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Eur. J. Biochem. 16 (1970) 363-372 Cinbtique des rbactions catalysbes par la polynuclkotide phosphorylase de Escherichia coZi Le 2-dhsoxy-ADP comme substrat et inhibiteur Suzanne BON, Therkse GODEFROY et Marianne GRUNBERG-MANAQO Institut de Biologie Physico-Chimique, Paris ( R e p le 24 mars/23 juin 1970) A systematic study of the effect of deoxy-ADP on the reactions catalyzed by polynucleotide phosphorylase from Escherichia coli confirmed its behavior as a monofunctional analog of ADP. The polymerization reaction is limited to the addition of one (or two at the most) residues of dAMP to a primer oligonucleotide. The K, of oligonucleotides in this reaction have been studied as a function of chain length, from (PA), to (PA), , and for PA)^,,. The K, and Vmax decrease with the chain length, as in the phosphorolysis reaction, but the variation is quantitatively different. (pA),pdA is not a good substrate for the limited elongation, due to its poor Vmax, while it is a substrate for phosphorolysis. The dADP/Pi exchange occurs only in the presence of oligonucleotide. Comparison of ADPIPI exchange and dADP/Pi exchange in the presence of (PA), seems to indicate an interaction between binding sites of the oligonucleotide and the nucleoside diphosphate. This interaction is larger with ADP than with dADP. The inhibitory properties of dADP in both polymerization of ADP and phosphorolysis were studied. I n the absence of oligonucleotide, dADP increases the lag phase of polymerization, and also increases the concentration of oligonucleotide necessary to remove the lag phase. I n the presence of saturating oligonucleotide, dADP behaves like a competitive inhibitor of ADP. Similarly, dADP is a competitive inhibitor of both phosphate and oligonucleotide in the phos- phorolysis reaction. I n the phosphorolysis of poly A it is only competitive with phosphate. The results presented here are consistent with a complete reversibility of polymerization and phosphorolysis. Namely, the oligonucleotide, when used in the phosphorolysis reaction, covers the nucleoside diphosphate binding site. The importance of the 2‘OH in the different positions of the substrates is discussed. Le present travail concerne 1’8tude d‘un substrat monofonctionnel de la polynucleotide phosphorylase, le desoxy ADP. I1 a en effet 6tB montre [l] que cet analogue de 1’ADPpeut remplacer le substrat normal dans les reactions de polymerisation et d’hchange catalysees par la polynucleotide phosphorylase d‘Escherichia coli, mais que la polymerisation est alors limitbe B l’addition d’un ou de deux residus desoxy AMP B un oligonucleotide amorceur. Nous nous sommes servis de cette limitation de l‘elonga- tion pour tenter de determiner les constantes cineti- ques des differentes &apes de la polymerisation. En effet, lorsque l’on travaille en presence de ribo- nucleosides diphosphates, il n’est pas possible d’isoler ces &tapes, car la polymerisation est alors non syn- chrone et produit immediatement des polymkres trbs longs qui ne se dissocient pas facilement de l’enzyme E31. Enzyme. Polynucl6otide phosphorylase on polyribo- nuclkotide orthophosphate nuclkotidyl-transfkrase (EC 2.7. 7.8). La phosphorolyse est Bgalement non synchrone [4,5]. Pour interpreter le mecanisme de phosphoro- lyse, il a BtB sugger6 [S] que le site de fixation des polymkres sur l’enzyme se compose de deux parties: a) au centre catalytique proprement dit, les ((sous-sites I b ) sont capables de fixer l’extrkmit6 3‘ du polymbre ou de l’oligonucl8otide B phosphorolyser. Le phosphate n6cessaire B la reaction est fix6 sup un site proche du nucleotide terminal B extr6mite 3‘ hydroxyle libre (la presence de ce 3‘OH n’est peut- &re pas absolument necessaire, puisque des exp6- riences recentes [7] montrent que du tRNA charge est lentement phosphorolys6) ; b) des sites stabilisateurs, ((sous-sites I1 )), sont capables de fixer fortement le polymbre sur l’enzyme lorsqu’il atteint une certaine longueur, mais ne sont pas necessaires B la reaction. On a admis que ces sites stabilisateurs sont responsables du mecanisme non synchrone de la reaction de phosphorolyse, et peut-&re Bgalement de la reaction de polym6risa- tion.

Cinétique des réactions catalysées par la polynucléotide phosphorylase de Escherichia coli : Le 2-désoxy-ADP comme substrat et inhibiteur

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Eur. J. Biochem. 16 (1970) 363-372

Cinbtique des rbactions catalysbes par la polynuclkotide phosphorylase de Escherichia coZi

Le 2-dhsoxy-ADP comme substrat et inhibiteur

Suzanne BON, Therkse GODEFROY et Marianne GRUNBERG-MANAQO Institut de Biologie Physico-Chimique, Paris

( R e p le 24 mars/23 juin 1970)

A systematic study of the effect of deoxy-ADP on the reactions catalyzed by polynucleotide phosphorylase from Escherichia coli confirmed its behavior as a monofunctional analog of ADP.

The polymerization reaction is limited to the addition of one (or two a t the most) residues of dAMP to a primer oligonucleotide. The K , of oligonucleotides in this reaction have been studied as a function of chain length, from (PA), to (PA), , and for PA)^,,. The K , and Vmax decrease with the chain length, as in the phosphorolysis reaction, but the variation is quantitatively different. (pA),pdA is not a good substrate for the limited elongation, due to its poor Vmax, while it is a substrate for phosphorolysis.

The dADP/Pi exchange occurs only in the presence of oligonucleotide. Comparison of ADPIPI exchange and dADP/Pi exchange in the presence of (PA), seems to indicate an interaction between binding sites of the oligonucleotide and the nucleoside diphosphate. This interaction is larger with ADP than with dADP.

