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RésuméS'iln'étaitpaspassédevantchezelleaumomentoùl'incendies'étaitdéclaré,s'ilnel'avait

pas arrachée aux flammes et aidée àmettre aumonde l'enfant qu'elle portait, jamaisRickn'auraitgoûtéauxjoiesde lapaternité!Carnoncontentdesauver lamèreet l'enfant, il lesavaitrecueillis tousdeuxdans lagrandemaisonoùilhabitait,etseretrouvaitdans lapeaud'unpapamodèle!Maiscen'étaitpaslaseuledécouverteàlaquelleRickétaitconfronté.Carlamaman de la petite Rachel n'était autre que Joanna, son premier et unique amour, quil'avaitquittéhuitansauparavantalorsqu'ilsétaientfousamoureuxl'undel'autre.EtmêmesiRickenvoulaittoujoursàlajeunefemmedel'avoirabandonné,ilnepouvaitluttercontreledésirqu'elleluiinspiraittoujours...

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Cetouvrageaétépubliéenlangueanglaisesousletitre:

ABACHELORANDABABY

TraductionfrançaisedeLUCYALDWYN

HARLEQUIN®estunemarquedéposéeduGroupeHarlequin

etPassion®estunemarquedéposéed'HarlequinSA.

OriginallypublishedbySilhouetteBooks,divisionofHarlequinEnterprisesLtd.

Toronto,Canada

IllustrationdecouverturePèreetfils:©PIERREARSENAULT/MASTERFILE

©2003,MarieRydzynski-Ferrarella.©2005,Traductionfrançaise:HarlequinS.A.

83-85,boulevardVincent-Auriol,75013PARIS-Tél.:0142166363ServiceLectrices—Tél.:0145824747ISBN2-280-08377-9–ISSN0993-443X

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1.Que faisait donc Rick Masters, l'héritier de la toute-puissante firme Masters et Cie, à

traînerdanslesruesdeBedfordauvolantdesavoiture?Lefaitavaitdequoisurprendrequiconqueleconnaissait.Cen'étaitpasdansseshabitudes

dedélaisserlebureauetdes'aventurerdansdesquartiersplusoumoinsbienfréquentésàlanuit tombée.D'autant qu'une pile de documents attendait sa signature et que le destin deplusieurs centaines de personnes dépendait de sa décision de délocaliser ou non le siègesocialdelacompagnieici,enCalifornie.Alors,quepouvait-ilbienfaire là,àparcourirsansbut lesruesdésertesdecettebanlieue

populaire?Sans but? Non. Il savait très bien où il allait, depuis qu'il avait cédé à la tentation de

regarderdansl'annuaire.Elle habitait toujours Bedford, à la même adresse. Dans la vieille maison dont il rêvait

encorelessoirsdeprintemps.Commecesoir.Ceretoursurleslieuxquilehantaient,était-ceuneerreur?Undéfi–qu'iln'auraitpasdû

relever?Celanonplusn'étaitpasdansseshabitudes.Iln'avaitjamaisbaissélesbrasdevantl'obstacle.Detoutefaçon,ilétaittroptard!Ilyétaitpresque.Perdudanssespensées,ilgrillaunfeu

rougeetjetauncoupd'œilinquietdanslerétroviseur.Pasdevoituredepoliceenvue!Toutefois,celaluidonnaàréfléchir.Pasquestiondeselaisseremporterparsesémotions

commecelaluiétaitdéjàarrivé.Unefois.Etait-cedessièclesauparavant?Oubienhier?Ilbalayaduregardcesruesoùilavaitgrandi.Bizarredes'yretrouver.Encoreplusbizarre

desavoirqu'ellen'avaitpasquittélaville.Car,unefoissadécisionprisedequitterBedford,iln'avaitrienvoulusavoird'elleetdeses

projets. Puisqu'elle l'avait rejeté, il n'avait plus rien à voir avec elle.Loin des yeux, loin ducœur.Ontournelapage.Il prit unvirage àdroite etdécouvritun centre commercial à laplaceduboisd'orangers

dontilsesouvenait.Enhuitans,lavilles'étaitconsidérablementdéveloppée.Etlui?Avait-ilautantchangé?Oui etnon.D'un côté, il se sentait bienà saplacede vice-présidentde la firmeMasters,

d'un autre, il était toujours le grand adolescent follement amoureux, mal remis de sadéception.Unamourmalplacé.Cequ'ilignoraitalors.Etqu'ilavaitdécouvertparlasuite.Çaluiapprendrait!Ilavaiteffectivementbeaucoupappris.Ils'était lancéàcorpsperdudansletravail,s'était

préparéàfondàassumerunjourlaresponsabilitédelafirmefamiliale.Ilavaitcommencéenbasdel'échelle,passantpartouslesstadesafindemaîtrisertouslesrouagesdel'entreprise.Celaluiavaitpermisdesesentirprêtàremplacersonpèrequand,enoctobredernier,HowardMasters, victime d'une crise cardiaque, avait décidé de passer lamain. La transition s'étaiteffectuée sans à-coups et, désormais, toute sa vie, toute son énergie étaient entièrementdévoluesàlagestionetauxaffaires.Pourquoipas,puisquelaseulepersonneenquiilavaitmissaconfiancel'avaittrahi?Ill'avaitcherché,sedit-ilamèrement.Nejamaislaisserlecœurprendrelepassurlaraison.

