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BENODET LE FORT DU COQ ET LA COMMUNE DE BENODET APRES 128 ANNEES DE QUERELLES Connaîtra-t-on le sort du fort Le fort du Coq, historiquement connu sous le nom de " batterie de Bénodet ", fut construit en 1862 comme l'atteste une plaque de fonte scellée au-dessus de l'entrée. Nous étions sous le Second Empire, les soldats de Napoléon III étaient au Mexique tandis que l'Empereur faisait construire le long du littoral atlantique tout un chapelet d'ouvrages en vue d'une nouvelle guerre. A Bénodet, sur la commune de Perguet, la batterie côtière fut construite à l'entrée de la rivière, derrière la grande butte de terre que les navigateurs connaissent bien avec ses trois lettres blanches " Y C O " et qui, sans nul doute,est aussi de la main de l'hamme. Outre le fort que nous connaissons, la batterie comportait une autre petite bâtisse, la poudrière, côté mer, au niveau de la route actuelle qui n'existait pas. La batterie a disparu mais quelques anciens se souviennent de l'avoir vue au début du siècle. Le fort du Coq fut-il occupé quelque temps par des militaires, des gardes côtes ? On imagine les canons sur la butte, braqués vers le large et les guetteurs scrutant l'horizon, prêts à donner l'alarme à la vue du bateau ennemi qui n'est jamais venu. On ne trouve aucune trace de ces défenseurs sur les registres de la commune de Perguet. Etaient-ils recrutes, requis sur place ? Ont-ils seulement existé ? 1/7

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BENODET

LE FORT DU COQ ET LA COMMUNE DE BENODET

APRES 128 ANNEES DE QUERELLESConnaîtra-t-on le sort du fort

Le fort du Coq, historiquement connu sous le nom de " batterie de Bénodet ", fut construiten 1862 comme l'atteste une plaque de fonte scellée au-dessus de l'entrée. Nous étions sous leSecond Empire, les soldats de Napoléon III étaient au Mexique tandis que l'Empereur faisaitconstruire le long du littoral atlantique tout un chapelet d'ouvrages en vue d'une nouvelleguerre.

A Bénodet, sur la commune de Perguet, la batterie côtière fut construite à l'entrée de larivière, derrière la grande butte de terre que les navigateurs connaissent bien avec ses troislettres blanches " Y C O " et qui, sans nul doute,est aussi de la main de l'hamme. Outre le fortque nous connaissons, la batterie comportait une autre petite bâtisse, la poudrière, côté mer,au niveau de la route actuelle qui n'existait pas. La batterie a disparu mais quelques anciens sesouviennent de l'avoir vue au début du siècle.

Le fort du Coq fut-il occupéquelque temps par des militaires, desgardes côtes ? On imagine les canonssur la butte, braqués vers le large etles guetteurs scrutant l'horizon, prêtsà donner l'alarme à la vue du bateauennemi qui n'est jamais venu.

On ne trouve aucune trace de cesdéfenseurs sur les registres de lacommune de Perguet. Etaient-ilsrecrutes, requis sur place ? Ont-ilsseulement existé ?

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Avant le fort actuel il y avait déjà des ouvrages de défense sur cet emplacement; ilsfigurent sur le cadastre de la commune de 1850. La route n'existait pas encore~mais il y avaitautour de la batterie une bande de terre non numérotée qui aurait donc été la propriétécommunale.

Au sujet de la construction du fort, on relève dans la session ordinaire du conseilmunicipal en date du le mai 1861:" Le Maire a donné lecture d'une lettre du Préfet par laquelle le" Magistrat fait connaître qu'un décret impérial du 27 mars dernier " a déclaré d'utilitépublique l'acquisition de parcelles de terrain " nécessaires à l'établissement de la batterie deBénodet; l'une " d'elles appartenant à la commune de Perguet. A cette lettre s'en trouve jointeune autre de M le capitaine de génie militaire de " la place de Concarneau offrant à lacommune) pour la parcelle de terre contenant 8 ares 60, la somme de 63,30 fc.

