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CHRIST ET ZODIAQUE

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CHRIST ET ZODIAQUE

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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

ESSAIS

Le Tarot, clef de l'hermétisme chrétien (prix Victor-Emile Mi- chelet dit de littérature ésotérique).

Ouvrage en 6 volumes sur le symbolisme : Vol. I, épuisé sur La Primauté des Nombres. Vol. II, La Cabale, 7,50 NF. Vol. III, L'astrologie et l'alchimie (sous presse), éd. de

l'Omnium littéraire, Paris.

POEMES

Sur le chemin du Rêve, aux éd. Clartéistes, épuisé (ouvrage couronné par l'Académie française).

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ANDRÉE PETIBON

CHRIST ET

ZODIAQUE FACE A LA LOI DES CYCLES

LA COLOMBE EDITIONS DU VIEUX COLOMBIER

5, rue Rousselet, 5 PARIS

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@ 1962 by La Colombe, Editions du Vieux Colombier, Paris. Tous droits de traduction, reproduction et adaptation réservés pour tous pays.

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A P R O P O S D E « N O T R E » Z O D I A Q U E

Certains lecteurs et peut-être surtout les spécialistes d'astro- logie seront déroutés de voir les signes du zodiaque cités exclu- sivement dans cet ouvrage dans un ordre qui leur paraî t ra arbi- traire ou incompréhensible à première vue.

C'est que l 'ordre d 'apparit ion des symboles zodiacaux dans l'histoire et dans la préhistoire religieuse apparaî t (selon la tradition retrouvée par le Hiéron de Paray-le-Monial et par la revue Atlantis, et sans doute par tous les hermétistes au Moyen Age) en sens inverse de celui des Mois. L'avènement avance donc de gauche à droite. Ceci sera expliqué davantage au cha- pitre IV. Notons donc attentivement que Les mois vont de droite à gauche, du Bélier aux Poissons (c'est-à-dire d'avril au mois de mars suivant dans tous les manuels d'astrologie). Le cycle des symboles religieux partent de la Vierge au début de la Grande Année et jusqu'à la fin des Ages peuvent être pressentis jusqu'à la Balance. On les lira donc de gauche à droite à par t i r de la Préhistoire en avançant vers l 'avenir et de droite à gauche si l'on remonte une tranche du passé.

Le beau livre du Zodiaque de Sénard place une Vierge au cœur du Zodiaque au frontispice de son livre. Comme la cathé- drale de Paris, clef de voûte de l ' iconographie médiévale, au revers de la ROSE mystique du portail intérieur dont Notre- Dame est le centre au milieu des apôtres, place exactement dès le portail extérieur, une Vierge tenant en mains une Rose fleu- rissant sur une Croix. Fulcanelli, dans le Mystère des cathé- drales, aidera le lecteur curieux de ces choses à mieux com- prendre pourquoi Marie est appelée la tige de Jessé dans la Bible; tige signifie feu et soleil en hébreu. Donc origine et clef divine.

Jes n'est-il pas aussi le début du mot Jésus (la totalité de ses consonnes en kabbale) ?

Le Salve Regina dès son début appelle la Sainte Vierge Radix : Racine de la lumière et commencement de tout.

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Tel est aussi le sens de ce livre. Car l' Astrologie, sur un plan métaphysique, reste un pont jeté entre le symbolisme de la kabbale et de l' alchimie.

Fulcanelli (p. 68) nous rappelle que Notre-Dame est ce jardin clos, fleuri de Roses blanches et rouges, au verger mystique. Elle est le jardin fermé du Cantique des cantiques.

C'est pourquoi le « Bain des astres » est encore montré comme condensation de l 'Espoir universel, donc de toute initiation à Notre-Dame de Paris au Portail de la Vierge (image, p. 80, dans Fulcanelli).

La Rose des Porches se nommait au Moyen Age (comme le Tarot, même mot retourné) Rota, Roue, liée au symbole du Feu de Roue, force évolutive suprême de l'Amour.

La Roue est le signe de l'évolution. C'est la condensation de l 'Initiation chrétienne et mariale qu'ose exprimer pour la pre- mière fois totalement en clair, croyons-nous, cette image et ce livre sur le plan du déroulement de toutes les religions du monde face à l'Horloge zodiacale et à la loi des cycles.