Jamaisplus.Ilauraitdûécoutersesparents,quil'avaientprévenuàmaintesreprises:danssaposition,illuifallaitchoisirsesamis,etsurtoutsesamours.Ill'avaitcomprisàsesdépens

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ettroptard.Maisc'estlegenredeleçonquines'oubliepas!Alors,encoreunefois,quefaisait-ilàtraînerdanscesruesquimenaientchezelle?Ilnele

savaitpasetnevoulaitpaslesavoir.Celanel'empêchapasdecontinuer!Iln'étaitpourtantpasdugenreàsetorturerl'espritetàrécrirel'histoire.Plutôtàallerde

l'avant.C'estcequil'avaitpoussé,huitansplustôt,àtraverserlecontinentpourserendreàAtlanta,enGéorgie, làoùsetrouvait lesiègesocialde la firmecrééeparsonarrière-grand-père.IlavaitfalluquedeschangementsrécentsdanslesdonnéeséconomiquesincitentàunedélocalisationenCaliforniepourqu'ilrevienneàBedford.D'autantplusqueHowardMasters,remisdesonattaque,souhaitaitserapprocherdespostesdecommande.Bienqu'affaibli,ilnerenonçaitpasàdirigerl'entreprise,cequeRickcomprenaitcarlesuccèsdeMasters&Cieétaitl'œuvre de son père. Il avait transformé la petite entreprise artisanale en une firmeflorissante,d'envergurenationale.Malgré cela, Rick n'avait pas montré beaucoup d'enthousiasme pour ce changement

d'adresse.Jusqu'àcequ'ildécidedetireruntraitsurlepassé,qu'ilsedise:mesamoursavecJoannaappartiennent àunepériode révolue.Depuis, il avait comprisqu'onne construisaitpasuneviesurdessentimentsmaissurdesactes.Illuisuffisaitdes'enréféreraucouplequ'avaientformésesparents,parfaitenapparence,

auxyeuxdumonde,desjournalistes...toutautredanslaréalité.L'amour, à ses yeux,n'étaitqu'une illusiondécevante,un sentiment éphémère tout juste

bon à enflammer l'imaginationd'adolescents attardés. L'amourn'avait pas sa place dans lavraievie.Dans la vie qu'il avait choisie.De lui dépendait le sort de milliers de personnes. C'était

autrementimportant...Il se faisait tard, remarqua-t-il, et il avait beaucoup à faire. Il ferait mieux de rentrer

travailler.Lanuitétaitdouceetclaire.Ilroulaitfenêtresouvertes:laMustang'64qu'ilaffectionnait

n'avait pas de climatisation. Pour faire plaisir à son père, il utilisait uneMercedes pour serendre au bureau; mais il refusait de renoncer à la Mustang pour ses déplacementspersonnels.Malgrélessouvenirsquiyétaientattachés.Oubienàcaused'eux?LapremièrefoisavecJoanna.Leursprojetsdefuiteenamoureux...Auprochaincarrefour,ilseraitàdeuxpasdechezelle.Il se rappela le contact enivrant de sa peau douce, le plaisir troublant de l'étendre sur

l'herbedelaprairiederrièrelarésidenced'étédesesparentsetdeluifairel'amour.Touslesdeux,fousamoureux,seulsenversetcontretous...Jusqu'àcequ'ildécouvrelavraienaturedelafemmequ'ilaimait.Rick plissa le nez, fronça les sourcils, huma l'air : une odeur de fumée lui piquait les

narines.Quelqu'unseréchauffaitauprèsd'unfeudecheminée.Romantiqueendiable!Irrité contre lui-même, il chercha un endroit où faire demi-tour. Y renonça. Intrigué par

l'odeurdefumée,deplusenplusenvahissante.Qu'est-cequilepoussaàaccélérer,àgrimperlacôteàtouteallure?Iln'ensaurait jamais

rien.En haut de la pente, le spectacle se révéla impressionnant.Le ciel était noir, envahi de

lourdsnuagesdefumée.Joannarêvait.Piedsnus,enchemisedenuit,ellecouraitdansunchampinterminable,se

perdait dans la brume. Elle luttait contre le brouillard qui l'enveloppait, planait au-dessus