The inhibitory properties of dADP in both polymerization of ADP and phosphorolysis were studied. I n the absence of oligonucleotide, dADP increases the lag phase of polymerization, and also increases the concentration of oligonucleotide necessary to remove the lag phase. I n the presence of saturating oligonucleotide, dADP behaves like a competitive inhibitor of ADP. Similarly, dADP is a competitive inhibitor of both phosphate and oligonucleotide in the phos- phorolysis reaction. I n the phosphorolysis of poly A it is only competitive with phosphate.

The results presented here are consistent with a complete reversibility of polymerization and phosphorolysis. Namely, the oligonucleotide, when used in the phosphorolysis reaction, covers the nucleoside diphosphate binding site. The importance of the 2‘OH in the different positions of the substrates is discussed.

Le present travail concerne 1’8tude d‘un substrat monofonctionnel de la polynucleotide phosphorylase, le desoxy ADP. I1 a en effet 6tB montre [l] que cet analogue de 1’ADP peut remplacer le substrat normal dans les reactions de polymerisation et d’hchange catalysees par la polynucleotide phosphorylase d‘Escherichia coli, mais que la polymerisation est alors limitbe B l’addition d’un ou de deux residus desoxy AMP B un oligonucleotide amorceur. Nous nous sommes servis de cette limitation de l‘elonga- tion pour tenter de determiner les constantes cineti- ques des differentes &apes de la polymerisation. En effet, lorsque l’on travaille en presence de ribo- nucleosides diphosphates, il n’est pas possible d’isoler ces &tapes, car la polymerisation est alors non syn- chrone et produit immediatement des polymkres trbs longs qui ne se dissocient pas facilement de l’enzyme E31.

Enzyme. Polynucl6otide phosphorylase on polyribo- nuclkotide orthophosphate nuclkotidyl-transfkrase (EC 2.7. 7.8).

La phosphorolyse est Bgalement non synchrone [4,5]. Pour interpreter le mecanisme de phosphoro- lyse, il a BtB sugger6 [S] que le site de fixation des polymkres sur l’enzyme se compose de deux parties:

a ) au centre catalytique proprement dit, les ((sous-sites I b) sont capables de fixer l’extrkmit6 3‘ du polymbre ou de l’oligonucl8otide B phosphorolyser. Le phosphate n6cessaire B la reaction est fix6 sup un site proche du nucleotide terminal B extr6mite 3‘ hydroxyle libre (la presence de ce 3‘OH n’est peut- &re pas absolument necessaire, puisque des exp6- riences recentes [7] montrent que du tRNA charge est lentement phosphorolys6) ;

b) des sites stabilisateurs, ((sous-sites I1 )), sont capables de fixer fortement le polymbre sur l’enzyme lorsqu’il atteint une certaine longueur, mais ne sont pas necessaires B la reaction. On a admis que ces sites stabilisateurs sont responsables du mecanisme non synchrone de la reaction de phosphorolyse, et peut-&re Bgalement de la reaction de polym6risa- tion.

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364 dADP dam les rbactions de la polynuclbotide phosphorylase Eur. J. Biochem.

L’utilisation du dADP comme substrat de la polymerisation et de l’kchange, et comme inhibiteur de la phosphorolyse, ainsi que 1’6tude de la phos- phorolyse de certains oligonucleotides termines par un residu dAMP, nous permettra de faire abstraction des sites stabilisateurs et d’etudier uniquement le centre catalytique.

Les donnees expkrimentales rapportees ici con- firment l’hypothkse la plus logique au sujet des posi- tions respectives des diffdrents substrats, it savoir que I’ADP (ou le dADP) occupe pendant la poly- mdrisation ou I’echange, la m6me position que le dernier nucleotide (extr6mit6 3’) du polymkre en position de phosphorolyse ; l’extr6mit6 3’ de l’amor- ceur occupe ainsi la position du deuxikme nucleotide du polymkre en position de phosphorolyse, et le /?-phosphate de I’ADP occupe la m6me position que le phosphate mineral. L’importance du 2’OH du ribose dans les diffdrentes positions sera discut6e.

I1 apparait cependant que le dADP ne peut pas 6tre considkre comme exactement equivalent b l’ADP, car il existe entre la fixation de I’ADP et la fixation de l’oligonucldotide en position amorceur, une interaction qui semble %re beaucoup plus faible, sinon nulle, avec le dADP.

MATGRIEL ET MgTHODES Matkie l

Enzyme. La polynucleotide phosphorylase a Bt6 purifXe B partir d’E. coli B selon la methode ddcrite par Williams et Grunberg-Manago [8]. La prepara- tion utiliske (obtenue aprhs passage sur une colonne de Sephadex 6-200) a une activite specifique de 600 pmoles x h-l x mg-l dans la phosphorolyse du poly A b 37”.

Poly A. Nous avons utilisd deux poly A differents. L’un provient des Laboratoires Miles (USA) et a une longueur moyenne de chaine Bvaluke B 500 mono- nucleotides (longueur moyenne en nombre), et l’autre B 3’OH, d’une longueur moyenne de 40, a 6th prepare comme prkcedemment decrit [el.

Les oligonucldotides de ( P A ) , 2c PA)^. 11s sont obtenus B partir de poly A [9]; comme ce dernier contient parfois des traces d’ADP, la fraction (PA), peut en 6tre contaminhe. Elle est donc purifide sQpar6ment sur une colonne de DEAE-cellulose (Whatman DE 52). L’Qlution est faite par du bicar- bonate d’ammonium 0,l M qui est Blimin6 par lyophilisation.