« …à la suite de cette communication M. le Maire engage le conseil à débattresur les offres qui lui sont faites. Le conseil " après délibérations autorise le Maire àtraiter aux meilleurs conditions pour la commune."

C'est la seule mention relative au fort que l'on trouve sur le registre des délibérationsde la commune de Perguet dans les années de sa construction et celles où il aurait pu avoirune destination, un rôle de défense, c'est-à-dire jusqu'à la guerre de 1870. Il est vrai, que leMaire, Pierre LE CAIN, ou Jean-Marie FRIANT qui lui succéda en 1865, semblent surtoutpréoccupés de prélever des centimes pour payer le cantonnier ou le secrétaire de mairie, ouencore de répondre aux lettres du Préfet qui les pressait d'ouvrir une école dans la commune.

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La Mémoire de nos anciens

Deux anciens de la commune nous ont conté leurs souvenirs du Fort du Coq dans lestoutes premières années du siècle. Ce sont Corentin LE GOARDET qui a vu le jour à Bénodeten 1893 et Alain CORPOREAU qui y est né avec le siècle. Tous deux étaient, comme ils ledisent avec une certaine fierté, de ceux que l’on appelait alors « chas ar vorh » (les chiens dubourg). Toujours dans la nature, connaissant les moindres recoins du village. Et espiègles,prompts à s'amuser, fut-ce parfois aux dépens du « paour kez den » (pauvre bonhomme).

Tous deux ont bien connu, à quelques années d'intervalle, la batterie de Bénodet (lefort, la butte et la poudrière). Les deux bâtiments étaient alors habités et ils ont gardé lesouvenir de familles déshéritées parce que mal logées. Le fort était humide et sombre, seul unrais de lumière filtrait par les meurtrières; et pas une cheminée pour t'aire une flambée. Lapoudrière était un simple refuge sans fenêtre et il fallait en ouvrir la porte pour se rendre s'ilfaisait jour.

Dans le fort vivaient VICEN BRAZ et MlARZANIC VIHAN, avec leur nombreusefamille. Corentin y Allait fréquemment car il était le copain de l'un des enfants, du même âge,et prénommé Corentin comme lui-même. Un de leurs amusements préférés consistait àdescendre dans le souterrain, un étroit boyau qui partait de l'intérieur du bâtiment etdébouchait devant la mer en passant par dessous la butte.

Les occupants de la poudrière, LAOUIC BRAZ et JULIE, n'étaient pas très ingambeset ils étaient la cible de ces garnements qui prenaient un malin plaisir à bombarder leur porte àcoups de pierre et à détaler dès qu'ils l'ouvraient.

Ni l'un ni l'autre de nos anciens ne se souvient d'avoir vu le moindre vestige d'arme dans lefort ou sur la butte ; pas davantage d'avoir entendu leurs aînés parler de soldats qui auraientoccupé le fort. Il nous faut donc conclure que l'ouvrage construit en 1862 n’a pas d'histoiremilitaire.

Le fort du Coq fut-il occupé quelque temps par des militaires, des gardes côtes ? Onimagine les canons sur la butte, braqués vers le large et les guetteurs scrutant l'horizon, prêts àdonner l'alarme à la vue du bateau ennemi qui n'est jamais venu.

On ne trouve aucune trace de ces défenseurs sur les registres de la commune dePerguet. Etaient-ils recrutes, requis sur place ? Ont-ils seulement existé ?

Le fort et la poudrière étaient-ils « squattés » avant la lettre? Étaient-ils loués auxfamilles par la Marine ? Directement ou par l'intermédiaire de la commune ? Nous n'avonspas de réponse à la question mais nos anciens pensent qu'ils ont été occupés spontanément par des familles, victimes de quelque calamité.

