60

Christianisme, spiritualité, religion catholique louange | mp3 · 2017. 5. 18. · Philibert Secretan, Paris, Cerf, 1987, p. 1-18 ; « Die weltanschauliche Bedeutung der Phänomenologie

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • SIGLES

    Lesmêmessiglesserontutiliséspourlesécritsd’EdithSteindanstouteslescontributionsdecelivre.Plutôtquedessiglestrès courts comme par exemple EFEE pourÊtre fini et êtreéternel,nousavonschoisidestitrescourtspourpermettreauxnon-spécialistes de s’initier plus facilement. Pour situer lesœuvresdanssavie,nousindiquonsaprèsletitrecourtladatede rédaction entre crochets. En français, nous indiquons lestraductionslàoùellesexistent.Remarquonsquedepuis2008sont publiées les œuvres complètes en coédition chez lesÉditions duCerf, lesÉditions duCarmel et lesÉditionsAdSolem (pour l’instant sept volumes). Outre la référence auxtraductionsfrançaises,nousajoutonségalementlaréférenceàl’édition allemande des œuvres complètes, la Edith SteinGesamtausgabe(ESGA).Pournepasallongerlesréférencesàcette édition, le lieu et l’éditeur (Fribourg enBrisgau/Bâle/Vienne,Herder) ne sont pas indiqués à chaquefois. Après la référence générale à l’édition allemande nousdonnonslestitrescourtsdansl’ordrealphabétique.ESGA EdithSteinGesamtausgabe, éd. par le InternationalesEdith Stein InstitutWürzburg,

    puis leCarmel de Cologne avec la collaboration scientifique de Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz, 27 tomes, Fribourg/Bâle/Vienne, Herder, 2000-ca. 2014 ; édition précédente :EdithSteinsWerke [sigle : ESW], éd. par LucyGelber et Romaeus Leuven, 18 tomes,Leuven,Nauwelaerts,puisFribourg/Bâle/Vienne,Herder,1950-1998.

    AmourpourAmour[1934]

    «AmourpourAmour.VieetœuvredeSainteThérèsedeJésus»,inSourcecachée,p.99-162;«LiebeumLiebe.LebenundWerkderheiligenTheresiavonJesus»,inGeistlicheTexteI,éd.parUlrichDobhan,ESGA19,2009,p.60-114.

    Causalitépsychique[1918]

    «PsychischeKausalität»,inBeiträgezurphilosophischenBegründungderPsychologieundderGeisteswissenschaften,éd.parBeateBeckmann-Zöller,ESGA6,2010,p.3-109.

    Correspondance Correspondance I (1917-1933), trad. par Cécile Rastoin, Paris/Toulouse/Genève,

  • I[1917-1933]

    Cerf/Carmel/AdSolem,2009;Selbstbildnis inBriefen.ErsterTeil (1916-1933), éd.parHanna-Barbara Gerl-Falkovitz et Maria Amata Neyer, ESGA 2, 32010 (2000) etSelbstbildnisinBriefen.BriefeanRomanIngarden,éd.parHanna-BarbaraGerl-FalkovitzetMariaAmataNeyer,ESGA4,2001.

    CorrespondanceII[1933-1942]

    Correspondance II (1933-1942), trad. par Cécile Rastoin, Paris/Toulouse/Genève,Cerf/Carmel/AdSolem,2012;SelbstbildnisinBriefen.ZweiterTeil(1933-1942),éd.parHanna-Barbara Gerl-Falkovitz et Maria Amata Neyer, ESGA 3, 22006 (2000) etSelbstbildnisinBriefen.BriefeanRomanIngarden,ESGA4,22005(2000).

    Delapersonnehumaine[1932-1933]

    Delapersonnehumaine.I‒Coursd’anthropologiephilosophique(Münster1932-1933),trad. par Flurin M. Spescha, Paris/Paris/Toulouse, Ad Solem/Cerf/ Carmel, 2012 ; DerAufbaudermenschlichenPerson.Vorlesung zur philosophischenAnthropologie, éd. parBeateBeckmann-Zöller,ESGA14,22010(2004).

    Del’artdedonnerformeàsaviedansl’espritdesainteÉlisabeth[1932]

    inSourcecachée,p.79-98;«LebensgestaltungimGeistderheiligenElisabeth»,GeistlicheTexteI,éd.parUlrichDobhan,ESGA19,2009,p.30-43.

    Del’État[1920-1924]

    Del’État, trad.parPhilibertSecretan,Paris,Cerf,1989 ;EineUntersuchungüberdenStaat,éd.parIlonaRiedel-Spangenberger,ESGA7,2006.

    Êtrefinietêtreéternel[1935-1937]

    L’Êtrefinietl’Êtreéternel.Essaid’uneatteintedusensdel’être,trad.G.CasellaetF.A.Viallet,Louvain/Paris,Nauwelaerts/Béatrice-Nauwelaerts,21998(1972) ;Endlichesundewiges Sein. Versuch eines Aufstiegs zum Sinn des Seins, Anhang : Martin HeideggersExistenzphilosophie. Die Seelenburg, éd. par Andreas UweMüller, ESGA 11/12, 22013(2006).

    ExaltationdelaCroix[1941]

    inSourcecachée,p.275-280;«Kreuzerhöhung»,inGeistlicheTexteII,éd.parSophieBinggeli,ESGA20,2007,p.147-151.

    Formationdelajeunesseàlalumièredelafoicatholique[1933]

    « Jugendbildung im Licht des katholischen Glaubens. Bedeutung des Glaubens und derGlaubenswahrheitenfürBildungsideeundBildungsarbeit», inBildungundEntfaltungderIndividualität. Beiträge zum christlichen Erziehungsauftrag, éd. par Beate Beckmann etMariaAmataNeyer,ESGA16,22004(2001),p.71-90.

    Individuetcommunauté[1919]

    « Individuum und Gemeinschaft », in Beiträge zur philosophischen Begründung derPsychologie und derGeisteswissenschaften, éd. par Beate Beckmann-Zöller, ESGA 6,2010,p.110-262.

    Introductionàlaphilosophie[1916-1921]

    EinführungindiePhilosophie,éd.parClaudiaMariéleWulf,ESGA8,22010(2004).

    Lacollaborationdescentresconventuelsdanslaformationreligieusedelajeunesse[1929]

    « Die Mitwirkung der klösterlichen Anstalten an der religiösen Bildung der Jugend », inBildungundEntfaltungderIndividualität,ESGA16,22004(2001),p.50-62.

  • Ladestinationdelafemme[1931]

    inLafemme,p.115-129;«DieBestimmungderFrau»,inDieFrau,ESGA13,2000,p.46-55.

    Lafemme[1928-1933]

    La femme, trad. parMarie-DominiqueRichard,Paris/Toulouse/Genève,Cerf/ÉditionsduCarmel/Ad Solem, 2008 ;Die Frau. Fragestellungen und Reflexionen, éd. par SophieBinggelietMariaAmataNeyer,ESGA13,42010(2000).

    Lamissiondelafemmeentantqueguidedelajeunessesurlechemindel’Église[1932]

    inLafemme,p.387-407;«AufgabederFraualsFührerinderJugendzurKirche»,inDieFrau,ESGA13,2000,p.209-222.

    Laprièredel’Église[1936]

    inSourcecachée,p.49-74;«DasGebetderKirche»,inGeistlicheTexteI,ESGA19,2009,p.44-58.

    L’artd’éduquer[1935]

    «Unmaîtredansl’artd’éduqueretdeformer:sainteThérèsedeJésus»,publiésousletitrefrançais :L’Artd’éduquer.RegardsurThérèsed’Avila,Genève,AdSolem,1999 ;«EineMeisterinderErziehungs‒undBildungsarbeit:TeresiavonJesus»,inBildungundEntfaltungderIndividualität.ESGA16,22004(2001),p.91-113.

    Lasignificationdelaphénoménologie[1931]

    «Lasignificationdelaphénoménologiecommeconceptiondumonde»,inPhénoménologieet philosophie chrétienne, trad. Philibert Secretan, Paris, Cerf, 1987, p. 1-18 ; « Dieweltanschauliche Bedeutung der Phänomenologie », in Welt und Person. Beitrag zumchristlichenWahrheitsstreben,ESWVI,Louvain/Fribourg,Nauwelaerts/Herder,1962,p.1-17.

    Lavaleurspécifiquedelafemmeetsonimportancepourlaviedupeuple[1928]

    inLafemme,p.39-62;«DerEigenwertderFrauinseinerBedeutungfürdasLebendesVolkes»,inDieFrau,ESGA13,2000,p.1-15.

    Lavocationdel’hommeetdelafemmeselonl’ordredelanatureetdelagrâce[1931]

    in La femme, p. 131-166 ; « Beruf des Mannes und der Frau nach Natur- undGnadenordnung»,inDieFrau,ESGA13,2000,p.56-78.

    Lechâteaudel’âme[1936-1937]

    trad.deCécileRastoin,inÉricderuS,IntérioritédelapersonneetéducationchezEdithStein,Paris,Cerf,2006,p.263-296;«DieSeelenburg»,inEndlichesundewigesSein,ESGA11/12,2006,p.501-525.

    LemystèredeNoël[1931]

    inLaCrècheetlaCroix,trad.parGeniaCatalàetPhilibertSecretan,Genève,AdSolem,2007, p. 21-33 ; éd. antérieure : Genève, Ad Solem, 1998, p. 27-52 ; « DasWeihnachtsgeheimnis»,inGeistlicheTexteI,ESGA19,2009,p.2-14.

    Leproblèmedel’empathie[1913-1916]

    Le problème de l’empathie, trad. de Michel Dupuis, Paris/Toulouse/Ad Solem, Cerf/Carmel/Ad Solem, 2012 ; Zum Problem der Einfühlung, éd. par Maria AntoniaSondermann,ESGA5,22010(2008).

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • considéracommeunechance le faitd’avoirétéenvoyée tôtàl’école puisque l’étude, en donnant à son esprit « une

    nourriture solide51 », allait favoriser l’unification de ses

    forces52.

