Charles-André Gilis_Tawhîd et Ikhlâs_Chap.9

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  • 8/6/2019 Charles-Andr Gilis_Tawhd et Ikhls_Chap.9

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    TAWHD ET IKHLS.Chapitre 9,

    Abd ar-Razzq Yahy(Charles-Andr Gilis).

    Dans ce contexte doctrinal, il nous faut citer prsent un autre hadth mentionnau chapitre 67 des Futht: Il ma t ordonn de combattre les hommes jusqu ce quils disent: l ilha illa Allh. Lorsquils le disent, jassure lasauvegarde de leur sang et de leurs richesses dans le respect du droit de lislm.

    Cest (uniquement) Allh quils auront rendre des comptes. Ce hadth meten lumire, mieux encore que le prcdent, que la forme islamique batie sur lescinq fondements est en ralit un royaume dont le Prophte est roi. La notion quinous parat le mieux convenir ici est celle dun ordre universel (1) instaur parlislm, rgissant les hommes et intgrant tous les tres. Selon la formulation de

    Cheikh Mustaf, cet ordre inclut tous les domaines et tous les degrs de la viespirituelle et temporelle, y compris les principes et les mthodes de laconnaissance mtaphysique (2) En loccurrence, le commandement donn auxhommes porte uniquement sur le fait de dire : seule une dclaration extrieure etpublique peut tre exige de tous, car le for intrieur nest connu que dAllh.

    Ibn Arab distingue ce propos trois catgories : le croyant, le savant etlhypocrite.

    Cest au croyant que le commandement sadresse tout dabord : il doit prononcerla formule du tawhd parce que le Prophte la prononce lui -mme ; celui-ci areu lordre de prononcer le tawhd, puis de combattre les hommes jusqu ce

    quils le proclament leur tour. Il se prsente, non comme un savant, mais

    comme un serviteur croyant (dont le cur contient Dieu), puis il exige des

    hommes la servitude et la foi. Si le hadth mentionne le premier tmoignage etnon le second, cest parce que celui-ci est compris dans le premier ; lhomme nepeut dire l ilha illa Allh avec lintention de se conformer lordre duProphte sans reconnatre, par l mme, que Muhammad est lEnvoydAllh .

    En deuxime lieu, le commandement de dire le tahll sadresse au savant. Selon

    Ibn Arab, cest pour cette raison quil est prcis dans le hadth : jusqu cequils disent , et non pas : jusqu ce quils sachent car, tant des

    mtaphysiciens par intuition, ils savent dj quil ny a quun Dieu unique et

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    connaissent le tawhd. Ce qui est exig dans leur cas, cest quils ajoutent la foi leur science intuitive, afin quils puissent accder une science suprieure qui

    nest pas la porte de lintellect humain : seule la science rvle peut faireconnatre lhomme que Dieu descend jusquau Ciel de ce bas-monde durant

    le dernier tiers de la nuit , que le Tout-Misricordieux sige en majest sur leTrne , que le Trs-Haut est avec vous o que vous soyez , que Sonhsitation nest comparable en aucun de Ses actes celle quil prouve

    reprendre le souffle de Son serviteur qui a horreur de la mort (2). Cest ce quemontre plus clairement encore une autre version du mme hadth : Il ma tordonn de combattre les hommes jusqu ce quils tmoignent quil ny a

    dautre Dieu quAllh, quils croient en moi et ce que jai apport (de la part

    dAllh) .

    Enfin, lordre de dire : l ilha illa Allh sadresse lhypocrite qui estdpourvu aussi bien de science que de foi. Cest lui que se rapporte la partie

    finale du hadth : wa hisbuhum al Allhi (cest All quil leur incombe dedemander des comptes). Le Trs-Haut les leur demandera le jour o lessecrets (des curs) seront prouvs (Cor.86, 9) ; le jour o Allh runira lesenvoys et leur dira : qua-t-on rpondu votre appel ? Ils rpondront :Nous nen savons rien; cest Toi qui sait tous les secrets . (Cor.5, 109). Ce

    jour l, Allh demandera des comptes , car le simple fait de prononcer laformule du tawhd ne suffira plus ; alors quen ce monde, cest--dire lintrieur du saint royaume rgi par lislm, elle suffit pour assurer lasauvegarde de la vie et des biens de celui qui la prononce.

