1, 2°). La personne juridique est préexistante. La

conséquence en est que ces fondations non autonomes ne sont pas elles-mêmes des personnes

juridiques.

Le fait que les biens sont donnés « de quelque façon », quoque modo, veut dire qu’ils peuvent

l'être par un acte inter vivos ou mortis causa.

Contrairement au CIC 17, elles ne peuvent donc pas être perpétuelles, en raison des

problèmes soulevés par l’appauvrissement progressif de ce genre de fondations avec

l’écoulement du temps, aggravé par les périodes d’instabilité monétaire, qui ont été

fréquentes, et parfois dramatiques, au XXe siècle.

La norme distingue les fondations pieuses non autonomes destinées à faire célébrer des

messes de celles qui visent à accomplir une des finalités du canon 114 § 2.

Les fondations pieuses non autonomes comportent cinq éléments51

: a) elles sont relatives à

une autre personne juridique et ne peuvent être faites qu’auprès d’une personne juridique

publique, qu’elle soit composée de personnes (un chapitre, une association de fidèles, etc.), de

choses (un lieu sacré), ou mixtes (paroisse, institut religieux) ; b) le mode de donation est

libre, « de quelque façon que ce soit », dit le canon 1303 § 1, 2° (c. 1047 § 1, 2° CCEO), par

actes entre vifs ou mortis causa (c. 1300 CIC 83 ; c. 1044 CCEO), ou par fiducie (c. 1302 CIC

83 ; c. 1046 CCEO) ou directement ; c) la personne juridique publique bénéficiaire doit

utiliser les biens reçus selon la volonté du donateur (c. 1300) ; d) ces charges sont d’abord des

actes de culte, messes ou « d’autres fonctions ecclésiastiques »52

, mais ce peut être aussi des

« œuvres de piété, d’apostolat, de charité spirituelle ou temporelle » (c. 114 § 2) ; e) le droit

particulier doit établir une certaine durée d’utilisation des revenus pour les charges fixées,

51

Cf. J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 244. 52

Le code indique ici ou là diverses fonctions ecclésiastiques : fonctions pontificales (c. 408 CIC 83 ; c. 216

CCEO), capitulaires (c. 510 § 3), paroissiales (c. 510 § 3, 558, 560 CIC 83 ; c. 306 § 1, 307 CCEO), des

fonctions liturgiques (c. 503, 567 § 2), sacrées (c. 436 § 3, 561, 562 CIC 83 ; c. 308, 309 CCEO) ou religieuses

(c. 555 § 1, 3° CIC 83 ; c. 278 § 1, 3° CCEO).

évoquée comme étant « un temps assez long ».

d) Les conditions de constitution d’une fondation pieuse.

1) L’autorisation de l’ordinaire. Les conditions de constitution concernent les fondations

pieuses non autonomes, puisqu’il revient à l’autorité ecclésiastique d’ériger les fondations

pieuses autonomes.

Une personne juridique ne peut accepter une fondation pieuse qu’après avoir reçu

l’autorisation écrite de l’ordinaire du lieu. Cette autorisation est requise pour la validité. Elle

peut être générale et antécédente, par exemple inscrite dans l’approbation des statuts ou de

l’acte de fondation. Si les circonstances ont changé, une approbation spécifique et particulière

sera alors nécessaire.

Par application du principe de subsidiarité, l’ordinaire et le droit particulier contrôlent

l’érection des fondations pieuses et la législation y afférente, conformément aux canons 1267

§ 2 et 1295 (c. 1016 § 3 et 1042 CCEO), ainsi qu’au devoir général de vigilance de l’ordinaire

(c. 1276 CIC 83 ; c. 1022 CCEO).

Cette autorisation ne concerne que les fondations pieuses non autonomes, et seule une

personne juridique publique peut accepter une fondation, qui est nécessairement non

autonome.

L’ordinaire ne la donnera qu’après s’être assuré que la personne juridique peut s’acquitter de

cette charge en plus de celles qu’elle remplit déjà et que les revenus de la fondation

correspondent exactement aux charges dont elle est grevée, selon la coutume de chaque lieu

ou région (c. 1304 § 1 CIC 83 ; c. 1048 § 2 CCEO). Autrement dit, l’ordinaire doit s’assurer

de deux points : a) la capacité de la personne juridique d’assumer les obligations de la

fondation, compte tenu des charges qu’elle remplit déjà et b) la capacité financière de la

fondation de couvrir ces obligations, selon la coutume de chaque lieu. Toutefois, si les

revenus ne suffisent pas à remplir les charges de la fondation, l’ordinaire peut procéder au

préalable à une réduction des charges, selon les canons 1308-1310 (c. 1052-1054 CCEO),

puis accorder l’autorisation. Selon le CIC 83, l’autorisation est requise ad validitatem.

Cette norme ne vise pas les fondations de messes, comme cela se déduit du canon 1307 (c.

1051 CCEO), qui mentionne un registre spécial pour les charges de messes, distinct de celui

des autres fondations pieuses.

2) Le refus de la fondation. La personne juridique destinataire peut refuser la fondation, par

exemple si les fins indiquées pour l’emploi des biens ne sont pas conformes à celles de la

personne juridique. Mais comme ces biens sont destinés d’une certaine façon à l’Église, il

sera raisonnable de consulter d’abord l’ordinaire pour que le refus ne soit pas dommageable

au patrimoine ecclésiastique.

Il appartient au droit particulier de déterminer les autres conditions de constitution et

d’acceptation des fondations (c. 1304 § 2 CIC 83 ; c. 1048 § 3). Ceci s’applique aussi aux

fondations pieuses autonomes, et permet une plus grande souplesse de la personne juridique

qui peut ainsi s’adapter à des conditions socio-économiques particulières, ainsi qu’aux

diverses législations civiles nationales.

3) Les annotations juridiques. Toute fondation, autonome ou non autonome, même faite de

vive voix, sera consignée par écrit (c. 1306 § 1). Autrement dit, la fondation peut être faite

oralement, et elle est alors valide. Cette condition n’est donc pas requise pour la validité, mais

c’est une mesure de prudence qui fournit un moyen de preuve et permet d’avoir une claire

détermination des charges. La mise par écrit semble s’imposer surtout dans le cas d’une

fondation que l’ordinaire doit autoriser par écrit (c. 1304 §1 CIC 83 ; c. 1048 § 2 CCEO).

Les registres prévus par els canons 1306-1307 comporteront : a) l’acte de fondation, avec

indication du jour et de la date de son acceptation et le placement utile du capital apporté ;

b) un tableau des charges s’imposant à celui qui doit accomplir la fondation ; c) les livres-

registres que le curé ou le recteur de l’église doit tenir53

.

Deux copies des actes de fondation, tant autonome que non autonome, seront conservées,

l’une dans les archives de la curie (à savoir la curie diocésaine ou celle du supérieur majeur de

l’institut de vie consacrée), l’autre dans les archives de la personne juridique concernée par la

fondation (c. 1306 § 2 CIC 83 ; c. 1050 CCEO). L’exemplaire déposé aux archives de la curie

diocésaine répond à la disposition du canon 1284 § 2, 9° (c. 1028 § 2, 8° CCEO), car les actes

fondent les droits de l’Église sur les biens de ces fondations.

e) L’administration d’une fondation pieuse

1) Conservation des biens. Afin de protéger dès le premier instant la fondation naissante, la

première mesure qui doit être prise est de déposer aussitôt dans un lieu sûr approuvé par

l’ordinaire les sommes d’argent et les biens meubles attribués à la fondation. Ils seront ensuite

placés au plus tôt dans l’intérêt de la fondation, « avec prudence et de façon utile, au jugement

prudent de l’ordinaire ». Celui-ci doit entendre d’abord les intéressés et son conseil pour les

affaires économiques. L’ordinaire ne désigne pas ce « lieu sûr », comme sous le régime du

CIC 17, mais doit simplement l’approuver. Mention expresse et détaillée des charges de la

fondation sera faite (c. 1305 CIC 83 ; c. 1049 CCEO).

2) Une bonne administration. Le canon parle de « sommes d’argent » et du « prix des biens

meubles ». Il semble donc que ces derniers doivent être vendus. Cependant, une bonne

administration peut conseiller de ne pas procéder immédiatement à leur vente et d’attendre

que les conditions du marché soient optimales. Il semble aller de soi qu’il ne convient pas de

vendre les entreprises agricoles, commerciales et industrielles qui forment partie du capital de

la fondation et dont les bénéfices sont destinés par le fondateur à accomplir les charges

pieuses54

.

La norme n’envisage pas les dons de biens immeubles, qui pourraient pourtant être effectués

au profit de fondations pieuses autonomes, pour en accroître le patrimoine. Il faudra recourir

alors au c. 115 § 3 sur les personnes juridiques comme ensemble de choses.

3) Tableau des charges et registres. En vue d’assurer le respect des volontés des donateurs et

des fondateurs, le tableau des charges à assumer « sera dressé et affiché bien en vue », pour

que les obligations à remplir ne soient pas oubliées (c. 1307 § 1 CIC 83 ; c. 1051 § 1 CCEO).