    « La vie du moi est constituée par ce que la personne

    accomplit librement et consciemment53 ». En fonction de

    l’éveil de la conscience les actes procèdent « d’une plus ou

    moins grande profondeur54. » Or l’acte libre suppose

    l’enracinement dans l’intériorité la plus profonde de lapersonne,encet«endroitoùle“je”asaplacepropre,lelieudeson repos,qu’il sedoitdechercheraussi longtempsqu’ilnel’apastrouvé,etauquelilsedoitdereveniràchaquefoisqu’ils’enestextrait:c’estlepointleplusprofonddel’âme.Cen’estqu’àpartirdecepointquel’âmepeutse“recueillir”;car il n’existe pas d’autre point à partir duquel elle pourraits’embrasser entièrement. Ce n’est qu’à partir de celui-ciqu’elle peut prendre des décisions définitives, qu’elle peuts’engager pour une cause, qu’elle peut s’abandonner et se

    donner.Autantd’actesdelapersonne55.»End’autrestermes,

    cen’estque«[l]orsqu’ilvitdanscetteintériorité,[queleJe]dispose de la force totale de l’âme et [qu’]il peut l’utiliser

    librement56.»Dèslors,l’ancragedansl’intérioritépersonnelle

    devientlaconditiond’unepossessiondesoirendantpossiblecette donation de soi qui est la forme accomplie de

    l’engagement57. C’est précisément ce que démontre le choix

    d’EdithSteinenfaveurdelaphilosophie,etsurtoutlamanièrecréatricedelevivrepuisqu’elleconçuttrèsvitecettedisciplinecomme une création à part entière allant bien au-delà de lasimplerépétitiondepenséesétrangères.Parailleursdanscette

  • libre décision ‒ et cela est vrai de tout engagement libre ‒s’accordentledéploiementdesanotepersonnelleetleservicedel’humanité.

    « Nous sommes en ce monde pour servir l’humanité… Le meilleurmoyen d’y arriver, c’est de faire ce pour quoi on a les aptitudes

    requises… Donc… La conclusion m’apparut incontestable58. » (Vie

    d’unefamillejuive,p.228)Posséderuneclairevisiondesatâcheproprenevacependantpasdesoi,chacunsedécouvrantconstammentballottéde-ci,

    de-là59. Aussi Edith Stein reconnaît-elle que « bien peu

    d’hommes vivent ainsi concentrés en eux-mêmes. Chez la

    plupart, le Je se situe plutôt à la surface60 », alors qu’il

    s’agirait plutôt d’« envisager la vie du point de vue de son

    intériorité la plus profonde61. » Cette situation impose une

    discipline de l’intériorité visant à désobstruer l’espaceintérieur en prenant du recul vis-à-vis des sollicitations

    externes62afinde se recentrer en cepoint intérieur où le+ e

    asademeure,ce«centreimmobiledel’âmeenlequelilasonchez-soiàproprementparler.C’estlàqu’ilesttoujoursappeléànouveau[…]pouryprendrelesdécisionsultimesauxquelles

    unêtrehumainestappeléentantquepersonnelibre63.»

    C.SetenirenmainUn tel recentrement s’accompagne d’une libération parrapport à cette attitude que nous pourrions nommer« naturelle-primaire » et où l’individu ne fait que réagir auximpressions en provenance du monde extérieur. Or

    l’« engrenage des attitudes naturelles64 » n’est pas libre

    puisquel’agirneprocèdepasdescoucheslesplusprofondes

  • delapersonne.Ceniveaucorrespondplutôtau«stadeanimal

    delaviepsychique65».

    «Lesujetpsychiqueyestentraînédel’extérieuretilnesetientpasenmain.Or l’uneet l’autrecapacité‒ se tenir enmainet régler soi-mêmeses mouvements ‒ confèrent à l’activité et à la liberté une marquecaractéristique.»(Libertéetgrâce,p.21)Entantquepersonnel’êtrehumainestappeléàdépassercestade primaire. En effet, à la différence de l’animal, lapersonne,toutenrecevantdesimpressions,«peutlesaccepteroulesrefuser,peutlibrementlesfairejouerous’ysoustraire.À ce niveau, des actes libres deviennent possibles, dont

    l’animal n’est pas capable66. »Autrement dit le propre d’un

    être libre est de«voir au-delà de sa sphèrenaturelle67 », ce

    quisignifieaccéderauplandelaviepersonnelleguidéeparlaconnaissance.Telestl’agirrationnelguidépar«desprincipes

    sûrs68».

    Cependant Edith Stein fait assez vite remarquer que la vieguidée par la connaissance naturelle, pour éminente qu’ellepuisse être, demeure toujours sujette à l’erreur compte tenudeslimitesinhérentesàlaconditionhumaine.Unelibertéplusplénière exige, conformément à l’aspirationmétaphysique del’esprithumain,uneconnaissancedusenscompriscomme«le

    fonddernierde[…]touteexplication69».Eneffetseuleune

    telle connaissance donne accès à l’ultime signification del’être, fournissant par là même « une image cohérente, uneconceptionglobaledumonde:unevuesurtoutcequiest,surl’ordreetlesconnexionsenquoitoutsetient,avanttoutsurlasituationdel’hommedanslemonde,sursonorigine(Woher?)et sa fin (Wohin?).Tout hommequi pense ressent le besoind’une telleconceptiondumonde ;mais tousn’yparviennent

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • 55Delapersonnehumaine,p.153.56«LorsqueleJevitdanscetteintérioritésurlefondementdesonêtre,làoùilesttoutàfaitchezluietdemeure,ildevinealorsenpartielesensdesonêtre,ilfaitl’expériencedesaforceconcentréeencepointavantsa division en forces séparées. Et lorsque sa vie l’alimente à cetteintériorité,ilvitpleinementetilatteintledegréleplusélevédesonêtre.[…]LeJepersonnel se trouveentièrementchez luidans l’intériorité laplusprofondedel’âme.Lorsqu’ilvitdanscetteintériorité,ildisposedelaforcetotaledel’âmeetilpeutl’utiliserlibrement.Deplus,ilestalorsleplusprèspossibledusensdetoutcequiluiarrive;ilestouvertauxexigences qui se présentent à lui ; il peut le mieux en apprécier lasignificationetlaportée.»(Êtrefinietêtreéternel,p.434s.)57«[L]’engagementdemoi-même[…]estlaformelaplusparticulièredelaviepersonnelle.»(Êtrefinietêtreéternel,p.371)58C’est cette conscience vive d’être liée à l’humanité qui éclaire cette« participation passionnée aux événements politiques du présentreprésentant l’histoire en trainde s’écrire» (Vied’une famille juive, p.245) qui caractérise la vie d’Edith Stein. Pensons notamment à soncombat en faveur des droits civiques des femmes, de leur accès à lacarrière universitaire,mais aussi à son service comme infirmière de laCroixRougeàl’hôpitaldeWeisskirchenenMoravieauprèsdesmaladessouffrantdemaladiesinfectieusesd’avrilàaoût1915(ibid.,p.415-475).59«Jesaistrèsbiendeparmonexpériencepersonnellequecen’estpasfacile de ne regarder ni à droite ni à gauche.Mais une fois que l’on asaisiquec’estnotretâcheetquel’ons’efforcetoujoursderamenersonregarddroitdevant,commel’aiguilleducompas,c’estdéjàbeaucoup.»(LettreàElisabethDursy,sansdate,inCorrespondanceII,p.546)60Êtrefinietêtreéternel,p.435s.61Ibid.,p.436.62«Àpeineréveilléslematin,lesobligationsetlessoucisdelajournéefontpression surnous (lorsqu’ilsn’ontpasdéjà troublé le reposde lanuit).[…]C’estalorsqu’ilconvientdeprendrelesrênesenmainsetdedire : tout doux !Absolument riende tout celanedoit avoir prise surmoimaintenant.»(Lesfondementsdel’éducationféminine,p.110)63Lechâteaudel’âme,p.294.

  • 64Libertéetgrâce,p.21.65Ibid.66Ibid.,p.25.67Ibid.,p.31.68Ibid.,p.26.69Êtrefinietêtreéternel,p.71.70Lasignificationdelaphénoménologie,p.1.71Libertéetgrâce,p.23.72Ibid.73Ibid.,p.22.74Êtrefinietêtreéternel,p.498.75SciencedelaCroix,p.171.76«Depuis ce centre, l’âmeoriente sonécoutevers lehaut, reçoit lesmessages d’en haut, et soumise, elle se laisse conduire par eux. »(Libertéetgrâce,p.22.)77Ibid.,p.31.78Ibid.,p.68.79 « Je me suis déjà fait quelquefois la réflexion que les gens […]pouvaientfacilementmejugerprétentieuse.»(LettreàFritzKaufmann,25 janvier 1920, in Correspondance I, p. 228). À plusieurs reprises,EdithStein revient sur lahaute idéequ’elle se faisaitd’ellemême, et lacondescendancequelesautressoulignaientchezelle(parexemple:Vied’unefamillejuive,p.181s.;213;278).Enraisondequoielleesttentéededécouragementàlavuedesfaiblessesd’autrui(ibid.,p.279s.).80 «Ce sentiment d’absolue impuissance est un état qui nem’est quetrop pénible. […] Mais il faut avoir fortement expérimenté sa propreimpuissance pour être guéri de la confiance naïve et illimitée que l’onplace en sa propre volonté et en son pouvoir. » (Lettre à RomanIngarden,12février1918,inCorrespondanceI,p.117)81«[J]emesuissouventdéjàdemandésijen’allaispasau-delàdemescapacités en travaillant en philosophie. » (Lettre à Hedwig Conrad-Martius,24février1933,inCorrespondanceI,p.668;voirnotamment:

  • LettreàRomanIngarden,12janvieret3février1917, ibid.,p.58etp.71)82« [M]aintenantque je côtoiedenouveaudespersonnesquine fontqu’unavecleurtravail,quiontétéadéquatementforméespourlefaireetyontgrandi,jeremarquequej’aivéritablementpartoutperducontactetque je suis inapte à ce monde à tous les points de vue. Cetteconnaissance n’est pas en soi déprimante. Ce n’est seulement pas trèsfaciledeme retrouver àunpostede responsabilitépour lequel tantdechoses nécessaires me manquent et de n’avoir que peu de chance depouvoirtoutrattraper.Maistantqu’ilyadesindicesqueleSeigneurmeveut à cette place, je ne dois pas déserter. » (Lettre àHedwigConrad-Martius,13novembre1932,inCorrespondanceI,p.642s.;voirlettreàRoman Ingarden, 9 mars 1932, ibid., p. 573 ; lettre à AdelgundisJaegerschmid,11juin1932,ibid.,p.596)83« Jemesuisdepuis longtemps faiteà l’idéeque je resterai toujourstrèsignoranteetquetoutcequejepeuxencoretravaillerresteraàl’étatfragmentaire,encoreplusquenel’estdéjàtouteœuvrehumaineenelle-même. J’espère seulement pouvoir donner une impulsion dans unedirectionqu’ilfautsuivre,etqued’autresferontmieuxensuite.»(LettreàHedwigConrad-Martius, 5 avril 1933, inCorrespondance I, p. 677)EdithSteinparled’une«visiontoujoursplusprofondedemacomplèteinsuffisancemaisenmêmetempsde lapossibilitéd’êtreun instrumentendépitdecetteinsuffisance.»(LettreàPetraBrüning,12février1933,ibid., p. 664) Plus tard cette conscience avivée de ses limites, sansl’empêcherdecontinuersestravauxphilosophiquesauCarmeldansunesprit d’obéissance, lui permet d’ordonner les priorités : « Il n’est pascourantqu’unecarmélitefassedelaphilosophieetcen’estcertainementpasleprincipaldanssavie.Sisonbonheurétaitbâtilà-dessus,ilseraitsurdesbasesvraimentmauvaises. Jedoisdirequemonbonheurn’endépend en rien. » (Lettre à Helene Hirschler, 19 octobre 1937, inCorrespondanceII,p.359)84 « C’est un monde infini qui s’ouvre d’une manière absolumentnouvelle, lorsque l’on commence à vivre vers l’intérieur et non versl’extérieur. Toutes les réalités auxquelles on était auparavant confrontédeviennent transparentes, et l’on perçoit les forces qui vous portent etvous animent véritablement. » (Lettre àRoman Ingarden, 8 novembre1927,inCorrespondanceI,p.358s.)