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d'elle,menaçant.Brouillard?Non.Fuméeplutôt.Bah!L'effetétaitlemême.Ellerepritsacourse,appelantàl'aide.Ildevaitbienyavoirquelqu'un...Personne.Elleétait

seule.Chaquefoisqu'ellecroyaitdistinguerunesilhouette,celle-cis'évanouissaitetsesbrasne

rencontraientquelevide.Elle se raisonna, le cœurserréd'angoisse : cen'étaitqu'unrêve.Enouvrant lesyeux,elle

retrouveraitlaréalité.«Réveille-toi!»s'adjura-t-elle.Aprèsunefforténorme,ellefinitparouvrirlesyeux.Aussitôt,ellelesreferma,surprisepar

unefuméeacrequiluiemplissaitlespoumonsetl'étouffait.Malgrésonventrevolumineux,elleréussitàs'asseoir.Elleavait lesentimentd'êtreenceintedepuisdessiècles,entoutcasdepuisplusdeneufmois.Lesyeuxlarmoyants,toussant,elleréalisaqu'ilnes'agissaitpasd'unrêve.Pourquoiavait-

ellesichaud?Elleavaitéteintlechauffageavantdesecoucher...Aucundoute:samaisonétaitenfeu.Maladroitement, elleglissaenbasdu lit, attrapasa robedechambreet l'enfilaaussivite

qu'elleleput.Piedsnus,elleouvritlaportepourlarefermeraussitôt:lesalonétaitlaproiedes flammes, lui coupant toute possibilité de sortie. Des flammèches s'attaquèrent à sonvêtement.Ellehurlaetl'enleva,paniquée.Rickprit le tournantsur leschapeauxderoues.Enmêmetemps, ilappelait lespompiers

sursonportable.Deux maisons étaient touchées par l'incendie. L'une d'elles était presque complètement

ravagée.Comme il refermait l'appareil, il entendit un hurlement en provenance de lamaison de

Joanna.Ilarrêtalavoiture,coupalemoteuretbonditau-dehors.Cecri!Cen'étaitpaslamèredeJoanna.Unlocataire?Non.C'étaitJoanna,elle-même.Elleétaitlà,quelquepartdanscebrasier.Ilfallaitqu'ill'en

sorte!D'unrapidecoupd'œil,ilévalualasituation.Lefeuavaitdûprendredanslamaisond'àcôté,engrandepartieconsumée.Pourlemoment,seull'arrièredelamaisondeJoannaétaitatteint.Làoùsetrouvaientleschambres.Ilfonçaverslaporte.Massive.Ferméeàclé.Aucunespoirdel'ouvrir:sescompétencesn'allaientpasjusqu'àforcerlesserrures.Il ôta sa veste, s'en enveloppa lamain et le bras et, d'un coup sec, enfonça la vitre de la

fenêtre.Leverreéclata,serépanditsurlesol.Enhâte,ilretiraleplusgrosdesmorceauxet,se glissant par l'ouverture, entra dans lamaison. Il prit juste le temps de déverrouiller laported'entrée,cequi,espéra-t-il,leurfaciliteraitlasortie,ethurladetoutessesforces:—Joanna!Oùes-tu?Lavuedusalonenflammesavaitmomentanémentarrêté la jeunefemmedanssonélan.

C'estalorsqu'elleentenditqu'onl'appelait.Soncœurbattitlachamade.Rêvait-elleencore?Commentexpliquer,sinon,qu'elleavaitcrureconnaîtrelavoixdeRick?Rickétaitsortidesaviehuitansplustôt.Sansunmotd'explication.CedevaitêtreunpompierdontlavoixressemblaitétrangementàcelledeRick...—Là,cria-t-elle.Jesuislà.Sagorgeétaitsèchecommel'enferetelleavaitdumalàarticuler.—Danslachambre,àl'arrièredelamaison.Lesyeuxlapiquaient,ellen'yvoyaitrien.

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—Jesuiscoincée,aidez-moi,souffla-t-elled'unevoixrauque.GrâceàDieu,Rickl'entendit.Lefeu,rugissanttelleunebêtesauvage,gagnaitjustementl'arrièredelamaison.Ilfallait

fairevite.Joannaétaitlà,endanger,encoreenvie.Ilréfléchitàtoutevitesseetseprécipitadanslacuisine.Ilarrachalanappedelatable,la

trempasouslerobinetetfonçaendirectiondesavoix.Ilseheurtaàunmurdefeu,etcriadenouveau:—Joanna,oùestu?—Là,jesuislà.Ellenepouvaitpasouvrirlaporte,etquandellevoulutatteindrelafenêtre,elles'aperçut

queletapisetunepartieduplanchercommençaientàflamber.Soudain, quelque chose déboula sur le parquet, à travers les flammes.Une silhouette se

releva:unhomme.La pièce se mit à tourner devant ses yeux, et elle crut voir Rick Masters, la tête et les

épaulesenveloppéesdanssanappedecuisine,seruersurelle.Illarecouvritdelanappe,luiappliquantletissumouillésurlevisageetlabouche.Elletentaderespirer,maislafuméeluibrûlaitlespoumons.—Allons-y.Ces mots résonnèrent dans sa tête. Elle allait mourir, dans les bras d'un inconnu, en

pensantàRick...L'hommel'entouradesesbras,lafitfranchircequiluiparutêtreunrideaudefeu.Joanna

voulutluifairecomprendrequ'ellen'yparviendraitpas,maisl'hommeneluienlaissapasletemps;illapoussafermementdevantlui.Elle se sentit trébucher, tomber. L'instant d'après, elle était emportée par des bras

puissants au milieu d'une fournaise infernale. La chaleur était partout, la douleur aussi,fulgurante.Elleavaitl'impressionqu'onladéchirait.Unedouleurinterneirradiaittoutsoncorpsetl'enserraitdansunimplacableétau.Ellese

morditlalèvremaisuncriluiéchappa,lasecouantdelatêteauxpieds.Toutàcoup,elleréalisaqu'ilsétaientsortisdelafournaiseetqu'onladéposaitsurl'herbe.