En plus du registre des offrandes de messes tenu par le curé (c. 958 § 1), le curé ou le recteur

de l’église ou d’une autre lieu pieu conservera un registre « dans lequel seront notées toutes et

chacune des charges, leur exécution ainsi que les offrandes » (c. 1307 § 2 CIC 83 ; c. 1051 § 2

CCEO). Il eût été utile de préciser ici qu’il s’agit de charges de messes, autres que les messes

manuelles consignées dans le registre du canon 958 § 1, charges de messes dont l’offrande

provient des revenus d’une fondation. L’offrande, encore appelée « honoraire », est souvent

de la même valeur que celle de la messe manuelle. En effet, en cas de réduction des charges

de messes (c. 1308 § 3 CIC 83 ; c. 1052 § 3 CCEO), c’est le montant en vigueur dans le

diocèse qui sera retenu. Le registre devra être présenté à l’ordinaire lors de sa visite pour

vérifier que les pieuses volontés sont correctement accomplies (c. 1301 CIC 83 ; c. 1045

CCEO). Les offrandes mentionnées au canon 1307 § 2 (c. 1051 § 2 CCEO) peuvent être

présentées quand la fondation prévoit des actes de charité, indépendant des actes du culte.

Le curé doit donc tenir les registres suivants : a) tableau des charges des fondations pieuses,

53

Cf. F. Aznar Gil, La administración de los bienes temporales de la Iglesia, op. cit., p. 152. 54

Cf. M. López Alarcón, sub c. 1305, CB, p. 1145.

s’il y en a (c. 1307 § 1 CIC 83 ; c. 1051 § 1 CCEO) ; b) registre des messes fondées (c. 1307 §

2 CIC 83 ; c. 1051 § 2 CCEO) ; c) registre des messes manuelles (c. 958 § 1) ; d) registre

personnel de célébrations reçues et célébrées (c. 955 § 4).

f) Les modifications des pieuses volontés

1) Les conditions de la modification. Le dernier canon du Livre V s’applique aussi bien aux

pieuses volontés en général qu’aux fondations pieuses, en donnant à l’ordinaire des facultés

pour en modifier les charges.

Le changement des circonstances économiques peut amener à modifier les pieuses volontés.

En dehors du cas des offrandes de messes, qui fait l’objet d’une disposition particulière, « si

l’exécution des charges imposées par la fondation est devenue impossible à cause de la

diminution des revenus ou pour un autre motif, sans aucune faute de la part des

administrateurs, l’ordinaire peut diminuer équitablement ces charges » (c. 1310 § 2 CIC 83 ;

c. 1054 § 2 CCEO). « Équitablement » veut dire que si plusieurs bénéficiaires sont

destinataires des revenus de la fondation, ils devront être affectés de façon proportionnelle par

la diminution des charges. La norme énumère trois facteurs de l’impossibilité d’exécution des

charges imposées : a) des motifs financiers, les revenus diminuant ou se tarissant, ou les biens

de la fondation ayant disparu, etc. ; b) d’autres motifs, d’ordre personnel ou circonstanciel,

comme l’absence de personnes en mesure de remplir les charges, la disparition du

bénéficiaire, l’incapacité de mettre en œuvre les normes imposées par la réglementation

civile, etc. ; c) la non imputabilité à l’administrateur de la fondation de l’impossibilité

d’exécuter les charges. L’ordinaire entendra au préalable les intéressés, c’est-à-dire le

fondateur ou ses héritiers et les représentants de la personne juridique dont dépend la

fondation, et le conseil pour les affaires économiques.

2) Réduction, modération, commutation. Mais pour que l’ordinaire diminue les charges, il faut

que le fondateur lui en ait expressément donné le pouvoir et qu’il y ait « une cause juste et

nécessaire » pour procéder à la réduction, la modération ou la commutation des volontés des

fidèles (c. 1310 § 1 CIC 83 ; c. 1054 § 1 CCEO). La réduction consiste en une diminution des

actes à charge de la fondation, mais sans en modifier la nature. La modération est une

disposition sur un aspect accessoire de la pieuse volonté, par exemple changer des messes

chantées par des messes récitées. La commutation consiste à remplacer une charge par une

autre, par exemple la charge de donner des aumônes à des nécessiteux par celle d’aider une

œuvre d’assistance.

L’ordinaire doit d’abord entendre les intéressés et son conseil pour les affaires économiques.

Il doit préserver « très soigneusement » la volonté du fondateur (c. 1310).

3) L’intervention du Siège apostolique. Le recours au Siège apostolique n’étant prévu que

dans les autres cas (c. 1310 § 3 CIC 83 ; c. 1054 § 3 CCEO), nous avons ici une application

du principe de subsidiarité. L’on recourra au Siège apostolique, par exemple, en cas de

suppression des charges de la fondation, par disparition des biens de celle-ci ou du

bénéficiaire. Ceci n’exclut pas qu’il soit possible d’adresser un recours hiérarchique contre

tout décret de modification de charges, recours qui est adressé à la congrégation pour le

Clergé. Le saint-siège remplit cette fonction par le biais de la Pénitencerie apostolique pour le

for interne et, pour le for interne, selon les cas par la congrégation pour les Eglises orientales,

la Congrégation des évêques pour les diocèses ou la congrégation du clergé ; la congrégation

des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique pour les membres de la vie

consacrée ; la congrégation pour l’enseignement catholique pour les biens appartenant à des

établissements d’enseignement catholique ; la congrégation pour l’évangélisation des peuples

pour les pays de mission.

g) L’extinction d’une fondation

« La personne juridique est, par sa nature, perpétuelle » (c. 120 § 1 CIC 83 ; c. 927 § 1

CCEO). C’est le cas de la fondation pieuse autonome. Elle s’éteint donc comme toute

personne juridique, par suppression légitime effectuée par l’autorité compétente ou par

inactivité pendant une période de cent ans. L’inactivité peut résulter du fait que les finalités

poursuivies sont atteintes, ou que les biens dont la fondation est dotée ont été détruits, ou

encore qu’ils ont perdu toute valeur.

Dans le cas des fondations pieuses non autonomes, une fois écoulé le délai prévu par le ou les

fondateurs selon le canon 1303 § 1, 2° (c. 1047 § 1, 2° CCEO), délai qui doit s’inscrire dans

la période de « temps assez long »55

définie par le droit, la fondation s’éteint. Les biens qui

subsistent doivent alors être affectés à l’organisme prévu au canon 1274 § 1 (c. 1021 § 1

CCEO) destiné à assurer la subsistance du clergé, s’ils ont été confiés à une personne

juridique soumise à l’évêque diocésain et si le fondateur n’a pas manifesté une autre volonté

expresse. Car toute volonté manifestée par le fondateur devra être respectée. Dans les autres

cas, ces biens reviennent à la personne juridique elle-même (c. 1303 § 2 CIC 83 ; c. 1047 § 2

CCEO). L’affectation à un bénéficiaire expressément désigné par le donateur ressemble à la

fiducie, à ceci près que la fiducie est assumée par une personne physique, en tant que

personne privée et non au titre de son office, tandis que la fondation non autonome est faite

auprès d’une personne juridique publique.

6) Les charges de messes

a) La réduction des charges de messes. Le canon 1308 règle la question de la réduction des

charges de messes, c’est-à-dire la modification d’une volonté pieuse consistant à diminuer le

nombre de charges sans en changer la nature, et ce, par exception au principe général du

canon 1300 (c. 1044 CCEO) sur l’accomplissement des pieuses volontés. C’est pourquoi la

réduction ne peut intervenir que « pour une cause juste et nécessaire » et « est réservée au

Siège apostolique » (c. 1308 § 1 CIC 83 ; c. 1052 § 1 CCEO), habituellement par

l’intermédiaire de la congrégation pour le clergé56

, en dehors des cas envisagés par ce même

canon. La pratique est de ne pas déclarer éteinte une fondation tant que les revenus permettent

de célébrer au moins une messe par an.

Il est évidemment question ici des charges faisant l’objet d’une fondation. Les messes

manuelles sont exécutées habituellement dans de brefs délais qui ne les soumet pas aux aléas

économiques.

Si les actes de fondation le prévoient expressément, l’ordinaire peut réduire les charges de

messes en raison de la diminution des revenus y afférents (c. 1308 § 2 CIC 83 ; c. 1052 § 2

CCEO). Il suffit que l’ordinaire fasse inclure cette clause au moment d’autoriser une

fondation pieuse (c. 1304 § 1 CIC 83 ; c. 1048 § 2 CCEO). Cependant, en vertu des

paragraphes 3 et 4 du même canon 1308, l’ordinaire peut réduire les charges même si le

fondateur ne l’a pas prévu, par des instructions spéciales relatives à l’administration (c. 1276

§ 2 CIC 83 ; c. 1022 § 2 CCEO).