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • «Connaîtreest[…]unevaleur,etplusprécisémentunevaleurtoujourséchelonnée d’après son objet. […] Non seulement la connaissanceatteinte, mais (et peut-être dans une dimension plus grande encore) laconnaissancenon encore réalisée, sont ressenties commeunevaleur, etcesentimentdevaleurestlasourcedetoutetendanceàlaconnaissance,le“ressort”detoutevolontédeconnaissance.Unobjetseprésenteàmoi,obscur,voilé,pasclair.IIest làcommeunechoseàdécouvrir,exigeantclarification. Cette clarification, ce dévoilement et leur résultat, laconnaissanceclaireetdistincte,sontdevantmoicommeunevaleursentieavecforceets’emparentdemoidefaçonirrésistible.»(Leproblèmedel’empathie,p.174trad.modifiée[125s.])Comme l’affirme également Pfänder, penser « est une sortede vouloir, à savoir une aspiration à la certitude ou à la

    vérité31 ». Il souligne réciproquement qu’il n’y a pas de

    vouloirdontnefassentpartieunpenseretunsentir.Lesentirdelavaleurmotiveainsilavolonté,dontc’estl’essencemêmeque d’être motivée par un sentiment : « Une volonté nonmotivée est donc une absurdité, on ne saurait imaginer unsujet,quelqu’ilsoit,quivoudraitunechosequin’auraitpas

    devaleuràsesyeux32».Orc’estnonseulementlavaleur,mais

    la réalisationde lavaleurmatériale,quandelles’impose,qui

    sedonne elle-mêmecommeunevaleur33 : la valeur est donc

    source d’obligation34, en tant qu’elle appelle un devoir-être,

    entantqu’elleréclamed’êtreattestéedansunagirpourdonnertoutesamesure‒l’obligationnedoitdoncpasêtreentendueicienunsensstrictementéthique,maispluslargementcommeleressortmêmedelamotivation‒.

    « Nous savons que les valeurs ont une double signification pour lecomportement pratique de l’individu qui vit la valeur : elles oriententl’action et lui donnent éventuellement la force nécessaire. La conduitemotivée par la valeur (pour autant qu’il s’agit d’une valeur qui est àréaliser) est l’équivalent d’un devoir et motive l’individu à un agirfinaliséparlaréalisationdelavaleur.»(Individuetcommunauté,p.212

  • [229];trad.propre)Lavaleur,quandelleestvécue,neconstituepasseulementunmotif qui prescrit une orientation à l’agir, mais elle fournitégalement l’impulsion, ou la force vitale nécessaire à saréalisation, les prises de position correspondant aux valeursétant dotées d’un contenu auquel est inhérente une forcevitale.

    C.Lapuissanceinconditionnéedufiat!Mais quel est précisément le poids effectif desmotifs dansl’actelibre?Queltypedecontrainteexercent-ilssurlesujet?L’actelibre,‒qu’ils’agissed’accepterouderefuseruneprisedepositionspontanée,dereconnaître,derefuser,d’affirmeroudenierunétatdechose,d’assureroudementir‒,s’appuieeneffet toujours sur des motifs. La liberté d’indifférencecartésienne semble donc pour notre auteur une positionpurementthéoriquevoireuneillusionquidissimuledesmotifsimplicites comme pour Malebranche qui affirme qu’« il setrouve toujours quelque motif secret et confus dans nos

    moindresactions35».

    Unacte, cependant, est libredans lamesureoù il auraitpuêtreomis,cequisignifieque l’ego libren’estpasdéterminé,dans sadécision, par le poidsdesmotifs : « la présencedesmotifs ne contraint pas le moi à accomplir les actes en

    question36»,souligneE.Stein.Lemoipeuteneffettoujours,

    faceauxmotifslespluslourds,sedécideràleurencontre,parquoi on peut affirmer l’existence d’une puissanceinconditionnéedesedéterminer:soitensuivantlesmotifsquiseprésententàlaconscience,soitenlesrefusant.Àl’instarde

    Husserl dans les Ideen II37 ‒, Edith Stein reprend à la

    Psychologie de William James l’expression de fiat ! pour

  • désigner cette puissance absolue de se déterminer soi-même,soit le traditionnel librearbitre :«There is indeed the fiat !,

    theelementofconsent,orresolvethattheactshallensue38».

    La liberté ainsi envisagée est pour la jeune phénoménologue

    un« constituantde lapersonne39 », inhérent à son caractère

    spirituel.Elle rejoint ainsi toute une tradition philosophique, quid’AugustinàMalebranche,enpassantparDescartes,conçoitlelibrearbitrecommeunepuissanceabsoluequeriennepeut

    contraindre40, au point d’y voir un « prodige

    41 ». Suivre les

    motifs qui pèsent le plus constitue certes une exigencerationnelle,voireuneobligationmorale,conformeàl’exigenceque porte en elle la valeur sentie, mais non une nécessité.Edith Stein y insiste en reprenant à son compte l’imageclassique des plateaux de balance pour évoquer l’action du

    librearbitre42:«Sijemetrouveàcombattreentredesmotifs

    contradictoires,sijesuisfaceàunchoix,alorscen’estencorequemoi qui prends la décision. Celle-ci ne se porte pas demanière automatique, comme la languette du fléau d’unebalance,ducôtédumotifleplusimportant,maisc’estmoiqui

    medécide en sa faveur parcequ’il est le plus important43 ».

    Ainsi,mêmesil’actesuitlemotifleplusfort,ilestlibredanslamesureoùcetacteestcontingent:ilauraitpunepasêtre.L’actelibresupposedoncunfiat!,c’est-à-direuneimpulsiontotalement inconditionnée,créatriceausensradicaldu terme,qui fait de l’acte une sorte de commencement absolumentnouveau,unmiracledanslemondedesphénomènesnaturels,

    dansuneperspectivecosmologique44:«Mêmesilemotifme

    porte davantage à agir qu’à m’abstenir, souligne la jeune

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • volontaireetl’involontaire,Paris,Aubier,1949,p.40-82.Ricœurestimecependant que la phénoménologie de Husserl, en comparaison desphénoménologies existentialistes par exemple, est une phénoménologiedu sens beaucoup plus que de la liberté ; voir À l’école de laphénoménologie,Paris,Vrin,2004,p.102.14Causalitépsychique,p.49[50].15EdithSTEIN,Chemins vers le silence intérieur, Saint-Maur,Parole etsilence,1998,p.34.16DietrichvonHildebrand(1889-1977)estunancienélèvedeTheodorLipps àMunich qui, comme Pfänder, rejoint Husserl àGöttingen. Sestravaux portent principalement à cette époque sur les questionsd’éthique : L’Idée de l’action morale (Die Idee der sittlichenHandlung), in Jahrbuch für Philosophie und phänomenologischeForschung, vol. III, 1916 ; Moralité et jugement de valeur éthique(Sittlichkeit und ethischeWerturteile), publié en même temps que lesBeiträged’EdithStein,dansle5evolumeduJahrbuch,paruen1922.17Causalitépsychique,p.42[42];trad.propre.18 1870-1941. Ancien élève de Lipps, il rencontre Husserl pour lapremière fois en 1904 à Munich, et entretient une correspondancerégulièreavec lui jusqu’en1931. Il sera l’undeséditeursdu Jahrbuch.Voir Phänomenologie des Wollens, eine psychologische Analyse,Leipzig,Barth,1900,p.17-19.19Causalitépsychique,p.42[42].20VoirnotammentIdeenI,§115.21VoirCausalitépsychique,p.42[42].22Ibid.,p.42[42].23Ibid.,p.42[42].24Ibid.,p.42[43].25Ibid.,p.42[43].26Cequipeutêtreinterprétécommeunrefletdesescombatsintérieurspersonnels de l’époque.Voir le témoignage qu’elle livre pudiquement,dans son autobiographie, à ce sujet : « Ma santé était […] vraimentmauvaise, sans doute à la suite des combats intérieurs que j’endurais,dans leplusgrand secret, sans l’aidedepersonne» (Vied’une famille

  • juive,p.306dansl’éditionde2008).27Causalitépsychique,p.43[44s];trad.propre.28VoirCausalitépsychique,p.45[46].29Ibid.,p.45[46];trad.propre.30VoirCausalitépsychique,p.44[45].31AlexanderPFÄNDER,PhänomenologiedesWollens,p.3.32Leproblèmedel’empathie,p.159[108dansl’éd.de1917;115dansESGA5];trad.légèrementmodifiée.33«Nonseulement lasaisie,maisaussi la réalisationd’unevaleur,estune valeur » (Le problème de l’empathie, p. 168 [115 dans l’éd. de1917;121dansESGA5]).34EdithSteinn’entrepasicidansladiscussionschélerienneconsistantàsavoir si le « Je dois » suppose une connaissance, et donc unereprésentation, ou s’il procède immédiatement du sentir de la valeur :«Pourquejedoive,ilfautd’abordquejesachecequiestbon.Maissije sais immédiatement et pleinement ce qui est bon, ce savoir affectifdétermineégalementetdefaçonimmédiatemonvouloir,sansquej’aiebesoin de passer par l’entremise d’un “Je dois” » (Max SCHELER, LeFormalismeenéthiqueetl’éthiquematérialedesvaleurs,p.225).Surlelienentrevaleuretobligation,voiraussiibid.,p.201s.35 Nicolas DE MALEBRANCHE, De la recherche de la vérité, 1erEclaircissement,«LaPléiade»,Paris,Gallimard,1979,p.809.36Causalitépsychique,p.48[48].37Voirle§60,consacréàl’analysedel’egolibre.38William James l’emploie notamment dans le chapitre XXVI de sesPrinciplesofPsychology,intitulé«lavolonté».Onnepeutévidemmentmanquer de souligner ici que dans l’itinéraire de vie d’Edith Stein, cefiat!,queJamesreprendàlatraditionreligieuseenledépouillantdetoutcontenureligieux,trouverasasignificationultimecommeconsentementàDieu,selonsonsensoriginaire,commeentémoignenotammentcettelettre rédigée en 1939 : « Vous vouliez à l’époque m’entendre sur lamanière d’harmoniser la liberté chrétienne et l’accomplissement desprescriptionsdelaviereligieuse.Jepensequel’équilibrerésidedansle“Fiatvoluntastua!”.LasainterègleetlesConstitutionssontpournous

