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CHRONIQUES ET COMPTES RENDUS 31 1 Sylvain AuROUx (dir.), Histoire des idées linguistiques, t . 2 : Le dévelop- pement de la grammaire occidentale, Liège, Mardaga, (Philosophie et langage) . 1992, 683 p . Ce deuxième volume de l'Histoire des idées linguistiques, extrêmemen t riche en synthèses et en aperçus nouveaux, s'inscrit dans une série qu i comprendra trois volumes (le tome 1 est paru en 1989) . 11 retrace le déve -

CHRONIQUES ET COMPTES RENDUS 31 1 - …documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/3466/14 TEXTE.pdf · (Philosophie et langage ... loppement des théories grammaticales du V`

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CHRONIQUES ET COMPTES RENDUS 31 1

Sylvain AuROUx (dir.), Histoire des idées linguistiques, t . 2 : Le dévelop-pement de la grammaire occidentale, Liège, Mardaga,(Philosophie et langage) .

1992, 683 p .

Ce deuxième volume de l'Histoire des idées linguistiques, extrêmemen triche en synthèses et en aperçus nouveaux, s'inscrit dans une série qu icomprendra trois volumes (le tome 1 est paru en 1989) . 11 retrace le déve-

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loppement des théories grammaticales du V` siècle au début du XIX` siè-

cle, en se centrant volontairement sur le processus de grammatisation ,

étendu depuis le modèle grec-latin à tout l'Occident puis, à partir d uXVIe siècle, aux langues nouvellement découvertes (cf l'introduction Leprocessus de grammatisation et ses enjeux par Sylvain AuRoux) . Ce mou-vement, amorcé dès l'Antiquité, est poursuivi sur des bases identique s

durant le Moyen Age, avant le tournant que marque la Renaissance .Durant toute cette période, la grammaire hésite entre ses deux fonction spotentielles, instrument de description de la langue ou moyen pédagogique .

C'est cette deuxième fonction qui prime pendant l'époque couverte pa rle chapitre 1 (L'Antiquité tardive, les grammairiens byzantins et le HautMoyen Age), qui décrit toute la construction et l'amorce de diffusion d eces modèles théoriques, des origines antiques à l'invention de l'alphabe togamique dans l'Irlande du haut Moyen Age (Robert H . ROBINS, Lesgrammairiens byzantins ; Pierre SWIGGERS, Les Pères de 1'Eglise ; VivienLAW, La grammaire latine durant le haut Moyen Age ; Louis HoLTZ, Lagrammaire carolingienne ; Anders AHLQUIST, Les premières grammairesdes vernaculaires européens) .

Le chapitre 2, intitulé La pensée linguistique médiévale, s'attache àmontrer l'établissement à partir de ces éléments d'une théorie homogèneet puissante, et l'importance du tournant universitaire, marqué par le pas-sage des manuels du début du XIIIC siècle, dont la versification atteste le svisées pédagogiques (Doctrinale et Graecismus), aux recherches de lagrammaire spéculative ; ces études rappellent en particulier le rôle d edéclencheur joué, d'une part, par la nouvelle génération de commentairessur Priscien (dès le XI' s .), d'autre part, par le rapprochement avec la logi-que, logica vetus pour la première génération de grammairiens-logiciens(Abélard et Gilbert de la Porrée), logica nova pour la seconde, deux fac-teurs qui amènent la grammaire à se concentrer sur la syntaxe et les phéno-mènes tournant autour de la construction des énoncés (Alain de LIBÉRA ,Irène ROSIER, Courants, Auteurs et disciplines ; Définition des catégoriesgrammaticales ; L'analyse de la référence ; Construction et correction desénoncés ; Sémantique des propositions et théorie de l'ambiguïté) .

Le chapitre 3, Le tournant de la renaissance, retrace le travail de sgrammairiens de l'Humanisme (Pierre LARDET, Travail du texte et savoirsdes langues ; Luce GIARD, L'entrée en lice des vernaculaires ; W . K . PER-CIVAL, La connaissance des langues du monde), tandis que diverses sec-tions explorent la grammatisation des langues vernaculaires (W . K. PERCI-VAL, cf. supra ; Chapitre 4, Stratégies de grammatisation, concernant de slangues comme le slavon, l'hébreu ou le chinois ; Chapitre 5, Les tradi-tions nationales, relatif aux langues européennes), toujours mises en rela-

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tion les unes par rapport aux autres, même si la grammatisation de chacun es'effectue en général de façon indépendante .