L’évêque diocésain peut réduire les obligations en proportion du tarif des offrandes en vigueur

dans le cas de messes fondées par legs autonome ou autrement qui possèdent leurs propres

fonds, et ce si nul n’est tenu de compléter l’offrande ou ne peut y être « efficacement

contraint » (c. 1308 § 3 CIC 83 ; c. 1052 § 3 CCEO). Pour les dispositions mortis causa, les

55

Mais qui n’est plus in perpetuum. 56

Ce peut être aussi, selon les cas, par le biais de la congrégation pour les Évêques, de la congrégation pour les

Églises orientales, de la congrégation pour les Religieux et les instituts séculiers, de la congrégation pour

l’Évangélisation des peuples ou de la congrégation pour l’Éducation catholique.

héritiers doivent être avertis de leur obligation d’accomplir la volonté du testateur (c. 1299 § 2

CIC 83 ; c. 1043 § 2 CCEO).

Dans le cas de legs non autonome, si les revenus ne suffisent plus pour atteindre les fins

propres, l’évêque diocésain réduira les charges de messes (c. 1308 § 4 CIC 83 ; c. 1052 § 4

CCEO), par exemple dans le cas d’une « confrérie pour l’assistance des malades qui n’aurait

pas l’argent nécessaire pour payer les frais d’hôpital de ses assistés »57

.

Ces mêmes pouvoirs appartiennent au modérateur suprême d’un institut religieux (c. 1308 § 5

CIC 83 ; c. 1052 § 5 CCEO).

Les offrandes et les charges de messes ne sont pas soumises à la prescription (c. 199, 5° CIC

83 ; c. 1542, 5° CCEO).

Selon le canon 1012 du CCEO, les offrandes reçues à l’occasion de la célébration de la Divine

Liturgie ne sont pas soumises à l’impôt diocésain. Cependant certains diocèses ont institué un

impôt sur ces offrandes58

.

b) Le transfert des charges de messes. L’autorité qui peut intervenir pour réduire les charges

de messes peut aussi en transférer la célébration à des jours, en des église ou à des autels

autres que ceux qui sont déterminés dans les actes de fondation, pourvu qu’il y ait une cause

proportionnée pour agir de la sorte (c. 1309 CIC 83 ; c. 1059 CCEO), ce qui peut être le cas

« des mouvements migratoires actuels de la population, des changements dans les fêtes, du

régime des horaires et d’autres raisons semblables en rapport avec la transformation actuelle

de la société »59

. L’intervention de l’autorité pour la réduction des charges est donc une

« cause juste et nécessaire » (c. 1308 § 1), alors que pour les modifications de ces mêmes

charges il faut « une cause proportionnée »60

. Et ce parce que l’extinction et la réduction

atteignent l’essentiel de l’obligation alors que la modification et la commutation ne portent

que sur les modalités ou les circonstances existentielles.

Le transfert peut être temporel ou local. Il est local à l’intérieur de la même église : les messes

qui devaient être célébrées par fondation dans une chapelle ou à un autel déterminé seront

célébrées dans une autre chapelle ou à un autre autel ; ou encore quand les charges sont

transférées d’une église à une autre, même si cette dernière appartient à une autre personne

juridique, pourvu que les deux se trouvent sous la juridiction du même ordinaire qui transfère

les charges.

B) Les offrandes volontaires demandées

Les offrandes demandées sont un deuxième type d’offrandes volontaires. Elles sont

constituées par les différentes quêtes ordinaires ou spéciales, et par les demandes d’aumônes.

a) Les quêtes. Elles se divisent en collectes ordinaires et collectes spéciales. Elles peuvent

être très variées, mais sont « toujours faites in nomine Ecclesiæ et très souvent au cours de la

célébration liturgique »61

.

1) Les collectes ordinaires. Les collectes ordinaires sont le mode habituel et courant pour les

fidèles d’aider l’Église par des « contributions demandées » (c. 1262). L’Église peut se

tourner vers tous les fidèles pour leur demander une aide financière. Nous avons vu que le

devoir fondamental du canon 222 pèse sur tous.

C’est ce devoir que l’évêque diocésain doit « urger » de manière opportune (c. 1261 § 2). Une

57

J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 98. 58

Cf. F. G. Morrisey, O.M.I., « Acquiring Temporal Goods for the Church’s Mission », StCan 56 (1996), p. 595. 59

T. Garcia Barbarena, cité par J. M. Vázquez García-Peñuela, sub c. 1309, ComEx, vol. IV/1, p. 217. 60

Cette différence ne se retrouve pas en droit oriental, c. 1052 et 1053 CCEO. 61

L. Navarro, « L’acquisto dei beni temporali. Il finanziamento della Chiesa », loc. cit., p. 47.

manière opportune peut être précisément d’organiser une collecte. Mais « l’on déduit

facilement de la teneur du canon le caractère extraordinaire de ce type de collectes

demandées, qui comporte certainement un usage modéré de cette faculté par l’évêque »62

.

Ce canon 1262 est nouveau par rapport au CIC 17. Il autorise la conférence des évêques à

édicter des normes concernant les contributions demandées (c. 1262), ce qui permet d’assurer

une coordination entre la conférence des évêques et les différents évêques en matière

patrimoniale. C’est le mode de financement que l’Église préfère, comme cela appert du fait

que la commission de révision du code a décidé de placer ce canon avant ceux sur les divers

impôts que l’évêque diocésain peut décider de lever (c. 1263-1264 CIC 83 ; c. 1012-1013

CCEO)63

. Il serait possible de faire rentrer dans ces subventiones rogatas les impôts qui

existent dans certains pays en faveur de l’Église, et qui sont déterminées par la loi civile64

.

Des collectes peuvent ainsi être organisées à l’échelon national, par exemple pour les

vocations, pour les séminaires et les écoles catholiques, pour les missions, etc. Mais le

pouvoir de la conférence des évêques a été limité, pour ne pas porter atteinte aux compétences

légitimes des évêques diocésains65

, et n’a trait qu’à la coordination de l’action des différentes

Églises particulières d’une même région. Si la conférence peut décider de quêtes impérées,

elle ne peut pas organiser la façon de répartir les sommes collectées, tâche qui est du ressort

des organismes bénéficiaires. Ce genre de collectes s’étend à toutes les églises et oratoires

habituellement ouverts au public, même s’ils appartiennent à des instituts de vie consacrée.

En France. Pour la France, en dehors du droit de l’évêque de prescrire une quête selon le

canon 1266 (c. 1014 CCEO), « et du droit particulier concernant les quêtes faites aux

mariages et aux obsèques, les quêtes et offrandes faites aux messes les dimanches et jours de

fête dans les églises et chapelles paroissiales d’un diocèse sont destinées aux paroisses, et ne

peuvent être affectées à une autre personne juridique ou à une autre œuvre d’Église, sans le

consentement ou la demande expresse de l’ordinaire.

Pour les quêtes faites par les missionnaires, on tiendra compte à la fois du c. 1265 § 1 et du

document sur les ‘Quêtes faites par les missionnaires de passage en France’ approuvé par la

conférence des évêques français lors de son Assemblée plénière de novembre 1974 et cité en

annexe66

.

On ne peut faire, à l’occasion d’une célébration liturgique, dans les églises et les chapelles

paroissiales, sans l’autorisation de l’ordinaire, une quête destinée à une œuvre culturelle ou

philanthropique.

Le curé veillera à informer les fidèles de la destination des quêtes qui sont faites, et il leur en

rendra compte en temps opportun, conformément au c. 1287 § 2 »67

.

2) Les collectes spéciales. Les collectes spéciales sont visées par le canon 1266 (c. 1014

CCEO). Ce canon, et c’est une innovation par rapport au CIC 17, permet à l’évêque diocésain

d’ordonner une quête spéciale « pour des projets paroissiaux, diocésains, nationaux ou

universels déterminés » « dans toutes les églises et oratoires, même appartenant à des instituts

religieux qui sont de fait habituellement ouverts aux fidèles ». Concernant les instituts

religieux, ce droit d’intervention de l’évêque diocésain est une application du canon 678 § 1

(c. 415 § 1 CCEO) qui lui soumet les religieux « en ce qui concerne le soin des âmes,

l’exercice public du culte divin et les autres œuvres d’apostolat ». S’agissant d’une quête qui

62

Comm 12 (1980), p. 405. 63

Cf. Comm 15 (1984), p. 28-30. 64

Cf. Comm 15 (1984), p. 29. Cf. chap. VIII. 65

Cf. Comm 12 (1980), p. 391 ss. 66

Cf. CB, p. 1899-1900. 67

Texte dans CB, p. 1899.

concerne des besoins extraordinaires, l’ordinaire n’y aura recours qu’avec modération68

.

Si l’ouverture des lieux de culte des instituts religieux aux fidèles était occasionnelle, le droit

de l’évêque cesserait. Le produit de la collecte doit être envoyé « soigneusement » à la curie

diocésaine.