  • l’expression de la volonté divine. Leur sacrifier nos inclinationspersonnellesestparticipationausacrificeduChrist.S’adapteraussiauxrègles non écrites ‒ aux usages de la maison et au goût de lacommunauté ‒ est une exigence de l’amour. Si nous faisons tout celapourdonnerdelajoieauCœurdeJésus,cen’estpasunelimitationdenotrelibertémaissaplushauteréalisation,uncadeaulibrementconsentid’amoursponsal»(LettreàSœurAgnellaStadtmüller,o.p.,29octobre1939,inCorrespondanceII,p.518s.).39Introductionàlaphilosophie,p.140.40Si«uneraisonfortévidente,affirmeDescartes,nouspousseversunparti, quoique,moralement parlant, il soit difficile que nous puissionsfairelecontraire,absolumentparlant,néanmoins,nouslepouvons.Carilnousesttoujourspermisdenousempêcherdepoursuivreunbienquinous est clairement connu, ou d’admettre une vérité évidente, pourvuseulementquenouspensionsquec’estunbiendetémoignerparlànotrelibre arbitre » (Lettre au PèreMesland, 9 février 1645, inŒuvres etlettres,«LaPléiade»,Paris,Gallimard,1953,p.1177s.).41«[M]onstrum»(AUGUSTINUS,Confessiones,VIII,9,21).42VoirparexempleGottfriedWilhelmLEIBNIZ,NouveauxEssais,II,21,§25.43Causalitépsychique,p.48[49];trad.propre.44 Voir Kant, à propos de la liberté transcendantale. Voir égalementEdmundHUSSERL,IdeenII,§60,p.349s.45Causalitépsychique,p.48[49].46 Reuben GUILEAD,De la phénoménologie à la science de la croix.L’itinéraire d’Edith Stein, Louvain/Paris, Nauwelaerts/Béatrice-Nauwelaerts,1974,p.51.47PaulRICŒUR,PhilosophiedelavolontéI,p.57.48Ibid.,p.57.49PourEdithStein,quisuiticilesanalysesdeScheler,toutsentiresteneffet non seulement sentir de quelque chose,mais également sentir desoi,etsentird’unevaleur.50VoirIdeenI,§92,p.321:«Lemoi[…]“vit”dansdetelsactes.Cemot : vivre ne désigne nullement l’être de “contenus” quelconques

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • se préparer à l’exercice de la liberté. Ainsi son usageclairvoyant peut-il aider au dépassement de certainesdéterminations spirituelles, en prenant par exemple lecontrepointd’unconditionnementdonné,ouengénérantuneaccoutumance qui permettra le temps venu d’avoir la forced’allerplusloin.Ainsifaceàundiscoursambiantdélétèreetpervers ou à une propagande insidieuse et immorale, il peutêtreprofitabledeprendreunecertainedistanceetdepréférerlafréquentationdesaineslecturesoudegrandesœuvresd’artà celle des produits médiatiques. Ce qui nous conduit,deuxièmement, à la question du discernement par rapport àtoutes ces déterminations. Si l’on revient à la structureontologique de la personne, évoquée en introduction, étantaccordéque lenoyaude lapersonneest imperméableà toutedétermination contingente, la quête de la liberté conduit àchercher un accès au cœur. Ce qui revient à accéder à cette« connaissance obscure » de l’intériorité qui se dévoile sirarement,etimposeunsautsanstransitiondelaphilosophieàla mystique. Or pour Edith Stein, il est manifeste qu’un teldéveloppementintérieurdelapersonneestlefondementdela

    liberté15.

    II.LACONSCIENCE

    La conscience, qu’il faut entendre ici dans sa définitionpsychologique et non pas dans son acceptionphénoménologique, concentre l’attention de la personne surunpointparticulier.Sielle semeut,elle resteprisonnièredecemouvement,etavancecommeunebillesuivraitunepente:pour parcourir demultiples horizons, elle reste attachée à lasituation présente, quelle que soit la pérennité des souvenirsquilaportent.Laconsciencepermetdecomprendrelesuccès

  • deladémarcheintrospective,tellequ’elleaétéillustréeparlecogito de Descartes. Ce retour vers soi-même joue un rôlestratégique dans la mise en évidence des déterminations quiaffectent la personne dans sa quotidienneté. Edith Stein aclairementreconnuàplusieursreprisesl’importanceducogitocartésien,dansledéveloppementdelapersonnalitéaussibienque dans l’épistémologie. Pour la problématique présente,cette démarche introspectivequi vise àmettre de côté ce quipeutsemblerdouteuxpourenreveniràl’essentiel,àcequinepeut être mis entre parenthèses, assure un point de départsolidepourdécelerlesmargesdelibertépossiblesparrapportà tout ce qui nous a été imposé de l’extérieur et dont nouspouvons nous libérer. Cette démarche ne conduit pasnécessairement à nier tout ce que nous avons reçu, mais lerendantconscientleremetàsajusteplace.Ainsiunepremièrehiérarchie des valeurs héritées des différentes communautésauxquelles nous avons appartenu peut-elle être réalisée.Autrement dit la conscience des déterminations dégage unpremierensemblecontenantcequiestessentiel,etcequiestpossibleparmitoutcequinousaétédonnéparnotrefamille,notre culture, notre civilisation, notre citoyenneté,l’enseignement reçu, etc. Il faudra aller plus loin pourdécouvrird’autresespacesdeliberté,maiscelui-cipermetdéjàl’exercice du premier degré de liberté, le refus, le « non »propreaulibrearbitre.Avec l’émergence de la conscience des conditionnements etautreshabitudesquinoushabitent,noussommescapableseneffet de choisir librement les valeurs auxquelles nous allonsaccorder de l’importance. C’est aussi la conscience qui faitentrer la personne dans une dynamique de développementintérieur.Parellel’individugranditenhumanité,etaccèdeàlalibertépersonnelle.

  • Ilfautnéanmoinsreleverquelaconscienceconnaîtplusieurslimites qui restreignent d’autant la liberté qui en découle.Laissonsdecôtéleslimitespropresdulangage,indispensablemédiateur de l’action consciente, qui sont liées en fait à laculture, et sur lesquelles nous reviendrons bientôt. Il s’agitbien plutôt ici des limites intrinsèques à la conscience elle-même.D’unepart,commel’amontréHusserldanssesLeçonssur laconscience intimedu temps, ellenepeut embrasser latotalitédesvécus,maistoutauplusenrecueillirquelques-unssimultanément. Pour maintenir cet ensemble de vécus, laconscience a recours à la mémoire, toujours lacunaire etdéfaillante, prompte à meubler ses oublis par l’imagination.D’autre part certains vécus cachés lui demeurent horsd’atteinte sans aide extérieure. Enfin et surtout lesprofondeursdunoyaude lapersonnesontparnatureau-delàde son domaine de validité, car, comme l’ont souligné lesmystiques,lelangageestimpuissantlorsqu’ilestquestiondesprofondeursdel’âme.C’estencesensqu’EdithSteinécritparexempleque«cequejesuisentantqu’individuspiritueln’est

    pasaccessibleàlaconnaissancerationnelle16».Ilnefautpas

    conclure trop hâtivement de telles affirmations que la raisonestimpuissante,maisseulementqu’elleestlimitée.

    III.LESMOTIVATIONS

    L’acte libre, considéré dans sa réalisation, est le fruit de lavolonté. Si celle-ci ne débouche pas toujours sur un acte,inversement il n’est d’acte libre qui ne soit voulu. L’actionvolontaire peut bien être prise dans un tissu de causes et dedéterminationsdiverses,iln’enrestepasmoinsqueledessein

    formeun«authentiquemomentlibreduvouloir17».

    Vouloir quelque chose repose sur une motivation qui va

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • libre : elle prend sa source dans la liberté spirituelle del’artiste, et trouve sa limite dans la nature matérielle desproductions réalisées. Sa réception implique la communauté,qui se trouve affectée par cette réalisation culturelle qui

    devientsienne46.Ceseraitpeut-êtreuneautremanièredelire

    l’adagerecommandantde«fairedesavieuneœuvred’art»,àconditiondeviserleHautetnonl’abjectionoul’égoïsme.Laforcede l’habitude est ici un atout : ellepermetdedépasserles déterminismes, en établissant d’autres conditionnementsconformes aux valeurs que la personne souhaite privilégier ;

    ainsil’habitudedevientuneauxiliairedelaliberté47.

    Parmitouteslesvaleursettouteslesmotivationsquiinfluentsur la personne, toutes ne sont pas de même nature, ni demême importance. Un conflit de valeurs, tel celui qui peutaffecterunereligiondontlacroyanceseraitmiseencauseparune disposition légale, doit être résolu par une analyserigoureusedesvaleursenquestion.Ilnes’agitpaspourl’Étatdesortirdesaneutralité religieuse,maisbiendeparticiperàune analyse critique sur les différentes positions quis’opposent. Certaines valeurs sont forcément inférieures, ouperverties par des choix particuliers ou par des groupesd’influence minoritaires. Les démocraties sontparticulièrementfragilesdevantdetellesmanipulationsoùunecommunauté minoritaire, contournant le dialogue politiqueofficiel, affirme avec virulence qu’elle est victime de lamajorité. C’est notamment le cas lorsque certainesdispositions qui appartiennent à la vie privée, comme lapratiquedujeûneoul’orientationsexuelle,sontpousséesdansl’espace public. Edith Stein note avec humour que « leroyaume de Satan peut être aussi parfaitement État que le

  • royaumedeDieu48».Autrementditlamoraledontdépendla

    libertévientde lacommunautédecitoyens,et il appartientàceuxqui la représentent de la défendre avecdiscernement. Ilarrive qu’au lieu d’adapter ses propres valeurs à celles de lamajorité quitte à réclamer certaines adaptations de la loigénérale,unetellecommunautéminoritairemanipulel’opinionpublique et cherche à imposer à tous ses propres valeurs.Quelle que soit l’astuce déployée, une telle subversionimmoralequidégradelanaturemêmedeladémocratienepeutqu’engendrerdevivesoppositions.Vincentaucante

