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chroniques de la Bibliothèque nationale de France N°49 mai-août 2009 www.bnf.frn Agenda en pages centrales Exposition John Batho. Le champ d'un regard. Photographies Dossier Le quadrilatère Richelieu, demain

Chronique n° 49 - mai-août 2009 - BnFchroniques.bnf.fr/pdf/chroniques_49.pdfElena Poniatovska et Paco Ignacio Taibo II. Nos excuses à l’auteur, Daniel Mordzinski. B Chron 49_9avril:Chroniques

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chroniquesde la Bibliothèque nationale de France N°49 mai-août 2009

www.bnf.frn

Agenda en pages centrales

Exposition

John Batho. Le champ d'un regard.Photographies Dossier

Le quadrilatère Richelieu, demain

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2 – Chroniques de la BnF – n°49

erceau historique de la Bibliothèque nationale deFrance, le quadrilatère Richelieu est sur le pointd’entrer dans une nouvelle étape de sa longue histoire :

le grand projet de rénovation et de modernisation tantattendu se met en place, grâce à l’engagement du ministèrede la Culture, qui a encore accentué son effort definancement dans le cadre du plan de relance dugouvernement, et au concours du ministère del’Enseignement supérieur et de la recherche. L’architecteBruno Gaudin donnera son nouveau visage à cet ensembleunique, à la suite de ses illustres prédécesseurs, HenriLabrouste, concepteur de la superbe salle de lecture qui porteson nom et abritera la bibliothèque de l’Institut nationald’histoire de l’art, ou Pascal et Secoura qui construisirent la salle Ovale toujours utilisée aujourd’hui par les chercheurs.Chroniques consacre son dossier au quadrilatère Richelieu etouvre ses pages à l’architecte qui s’exprime sur la philosophiede son projet, ainsi qu’aux différents acteurs de laBibliothèque qui accompagnent cette aventure. Faut-il rappeler que le site Richelieu restera ouvert au publictout au long des travaux? Cet été, le public pourra y découvrirLe Champ d’un regard de John Batho, dont les photographies reflètent à la fois une passion jubilatoirepour la couleur et sa hantise du travail de l’effacement. En octobre 2009, la salle Labrouste sera investie par Alain Fleischer, cinéaste, photographe et écrivain, pour un événement d’envergure sur le thème de la lecture. Dans les salles du site François-Mitterrand, une exposition de l’œuvre imprimé de Jean-Michel Alberola rendrahommage à l’un des artistes les plus importants de la scènefrançaise actuelle. Côté auditoriums, la Bibliothèqueconsacrera une journée, le 11 juin, à l’historien Emmanuel Le Roy Ladurie, qui a été aussi l’un de ses administrateurs,fêtera, le 19 juin, le quarantième anniversaire du concertmythique de Woodstock, et poursuivra ses cours dephilosophie méthodique et populaire en collaboration avecl’université Paris-Diderot. Le lecteur trouvera enfin dans cenuméro un point sur les avancées de la numérisation, et pour tous ceux qui n’en sont pas encore des pratiquantsfamiliers, un mode d’emploi des nouvelles possibilités offertes par la bibliothèque numérique de la BnF, Gallica, dans sa version 2009.

Bruno Racine,président de la Bibliothèque nationale de France

Sommaire/Éditorial >

Édito

« Chroniques de la Bibliothèque nationale de France » est une publication bimestrielle.Président de la Bibliothèque nationale de France : Bruno Racine. Directrice générale : Jacqueline Sanson. Délégué à la communication : Marc Rassat.Responsable éditoriale : Sylvie Lisiecki : [email protected]é éditorial : Élizabeth Giuliani, Jean-Loup Graton, Thierry Cloarec, Hélène Richard, Anne-Hélène Rigogne, Romuald Ripon.

Ont collaboré à ce numéro : Sylvie Aubenas, Anne Biroleau, Jocelyn Bouraly, Céline Chicha-Castex, Pascal Cordereix, Thierry Delcourt, Sabine Deniau-Lahaye, Anne Dutertre, Yann Fauchois, Bruno Gaudin, Elizabeth Giuliani, Jean-Loup Graton,Thierry Grillet, Joël Huthwohl, Marie de Laubier, Patrick Le Bœuf, Sandrine Le Dallic,Frédéric Martin, Laurence Paton, Stéphane Pillorget, Françoise Simeray, Valérie Sueur-Hermel.

Coordination graphique : Françoise Tannières.Iconographie : Sylvie Soulignac.Coordination des relectures : Nadège RicouxMaquette et révision : . Impression : Stipa ISSN : 1283-8683

Abonnement : Marie-Pierre Besnard, [email protected]

Retrouvez Chroniques sur www.bnf.frn

Couverture• John Batho, Manèges (1980)

Expositions P. 5• Craig et la marionnette• John Batho, le champ d’un regard• Jean-Michel Alberola, le perturbateur• Henri Rivière, entre Bretagne et Japon

Collections P. 12

• Girault de Prangey, photographe voyageur

Dossier P. 13

• Richelieu, demain

AgendaConférences P. 19• Invitation à la philosophie• David, cantate inédite de Bizet • Histoire(s) du disque• Woodstock 40 ans après :

« Where did our love go? »• Emmanuel Le Roy Ladurie,

historien et précurseur

Actualités du numérique P. 23• Un nouvel axe de coopération• Romandelarose.org• Les prestigieuses collections

de Dunhuang en ligne• Que trouve-t-on dans Gallica ?

Focus P. 28• Temples du savoir

Erratum : dans le numéro 48 de Chroniques,nous avons omis de mentionner le nom du photographe auteur des portraits de Elena Poniatovska et Paco Ignacio Taibo II. Nos excuses à l’auteur, Daniel Mordzinski.

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Chroniques de la BnF – n°49 – 3

En bref >

Les archives de l’écrivain et philosophe situationniste Guy Debord ont été classées«trésor national» par le ministère de la Culture et de la Communication.

Les archives de Guy Debord recouvrent plus de soixante années de sa vie. Ce fondscomprend la quasi-intégralité des archivesde l’écrivain (1931-1994), dont le manuscrit de La Société du spectacle (1967), l’un des textes fondateurs de l’Internationalesituationniste, qui prône une critiqueradicale de la société occidentale. Après le suicide du philosophe en 1994, lesarchives qu’il avait lui-même classées ettriées ont été reprises par sa veuve, Alice Debord, qui a poursuivi ce travail. La Commission consultative des trésorsnationaux a souligné que «cet ensembles’avère unique pour l’étude de la genèse de l’œuvre de Guy Debord, l’un despenseurs contemporains les plus importants

et capital dans l’histoire des idées de la seconde moitié du XXe siècle ». L’Étatfrançais dispose à présent d’un délai detrente mois pour parvenir à un accord avecAlice Debord, détentrice des droits morauxdu philosophe, et pour acquérir le fonds,qui rejoindrait le département desManuscrits de la BnF. Cet enrichissementdes collections s’accompagnerait d’unimportant effort de valorisation (colloque,exposition notamment).

Un collectif iranien Prix Simone de Beauvoir

Les archives de Guy Debordclassées « trésor national »

Le prix Simone de Beauvoir«pour la liberté des femmes»2009 a été décerné le 21 janvierdernier à Simin Behbahani, pour le collectif « Un million designatures pour la parité entrehommes et femmes » dont le butest de changer la législationiranienne et d’améliorer les droits des femmes en Iran.Créé en 2008 à l’occasion ducentième anniversaire de lanaissance de Simone de Beauvoir,sous l’impulsion de JuliaKristeva, ce prix récompensel’œuvre et l’actionexceptionnelles de femmes et d’hommes qui contribuent à promouvoir la liberté desfemmes dans le monde. Il estfinancé par Culturesfrance, la Bibliothèque nationale deFrance, le Centre national dulivre et les éditions Gallimard.

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Promenons nous dans les bois…

Conçu comme un « morceau de forêt », le jardin du siteFrançois-Mitterrand de la BnF esthabituellement interdit aupublic : il sera accessible les 6 et7 juin prochains, dans le cadredes Rendez-vous aux jardins qui,à l’initiative du ministère de laCulture et de la Communication,rendent accessibles plus de 2000 parcs et jardins en France.

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Guy Debord au 3e Congrès de l’Internationale situationniste à Munich, 1959.

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4 – Chroniques de la BnF – n°49

En bref >

Lors de la Nuit des musées, samedi 16 mai, le site Richelieu offre un accèsgratuit de 19h à minuit, au musée des Monnaies, médailles et antiques ainsiqu’aux expositions du moment, Controverses, Photographies à histoires etHenri Rivière. Entre impressionnisme et japonisme.

L’association a pour missiond’enrichir les collections de la BnF et d’en favoriser le rayonnement. De nombreuxavantages sont accordés aux adhérents. Informations :comptoir d’accueil, siteFrançois-Mitterrand, hall EstTél. : 01 53 79 82 64

www.amisbnf.orgn

Association des amis de la Bibliothèquenationale de France

Nuit des musées à Richelieu

Le catalogue BN-Opale Plus, catalogue en ligne qui contient la majorité des références des documentsconservés sur tous les sites de la BnF (soit plus de 7millions de notices descriptives de livres et périodiques, enregistrements sonores et images…)s’appelle désormais Catalogue général de la BnF. Depuis 1999, le catalogue de la BnF portait le nom de BN-Opale Plus. Dix ans après, la marque déposée à l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi)n’étant plus protégée, c’était l’occasion d’un nouveaubaptême.

Le catalogue de la BnFchange de nom !

L’été à la BnF

Comme chaque année, la BnFpropose l’entrée gratuite dansles salles de lecture de labibliothèque d’étude du siteFrançois-Mitterrand, les samediset dimanches, du 20 juin au 16 août. Des visites, desrencontres auront lieu tout aulong de l’été dans le hall Ouestavec notamment, l’organisation d’un cycle de débatshebdomadaires sur l’économiesolidaire et le réseau des acteursde l’économie à taille humaine.

Depuis son lancement endécembre 2008, le blogd’échanges avec tous les lecteursde la bibliothèque propose des billets d’actualités, desinformations pratiques (signets,catalogue, circuit dudocument…), des coups de cœur,des zooms sur des services ou les coulisses de l’établissement.Chacun peut commenter, etproposer des contributions.

blog.bnf.fr/lecteurs/n

Blog Lecteurs de la BnF

Les lecteurs de la bibliothèque de recherche pourront bientôtconsulter à distance une sélectiondes bases de données et desrevues électroniques acquisespar la BnF. Ils pourront ainsipoursuivre leurs travaux sur les collections dans leurlaboratoire de recherche, à leur bureau ou à leur domicile,ou encore dans n’importe quelcybercafé. Pour plusd’informations : www.bnf.frn

Un nouveau service bientôtaccessible sur bnf.fr

Au département des Monnaies et médailles, site Richelieu.

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Chroniques de la BnF – n°49 – 5

Edward Gordon Craig fait partie deces grands créateurs dont l’influence

est si évidente aux yeux d’une générationqu’elle oublie d’en transmettre le souve-nir à la génération suivante. Référenceincontournable de l’esthétique théâtraledans la première moitié du XXe siècle,Craig n’est guère aujourd’hui qu’un nomqu’on cite avec déférence, sans forcémentconnaître son œuvre. Comme le lui écritT. S. Eliot dès 1955, « nombre de [ses]

idées se sont pro-bablement frayé unchemin dans la têtede bien des gens quin’en connaissent pasl’origine…».Né en 1872 à Stevenage enAngleterre, Craig est le fils del’immense actrice shakespea-rienne Ellen Terry et de l’architecteEdward William Godwin. D’abordacteur, il s’initie à la gravure, puis se tournevers la mise en scène, qu’il révolutionneà travers une dizaine de spectacles entre1900 et 1906. Faute de financement, ildoit ensuite se contenter de diffusermaquettes de décors et de costumes etarticles théoriques. Son ouvrage intituléDe l’art du théâtre, publié en 1911, a untrès grand retentissement. Il s’installe enFrance en 1936 et y meurt en 1966.Nourri de Platon, Diderot, Nietzsche etMaeterlinck, et influencé par le critiqueArthur Symons, Craig juge que l’êtrehumain est un piètre matériau, inapte àla réalisation d’une œuvre d’art : soumisà mille émotions changeantes, l’acteurn’est pas aussi fiable que les pigments dupeintre ou le marbre du sculpteur. Maispar quoi le remplacer ? Les symbolistesavaient déjà proposé la marionnette, etCraig leur emboîte le pas.