Les chapitres suivants, plus diachroniques, concernent Les questions del'âge de la science (chapitre 6), La rhétorique en Europe à travers sonenseignement (F . DOUAY-SOUBLIN, chapitre 7) ; le dernier chapitre, inti-tulé Théories et données, rassemble trois études sur la méthodologie gram-maticale (dont celle de B . COLOMBAT, La description du latin à l'épreuvede la montée des vernaculaires) .

Du point de vue lexicographique, on retiendra la présentation détaillé ed'une terminologie très spécifique, celle de la description des construc-tions ; cette étude en présente tout le vocabulaire technique (praedicatum,subiectum, suppositum, suppositio, appositum, appositio, etc .), mais perme taussi de se repérer dans les étapes de la mise en place de ce cadre termino-logique au long du XII° siècle. Cette mise au point lexicographique est àrapprocher de l'appendice 2 : La terminologie linguistique médiévale(I . ROSIER, pp . 590-597), qui fournit pour de très nombreux termes gram-maticaux, soit une traduction pour les plus simples d'entre eux, soit un edéfinition commentée et illustrée, notamment dans le cas des figures d econstruction, par les exemples courants du Moyen Age .

Paris

Anne GRONDEUX

Bernard COLOMBAT, Les figures de construction dans la syntaxe latin e

(1500-1780), Louvain-Paris, Peeters, 1993 (Bibliothèque de l'Informa-tion grammaticale 25) .

L'ouvrage étudie le traitement des grandes acquisitions de la gram-maire antique et médiévale par les principaux grammairiens de l'huma-nisme et de la Renaissance (Despautère, Linacre, Perotti) et ceux de s

Lumières (Dumarsais, Beauzée, etc .) ; plus précisément, il s'attache à sui-vre l'évolution des théories concernant les figures de construction et le s

variations de cet ensemble même .Après une présentation du corpus des huit figures (prolepse, syllepse ,

zeugme, synthèse, antiptose, évocation, apposition et synecdoque) tel qu'i l

se présente au début du XVI e siècle, l'auteur examine, figure par figure ,

les bouleversements que connaît cet ensemble chez les principaux gram-mairiens du XVI e siècle : Despautère et ses Commentarii Grammatici ,

Linacre et son De emendata structura Latini sermonis (1524), Scaliger et

son De causis linguae Latinae (1540), jusqu'à la Minerva de Sanctiu s(1587), qui cristallise la répartition des figures autour de l'ellipse . Ce cha-

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pitre retrace donc le travail de tri opéré par les grammairiens de l'Huma-nisme dans ce corpus hérité du Moyen Age et la mise à l'écart de tournu-res qui perdent leur statut de « figures de construction », au bénéfice d el'ellipse : disparition de l'apposition, réduite à l'ellipse du participe ens ,disparition aussi de l'évocation, de la synthesis, de la synecdoque che zLinacre, avec introduction d'une nouvelle figure de construction, l'énal-lage .

Sont ensuite successivement abordés le XVII` siècle (les grammaire spédagogiques, la tradition de la grammaire « philosophique », et Port-Royal), période qui voit entre autres l'introduction de deux notions nouvel -les dans le traitement des constructions figurées, l'hellénisme et l'ar-chaïsme, puis le tournant des Lumières, avec la mise en rapport de la syn-taxe latine avec la syntaxe française et le célébre traité des tropes de Du

Marsais (étudié par F . DOUAY-SOUBLIN, dans Du Marsais, Des tropes o udes différents sens, Paris, Flammarion, 1988 ; voir aussi F . DouAY-Sou -

BLrN, dans Langue française, 101, fév . 1994, pp . 13-25) .Au-delà de l'intérêt même de cet ouvrage pour tout lecteur, le médié-

viste y trouvera aux pp . 427-434 des définitions complètes des figure s(plus étendues que le corpus choisi), avec une insistance particulière su rles acceptions différentes qu'ont eues ces figures dans l'Antiquité, a uMoyen Age et à la Renaissance ; aux pp . 443-521, une longue étude de latradition de l'exemple latin, où sont répertoriées près de 130 phrases -exemples types, avec leur suivi des grammaires de l'Antiquité à celles de sLumières, en passant par le Moyen Age et leur présence dans des gram-maires versifiées (Doctrinale et Graecismus) ou dans le Catholicon deJean de Gênes ; enfin toute la première partie (définition du corpus) con -tient des aperçus systématiques sur la grammaire médiévale et son héri-tage .

Paris

Anne GRONDEUX