    Le hadth comment ici mentionn ici mentionne lordre quAllh donne Son

    Envoy de combattre les hommes jusqu ce quils disent : l ilha illa Allh.Lordre donn par lEnvoy procde donc de lordre quil a reu de Dieu, et il le

    donne en sa qualit de croyant, non en qualit en Savant par Allh : manaar-rasl bi-m unzila ilay-hi (lEnvoy a cru en tout ce qui lui a t rvl).Les hommes ne sont pas appels la science, mais la foi, cest --dire lobissance l ordre , au double sens du commandement et dordre institu par lEnvoy : Dis ( Muhammad) : hommes, je suis en vrit lEnvoydAllh envers vous, tous ensemble ; qui appartiennent le Royaume (mulk) desCieux et de la Terre (cest--dire le monde de lhomme) ; pas de Dieu si ce nestLui, il vivifie et Il fait mourir (car Il est le Matre de la Vie qui est lumire des

    hommes ) : croyez en Allh et en Son Envoy (Cor.7,108). Lordre de dire

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    est extrieur et donn tous ; tandis que la foi est un don divin intrieur, quinest pas accord tout le monde : Allh vous a accord la faveur de vousconduire la foi : (reconnaissez-le) si vous tes sincres . (Cor.49, 17). A celuiqui na pas la foi, mais qui fait partie du Royaume rgi par lislm, on ordonne

    seulement de dire la formule du tawhd: sil se conforme cet ordre, il estprotg par lui. En revanche, le Savant par Allh, le saint ralis initiatiquementnest pas protg sil scarte de lordre divin formul par le Prophte : Halljfut chti pour navoir pas eu la foi sur une question prcise ; il na pas suivi laForme divine inhrente la formulation prophtique et sest cart par l de la

    Sagesse dAllh, sans mesurer les consquences nfastes de son invonvenance

    qui tait en ralit une forme de rebellion (3). Cest pourquoi il fut condamnsur lordre du Prophte lui-mme qui lui dit : Tue ton me au moyen du sabre

    de ma Loi . Cette parole prophtique fait rfrence la fois la grande guerresaint , puisquil est dit : Tue ton me ! , ce qui est la dfinition mme du

    jihd al-akbar; et la guerre sainte extrieure puisquil est dit aussi : par lesabre de ma Loi . Selon le hadth cit, la loi islamique protge lhypocrite condition quil se soumette (cest--dire quil soit muslim ), mais non leSavant par Allh sil ne respecte pas la Forme rvle par lEnvoy de la part

    dAllh. Du reste, cest la mme ide que lon retrouve propos des Gens de la

    Maison (ahl al-bayt) : ils sont prservs de leurs actes et, quoiquils fassent, ne

    peuvent commettre de faute ; nanmoins, ils demeurent soumis aux peineslgales (hudd) sils transgressent la loi ; le Prophte a dit : Si Ftima fille deMuhammad commettait un vol, il faudrait lui couper la main .

    LOrdre de combattre les hommes se rapporte la petite guerre sainte ,celle qui est mene avec lpe des guerriers et le sabre de la loi. La premire

    symbolise ce que le Cheikh Abd al-Whid appelle la fonction militaire ; lesecond, la fonction administrative . Ces deux fonctions constituent le pouvoir

    royal (4), auquel correspond le terme mulkdans la tradition islamique. Le cas delhypocrite montre que ce combat men contre les hommes peut entrainerune certaine contrainte. En effet, les diffrentes versions du hadth envisagentdeux issues possibles : celle qui conduit la foi et un tmoignage provenant ducur: jusqu ce quils tmoignent quil ny a dautre Dieu quAllh, et quilscroient en moi et en ce que jai apport ou celle, tout aussi lgitime du pointde vue de la religion islamique au sens strict, qui les conduit une adhsionpurement extrieure. A cet gard, prcisons que la ngation coranique : l ikrha

    f-d-dn (Cor.2, 256) ne sapplique pas au second terme de lalternative, ni

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    lislm entendu au sens de soumission formelle . Selon Qchn, elleconcerne uniquement lintrieur de la religion, cest--dire la foi en tant quelleest un assujettissement (cest le sens du terme dn) intrieur. Dautres

    commentateurs mentionnent ce propos la Religion pure (ad-dn al-hanf),

    tout en rappelant les versets coraniques enjoignant de combattre pour amener leshommes lislm, dans le sens indiqu par le hadth. Ce sont seulement la foi et

    la religion du cur qui ne peuvent faire lobjet dune contrainte, car ellessont un secret entre le croyant et Dieu.