L’acteur et la surmarionnetteEn 1905, il travaille à la création d’un«théâtre international de surmarionnettes».Ce projet ne se concrétisera pas, mais, en1908, Craig publie dans sa revue The Maskun article intitulé «L’acteur et la surma-rionnette». Qu’est-ce qu’une «surmarion-nette » ? Craig ne le précise pas, tant il apeur que d’autres ne lui volent son idée;mais l’article fait grand bruit : de nom-breux acteurs voient d’un mauvais œil cepantin de bois qui menace de leur prendre

Marionnette javanaise duXIXesiècle,représentant lepersonnage de Semar(Mahabharata). Collection Craig.

Gravure sur bois d’EdwardGordon Craig, représentant latête du personnage de Semar,1911. Collection Craig.

Article du Kansas City Star, 13 mars 1910, avecannotationsmanuscritesautographes de Craig.Avec l’aimableautorisation deEdward Gordon CraigEstate.

leur place… En 1906-1907, Craigtravaille sur des marionnettes mani-

pulées par en dessous, au moyen detiges qui traversent le plateau. Il a un

jour l’idée d’en encrer quelques-unespour en tirer des estampages, créant lessplendides Black Figures qui apparaissentcomme des négatifs de la gravure sur boistraditionnelle.En 1913, Craig ouvre son «école de l’artthéâtral » à Florence. La marionnette ytient une place de choix : les élèves doi-vent apprendre à la manipuler, mais aussià la sculpter, afin d’analyser la source dumouvement et de trouver dans leurpropre corps cette même fluidité. Ilachète une impressionnante collection demarionnettes occidentales, birmanes etjavanaises comme source d’inspiration.En 1914, la guerre éclate et ruine tousses projets. Son école est fermée, lesmeilleurs de ses élèves meurent au com-bat. Il se lance alors dans l’écriture d’uncycle de 365 pièces pour marionnettes,Drama for Fools – qu’il ne termine pas.Il publie, en 1918-1919, une revue entiè-rement consacrée à la marionnette, TheMarionnette.L’exposition se termine sur une sectionqui met en relation les créations contem-poraines avec quelques idées-forces deCraig sur la marionnette : les traditionsrevisitées, le rejet du réalisme, l’acteurmarionnettisé, l’exploration de l’espaceet du mouvement, le jeu avec la langueet sa transmission. Peu de marionnet-tistes d’aujourd’hui connaissent vraimentla pensée de Craig – mais beaucoup latraduisent en action sans le savoir, véri-fiant ainsi la prédiction de T. S. Eliot.

Patrick Le Bœuf

CRAIG ET LA MARIONNETTE

5 mai – 29 juillet 2009

Maison Jean Vilar, 8 rue de Mons, 84000 Avignon

Commissariat : Patrick Le Bœuf, conservateur au départementdes Arts du spectacle, BnF. Évelyne Lecucq, comédienne etauteur, Association nationale des théâtres de marionnettes etdes arts associés (Themaa)

Publication : Craig et la marionnette, sous la direction de Patrick Le Bœuf, coédition Actes Sud/BnF, 160 p, 120 ill.couleur, 29 €.

Craig et la marionnette En coproduction avec l’Association Jean Vilar et l’Association Themaa, la BnF expose à la Maison Jean Vilar, à Avignon, 70 pièces de son fonds EdwardGordon Craig et 50 prêts consentis par desmarionnettistes contemporains. Portrait d’un grandhomme de théâtre en marionnettiste…

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6 – Chroniques de la BnF – n°49

Expositions >

John Batho, le champ d’un regardUne œuvre photographique singulière, entre jouissance de la couleur et méditation sur l’effacement.

Au premier regard, les photographiesde John Batho pourraient sembler

légères. Elles mettent en scène avec inso-lence la jubilation de la couleur, éveillentle regard à sa sensualité à partir d’objetsordinaires. Bâches de tentes saturées derouge, de jaune, parasols repliés auxteintes acidulées, manèges aux couleursdiffractées par la vitesse. Nuages.Nageuses. Ici moins qu’ailleurs la ques-tion n’est réductible à celle de la repré-sentation du sujet. « Ce ne sont pas lesparasols qui importent, c’est le motif, qui,constamment repris, permet d’éprouverl’approche […]. Ce travail, insistant,oblige aussi à penser à ce qui surprendencore, pourquoi un sujet ne semble pasépuisé, pourquoi persiste le désir de pho-tographier », dit l’artiste.

Présence de la couleur John Batho, né en 1939, s’est faitconnaître dès les années 1970 par ses tra-vaux sur la couleur à une période où le

noir et blanc prédominait largement dansla création photographique. Il obtient en1977 le prix Kodak de la critique photo-graphique ; de nombreuses expositionset publications suivent, qui donnent àson travail une diffusion internationale.Si l’artiste a continué à s’intéresser à lacouleur, il a également investi d’autreschamps, celui du noir et blanc, du jeu dela lumière avec la surface, et travailleaujourd’hui sur l’effacement et la dispa-rition. Ces espaces explorés donnent for -me à des séries, manières de déposer sur lafeuille impressionnée une suite de traces.L’exposition Le Champ d’un regard ras-semble 144 photographies prises entre1974 et 2008. «Sans qu’il s’agisse d’unerétrospective, le parcours nous mèned’une méditation sur la lumière etl’ombre, le passage du temps et le ver-tige de l’espace y compris le plus banal,à un suspens devant la présence deschoses, leur matière, leur forme et leurcontingence », remarque Anne Biroleau,commissaire de l’exposition. Celle-ci est entièrement composée detirages par impression jet d’encre, unedes particularités du travail de l’artiste :la chimie du papier sur lequel la photo-

Parasols, Série 1981-2008.

Ci-dessous : Présents et absents, Série 1998.

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Chroniques de la BnF – n°49 – 7

Réalisées à Vilnius (Lituanie) à l’occa-sion d’une commande, ces images ont étéinspirées par l’histoire de ce pays pro-fondément marqué par la SecondeGuerre mondiale. « J’ai imaginé ces pré-sents et absents comme une allégorie dece qui résiste en l’homme et survit auxvicissitudes de son histoire. J’ai conçu undispositif me permettant de photogra-phier les visiteurs du centre d’art contem-porain, lieu de l’exposition, derrière ungrand verre embué pour emprunter leursilhouette. Je voulais obtenir une sorted’album de famille, composé de per-sonnes à la fois présentes et impossiblesà identifier ; des visages qui se dérobent,des identités incertaines, évoquant l’ab-sence, la perte, mais aussi la tendresse ;

j’ai voulu parler de l’humanité », confieJohn Batho. Ce travail sur l’effacement se retrouvedans Visages (1998) ou Cartes (2008) :formes occultées, traces, érosion des iden-tités et des objets que le temps altère jus-qu’à leur quasi-disparition. Autre champ de recherche du photo-graphe, la couleur, qu’illustre notammentla série Manèges (1980). «Dans une fêteforaine, la couleur est utilisée pour sapuissance hypnotique, pour sa capacitéà divertir. J’ai choisi un manège en par-ticulier, je l’ai photographié pendant troisannées avant qu’il ne disparaisse. […] Jevoulais retenir et partager une joie simple,un émerveillement devant des couleursqui participent à une fête pour les yeux.J’avais envie de déployer par des imagessuccessives le mouvement du manège, demontrer les multiples aspects de cettecurieuse machine à couleurs. » D’autresséries, comme Photocolore (1974-1992),saisissent des objets ordinaires, des frag-ments de ciel ou de paysages qui offrentune approche de la couleur dans sa pri-marité, sa masse et sa matière. D’autresencore, Nageuses (1990), jouent des ambi-guïtés optiques engendrées par l’eau pourdéstabiliser les repères visuels du specta-teur : nage, ou envol…Parcourant cette exposition, nous emboî-tons le pas à John Batho, et découvronsses réponses à la question de la couleuren photographie. Qu’ajoutait la couleurà ce médium? Quel champ spécifique fal-lait-il lui offrir, alors que le noir et blancétait dominant ? La vocation de la pho-tographie, telle que Batho nous en ins-truit, est peut-être de cristalliser unesimple et fugace apparition, et parfois detransformer le processus de la dissolutionen échappée vers l’onirique.

Sylvie Lisiecki

graphie est tirée joue un rôle dans lerendu final, d’où l’importance des sup-ports dans le jeu des images entre opa-cité et transparence.«La scénographie délimite clairement lesespaces de l’exposition, créant des airesvisuelles propres à chacune des recher -ches. Quiétude et mystère des études surl’ombre et la lumière répondent au dyna-misme, à la vibration, au volume de lacouleur », poursuit Anne Biroleau.

Effacements En ouverture de l’exposition, les sériesOmbres (1999 et 2000), un travail sur l’ap-parition de la lumière et Présents et absents(1998), une série composée de tiragesnoir et blanc, sur toile, non encadrés.

Nageuses, Série 1990.

John Batho,autoportrait, 2009.

JOHN BATHO. LE CHAMP D’UN REGARD.

PHOTOGRAPHIES

23 juin - 6 septembre 2009

Site Richelieu – Galerie de photographie

Commissariat : Anne Biroleau,conservateur général, chargée de la photographie du XXIesiècle; avec la collaboration de l’artiste.

Du noir et blanc, je retiens la simplicité et la gravité, de la couleur, la jouissance et la subversion. Ces deux modes ne sont pas opposables, ils ne résument pas non plus la préférence

que l’on porte à certaines photographies. L’image aimée demeure une énigme, pour celui qui l’a faite, pour celui qui la voit. John Batho

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8 – Chroniques de la BnF – n°49

19 mai - 23 août 2009

Site François-Mitterrand, galerie François 1er

Commissaires : Marie-Cécile Miessner et Céline Chicha-Castex, conservateurs au département des Estampes et de la photographie.

Catalogue coédité par la BnF et les éditions Ereme.

inspiration dans l’histoire de l’art, ilconvoque aussi bien la Renaissance quele modernisme et revendique la doublefiliation de Marcel Duchamp et de Mar-cel Broodthaers. Ses estampes sont de natures trèsdiverses. Dès le début s’opère un partageentre les éditions réalisées au moyen detechniques de reproduction photoméca-

Jean-Michel Alberola le perturbateurUne rétrospective, site François-Mitterrand, présente l'œuvre imprimé d'un artiste agitateur d'images et de mots.

Devenir chien d’aveugle,lithographie en couleurs, 2005.Paris, Item éditions. nique et ses œuvres en lithographie ou en

taille-douce proches des dessins et despeintures. Dans les années 1980, il estinvité à faire de la lithographie par l’ate-lier Urdla à Lyon (devenu depuis leCentre international de l’estampe): cettepremière approche lui permet de décou-vrir toutes les possibilités plastiques decette technique. C’est là qu’il rencontrel’imprimeur lithographe Patrice Forestavec lequel il continue de travailler régu-lièrement au sein de l’atelier Item quecelui-ci a créé à Paris.

Expositions >

JEAN-MICHEL ALBEROLA, L’ŒUVRE IMPRIMÉ

Peintures, dessins, photographies,films, objets, installations, l’œuvre de

Jean-Michel Alberola compose unensemble éclectique, qui donne à voir deséléments épars, tronqués, souvent inache-vés. Pourtant l’une des constantes decette production réside dans son inten-tion d’interpeller et de bousculer lesconsciences – tordre le cou aux imagesprêtes à consommer et aux mots prêts àpenser et faire émerger un sens caché.Outre une prédilection pour l’édition soustoutes ses formes – estampes, cartes pos-tales, livres d’artistes, affiches, tracts… –l’artiste affirme un goût prononcé pourla formule à décrypter, telle «La sortie està l’intérieur », ou pour la citation pasti-chée telle «La pauvreté est une idée neuveen Europe», (d’après la fameuse formulede Saint-Just devant la Convention « lebonheur est une idée neuve en Europe»).La lecture d’un texte, une peinturedécouverte dans un musée, une imagetrouvée dans une brocante, sont les maté-riaux de créations qui explorent les infi-nies possibilités de l’association, de l’in-terprétation et du jeu des mots avec lesimages.

Une production imprimée très diverseL’exposition présentée à la BnF est la pre-mière rétrospective de l’œuvre impriméde l’artiste. Elle a été élaborée à partir desestampes et des livres présents dans lescollections, grâce au dépôt légal des édi-teurs et à la générosité de l’artiste qui afait, à cette occasion, un don importantà la Bibliothèque. Né en 1953 à Saïda (Algérie), d’unefamille originaire d’Espagne qui s’installeen France en 1962, Jean-Michel Alberolaa participé à l’exposition collective Finiren beauté qui, en 1981, consacre la nais-sance de la figuration libre. Puisant son ©

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Chroniques de la BnF – n°49 – 9

L’artiste aborde la taille-douce dans lesannées 1990, à l’invitation de PieroCrommelynck qui, avec son frère Aldo,avait imprimé les dernières gravures dePicasso. Il réalise dans un premier tempsdes gravures dans des gammes de noir-blanc-gris de facture assez classique quis’inscrivent dans ses recherches plas-tiques du moment. Pour se libérer de lamémoire de Picasso qui plane dans l’ate-lier Crommelynck, il entreprend une sériede gravures associées à des jurons espa-gnols qu’il adresse au maître. Il travaillesur le thème du Repas des paysans desfrères Le Nain, qu’il décline en plusieursplanches, et de la crucifixion qu’il abordeau même moment dans ses dessins. En1990, il commence à pratiquer la séri-graphie, sollicité par Éric Linard. Il trans-pose en sérigraphie des photographiesqu’il retravaille.