    1 Ces trois dimensions apparaissent dans de nombreux textes, parexemple De la personne humaine, p. 73s. [p. 35s. dans ESGA 14]Introductionàlaphilosophie,p.113s.;SciencedelaCroix,p.175-177[p.131s.dansESGA18] ;voirmonlivreLediscernement selonEdithStein,Paris,ParoleetSilence,2003.2Sur ledépassementde l’animalitépar la conscience,voirnotammentDelapersonnehumaine,p.140-142[78s.];Puissanceetacte,p.226s.3Del’État,p.43[p.47dansl’éditionde1925;p.56dansESGA7].4Delapersonnehumaine,p.235[137].5VoirLeproblèmedel’empathie,p.123-129[p.80-85dansl’éditionde1917;p.88-94dansESGA5].6Leproblèmedel’empathie,p.125[82;90].7 Lorsque l’on voit par exemple l’écart entre le souhait d’Edith Steind’être une « fenêtre transparente » dans ses traductions et son travaileffectif sur leDe veritate de Thomas d’Aquin, force est de constateravec Walter Benjamin que chaque langue a ses ressources propres etdéterminantes,etquetoutetraductionestuneinterprétation.8Ilsemble,commenousl’asuggérésœurCécileRastoin,quecesoitlaconséquence du clivage entre les réseaux catholiques en Allemagne.Edith Stein était proche de Przywara qui dédaignait les travaux surl’inconscient alors que Romano Guardini, dans le même temps, yattachaitunegrandeimportance.Ducoupdesintellectuelsduréseaude

  • GuardinicommePaulLandsbergontétéconduitsàtravaillerlaquestion(voir par exemple Paul LANDSBERG, « Sigmund Freud », dans DieZukunft,Paris,n°39,1939,p.5),tandisqueceuxduréseaudePrzywaras’endésintéressaient.PouruneconfrontationdelapenséedeFreudaveccelled’EdithStein,voirRachelFeldhaybrenner,«DieFrauimDenkenEdithSteins. InAuseinandersetzungmitSigmundFreud»,Edith SteinJahrbuch3(1997)349-366.9RespectivementÊtrefinietêtreéternel,ch.VII,§9,3,p.430[p.366dansESGA11/12] etLeproblèmede l’empathie, p. 126 [83 ; 91].Onnotera que ce faisant Edith Stein déplace la notion husserlienne pourl’élargir et lui donner un sens à la fois plus précis et plus vaste. VoirégalementÊtrefinietêtreéternel,ch.VII,§3,4,p.372-376[318-321].10Leproblèmedel’empathie,p.177[123;128].11VoirLeproblèmedel’empathie,p.177[123;128].12Les problèmes posés par l’éducationmoderne des jeunes filles, p.263s.[p.136s.dansESGA13].13Ibid.,p.263s(trad.modifiée)[136].14VoirIndividuetcommunauté,p.210dans l’éditionde1922[p.195dansESGA6].L’enfancedeWolfgangAmadeusMozartbaignantdanslamusique en est l’exemple le plus manifeste. Inversement, le talentartistique contrarié voire ignoré peut trouver à s’épanouir tardivementavec douleur, comme le vit le personnage du film signé par StéphaneBrizé,MademoiselleChambon.15VoirIndividuetcommunauté,p.211-213[195-197].16Puissanceetacte,p.119dansESGA10.17Causalitépsychique,p.79[76].18VoirLeproblèmedel’empathie,p.141s.[95;102].19Ibid.,p.158[107;114].20Ibid.,p.163s.[111-113;118s.].21Ibid.,p.165[115;121].22VoirCausalitépsychique,p.87s.[83s.].23VoirIndividuetcommunauté,p.172-174[159-161].24Ibid.,p.175[162].

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • informédudedanset travaillépar l’esprit,aupointqu’en luise manifeste toujours la vie du moi personnel. Dans cette

    perspective la sexuation61 et la sexualité

    62 ne sont jamais

    déliées de la prise en compte de l’âme. Plus profondémentencore Edith Stein rappelle que le corps est capable d’être

    illuminéparlaviedel’âmeetdelarévéler63,cequisuppose

    bien entendu une ascèse visant à rétablir « la relationoriginaireentrel’âmeetlecorps,lecorpsdevantêtreramenéà

    saplaceconvenable64».

    L’éducation des sens concourt à affiner une réceptivitéconscientedans l’ouvertureauxchoseset auxêtres.Ainsi sedéveloppe une qualité de concentration intérieure qui, enlibérant l’hommed’uneviepurement instinctive, ledisposeàlaviedel’esprit.

    C.L’éducationdel’esprit1.L’enseignement

    Attentiveàlapolysémiedutermeesprit(Geist)65EdithStein

    opèreuncertainnombrededistinctions.L’espritentantquepartiesupérieuredel’âme,distinctdelasensibilité, sera dit «mens ». Lamens englobe les facultéssupérieuresdelapersonnehumaine‒mémoire,entendement,volonté‒grâceauxquellesunagirlibreestpossible.Précisonsque l’activitédeces facultésestenpartie tributairedessens.Quantauterme«intellectus»,ildésigneplusspécifiquementl’espritentantqu’ilconnaît.Enfin«spiritus»qualifiel’âmecommeétant denaturenon-matérielle, commequelque chosedespirituel.L’éducation de l’esprit relève tout particulièrement del’enseignement. Sous la dénomination d’enseignement Edith

  • Stein inclut deux choses.D’unepart la formationde l’espriten tant qu’il connaît (intellectus) et peut atteindre desperceptions claires, des concepts corrects et des jugementsvrais comme elle l’écrit dans sa conférenceVérité et clartédans l’enseignement et dans l’éducation. D’autre part latransmissiond’unsavoir,d’unpatrimoineculturel.À l’endroit de la formation de l’entendement théorique qui«estlaclefduroyaumedel’esprit,[…]l’œildel’esprit,par

    lequellalumièrepénètredanslesténèbres66»,deuxactivités

    s’avèrent déterminantes. Tout d’abord l’acte duquestionnementquilibèreunespaceintérieurd’écoute,éveillelaconscienceà larequêtedusensetaffinesaperceptiondesproblématiquesfondamentalesde l’existence.Ensuite lamise

    en œuvre d’« opérations intellectuelles et cognitives67 »

    propres à chaque discipline et qui favorisent la structuration

    del’intériorité,l’ordonnancementdumondeintérieur68.C’est

    icique lamaîtrisedu langageetde l’outil conceptuel jouentunrôlecrucial,aidantlapenséediscursiveàs’organiseretaucontenu de la vie intérieure de se manifester, de secommuniquer, car la parole est l’« “incarnation” la plus

    immédiatedel’esprit69».

    Pourcequiestdelatransmissiond’unpatrimoineculturel,ils’agit d’une dimension essentielle de l’enseignement dans lamesure où l’« esprit humain est fait pour créer la culture, lacomprendre et en jouir. Il ne peut s’épanouir totalement s’il

    n’entreencontactavecladiversitédesdomainesculturels70.»

    Orc’est justement la«missionspécifiquede l’école71»que

    d’« initier aux domaines culturels et à rendre opérant leur

    pouvoirdeformerlesêtreshumains72»enconcourantainsià

  • l’édificationd’unemémoirepartagéesanslaquelleilnepeutyavoirdecitoyennetéactive,responsable.Cesdeuxdimensionsdel’enseignementquenousvenonsdedégager sont intimement liées en vertu du principe selonlequel«lesfacultésnepeuventsemettreenactionquesurune

    matière,mais sur unematière qui leur soit conforme73 ».Or

    c’estprécisémentlerôledelaculturequedefourniràl’espritunenourritureformatriceadéquate.

    2.Lerôleformateurdelaculture

    Le terme de culture se réfère ici au patrimoine spirituel del’humanité.

    «Notre“mondeculturel”toutentier,toutceque“lamaindel’homme”afaçonné,touslesobjetsd’usage,touslesouvragesdel’artisanat,delatechnique, de l’art, sont un corrélat de l’esprit, devenu réalité. » (Leproblèmedel’empathie,p.153)À la base de ce patrimoine culturel il y a toujoursl’expérience vivante d’unpeuple qui s’organise, se structure,atteinttelleoutelleconfigurationparticulièrehomogèneetsemanifeste à travers ce que nous appelons justement unensembledebiensculturels.Autrement dit un patrimoine culturel est comme unesédimentationd’expériences fondatricesquiprennentcorpsàtravers leurs objectivationsmatérielles dans desœuvres.Dèslorsprendrecontactavecuneœuvresignifieentrerenrelation

    avec«uneréalitéd’expériencevécue74».

    En vertu de ce noyau vivant toute culture est dotée d’uneforce formatrice qui ne devient toutefois opérante qu’àproportion de la participation que l’homme y apporte. Cetteparticipations’effectueàtraversdeuxactesfondamentauxquesontlaréceptionetlatransmission.

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • B.L’éducateur,collaborateurdeDieuEnconfiant lacréationà l’hommeeten l’invitantàymêlersontravailDieuaplacélaconditionhumainesouslesignedel’alliancedelanatureetdelagrâce,del’actionconjuguéedes

    effortsdel’hommeetdelagrâcedivine137

    .Enoutre,reconnaîtreque«l’éducateurhumainleplusgrand

    et le plus essentiel n’est pas l’être humain, mais Dieu138

    »invite l’éducateur humain à une profonde humilité devantl’immensité de sa tâche, sachant que ni « les meilleurespersonnalités éducatives ni les meilleurs établissementséducatifsn’offrent,àvraidire,unegarantiepour lesuccès,àsupposerquel’ondisposâtdesdeux.Ilsnepeuventfaireque

    ce qui est humainement possible139

    . » C’est en l’admettantqueles«hommespeuventparticiperàcetravaild’éducation,àla manière non pas d’instruments inanimés, mais d’êtresvivants, capables de répondre librement aumouvement de lagrâce. C’est pourquoi on peut légitimement les considérer

    commedescocréateursdanslaformationd’unhomme140

    ».«[L]améthodeduSeigneurconsisteàformerlesêtreshumainsparles

    êtreshumains.Demêmeque,poursondéveloppementnaturel, l’enfantest dépendant des soins que lui prodiguent les adultes ainsi que del’éducationqu’ilsluidonnent,demêmelafoiseperpétueelleaussiparlamédiation humaine ; des êtres humains sont employés en tantqu’instruments pour faire jaillir en autrui l’étincelle divine et pour lanourrir.»(Viechrétiennedelafemme,p.224s)

    C.LaconfigurationauChrist:butdel’éducation1.Laformationreligieuse

    C’est dans la perspective de la destination surnaturelle de

    l’hommequ’ilconvientdesituer«laformationreligieuse141

    »

  • qu’EdithSteinconsidèrecomme«lapartielaplusimportante

    del’éducation142

    »dontlafinalitéestdefrayer«àl’enfantle

    cheminquiconduitàDieu143

    ».La formation religieuse consiste essentiellement à cultiverune foi vivante qui connaît, aime et sert Dieu. Cette foi est

    éveilléenonparun«enseignement intellectuelaride144

    »,nipar un enseignement fanatique, mais par « une instruction

    religieuse[…]quiallumel’amour145

    ».Cetteformationentraînetoutl’êtreverslessourcesdegrâceoffertesparl’Égliseetgrâceauxquellesl’âmea«accèsàtoutela plénitude dumonde spirituel surnaturel et, partant, à uneprofusion inépuisable de matières formatrices qui peuvent

    entrerenelle, laconstitueret la transformer146

    . »Le contact

    avecles«sphèresspirituelles147

    »‒enparticulierles«saints

    sacrements,surtout[le]sacrementd’Amour148

    »‒représenteunesourced’énergiesurnaturelleéminemmentformatrice.