Ces quêtes, que l’on qualifie d’impérées, car commandées par l’autorité, ne devraient pas être

trop fréquentes, puisqu’il s’agit de « collectes spéciales », non de collectes ordinaires. Une de

ces collectes spéciales est celle que chaque diocèse est invité à envoyer chaque année au saint-

siège pour les missions (c. 791, 4°).

3) Une offrande diocésaine.

- Nature de l’offrande. Un dernier type d’offrande demandée est une offrande demandée non

aux fidèles en tant que tels mais aux diocèses. Un cas particulier d’acquisition des biens est la

contribution des diocèses en faveur du Siège apostolique prévue par le canon 127169

« en

raison du lien de l’unité et de la charité ». Saint Paul faisait déjà appel à cette « péréquation »

des ressources : « Il n’y a pas à vous mettre dans la gêne pour soulager autrui ; mais le

principe d’égalité veut, dans la circonstance présente, que ce que vous avez en trop supplée à

ce qui leur manque » (2 Corinthiens 8, 13-14). Les évêques sont invités à fournir au Siège

apostolique, en fonction des ressources de leur diocèse, « les moyens dont il a besoin, selon

les conditions du temps, pour bien remplir son service envers l’Église tout entière ». Mais il

n’est pas question de taxation des diocèses plus riches en faveur des plus pauvres.

- Les sources de la norme. Cette norme était absente du CIC 17. Elle a pour sources d’abord

Lumen gentium, n° 23, où il est dit que les Églises particulières sont formées « à l'image de

l'Église universelle ; et c'est dans toutes ces Églises particulières et par elles qu'est constituée

l'Église catholique, une et unique », moyennant quoi chaque évêque est tenu à une sollicitude

particulière pour l’ensemble des Églises : « Chaque évêque donc, pour autant que le permet

l'accomplissement de sa charge particulière, est tenu de collaborer (conferant) avec ses

semblables et avec le successeur de Pierre, auquel tout spécialement fut confiée la charge

suprême de propager le nom chrétien. De toutes leurs forces les évêques doivent procurer aux

missions, non seulement des ouvriers, mais aussi les secours spirituels et matériels aussi bien

directement par eux-mêmes qu'en suscitant de la part des fidèles une fervente coopération »

(LG, n° 23/c). Cette contribution est fonction des ressources des diocèses.

L’autre source est le Directoire sur le ministère pastoral des évêques, nos

46-49 et 138, c’est-à-

dire la partie qui traite de la coopération, sous la direction du saint-siège, à l’évangélisation

des peuples, envers les Églises persécutées ou manquant gravement de clergé, dans les

questions œcuméniques, et avec les organismes internationaux pour la paix et la justice dans

le monde, ainsi que de l’entraide matérielle aux diocèses pauvres et aux œuvres de charité et

d’apostolat, le Siège apostolique étant nommément cité ici.

Cette coopération financière reçoit souvent le nom de « denier de Saint-Pierre », que le saint-

siège recouvrait depuis le XIIIe siècle sur les États vassaux ou à lui soumis, denier que le

souverain prélevait le jour de la Saint-Pierre70

. Elle est une expression de la collégialité des

évêques envers la mission universelle de l’évêque de l’Église de Rome, collégialité à laquelle

fait également appel le canon 1274 § 3 (c. 1021 § 3 CCEO). Le terme utilisé – conferant –

montre qu’il s’agit, non d’une exhortation, mais d’une obligation, qui peut être rattachée au

devoir fondamental du canon 222 § 1.

68

Cf. Comm 12 (1980), p. 405. 69

Absent du CCEO. 70

Cf. C. Daux, L’obolo di San Pietro ; origini, ragioni e convenienza,Rome, 1909 ; E. Miragoli, « L’obolo di

San Pietro tra le esigenze delal carità e dell’amministrazione (c. 1271) », QDE 5 (1992), p. 67-77.

- Le montant de la contribution. Il est habituel que des quêtes soient organisées chaque année

dans les diocèses pour les besoins du Siège apostolique et pour des œuvres pontificales

déterminées, comme les œuvres pontificales missionnaires.

Aucun montant fixe n’est arrêté, même si cela pourrait être préférable à l’offrande volontaire,

car cela permettrait d’établir un budget prévisionnel moins aléatoire. Cependant la

contribution du diocèse ne se limitera pas nécessairement au produit de la quête, car elle doit

être proportionnée aux ressources du diocèse. Les diocèses sont également invités à fournir à

la Congrégation pour l’évangélisation des peuples une somme proportionnelle à leurs revenus

pour « pourvoir aux multiples situations auxquelles cette Congrégation est appelée à faire

face, en dehors des engagements ordinaires prévus par les Œuvres pontificales

missionnaires », obligation que rappelle le canon 791, 4°71

.

« Même si rien n’est dit aux canons 399 et 400, la coutume très ancienne et presque

universelle fait coïncider un apport aux besoins du Siège apostolique avec la visite ad

limina »72

.

Aliéner les trésors artistiques du Saint-Siège est une solution impraticable dans les faits.

b) Les aumônes

1) Les demandes d’aumône.

- Les conditions de la demande d’aumônes. Le demande d’aumône, stipem cogere dit le code

(c. 1265 § 1)73

, est traditionnelle dans l’Église. Mais elle soumise à certaines conditions. La

première est qu’elle doit être autorisée par écrit et par l’ordinaire propre du quêteur et par

l’ordinaire du lieu. A défaut de ces autorisations, elle est interdite à toute personne physique

ou juridique.

En second lieu, la quête doit porter sur une « fin pieuse ou ecclésiastique ». Ceci exclut donc

toute finalité non catholique, comme, par exemple, la quête qui a lieu pour la Croix Rouge sur

la voie publique, ou pour des associations culturelles ou sociales. Ces institutions ne peuvent

recueillir des fonds dans l’église, généralement sur le parvis à la sortie de la messe, qu’avec

l’autorisation du curé, qui doit veiller « à ce que rien ne soit fait qui ne convienne pas de

quelque manière à la sainteté de Dieu et au respect de la maison de Dieu » (c. 562 CIC 83 ; c.

309 CCEO).

De plus, l’expression stipem cogere, reprise du canon 1503 CIC 17, est comprise par la

doctrine comme portant sur une collecte faite personnellement de vive voix, notamment par

du porte à porte. L’interdiction ne porte donc pas sur la demande adressée à un groupe

restreint de personnes, ni sur les collectes effectuées au moyen de circulaires ou par voie de

presse.

Afin d’éviter que les biens ainsi collectés ne soient administrés personnellement par ceux qui

les ont levés sans les remettre à l’autorité ecclésiastique, il conviendra que les modalités de

leur administration soient très clairement déterminées à l’avance74

.

- L’autonomie privée. « Par ailleurs, il convient de veiller, dans ce domaine aussi, au respect

de l’autonomie privée des fidèles, que l’ecclésiologie conciliaire a admirablement mis en

relief75

. Ceux-ci sont libres de prendre des initiatives et de soutenir des activités de leur choix,

y compris financièrement »76

, et nul ne devrait en prendre ombrage dans l’Église. Ne sont pas

concernées par la norme, cela va sans dire, les collectes faites par envoi en nombre, par appels

71

Circulaire aux présidents des conférences des évêques, 22 février 1976. 72

L. de Echevarria, sub c. 1271, CIC, traduction de Salamanque. 73

Le CCEO utilise une expression plus large, « eleemosynas colligere » (c. 1015). 74

Cf. F. G. Morrisey, O.M.I., « Acquiring Temporal Goods for the Church’s Mission », StCan 56 (1996), p. 597. 75

Cf. AA 7-8 ; c. 215-216. 76

J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens…, op. cit., p. 130.

radiophoniques, télévisés ou sur l’internet, ou à l’occasion de kermesses et d’autres ventes. La

norme ne s’applique pas non plus à la mendicité pour sa propre subsistance.

Cette autorisation de l’ordinaire vaut reconnaissance du droit et du devoir fondamentaux des

fidèles « de promouvoir et de soutenir une activité apostolique, même par leurs propres

entreprises » (c. 216 CIC 83 ; c. 19 CCEO)77

, ce qu’ils doivent faire dans le respect de la

communion ecclésiale (c. 209 CIC 83 ; c. 12 CCEO)78

.

L’interdiction de quêter sans autorisation atteint les personnes privées, tant physiques que

juridiques. Elle vise à réguler les demandes financières et à s’assurer qu’aucune demande

n’est formulée au détriment des œuvres de charité, de piété et d’apostolat du lieu.

Les personnes juridiques publiques, elles, n’ont pas besoin d’autorisation. Elles peuvent

demander de l’argent sans que l’évêque ait un mot à dire. Le curé, par exemple, est libre

d’adresser une telle demande à ses fidèles79

. Le diocèse, un institut religieux ou un institut

séculier peut en faire autant.

- Les ordres mendiants. Le canon 1265 § 1 exclut nommément les ordres mendiants de la

demande d’autorisation : ils ont par eux-mêmes un droit à quêter reçu une fois pour toutes80

.