Passé/PrésentLa référence au passé est omniprésentedans son œuvre imprimé, qu’il cite despeintures ou des textes. « J’ai eu vraimentle sentiment, à la fin des années 1980,avec ma peinture mi-abstraite mi-figura-tive, que je venais après tout le monde.Je venais après les vénitiens, Cézanne,Matisse… Je me suis dit qu’il fallait lesremercier par le dessin, la peinture, l’estampe, même en les citant. Je n’ap-parais pas comme une génération spon-tanée dont on ne connaît pas l’origine.[…]. Depuis 1983, je n’ai jamais perducette idée de citation. Je suis le dernieraprès tout le monde. Il y a un mondeincroyable avant moi qui a fait des chosesbeaucoup plus éclatantes. Je fais des

choses avec ce que j’ai.1 » Cette pratiquede la citation va de pair avec celle du fragment : Alberola cultive les formesbrèves, « fragments […] épinglés sur desbouts de papier comme des papillons de langage : parfois ils ne veulent “riendire”, ou plusieurs choses contradic-toires. Il arrive qu’ils soient simplementcalligraphiés, c’est-à-dire joliment écrits,si l’on accepte que le “joli” en questionn’ait pas grand chose à voir avec le jolides étalages. Mais la plupart du tempsils font image en même temps qu’ils sedonnent à lire2 ». Dès le début, l’estampe a aussi été unmoyen de diffuser et de faire circuler sesœuvres, en raison du moindre coût desmultiples par rapport aux peintures : «J’aicompris, dès mes premières lithos, quecela [les éditions] me permettrait de toucher plus de monde. » À ses yeux, leséditions (estampes, livres, ephemara)sont la seule activité permanente, noble,mobile et démocratique.

Céline Chicha-Castex et Sylvie Lisiecki

1. Les citations de Jean-Michel Alberola sont tiréesd’un entretien avec les commissaires de l’exposition,retranscrit dans le catalogue. 2. Jean-Michel Alberola, Cartes de visite, vers luisants,Didier Semin, Carnets d’études 5, éd. Ensba.©

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Ci-contre : RIEN, autoportrait,lithographie 2004. Paris, Item éditions.

Ci-dessus : Frères Lénine XI,eau-forte, aquatinte, 1997.Paris, Piero Crommelynck.

Ci-dessous : Reprendre la conversation, lithographieen couleurs, 2006. Paris, Item éditions.

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Expositions >

Chroniques : C’est en 2006 que le fonds d’atelier de Henri Rivière

est entré dans les collections dudépartement des Estampes et de laphotographie. Comment s’est effectuéecette dation?C’est l’aboutissement de quatre à cinqannées de tractations. Le départementtenait beaucoup à acquérir cet ensemblecar il vient enrichir considérablement ledon que Henri Rivière avait fait à sa mort,en 1954, à la BnF. Avec ce fonds d’ate-lier, ce sont plus de 2 000 pièces quientrent au catalogue : un immense tra-vail de classification, d’inventaire et derestauration a été mené. La BnF disposemaintenant de la quasi-totalité de l’œuvreimprimé (lithographies, gravures sur bois,eaux-fortes), de plus de 600aquarelles,de la collection personnelle d’estampesjaponaises de Henri Rivière sans comp-ter les précieux carnets de croquis,esquisses préparatoires et épreuves d’état

Henri Rivière, entre Bretagne et JaponCe peintre-graveur passionné de couleur et de japonisme était aussi féru de technique. Entretien avec Valérie Sueur-Hermel, commissaire de l’exposition.

Henri Rivière, L’Aube,planche n° 126 de la série «La féerie des heures», 1901,lithographie.BnF/Dpt des Estampes et de la photographie.

qui témoi gnent, de manière émouvante,de la genèse d’un œuvre et permettent decomprendre et d’aimer un artiste.

L’œuvre de cet artiste est un peu oubliéeaujourd’hui; cette rétrospective a pourobjectif de le faire découvrir? Bien sûr, et Henri Rivière le mérite lar-gement! Car il fut connu et célébré en sontemps. En 1900 à l’Exposition univer selleil reçoit une médaille d’or de la gravure etde la lithographie, quelques années plustard – il n’a que 43 ans – une monogra-phie lui est déjà consacrée. Mais à 53 ans,au faîte de sa réputation, reconnu par sespairs pour avoir contribué au renouveaude la gravure sur bois et de la lithogra-phie en couleurs, il cesse définitivementde graver pour se consacrer jusqu’à la finde sa vie à l’aquarelle. Ce qui est attachantchez cet artiste, c’est son profil à la foisinventif et créatif : c’est un artiste artisan.

Quel a été son itinéraire? Original en tout. Sans formation parti-culière, juste quelques cours de peinturedans un atelier académique, il estemployé comme secrétaire au Chat noirà Montmartre, qui est à la fois un caba-ret et un journal. Il devient chargé desillustrations et développe très vite uneremarquable activité de graveur. Maisc’est en tant que créateur du théâtred’ombres qu’il s’illustre au Chat noir. Ilmonte des spectacles d’un genre nou-veau, Les Féeries dont il assure la scéno-graphie. Il dessine des figurines en zinc

découpé et crée les décors, qui se profi-lent sur des plaques de verre colorées.Par superposition et transparence, deseffets chromatiques restituent à l’arrière-plan de manière subtile et poétique, descouchers de soleil, des brumes matinales,des levers de Lune… Le public est ébloui,le succès dans le cercle bohême de Mont-martre est immédiat. Un avenir brillantde décorateur de théâtre attend le jeuneRivière. Au lieu de cela, il s’en éloignepour mettre son ingéniosité technique au

HENRI RIVIÈRE, ENTRE IMPRESSIONNISME ET JAPONISME

7 avril - 5 juillet 2009

Site Richelieu – Galerie Mazarine

Commissariat : Valérie Sueur-Hermel, conservateur au département des Estampes et de la photographie.

En partenariat avec TéléObs Paris.Dans le cadre de la célébration du 40e anniversaire de la loi sur les dations.

Henri Rivière, entreimpressionnisme etjaponisme, sous la directionde Valérie Sueur-Hermel, Éditions de la BnF, 200 p., 160 illustrations couleurs, 35 €. Contributions deJocelyn Bouquillard, PhilippeLe Stum, Catherine Méneux,Monique Moulène, ValérieSueur-Hermel.

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Chroniques de la BnF – n°49 – 11

Expositions hors-les-murs >

service de la gravure sur bois et de lalithographie en couleurs. Il procéderatoujours ainsi, transposant et approfon-dissant ses recherches techniques d’unmedium à l’autre.

Au fond ce qui passionne Henri Rivièren’est-ce pas la technique?Certes, mais pas exclusivement car ils’agit d’une démarche artistique au ser-vice de la couleur : il n’aura de cesse,d’une technique à l’autre, de retrouverles chromatismes subtils qu’il aime tantdans l’estampe japonaise. Ses Paysagesbretons, ses Études de vagues, sont le fruitde maints essais pour retrouver l’exacteimpression de lumière irisée, un certain« lilas gris » ou « gris bleu vert » que l’ar-tiste a noté sur ses carnets et qu’il chercheà restituer sur le papier. Il ne laisse rienau hasard, ni la qualité des pigments nicelle du papier : il utilise souvent despapiers anciens qu’il achète au Japon. Cequ’il cherche avant tout – et là résidentson originalité et son talent – ce sont latransparence chromatique et le rendu dela couleur épousée par le papier.

Comment se situe Henri Rivière parmi sescontemporains? Son obsession de la couleur est pleine-ment partagée par les impressionnistes,ses contemporains. L’inspiration se porteexclusivement sur les paysages, notam-ment ceux de la Bretagne. Henri Rivières’est tenu en marge de son temps, àl’écart des modes. Ce qui explique sansdoute son oubli relatif. Pourtant, soninfluence est importante sur des artistescomme Vuillard, Bonnard ou Vallottondont les œuvres lithographiées gardent laréminiscence des silhouettes découpéesdu théâtre d’ombres du Chat noir. Plusprès de nous, son héritage est perceptiblechez les créateurs de bandes dessinéescomme Hergé ou Tardi. Il est explicite-ment revendiqué par André Julliard dontles 36 vues de la tour Eiffel sont un hom-mage à l’ouvrage du même titre de HenriRivière, lui même directement inspiré parles 36 vues du mont Fuji d’Hokusaï.

Propos recueillis par Anne Dutertre

LES PRÊTS DE LA BNF

Alphonse Mucha. Du 12 juin au 13 septembre 2009, musée Fabre – Montpellier

À l’étrangerBig City. Street photography aus New York(1940-1980)Des pièces extraites de l’exposition Seventiesont été prêtées : photographies de Diane Arbus,Lee Friedlander, Louis Faurer.Du 11 mars au 24 mai 2009, Wien Museum – Vienne,Autriche

From the invention of photography to theold photos of Macao. Du 22 mai au 22 août 2009,musée de Macao – Macao

Paris capitale des livres. Du 15 juin au 15 septembre 2009, Bloomsbury Gallery – New York

Les ballets russes. Du 23 juin au 27 septembre2009, Österreichisches Theatermuseum – Vienne

À ParisLe Louvre pendant la Seconde Guerre mondiale. Du 6 mai au 31 août 2009, Musée du Louvre – Paris

Le Bain et le miroir. Cosmétiques et soinsdu corps de l’Antiquité au Moyen ÂgeDu 20 mai au 21 septembre 2009, musée national du Moyen Âge – Paris

En régionLe mythe de Psyché de la Renaissance au XIXe siècle. Du 20 mai au 30 août 2009, château d’Azay-le-Rideau

Picasso et la poésie. Du 2 juillet au 20 septembre2009, musée-bibliothèque Pierre-André Benoît – Alès

Fabriquer la beauté. Cosmétiques et soinsdu corps à la Renaissance. Du 19 mai au 21 septembre 2009, musée national de laRenaissance – Écouen

Napoléon, la Corse, les Corses. Du 1er juin au 1er septembre 2009, musée de la Corse – Corte

La BnF poursuit sa politique de prêts à des expositions extérieures. Elle noue des partenariats diversifiés, en France et à l’étranger, donnant lieu à d’importantes manifestations.

Carte blanche à Jean-Claude Lemagny, conservateur général honoraire au département des Estampes et de la photographie.

L’idée de l’exposition, intitulée Ce qu’il y a à voir est ce que vous

voyez, est de présenter sur un piedd’égalité des textes et des images. Lestextes, nombreuses et courtes citationsde philosophes et d’artistes, disenttous, chacun à leur façon, la mêmechose : les mots n’ont rien à faire avecles images, ou pour le dire autrement,l’art n’a rien à voir avec lacommunication. «Ces images, je les aichoisies parmi celles de photographescontemporains, entrées récemmentdans les collections de la BnF.Photographies en noir et blanc ou en couleurs, tirages argentiques ouimpressions jet d’encre, prises de vueanalogiques ou digitales, les techniquesles plus diverses y sont représentées.Des artistes à la carrière confirmée ou de jeunes photographes aux débutsprometteurs, comme le furent en leur temps Garry Winogrand ou MarioGiacomelli, figureront côte à côte »,commente Jean-Claude Lemagny.

Arles, 40e Rencontres internationales de la photographie

Ce qu’il y a à voir est ce que vous voyez

Jean-Claude Bélégou,Le Déjeuner sur l’herbe, 2003.Du 6 juillet

au 30 août 2009,Musée départemental de l’Arles antique.

Le public japonais connaît les gravures et aquarelles de Henri Rivière et appréciesa sensibilité à la lumière, à la nature et aux variations des saisons. Si l’artiste a été influencé par l’art japonais de l’estampe, il a également inspiré des peintres japonais qui reconnaissentsa contribution à cet art. Une expositionconsacrée à l’artiste partira pour leJapon au moment où prendra fin celle de la BnF.

HENRI RIVIÈRE EXPOSÉ AU JAPON

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12 – Chroniques de la BnF – n°49

Collections >

culture des orchidées et des fruits exo-tiques pour lesquels il a fait construire degrandes serres.