L’ADP et le dADP. 11s proviennent de Sigma (USA) et sont Bgalement passes sur une colonne de DEAE-cellulose afin d’6liminer d’eventuels oligo- nucleotides et de debarrasser le dADP de I’ADP qui pourrait le contaminer. L’ADP est Blue par du bicar- bonate d’ammonium 0’1 M et le dADP par du borate d’ammonium 0,l M; les sels sont Blimines par adsorp- tion des nucleotides sur du charbon actif, suivie

d’Qlution par un melange d’alcool et d’ammoniaque 1 M (50 : 50, v/v). Le charbon actif fourni par Barna- bey-Cheney (USA) (lot no. 1654) est debarrasse des sels qu’il contient par lavage it l’acide chlorhydrique 1 M (2 ou 3 fois, avec decantation des part,icules fines), rinc6 B l’eau, puis desactive par un melange : toluhne- isopropanol-ammoniaque 1 M (1 : 50 : 50, v/v/v), puis lave par le melange d’elution et ensuite par l’eau. Une colonne de 10 ml est utilisee pour traiter 200 mg de nucleoside &phosphate. L’adsorption des nucl6o- tides est faite B pH 5.

Le (pA),pdA. I1 est prepare B partir de (PA), et de dADP purifies. Le melange d’incubation (10ml) comprend: Tris, 200 mM; MgCI,, 4mM; (PA),, 0’55 mM; dADP, 6,3 mM; enzyme, 30 pg/ml. A la fin de la reaction (4 h), le melange est d6pro- teinist5 par la methode de Sevag [lo], et les produits sont sdpards sup une colonne de DEAE-cellulose BluQe avec un gradient lineaire de bicarbonate d’ammo- nium 0,005-0,3 M. Outre le dADP et le (PA), n’ayant pas rhagi, on isole ainsi du tri- et du tetra- nucldotide. On s’assure qu’aucun oligonucleotide superieur au tetra n’a Bt6 form6 au coups de la reaction en lavant la colonne, B la suite du gradient, par une solution de bicarbonate d’ammonium 1 M.

Une preparation similaire a Btk eRectu6e B partir de [14C](pA),. Une aliquote de chacun des pics radio- actifs obtenus est analys8e par chromatographie sur papier Whatman no. 1 dans le solvant n-propanol- ammoniaque 2 M (55:45, v/v). La radioactivite du papier est mesuree au compteur B scintillation (Packard) et les taches sont identifiees B l’aide de marqueurs (PA),, (PA), et (PA),. La fraction prin- cipale elude de la colonne de DEAE-cellulose migre au niveau du trinucleotide, et les fractions secon- daires correspondent aux di- et tetra-nucleotides.

Autres produits. Pyruvate kinase, lactico-d6s- hydrogenase, NADH, phosphoenol pyruvate sont des produits de Boehringer Mannheim GmbH (Mann- heim, Allemagne).

Essais enzymatiques Polymdrisation. La reaction est suivie par la mesure

de la liberation de phosphate en fonction du temps, dans un milieu approprie (cf. lkgendes des figures). Pour chaque pr&vement la reaction est arr6tt5e par addi- tion d’acide perchlorique dilue (0,l O/,,). Les nucldotides sont adsorb& sur charbon actif lave seulement B l’acide chlorhydrique 1 M; le phosphate est dose5 dans le surnageant selon la methode de Chen et coll. Ell].

Phosphorolyse. La reaction est suivie par une methode spectrophotometrique continue, utilisant le systkme pyruvate kinase/lactico-d&.hydrogbnase [3]. Neanmoins, en presence de dADP qui reagit avec la pyruvate kinase, on utilise la methode discontinue classique : mesure de la transformation du phosphate mineral 32P en phosphate organique [12].

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Vol.16, No.2, 1970 s. BON, T. GODEFROY et M. GRUNBERU-MANAQO 365

Echange du p-phosphate de 1’ADP ou du dADP avec le 32P rniniral. La methode de dosage est la m6me que pour la mesure discontinue de la phos- phorolyse; le milieu de reaction est decrit dans les 16gendes.

Afin d’obtenir une estimation precise de la vitesse initiale dans le cas des cin6tiques discontinues, celle-ci a Qt6 determinee b partir d’une dizaine de mesures effectuees & des temps Merents.

RBSULTATS LE dADP COMME SUBSTRAT

Elongation limitie sur le (PA), Kaufmann et coll. [l] ont montre que le dADP

s’ajoute b l’oligo ApA, donnant comme produits les tri- et tktra-nucleotides ApApdA et ApApdApdA. Une preparation a BtB effectuee selon une m6thode analogue b partir du (PA),; les produits obtenus ont B t B identifi6s comme (pA),pdA et (pA),pdApdA (voir MQthodes). L’addition d’un dAMP sur le (PA), est une reaction assez rapide, puisque la vitesse maxi- male correspond aux trois quarts de celle de poly- mkrisation de 1’ADP (Tableau 1). Dans toutes nos preparations nous avons observe la presence de (pA),pdApdA dans un rapport 1/10 avec le (pA),pdA. Comme en fin de reaction il restait toujours du (PA), non utilis6, il Btait possible que le (pA)gdApdA provienne d’une activit6 de transnucl6otidase decrite dans certaines preparations de polynucl6otide phos- phorylase [13]. A€in de voir ce qu’il en dtait, le (pA)gdA a 6th incube avec la polynucl6otide phos-

phorylase en presence et en absence de dADP. Les produits de ces deux &actions ont 6th compares avec des marqueurs par chromatographie sur papier Whatman no. 1 dans le solvant n-propanol-ammo- niaque (45:55, v/v): en absence de dADP, toute l’absorbance se retrouve dans une tache migrant comme un trinucleotide, alors que’en presence de dADP, on note uniquement deux taches, celle du dADP en exchs, et une tache migrant comme un tktranucleotide. La formation de tetranucleotide se fait donc bien par addition d’un residu dAMP au trinuclkotide (pA)zpdA.

Addition sur ( p A ) g d A Nous avons alors Btudie la cinetique de l’addition

d’un dAMP sur le (pA)gdA. La vitesse maximale est 300 fois plus faible gue celle de la reaction (PA), + dADP -f (pA)gdA + Pi, mais le K , du (pA)gdA est peu W6rent de celui du (PA), dans la m6me rkaction (Tableau 1). L’absence d’hydroxyle en 2’ du ribose ne gene donc pas la fixation d’un oligonucleotide sup l’enzyme comme amorceur ; par contre la forma- tion de la liaison phosphodiester entre le 3’OH d’un desoxyribose et le phosphate d’un mononucleotide est fortement ralentie. Ceci concorde avec le fait qu’il ne peut y avoir ni polymerisation de novo du dADP [l], ni formation de longs polymhres.