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Nova ex Vetera Fluctuat nec mergitur

(Devise de toute Arche initiatique).

« Qu'on le veuille ou non, un fait apparaît en pleine lumière : la magie des forces occultes et la sé- duction d'un ésotérisme rajeuni n'ont jamais exercé d'influence plus flagrante que dans la période actuelle. En vérité, pour qui sait voir, le temps que nous vivons se dévoile bien singulier en ce qu'il rassemble dans les mêmes esprits le scientifique et l'ésotérisme en un incroyable mélange. »

(Professeur Jean LHERMITTE, de l'Académie de médecine.)

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NOTE PRÉLIMINAIRE

Nous affirmons nous incliner devant les dogmes catho- liques, Cependant, étant donné un public souvent mal informé de laïcs et même de clercs qui confond à tort dans une même en une seule interdiction tout ce qui touche à l'astrologie, nous tenons à rappeler ce qui suit : L'Eglise n'a jamais condamné qu'une forme d'astrologie populaire et ignorante qui tend à admettre une fatalité absolue où s'estompent ou disparaissent plus ou moins les notions de Providence et de liberté humaine. Mais saint Thomas estimait de libre opinion (son œuvre l'af- firme en toutes lettres) de croire que les « astres incli- nent et n'obligent pas ». C'est-à-dire que les influences présumées astrologiques ou cosmiques peuvent exister, comme aussi celles du tempérament, de l'hérédité et d'autres qui en seraient inséparables.

A plus forte raison, si les chances du destin individuel peuvent subir des influences que les sciences dites exac- tes mesurent mal, il est difficile de nier, de nos jours, du point de vue scientifique le plus strict, un rythme cos- mique, influençant les climats comme les civilisations.

Or, c'est exactement ce que la Roue du Zodiaque ou l'Horloge cosmique entend représenter en termes de symboles astrologiques depuis la plus haute Antiquité.

1. Pour la compréhension de nos clefs, nous a t t i rons l 'a t tent ion des lecteurs non spécialisés pour qu'i ls revisent le Zodiaque dans son sens ini t iat ique de symbolisme religieux (v. ch. III, p. 103, note).

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Notre but a été seulement de démontrer qu'une si an- cienne tradition tend à confirmer, loin de les contre- dire, les thèses bibliques et chrétiennes, et notamment celle de la divinité du Christ.

A. P.

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I N T R O D U C T I O N

L'ésotérisme reste suspect à la plupart des chrétiens et, cependant, il est inséparable de la gnose. Or, les recherches les plus récentes découvrent une gnose primitive orthodoxe existant à l'origine même du christianisme et qui utilisa les traditions helléniques et celtiques, c'est-à-dire celles issues du paganisme occidental et méditerranéen.

Il serait hors de notre sujet de retracer le cours des filiations orthodoxes oubliées de l'ésotérisme. Nous pour- rions moins encore en retracer tous les errements.

Pour essayer de rassurer les lecteurs inquiets, nous nous contenterons de rappeler, dans cette introduction, comment les sources judéo-chrétiennes et hellénisantes du christia- nisme primitif étaient déjà ésotériques. Nous tenterons sans doute, dans un ouvrage ultérieur, de répondre de plus près aux objections qui ne manqueront pas de nous être faites sur la possibilité de reconstruire un ésotérisme tra- ditionnel et moderne à la fois, demeurant totalement ortho- doxe comme fut celui du début de notre ère.

I. — DU JUDÉO-CHRISTIANISME PRÉ-HELLÉNISANT

Depuis le début du siècle, des chercheurs de plus en plus nombreux n'ont cessé de souligner combien la théolo- gie, puis l'iconographie chrétienne, tant aux premiers siècles qu'au Moyen Age, ont utilisé les instruments intellectuels

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de la philosophie et même de la mythologie et de l'hermé- tisme.