Découvertes Après sa mort, sa propriété est finalementrachetée par un voisin, le comte Charlesde Simony qui découvre par hasard dansune soupente les boîtes miraculeusementintactes contenant les daguerréotypesoubliés.En 1950, le comte de Simony offre audépartement des Estampes et de la pho-tographie de la BnF vingt daguerréotypesreprésentant des vues de Paris, en parti-culier de la cathédrale Notre-Dame.En 2000, cinquante ans après, le dépar-tement acquiert auprès de ses héritiers,cent cinquante huit plaques de formatset de sujets très variés, représentatives del’œuvre réalisée par Girault de Prangeyentre 1841 et 1844. En 2005, cet ensemble est encore enri-chi d’un très beau paysage français reçuen dation. En 2008 enfin, une nouvelleoccasion se présente de compléter cetensemble par des œuvres encore incon-nues. Le libraire, et grand collectionneurde photographies, André Jammes quiavait lui-même connu le comte deSimony, propose, en effet, à la BnF treizenouvelles plaques : études d’arbres sousla neige, églises italiennes, détails d’ar-chitecture islamique, cabanes de pêcheursturques, vue de l’église du Saint Sépulcreà Jérusalem.Son épouse Marie-Thérèse et lui-mêmey joignent un don très généreux. Il s’agitd’une étonnante photographie réalisée en1841 à Paris avant le départ en Orient :

dans la cour de ce qui semble être un ate-lier d’artiste, on voit, encadré par desplantes grimpantes, un moulage du bustede la Vénus de Médicis. Ce type de sujetse retrouve dans l’œuvre d’un autre pion-nier de la photographie française, Hip-polyte Bayard (1801-1887), l’un desinventeurs de la photographie sur papier.Mais en daguerréotype, cette iconogra-phie qui mêle art et science, qui illustrela culture et la sensibilité des premiersphotographes, est presque inconnue. Avec près de deux cents pièces, la BnFpossède désormais l’ensemble le plusimportant d’œuvres de cet auteur. Ellessont décrites une à une dans le cataloguegénéral en ligne et illustrées de repro-ductions qui permettent à chacun d’ydécouvrir ces images pour beaucoupencore inédites. Sylvie Aubenas

Quatorze nouveaux daguerréotypes de Girault de Prangey, pionnier de la photographie, entrent à la BnF.

oseph Philibert Girault de Prangey(1804-1892) est l’une des figures lesplus intéressantes et originales des

débuts de la photographie qu’il pratiqueen amateur dès 1841. Né à Langres dansune famille fortunée, il commence par yétudier la peinture puis poursuit sa for-mation à Paris avant d’entreprendre desvoyages d’étude et d’agrément qui lemènent en Italie, en Algérie, en Espagneet en Suisse. De retour chez lui en 1834,il est l’un des membres fondateurs de la Société archéologique de Langres. Ilcommence aussi à publier des ouvragessur l’art islamique richement illustrésd’après les dessins faits au cours de sespériples.En 1841, avant de repartir pour un grandtour qui le mènera de Marseille àConstantinople, il s’initie à la photogra-phie dont il compte se servir parallèle-ment au dessin et à l’aquarelle pour rap-porter de son voyage de nouveaux docu-ments plus précis et plus nombreux. Pours’exercer, il réalise des vues de Paris, desa villa des Tuaires, près de Langres, etdes paysages qui l’entourent.

Un voyageur moissonneur d’images Il quitte la France pour trois ans au prin-temps 1842, visite l’Italie, la Grèce, l’Égypte, la Syrie, la Palestine et la Tur-quie. Il s’intéresse aux monumentsantiques, à l’architecture vernaculaire,aux détails d’ornementation, aux pay-

J sages, aux arbres ; la botanique est, eneffet, son autre grande passion. Il emporteavec lui un matériel photographique com-plet comprenant des centaines de plaquesde cuivre argenté de format 18 x 24 cmqu’il utilise telles quelles ou qu’il découpesuivant les sujets pour les utiliser au plusjuste. Il colle au dos de ses plaques depetites étiquettes avec numéros, dates et

légendes : on peut ainsi suivre précisé-ment ses pérégrinations autour du bassinméditerranéen. Cette moisson de près de mille images qu’il amasse de 1842 à1844 est sans pareille. Dans l’histoire dudaguer réotype, ce premier procédé pho-tographique mis au point par Niépce etDaguerre, un ensemble de cette qualité,de cet intérêt et de cette ampleur estunique.À son retour, il se consacre à la prépara-tion d’ouvrages illustrés de lithographiesréalisées d’après ses photographies. Ilpublie en 1851 les Monuments et paysagesde l’Orient mais cette entreprise ambi-tieuse se révèle être un cuisant échec édi-torial. Très déçu, il se retire de la viepublique et vit en ermite dans sa somp-tueuse villa de style oriental adossée auplateau de Langres. Il s’y adonne à la

Girault de Prangey, photographe voyageurA gauche : Paris, 1841,Etude de plantes.

A droite : Frascati,1842. Campanile SanMarco.BnF, Dpt des Estampeset de la photographie

Dans la cour de ce qui semble être un atelier d’artiste, on voit,encadré de plantes grimpantes, un moulage de la Vénus de Médicis‘‘ ’’

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Bruno Gaudin est l’architecte chargé du projet de rénovation du quadri la

Chroniques : En quoi consiste selon vous la spécificité de ce projet de rénovation? Bruno Gaudin : Notre travail prend enmarche une réflexion sur le devenir duquadrilatère, en cours depuis le déménagementd’une partie des collections il y a une dizained’années. Cette réflexion se double d’uneinterrogation plus générale sur l’avenir dessalles de lecture des bibliothèques dans lecontexte du développement du numérique : à quels publics s’adresseront-elles, qu’attend-on de la Bibliothèque nationale aujourd’hui ?Quels seront les usages à venir de sescollections? L’architecte n’est pas ce démiurgequi à lui seul aurait une vision d’un projet etcontrôlerait à la fois le programme, le budget,l’ensemble des aspects techniques, lesquestions de sécurité… Nous avons affaire à unédifice patrimonial qui présente des contraintesparticulières : un bâtiment obsolète, pourvud’une installation électrique vétuste, de systèmes de sécurité insuffisants, avec unaccueil inadapté et des conditions de travailprécaires pour les personnels… Chacun est conscient de cela parce que c’est visible etapparent. Notre rôle à nous, architectes, est de faire apparaître des solutions en regard

de ces questions et d’imaginer les besoins qui vont naître des évolutions en cours.L’enjeu est important. Il y a eu très peu demoments dans l’histoire où le quadrilatèreRichelieu a été concerné par des travaux danssa totalité. C’est pour nous une chance uniquede réfléchir sur l’ensemble des dimensions de ce projet : accueil, installations techniqueset de sécurité, circulation…

Quelle a été votre démarche de construction du projet? Pour pouvoir penser cette rénovation dans une perspective de long terme, nous avonscommencé par effectuer une lecture analytiquede la façon dont le quadrilatère a évolué dansl’histoire. Derrière une apparente unité, ondécouvre un patrimoine complexe, un universconstruit au fil du temps par étapes et parbouleversements successifs. À chaque grandephase de rénovation, il a fallu adapter le bâtiment à de nouvelles fonctions. Lestransformations, parfois très importantes, sesont superposées, imbriquées : l’édifice eststratifié, comme un millefeuille contenu dansune solide enveloppe. Nous avons donc essayéde comprendre les problèmes qu’il pose

14 – Chroniques de la BnF – n°49

Dossier > RICHELIEU, DEMAIN

La rénovation du quadrilatère Richelieu – lieu historique de la Bibliothèque royale depuis 1721 – qui abriteactuellement la majeure partie des collections spécialisées de la Bibliothèque nationale de France (Arts du spectacle,Cartes et plans, Estampes et photographie, Manuscrits,Monnaies, médailles et antiques) est l’une des priorités desgrands travaux du ministère de la Culture. Celui-ci vient dedonner un avis favorable à l’avant-projet sommaire de l’architecte Bruno Gaudin. Ce projet, porté par les équipes de la BnF depuis de nombreuses années, entre ainsi dans sa phase de mise en œuvre. Rénover les bâtiments et leséquipements, renouveler et moderniser les services offerts au public en sont les objectifs premiers; mais aussidévelopper un vaste ensemble destiné à la recherche avecl’installation aux côtés de ses départements spécialisés des bibliothèques de l’Institut national d’histoire de l’art et de l’École nationale des chartes, et créer un espacelargement ouvert au public lui permettant de découvrir lesjoyaux de ses collections et des parties méconnues de sonpatrimoine architectural. Après différentes phases d’études,les travaux débuteront en 2010. Une nouvelle aventurecommence pour le vieux cœur battant de la Bibliothèque,dont la cure de jouvence s’achèvera en 2015.

Jacqueline Sanson Directrice générale de la Bibliothèque nationale de France

Richelieu au cœur

Croquis d’études de Bruno Gaudin.

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dans son usage actuel. Un projet ne se fait passeulement en fonction d’un programme, qui a une pérennité limitée alors qu’unbâtiment patrimonial s’inscrit dans la durée. Il ya un juste accord à trouver entre le programmeet la configuration des lieux.

Comment comptez-vous faire évoluercet espace? Lorsqu’on a une vision suffisamment précise del’histoire d’un bâtiment, on perçoit qu’il existedes points intangibles, et d’autres qui peuventchanger. Le quadrilatère recèle des trésors qu’il faut sauvegarder : les galeries, les salles de lecture, le magasin central que nous allonsmettre en valeur et rénover, ainsi que d’autresmagasins moins connus mais dont nous allonspréserver la couleur, l’atmosphère. D’autresespaces sont sujets à discussion…Le site Richelieu comporte de très belles piècesmais leur accès est parfois difficile ; il s’agitmoins de les transformer que de les mettre en relation, de créer des réseaux decommunication. Le quadrilatère s’est constituépar grands ensembles et selon un systèmedistributif par pièces commandées : il n’y a pasde grand dispositif hiérarchisé de distribution

avec vestibules et corridors. Pour le traverser, il faut parcourir toutes sortes de dédales, ce qui n’est pas sans charme – on passe à travers des mondes. Mais on ne peut pas s’arrêter à ce « charme », il faut aussi qu’un bâtimentréponde à sa fonction. J’en viens donc à l’un des grands thèmes du projet : la circulationdans le bâtiment. Nous allons placer une séried’escaliers et d’ascenseurs à des pointsstratégiques qui permettront d’aller aisémentd’une salle de lecture à un magasin parexemple, afin d’instaurer des relationsmanifestes entre les diverses fonctions du lieu,en permettant au public de déambuler de façonbeaucoup plus fluide. Le quadrilatère ne seraitpas une constellation de lieux mais un ensemblefédéré par ces espaces qui innervent,distribuent, ouvrent des portes… il y a là unedimension symbolique non négligeable… Nousvoulons donner l’image d’un lieu qui a uneunité et une cohérence. Un projet architecturalconsiste aussi à mettre en rapport des questionstechniques, fonctionnelles et symboliques. Prenons l’exemple d’un espace en particulier :celui de l’accès et du hall d’entrée. Notre projetouvre deux entrées – par la rue de Richelieu et par la rue Vivienne – qui donnent accès à un

seul hall. Notre intention est de faire en sorteque ce ne soit pas deux accès pour deux publicsdifférents, mais qu’il y ait une possibilité de mise en relation des différents utilisateurs.L’Institut national d’histoire de l’art, l’Écolenationale des chartes et la BnF sont desinstitutions qui ont des domaines d’expertisedifférents mais dont les univers ont des pointscommuns… Il s’agit d’inciter plusieurs publicsà venir sur ce site : les chercheurs, les étudiantsmais aussi le grand public, les curieux… unediversité d’intérêts et de pratiques qui peuventainsi se rencontrer.

Propos recueillis par Sylvie Lisiecki.

Chroniques de la BnF – n°49 – 15

Les bibliothèques de l’Inha et de l’Écolenationale des chartess’installent siteRichelieu

L’Institut national d’histoire de l’art (Inha)Créé en 2001, l’institut a pour mission dedévelopper l’activité scientifique et de contribuerà la coopération scientifique internationale dans le domaine de l’histoire de l’art et du patrimoine.Il exerce des activités de recherche, de formationet de diffusion des connaissances.inha.fr

L’École nationale des chartesCréée en 1821, l’École nationale des chartes estune grande école qui dispense une formationuniversitaire aux étudiants en sciences humaines,et particulièrement aux étudiants en histoire. Ses élèves, historiens, philologues, paléographesfont généralement carrière comme conservateursd’archives, conservateurs des bibliothèques ouuniversitaires. Elle mène des activités de recherchedans les disciplines historiques et littéraires. enc.sorbonne.fr

Une capacité d’accueil de 2000 personnes (publics et personnels)9 salles de lecture2 espaces d’expositions1 galerie des TrésorsUne librairie, un café et des espaces pédagogiques.