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LE FORT DANS LES REGISTRES DE LA. COMMUNEE

Après la décision de sa construction, il faut attendre 1926 pour voir le Fort du Coq (oula batterie de Bénodet) à l’ordre du jour du conseil municipal de Bénodet. Cette année là, leMaire fait part à ses conseillers de la location du fort à un célèbre chirurgien de Paris, ledocteur HEITZ BOYER, pour un loyer de 500 f par an et de l'émotion de la population à cettenouvelle.

Le bail sera renouvelé en 1929, le prix sera augmenté, et l'acte précise qu'il sera utilisépour « faire culture de plantes médicinales ». Il y eut sans doute alors quelques arrangements,un sentier était laissé à la disposition du public entre l'ouvrage et la mer, et on n’en parleraplus pendant de longues, années .

Puis) au début de 1944, le docteur HEITZ B0YER dont la villa, jouxte le Fort (actuellement Hôtel le Minaret), s’adresse à la municipalité pour lui demander de lui « laisser »" la batterie contre un champ qu'il possède à la pointe Saint-Gilles. Le conseilmunicipal refuse l’offre du docteur, entreprend l’expropriation qui échouera (le décretl'autorisant ayant été abrogé le 2 avril 1944).Mais la grande brouille surviendra dans lesannées 1945 1946.

Le 1er juillet 1945 le conseil municipal de Bénodet est réuni en séance extraordinaire.Le maire, Paul TROADEC informe les élus qu'il sait de source sûre que la Marine st sur lepoint de céder la batterie au docteur HEITZ BOYER. Le procès-verbal de séance mentionneque Il les élus sont indignés de se voir menacés de céder à un particulier un site qui, par saposition dominante et son caractère archaïque, présente un intérêt touristique de premierordre. Et à l'unanimité le conseil affirme son intention d'alerter l’opinion par une démissioncollective, une pétition, des réunions publiques

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Mais le docteur HEITZ BOYER ne renonce pas. Le 8 juin 1946 le conseil examineune autre requête dans laquelle il propose à la commune de lui céder les deux tiers de lasurface de la batterie (7.000 M2) et il conserverait le reste pour « accroître sa propriété ». Enoutre, il aménagerai t la partie cédée à la commune par un paysagiste de sa connaissance etcéderait également à la commune son terrain de la pointe Saint-Gilles. Le conseil repousse laproposition et revendique la totalité de l'ouvrage.

Nous arrivons à la fin de l'année 1949 et la commune de Bénodet demande à la Marinede lui louer le fort. Quatre mois plus tard le 27 avril 195O, le Maire informe les conseillers durefus opposé par le Secrétaire d'Etat chargé de la Marine.

Une autre fois, en 1962, la municipalité cherche à acquérir le fort et se propose d'y groupertoutes les activités nautiques de la station; le Maire est habilité à mener la négociation. Le 23avril nous dit un journal de l'époque, le Maire informe le conseil de la décision des services dela Marine: " le fort restera propriété de l'Etat ". Le rédacteur concluait que des interventionss’étaient produites et que la déception était grande à Bénodet.

LE YACHT CLUB DE L'ODET ET PIERRE LE NOACl

Le deuxième locataire de la batterie, après le docteur HERTZ BOYER, sera le Yacht Club del'Odet, qui y entre en 1958. Elle sert d'abord de pied-à-terre à l'association et d'entrepôt dematériel. Les belles années du fort commenceront en 1962, avec l'arrivée de Pierre LENOACH comme chef de centre, et comme la commune se proposait de l'acheter.

" A mon arrivée, dit Pierre, le bâtiment était tout délabré, toutes les pièces portaient les tracesde l'ancienne occupation par " les familles. Dans chacune, le plafond était percé pour lepassage d'un tuyau de poêle. Les murs suintaient, couverts de champignons et de sa1pètre. Laterrasse était surmontée d'un toit en et éverite sur des piliers qui n'empêchait pas la pluie detomber à l'intérieur.