— Les PP. Balthazar, Festugière, de Lubac, Dan ié lou ont eux-mêmes longuement analysé ces sources. Mais ce que les auteurs incroyants ont, contrairement à ces der- niers, davantage oublié, c'est l'existence antérieure d'une première théologie chrétienne de structure essentiellement sémitique, à la fois kabbaliste et biblique.

Certes, aux yeux de la Foi évangélique, le Christ, seul, a su vraiment lever le voile sur les sceaux jusque-là les plus scellés de la Révélation. Mais cette affirmation, la théologie apostolique et primitive la développe d'abord, comme le démontre J. Daniélou, au moyen de catégories et même de vocables, qui étaient celles de la littérature apocalyptique juive.

Cette période intermédiaire fut longtemps méconnue, les œuvres de cette période ayant été pour la plupart perdues et exhumées des fouilles de façon tout à fait partielle et récente seulement. Or, la notion apocalyptique et celle des hiérarchies angéliques était déjà juive et particulièrement palestinienne. Les Juifs d'Antioche, les Esséniens et certains philosophes égyptiens déjà judaïsés, influenceront même une première gnose, orthodoxe d'abord, puis apocryphe et souvent hétérodoxe dès cette période.

Un certain millénarisme, tantôt acceptable et tantôt con- damné par l'Eglise, s'ensuivit, thèse bientôt inséparable des notions de cycle et d'astrologie parmi les gnostiques ulté- rieurs et bientôt hellénisants.

Il est certain que des spéculations sur la genèse, donc sur la cosmologie, donnaient lieu à des spéculations ésotéri- ques, mais orales, par crainte de déformations qui ne man- quèrent d'ailleurs pas de se produire par la suite. Clément d'Alexandrie ne nie pas ce fait, parmi les premiers judéo- chrétiens. Les hétérodoxes futurs n'ont donc aucun droit d'en tirer prétexte pour opposer à la tradition des succes-

1. Voir pa r le R. P. Daniélou, Le message évangélique, Desclée, 1957

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seurs des Apôtres un courant de pensée que ceux-ci recon- naissaient exister et dont ils considéraient les hétérodoxes comme de simples plagiaires déformateurs. Ils sont d'ail- leurs privés de toute preuve d'authenticité primitive.

Le sujet véritable de discussion ne porte donc plus, au- jourd'hui, sur l'existence d'une gnose orthodoxe; le véri- table problème consiste à en imaginer le contenu véritable.

Il est certain que cette première source ésotérique s'hellé- nisa de bonne heure. Mais cette hellénisation ne se pro- duisit si rapidement que parce qu'il existait des grandes lignes de pensée communes. Ainsi, la thèse judéo-chré- tienne des Anges des nations rejoignit, bientôt, celle de l'astrologie hellénique, imaginant les astres et les dieux comme protecteurs ou fondateurs d'une « Cité antique » peu à peu élargie à la mesure d'une patrie. Les Anges furent l'aspect de doctrine biblique qui put guérir le polythéisme, après avoir peut-être été l'origine, bientôt déformée, de ce dernier.

De même, la pensée hellénisante des élites, qui fut jus- tement celle des « mystères », rejoignait-elle la pensée ju- daïque pour attendre plutôt le Christ sous l'aspect du Messie, triomphateur de la seconde venue : la description en était plus conforme aux imaginations de la philosophie humaine que celle d'un dieu d'abord humilié et crucifié. Enfin, la notion de l'aspect féminin ou de l'épouse de cha- que divinité en Grèce, devait trouver tout naturellement son épanouissement purifié dans la thèse des kabbalistes juifs sur l'aspect en quelque sorte féminin des grâces de l'Esprit- Saint et surtout de la médiation de la Sainte Vierge.

Assez vite, les initiés aux plus hautes spéculations hellé- nistes devaient être accessibles à la liturgie céleste et angé- lique de l'Ancien Testament.

La notion des cieux et des enfers gradués n'était pas sans rapport non plus avec les plans du cosmos et des états de conscience décrits par la vision des sages de l'Inde, de l'Egypte, et en Grèce, d'une manière plus occidentale, par l'enseignement de Pythagore et de Platon.