    2.L’archétypedel’êtrehumain

    Parcequ’éduquersupposede«connaître lavéritablenature

    humaine, c’est-à-dire son image idéale149

    » qu’un regardsimplementnaturelnepeutentièrementpénétrer,ilestlégitimedes’ouvriràlaRévélation.

    « Si la pédagogie renonce à puiser dans la Révélation, elle risque demanquer les choses les plus essentielles que nous pouvons savoir ausujetdel’êtrehumain,desafinalitéetducheminquiyconduit.Ellesecoupedoncparprincipedelapossibilitédedéterminercorrectementsonobjet (l’éducation de l’être humain). » (De la personne humaine, p.271s.)C’estdoncl’ouvertureàlavéritérévéléequimetdevantnos

  • yeux « l’image concrète de la nature humaine dans sa

    complétude150

    », telle qu’« elle s’est manifestée parmi nous

    dans le Fils de l’Homme, Jésus-Christ151

    . » Dès lors c’est« sous une forme (Gestalt) visible que nous avons sous lesyeuxcebutéducatifenlapersonneduChrist.Notrebutàtousest de devenir à sa ressemblance. Nous laisser façonner parLui-même dans ce but, en tissant en tant que membres desliens d’intime union avec Lui en tant que Tête ‒ tel est le

    cheminquechacundenousdoitsuivre152

    .»Par conséquent, le « parachèvement de la nature

    humaine153

    »viséparl’éducations’ordonneàlapersonneduChrist en qui se trouve « pleinement réalisée […] l’essence

    spécifiquedel’humanité154

    ».

    3.Uneœuvredesanctification

    Transcendant«leslimitesdecequ’onentendhabituellement

    par “éducation”155

    » Edith Stein identifie finalement cettedernière àuneœuvrede sanctificationquiprocèdeducentre

    de l’âme156

    . Par là elle signifie que l’accomplissement dugeste éducatif comme art de donner forme à sa vie estinséparable de la recherche de « la perfection existentielle

    suprême157

    », elle-même comprise comme une réponse del’hommeàl’AmourdivinrévélédansleChrist.Cetteréponsed’amourquirevêtlafiguredulibredondesoiàDieu.

    « Il appartient à l’âme de décider d’elle-même.Le grandmystère queconstitue la liberté de la personne, c’est que Dieu Lui-même s’arrêtedevantelle.Ilneveutdominerlesespritscréésqueparledonlibrequ’ilsluifontdeleuramour.»(SciencedelaCroix,p.180)Une telleœuvre de sanctification culmine chez Edith Stein

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • quejem’ysentaispluschezmoiqu’àlamaison.»(ibid.,p.86s.)82Lasignificationdelaphénoménologie,p.3.83SciencedelaCroix,p.4.84C’estdanscetteperspectivedel’unitédel’œuvreetdelaviequ’EdithStein comprend le travail de l’artiste, et saint Jean de la Croix lui enfournit un exemple éminent, lui dont l’œuvre poétique chanteDieu, etdont la contemplationduCrucifiéqu’il apeint estdevenueunappel àuneconformitédevie,uneconfigurationvivante(ibid.,p.6s.).85 « Mes travaux ne sont jamais que des précipités de ce qui m’aoccupéedanslavie,carjesuisainsifaitequ’ilmefautréfléchiràcequifait ma vie » (Lettre à Roman Ingarden, 15 octobre 1921, inCorrespondanceI,p.264).86 Voir De l’art de donner forme à sa vie dans l’esprit de sainteÉlisabeth,p.81.87Êtrefinietêtreéternel,p.2.88Lasignificationdelaphénoménologie,p.4.89L’artd’éduquer,p.99.90AmourpourAmour,p.103.91Danslamêmesection,l’auteursoulignenéanmoinsquecertainspansd’uneculturepeuvent«mourir».C’estlecasparexempled’unpeuplequi a créé desœuvres d’artmerveilleuses et qui investit ensuite toutesses énergies spirituelles dans des réalisations économiques au point dedevenirinaccessibleauxvaleursesthétiques,incapabledes’ouvriràcessourcesderenouvellement.92VoirIntroductionàlaphilosophie,p.129.93Êtrefinietêtreéternel,p.319.94Ibid.,p.320.«Danslamesureoùunétantestdestinéàprocureruneperfectionàunautreétant,nousl’appelonsunbien»(ibid.,p.318).95Ibid.,p.319.96Ibid.97Ibid.98Individuetcommunauté,p.185.

  • 99 « En ce sens, toutes les valeurs objectives sont là pour despersonnes.»(Lavaleurspécifiquedelafemmeetsonimportancepourlaviedupeuple,p.44) ;voirÉricderuS,«Vied’unefamille juiveetCommentjesuisvenueaucarmeldeCologne:lecombatdelavéritédelapersonnefaceàl’idéologienazie:résistanceintellectuelleetspirituellechezEdithStein»,RevueThéologiquedesBernardins7(2013)131-157.100Delapersonnehumaine,p.140.101 « Gemüt ressortit du vocabulaire mystique et est employé pourdésigner l’intériorité la plus profonde de la créature. Il n’a pasd’équivalentenfrançais.»(ibid.,p.221,note42dutraducteur).102 Le sens affectif « appréhende la signification que l’être d’autruirevêt pour le sien propre […] et des créations impersonnelles » (Viechrétiennedelafemme,p.182).103Lesfondementsdel’éducationféminine,p.101.104Viechrétiennedelafemme,p.196.105Lesproblèmesposéspar l’éducationmodernedes jeunes filles,p.360.106«Jepeux,parl’exercice,être“éduqué”àgoûterlesœuvresd’art»(Leproblèmedel’empathie,p.177).107 « Elle peut réprimer certaines réactions psychiques,occasionnellementousystématiquement,ouenfavoriserd’autreset lescultiver et ainsi travailler à la formation de son caractère. Telles sontl’autonomie et l’auto-éducation dont elle est capable. » (Liberté etgrâce,p.25)108Leproblèmedel’empathie,p.177.109Ladestinationdelafemme,p.117.110Leproblèmedel’empathie,p.177.111Ibid.,p.179.112 Ibid. Edith Stein précise cependant que « la personne spirituelleexiste,mêmesiellen’estpasdéployée»(ibid.).113Leproblèmedel’empathie,p.177.114L’artd’éduquer,p.48.115VoirIntroductionàlaphilosophie,p.134-136:«Le“noyau”dela

  • personneoule“je”personnel».116VoirCausalitépsychique,p.100.117Êtrefinietêtreéternel,p.466.118 « Il est concevable que la vie d’un homme soit un processus dedéploiementparfaitdesapersonnalité»(Leproblèmedel’empathie,p.178s.).119 « La source originaire est une donnée native, analogue à laconstitutionphysique.»(Libertéetgrâce,p.62)120Lesfondementsdel’éducationféminine,p.91.121Ibid.,p.92.122VoirIndividuetcommunauté,p.171.123Libertéetgrâce,p.62.«Lemondespirituel,aveclequell’âmeestun contact, lui fournit des énergies ; et elle porte en elle une sourceoriginaire qui la rend capable, indépendamment de la constitution ducorps et de ses états changeants, de s’ouvrir et de s’activerspirituellementetdeserégénéreràpartirdel’esprit.Lasourceoriginaireestunedonnéenative,analogueàlaconstitutionphysique.»(ibid.)124Lesfondementsdel’éducationféminine,p.93.125Ibid.,p.93.126Ibid.127Libertéetgrâce,p.43.128Ibid.,p.42.Celasignifie«lapossibilitédeprincipedes’excluredelarédemptionetduroyaumedelagrâce»,mêmesi,«[e]nfait,celapeutdevenirinfinimentimprobable.»(ibid.,p.42s.)129 « La coopération de la grâce est, en effet, déjà requise pour quel’êtrehumaindéchudontlanaturen’estplusintacteetnedonneplusenelle-même l’assurance d’un développement convenable, puisse réalisersadestinationnaturelle.»(Ladestinationdelafemme,p.118)130Del’artdedonnerformeàsavie,p.96.131Ibid.,p.97.132«Lepéchédoitêtrecompriscommel’oppositionàDieu.Estenétatdepéchél’âmequiserebellecontreDieu,maisaussicellequivitloinde

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • donscréés‒sontuneparticipationdel’Amourqu’estleSaint-EspritetrenvoientàlaprioritéabsoluedelaGrâceincrééeou

    Donpremier22:onpeutdistinguericilesdonsdel’ordredela

    nature ‒ et d’abord la création elle-même qui est le don

    premierdel’être23,lescharismesdonnéspourl’édificationdu

    Corps ecclésial, et surtout les dons de la grâce sanctifiantedans lesquels leSaint-Esprit est donné enpersonne, avec ausommetdelaviedelagrâce,ledondelacharité.Si le Don implique une relation d’origine, c’est-à-dire unedistinctionpersonnellequisignifiesaprocessionduPèreetduFils qui sont le Donateur, il comporte un rapport à sesbénéficiairesdansladonationauxcréaturesraisonnables.Unetelledonationesteffectivechezleshommesetchezlesanges,quandilspeuventjouirlibrementduDon,etdoncleposséderd’une manière qui à la fois respecte ce qu’ils sont et leurfournit les moyens pour y parvenir ; cela leur est en effetimpossibleparleurspropresforces.End’autrestermes,ilsontbesoin d’être élevés à une participation objective de lacommuniond’amourde laTrinité,par lagrâcecréée,dondel’EspritSaint.LadistinctionentregrâcecrééeetGrâceincréée‒loind’êtrelefaitd’unesubtilitéspéculativequivoileraitl’approchedeladispensationdivinede lagrâce‒nousparaît au contraire enmanifesterprofondémentlavérité.Onseramieuxàmême,parelle, d’aborder l’anthropologie comme un chapitre de lathéologie.Ilconvienteneffetquel’hommereçoivedelapartde Dieu un don qui soit le principe intrinsèque de sasanctification et de sa divinisation et qui soit ainsiproportionné à ce qu’il est : un être libre et doté d’uneconscience,cecentreleplussecretdelapersonnehumaineoù

  • illuiestdonnéderencontrersonSeigneur24.