RICHELIEU À L’HORIZON 2015

Cour d’honneur, février 2009.dri latère Richelieu. Entretien. © J

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Le projet n’est pas, n’a jamais été, ununique projet de rénovation architec-

turale et de mise aux normes techniques.Il a pour ambition d’ouvrir Richelieu, de redéployer les départements de laBnF pour les mettre en valeur, de rendrel’accès aux collections plus facile et de faire connaître le pôle d’excellencescientifique qui naîtra du rapproche-ment dans un même lieu des départe-ments de la BnF, de la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art(Inha) et de celle de l’École nationaledes chartes.

Des salles de lecturemoderniséesLa rénovation de Richelieu est réalisée àla fois pour les collections, le public dechercheurs et le personnel. Les lecteursdes départements continueront d’êtreaccueillis dans les salles de lectureactuelles, rénovées, mises en valeur, plusfonctionnelles. À la fin du chantier, tousles catalogues des départements spécia-lisés devraient être informatisés et acces-sibles à distance sur le Web, et beaucoupde collections auront été numérisées : lesplus précieuses ou spectaculaires maisaussi des corpus entiers utiles à la recher -che. Dans les salles de lecture elles-mêmes,plus de confort, des éclairages perfor-mants, des salles de travail en groupes, denouveaux outils technologiques, pourconsulter des cartes ou des palimpsestes parexemple. Les départements des Estampes

et de la photographie et des Arts du spec-tacle pourront enfin accueillir dans leursemprises deux sociétés dont les fondssont très riches et le rayonnement impor-tant : la Société française de photogra-phie et la Société d’histoire du théâtre. Laproximité géographique entre les dépar-tements de la BnF, l’Inha et l’École natio-nale des chartes (dont la bibliothèque serainstallée dans le quadrilatère lui-même)profitera évidemment aux lecteurs quidisposeront à Richelieu de ressourcesextraordinaires dans toutes les disciplinesde l’histoire de l’art.

Un patrimoineà la portée de tousFaciliter et moderniser l’accès aux collections sont les mots clés du projet de rénovation du quadrilatère Richelieu.

Un lieu largement ouvertL’ambition du projet est aussi qu’unautre public trouve sa place à Richelieu :celui des curieux, des promeneurs, desamateurs, de tous ceux qui pensent quela BnF n’est pas pour eux. Le projet viseen effet à transformer un quadrilatèreapparemment fermé en un lieu largementouvert. Plusieurs dispositifs manifeste-ront cette volonté, à commencer par lacréation d’une double entrée. Cetteouverture sur le quartier, sur la ville, seraune invitation à pénétrer dans ce qui estaujourd’hui encore trop assimilé à uneforteresse, malgré les nombreuses sallesde lecture et les expositions souvent trèsfréquentées. Le hall sera agrandi, embelli,plus lumineux, et agrémenté d’un café etd’une librairie. Il sera le point de départd’une déambulation libre qui permettrade découvrir le patrimoine architecturalde Richelieu et les collections qui y sontconservées. C’est ainsi que seront visiblestoutes les salles de lecture, quelques beauxmagasins (celui des grands formats desCartes et plans par exemple), et desespaces dont on ne soupçonne pasaujourd’hui la beauté (salle des Colonnes,salle de Luynes) ou qu’on ne voit pas dutout (chambre de Mazarin, rotonde VanPraet, galerie Viennot…)! Des points devue qui n’existent pas aujourd’hui sur lasalle Ovale ou sur la cour d’honneurseront ménagés par des ouverturesretrouvées et grâce à une galerie de verrecréée au-dessus du perron d’entrée.

Quant à la galerie Mazarine dont le décorest aujourd’hui en partie occulté par lesscénographies d’expositions, elle devien-dra la galerie des Trésors où seront expo-sés les plus beaux objets et documents detous les départements de la BnF. Piècemaîtresse du quadrilatère, elle servira àla fois de liaison architecturale entre dif-férentes parties du bâtiment et de liensymbolique entre tous les sites de laBibliothèque. Tout le patrimoine quereprésentent les bâtiments édifiés parstrates du XVIIe siècle jusqu’au projet deBruno Gaudin, et les collections, seront

à la portée de tous, et notamment desjeunes et des enfants qui trouveront enfinà Richelieu des espaces pour les accueillir,dans les départements eux-mêmes et dansdes salles prévues pour les ateliers péda-gogiques. Ils pourront toucher du doigtla matérialité et la raison d’être de cettegrande bibliothèque patrimoniale à tra-vers ses différents espaces, ses collectionset les professionnels qu’ils rencontreront.

16 – Chroniques de la BnF – n°49

Dossier > RICHELIEU, DEMAIN

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La galerie Viennot.

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Lecture, lectures Le projet prévoit enfin la réouverture de deux grandes salles majeures de la bibliothèque. La salle Labrouste devien-dra la salle de lecture de la bibliothèquespécial isée en histoire de l’art de l’Inha (1,4 million de documents,265 000 ouvrages en libre accès dans lemagasin central) tandis que la salle Ovalerenouera avec sa destination d’origine :une salle publique, ouverte très large-ment. On pourra y découvrir les grandschamps couverts par les collections de laBnF (sous forme papier ou numérique)

sur un mode de lecture-plaisir ou de lec-ture-découverte par opposition à la lec-ture-recherche dans les départements. La salle Ovale sera également un lieud’orientation et pourrait être aussi un lieude rencontres et de présentations desmétiers de la BnF. Alors que les travaux commencent dansquelques mois, la métamorphose est déjàà l’œuvre…

Marie de LaubierDirection des collections

Des collections qui déménagentPendant la durée des travaux, les collections du site Richelieu déménagent. Pour qu’ellesrestent consultables, toute une organisation estmise en place. Une opération d’envergure, queCorinne le Bitouzé pilote pour le département desEstampes et de la photographie. Elle en adémonté les rouages pour Chroniques. Entretien.

Chroniques : Le chantier Richelieu va durer plusieursannées. Que deviennent les collections pendant ce temps? Corinne Le Bitouzé : Elles sont transférées, selon une programmation parallèle à celle des différentes phasesdes travaux. Notre département ne sera touché par les travauxqu’à partir de 2012, mais dès maintenant, nous commençonsà évacuer des collections pour faire de la place auxdépartements concernés par la première phase. En 2008,nous avons évacué la plupart des collections qui se trouvaientsous la salle Ovale. En 2009, nous libérons un étage entier de nos magasins – les magasins Roux-Spitz – pour les collections des Arts du spectacle, soit environ4 kilomètres linéaires ! Les fonds de notre département –comme d’autres de la BnF - sont, numériquement, énormes.

Quels sont les principes qui régissent le transfert des collections? D’abord, toutes les collections doivent rester communicables.Les collections les plus consultées vont sur le site François-Mitterrand, et un système de navettes est mis en place : ilpermet aux lecteurs qui demandent un document«déménagé» de le consulter dans un délai de quelques jours.Les collections les moins demandées sont transférées dansles locaux de la BnF à Bussy-Saint-Georges. C’est le cas, parexemple, de la photothèque du journal L’Aurore : deuxmillions d’images, stockées dans 11000 boîtes ! Nous avonsmonté un chantier avec 8 stagiaires qui en ont inventorié le contenu avant leur transfert. Il y a aussi tous les fonds denégatifs photographiques et de plaques de verre, ceuxd’agences de presse comme Monde et Caméra ou Rol, pourlaquelle 25000 images ont déjà été numérisées. À Tolbiac seront stockées les collections d’estampes duXIXe siècle, la carte postale – il nous en arrive, via le dépôtlégal, 15000 par an – ou encore les calendriers.

Comment ce transfert est-il organisé?Avant de transférer ces collections, il a fallu les préparer.Depuis 2000, tous les départements de Richelieu ontdécoupé leurs collections en ensembles homogènes. Les documents sont reconditionnés, récolés, étiquetés dansdes boîtes qui seront ensuite réimplantées telles quelles. Tout est géré dans une base de données commune. Cette préparation représente un énorme travail, assezphysique, que nous effectuons par équipes de deux (unconservateur et un magasinier ou un vacataire) ; nous n’avonspas beaucoup de temps, pas beaucoup de personnels et…beaucoup de boîtes ! Près de 20 000 boîtes au départementdes Estampes cette année… Tout le monde contribue. Le département de la Conservation nous aide beaucoup, ainsique les équipes de Bussy.

Propos recueillis par Sylvie Lisiecki

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Dossier > RICHELIEU, DEMAIN

Projet Richelieu :repères chronologiques

Novembre 2006Signature de la convention de mandat qui désignel’Émoc (Établissement de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels) comme pilote du projet de rénovation au nom du ministère de la Culture et de la Communication (80 % du financement) et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (20 % du financement)

Juin 2007Désignation de l’architecte chargé de la rénovation : Bruno Gaudin

Août 2008Avant-projet sommaire définissant la future organisation spatiale et les nouveauxaménagements sur l’ensemble du site

Janvier-décembre 2009Départ et resserrement de 27 km de collections(Manuscrits, Arts du spectacle, Estampesessentiellement) pour libérer la première zone en travaux, le long de la rue de Richelieu

Mars 2009Dépôt du permis de construire

Fin février 2010Déménagement des salles de lecture des Manuscritset des Arts du spectacle dans la galerie Mazarine et la Crypte

Mars 2010-fin 2012Travaux de réhabilitation de la zone le long de la rue de Richelieu. Tous les départements ainsiqu’une galerie d’exposition restent ouverts au public

Début 2013Réouverture des salles de lecture du départementdes Manuscrits et du département des Arts du spectacle. Ouverture de la bibliothèque del’Institut national d’histoire de l’art (Inha) dans la salle Labrouste. Ouverture de la bibliothèque del’École nationale des chartes dans l’aile longeant la rue des Petits-Champs

2015Réouverture complète du site : salles de lecturedes Estampes et de la photographie, des Cartes et plans, des Monnaies, médailles et antique, salle Ovale, galeries d’exposition, activitéspédagogiques, café, librairie…Ouverture de la galerie des Trésors de la BnF.

Travaux préparatoires été 2008-février 2009.

Photographies de Jean-Christophe Ballot.

Visite virtuelle :

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La philosophie n’est pas affaire de phi-losophes, elle est l’affaire de tous.

L’idée n’est pas neuve puisque le cours«méthodique et populaire» initié par l’uni-versité Paris-Diderot qui vient prendreses quartiers à la BnF renoue avec la tra-dition, au XIXe siècle, des cours de philo-sophie publics et gratuits, souvent pro-fessés dans les mairies. Le plus fameuxétait le cours de philosophie positived’Auguste Comte, auquel l’intitulé ducours organisé par l’Institut de la penséecontemporaine (IPC) rend hommage.Mais la comparaison s’arrête là.«Notre cours est destiné à tous ceux qui,depuis l’effondrement des grands mythespolitiques et les difficultés de la religion,atomisée en d’innombrables sectes etcédant trop souvent aux tentations dufanatisme, ont besoin de philosophie »,souligne Pierre Chartier, professeur delittérature française à l’université Paris-Diderot. Comme le montre l’engouementactuel pour les leçons dispensées ici ou làet les cafés philo, de nombreuses initia-tives vont à la rencontre de ce désir desavoir. Il est complexe : à la fois recherchede maîtres à penser et volonté d’élaborerpar soi-même son propre cheminement.

Questionner le mondeCe cours est dit «méthodique» car il viseplus à apprendre à philosopher, c’est-à-dire à questionner, qu’à trouver desréponses closes et définitives. « Il s’agitd’accéder à une méthode de pensée, unedémarche capable de forger ce question-nement de la vie immédiate, ce moded’interrogation du monde, qui définitl’exercice philosophique», précise PierreChartier. Il est « populaire », parce qu’ilse déroule non à l’université devant unpublic sélectionné et spécialisé, mais dansun lieu ouvert à tous et participant de lavie de la cité : hier les établissements dela Ville de Paris, et depuis le mois d’avrilla BnF, voisine de l’université Paris-Dide-rot qui abrite l’IPC.François Jullien, connu pour sa doubleformation d’helléniste et de sinologue, etPatrick Hochart, maître de conférencesà l’université Paris-Diderot, ont inauguréle cycle : le premier en analysant, vus deChine, les « plis » de notre pensée, ledeuxième en interrogeant les notions dedialogue et d’échange à la lumière de laphilosophie platonicienne. Dans son intervention, le physicienÉtienne Klein, directeur du laboratoirede recherche sur les sciences de la matièreau CEA et auteur de nombreux ouvrages

pour le grand public comme Le facteurtemps ne sonne jamais deux fois ou Galiléeet les Indiens, montrera sur quels fonde-ments repose l’hypothèse de ces mysté-rieux trous noirs qui absorbent la lumière. «De quoi le nom est-il le nom?» : à par-tir d’une réflexion sur la nomination,Martin Rueff, philosophe, poète (il vientde publier Icare crie dans un ciel de craie)et traducteur d’italien, posera la questiondu rapport entre le langage et le monde.Et si tous les noms communs étaient desnoms propres ?