Ellesedégageadutissumouilléetaspiral'airavidement.Elletournalatête,s'attendantàceque sonhallucination se dissipe.Or l'hommeassis à côté d'elle, haletant et dégageant uneintenseodeurdefumée,persistaàêtre...celuiqu'ilétait.C'étaitfou!Rickaspiraàfondplusieursfois.Dèsqu'ilputrespirerpresquenormalement,ils'inquiéta

denevoirpersonnesortirdubrasieretserelevasurdesjambesencoretremblantes.—Jevaisvoirsijepeuxaider,dit-il.IlsentitlamaindeJoannasursonbras,leforçantàserasseoir.—Iln'yapersonne.Ilssonttousenvacances,dit-elleentredeuxhoquets.Elleclignadesyeux:ilétaittoujourslà.—Etcheztoi?—Personne,dit-elle,hochantlatête.Ilserassitsurl'herbe,lecœurbattantàtoutrompre.—Celaira?demanda-t-ilsuruntonpeuaimable,commes'ilétaitencolère.De quel droit? s'étonna-t-elle. C'était à elle d'être en colère contre lui. Pour l'avoir

abandonnée,nepass'êtreinquiétéd'ellecommeellel'avaittantespéré.Etmaintenant,était-elleentraindeperdrelaraison?—Rick?Qu'est-cequetufaislà?murmura-t-elle.

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Ilfutprisdel'enviefolledelaprendredanssesbras,del'embrasser,d'oublierlemondeetsescontingences.Maisilfutretenuparlaconstatationquesi, lui,n'avaitpasavancédanslavie, il n'en allait pasdemêmepour ellepuisque, apparemment, elle étaitmariée et portaitl'enfantd'unautre.Uneatroce jalousie luiétreignit lecœur.Desenfants!Ils'était imaginéqu'ilsenauraient

ensemble.Plusieurs.Dotésdelabeautédeleurmèreetdusenspratiquedeleurpère.Pourquoiledestinenavait-ildécidéautrement?—Jet'aidemandésiçaallait,dit-ildumêmetonsec.Elle en ouvrit la bouche d'étonnement. Il était bien réel. Ilétait bien là après toutes ces

annéesd'absence,laregardantaveccetairfurieux,agressif,qu'elleavaittoutfaitpouréviter.Commes'il lahaïssait.Ellevoulutrépondre,maisunedouleuraiguë la transperçaetuncrigutturaljaillitdufonddesagorge.Elleposasamainsursonventre,làoùsesituaitl'originedeladouleur.—Qu'est-cequ'ilya?fitRickquis'étaitmisàgenouxauprèsd'elle.Qu'est-cequisepasse?Il avait changé de ton. La colère de tout à l'heure avait fait place à l'anxiété et il tendit

l'oreilledansl'espoird'entendreapprocherlapoliceetlespompiers.Maisrienn'indiquaitquel'incendie ait ameuté qui que ce soit. Pas une lampe allumée aux fenêtres des maisonsvoisines.Oùétaientlesgens?Joanna s'accrocha à son bras, lui enfonça les ongles dans la peau tandis que son visage

blêmesetordaitdedouleur.Ce n'était pas possible que cela arrive maintenant, essaya-t-elle de se persuader. Il s'en

fallaitencorededeuxoutroissemaines.C'estcequeledocteurluiavaitpromis.Encoreunepromessequineseraitpastenue,sedit-elle,amère.CommecellesqueRicket

elleavaientéchangéesautrefois.—Lebébé,haleta-t-elle,espaçantlesmots.Jecroisquelebébénevapastarderàarriver.

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2.Souslechoc,Ricklaregarda,interloqué,passantdesonvisageàsonventre,revenantàson

visage,l'interrogeantdesyeux,n'osantpascomprendre.—Tuveuxdirebientôt,dansquelquetemps?Ilavaitmalentendu,sedit-il.L'émotion,lapanique.—Non.Maintenant.Reprise par une contraction, Joanna lui serrait le poignet avec une force telle qu'il ne

sentaitpluslesangcirculer.Desonautremain,ildesserrasesdoigts,puislarassura:—Tiensbon,lespompiersnevontpastarder.Ilavaitcependantl'horriblepressentimentqu'ilsneseraientpaslààtemps.Joannasecoualatête,déchiréeparladouleur,etditentredeuxhalètements:—S'ilsn'arriventpasdanslaminute,ceseratroptard.Ellelevalesyeuxverslui.C'étaitincroyablequ'ilssoientréunisaprèstoutcetempsetdans