    La grâce créée, du point de vue de son rapport à la naturehumaine, qualifie l’âme à la manière d’une qualitéaccidentelle. Cela veut dire qu’elle n’entre pas dans ladéfinition de la nature humaine, car, si elle y entrait, enperdantlagrâcenouscesserionsd’êtredeshumains,ouencorecelui qui n’aurait pas la grâce ne serait pas vraiment un êtrehumain. En d’autres termes, la consistance ontologique del’hommen’estenrientélescopée,lorsqu’ils’agitdeconsidéreren lui l’effusion des dons surnaturels. Ceux-ci viennentperfectionneretaccomplircequiestinscritenl’êtrepersonnelen tant que capax summi boni. Autrement dit, l’appel à labéatitude,quis’exprimedansledésirnatureldevoirDieu,estportéà sonachèvementdans lanouveautédu salut en Jésus-Christ, le Fils envoyé par le Père : « La vie éternelle, c’estqu’ilsteconnaissent,toi,leseulvéritableDieu,etceluiquetuasenvoyé,Jésus-Christ»(Jn17,3).Saint Thomas précise que l’accident n’est pas créé àproprementparler,parcequ’iln’apasl’êtreenlui-même,mais

    qu’ilempruntesonêtreàunautrequ’ilvientqualifier25.Aussi

    la grâce n’existet-elle pas à l’état séparé en dehors de sasourcequiestDieu;elleexistedanslapersonnehumainequia reçu ce don surnaturel et qui en vit, au bénéfice de sacroissance dans le Christ. Si, pourtant, on a recours àl’expression « créée » pour parler de la grâce, c’est afin desoulignerque,parelle,nousavonsrevêtu«l’HommenouveaudansleChrist,crééselonDieu,danslajusticeetlasaintetédelavérité»(Eph4,24):

    «Lagrâcepeutêtreditecrééeencesensqueleshommes,relativementàelle,sontcréés,c’est-à-direconstituésdansunnouvelêtre;etilslesontàpartirderien,cequiveutdiresansaucunméritedeleurpart,selonce

  • motdesÉphésiens(2,10):CréésdansleChristJésusenvuedesœuvres

    bonnes26.»(Summatheologiae,1a2ae,q.110,a.2,ad3)

    Donsurnaturel,lagrâcecréée,situéeauplanontologiquedelacréatureraisonnable,rendcelle-cicapabledel’unionàDieuenladisposantàrecevoir lapersonnedivineduSaint-Esprit.On ne saisit bien la nécessité d’une grâce créée, enconsidérationdel’identitédelapersonnehumaine,quesil’onreconnaît que le Saint-Esprit, lorsqu’il est donné, n’entred’aucune manière en composition avec l’homme. Il n’endemeure pas moins que, dans la vie de la grâce, nous nerecevons pas seulement des effets du Saint-Esprit, mais le

    Saint-Espritenpersonne27.Ilnousestleplusprocheetleplus

    intime,parcequ’ilnousestdonnéetqu’ilestlaraisondetous

    lesdons28.

    Lagrâce,donde l’Esprit,estofferteà tout l’homme,cequisignifie,selonEdithStein,qu’ilyasanctificationducorpsàtravers l’âme dont l’essence est qualifiée par la grâce

    sanctifiante29. Le « corps vivant » ou la « chair » (Leib) est

    caractérisé par le fait que tous ses états sont ressentis etpeuvent être ressentis. Il y adoncune face internedu corps,lequelappartientnécessairementàunsujetenrapportaveclemonde extérieur. Autrement dit, « pour autant que la chair(Leib)estuncorps(Körper),elleestjusqu’ensesprofondeurs

    lafaceexternedecetteintériorité30».Aussil’effetpossiblede

    lagrâcen’est-il pasque ledétachement à l’égardd’un corpscorrompu,avecsesconséquencessurlesujetlibre,maisilestleperfectionnementducorpsconformeàsonsensoriginaire,puisqu’il est le miroir de l’âme sur lequel se reflète sa vie

    intérieure31. Une sanctification peut alors commencer

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • résurrection,lesujetlibrecoopèreàl’œuvredusalut.Commetel,ilexerceuneresponsabilitéàl’égarddesonpropresalutetde celui des autres. Cette réciprocité dans la responsabilité,ancréedanslasphèredelaliberté,eststructurantedecequ’estl’Église:«C’esteneffetceUnpourtousettouspourunqui

    faitl’Église59».

    L’analyse steinienne de la structure de la personne, enconsidération de sa construction dans un vécude la grâce etdans une saisie de la vérité, conduit ainsi àl’approfondissement de la relationnalité dialogique expriméedans les liens vitaux qui unissent lesmembres du Corps duChrist, qui est l’Église, à leur Tête, d’où leur vient laplénitude : « Oui de sa plénitude nous avons tous reçu, etgrâcepourgrâce» (Jn1,16).Nousgoûtonsàcetteplénitudedèsmaintenantdans la communioneucharistiqueaucorpsetau sang duChrist : «Quimangema chair et boitmon sangdemeureenmoietmoienlui»(Jn6,56).La structure« libérée»de lapersonne,quemet en lumièrenotre auteur, ne se comprend bien que dans le mystère duChristustotus,«larévélationcorporelledeDieu»,enquiseconstruit et s’accomplit le sujet libre, dans tout ce qu’il est.AussiEdithSteinnouspropose-t-elleunecléherméneutiquechristologiqueàl’intérieurd’uneanthropologie,soucieusederendre compte, suivant l’exigence d’une critiqueépistémologique,delavaliditéd’undiscourssurl’hommequisoitcentrésurlaquestiondelavérité:«JesuisleChemin,laVéritéetlaVie,ditJésus»(Jn14,6).

    DenisCHARDONNENS,o.c.d.

    1 Voir Liberté et grâce, en particulier p. 53 [168 dans l’éditionallemande]:«Wirsprachenfrühereinmaldavon,daßnurfüreinfreies

  • WesenderDurchbruchausderNaturzurGnademöglichist».Letexteoriginal‒Liberté et grâce ‒ fut inséré par erreur dans une enveloppeportant le titre Die ontische Struktur der Person und ihreerkenntnistheoretische Problematik : il date surtout de 1921 ; voirl’introductionp.14s.2VoirLibertéetgrâce,p.22[138].3VoirLibertéetgrâce,p.27[143].4Voiribid.,p.22[138].5 Ibid., p. 23 [139] : « So ist das Befreitsein nur für freie Wesenmöglich».6Voiribid.,p.24[140].7Lemot«construction»estlatraductiondeAufbau,souventutiliséparEdithSteinetquisignifieégalement«structure».Cedoublesensestàconsidérerici.8Voiribid.,p.24s.[140s.].9 « Wir nennen es um eben dieser nichts begehrenden, sondern sichüberströmendenundverschenkendenFüllewillendasReichderGnade.Und weil darin aufgenommen erhoben werden heißt, das Reich derHöhe.Beides istmit denAugen dessen gesehen, der es von unten herund inderBeziehungzu sichbetrachtet.Wollenwir ihmeinenNamengeben, der es rein in sich, seinem innerenWesen nach bezeichnet, somüssenwirsagen :dasReichdesLichts.WenndieGnade indieSeeleeinströmt, dann wird sie von dem erfüllt, was ihr selbst ganzangemessen und allein angemessen ist. Diese Fülle stellt sie still.Wasfortan von außen heranstürmt, kann nicht ‒ wie im Naturzustande ‒hemmungslosinsieeinströmen.Eswirdwohlaufgenommen,aberihmwirdgeantwortetausderFüllederSeeleheraus».10Ibid.,p.34[149]:«DieserDurchbruchisteinfreierAkt,indemdieSeeledenGeistderSphäre,diesichihrerbemächtigenwill,bejahtundsich ihmhingibt, so daß er von ihrBesitz ergreifen und sie in seinemReicheWohnungnehmenkann».11VoirSummatheologiae,1a,q.109,a.6,ad2 :«Nihilhomopotestfacere nisi a Deomovetur ; secundum illud Joan. 15 [v. 5] :Sine menihil potestis facere. Et ideo cum dicitur homo facere quod in se est,diciturhocesseinpotestatehominissecundumquodestmotusaDeo».

  • 12VoirLibertéetgrâce,p.37[153];38s.[154]:«EsbestehtnundaseigentümlicheGesetz, daß derBlick auf die eigene Seele denWeg zurGnade und damit zu sich selbst versperrt. Nur wer rückhaltlos derGnadezugekehrtist,kannihrerteilhaftigwerden».13Cedoublevisagedel’angoisseéprouvée,àsavoirlepiègesansissueet levidebéant,noiret inconnu,est fortbienexpriméparPaulTillich(voir Le courage d’être, Traduction de l’anglais et avant-propos deFernand Chapey, Préface de René Marlé, Paris, Casterman, 21967, p.71s.).14VoirLibertéetgrâce,p.39-41[155s.].15 « Sich der Gnade rückhaltlos in die Arme zu werfen. Das ist dieentschlossenste Abkehr der Seele von sich selbst, das unbedingtesteSichloslassen.Aberumsichsoloslassenzukönnen,mußsiesichsofestergreifen, sich vom innersten Zentrum her so ganz umfassen, daß siesichnichtmehrverlierenkann.DieSelbsthingabeistdiefreiesteTatderFreiheit.Wersichsogänzlichunbekümmertumsichselbst‒umseineFreiheitundumseineIndividualität‒derGnadeüberantwortet,dergehtebenso‒ganzfreiundganzerselbst‒insieein».16Voiribid.,p.41s.[157].17 Voir ibid., p. 42 [158] : « Denn offenbar liegt darin, daß GottesFreiheit, die wir Allmacht nennen, an der menschlichen Freiheit eineGrenzefindet».18Voiribid.,p.42[158].19 Nous nous référons au bel exposé de la théologie thomasienneproposé par Gilles emery, La théologie trinitaire de saint Thomasd’Aquin,«Théologies»,Paris,Cerf,2004,p.298-320.20 Voir Summa theologiae, 1a, q. 38, a. 2, c. : « Sciendum est quoddonumproprieestdatioirredibilis,secundumPhilosophum[Topic.,lib.4,cap.4],idestquodnondaturintentioneretributionis:etsicimportatgratuitamdonationem.Ratioautemgratuitaedonationisestamor : ideoenimgratisdamusalicui,quodvolumuseibonum.Primumergoquoddamusei,estamorquovolumuseibonum.Undemanifestumestquodamor habet rationem primi doni, per quod omnia dona gratuitadonantur»;voirégalement1Sent.,d.18,q.1,a.2,sol.21 Saint AUGUSTIN,DeTrinitate, XV, 19, 34 (BA 16, p. 516s.) : « Per

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • àunmanquedegénérositédelapersonne15.