Exercer sa penséeL’intervention de Frédéric Gros, qui vientde publier un ouvrage présentant lamarche comme une expérience spirituelle(Marcher : une philosophie), clôturera lecours pour cette saison. Ce spécialiste dela pensée de Michel Foucault présenterales grands exercices spirituels de la phi-losophie hellénistique et romaine mis aupoint par les stoïciens, les épicuriens et lescyniques pour tenter de conquérir la séré-nité intérieure, ataraxia ou securitas.« Exercice du dernier jour » consistant à se lever le matin en se disant que cettejournée sera la dernière, ou « Regard vertical » permettant, par l’acquisition de connaissances cosmiques, de se pla-cer en quelque sorte au-dessus de soi-

Invitation à la philosophieLe Cours méthodique et populaire de philosophie est l’occasion d’exercer sa réflexion au contact de la pensée vivante de philosophes d’aujourd’hui.

Auditoriums > DAVID, CANTATE INÉDITE DE BIZET > INVITATION À LA PHILOSOPHIE > HISTOIRE(S) DU DISQUE >

COURS MÉTHODIQUE ET POPULAIRE DE PHILOSOPHIE

En partenariat avec l’Université Paris-Diderot

6 mai 18h30 – 20hDu «noir»en physique, par Étienne Klein

20 mai 18h30 – 20h«De quoi le nom est-il le nom ?», par Martin Rueff

10 juin 12h30 – 14h«Cinq exercices spirituels», par Frédéric Gros

Site François-Mitterrand, Petit auditorium, hall Est.Entrée libre.

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même : ces exercices pratiques relèventd’une approche philosophique davantageconçue comme une proposition adresséeà chacun que comme une constructionde culture générale.Incitation à la réflexion et au questionne-ment, le cours méthodique et populairene remplace pas la lecture. «Mais il donneà l’auditeur ce contact unique avec unepensée vivante qui s’élabore devant lui »,souligne Pierre Chartier. «Le philosophe,qui travaille seul, a besoin de l’écoute desautres. Le rapport entre celui ou celle quiparle et pense, et celui ou celle qui écouteet pense, est riche et constructif. »

Laurence Paton

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méconnue. En confrontant le dévelop-pement des techniques, l’évolution desrépertoires enregistrés et de leur inter-prétation ainsi que les aspects commer-ciaux de l’édition phonographique, cesséances présenteront à tous ce média sin-gulier qui, face à la concurrence d’Inter-net, vit peut-être ses dernières années.

Elizabeth Giuliani

20 – Chroniques de la BnF – n°49

La collection d’enregistrementssonores du département de l’Audio-

visuel de la Bibliothèque nationale deFrance est l’une des plus anciennes (avecdes documents datant de 1891) et desplus importantes au monde (un millionde pièces environ). S’appuyant sur cetteexceptionnelle collection d’enregistre-ments, le cycle « Histoires du disque »,entrepris par la BnF en 2008, est à nou-veau proposé cette année. On y suivral’aventure du disque – terme généralrecouvrant tous les supports de l’enre-gistrement des sons – de ses origines, en1877, à nos jours. Produit industriel enmême temps que support de créationartistique, le disque occupe une placemajeure dans les pratiques culturellesdepuis la fin du XIXe siècle. Son histoirereste néanmoins la plupart du temps

Un cycle de conférences sur les évolutions du disque depuis son invention jusqu’à aujourd’hui.

CYCLE HISTOIRE DU DISQUE

Du 14 mai au 25 juin 2009, le jeudi de 18h30 à 20h

Site François-Mitterrand, hall Est

Entrée libre, sur inscription par téléphone au 01 53 79 49 49 ou par courriel : [email protected]

Histoire(s) du disque

nesse : Bizet a dix-huit ans (1856) lors-qu’il se présente au concours du prix deRome. Comme les autres candidats, ildoit composer une cantate pour trois voixsolistes, soprano, ténor et basse, sur untexte obligé en vers. Pour l’heure il s’agitde David de Gaston d’Albano, pseudo-

nyme de Mlle Julia Chevallier de Mont-réal. Bizet n’obtiendra qu’un second prix.Mais la cantate est cependant exécutéele 4 octobre 1856 à l’Institut de France.L’ argument de cette cantate est assez«académique» comme il se doit : mytho-logie biblique et martiale, personnagesamoureux et tourmentés, justice divineet immanence poétique, des prétextesdont Georges Bizet s’affranchit avec géniemasquant quelques caractères grotesquesde ce synopsis, imposé par une orches-tration déjà très subtile et un travail har-monique assez audacieux mais qui res-pectent les codes attendus ; pas assezcependant pour obtenir un premier prixde Rome qui ne lui sera attribué quel’année suivante avec Clovis et Clothilde.La partition originale comprend le maté-riel d’orchestre complet de la création etles parties vocales, ainsi qu’un violonconducteur. Grâce à la collaboration dela fondation Bru-Zane, une éditionmoderne et scientifique est en cours deréalisation sous la supervision d’HervéLacombe. Jean-Loup Graton

Cette partition est issue d’un fondsde la bibliothèque du Conservatoire

de Musique de Paris qui fut rattachée àla Bibliothèque nationale en 1934, et donttoutes les collections rejoignirent ledépartement de la Musique. Cette fois-ci encore il s’agit d’une œuvre de jeu-

La BnF fait revivre une partition manuscrite de Bizet grâce à l’orchestre OstinatO sous la direction de Jean-Luc Tingaud.

LES INÉDITS DE LA BnF : CONCERT

9 juin 18h30 – 20h

David, cantate inédite de Bizet par l’ensemble OstinatO

Site François-Mitterrand, Grand auditorium,hall Est. Entrée libre

David, cantate inédite de Bizet

L’orchestreOstinatO au théâtredu Châtelet en 2008, dirigé parJean-Luc Tingaud.

Auditoriums > INVITATION À LA PHILOSOPHIE > DAVID, CANTATE INÉDITE DE BIZET > HISTOIRE(S) DU DISQUE > EMMA

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Joe Cocker,Festival deWoodstock,1969.

1969. Les États-Unis s’enlisent auViêt-nam; Neil Armstrong a posé le

pied sur la Lune ; dans Easy Rider, PeterFonda et Dennis Hopper traversent lecontinent américain à moto pour uneépopée tragique sur fond de LSD et derock (Byrds, Jimi Hendrix Experience…).Rien ne saurait mieux résumer l’esprit decette génération que le titre de Steppen-wolf, Born to be wild, véritable hymne dufilm. Né quelques années plus tôt dansle quartier de Haight Ashbury à SanFrancisco, le mouvement hippie a essai -mé à travers les États-Unis et dans tout lemonde libre. Paix dans le monde, libé-ration sexuelle, écologie, respect de toutesles cultures… autant de valeurs, souventnaïves, véhiculées par cette « contre-culture ». Mais ce qui caractérise avanttout ces années flower power est lamusique. Jamais auparavant, dans aucunmouvement de remise en cause de l’ordreétabli, la musique n’avait tenu une telleplace et à une telle échelle. La musiquen’accompagne pas ce mouvement, ellel’incar ne à elle seule.

Naissance d’un mytheC’est dans ce contexte que prend placele festival de Woodstock (plus précisé-ment : Woodstock Music and Art Fair).Prévu initialement à Woodstock dont ilgardera le nom pour une question denotoriété, il se tient finalement sur lesterres du fermier Max Yasgur à Betheldans l’État de New York, à une soixan-taine de kilomètres de là, du vendredi 15au dimanche 17 août 1969 (en fait, aumatin du 18 août). Prévu pour 50 000spectateurs, il en accueille plus de450000, ce qui amène les organisateursà annoncer dès le vendredi le légendaire :« From now on, this is a free concert ! »(« À partir de maintenant, l’entrée estlibre »). Cette gratuité est l’un des élé-ments fondateurs du « mythe » Wood-stock, mais elle n’est évidemment pas leseul.Car Woodstock reste avant tout un évé-nement musical majeur. À quelquesexceptions notables près : les RollingStones, les Doors, Bob Dylan…, les plusgrands noms de la scène rock sont pré-sents. Woodstock va être un formidableaccélérateur de carrière pour nombre

d’artistes, grâce au disque, certes, maisaussi et surtout grâce à l’image. En effet,il ne faut pas négliger le rôle fondamen-tal joué par l’image et plus précisémentpar le cinéma comme véhicule de l’ima-ginaire «woodstockien». Les photos d’El-liott Landy, le film de Michael Wadleigh,etc., vont immortaliser l’incroyable culotd’un Michael Shrieve, batteur de Santanaâgé de 19ans à peine, prenant un inou-bliable solo de batterie ; la gestuelle depantin désarticulé d’un jeune plombierde Sheffield, Joe Cocker, dans une ver-sion de With a little help from my friends,qui laissera béats d’admiration ses créa-

Un journée anniversaire croisera des approchesmusicales, historiques et sociologiques autour de ce festival mythique.

JOURNÉE ANNIVERSAIRE «WOODSTOCK, 40 ANS APRÈS»

19 juin, 9h30 – 18h

Site François-Mitterrand, Petit auditorium, hall Est.Entrée libre.

teurs eux-mêmes : les Beatles.Jimi Hendrix clôt le festival à l’aube dulundi 18 août. Il ne reste plus que30000spectateurs. Peu importe, le gipsycosmi que livre un des meilleurs concertsde sa carrière météore, et tout simple-ment un des plus beaux concerts de toutel’histoire du rock.Si Woodstock est devenu une légende, etest resté aussi présent dans l’imaginairecollectif mondial, c’est bien parce qu’il estnon seulement un événement musical,mais aussi un événement historique quimarque l’apogée en même temps que la findu flower power aux États-Unis. En pleineguerre du Viêt-nam il ne faut pas oublierla dimension de catharsis du festival. Cesont ces différentes approches, musicales,sociologiques, historiques que croisera lajournée anniversaire du 19 juin, en colla-boration avec Laure Delseaux, associa-tion Décibels, et Seiko Suzuki, universitéde Tokyo. Pascal Cordereix

* Titre de Holland, Dozier, Holland, interprété parDiana Ross and the Supremes.

Woodstock 40 ansaprès : «Where didour love go?»*

EMMANUEL LE ROY LADURIE, HISTORIEN ET PRÉCURSEUR > WOODSTOCK 40 ANS APRÈS : « WHERE DID OUR LOVE GO ? » > INVITATI

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22 – Chroniques de la BnF – n°49

Titulaire de la chaire d’histoire de lacivilisation moderne au Collège de

France, de 1973 à 1999, membre de l’Ins-titut, Emmanuel Le Roy Ladurie est sur-tout connu pour son rôle essentiel dansle tournant anthropologique pris parl’école historique des Annales autour desannées 1970, et dont Montaillou, villageoccitan (1975) reste le signe le plus visiblepour le grand public. Mais, tout en pour-suivant sans relâche ses travaux, il a aussiété l’administrateur général de la Biblio-thèque nationale d’octobre 1987 à jan-vier 1994. Infatigable chercheur, il adepuis continué à fréquenter assidûmentses salles de lecture comme il le faisaitauparavant.Dès sa thèse (Les Paysans de Languedoc,1966), il manifeste sa volonté de prati-quer une histoire globale en débordant

Emmanuel Le Roy Ladurie, historien et précurseurUne journée d’étude internationale organisée le 11 juin 2009 témoignera de la fécondité et de la richesse de l’œuvre du chercheur, qui fut aussi administrateur de la Bibliothèquenationale à une période charnière de son histoire.

Emmanuel Le RoyLadurie, 2004.

Ouragan Nora, 22 septembre 1997.

JOURNÉE D’ÉTUDE EN HOMMAGE À EMMANUEL LE ROY LADURIE

Histoire globale, histoire complexe. Dans l’esprit de l’École des Annales

11 juin 2009, 9h30 – 18h30

Site François-Mitterrand, Petit auditorium, hall Est.Entrée libre.

rence, dont il a souligné l’immobilismedémographique et socio-économique duXIVe au début du XVIIIe siècle – « l’histoireimmobile » pour reprendre l’intitulé desa leçon inaugurale au Collège de France(1973) – qu’un État royal en pleine crois-sance a la volonté d’enserrer de ses liens. Confrontés au foisonnement de l’imagi-nation scientifique de cette histoireconceptuelle mais non spéculative, etbien tangible, nous avons été contraintsd’opérer des choix arbitraires parmi lesthèmes qui s’offraient à notre journéed’étude. Celle-ci se divisera en quatreséances centrées respectivement sur l’his-toire du climat, des villes et des cam-pagnes sous l’Ancien Régime, de l’Étatroyal et son environnement social, et dela Bibliothèque nationale.