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La Croix chrétienne prendra presque de suite un sens second de gloire, qui retrouve une sonorité cosmique. Elle rejoindra la thèse hellénistique des quatre points cardinaux et des quatre éléments qui peut servir de clef symbolique très simplifiée à toute la genèse et à tout le cosmos.

Comme nous le rappelle H. Dumery dans sa Philosophie de la r e l i g i o n il est réel que la pensée mythique et gnos- tique ne fut pas étrangère à la première apologétique chré- tienne, à celle de saint Paul, de Clément et d'Origène. Mais il fallut alors repenser le mythe, non plus comme une vision païenne du monde, mais comme une représentation de structure imaginative et non imaginaire du monde : elle redevient alors un support possible de la plus saine con- templation chrétienne; chaque peuple ayant à la fois son langage et ses symboles familiers : ainsi l'iris de chaque œil humain a une couleur différente et reste voué à regar- der, pourtant, le même soleil et les mêmes sommets.

De même, le christianisme primitif a-t-il exprimé son élan spirituel à travers des formes d'abord empruntées aux usages et aux thèmes du milieu juif et le plus souvent essénien. Mais ce dernier servait déjà de lien avec le milieu hellénistique et de ce confluent naîtra bientôt toute la pen- sée alexandrine, byzantine, puis orientale chrétienne et plus tard médiévale.

Certaines notions d'angélologie juive et d'astrologie syria- que et égypto-grecque vont essayer de converger entre eux : c'était un effort d'unité particulièrement tentant, en ces milieux encore imbus du souvenir des trois mages symbo- liques, celui de l'Orient sémitique, celui des traditions afri- caines et, enfin, celui des peuples tour à tour appelés Aryens, Celtes et Japhétiques ou Européens.

Signalons, encore, parmi les cas d'osmose spirituelle ré- ciproque, une sorte d'ascèse végétarienne qui se fit jour parmi certains chrétiens, tantôt orthodoxes et tantôt héré- tiques et ébionites.

2. Paris, 1957, I, p. VI.

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Les Esséniens eux-mêmes n'ont pas exclu le vin, puis- qu'ils bénissaient la coupe, mais leurs textes laissent en- tendre que beaucoup s'en abstenaient. L'expérience ascé- tique des Esséniens, celle de saint Jean-Baptiste, et celle des Pères du désert et des ordres contemplatifs ultérieurs gar- dera toujours plus d'un trait commun avec l'ascèse extrême- orientale dont l'Inde et l'Islam actuelle nous donnent encore une idée f i d è l e Le judaïsme aussi4.

Le Christ, qui voulait s'adresser à la terre entière, a rompu avec la rigueur de l'interdit.

Mais saint Jacques semble, d'après Hégésippe, être de- meuré plus fidèle à la tendance rigoriste juive. Peut-être les chrétiens de nos jours ont-ils d'ailleurs trop oublié la valeur d'une certaine ascèse naturelle et progressive comme favorable à la domination de la chair par l'esprit et par suite à certains états contemplatifs où doit nous ache- miner la morale dite « de conseil ».

Pour revenir à notre sujet particulier, il reste certain qu'un caractère cosmique complétait l'aspect historique de la pensée juive primitive.

C'est par là qu'elle pouvait rejoindre la pensée grecque et même extrême-orientale. Une théologie Trinitaire se dé- doublait subtilement dès l'origine, rythmée d'une part à la thèse des neuf chœurs des Anges (3 X 3) et à celle des trois ou des sept jours de la création.

De là à rejoindre la thèse hellénique des cycles de l'évo- lution du cosmos, il n'y avait qu'un pas, d 'autant plus vite franchi, nous le verrons, que les nombre sept et douze ont, dans la Bible et dans la mythologie grecque, un symbo- lisme singulièrement parallèle.

3. Voir Hatha-Yoga, vache sacrée, végétarisme des ascètes hindous. Voir Bains de purification et absence d'alcool de certains ascètes mu- sulmans.