    Les premiers mots de la parole adresse par lEnvoy dAllh Hallj se

    rapportent la grande guerre sainte que le Prophte a dfine comme uncombat men contre lme : al-jihd al-akbar huwa jihd an-nafs.

    Initiatiquement, le terme nafs dsigne les petits mystres et la perfectionhumaine, car, dans le premier terme de la sourate an-Nis, lexpression minnafsin whidatin dsigne Adam en tant quil est le pre des hommes . Lesaint combat contre lme peut donc tre compris comme ayant pour but

    doprer un passage des petits mystres celle des grands mystres ; ilsagit galement dujihd al-akbar? Celui-ci est voqu au dbut du verset finalde la sourate du Plerinage : Menez le saint combat (jhid) en Allh selon lavrit du saint combat (haqqa jihdi-Hi) ; Il vous a lus ; Il na tabli dans la

    Religion aucun formalisme ; cest la Rgle de votre pre Abrahm ; Lui vous aappels musulmans (muslimn) avant (lislm) et prsentement (Cor.22,78). Le saint combat vritable est celui qui est men en Allh, cest --dire lalumire du tawhdmtaphysique qui rsout les oppositions ; il est men par unelite, car tous ne sont pas qualifis pour lui ; il est men pour raliser laralisation de la Rgle Abrahm que Qachn dfinit comme tant le purtawhd (at-tawhd al-mahdu). Le patriarche apparat par l comme le pre dumonothisme universel ; sil est appel votre pre cest parce que tous

    ceux qui ralisent initiatiquement le tawhdpeuvent tre considrs comme sesenfants, dsigns dans ce verset comme tant les musulmans vritables : non pasceux qui se conforment aux prceptes dun formalisme contraignant, mais ceuxdont les curs sont assujettis Dieu seul.

    Par l, on peut comprendre au moment de la victoire de la Mekke : Noussommes revenus de la petite guerre sainte la grande guerre sainte. Il faisaitmention dun retour, car lui-mme avait ador Dieu selon la Religion Pure avant

    que lui vienne la rvlation ; de plus, la proclammation initiale de celle-ci avait

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    t accomplie par la parole, non par les armes (5). Le retour la grande guerresainte signifiait aussi quaprs la victoire (fath) et la fondation de la religionislamique centre sur la Kaaba de la mekke, il fallait dsormais entreprendrelexpansion universelle de lislm. Or celle-ci, quelle quait pu tre limportancedautres facteurs qui contriburent la raliser en partie (cest --direessentiellement lpe des guerriers et la vertu des saints) ne pouvait tre assure

    durablement que par le tawhd principiel, et au moyen dune guerre saintemene en Allh . Cest celle-ci que se rattache de toute vidence, luvredu Cheikh Abd al-Whid qui annonce la fonction de lislm la fin des tempsvoque par les versets : Ils veulent teindre la lumire dAllh avec leurbouche, cest--dire avec des professions de foi diriges contre lislm, etqui sont aussi inneficaces que la profession de foi islamique faite uniquement

    avec la bouche ; mais Allh rendra parfaite Sa lumire, nen dplaise ceux qui la recouvre dun voile. Cest Lui qui a envoy Son envoy avec la

    guidance et la Religion du Vrai (Dn al-Haqq) afin quelle lemporte sur toute laReligion, nen dplaise aux associateurs (Cor.61, 8-9). A ceux qui sont appels mener ce saint combat, Cheikh Abd al-Whid, la fin de son ouvrage intitul :La crise du monde moderne adressait ce rappel : Rien ne saurait prvaloircontre la puissance de la vrit ; et il ajoutait ( lintention de ceux quisappuient sur cette seule puissance) : Leur devise doit tre celle quavaient

    adoptes certaines organisations initiatiques de lOccident : Vincit omniaVeritas (la Vrit vainc toute chose) ; en islm : Allh a fix par crit : envrit, Moi et Mes envoys nous serons vainqueurs (Cor.58, 21). Moi et Mesenvoys : nest-ce pas l le tawhd?

    [Abd ar-Razzq Yahy (Charles-Andr Gilis), Tawhd et Ikhls, chap.9 : Tawhdet Jihd, Ed. Le Turban Noir 2006, p.75-80]