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"Après les premières annees difficiles sont venues les améliorations. En 1968 a étéconstruite la grande salle de l'étage, financée par le Y.C.O. avec l'aide du Crédit Hôtelier.C'est celle qui servira ensuite à toutes les réunions, les réceptions, les remises de prix. "

" Et lorsque le bâtiment a été hors d'eau, l'aménagement a commencé du rez-de-chaussée. L'épaisse couche de noir de fumée sur les murs a d'abord été recouverte de bambousfendus, puis il a fallu tout recrépir. Et des fenêtres étaient percées au droit des meurtrières. Lesconditions de travail étaient considérablement améliorées. L'éverite et la charpente récupéréessur le toit servaient à construire le hangar accolé au mur Sud du fort."

Le fort du Coq a alors connu de belles années d'activité nautique, poursuit Pierre. " Amon arrivée, il y avait un embryon d'école de voile. Je l’ai créée officiellement, affiliée à laFédération Nationale. Le succès a été spectaculaire. Au cours des étés 1972, 1973, 1974, nousdépassions 1000 élèves. Curieusement, le déclin de l'école a coïncidé avec le développementde la plaisance; beaucoup d'enfants, au lieu de suivre des cours, accompagnaient leurs parentssur le nouveau yacht."

Les marins pêcheurs à l'école: " Peu après mon arrivée, continue Pierre LE NOACH,les pêcheurs ont été dans l'obligation d'avoir le brevet de capacité pour conduire leur bateau.Avec l'accord des Affaires Maritimes, je leur ai donné des leçons, ce qui leur a permis, àBénodet et à Mousterlin, de se mettre en règle et ensuite d'améliorer leur retraite. "

Au départ de Pierre LE NOACH, c'est Georges JAMES qui devient le Chef de Centredu Yacht Club de l'Odet; il y reste jusqu'en 1987 année où l'association décide, pour raisonéconomique, de supprimer le poste de permanent. Un an plus tard, l'école de voile nefonctionnera plus.

Après l'ouragan de 1987 on a vu les plaisanciers avoir un vrai coup de coeur pour le fort.Avec tronçonneuses, serpes et faucilles, pelles et pioches, ils ont passé plusieurs week-ends àcouper, débroussailler ; ils ont même découvert un parcours de mini-golf que la générationd'avant avait aménagé sur les contreforts de la butte.

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Ces mêmes années, la municipalité accordait au Yacht Club de l'Odet la .jouissanced'un local du rez-de-chaussée de la nouvelle capitainerie du port de plaisance, et il y faisaitson club house. Dès lors, il n’utilisait plus guère les locaux du fort. Par contre il est trèsattaché à l'installation de départs de courses implantés sur la butte, et il est difficile de rêvermeilleur emplacement pour le jury comme pour les équipiers.

LE COUP DE TONNERRE DE BREST

En 1988, la Préfecture Maritime de Brest provoquait la surprise à Bénodet enannonçant la mise en vente de la batterie. Le bail du Yacht Club de l'Odet était résilié etl'association continuait de l'occuper sans pouvoir envisager l'achat des lieux. Immédiatement,la municipalité se mettait sur le rang des acheteurs et le Maire étai informé que la vente seferai t au plus offrant avec clause de préemption en faveur de la commune. En mars 1989, lamunicipalité a changé et les nouveaux élus montrent autant de détermination que leursdevanciers pour que le fort devienne propriété communale.

On s'acheminait vers l'achèvement de la procédure quand un deuxième coup detonnerre éclate à Paris. Au ministère on n'est pas satisfait des offres reçues à la PréfectureMaritime et on fait dire que la batterie de 3énodet sera vendue aux enchères publiques sur unebase d'offre de 1.1OO.OOO francs, avec pas d'enchères de 100.000 francs.

Toute la population est attentive à l'affaire et attend que le fort soit acheté par lacommune. Au cours de leur réunion du 20 décembre 1989, les conseillers ont été unanimesdans cette même volonté. Dans le prochain bulletin de notre association, nous vous parleronsde la vente.

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