4. Diminution des vins, interdiction de la viande de porc chez les juifs, etc.

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II. — CULTURE HELLÉNO-CHRÉTIENNE PRIMITIVE

La Foi chrétienne utilisera tout naturellement, pour son instrument de présentation au monde méditerranéen, la philosophie grecque dont ce dernier était alors imbu. Le message judéo-chrétien reste la substance et le contenu, mais la forme de pensée hellénistique devient dès lors le contenant ciselé pour les milieux cultivés. Ce fait s'affirme dès la fin du I siècle, avec la prédication de saint Paul aux Gentils. Il fut encore plus affermi aux I I et I I I siècles, où le christianisme ne s'étend guère que dans les nations de culture directement hellénique ou indirectement classi- que et latinisée5.

Le souci des apologistes va être, non plus seulement de faire admettre la foi au Christ, mais de renoncer à l'idolâ- trie. Pour cela, saint Clément d'Alexandrie et ceux qui con- tinueront son sillage avec saint Justin, Grégoire de Nysse, Origène et jusqu'à Maxime le Confesseur, s'efforceront de montrer comment la sagesse ascendante des nations possé- dait une connaissance partielle de la vérité et du Christ; comment il y eut, de Job à Socrate, de véritables « saints païens ». Nos plus anciens docteurs l'admettaient.

Une certaine inspiration a pu exister en dehors d'Israël. Tantôt la raison naturelle non déviée s'approche de la vérité divine, tantôt les Anges ont pu en apporter des étincelles au miroir des consciences pures. Le Pasteur divin a pris soin de ses brebis, en toute miséricorde, même hors de sa bergerie.

Même les perversions de la mythologie gardent trace de certains vestiges de la révélation primitive adamique puis biblique, car les mauvais Anges déforment et n'inventent

5. Voir Message évangélique et Culture hellénistique, par J. Danié- lou, S.J., professeur d'histoire des origines chrétiennes à l ' Insti tut Catholique, Desclée et C Paris. Et voir Les Saints Païens, du même auteur.

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point. Le démon même peut donc porter pierre, et ses éléments purifiés servir à une construction valable. Saint Thomas reprendra plus tard cette thèse chère, bien avant lui, aux Juifs d'Alexandrie, notamment à Eusèbe et à Phi- lon.

Analogies et préfigures dans les mythologies ne doivent donc pas nous surprendre.

Parfois aussi, c'est après le christianisme que seront accusés par interpolation, des ressemblances évangéliques chez des héros mythiques ou prêtant aux légendes : citons celles d'Orphée, de Persée ou de Krishna, rapprochées du Christ, et celle d'Hélène comparée à la Sainte Vierge.

C'est même par de telles adaptations modernes que sur- vivront si longtemps les mystères de Mithra et ceux de l'Orphisme. L'utilisation fut incessante de textes chrétiens par les païens et de textes platoniciens par les Pères de l'Eglise primitive.

Or, l'une des thèses dont la convergence est la plus évi- dente entre la pensée biblique et païenne est la loi des cycles : celle de l' évolution cosmique pour les uns, et du déroulement du plan divin pour les autres.

Il a fallu que la science humaine, depuis Darwin et La- marck surtout, ramène la pensée moderne vers l'idée d'évo- lution, pour sortir la pensée de nombreux chrétiens d'un certain immobilisme, dont elle était loin d'être atteinte aux premiers siècles.

Pour juifs et chrétiens, il existe bien une seule vérité, révélée à l'origine, et qui n'est pas sans analogie avec l'âge d'or de toutes les mythologies.

Emprunter au monde hellénistique ce qui reste conforme à la Révélation sera donc le fait d'une apologétique saine- ment adaptée à la psychologie des peuples auxquels s'adres- sèrent très vite les premiers apôtres.

Certains apologistes contemporains ne feront donc que reprendre la méthode de leurs pères, lorsque, découvrant des civilisations longtemps inconnues ou oubliées, ils ne craindront pas, à leur tour, de confronter la loi des cycles

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selon les théogonies hindoues, voir selon les roues zodiacales de toutes les traditions ésotériques communes au monde antique et moderne.

La valeur des symboles et des mythes comme support de contemplation apparaît sans doute moins aux premiers Pères de l'Eglise que leur poids apologétique. Cependant, un courant continu de pensée se fait jour, de Pythagore aux premiers apôtres. Les quelques chrétiens qui tenteront de condamner la philosophie seront inspirés en cela par l'habi- tuelle pusillanimité des moins instruits parmi eux, comme nous le rappelle Clément. C'est là un état d'esprit infan- tile, capable seulement de goûter du lait, diraient ensemble saint Paul et Origène.