Yann Fauchois

Auditoriums > HISTOIRE(S) DU DISQUE > EMMANUEL LE ROY LADURIE, HISTORIEN ET PRÉCURSEUR > DAVID DE

le cadre déjà fécond, alors fixé par ErnestLabrousse, d’une histoire économique etsociale. Il contribuera, en outre, à ren-forcer son aspect sériel en y intégrant lesapports de l’informatique et en dévelop-pant de grandes enquêtes collectives.Authentique héritier des grands maîtresdes Annales (L. Fèbvre, M. Bloch,F.Braudel), Emmanuel Le Roy Laduriea considérablement étendu le « territoirede l’historien ». Marc Bloch aimait com-parer l’historien à l’ogre de la fable, pré-sent dès qu’il flairait la chair humaine ;Le Roy Ladurie, plus boulimique encore,avec son Histoire du climat, a investi Gaiaet Ouranos en s’emparant aussi du cos-mos – le Soleil et son activité – commedu «micro-cosmos» – l’unification micro-bienne du monde : c’est ainsi qu’il inti-tule la dernière partie du Territoire de l’his-torien (tome 1, 1975) « l’histoire sans leshommes», même s’il retrouve finalementl’activité humaine et le fragile dévelop-pement de l’humanité.Comme ses prédécesseurs, Le Roy Ladu-rie n’a jamais renoncé à l’ambition defaire une histoire globale associant milieunaturel et milieu humain. L’une de sescontributions essentielles réside ainsi danssa caractérisation de ce que nous appe-lons l’Ancien Régime, c’est-à-dire unesociété occidentale, française en l’occur-

Comment vous êtes-vous intéressé au climat et à son histoire? Je m’y suis intéressé dès l’enfance, enNormandie où il pleut beaucoup. Fils d’agriculteur, je voyais la crainte dela pluie revenir chaque année au momentoù, avant le battage, on rassemblait lesgerbes de blé en «treiziau», c’est-à-direun faisceau de douze gerbes avec une au-dessus; s’il pleuvait, le blé pourrissaitet la récolte était ratée. Fernand Braudelensuite. Dans La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II (1949), il mentionnel’avancée, vers 1590-1600, des glaciersalpins, qu’il avait découverte pendant la guerre dans un article de H. Hanke surles glaciers des Alpes de l’Est. Dès 1957,j’ai publié un premier article dans leBulletin de la Fédération historique duLanguedoc. Je visitais aussi les glaciers –Chamonix, Grindelwald… Tout celadonnera ma «thèse secondaire » (sic),L’Histoire du climat depuis mil (1967),qui, à vrai dire, n’intéressa que peu lejury à l’époque. Il faut dire que la Météorologie française était plutôtfixiste, sceptique sur le réchauffementrécent alors que les glaciologuesscandinaves et autres voyaient bien que les glaciers reculaient et que lestempératures montaient. L’intérêt pourmes travaux est venu par la suite, surtoutdu côté des scientifiques, plus tard chezles historiens. Maintenant, ce sont plutôtdes jeunes scientifiques qui travaillentsur l’histoire du climat, ce qui m’a aussipermis de garder le contact avec deschercheurs plus jeunes.

QUESTION À EMMANUEL LE ROY LADURIE

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La numérisation d’envergure descollections de la BnF et les nombreuses

démarches volontaristes de constitution de bibliothèques numériques produiront dans les prochaines années des ensemblesconsidérables de ressources numérisées.Mais ce foisonnement n’est pas sans poserquelques questions : comment mieuxarticuler les projets entre eux? Quellemutualisation des efforts peut êtreenvisagée? Quelle cohérence et quellecomplémentarité doit-on rechercher au-delà des priorités que se fixe chaqueétablissement? Afin de coordonner lesinitiatives des bibliothèques françaises, la BnF lance depuis 2008 des programmesthématiques de numérisation et devalorisation concertées. Le premier d’entreeux concerne les sciences juridiques et associe la bibliothèque Cujas, pôle deréférence universitaire en droit, et plusieurs autres bibliothèquesspécialisées. Il permettra en quelquesannées la numérisation de plusieursdizaines de milliers de volumes, l’essentiel du patrimoine juridique français. Cettepremière initiative sera suivie de plusieursautres, en histoire de l’art, en étroitecoopération avec l’Institut national de l’histoire de l’art, mais aussi en sciences et en histoire, autour notamment de la Guerre de 14-18 et de l’histoire coloniale.Parallèlement, dans le cadre de ses pôlesassociés régionaux, la BnF encourage la numérisation des collections d’histoirelocale et régionale, ce qui ne manquera pas d’intéresser grand public et érudits.Gallica devient ainsi progressivement unebibliothèque numérique collective, donnantaccès à des ressources en provenance de multiples bibliothèques. Les journéesdes pôles associés sont l’occasion deprésenter ces projets, dont l’ambition n’apas d’équivalent hors de nos frontières.D’autres facettes de la coopérationnumérique sont à évoquer, comme cellesmises en œuvre dans le cadre departenariats public-privé. Partenariat parexemple avec le Syndicat national del’édition et une centaine d’éditeurs françaispour donner accès à des milliers de livresnumériques de l’édition contemporaine, en complémentarité avec les collectionspatrimoniales et dans le strict respect du droit d’auteur.

Aline Girard et Thierry Cloarec

Un nouvel axe de coopérationLes 25 juin et 26 juin 2009 se tiennent à la BnF les 12e journées des pôlesassociés, consacrées à la coopération numérique.

Dana Augustin au tissu, 20e promotion, octobre 2006.

Pour en savoir plus : www.cnac.frn

Le Cnac est abrité dans l’ancien cirquemunicipal de Châlons-en-Champagne, un trèsbeau bâtiment de pierre et de brique achevéen 1899, l’un des cinq édifices de ce typesubsistant en France. Pôle associé de la BnFdepuis 2006, en lien avec le département desArts du spectacle et le département del’Audiovisuel, le Cnac, créé en 1985 par leministère de la Culture et de laCommunication, regroupe plusieurs entités :l’École nationale supérieure des arts du cirque,un établissement de formation permanente etun centre de ressources documentaires (livres,revues, dossiers, vidéos) ouvert au public. Il dispose également d’une unité de productionaudiovisuelle. Le «nouveau cirque » évoluesans cesse et l’institution garde la mémoire de cette évolution, en filmant les spectaclesde fin d’étude de chaque promotion. Unemémoire audiovisuelle du cirque contemporainse constitue ainsi année après année. Sous

forme numérique, elle estdéposée à la BnF pour

sa conservation et sa diffusion.

Les arts du cirque ont leur place dans lescollections encyclopédiques de la BnF et a fortiori au sein du département des Artsdu spectacle. Que ce soit dans la sectioncorrespondante de la collection Rondel, richede nombreux ouvrages, programmes, affiches,dossiers de presse, photographies sur le cirque,ou dans les fonds d’archives de Géo Sandry,Gustave Fréjaville ou Jean Villiers, ou encoredans le fonds photographique de JoëlVerhoustraeten voué aux arts de la rue et de la piste, les documents se comptent parmilliers, du XVIIIe à nos jours. Les supportsaudiovisuels jouent un rôle croissant dans laconstitution de cette mémoire. Le partenariatde numérisation avec le Cnac est précieux etexemplaire à cet égard. Joël Huthwohl

LE CENTRE NATIONAL DES ARTSDU CIRQUE, UNE ÉCOLE ET UN CENTRE DE RESSOURCES

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ARTS DU CIRQUE, ARTS DU SPECTACLE

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24 – Chroniques de la BnF – n°49

Mais le projet a pris une tout autreampleur quand la Bibliothèque nationalede France a proposé de s’y associer, etque la Fondation Andrew W. Mellon agénéreusement accepté de le financer.

Les manuscrits français du Roman de la RoseEn 2007, la Bibliothèque nationale deFrance a proposé de coordonner la numé-risation de la quasi-totalité des manus-crits du Roman de la Rose conservés enFrance, à la BnF bien sûr (départementdes Manuscrits et bibliothèque de l’Ar-senal) mais aussi dans plus d’une ving-taine de bibliothèques municipales et uni-versitaires. Plus de 120 manuscrits, duXIIIe au XVIIIe siècle, rejoindront ainsi labibliothèque virtuelle du Roman de la Roseavant la fin de 2009 – en même tempsqu’ils seront bien sûr consultables dansGallica. Ils y bénéficieront d’outils denavigation spécialement développés parl’Université Johns Hopkins et d’un envi-ronnement scientifique de haut niveau,destiné aussi bien aux étudiants, aux pro-fesseurs de collège et à leurs classes, qu’auxchercheurs, et même à tous les amateursde manuscrits enluminés.Une première exposition de manuscritsdu Roman de la Rose s’est déroulée, audébut de l’année 2009, au Walters ArtMuseum. Celle que proposera la Biblio-thèque nationale de France, en 2010 ouen 2011, viendra couronner le projet, dont les premiers résultats sont déjàvisibles sur le site Internet (bilingueanglais/français) http://romandelarose.org

Thierry Delcourt

Le Roman de la Rose est l’une des pluscélèbres œuvres littéraires que nous a

léguées le Moyen Âge, et l’une des plusétudiées par les chercheurs du mondeentier. Commencé par Guillaume de Lor-ris vers 1230, il a été achevé par Jean deMeun environ quarante ans plus tard.Le Roman de la Rose est un long poèmed ’amour a l l égor ique de p lus de20000vers. Le narrateur, âgé de 25ans,rapporte un songe qu’il a eu cinq ansauparavant, et qui, depuis s’est réalisé : ilvoyage jusqu’à un jardin clos, à l’intérieurduquel il voit le reflet d’un rosier dans laFontaine de Narcisse. Alors qu’il s’ap-prête à choisir sa fleur, l’Amour l’atteintde plusieurs flèches, le laissant à jamaisépris de l’une des fleurs. Ses efforts pourcueillir cette rose restent vains. La partieécrite par Guillaume de Lorris s’apparenteà un guide de l’amour courtois. L’œuvrede Jean de Meun est, quant à elle, plusdidactique. Les allégories (Dame Raison,l’Amant, Nature et Génius) dissertentlonguement sur des sujets périphériquesà l’action, en lien avec la spiritualité oules débats intellectuels du temps. Dans la France du début du XVe siècle, leRoman de la Rose faisait encore l’objet devives polémiques littéraires. Son influencea été considérable sur nombre d’auteursfrançais comme Guillaume de Machaut,Jean Froissart, Christine de Pisan, Eus-

tache Deschamps ou François Villon,mais aussi sur les poètes anglais, JohnGower et Geoffrey Chaucer, et, en Ita-lie, sur Dante et Pétrarque. L’impact dela Rose s’est fait sentir à travers d’autresœuvres littéraires nationales. Il subsiste au moins 270 manuscrits duRoman de la Rose, dispersés à travers lemonde – notamment en France. Certainssont magnifiquement enluminés. L’idéede disposer simultanément de tous cesexemplaires pour pouvoir les comparerparaissait un rêve impossible. Internet etl’enthousiasme d’un petit groupe de pro-fesseurs, de conservateurs et de techni-ciens, l’ont soudain rendu réalisable.

Le projet initialLe projet de constituer une bibliothèquevirtuelle de manuscrits du Roman de laRose, a été lancé en 1996 à l’universitéJohns Hopkins de Baltimore, dans un butpédagogique. Il s’agissait d’imaginer unsystème de navigation entre le texte, saisipar des étudiants, et les manuscrits numé-risés. Le premier prototype comprenaitsix manuscrits, provenant du Walters ArtMuseum de Baltimore, de la MorganLibrary de New York et de la biblio-thèque Bodléienne d’Oxford. Le corpuss’est ensuite progressivement étendu àd’autres exemplaires, et à quelques édi-tions imprimées des XVe et XVIe siècles.

Les manuscrits du Roman de la Rose seront bientôt en ligne, grâce à un partenariat avec l’université Johns Hopkins de Baltimore (États-Unis).

À gauche : Narcisseapercevant son refletfonds Jean de Berry –Guillaume Lodde(1300-1400).illustration extraited’une pagemanuscrite.

À droite : Guillaumede Lorris sommeillant,songe de G. de Lorris,folio 1 du manuscrit(1346).