cescirconstances!Lavievousjouaitparfoisdestours!—Ilvafalloirquetum'aides.—Moi?Commentveux-tu...?serécria-t-il,épouvanté.Parmisesnombreusescompétencesnefiguraitpascelled'accoucheur!Endépitdesdouleurs fulgurantesqui la vrillaient, Joannaperçut sonangoisse etneput

quelecomprendre.Pourellenonplus,cen'étaitpascequ'elleavaitimaginé!—Jemepasseraisbien...d'accoucherdanscesconditions,dit-elle.Maisjesens...quec'est

lemomentetj'ai...besoind'aide.Parler devenait difficile. Les contractions, de plus en plus pénibles, se succédaient

rapidement,absorbant toutesonénergie.Etelledevaitenplus luttercontre lapaniquequimenaçaitdelasubmergeràl'idéedemettresonenfantaumonde,touteseule,dansl'herbe,alorsqu'àquelquesmètreslefeudévastaitsamaison!Rick jeta un regard circulaire aux autres habitations, toujours plongées dans le noir.

Commentsefaisait-ilqu'iln'yeûtpersonne?Peuimportait.L'essentielétaitailleurs:Joannaavaitbesoindelui.C'étaitlasecondefois

de saviequ'il se sentait complètementdémuni.Lapremière fois, celaavait aussi concernéJoanna...Ilsemitàcroupetons.—Ilyasûrementquelqu'undanslequartier.Tiensbon.Jevaischercherdel'aide.Elle resserra son emprise sur son poignet et le tira vers elle avec une force dont il ne

l'auraitpascrucapable.—Reste,dit-elledansunsouffle.Nemelaissepas.Tuvasm'aider.S'ilteplaît...Rick,ému,s'inclina.Cessimplesmots luiallaientdroitaucœur.Commeavant,elleavait

toutpouvoirsurlui...—D'accord.Il la vit alors tressauter violemment, se raidir.Ses yeux s'agrandirent et elle semordit la

lèvrejusqu'ausang.Puisuncrid'agonieluiéchappa:elleavaitl'impressionqu'onlasciaitendeuxparlemilieu.«Pousse,pousse,respire»,marmonna-t-elle.C'étaitlemomentoujamaisdeserappelerce

qu'elleavaitretenudesséancesdepréparationqu'elleavaitsuiviesàl'hôpital!SiRickignoraittoutdelafaçondontsepassaitunaccouchement,ilestimaquecelaprenait

dutemps,quelebébén'allaitpasvenirtoutdesuite.Ellesetrompaitcertainement.—Tucroisquec'estvraimentmaintenant?demanda-t-il.

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Grandsdieux,commentpouvait-onsouffriràcepointetsurvivre,pensaJoanna,auxprisesavecunenouvellecontraction.—Oui,j'ensuissûre.Elles'agrippaàsamaincommeàunebouéedesauvetageetréussitàs'asseoiràdemi.Ne

devait-elle pas adopter une respiration syncopée? Elle s'y appliqua, ce qui fit reculer lapanique.Ellesesouvintqu'onnepouvaitpasrespireretpousserà la foisetespéraqueseshalètementsretarderaientcebesoindepousserquilatenaillait.Avantdefaireappelàunebanquedusperme,elleavait lutoutcequ'elleavaittrouvésur

l'accouchement.Elleavaitdoncpris sonparti enconnaissancede causeet rienne lui avaitfaitregrettersadécision.Mêmepasquandleconseild'administrationdesonécole luiavaitsuggéré,àdemi-mot,deprendreuncongésanssolde.L'institutionoùelleenseignaitl'anglaisétait du genre collet monté et un professeur, sans mari, attendant un enfant, attirait laréprobationdecertainsparents.Malgrécela,ellen'avaitpasflanchéetsesentaitcertainedevouloirassumerseuleunesituationqu'elleavaitchoisie.Celadit,là,dansl'instant,sescertitudess'amenuisaientrapidement.Lapaniques'emparait

d'elle à l'idée du désastre qu'elle était en train de vivre. Sa vie en miettes. L'avenircatastrophique.Quefaisait-elle,sursapelouse,àcôtédesamaisonenfeu,entraindemettreaumonde un enfant sans père, avec pour seul support, par quel caprice du destin, le seulhommequ'elleaitjamaisaimé–etquil'avaitabandonnée?Elle eut le sentiment de perdre pied, d'être complètement dépassée par des événements

absurdesetmalveillants.—J'aipeur,dit-elle.—Moiaussi,ditRick.Commeautrefois,avecelle,ilnefaisaitpassemblant.Avecelle,ilpouvaitêtrelui-mêmeet

avouer ses faiblesses. Elle seule savait quel adolescent il avait été, quel homme il s'étaitefforcédedevenir.Pourlesautres,ilavaitaffichéunaplombsansfailles,adoptéuneattitudearroganteetglacée.Ilredressalesépaulesets'évertuaàserassurer,àlarassurerégalement.—Desmilliersd'enfantsviennentaumondetouslesjours,dit-il.Celui-làferacommeles