Addition h des oligonucliotides 3‘OH de dif firentes longueurs

Le K , du dADP dans son addition sur le (PA), est 0,5mM en presence de 5mM de Mgff, ce qui

Tableau 1. Cornparaison des wnstantes cinktiques pour les oligonuclkotides dans diverses rht ions, en fonction de leur longueur La phosphorolyse est suivie par la mbthode continue [6]. L’bchange avec le dADP est suivi dans les conditions de la Fig. I, avec des concentrations variables en oligonucleotide. L’Bchange avec I’ADP est suivi dans les memes conditions qu’avec le dADP, except6 pour les concentrations en ADP (15 mM), magnesium (7,5 mM) et phosphate (60 mM). L’Blongation est suivie par la mesure de la liberation du phosphate dans le milieu suivant: Tris (pH 7,8), 100 mM; enzyme, 9,2 pg/ml; ADP, 24mM

et MgCl,, 10 mM (1); ou dADP, 2,9 mM et MgCl,, 2 mM (2)

RBaction Substrats R, oligo Vm.*

Phosphor01 yse (20’)

CrM vmoles x h-’ x mg-‘

220 340 90 70 54

760 364 760 760 400

Echange (37’) Avec ADP pA PA + ADP + Pi 12 585 Avec dADP pA pA + dADP + Pi 1300 650

-. -___ Avec ADP pApA + A D P > 0,2 900

PA pA + dADP pApApA + dADP

Elongation Avec dADP PA PA PW) + dADP + dADP + dADP + dADP (PAL0 + dADP

(1)

pA pA pA pA pA pA PA pA pA

pA pA pA pA pA pA

(37’) (2)

1100 673 500 556 400 2 220 498 120 440 50 346 18 56

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366 dADP dans les reactions de la polynuclkotide phosphorylase Eur. J. Biochem.

correspond b un K , de 25 p.M en dADP libre, si l’on admet une constante de dissociation de 0’24 mM pour le complexe Mg-dADP [14]. Utilisant alors une concentration saturante de dADP, nous avons determine le K , d’oligonucldotides (pA)n, n variant de 2 B 6, ainsi que n = 40. Avec les oligonucleotides courts (de 2 b 4), la quantite de phosphate libere au cours de la reaction est inferieure b celle d’oligo- nucleotide present dans le milieu. Ceci pourrait 6tre dii b un Bquilibre entre addition d’un residu et phosphorolyse de l’oligonucleotide-dAMP forme. Par contre, pour les oligonucleotides plus longs la reaction semble totale, ce qui pourrait 6tre la consequence de I’dvolution differente des constantes cindtiques des oligonucldotides dans les reactions de polymerisa- tion et de phosphorolyse (voir Tableau 1).

Sur le Tableau 1, nous avons dispose les substrats selon notre hypothese de travail, b savoir que dans la phosphorolyse, le nucleotide 3’OH terminal occupe le site de 1’ADP dans la polymerisation (ou de son analogue le dADP). Un rapport regulier de deux entre les K , des oligonucleotides PA)^ et (pA),+1 dans l’addition d’un dAMP est mis en evidence, indiquant qu’il n’y a pas de stabilisation particuliere pour une longueur donnee de l’oligo- nucleotide entre n = 2 et n = 6. De plus, l’affinitk de (pA),+1 dans la phosphorolyse est nettement plus &levee que celle de PA)^ dans l’addition d’un U P , montrant ainsi l‘importance du nucMotide terminal dans la stabilisation de l’oligonucleotide b phospho- rolyser, et ce d’autant plus qu’il est plus court. Bien qu’evoluant selon des lois differentes, la vitesse maximale dans ces deux reactions diminue lorsque la longueur de l’oligonucl6otide augmente.

Phosphorolyse de (pA),pdA Dans les conditions habituelles de phosphorolyse,

le (pA),pdA est degrade en (PA), + dADP, avec un K , voisin de celui de (PA), [0,34 mM pour (pA),pdA et 0,22 mM pour (PA),] et avec une vitesse maximale correspondant b la moitie de celle de (PA),. Le fait que l’oligonucldotide soit termin6 par un dAMP au lieu d’un AMP ne mod8e donc pas beaucoup sa fixation sur l’enzyme.

Echnge (EADPIPt Nous n’avons jamais observe d’echange dADP/Pi

en presence de dADP et de Pi seuls. L’incorporation de 32P dans le dADP ne depasse pas, en plusieurs heu- res, le millieme de celle obtenue en presence de (PA), saturant (Fig.1). Ceci va b l’encontre de l’hypothhse d’un Bventuel complexe intermediaire enzyme-dAMP. L’addition de dAMP sur le (PA),, suivie de phosphorolyse, semble 6tre la cause de l’echange dADP/Pi observe en presence de (PA),. Les K m du (PA), dans 1’6change et dans la synthese sont sensiblement les m6mes (1’3 et 1 , l mM, respec-

T m p (rnin)

Fig. 1. Activation de l’khange dADPIPt par (PA),. Le milieu contient: Tris (pH 7,8), 100 mM; MgCl,, 2,5 mM; K,HPO.,, 3 mM; [s2P]P,, 5 x 106 coups x min-1 x Fmole-1; enzyme, 7,3 pglml; e t les additions suivantes: (I) dADP, 1,5 mM; (11) (PA),, 0,21 mM; (111) dADP, 1,5 mM et (PA),, 0,21 mM.

Les mesures sont effectukes L 37” comme dkcrit dans les Mkthodes

tivement) et les vitesses maximales sont voisines. Par contre, 1’6change a lieu avec 1’ADP m6me en absence d’amorceur, mais nous avons alors observe une legere phase de latence qui peut &re levee par addi- tion d’oligonucl6otides.