Par « ordre mendiant », il faut entendre ceux qui ne peuvent pas posséder de biens, ni

individuellement ni collectivement. C’est le cas des frères mineurs et des carmes, des frères

prêcheurs et des augustins. L’Annuario Pontificio mentionne d’autres ordres mendiants plus

récents : trinitaires, mercédaires, servites, minimes, hospitaliers de Saint-Jean de Dieu et

bethlémites.

Les membres des instituts religieux qui ne sont pas des ordres mendiants au sens strict, s’ils

agissent à titre personnel sont alors des personnes privées et sont donc soumis à la double

autorisation préalable de ce canon 1265. Le m.p. Ecclesiæ Sanctæ dispose que « les religieux

ne doivent pas recueillir de dons par des souscriptions publiques sans le consentement des

ordinaires des lieux où ces dons sont recueillis »81

. Si ces instituts religieux agissent par le

truchement de leurs représentants légitimes, ils ne sont pas soumis à l’autorisation de

l’ordinaire puisqu’ils agissent alors en tant que personnes juridiques publiques de l’Église.

Mais le canon 1265 § 1 précisent qu’en dehors de cette autorisation donnée à des ordres

mendiants de quêter, « il est interdit à toute personne privée physique ou juridique de faire la

quête pour toute institution ou fin pieuse ou ecclésiastique, sans la permission écrite de son

Ordinaire propre et de l’Ordinaire du lieu ». Une interprétation trop littérale de la teneur de

cette norme pourrait laisser croire qu’il est interdit à quiconque de s’adresser à d’autres fidèles

pour le solliciter financièrement. Mais, « si l’on tient compte du droit d’initiative apostolique

du fidèle et de l’opinion traditionnelle de la doctrine (selon laquelle ‘par quête l’on entend la

demande faite personnellement de vive voix, de porte à porte, pour recueillir des offrandes

pour une institution ou un fin religieuse ecclésiastique’82

), il faut distinguer entre les

sollicitations faites de façon indiscriminée auprès de personnes inconnues, de porte à porte,

adressées par conséquent à de vastes secteurs, des demandes de contribution adressées à des

personnes connues (parents, amis, membres de la même association, etc.) »83

.

La norme du canon 1265 § 1 ne s’applique pas aux personnes juridiques publiques, qui n’ont

pas besoin d’autorisation pour agir dans le domaine de leurs compétences et de leurs fins.

77

Cf. D. Le Tourneau, Droits et devoirs fondamentaux, nos

142-145. 78

Cf. Ibid., nos

76-88. 79

Cela n’est pas précisé dans le code, car le curé n’est pas une personne privée : cf. Comm 12 (1980), p. 404. 80

Que le c. 1015 CCEO ne mentionne pas. 81

M.p. Ecclesiæ Sanctæ, I, n° 27 § 2, 6 août 1966. 82

M. Morgante, L’amministrazione dei beni temporali della Chiesa, Casale Monferrato, 1993, p. 41. 83

L. Navarro, « L’acquisto dei beni temporali. Il finanziamento della Chiesa », loc. cit., p. 49.

2) L’intervention de la conférence des évêques

« La conférence des évêques peut établir des règles concernant l’organisation des quêtes. »

Cette disposition a été prise pour parer à des abus éventuels84

. La faculté a été attribuée aux

conférences des évêques par le motu proprio Ecclesiæ Sanctæ, de Paul VI, en date du 6 août

1966, Ie partie, n° 27.

Ces règles devront être observées par tous, y compris par les membres des ordres mendiants

(c. 1265 § 2), qui « sont appelés » tels et le « sont », souligne le canon. Cette précision veut

englober tous les ordres mendiants existants et les nouvelles fondations à venir faisant vœu de

pauvreté de la même façon. Ce nonobstant, le droit desdits ordres mendiants de quêter sans

autorisation reste entier. Les règles édictées par la conférence des évêques portent sur

l’organisation des collectes plus que sur les quêteurs eux-mêmes85

.

c) Les taxes

1) Les taxes en général. Les taxes envisagées ici sont des taxes administratives, c’est-à-dire

des prestations financières dues par les fidèles lorsqu’ils recourent à certains services

administratifs de l’Église, à tous les échelons de l’organisation administrative, diocésain,

provincial, régional, universel. Elles correspondent à une contre-prestation. Elles se

distinguent donc des impôts, dont il sera question plus avant en ce sens qu’elles comportent

malgré tout un caractère volontaire découlant de la demande de service.

Les offrandes de messes, dont il a déjà été question, n’entrent pas dans ce concept de taxe.

Les offrandes faites par les fidèles à l’occasion de l’administration des sacrements et des

sacramentaux ne sont pas des taxes, mais, comme nous l’avons vu, des offrandes volontaires.

2) Les taxes administratives. Ces taxes ecclésiastiques sont de nos jours réduites à deux

domaines : les actes du pouvoir ecclésiastique en matière gracieuse86

et l’exécution des

rescrits du saint-siège (cf. c. 1264) accordant une grâce, un privilège, une dispense, etc.87

C’est l’assemblée des évêques de la province ecclésiastique qui fixe le montant des taxes

« pour les actes du pouvoir exécutif en matière gracieuse ou pour l’exécution des rescrits du

Siège apostolique », montant que « le Siège apostolique devra approuver » (c. 1264, 1° CIC

83 ; c. 1013 § 1 CCEO)88

.

3) Les taxes judiciaires. Les taxes judiciaires ne sont volontairement pas mentionnées dans le

canon 126489

. Elles sont réglées par le canon 1649 (c. 1335 CCEO), aux termes desquels

l’évêque diocésain, là où il existe un tribunal ecclésiastique diocésain, ou l’évêque modérateur

quand le tribunal est interdiocésain, fixe les frais judiciaires, le montant des honoraires des

procureurs, avocats, experts et traducteurs et l’indemnisation des témoins, l’assistance

judiciaire gratuite et la réduction des frais, les dommages intérêts éventuels, la provision ou la

caution pour les frais du procès et les dommages à réparer. La taxe sera versée à l’organe qui

intervient.

d) Les impôts diocésains90

84

Cf. Comm 12 (1980), p. 404-405. 85

La rédaction du canon a évolué en ce sens : cf. Comm 12 (1980), p. 404. 86

C. 135-142 CIC 83 ; c. 985-992 CCEO. 87

C. 59-75 CIC 83. 88

Le CCEO invite à veiller à ce qu’une même règle soit établie d’un commun accord en matière de taxes et

d’offrandes entre les patriarches et les évêques éparchiaux d’une Église de droit propre qui exercent leur pouvoir

dans le même territoire (c. 1013 § 2). 89

Cf. Comm 12 (1980), p. 404. 90

Cf. M. D. Cebriá García, « Los tributos en el ordenamiento canónico. Su praxis », Collectif, Escritos en honor

de Javier Hervada, IC, volumen especial, Pampelune, 1999, p. 445-458 ; J. Miñambres, « Il tributo diocesano

1) Les impôts diocésains en général.

- Impôt et taxe. La différence de l’impôt d’avec la taxe est qu’il s’agit d’une contribution

demandée par l’autorité ecclésiastique aux fidèles sans contre-prestation directe de leur part.

Le droit de lever des impôts est inclus dans le « droit inné » de l’Église « d’exiger des fidèles

ce qui est nécessaire à ses fins propres » (c. 1260 CIC 83 ; c. 1011 CCEO) ; il est donc

indépendant du pouvoir civil. Ce droit s’exerce ad intra, dans l’ordre intra ecclésial, et non

plus ad extra, comme dans le cas du canon 1259 (c. 1010 CCEO).

Ce droit de l’Église se fonde sur le fait que les fidèles sont membres de l’Église et ont donc le

devoir, un devoir fondamental (c. 222 § 1 CIC 83 ; c. 25 § 1 CCEO), de subvenir à ses

besoins. Mais les rédacteurs du code ont refusé de suivre la proposition de faire une mention

explicite de ce devoir dans le canon. Il a été également souligné que l’expression « exiger des

fidèles » pouvait donner l’impression d’une certaine coercition et d’une menace de sanctions

éventuelles. Le texte a cependant été maintenu en l’état91

.

- Les traits communs. Trois types d’impôt sont prévus : l’impôt ordinaire, l’impôt

extraordinaire et l’impôt pour le séminaire. Ils présentent des traits communs :

* l’autorité compétente pour les établir est l’évêque diocésain ;

* la contribution est demandée avec un caractère général, c’est-à-dire qu’elle ne vise pas des

personnes concrètes ;

* l’impôt se cantonne au niveau diocésain ;

* l’impôt doit tenir compte des besoins réels du diocèse et de la capacité effective des sujets ;

* il porte sur les revenus des personnes, non sur leur patrimoine.

2) L’impôt diocésain ordinaire

L’évêque diocésain a le droit « de lever pour les besoins du diocèse92

, sur les personnes

publiques soumises à son gouvernement, un impôt modéré, proportionnel à leurs revenus » (c.