autres.Mais celui-là était l'enfantdeJoanna. Il se frayaitunchemindifficile,déchirant tout sur

son passage. Du moins, c'est ce que ressentait la jeune femme, dans les griffes descontractions.Agrippant desmains les touffes d'herbe, le corps tendu, arqué, elle tentait desortirducarcandedouleurquil'emprisonnait.Rickseditqu'ilfallaitunecouverture,quelquechose.Ilnetrouvaquelanappemouilléeet,

tantbienquemal,laglissasouselle.—Pastrèsstérile,dit-il,maismieuxquel'herbe.Joanna se concentra sur ce qu'elle avait appris à l'hôpital. Là, elle avait rencontré trois

autresfuturesmamans,devenuesdesamies:«l'escadrondesMammas»,pourlesintimes.Maiscelanel'aidapasquand,denouveau,soncorpssecontractaetqu'elleeutlasensationd'êtreuneboîtedeconservequ'oncherchaitàouvriravecunouvre-boîteédenté.«Relaxe-toi...»C'est alors qu'elle hurla sans retenue, surprise par l'intensité de la douleur subite,

infinimentplus forteque lesprécédentes–résignéeàmourir sous lescoupsdeboutoirdecessouffrancessansfin.Rickserejetaenarrière,lamainsursonoreille,etquandlecris'arrêta,tentadeplaisanter:— Heureusement que j'ai deux oreilles. Celle-ci est hors d'usage pour un bon bout de

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temps.Enmêmetemps,ilréalisaqu'iln'étaitpasàsaplace,quecen'étaitpassonenfant.Unautre

queluiauraitdûêtrelà,prèsdesafemme.Unegrandetristesses'abattitsurluietildit:—Ilyaquelquechosequinevapas.—Qu'est-cequinevapas?s'affolaJoanna.Monbébé?—Non,non,net'inquiètepas.Mais...c'esttonmariquidevraitêtreàmaplace.Oulespompiers,ajouta-t-ilenlui-même.—Pasdemari,ditJoanna.Ellen'eutpas le tempsdecontinuer : les contractions se succédaient sans trêve.Bientôt,

ellecria:—Jelesens.Ilsort.Rickn'eutqueletempsdemettresesmainsenposition:latêtedubébéapparaissait.Un

liquidecoulasursesmains,etilsentitlatêteglisserhorsdel'ouverture.Nomd'unchien,quefichaientlespompiers?Etaient-ils lesderniersrescapésdelaplanète, livrésàeux-mêmes–luttantpourl'arrivéed'unenouvellevie?—Tire,haletaJoanna.Sors-le.Lebébéétaitun tiersdehors,deux tiersdedanset...plusdecontractions. Il jetauncoup

d'œilàJoanna.Elleétaitblême,sansforces.Ilcrutqu'elleallaitmourir,là,soussesyeux.Illasecouad'unemain,hurlantàsontour:—Jenepeuxpaslesortir,ilfautquetupousses!—Jenepeuxpas,fit-elled'unevoixàpeineaudible.Tire.Soudain,ladouleurreprit,luicoupantlarespiration.Rickavaitraison:ellen'auraitjamais

dû avoir ce bébé.Elle n'aurait pas dû renoncer à lui sans lui dire pourquoi.Elle avait toutfaux.Troptard.—Pousse,ordonnaRicksèchement,l'estomactorduparlafrayeur.Illefaut.Lanappe était trempée de sang et il ne savait pas si c'était normal.Allait-ellemourir là,

alorsqu'ilétaitàcôtéd'elle,totalementimpuissant?—Joanna,pousse.Tudoisyarriver.Elle rassembla ses forces avec l'énergie du désespoir. Il ne fallait pas qu'ellemeure; son

bébéavaitbesoind'elle.Despenséesidiotestournaientdanssatête.Siellenepoussaitpas,siellen'arrivaitpasàlefairesortir,ilsmourraienttouslesdeuxetseraiententerrésdanscettepositionridicule!Elle crut entendre des sirènes, des cris. Qu'importait! Elle poussait de toutes ses forces.

Encoreetencore,à la limitedutolérable,pourquetoutsoit finiauplusvite,pourquecelas'arrête.Brusquement, un petit cri lui parvint, plus faible que les autres bruits, plus doux.Elle se

renversaenarrièresurlanappe,épuisée,cherchantsonsouffle.Rickregardaitsansycroire lemiraclequ'il tenaitdans lesmains.Tropsous lechocpour

réagir,ilsentitquelquechosed'énormeleremuerauplusprofonddesonêtre.—Tuasunepetitefille,murmura-t-ilàJoannad'unevoixempreintedecrainte.S'iltranspiraitilserendaitcomptequ'ilfaisaitfrais,qu'ilfallaitprotégerlebébé.Ilretirasa

chemiseetl'enenveloppa.Lenouveau-néavaitd'immensesyeux,grandsouverts.UnevoituredepompiersfituneentréebruyantequeRickremarquaàpeine.Tropabsorbé

parlacontemplationdubébé.L'enfantdeJoanna.Autour d'eux, la scène devenait surréaliste. Des appels, des cavalcades. Un pompier

s'approcha,vitcequ'ilenétait,s'accroupitet,posantlamainsurl'épauledeRick,demanda:

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—Çava,vousdeux?—Trois,corrigeaRick,serrantlebébécontrelui.—Jevoisbien.—Ilfautl'emmeneràl'hôpital.Celan'apasétéfacile.Lepompierfaisaitdéjàsigneàl'ambulancequivenaitd'arriver.Onapprochaunbrancard,

unecouverturedesurvieetunsecouristeluipritlebébédesmains.—Ons'enoccupe,dit-il.—Ya-t-ilquelqu'unàl'intérieur?s'enquitlepompier,montrantlamaison.—Non, je ne crois pas, réponditRickqui se sentait frustrédepuis qu'on lui avait enlevé

l'enfant.Joannaétaitdéjàsurlebrancardetilsl'emportaientversl'ambulance.Rickreculapourles

laisserpasseretlepompierdemanda:—Vousêteslepère?—Non,dit-il.Unbonsamaritaindefortune.Jemesuistrouvélàparhasard.C'esttout.IlévitaderegarderJoannaet,seretenantdelasuivredansl'ambulance,reculaencorepour

quelespompiersdéploientleurstuyauxetarrosentl'incendie.—Lapetitedameaeudelachancequevoussoyezdanslesparages,ditlepompier.L'ambulance fitmarche arrière, le gyrophare entra en action et, bientôt, les feux arrière

disparurentaucoindelarue.Unenouvellefois,Joannasortaitdesavie.Rick,telunzombie,sedirigeaverssavoiture.D'unœilindifférent,ilcontemplal'agitation

derrière lui. Les pompiers se démenaient sans compter pour empêcher que l'incendie sepropageauxbuissonsetgagnelescollinesalentour.Aucundoute,estimaRick.Ilétaitbonpourlepsy!Ils'étaitd'abordrendusurlesiteretenupourybâtirlenouveausiègesocialdeMasterset

avaitconsciencieusementtoutexaminéetprisdesnotes.Puis,aulieuderevenirdirectementauxbureauxdelacompagnie,ilavaitfaitundétour.IlétaitpasséchezJoannaserendrecomptedesdégâtscausésparl'incendie,dansl'espoir

quecelane seraitpasaussi catastrophiquequ'il craignait. Il savait,par lespompiers,que lefeu avait effectivement commencé dans la maison mitoyenne, probablement à cause d'uncourt-circuit. Cette dernière était pratiquement détruite : seuls des restes calcinés sedressaientversleciel.Enrevanche,lespompiersavaientréussiàsauverlaplusgrandepartiede lamaisondeJoanna,mêmesi, après inspection, il estimaqu'elle serait inhabitable tantquedesréparationsd'importancen'auraientpasétéfaites.Ilhaussalesépaulesetrepritladirectiondesavoiture.Passonproblème.C'étaitàellede

s'arrangeraveclepèredesonenfantpourqu'elleetsonbébésoientàl'abri.Quantàlui,sonrôleétaitterminé.Ilavaitfaitcequ'ilpouvait.Sans l'avoir vraiment décidé, il se retrouva néanmoins sur le chemin du BlairMemorial

Hospital,làoùelleavaitététransportéelaveille.Joannan'eutpasl'airsurprisedelevoirentrerdanssachambre.Ilsbavardèrentdechosesetd'autres,maladroits,gênés.Ricknesedécidaitpasàpartir.Il

voulaitensavoirplussursasituation.—Hier,tum'asditquetun'étaispasmariée...,commença-t-il.Il s'arrêta, furieux contre lui-même. Il s'était pourtant promis de ne pas lui poser de

questions!—Exact,dit-elle.—Divorcée?

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—Non.—Veuve?Ellesoupira,tortillasondrapetsedemandas'ilétaitréapparudanssavieuniquementpour

jouerlesColombo.—Non.Mêmepasfiancée.Ellesemoquaitdelui,pensa-t-il.Etilétaitloind'apprécier.—C'estquoialors?LeSaint-Esprit?Joanna,quiestlepèredecetenfant?Ellerespiraàfondetlança:—11375.—Pardon?—Numéro11375.Elle avait choisi le géniteur de son enfant dans un catalogue de la banque du sperme

décrivantlescandidatsetleurscaractéristiques–anonymement,biensûr.—Jen'ensaispasplus.Ellelevalesyeuxverslui.Savisiteàlacliniquel'avaitsurprise,certes,mais...Rienàvoir

avec son apparitionmiraculeuse de la veille.On se serait cru au cinéma! L'amant délaissésortant sa bien-aimée des flammes, au péril de sa vie! Après cela, plus rien ne pourrait lasurprendre.—Jen'ycomprendsrien,fitRick.C'estunespion?Unagentdesservicessecrets?—Non,avoua-t-elle.C'estunnumérosuruneéprouvette.Elle le vit froncer les sourcils, prendre sonair sombre, et compritqu'il pensaitqu'elle se