Alors que le phosphate mineral n’affecte pas la fixation des oligonucl6otides [15], la nature du nucldoside &phosphate l’influence. En effet, le Km du (PA), dans 1’6change ADPIPI est 100 fois plus faible que dans 1’6change dADP/Pi.

LE dADP E N COMPkTITION AVEC LES DIFFERENTS SUBSTRATS DE L’ENZYME

Dans la polyrne‘risation de I’ADP En absence d’oligonucl6otide 3’OH, la poly-

mkrisation de I’ADP s’effectue avec une phase de latence, qui est abolie quand la reaction a lieu en presence d’oligonucldotide.

L’addition de concentrations croissantes de dADP dans le milieu de polymdrisation de I’ADP, sans amorceur, induit une augmentation de la durde de la phase de latence, comme cela a 6th dejb ob- serve [16] (Fig.2, courbes I, V et IX).

Nous avons Qtudit? la vitesse initiale de la reaction, mesuree sur 1 min, en fonction de la concentration en (PA), (5’6 nM--5,6 pM), pour des concentrations variables de dADP. Le Tableau 2 montre l’augmenta-

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Vol. 16, No. 2, 1970 S. BON. T. GODEFROY et M. GRUNBERC-MANAGO 367

Temps (min)

Fig.2. Effet du dADP sur la cinltique de polymirisation de l’ADP, en prisence de divers activateurs. Le milieu contient: Tris (pH 7,8), 200 mM; MgCl,, 8 mM; ADP, 26 mM; enzyme, 29 pg/ml; e t les additions suivantes: (I) aucune addition; (11) poly A, 2 mM (en mononucleotides); (111) (PA),,, 1,4 mM (en mononucleotides); (IV) (PA),, 4,6 p.M. (V), (VI), (VII) e t (VIII), m6me additions que I, 11, I11 et N en presence de dADP, 0,8 mM; (IX) dADP, 2mM. La liberation du

phosphate est suivie en fonction du temps B 37”

Temps( min)

Fig.3. Effet du dADP ajouti en cours de polymirisation. Le milieu contient: Tris (pH 7,8), 200 mM; MgCl,, 8 mM; ADP, 26 mM; enzyme, 29 pg/ml; e t les additions suivantes: (I) pas d‘addition; (11) e t (111) dADP, 0,8 mM, ajoute au bout de 6 e t 22 min de polymBrisation, respectivement, dans les conditions (I); (N) (PA),, 9,6 pM; (V) dADP, 0,8 mM, ajout6 au bout de 7 min de polymerisation dans les conditions

(IV). La reaction est suivie L 37”

Tableau 2. Effet du dADP SUP la constante d’activation du

Pour chacune des concentrations de dADP indiquee sur le Tableau, la constante d‘activation a Bt6 determinee dans le milieu’suivant: Tris (pH 7,8), 50 mM; ADP, 24 mM; MgCl,, 10 mM; enzyme 30 pg/ml; (PA), variant de 5,6 nm L 5,6 pM. La vitesse moyenne sup une minute de la liberation de phos- phate a &ti: mesuree B 37”. La constante apparente d’acti- vation est definie comme la concentration de (PA), qui donne une vitesse &gale B la moitie de la vitesse maximum obtenue

L saturation en (PA),

(PA),

dADP Constante d‘activation du (PA),

~~

mM nIv1

0 26 0,66 56 1 .. 75 1,65 108

tion de la constante d’activation apparente du (PA), lorsqu’on augmente la concentration en dADP. [La constante d’activation est la concentration de @A), qui provoque une vitesse initiale &gale B la moiti6 de celle obtenue B concentration saturante de (PA),I.

De meme qu’ils sont activateurs dans les condi- tions normales de polymerisation (Fig. 2, courbes I1 et 111), les polymeres sont activateurs en presence de dADP (Fig.2, courbes VI et VII). Mais leur efficacit6 est inf6rieure B celle de (PA), (Fig.2, courbe VIII), bieii que les concentrations molaires essayees soient superieures B celle de (PA),. Les poly- meres form& pendant la reaction sont Qgalement activateurs. Lorsque l’on ajoute le dADP en cours de reaction, il est d’autant moins inhibiteur que la reaction est plus avanc6e (Fig. 3).

Lorsque l’oligonucl6otide (PA), est ajoute en concentration saturante (5,6 pM est une concentra- tion saturante pour toutes les concentrations de dADP essayees, voir Tableau 2), la reaction de poly- merisation ne presente pas de phase de latence, mais il reste cependant une inhibition par le dADP. La Fig. 4A montre que cette inhibition semble partielle- ment competitive par rapport B 1’ADP. Pour inter- preter plus precisement les r6sultats de la Fig.4A, on doit tenir compte de la formation de complexes entre les nucleosides diphosphates et le magnesium. La constante de dissociation est kvaluee B 0,24 mM. Les resultats de la Fig.4A sont exprimes, sur la

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368 dADP dans les rkactions de la polynuclkotide phosphorylase Eur. J. Biocheni.