1263 CIC 83 ; c. 1012 § 1 CCEO). La doctrine retient que les « besoins du diocèse » en

question sont « les besoins ordinaires, c’est-à-dire ceux auxquels il faut faire face pour que le

diocèse puisse remplir correctement sa mission ecclésiale »93

. C’est un impôt qualifié

d’ordinaire ; car il présente la caractéristique de la permanence. Ce droit n’est pas un droit

subjectif du titulaire de l’office, mais est attaché à celui-ci94

. Son objet est de redistribuer les

revenus entre des personnes juridiques qui ont la même finalité (cf. c. 1254) et qui vivent dans

le même contexte « social ». Il est « un moyen de garantir la possibilité d’affronter les

dépenses ordinaires nécessaires à la coordination des activités pastorales par l’évêque,

activités qui sont ensuite réalisées principalement par les personnes juridiques soumises à

l’impôt ; c’est une façon concrète de réaliser une certaine péréquation entre les diverses

réalités soumises au soin de l’évêque »95

.

Il s’agit ici : a) d’une contribution générale stable aux besoins du diocèse ; b) dont

l’imposition est décidée par décret de l’évêque diocésain, décret qui indique le plus

précisément possible sa signification, les personnes concernées et le montant sollicité ;

come strumento di governo », L’esercizio dell’autorità nella Chiesa. Riflessioni a partire dall’esortazione

apostolica ‘Pastores gregis’, a cura di A. Cattaneo, Venise, Marcianum Press, 2005, p. 121-135. 91

Cf. Comm 12 (1980), p. 400. 92

« Dans la mesure où cela est nécessaire au bien de l’éparchie », dit le c. 1012 § 1 CCEO. 93

J. Miñambres, « Il tributo diocesano come strumento di governo », loc. cit., p. 133. 94

Ce ne peut devenir un droit de l’évêque diocésain “que s’il a une conception ‘objective’ des droits, s’il

comprend le pouvoir et son exercice dans l’Église comme un service et s’il met bien en relation les termes des

rapports de justice qui naissent de l’imposition de l’impôt » (J. Miñambres, « Il tributo diocesano come

strumento di governo », loc. cit., p. 125. 95

J. Miñambres, « Il tributo diocesano come strumento di governo », loc.cit., p. 129.

c) décision qui requiert l’avis du conseil presbytéral (avis prudentiel) et du conseil diocésain

pour les affaires économiques (avis purement technique) ; d) et qui doit préciser la périodicité,

les délais, les finalités, les modes de versement, les exemptions ; e) il porte sur les personnes

juridiques publiques soumises à la juridiction de l’évêque ; f) il doit être proportionné aux

ressources et à la capacité patrimoniale de chaque personne juridique. L’évêque diocésain

agira avec prudence et modération.

Cette contribution générale est motivée par les besoins du diocèse et ne peut frapper que les

personnes juridiques publiques soumises au gouvernement de l’évêque diocésain, personnes

qu’il devra déterminer avec précision. Sont donc exclus du domaine d’application de ce canon

les personnes juridiques publiques qui ne dépendent pas de l’évêque diocésain, ce qui est le

cas des instituts religieux de droit pontifical96

, des sanctuaires nationaux et internationaux. En

sont exclues bien sûr les personnes physiques et les personnes juridiques privées, puisque ce

ne sont pas des biens ecclésiastiques. D’ailleurs « le fait que ces biens ne soient pas pris en

compte pour l’impôt ordinaire confirme la thèse selon laquelle l’impôt n’est pas un moyen de

financement de l’Église mais plutôt une façon d’effectuer une redistribution de titularité entre

les biens déjà ecclésiastiques »97

.

Jusqu’à quel point les fidèles sont-ils tenus de verser l’impôt diocésain ? S’agissant, nous

l’avons dit, d’un impôt motivé par l’obligation générale de subvenir aux divers besoins du

diocèse, le non accomplissement de cette obligation pourrait être typifié en tant que délit de

désobéissance, la sanction du canon 1371 s’appliquant alors98

.

96

Mais les paroisses confiées à des instituts religieux ont une personne juridique différente de la leur et ne sont

donc pas exemptes de l’impôt diocésain. 97

J. Miñambres, « Il tributo diocesano come strumento di governo », loc. cit., p. 132. 98

Cf. F. Aznar Gil, La administración de los bienes temporales de la Iglesia, op. cit., p. 97.

Le conseil pontifical des Textes législatifs a été saisi au nom de la Conférence nationale des

supérieurs majeurs de religieux d'un pays déterminé, dont l'archevêque avait fait une

application large du canon 1263, soumettant à l'impôt diocésain ordinaire « toute église

paroissiale, rectorale ou chapelle se trouvant dans notre archidiocèse, dirigée par des prêtres

diocésains ou des religieux ». Le conseil pontifical demande de remplacer ce texte par

« toutes les personnes juridiques publiques sur lesquelles l'archidiocèse... a juridiction », ou

par des termes équivalents. En outre, la disposition imposant aussi « les célébrations de

messes, que ce soit en semaine ou le dimanche », est jugée « trop générale et comme pouvant

engendrer une praxis non conforme aux lois universelles ». Il est donc demandé qu'il « soit

bien précisé que les offrandes pour des intentions de messes, étant des « entrées » d'une

personne physique, ne peuvent être frappées d'une contribution ordinaire et sont régies par

leurs normes propres99

»100

.

Avant de lever cet impôt ordinaire l’évêque doit entendre le conseil pour les affaires

économiques et le conseil presbytéral. C’est une condition nécessaire pour la validité du

décret.

Certains impôts ordinaires sont prévus par le code, comme la contribution pour le séminaire

(c. 264 § 1 CIC 83 ; c. 341 § 1 CCEO).

Le cas des écoles externes des instituts religieux de droit pontifical. Consulté pour savoir si

l’expression « personne publique soumise à son gouvernement » concerne aussi les écoles des

instituts religieux de droit pontifical, le conseil pontifical des textes législatifs a répondu

négativement101

. Nous pouvons nous interroger sur la raison qui a motivé cette réponse : ce

peut être soit que, s'agissant de personnes publiques, elles ne sont pas soumises à la juridiction

de l'évêque diocésain, soit qu'il ne s'agit pas de personnes juridiques publiques. En réalité, si

les instituts religieux de droit pontifical dépendent de façon immédiate et exclusive du Siège

apostolique quant à leur régime interne et à leur discipline (c. 593 CIC 83 ; c. 413 CCEO), il

n'en reste pas moins qu'ils sont également soumis au pouvoir de l'évêque diocésain quant à la

cura animarum, à l'exercice du culte public et à d'autres œuvres d'apostolat. C'est ce que

prévoient, par exemple, les canons 678 § 1 et 683 (c. 415 CCEO). Et l'application de ce

principe devra tenir compte des canons 803-806 sur les écoles catholiques (c. 631-639

CCEO). En revanche, si les instituts religieux de droit pontifical sont bien des personnes

juridiques publique ipso iure, il n'est dit nulle part que leurs écoles externes jouissent

automatiquement de cette personnalité : il est uniquement précisé qu'elles ne peuvent être

créées par l'institut qu'avec le consentement de l'évêque diocésain (c. 801). Soulignons donc

que la réponse du conseil d'interprétation authentique du code n'entend ni attribuer la

personnalité juridique publique à toute école externe des instituts religieux de droit pontifical

ni les soustraire systématiquement à la juridiction de l'évêque diocésain102

.

Le conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs a également été saisi d’un

recours contre la décision d’un archevêque de taxer les églises confiées aux instituts de vie

consacrée. Le conseil a répondu103

que les églises et chapelles annexées à une maison d’un

99

Cf. c. 945 et 951 CIC ; cf. aussi l'Interprétation authentique de ce conseil pontifical sur le c. 951, Responsio I,

du 20 février 1987. 100

Cf. Comm 32 (2000), p. 15-23 ; J. Miñambres, « Sul giudizio di congruenza fra legislazione particolare e

norma codiciale riguardante il tributo diocesano ordinario », IE 13 (2001), p. 271-276. 101

En date du 10 août 1989, A.A.S. 81 (19889), p. 991 ; cf. CB, p. 1780-1781. Cf. D. J. Andrés, « De tributis

illegitime impositis ab Episcopo scholis religiosorum », Commentarium pro religiosis 69 (1988), p. 209-210 ; V.