Jamais n'a cessé l'existence d'une gnose ni d'un hermé- tisme chez les Juifs les plus orthodoxes. Si même Adam eut attendu l'heure de Dieu, son évolution l'eût rendu ca- pable de goûter de l'Arbre de la Science sans dévier de la double loi d'obéissance et d'amour inspiré. Le péché ne vient ni de la connaissance ni de la chair. L'état de grâce exige seulement que l'inspiration divine guide la raison, et que l'une et l'autre commandent aux impulsions passion- nées ou charnelles. Telle est du moins la limite à partir de laquelle la gnose peut rester orthodoxe, loin de raidir la pensée chrétienne.

Définition des termes gnose, hermétisme et ésotérisme.

Mais il conviendrait de préciser ici le sens des mots gnose, hermétisme et ésotérisme, et les limites où ils peu- vent conserver une signification chrétienne.

La gnose eut, dès les origines chrétiennes, un versant grec et un autre juif. Celle des Juifs est surtout orientée vers l'angélologie et l'attente d'une période rédemptrice puis eschatologique. Celle des Hellènes, d'abord hétérodoxe, reste dualiste et n'affirme pas assez nettement le triomphe des forces du Bien.

C'est, d'ailleurs, à partir d'un dualisme foncier que toutes

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les philosophies et religions ont dévié de leur pureté pre- m i è r e Satan finit par y apparaître comme aussi puissant que Dieu... et cela devient vrai pour certains milieux à pro- portion du voile jeté par eux sur la vérité divine et révélée.

Cependant, la gnose, même hétérodoxe, garde ses lueurs. Elle pressent des cycles dont l'orientation en spirale ou en hélice, c'est-à-dire montante, n'est plus assez nette. Mais, du moins, cette loi des cycles, où des étapes du plan de Dieu, reste-t-elle la grande lueur commune de la pensée reli- gieuse judaïo-chrétienne et païenne.

C'est donc à partir de là que peuvent se définir deux aspects de gnose, d'hermétisme ou d'ésotérisme.

Périodiquement, des incroyants ont voulu introduire une fausse gnose à la place de la véritable, s'écriera encore Bossuet.

Cependant, gnose, en grec, signifie connaissance. Elle dé- finit, au fond, tout degré de science philosophique et reli- gieuse supérieure à ce qui peut être enseigné à la masse. Elle ne devient illicite aux yeux de l'Eglise que si elle entend demeurer strictement secrète, au lieu de rester accessible aux esprits qui en éprouveront la nécessité par vocation et qui referont l'effort nécessaire pour y atteindre et le redé- couvrir.

Car toute gnose véritable possède une part expérimentale de Foi vécue. Son secret véritable est entre chaque âme et ses Anges, parfois avec un ou deux rares conseillers spi- rituels.

L'hermétisme qui a pris un sens de plus en plus axé sur l'idée de secret pourrait se définir comme une gnose particulièrement fermée, adaptée à un très petit nombre d'esprits spécialisés et qui l'ont voilée en termes de sym- boles. Ce fut le cas du triple symbolisme de la kabbale, de l'astrologie et de l'alchimie. Cette présentation symboli- que, chère au Moyen Age, a l'avantage et le danger de sou- ligner des catégories communes mais de préciser moins les

6. Voir Sagesse et Chimères, de René Bertrand, Ed. Grasset.

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interprétations différentes que lui donneront bientôt les divers courants de pensée juive, arabe, chrétienne, et même parfois, hélas! panthéiste.

Le mot gnose a jadis été attribué à tous les genres de connaissances. Elle le fut aussi à la théologie mystique naissante ou à l'état de celui qui serait parvenu à la per- fection sp i r i t ue l l e Il définissait à la fois la formation des hommes vertueux et une contemplation dans laquelle l'élé- ment connaissance prépare l'Amour de Dieu autant que de l'univers.

C'est le second aspect de gnose qui, seul, nous intéresse et ouvre la voie à la définition de l'ésotérisme.