I I I I I I

-0.3 -0.2 -0.1 \ 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 -K, [d A D P d (mM)

Fig.4. Inhibition de la polymkrisation de 1’ADP par le d A D P , en prbence de (PA)$ saturant. Le milieu contient: Tris (pH 7,8), 200 mM; (PA),, 5,6 @I; enzyme, 7,8 pg/ml; dADP variable. 0, ADP, 7 mM; MgCI,, 5,25 mM; 0, ADP, 14 mM; MgCl,, 6,5 mM; 0, ADP, 25 mM; MgCl,, 10 mM. La vitesse initiale de liberation du phosphate est mesurhe ti 37”. Son inverse est port6 en fonction de la concentration en dADP qui est exprimhe: (A) en dADP total; (B) en dADP non complex6 au magnhsium. La constante de dissociation des complexes dADP-Mg e t ADP-Mg, utilisee dans les calculs,

est 0,24 mM

Fig.5. Effet du (pA),pdA sur la phase de latenee de la poly- mirisation de I’ADP. Meme expkrience que dam la Fig.3, courbe (I), except6 pour la concentration denzyme: 59 pg/ml e t les additions suivantes: (I), pas #addition; (11) (pA),pdA,

40 PM; (111) (pA),pdA, 092 (IV) (PA),, 1 PM

Fig.4B, non plus en fonction de la concentration totale de dADP, mais en fonction de la concentra- tion en dADP non complexii. I1 semble en effet que 1’ADP libre soit le vrai substrat de la polynucleotide phosphorylase d’E. coli [17] et il est logique d’ad- mettre que le dADP libre en soit inhibiteur compe- titif. La Fig.4B permet de determiner une constante #inhibition (totalement competitive) de 25 pM en dADP libre.

I1 n’est pas exclu que la formation de polym&res termines par un residu dAMP soit possible en presence de dADP. Ces polymbres pourraient intervenir ensuite, soit comme amorceurs, soit comme inhibi- teurs de la polymerisation de 1’ADP. C’est pourquoi l’effet de l’oligonucleotide mixte (pA),pdA a Btk Btudie dans la polymerisation de 1’ADP. La Fig.5 montre que (pA),pdA, bien que legkrement activateur, a moins de 0,lo/,, de l’efficacith de (PA),. On ne peut donc &carter la possibilite d’une contamination par un oligonucleotide amorceur, PA)^ par exemple. Par ailleurs, (pA),pdA n’est pas inhibiteur lorsqu’il est utilise en presence de (PA), ou de (PA), en concen- trations non saturantes.

Dam la phosphorolyse Dans la reaction de phosphorolyse du polymhre,

les K , des substrats sont respectivement, B 37”, 6 pM pour le poly A (en residus AMP) et 0,7 B 1 mM pour le phosphate.

La Fig.6A montre que le dADP est inhibiteur cornpetitif pur B 1’8gard du phosphate avec un K f de 0’25 mM. Les resultats d’une experience similaire en fonction du poly A, et en presence de 10 mM de

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I B

-Km [WY A] (W Fig.6. Inhibition par le dADP de la phosphoarolyse du poly A . (A) Competition par rapport au phosphate. Pour chacune des concentrations de dADP indiqubes sur le graphique, le K , du phosphate a B i k determin6 dans le milieu suivant: Tris (pH7,8), 50mM; MgCI,, 2,5mM; poly A, 50pM (en mononuckotides) ; enzyme 2,3 pg/ml; K,HPO, variant de 0,5 B 20 mM; [s2P]P~, 5 x lo6 coups x min-l x pmole-l. La methode de mesure discontinue a btb utilisb, B 37”. Le rap- port des K , du phosphate en presence de dADP e t en son absence, est port6 en fonction de la concentration en dADP. (B) Inhibition B concentration donnee de phosphate (10 mM). La concentration en polyA varie comme indique sur le graphique, les concentrations en dADP sont lea suivantes:

A, pas de dADP; a, 0,3 mM; 0, 0,5 d; A, 0,75 d; U, 1,O mM

phosphate, indiquent que l’inhibition est non competitive pure (Fig. 6B). La constante d’inhibition du dADP par rapport au poly A est Bvaluee B 1 mM dans ces conditions.

Le K , de phosphorolyse du (PA), a Qt6 deter- mink B dX6rentes concentrations de dADP. La presence de dADP ne perturbe pas la mesure de la phosphorolyse de l’oligonucleotide, car dans les conditions utilisees, la vitesse d’6change est presque nulle. I1 a BtB montrk en effet [18] que pour un rapport Pi/ADP > 1 la vitesse d’echange diminue fortement. Par ailleurs, nous avons verif% que la

6 t /

5 0 15 V[(pA)31 (mM”)

Fig.7. Inhibition par le dADP de la phosphorolyse du (PA),. Le milieu contient: Tris (pH 7,8), 50 mM; phosphate, 10 mM; enzyme, 3 pg/ml; le substrat (PA), se trouve en concentration variable. Les concentrations en dADP e t MgCl, sont les suivantes: 0, pas de dADP; MgCl,, 2,5mM; 0, dADP, 2mM; MgCI,, 2,5mM; 0, W P , 4 d ; MgCI,, 3,5mM.

La reaction est suivie B 37” par la mbthode discontinue

quantit8 de 3aP transforme en phosphate organique en fin de reaction correspond bien, en presence de dADP, B la phosphorolyse totale de (PA),. La Pig.7 montre que l’inhibition de la phosphorolyse de (PA), par le dADP est competitive it 1’6gard de l’oligo- nucleotide. La constante d’inhibition est estimee b 3mM en presence de lo& de phosphate. Les valeurs dlevdes des Kr par rapport au poly A et au (PA), s’expliquent par la comp6tition supplementaire entre le phosphate mineral (10 d) et le dADP.

DISCUSSION

Les proprietds du desoxy ADP (dADP) ont 6th Btudiees dans les trois reactions catalysees par la polynucl6otide phosphorylase : polymerisation, phos- phorolyse et Bchange. Utilise comme substrat it la place de l’ADP, le dADP en WAre en ce que la synthhse de novo est impossible, et la reaction d’6longation B partir d’un oligoribonucleotide amor- ceur ( B 3‘OH) se limite L l’addition d’un ou de deux residus desoxy AMP [l]. Le produit de cette Blonga- tion limithe, le (pA),pdA, est phosphorolys6 par l’enzyme. L’addition de dAMP au (PA), suivie de phosphorolyse conduit it l’echange, qui n’a BtB observe qu’en presence d’amorceur.