    Dieu se confie librement à la personne selon la troisièmeespèce de présence par l’expérience mystique qui comporte,

    d’aprèsJeandelaCroix,denombreuxdegrés16.Steinévoque

    la touche très intime qui est une rencontre de personne àpersonne.Elleinsistequecettetouche«n’estpossiblequ’au

    centre[imInnersten]17».Enplus,ellefaitallusionàlatriade

    thérésienne et sanjuaniste : union, fiançailles et mariage

    mystiques18. Mais l’analogie montre aussi une limite, une

    majordissimilitudo,puisquevoirunepersonnehumainefaceà face ne signifie pas nécessairement la connaître enprofondeur,alorsquelavisiondeDieufaceàfaceimpliquelatransparencedeDieuetsignifieparconséquent laplushauteconnaissance à laquelle nous pourrons atteindre seulementdansl’autrevie.

    II.LALIBERTÉDANSL’UNIONMYSTIQUE

    À partir de l’approche de l’union mystique par laconnaissanceintersubjective,jevaismaintenantétablirlelienavec la liberté. Pour ce faire, je commencerai avec uneréflexion de fond sur les conditions et l’orientation de laliberté humaine, c’est-à-dire sur la nécessité d’exercer laliberté selon un mode limité et ‒ selon la terminologiesteinienne‒motivé. J’appliqueraiensuitecette réflexionà lalibertéà la foisdivineethumainedans ledonde soimutuelquiestconstitutifdel’unionmystique.

    A.LalibertéconditionnéeetorientéeDéjà dans les œuvres phénoménologiques, Edith Steinévoque l’impossibilité d’une liberté absolue, car étant donné

  • que toutchoix impliqueunedéterminationetparconséquentunelimitation,lalibertéabsolueconsisteraitànerienchoisir,

    ce qui signifierait lamort19. Stein écrit en 1921 : « Il n’est

    donc guère possible de parler d’un royaume de la liberté[absolue],carceroyaumen’apasdedimensionsetseramasse

    enunpoint20.»Ilfautposerdeschoixpourvivreettoutchoix

    impliquede facto une limitation. En plus de la nécessité dechoisir,Steininsistesurlefaitquenotrelibertéestcelled’unepersonne concrète avec ses caractéristiques et son histoire :tout choix est en fonction des forces à disposition et desmotifsenjeu.Encequiconcernelaforce,Steinthématiselaforce vitale sensible et spirituelle (sinnliche und geistigeLebenskraft)commelimitesdecequejepeuxréaliserdèsson

    étudesurlaCausalitépsychique21.Pourquemeschoixsoient

    raisonnables, ils doivent être en correspondance avec mesforces, sinon je serai obligé de renoncer en cours de route.Mes choix sont aussi en fonction de ce que Stein appellemotivation. Tout choix est motivé de quelque manière. Lamotivationausensleplusgénéral«estlaconnexiondesactesentre eux : […] une procession de l’un de l’autre, un seréaliserouêtreréalisédel’unsurlabasedel’autre,àcause

    del’autre22.»Spontanément,onpourraitpenseràunsimple

    liendecausalitételquelessciencesnaturellesleconnaissent.Defait,quandonparledemotifsoud’unagirprévisible,onatendance à le déclarer commemanquant de liberté.Mais unagirexclut-ilvraimentlaliberté,mêmequandilvadesoi?Parexemple, quand sœurBénédicte était auCarmeldeCologne,les sœurs pouvaient prévoir qu’elle serait chaquematin à lachapelle pour la prière.Mais cette possibilité de prévoir soncomportementn’empêchepasquesalibertésoitenjeuchaque

  • matin pour se lever23. Il est vrai que Stein admet des

    motivationsquinefontappelniàlaraisonniàlavolonté.Parexemple dans le cas de l’éclair qui fait sursauter. Selon laterminologie steinienne, l’éclair est le motif (Motiv), laperception de l’éclair est l’acte motivant (Motivant) et lesursaut est l’acte motivé (Motivat). Le sursaut procèdespontanémentdelaperceptiondel’éclairsansqu’ilyaitagirlibre, ce que Stein appelle une motivation compréhensible(verständlich) en la distinguant de lamotivation raisonnable(vernünftig)quiimpliquelaraisonetlalibertéhumaines.Danslaviehumaineconcrète,lessituationssontsouventtrèscomplexesetbeaucoupdeparamètresexercentuneinfluence:laviepassée,leshabitudesetlesdispositionsoriginairesdelapersonne, les possibilités d’action, sa capacité d’évaluer lasituation, sa force vitale sensible et spirituelle et sa force devolonté.Si j’ai faim, je suismotivéàmangerquelquechose,mais je ne suis pasobligédepasser à l’acte.Tout envoyantunebonne tarte sur la tabledevantmoi, jepeuxmedirequel’heuredu repasarriverabientôtet jepatienteunpeumalgréma faim. Par contre, si j’avais l’habitude de manger à toutmoment, il me faudrait une force de volonté beaucoup plusimportantepouréviterdemangerlatarteàcemoment-là;danscecas,lalibertépourraitêtrequasimenthorsjeu.Onpourraitcomplexifier les situations à volonté, parce qu’un seulmotifpeutmotiverdesactesdifférents.Sidansunediscussion,unepersonne émet un point de vue différent du mien, il y aplusieursmanièresderéagirparunrefustotaldecequiestdit,paruneréponseavecdenouveauxargumentsoubienparunemodificationdemaproprepenséeenfonctiondecequim’estdit. Selon la personnalité, l’une ou l’autremanière de réagirseratypique,maisnonpasabsolumentnécessaire.Ilyaaussi

  • Ces pages ne sont pas disponibles à la pré-visualisation.

  • 47Voiribid.,p.184s.[137s.].48VoirIndividuetcommunauté,p.195[211,éd.de1922]:parrapportàl’âmehumainequiestéveilléeàsarichesseintérieure;Delapersonnehumaine, p. 273 [163, éd. allemande] par rapport à l’éveil de la foi. Ils’agitenoutred’uneallusionàlarésurrectionduChrist(Auferweckung).49VoirSciencedelaCroix,p.202s.[150s.].50 L’image de la main est par ailleurs très présente dans l’œuvresteinienne,notamment ladialectiqueentrese tenirenmainetse laisserconduire par la main ; voir Marco PAOLINELLI, « Edith Stein : esserePiccoli ‒ essere grandi », inL’evangelica via della piccolezza, Milan,Glossa,2007,p.117-144,enparticulierp.125-130.51SciencedelaCroix,p.202s.[150].52Ibid.,p.203[150s.].53Voiribid.,p.197s.[147].54VoirLeproblèmedel’empathie,p.185[133s.].55Selonmesrecherchesdansuneautrecontribution, ilestpossiblededirequeSteinconçoitlacroixcommeétantcequ’onappelleaujourd’huile mystère pascal : voir « Théologie de la Croix et destinée de lapersonnehumained’aprèsEdithStein»,inMarie-JeandeGennes(éd.),Edith Stein. Une femme pour l’Europe, Actes du Colloque tenu àToulouse les 4 et 5 mars 2005, Paris/Genève/Toulouse, Cerf/AdSolem/Carmel,2009,p.327-371,enparticulierp.344-346etp.371;enligne:http://doc.rero.ch/record/29145.56SciencedelaCroix,p.305[227].

    http://doc.rero.ch/record/29145

  • NOTICESBIOGRAPHIQUES

    Vincent AUCANTE, philosophe, a organisé de nombreuxcolloquessurEdithSteinàRomeetàParis.Outresathèsedephilosophie sur Descartes, il a publié plusieurs articles etouvragessurEdithStein,notammentLediscernementd’EdithStein.Quefairedesavie?(ParoleetSilence,2003);De lasolidarité.Essai sur la philosophie politique d’Edith Stein(ParoleetSilence,2006).

    Christof BETSCHART, o.c.d., enseigne l’anthropologiethéologique et la théologie fondamentale à la facultépontificale de théologie Teresianum à Rome. Il a fait sondoctoratde théologiesurEdithSteinàFribourg.Publicationde sa thèseenallemandetd’autresarticles surtout surEdithStein.

    Bénédicte BOUILLOT, c.c.n., titulaire d’un doctorat dephilosophie sur Edith Stein, et d’une capacité doctorale enthéologie dogmatique. Enseigne la philosophie aux Facultésjésuites de Paris, au studium de philosophie de Chartres.Auteurdeplusieursarticlessur laphilosophied’EdithStein.Champ de recherche : phénoménologie et métaphysique,philosophiedelamystique.

    Denis CHARDONNENS, o.c.d., est professeur de théologiedogmatiqueet spirituelleà la facultépontificalede théologieTeresianumàRome.Ilestégalementdirecteurdelacollection«Recherchescarmélitaines»,pourlaquelleilprépareunlivreDieuenl’homme.InhabitationdeDieuTrinitéetassimilationdel’hommeàlaVérité(ÉditionsduCarmel,octobre2014).

  • Éric DE RUS est agrégé de philosophie, terminantactuellementsondoctoratsurEdithSteintoutenenseignantlaphilosophie au Centre Madeleine Daniélou. Il a publiéplusieurs ouvrages surEdithStein, notamment Intériorité delapersonneetéducationchezEdithStein(Cerf,2006),L’artd’éduquer selon Edith Stein (Cerf/ Éditions du Carmel/AdSolem, 2008) et La personne humaine en question (Cerf/ÉditionsduCarmel/AdSolem,2011).

    Sr Cécile de Jésus-Alliance (Cécile RASTOIN), o.c.d., estentrée au carmel de Montmartre en 1995. Elle y a traduitplusieursœuvresd’auteursjuifsetchrétiens,dontEdithStein.Elleapubliédesarticlesetouvrages,notammentEdithSteinet lemystèred’Israël (AdSolem,1998) ;EdithStein (1891-1942).EnquêtesurlaSource(Cerf,2007).

  • TABLEDESMATIÈRES

    PréfaceSrCécileRastoin,o.c.d

    IntroductionFr.ChristofBetschart

    Sigles

    L’expériencedelalibertéchezEdithStein:uneapprochedelavieintérieureÉricdeRus

    Lalibertéetsesparadoxesdanslaphénoménologied’EdithSteinBénédicteBouillot

    L’actelibreVincentAucante

    L’éducationcommechemindelibération:ungesteépiphaniqueÉricdeRus

    «Libertéetgrâce».Lacontributiond’EdithSteinàuneréflexiond’anthropologiethéologiqueFr.DenisChardonnens,o.c.d.

    LibertéetunionmystiqueFr.ChristofBetschart,o.c.d.

    Noticesbiographiques