Romandelarose.org

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Chroniques de la BnF – n°49 – 25

Les prestigieuses collections de Dunhuang en ligne

précieux sur la Chine médiévale, enparticulier sur la diffusion du bouddhisme,l’histoire sociale et économique, lalittérature et les langues d’Asie centrale.En 1910, cette fabuleuse collection entre à la Bibliothèque nationale pour lesmanuscrits, et au Louvre, pour les peintures. En 1945, les collectionsasiatiques du musée du Louvre seronttransférées au musée Guimet. Le programme international consacré auxdocuments et aux peintures bouddhiquesdes grottes de Dunhuang, figure sans doute parmi les plus impressionnantsprogrammes internationaux de recherchesur les trésors appartenant au patrimoinede l’humanité. Son but est de restituer le plus fidèlement possible les images desgrottes et de rendre à l’écran l’aspect physique des documents. Mais le site comprend également des pagespédagogiques et culturelles quipermettront à tous les curieux de mieuxconnaître la richesse des échangesculturels qui animaient la Route de la Soie.

Sandrine Le Dallic

1. Ce programme a fait l’objet notamment d’une aide de la fondation Andrew W. Mellon, qui a financé la numérisation des manuscrits et des objets et la création du site web.

www.idp.bnf.frn

’International Dunhuang Project (IDP)1 est né en 1994 de la volontédes institutions dépositaires de

vastes collections provenant de sitesarchéologiques de la Route de la soie decataloguer et de numériser des œuvresexceptionnelles souvent dispersées de parle monde. Un site en anglais a ainsi étécréé en 1998 qui n’a cessé d’évoluerdepuis, comportant des informations surdes milliers de peintures, d’objets, detissus ou de manuscrits numérisés. Afin derendre plus visibles les collectionsfrançaises, la British Library, laBibliothèque nationale de France et leMusée Guimet se sont associés pour créerun site entièrement dédié à ces fondsprestigieux.

Rendre accessibles à tous les œuvres d’art de DunhuangLa diffusion par voie électronique faciliterala recherche internationale dans cedomaine et, d’autre part, rendraaccessibles à un public élargi les merveillesde l’art de Dunhuang découvertes par PaulPelliot en 1908. Le jeune sinologue françaisavait exploré le site des « Grottes desmille bouddhas », à Dunhuang, aux confinsoccidentaux de l’Empire chinois. Il en avaitrapporté des milliers de manuscrits et depeintures qui retracent, par leur diversitéde formes, de langues et d’écritures,l’histoire d’une région traversée de richesinfluences. Dunhuang était en effet jadisun point de passage de la Route de la soie,au cœur de l’Asie centrale. Les manuscritsfournissent des renseignements très

Depuis le 29 avril 2009, et grâce à un financement européen obtenu parla BnF et la British Library, les collections de manuscrits et d’œuvres d’artdécouvertes en 1908 par Paul Pelliot sur le site de Dunhuang, en Chine,sont désormais accessibles en français sur Internet.

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Avalokiteçvara àdouze bras et milleyeux, symbole de la bienfaisance.Peinture deDunhuang, IXesiècle.Pelliot chinois.

Couronne des cinqbouddhas, Pelliot chinois,Xesiècle.

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L’Académie des inscriptions etbelles-lettres confia à Paul Pelliotle soin de monter une expéditionfrançaise en Asie centrale, de 1906à 1909. Il explora la grotte n°17 dusanctuaire bouddhique rupestredes " Grottes Mogoa" situé dansl'oasis de Dunhuang, scellée etoccultée depuis la fin du premiermillénaire où se trouvait uneextraordinaire bibliothèque.

LA MISSION PAUL PELLIOT

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Gallica, la bibliothèque numérique développée par la BnF, connaît depuis la fin de l’année 2007 un processus continu d’enrichissement de ses contenus et de ses services. Aperçu des possibilités offertes en 2009, à travers trois exemples.

Un lecteur souhaite connaître les documents

relatifs à Montesquieu que l’on peut trouver dans

Gallica. Il lance sa requête dans la barre simple.

S’affiche alors une liste de 3 800 documents de

recherche, classés par ordre de pertinence. Parmi

les premières références, il trouve les biographies

d’Albert Sorel (1887) et de Gustave Lanson

(1932), les œuvres complètes du philosophe

téléchargeables en mode image ou en mode texte

et dont on peut également écouter le texte (mode

écoute). En utilisant l’affinage des résultats par

type de documents, il découvre aussi des images

et des manuscrits : un lavis à l’encre brune

et à l’encre de Chine représentant le château

de La Brède où est né Montesquieu et surtout

le manuscrit original de De l’Esprit des Lois ! Des

études récentes complètent cet ensemble, comme

L’Idée de nature en France dans la première moitié du

XVIIIe siècle, par Jean Ehrard, aux éditions Albin

Michel. Un extrait en est consultable librement,

l’intégralité peut en être acquise en version ebook

ou papier. Pour être tenu informé des nouveaux

documents mis en ligne sur les Lumières, il peut

s’abonner au flux RSS correspondant ou bien trier

les résultats avec le critère «date de mise en ligne ».

En recherchant des informationssur la bataille des Cardinaux dans Wikipédia, un chercheurtrouve la référence d’un articleparu dans le Bulletin de la Société archéologique duMorbihan, avec son identifiantpérenne dans Gallica. Il décide alors de téléchargerintégralement ce bulletin pour pouvoir le lire une foisdéconnecté, lors d’un prochaindéplacement. Sur Gallica, il lanceune requête sur la « bataille des Cardinaux » et obtient

plusieurs réponses dont unedescription assez détaillée desévénements dans une Histoired’Angleterre. Il trouve égalementdeux cartes contemporaines des faits, l’une de JacquesNicolas Bellin et l’autre de Cassini qui lui permettent, à l’aide des fonctionnalités de zoom, d’identifier les lieuxprécis des événements etd’élargir ainsi le champ de ses investigations. Il décide de se créer un espace personnelpour conserver les références

de ces quatre documents.Souhaitant trouver desinformations et des documentsiconographiques sur les vaisseauxde cette époque, il lance unerecherche sur le terme«vaisseau» et devant le nombreélevé de résultats à sa demande,il restreint sa recherche auxdocuments iconographiques du XVIIIe siècle, grâce à la paletted’affinage. Il obtient ainsi une belle série de plans denavires provenant de L’Art de la voilure (1781).

Et sur… la bataille des Cardinaux?

Que trouve-t-on dans Gallica sur… Montesquieu?

L’Art de la voilure.Le château de la Brède, Gironde.

Un amateur de Bach trouvera aussi son bonheur sur Gallica : une série de24 portraits gravés du compositeur, desbiographies, des études, des partitions– en particulier un exemplaire unique des Variations Goldberg avec 14 canonsautographes, des enregistrementssonores d’interprétations qui ont faitdate (Alfred Sittard à l’orgue, ClaudeCrussard, Ruggero Gerlin au clavecin, la direction de Curt Sachs…). Grâce à l’indexation plein texte, une recherchesur le nom «Bach» dans le Figaro

permet de retrouver des critiques deconcerts et de récitals, comme l’articlede Stan Golestan, dans le numéro du 7 novembre 1938, sur La Passion

selon saint Matthieu par le chœur Saint-Thomas de Leipzig et l’orchestrede la Société philharmonique de Pariset Le Clavier bien tempéré par Edwin Fischer et Alexander Brailowsky.Tout cela et bien plus sur Gallica.

Frédéric Martin, Stéphane Pillorget

gallica.bnf.frn

Et sur Jean-Sébastien Bach ?

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Partition desVariationsGoldberg, J.-S. Bach.

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Site Richelieu58, rue de Richelieu, 75002 Paris. Tél. : 0153798102 (ou 03).Site François-MitterrandQuai François-Mauriac, 75013 Paris.• Bibliothèque d’étudeTél. : 0153794041 (ou 43) ou 0153796061 (ou 63).• Bibliothèque de rechercheTél. : 0153795503 (ou 06).Bibliothèque-musée de l’OpéraPlace de l’Opéra, 75009 Paris. Tél. : 0153 79 37 47.Bibliothèque de l’Arsenal1, rue de Sully, 75004 Paris. Tél. : 01 53 79 39 39.Tarifs cartes de lecteur.Haut-de-jardin : 1 an : 35 ¤; tarif réduit : 18 ¤; 15 jours : 20 ¤;1 jour : 3,30 ¤.Recherche (François-Mitterrand, Richelieu, Arsenal, Opéra):1 an : 53 ¤; tarif réduit : 27 ¤; 15 jours : 35 ¤; tarif réduit : 18 ¤; 3 jours: 7 ¤.

LA DIFFERENCEC’EST

L’INDEPENDANCELe Sept Dix 7h-10h

franceinter.com

Nicolas Demorand

Biribi, brelan,brusquembille, cavagnole,

chouette, comète, dames à la polonaise, dés, échecs, hoc,hombre, jeu de l’oie, loterie, loto dauphin, nain jaune oulindor, pharaon, trictrac, whistet antiwhist… connus ououbliés, les jeux qui ont distraitnos ancêtres ont une histoire !Appréciés pour l’éducation des princes, comme les échecs,interdits par les pères de l’Églisepour leur caractère incitatif à la violence, au blasphème et à la cupidité, tels les dés, les jeuxoccupent dans la sociétémédiévale les réflexions des

clercs. À partir des années 1400,le renouvellement etl’accroissement des pratiquesludiques – jeux de cartes,loteries, dames, et jeu de l’oie…– constituent un phénomènepuissant. Au XVIIIe siècle, enfin,les jeux d’argent, licites ou non,envahissent l’espace urbain etgagnent les diverses couches dela société. L’État lui-mêmeprofite de cet engouement, etcrée la loterie royale, à partir dece qui constituait à l’origine unsimple divertissement de cour.Modestes dés en os tirés desfouilles archéologiques, tablesavec damiers d’ébène et d’ivoire,jeux de l’oie pour enseignerl’héraldique aux enfants :nombreux sont les objetshumbles ou précieux parvenusjusqu’à nous, qui, du MoyenÂge à la Révolution française,disent le paradoxe entre règle etliberté, la perdition des familleset l’ingéniosité humaine !

Un livre BnF >

Jeux de princes,jeux de vilains

Sous la direction d’Ève Netchine

160 pages, 140 illustrations, 38 ¤.

Jeux de princes, jeux de vilains

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Diplômé de la prestigieuse AA School of Architecturede Londres en 1974, Ahmet Ertuğ s’est tout de suite passionné et engagé dans une quête double :celle d’abord d’un architecte, fasciné par les architectures du sacré, par le savoir du bâti,transmis de siècle en siècle (parmi ses premierstravaux, il faut mentionner ces enquêtesphotographiques sur l’Iran sacré, ou sur le Japonancien, celui des jardins zen particulièrement,documentés à travers plusieurs centaines declichés). Celle ensuite d’un photographe, attentifaux lumières et à la magie des atmosphères,sensible aux lieux propres à la méditation et à laprière et où les hommes entrent en communicationavec ce qui les dépasse – dieux antiques oumodernes, ancêtres, esprits… Né en Turquie, AhmetErtuğ a choisi de mettre son art et son regard

Focus >

Temples du savoirau service de la célébration des chefs-d’œuvre de l’architecture byzantine et ottomane : tapis,miniatures, corans, architectures… C’est l’ensembled’un système esthétique, ainsi enregistré etsublimé, qui donne la profonde cohérence à sadémarche de photographe qui capte, en quelquesorte, ce qui ne se voit pas : le mystère. Il n’est pasindifférent d’observer que son travail photographiquesur Sainte-Sophie a rejoint, pour expositionpermanente, le site même de la mosquée Sainte-Sophie à Istanbul. Preuve de la profonde spiritualitéd’un travail qui ne peut se réduire à la seule«représentation ». Comme un nouveau chapitre de cette recherche, Ahmet Ertuğ a sillonné l’Europeet a rapporté de son périple de spectaculairesclichés des plus belles bibliothèques du mondeoccidental. Il nous fait découvrir ainsi, de la Prusse

profonde à l’extrémité de l’Espagne, de l’Angleterrejusqu’aux profondeurs de l’ex-Empire austro-hongrois, les architectures les plus élégantes et lesplus stupéfiantes que les peuples aient pu imaginer,au cours des quatre derniers siècles, pour accueillirla lecture. Époustouflant voyage dans l’universpolychrome et ouaté de ces lieux singuliers,l’exposition Temples du savoir décrit et décode, en alternant les vues panoramiques et les plans de détail, la manière dont les hommes ont exercécette discipline particulière, la lecture des lettrés,exercice quasi spirituel, pratiqué dans le silence desgrands volumes. Les très grands formats, le talentde coloriste et la technique particulière dont useAhmet Ertuğ rendent justice à la splendeur de ceslieux étranges, installés comme au cœur du tempset, à la fois, préservés de lui. Thierry Grillet

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Ahmet Ertuğ, Bibliothèque bénédictine de l’Abbaye de Metten, Allemagne.Exposition : Temples du savoir, photographies de bibliothèques d’Ahmet Ertuğ, du 12 mai au 12 juillet 2009, Site François-Mitterrand, Allée Julien Cain, Entrée libre. Avec le soutien de Champagne Louis Roederer.

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