De Paolis, « Adnotatio ad Responsum authenticum circa can. 1263 », Per 80 (1991), p. 108-127 ; J. T. Martín de

Agar, « Nota alle risposte del Pontificio Consiglio per l’interpretazione dei testi legislativi del 24 gennaio

1989 », IE 2 (1990), p. 350-351 ; J. Miras, « Comentario a las respuestas de la C. P. Para la interpretación

auténtica del C.I.C., 20.5.1989 », IC 31 (1991), p. 222-224. 102

Cf. J. Miras, « Respuesta auténtica de 20.V.1989. Comentario », IC 31 (1991), p. 222-224. 103

En date du 8 février 2000 : cf. Comm 32 (2000), p. 15-23.

institut religieux ou d’une société de vie apostolique n’ayant pas la personnalité juridique, et

faisant corps avec la maison, elles ne sont pas soumises à l’impôt diocésain ; en revanche, les

autres églises confiées à un recteur ou à un chapelain (cf. c. 566 ss), le seront si elles

possèdent la personnalité juridique publique, et ne le seront pas dans les autres cas104

.

Un institut religieux de droit diocésain est-il soumis à l’évêque en cette matière ? Tel auteur,

faisant valoir l’autonomie dont il jouit (cf. c. 586), se prononce négativement105

.

3) L’impôt diocésain extraordinaire

Le même canon 1263 envisage la possibilité d’imposer, « en cas de grave nécessité et dans les

mêmes conditions, une contribution extraordinaire et modérée ». Les « mêmes conditions »

fait référence aux consultations nécessaires des conseils pour les affaires économiques et

presbytéral.

Cet impôt extraordinaire s’applique aussi aux « autres personnes physiques et juridiques ». Il

faut donc comprendre qu’il ne frappe pas les personnes juridiques publiques soumises au

gouvernement de l’évêque, mais qu’il s’applique uniquement aux personnes physiques et aux

personnes juridiques privées ecclésiastiques soumises à la juridiction épiscopale106

.

Cependant la doctrine « a admis la possibilité d’étendre le pouvoir épiscopal de façon à

permettre à l’évêque de lever des impôts extraordinaires obligeant des personnes juridiques

publiques et même nous soumises au gouvernement de l’évêque diocésain »107

. Le libellé de

la norme ajoute d’ailleurs, en ce sens, « sans préjudice des lois et des coutumes particulières

qui lui accorderaient des droits plus étendus », moyennant quoi la législation diocésaine

particulière pourrait imposer aussi cette contribution aux personnes juridiques publiques.

Cependant la question est loin d’être tranchée, et nécessiterait une intervention clarificatrice

du conseil pontifical des textes législatifs. En l’état, il faut s’en tenir au principe du canon 18

et interpréter le texte strictement et donc exclure son extension de principe. D’autant que le

canon 1263 prévoit déjà que des lois et des coutumes particulières puissent accorder des droits

plus étendus à l’évêque diocésain, et donc que des impôts puissent exister en raison du droit

local.

Le canon 1263 met fin à l’existence du cathedraticum, une contribution versée à l’évêque

diocésain, sous le régime du CIC 17, par les bénéfices ecclésiastiques, les églises et les

confréries laïques du diocèse.

d) L’impôt pour le séminaire

L’impôt pour le séminaire n’est pas prévu dans le Livre V, mais dans le chapitre du Livre II

sur la formation des clercs. Nous y lisons que « l’évêque peut imposer une contribution dans

le diocèse » pour les besoins du séminaire, contribution qui est distincte de la quête impérée

(c. 264 § 1 CIC 83 ; c. 341 § 1 CCEO). Cet impôt atteint « toutes les personnes juridiques

ecclésiastiques, même privées, qui ont leur siège dans le diocèse ». Des exceptions sont

prévues : « À moins qu’elles ne vivent que des seules aumônes, ou que ne s’y trouve en fait

un collège de professeurs ou d’étudiants ayant pour but de promouvoir le bien commun de

l’Église. »

L’impôt pour le séminaire doit être fixé selon les besoins du séminaire et se caractériser par le

fait d’être général et proportionné aux revenus de ceux qui y sont soumis (c. 264 § 2). Il ne

saurait donc les frapper uniformément.

104

Cf. J. Passicos, « Rapports droit général et particulier », AC 47 (2005), p. 115. 105

Cf. F. G. Morrisey, O.M.I., « Acquiring Temporal Goods for the Church’s Mission », StCan 56 (1996), p. 596. 106

Cf. en ce sens L. Navarro, « L’acquisto dei beni temporali. Il finanziamento della Chiesa », loc. cit., p. 55-56,

car cela « respecterait mieux le caractère subsidiaire de cette source de subventions ». 107

J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens…, op. cit., p. 137.

e) Un financement extraecclésial

L’Église cherche quand elle le peut des modes de financements extraecclésiaux. Dans un

régime de séparation entre l’Église et l’État, comme c’est le cas en France, en dehors des

départements concordataires, il est fait appel au denier de l’Église, appelé précédemment

« denier du culte », rendu nécessaire précisément par la loi de 1905 instituant la séparation de

l’Église et de l’État et par le tarissement du financement étatique qu’elle entraînait.

Cependant le concordat napoléonien continue de s’appliquer dans les départements ecclésial,

ce qui a pour conséquence que les ministres du culte sont rémunérés par l’État. Subsistait

aussi, jusqu’en 1992, la fabrique d’église, dotée de personnalité juridique civile, qui assurait

l’entretien, la conservation et les célébrations d’un lieu de culte et l’administration des biens

destinés au culte.

Les différents systèmes de financement extraecclésial sont : a) la rémunération des ministres

du culte par l’État, b) l’impôt ecclésiastique perçu par l’État, ce qui est le cas en Allemagne et

en Suisse, c) l’impôt dédicacé ou « assignation fiscale », en vigueur en Espagne et en Italie,

par lequel les citoyens expriment leur volonté d’affecter une part de leurs impôts à une

affectation ecclésiale108

. Nous y reviendrons au chapitre VIII.

f) La prescription

1) Notion de prescription. Selon le canon 1268 (c. 1017 CCEO), « l’Église admet la

prescription comme moyen d’acquérir et de se libérer en matière de biens temporels ». La

prescription suit les règles des canons 197-199 (c. 1540-1542 CCEO), normes qui figurent à

juste titre dans le Livre I, car, comme la commission codificatrice l’a fait remarquer, « la

prescription n’est pas limitée aux seuls biens temporels »109

, mais est une « manière

d’acquérir ou de perdre un droit subjectif, ou encore de se libérer d’obligations » (c. 197 CIC

83 ; c. 1540 CCEO).

La prescription suit les règles de la législation de chaque pays, sous réserve des exceptions

établies dans le code (Ibid.). Une de ces exceptions est l’exigence de « la bonne foi, non

seulement au début, mais tout au long du temps requis » (c. 198 CIC 83 ; c. 1541 CCEO),

alors que le droit civil ne l’exige qu’au début de la possession. La prescription suppose en

outre une matière adéquate, la possession continue durant le temps exigé par la loi, le temps

établi par la loi et un juste titre ou une juste cause, c’est-à-dire un acte juridique par lequel la

possession ou le droit est transmis à un autre.

Peuvent faire l’objet de la prescription toutes les choses corporelles et incorporelles, meubles

et immeubles, publiques et privées. Mais ne sont pas soumis à prescription les offrandes et les

charges de messes, ainsi que les revenus d’un office qui requiert l’ordre sacré, dans le cas où

son titulaire ne serait pas clerc, car la provision de cet office serait alors nulle de plein droit (c.

199, 5°-6° CIC83 ; c. 1542, 5°-6° CCEO).

Des normes spécifiques sur la prescription du patrimoine ecclésiastique figurent aux canons

1269 et 1270 (c. 1018 et 1019 CCEO).

Ne sont pas soumis à prescription : a) les droits et les obligations de loi naturelle divine ou

positive ; b) les droits qui ne peuvent être obtenus que par privilège apostolique ; c) les droits

et les obligations qui ont directement trait à la vie spirituelle des fidèles ; d) les limites

certaines et indéniables des circonscriptions ecclésiastiques ; e) les offrandes et les charges de

messes ; f) la provision d’un office ecclésiastique ; g) le droit de visite et le devoir

d’obéissance110

.

108

Ce qui présente l’avantage de ne pas augmenter la pression fiscale. Sur ce mode de financement

extraecclésial, cf. J.-P. Schouppe, Droit canonique des biens…, op. cit., p. 139-145. 109

Comm 5 (1973), p. 95. 110

Cf. F. Aznar Gil, La administración de los bienes temporales de la Iglesia, op. cit., p. 123-124.

2) La prescription des choses sacrées. Les choses sacrées peuvent être acquises par

prescription. Par « choses sacrées », il faut entendre celles « qui sont destinées au culte divin

par une dédicace ou une bénédiction » (c. 1171). Les choses sacrées appartenant à des

personnes privées peuvent être acquises par des personnes privées, mais elles ne peuvent pas

servir à des usages profanes ni à un usage impropre (c. 1171), sauf si elles ont perdu leur

dédicace ou leur bénédiction (c. 1269 CIC 83 ; c. 1018 CCEO). Un usage profane permanent

leur fait perdre leur caractère de chose sacrée. « Les lieux sacrés perdent leur dédicace ou leur

bénédiction si la plus grande partie est détruite, ou s’ils sont réduits à des usages profanes de

façon permanente, soit par décret de l’ordinaire compétent, soit de fait » (c. 1212).