L’utilisation du dADP en competition avec les substrats normaux de l’enzyme, a permis de definir les positions respectives de ces substrats dans les trois reactions dkcrites, et d’en deduire que la forma- tion et la rupture de la liaison ribose-phosphate s’effectuent au meme site catalytique. En effet :

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370 dADP dans les &actions de la polynuclkotide phosphorylase Eur. J. Biochem.

a) quand la polymerisation s’effectue dans des conditions oh l’enzyme est totalement actif, l’action du dADP se traduit simplement par une inhibition competitive vis-8-vis de 1’ADP. L’ADP et son ana- logue ont donc sur l’enzyme le m6me site de fixa- tion ;

b) dans la phosphorolyse du (PA),, le dADP est inhibiteur competitif vis-b-vis de l’oligonucl6otide et vis 8-vis du phosphate. Puisque le site de fixation du dADP interfere B la fois avec celui du (PA), et celui du phosphate, on s’attendrait b ce que 1’AMP (qui n’a pas de @-phosphate) ne soit pas competitif vis-b-vis du phosphate, mais seulement du (PA),. C’est ce qui a Bt6 demontre dans le cas de l’enzyme de Micrococcus luteus [15], alors qu’avec celui d’E. coli, aucune inhibition n’est observee jusqu’b 10 mM. I1 semble donc que la contribution du residu AMP b 1’6nergie de liaison soit plus importante pour l’enzyme de M . luteus que pour celui d’E. coli B. Bien qu’il modifie le Km de (PA), dans la phosphorolyse, le dADP ne change pas le Km du poly A dans la m6me reaction. Ceci est probablement dii au fait que le polyA est stabilise fortement par un site de fixation multiple, non accessible aux oligonucleotides, qui a BtB mis en evidence pr6cedemment [6].

c) le fait que les Km des oligonucl6otides PA)^ dans 1’8longation limithe en presence de dADP sont plus Bleves que les Km des PA)%+^ dans la phos- phorolyse concorde avec la rhversibilite totale de ces deux reactions: le polymhre en cours de phosphoro- lyse est stabilise, par rapport au polymere en cours de polymerisation, par une Bnergie de liaison corres- pondant b la fixation du nucleotide 3’ terminal b la place de 1’ADP. Si l’on admet que la conformation de l’enzyme est la m6me dans les deux reactions, la comparaison des Km pour (PA), et (PA), dans la phosphorolyse avec les Km pour (PA), et (PA), dans 1’6longation limiGe, permet d’evaluer un AG de 1 kcal pour la fixation du nucleotide 3‘ terminal de l’oligonuclt5otide phosphorolyse. La comparaison des deux series de mesures faites b des temperatures dif€hrentes, 20” et 37”’ est justifiee par la similarit6 des Km de (PA), b 37” (0,23 mM) (Fig.7), et b 20” (0,22 mM).

L’existence d’un Bchange dADP/Pi exclusive- ment en presence d’un oligonucleotide amorceur renforce l’hypothhse d’un seul centre catalytique pour les Herentes reactions. Le taux de l o / , de la vitesse maximale d’hchange, obtenu par Kaufmann ct coll. [l] (et de 0,lo/, dans notre cas) en absence d’amorceur, pourrait 6tre impute b une contamina- tion des produits utilises par des oligonucl6otides. L’explication de 1’6change par la formation d’un complexe enzyme-dAMP ne semble donc pas n6ces- saire dans notre cas, d’autant moins que toutes les tentatives de mise en evidence de ce complexe par dialyse B 1’8quilibre ont, jusqu’b present, Bchoue. La similitude des Km du (PA), dans la reaction (PA), +

dADP -> (pA),pdA + Pi (1’1 mM) et dans l’activa- tion de l’echange dADP/Pi (1,3 mM) indique une position identique de l’oligonucl6otide sur l’enzyme dans les deux cas, permettant ainsi la succession rapide de l’addition d’un residu dAMP au (PA), et de la phosphorolyse dont le bilan global est 1’6change.

De plus, cette similitude montre que la presence de phosphate mineral n’influence pas la fixation du (PA), en presence de dADP. Une conclusion analogue avait BtB tir6e de la comparaison des constantes d’activation apparentes des oligonucleotides dans la polymerisation et l’arsenolyse de 1’ADP [3]. Par contre, la nature du nucleoside diphosphate (NDP) modifie consid6rablement l’affinite de l’enzyme pour l’oligonucl6otide. En effet :

a) il n’a jamais Btk possible, par dialyse b 1’6quili- bre en absence de nucl6oside diphosphate, de mettre en Bvidence la fixation d’oligonucl6otides sur l’en- zyme, dans un domaine de concentration correspon- dant b leur constante d’activation dans la poly- merisation de 1’ADP ;

b) l’augmentation par le dADP de la phase de latence de polymerisation de 1’ADP peut &re mise en correlation avec une chute d’affinit6 apparente de l’enzyme pour les polymkres lorsque l’effet du dADP se superpose 8. celui de 1’ADP. Une diminution analogue a dejb 6th observ6e dans le cas d’enzymes modifies, ou trait& par l’uree; elle a 6t6 rattachee b l’augmentation correspondante de la phase de latence. En outre, une augmentation trks nette de la constante d’activation de (PA), a Bt6 montree en presence de dADP ;

c) enfin, le Km du (PA), dans l’echange, qui est de 1’3 mM avec le dADP, tombe L 0,012 mM avec l’ADP, en presence d’une concentration optimale de magnesium. La signification des constantes ob- tenues en presence d‘ADP n’est pas Claire, car la formation immediate de polymere pour lequel l‘enzyme a une tres forte affinite, 8. partir de (PA),, rend difficiles les mesures de vitesse initiale et ang- mente l’affinite apparente de l’oligonucl6otide (une constante d’activation de 0,2 p M a 6th mesuree pour (PA), dans la polymckisation de 1’ADP [3]). Dans les conditions $&change, la formation de poly- mere, bien qu’elle ne soit pas nulle, est trks reduite (experiences non publiees). L’echange obtenu en presence d’ADP seul presente une phase de latence qui, comme dans la polym6risation, peut Stre expli- quee par une synthhse reduite d’amorceurs. Cepen- dant, la vitesse de reaction n’augmente pas suffisam- ment avec le temps pour perturber la mesure de la vitesse initiale. Les mesures de constantes apparentes d’activation sont donc plus valables dans le cas de 1’6change que dans le cas de la polymerisation.