Le mot ésotérisme fut en effet inséparable de celui de gnose dans la philosophie grecque. Le mot (de esotérikos, intérieur), s'oppose à celui d'ésotérisme (extérieur). Pro- bablement dès Pythagore, et certainement autour de Pla- ton et d'Aristote, il y eut deux degrés d'enseignement. Seuls les initiés ayant atteint, après un stade de probation, à un certain degré de gnose, recevaient l'enseignement total de l'école.

Les Mages et les écoles occulistes de toutes couleurs ont pratiqué cette subdivision entre initiés et non initiés (mais, n'oublions pas que les premiers chrétiens aussi ne lais- saient que les initiés et non les catéchumènes débutants assister à toute la messe. Les temps modernes avaient long- temps oublié ces choses).

Ce serait donc commettre une erreur historique gros- sière, que de croire nécessairement hétérodoxe tout ensei- gnement religieux longuement et sagement gradué, surtout pour ce qui concerne la métaphysique, le symbolisme uni- versel et la mystique, qui, normalement, exigent une voca- tion et ne concernent que soit l'apologétique spécialisée, soit la morale de conseil, et, par suite, le petit nombre.

7. Il rejoint alors le concept évangélique de la plural i té des demeu- res de l'âme. Le Saint-Espri t et la Communion des Saints en sont le Temple secret qui reste surnaturel alors qu'il reste humain, sectaire et exclusivement humaniste dans ses déformations hétérodoxes.

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On pou r r a i t conclure que l ' é so té r i sme cons t i tue le som- met de la gnose mais , a j o u t a n t à la m é t a p h y s i q u e et à la mys t ique u n symbol i sme universel comparé , il p e u t t rou- bler les espr i t s qui n 'y son t ni p r é p a r é s ni a t t i rés .

Gnose originelle orthodoxe.

Cependan t il sera d ' a u t a n t p lus uti le d ' e x h u m e r ce que les p lus anc iens doc teurs ont di t des l imites en t re une vra ie et une fausse gnose. Clément d 'A lexandr i e a, l ' u n des p remiers , c o m b a t t u v ic to r i eusement les aspec t s hé té rodoxes de celle-ci aux p remie r s siècles, en u t i l i s an t son hé r i t age le p lus valable. Il est t e m p s de l ' imi te r p o u r r é p o n d r e de nouveau aux m ê m e s cou ran t s hé té rodoxes tels que les res- susci te no t re époque.

Or, Clément définit la vra ie gnose c o m m e une r eche rche m a x i m a de dévoi lement de ce qui est intell igible dans les mys tères . Elle se p e n c h e r a n o t a m m e n t s u r ceux de la cause p remière et de la cause finale, et, à for t ior i , des fins escha- tologiques.

Mais le gnos t ique or thodoxe des p r e m i e r s siècles p a r t a i t de la Révéla t ion tout en u t i l i san t au m a x i m u m des concepts et u n vocabulai re grecs. Il est donc possible d ' e x a m i n e r t ou t ce qui, fût-ce à t i t re d 'hypothèse , res te acceptab le dans cet te n u a n c e de pensée, parce qu 'e l le r e j o i n d r a i t des a rché- types du p l a n divin ind iqués dans la Bible.

Or, les convergences qui f r a p p e n t d ' abo rd no t re doc teu r sont, d ' une par t , l ' idée des catégories des espr i t s invisibles et de l ' au t re celle des étapes mys t iques à f r a n c h i r p a r l ' âme h u m a i n e p o u r r e m o n t e r j u s q u ' à Dieu. T o u t e une théologie des Anges se t rouve dans les S t roma te s de Clément , qui sera repr i se pa r sa in t Denys l 'Aréopagi te . Elle r e s te ra en sommei l p a r m i de n o m b r e u x théologiens m o d e r n e s ; préoc- cupés p resque exc lus ivement de la mora l e à l a fois indivi- duelle et sociale, ils sont moins a t t achés aux p rob lèmes des mys tè res divins et cosmiques qui, pou r t an t , cons t i t uen t l 'une des bases pr imi t ives de la mora l e el le-même.