Quand les choses sacrées appartiennent à une personne juridique ecclésiastique publique, elles

ne peuvent être acquises que par une autre personne juridique ecclésiastique publique » (c.

1269)111

. Il n’est pas exclu qu’une personne juridique ecclésiastique publique acquière par

prescription des biens appartenant à une personne privée, comme « le calice personnel d’un

curé laissé à sa mort, ou la bannière d’une confrérie utilisée aux processions »112

. Le respect

des règles du droit civil ne peut s’imposer que pour l’acquisition de biens de personnes

privées par une personne juridique ecclésiastique publique, mais pas pour ceux appartenant à

une autre personne juridique ecclésiastique publique, puisque, dans ce cas, la restriction du

canon 1269 prévaut : seule une personne juridique ecclésiastique publique peut les acquérir

par prescription. Les choses sacrées qui appartiennent au diocèse, à une paroisse ou à une

autre personne juridique publique ne peuvent pas être prescrites par une possession privée,

même longue, et ce, quelles que soient les dispositions du droit civil en la matière.

Des normes spéciales concernent les ex voto (c. 1292 § 2 CIC 83 ; c. 1036 § 4 CCEO).

3) La prescription des biens du Siège apostolique et des personnes juridiques publiques. Le

canon1270 établit une prescription centenaire pour « les biens immeubles, les biens meubles

précieux, les droits et actions tant personnels que réels qui appartiennent au Siège

apostolique ». En revanche, les biens d’une autre personne juridique ecclésiastique publique

connaissent la prescription trentenaire. « La raison de cette différence réside dans l’extension

universelle et la durée perpétuelle du Siège apostolique, qui a qualité de personne morale de

par l’ordre divin (c. 113 § 1) ; tandis que toute autre personne juridique publique dans l’Église

est constituée par disposition du droit positif ou par concession spéciale de l’autorité

compétente (c. 114 § 1) »113

. Le délai de cent ans pour les biens du Siège apostolique a été

établi par Justinien. Le même Siège apostolique peut acquérir des biens de personnes

juridiques ecclésiastiques publiques par prescription trentenaire.

Les autres biens meubles, même appartenant au Siège apostolique et aux personnes juridiques

publiques, sont prescrits ou non selon les dispositions du droit civil applicables dans chaque

pays. En cas de conflit, l’on suivra le droit civil.

En raisons de privilèges acquis, la prescription acquisitive est de cent ans pour les biens des

ordres mendiants et des cisterciens, de soixante ans pour ceux des bénédictins114

.

4) Les biens culturels.

- Notion de biens culturels. Le code ne définit pas ce qu’il faut entendre par « biens

culturels », qui ne doivent pas être confondus avec les biens ecclésiastiques. L’on peut déduire

de diverses normes qu’il s’agit de biens qui requièrent « un soin ordinaire de conservation et

des moyens appropriées de conservation » (c. 1220 § 2 CIC 83 ; c. 872 § 2 CCEO), ou qui

sont remarquables par leur antiquité, leur valeur artistique ou culturelle (c. 1189 CIC 83 ; c.

111

Le CCEO parle évidemment de « personne juridique ecclésiastique » tout court (c. 1018). 112

J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 116. 113

J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 118. 114

J.-C. Périsset, Les biens temporels de l’Église, op. cit., p. 120.

887 § 2 CCEO). Mais le CCEO vient à notre secours en précisant que les biens culturels sont

« ceux qui ont une grande importance en raison de l’art ou de l’histoire ou de la matière » (c.

1019), ou encore « des biens qui, d’une certaine façon, rendent témoignage d’une culture

inspirée par la foi »115

. Toutefois la doctrine ne pas unanime quant à l’heure de définir les

biens culturels. Le patrimoine ecclésiastique a pu être considéré, « pour le droit ecclésiastique

de l’État, comme étant le patrimoine que le droit canonique réglemente en tant que faisant

objet de protection et de reconnaissance par l’État, et, dans son sens le plus large, l’ensemble

des moyens matériels, financièrement évaluables, d’une confession religieuse, et tout

particulièrement de l’Église catholique, en tant que faisant l’objet du droit étatique »116

.

Seulement le droit étatique, comme en Espagne, peut omettre l’intérêt religieux de ces biens,

alors que, pour l’Église, c’est la caractéristique principale de son patrimoine culturel. En effet,

un bien culturel est religieux « non seulement en raison de sa valeur artistique ou historique

propre, mais aussi par sa signification historique, qui peut être actuelle ou seulement

historique ; c’est-à-dire que le bien culturel religieux a un caractère ajouté, actuel ou

historique, qui lui attribue – dans la large catégorie unitaire des biens culturels – une

connotation particulière, digne d’une discipline propre et la méritant » 117

.

Il s’agit de biens dont le concile demande qu’ils soient accessibles à tous118

. Le pape

Jean-Paul II a transformé la commission pontificale de patrimonio artis et historiæ Ecclesiæ

conservando en commission de Ecclesiæ bonis culturalibus119

. Il a précisé lui-même que le

« concept de « biens culturels » comprend avant tout le patrimoine artistique de la peinture, de

la sculpture, de l’architecture, de la mosaïque et de la musique, mis au service de la mission

de l’Église », y ajoutant « les biens contenus dans les bibliothèques ecclésiastiques et les

documents historiques contenus dans les archives des communautés ecclésiales », sans en

exclure « les œuvres littéraires, théâtrales, cinématographiques produites par les moyens de

communication de masse »120

.

- Les accords internationaux. L’on notera que le saint-siège a adhéré à la Convention de

l’Unesco, signée à La Haye, le 14 mai 1954, pour la protection des biens culturels en cas de

conflit armé, et à la Convention de l’Unesco, signée à Paris, le 14 novembre 1970, sur les

mesures à adopter pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert illicite

de propriétés de biens culturels. D’autre part, une prise en compte particulière de ces biens

culturels apparaît dans divers concordats et accords internationaux signés par le saint-siège

avec différents États121

.

Une autre source, non canonique, est la loi du 25 juillet 2001 de l’État de la Cité du Vatican

sur la tutelle des biens culturels, définis à l’article 1er

comme « les objets mobiliers et

immobiliers qui présentent un intérêt artistique, historique, archéologique ou

115

Comm 16 (1984), p. 34. 116

A. Martínez Blanco, Derecho Eclesiástico del Estado, Madrid, vol. II, 1993, p. 156. 117

Cf. B. González Moreno, « Los bienes culturales de interés religioso : propuestas para una reforma

legislativa », Anuario del Derecho Eclesiástico del Estado 12 (1996) 113-162 (ici, p. 137). 118

« Que faire pour permettre aux multitudes de participer aux bienfaits de la culture « (GS 56.5) ; « Il faut donc

procurer à chacun une quantité suffisante de biens culturels, surtout de ceux qui constituent la culture dite "de

base " » (GS 60.1). 119

Jean-Paul II, m.p. Inde a pontificatus nostri initio, 25 mars 1993. 120

Jean-Paul II, Allocution à la Ie assemblée de la commission pontificale pour les Biens culturels de l’Église, 12

octobre 1995. Cf. C. Presas Barrosa, “El patrimonio artistico eclesiastico y el nuevo Codex iuris canonici”, Le

nouveau Code de droit canonique-The New Code of Canon Law. Actes du Ve Congrès international de droit

canonique organisé par l’Université Saint-Paul et tenu à l’Université d’Ottawa du 19 au 25 août 1984, publiés

sous la direction de Michel Thériault et de Jean Thorn, Faculté de droit canonique, Université Saint-Paul,

Ottawa, 1986, p. 755-786. 121

Cf. G.Feliciani, « La nozione di bene culturale nell’ordinamento canonico », Iustitia in caritate. Miscellanea

di studi in onore di Velasio De Paolis, Cité du Vatican, Urbaniana University Press, 2005, p. 445-455.

ethnographique »122

.

La question se pose en droit concordataire de savoir si les États de chaque pays doivent faire

leurs les délais prévus par le droit canonique dans le cas où ils ne coïncideraient pas avec les

délais civils.

E. D’autres sources de revenus

a) Les polices d’assurance éventuellement souscrites (cf. c. 1284 § 2, 1° CIC) dans le cas où

il faut les faire jouer en raison des dommages subis.

b) Les prêts et hypothèques souscrits avec l’accord écrit de l’évêque diocésain (cf. c. 1281 §

1), la personne juridique étant tenue d’en payer les intérêts en temps voulu et de rembourser le

capital de même (cf. c. 1284 § 2, 5°).

c) Les revenus de la location de biens, compte tenu des règles édictées par la conférence des

évêques et par le droit propre (cf. c. 1297).

d) Le produit des investissements réalisés avec l’accord de l’ordinaire (cf. c. 1284 § 2, 6°).

122

Sur cette question, cf. G. Feliciani, « La notion de bien culturel en droit canonique », AC 47 (2005), p. 63-74.