Si le Km pour le (PA), mesure dans 1’6change ADP/Pi represente une evaluation valable de l’inverse de son affinite pour l’enzyme, il faut alors admettre qu’il y a interaction entre lea sites de

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fixation du nucl6oside diphosphate et de l’oligo- nucl6otide amorceur, et que cette interaction est plus forte avecc les ribonucl6osides diphosphates qu’avec les d6soxyribonucl6osides diphosphates.

Les complexes actifs ((Enzyme (Mg++) - NDP - oligonucl6otide )) sont form& par addition successive du nucl6oside diphosphate (NDP) et du (PA), suivant les Bquilibres :

/NDP E + = E - N D P Z E (1) =,’ \(PA),

ou /NDP

E = E - (PA), 2 E\ (2) (PA),

le magnesium intervenant L l’une ou l’autre des &apes. Or, le (PA), n’a pas d’af6nit6 mesurable pour l’enzyme en absence de:NDP. Les Km mesur6s dans les conditions d’6change ou de polym6risation sont donc K, et K,’ [kquilibres (i)] et non pas K, et K,’ [Bquilibres (Z)]. Les vitesses maximales de reaction &ant du m6me ordre de grandeur, on peut supposer que les compIexes actifs sont peu diff6rents avec 1’ADP et avec le dADP et que 1’6nergie de liaison totale est similaire dans les deux cas, c’est-b-dire que le produit K,K,’ avec le dADP doit &re voisin de ce qu’il est avec 1’ADP. Ceci concorderait avec la similitude des Km pour (pA),dpA et (PA), dans la phosphorolyse. En presence de dADP, le Km du (PA), est en moyenne 1200 pM, et le Km du dADP est 25 pM (ce K m exprim6 en dADP libre concorde avec son Kt dans la polymerisation de 1’ADP) ; le produit est 0,03(mM)2. En presence d’ADP, le Km du (PA), dans 1’Bchange est de 12 et le Km de 1’ADP libre est de 2000pM. Le produit est dors 0,024 (rnM),. Les produits KJ,‘ sont done similaires avec 1’ADP et le dADP.

On peut maintenant pr6ciser l’influence du 2’OH du ribose dans deux de ses positions possibles sur l’enzyme :

a) b l’extr6mit6 d‘un oligonucl6otide en cows de phosphorolyse, le remplacement du ribose par le 2’ d6soxyribose ne modifie fondamentalement ni la vitesse maximum de phosphorolyse, ni le Km de l’oligonucl6otide. Le remplacement de 1’ADP par le d6soxyADP dans 1’6longation, bien que conduisant L une modification des affinit6s individuelles pour les substrats, ne semble pas modifier 1’Bnergie totale du complexe actif (( Enzyme-NDP-oligonucl6otide o, comme nous venons de le voir, et ne change pas non plus l’ordre de grandeur de la vitesse maximale d‘dongation ;

b) par contre, lorsqu’on remplace le ribose par le 2’ desoxyribose L l’extr6mitd d’un oligonucl6otide en cours d‘Blongation, l‘enzyme ne r6agit plus qu’avec une vitesse tr&s faible (0,4O/,, de la vitesse normale

dans le cas du trinucl6otide) bien que le K , pour l’oligonucl6otide ne soit que trks peu modifid. Le 2‘OH ne semble donc pas n6cessaire L la stabilisation du complexe actif, mais plutot b son Bvolution ult6rieure vers la formation d’une nouvelle liaison internucl6otidique.

L’hydroxyle 2‘ n’est d’ailleurs pas absolument indispensable b la reaction en tant que groupement chimique, puisqu’il est possible, bien que trAs lentement et dans des conditions spdciales, de poly- meriser le 2’0MeADP [19] et le 2’OMeCDP [ Z O ] . La conformation de l’oligonucleotide ou du r6sidu terminal de l’amorceur serait le facteur ddterminant. I1 a en effet 6tB montr6 [21] que la conformation des oligonucleotides et des polymkres contenant du d6soxyribose est diff6rente de celle des polymeres contenant du ribose, et que les propri6tQs du poly 2’0MeC sont plus proches de celles du poly rC que du poly dC [ZO]. Nous avons essay6 de mettre en Bvidence cette diffBrence en comparant les spectres de dispersion rotatoire optique du (PA), et du (pA),(pdA),. Malheureusement les d6soxy ne sont pas assez nombreux pour amplifier cette dEQrence au point de la rendre d6celable. L’influence de la con- formation des substrats sur I’activitQ de la poly- nucl6otide phosphorylase a 6th montr6e par ailleurs avec le poly 8-BrG [ 2 2 ] ; celui-ci, qui a la conforma- tion ctsyn,, n’est pas phosphorolys6 par la poly- nucl6otide phosphorylase, mais est au contraire inhibiteur; les substrats ont, en revanche, la con- formation (tanti )).

Ce travail a bBnbficib des subventions suivantes, ac- cordbes B Mme Grunberg-Manago: Centre National de la Recherche Scientifique (G. R. no. 5 ) ; DBlBgation GBnBrale i la Recherche Scientifique e t Technique (ComitB de Biologie Molbculaire, Convention no. 66000020) ; Ligue Nationale Franpaise contre le Cancer (Comitk de la Seine); Fondation pour la Recherche MBdicale Franpaise; e t d‘une contribution du Commissariat B 1’Energie Atomique. Mme Bon est boursiere de la Ligue Nationale Franpaise contre le Cancer.

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S. Bon, T. Godefroy e t M. Grunberg-Manago Institut de Biologie Physico-Chimique 13 Rue Pierre e t Marie Curie, F-75 Paris 5, France