moquaitde lui.Malà l'aise,elleauraitpréféréne riendire;mais il luiavait sauvé lavieetméritaitqu'ellerépondeàsaquestion.—Jemesuisadresséeàunebanquedusperme,Rick.Ilcrutavoirmalentendu,tantilétaitabasourdi!—Pourquoi?—Parcequec'estlàqu'ilsconserventlesperme.Aquoirimaitcetteconversationstupide?sedemandaRick.Etd'abord,triplebuse,qu'est-

cequetufaislà?Tunevoispasquetuesenretarddehuitans?Ellesepassalalanguesurseslèvressèchesetpoursuivit:—Jevoulaisunbébé.Rickpritunechaise,l'approchadulitets'ylaissatomber.Toutcequ'iltrouvaàdirefut:—Ilyad'autresmoyensd'avoirunenfant.Elleeutsoudainenviequ'ilparte.Toutcelaétaittropcompliqué,troppénible.—Celaimpliqueunerelationintimeavecquelqu'un,remarqua-t-elle.Lessouvenirsaffluèrent.Rickrevitlesnuitsd'été,auclairdelune,rafraîchiesparlabrise

embaumée.Revitlafemmequ'iltenaitalorsdanssesbras.Cellequ'ils'étaitpromisd'aimerjusqu'àlamort.Cellequiluiavaitjuréunamouréternel.Drôled'éternité!—Ilparaîtquec'estlemeilleurcôtédelachose,dit-ilencoresuruntonsarcastique.Elledétournalesyeux.—Jesais.Jeconnais.Sonton ironique l'irritaet,parvengeance, il faillit luidemandersielleavaitétépayée. Il

renonçaàcettecruautégratuite,selevapourregarderparlafenêtreetsecontentad'observer:—Iln'yapersonnedanstavie?C'estcequetuveuxdire?—Ilyamonbébé.Elle sentait que l'enfant la comblerait de bonheur, remplirait sa vie. Pas besoin d'autre

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chose.—Jevoulaisdire,quelqu'und'unpeuplus...adulte?Lemoment était venu d'affirmer son indépendance, estima Joanna. De luimontrer que

toutne s'était pas arrêté le jour où il était parti, de s'inventerdes amants, une vie agitée...Maiselleétaittropfatiguéepourselivreràcegenrederouerieetreconnut:—Pasdanslesensoùtul'entends.Non.Pendant huit ans, il l'avait imaginée au bras d'un homme, riant comme il avait aimé

l'entendre rire–et cela l'avait rendu foude jalousie.Puis il s'était faitune raisonet s'étaitrésigné.Dumoinsl'avait-ilcru.Jusqu'àhier,quandill'avaitdécouverteportantl'enfantd'unautre.Il reporta son regard vers la fenêtre et le port. Une tempête se préparait et les bateaux

rentraientsemettreàl'abri.—Jesuispassévoirtamaison,dit-il.Joannaretintsonsouffle:samaison!—Alors?interrogea-t-elle,anxieuse.Ilfitdesonmieuxpouratténuerlesfaits.— Le feu n'a pas tout ravagé. Toutefois, elle n'est pas habitable telle qu'elle est en ce

moment.Lalueurd'espoirquis'étaitalluméedanslesyeuxdeJoannas'éteignit.—MonDieu!Quevais-jefaire?—Toutn'estpasperdu.Tuesassurée?Celaprendradutemps,maisonpeutlaremettreen

état.Elleétaitassurée,biensûr.Maiselleavaitprévudeprendreunehypothèquesurlamaison

afindebénéficierdesrevenuspourlessixprochainsmois.Letempsderetrouveruntravailetd'envisagerl'avenir...Or,lerendez-vousaveclabanqueavaitétérepousséd'unesemaineet,àprésent,c'étaittroptard.C'estcequ'elleluiexpliquaetelleconclut,atterrée:—Jen'aiplusnimaisonniressources!Il laregardalonguementavantde lui faire lapropositionlaplus inattendue.Pourelle.Et

pourlui.—Vienst'installerchezmoi.

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3.Les yeux écarquillés,muette de stupeur, Joanna se crut victime d'une hallucination. Les

vitaminesqu'elleavaitprisespendantsagrossesseluiauraient-ellesendommagélecerveau?ImpossiblequeRickaitsuggéréunetelleabsurdité!—Quedis-tu?Elleavaitlesyeuxencoreplusbleusquedanssonsouvenir,sedit-il,etildutprendresur

luipourrésisteràl'enviedes'yperdre,commeilavaittantaimélefaire.—Jeteproposedevenirvivrechezmoi...letempsquetut'organisesetqueturetombessur

tespieds.Qu'ellenecroiesurtoutpasqu'ils'agissaitd'autrechosequed'undépannage.Uncoupde

mainàuneamie,ensouvenirdubonvieuxtemps.Si Joanna l'avait pu, elle se serait levée et lui aurait claqué la porte au nez. Vu les

circonstances,elledutsecontenterderedresserlementonetdeprotester:—Jenedemandepaslacharité!Saréactionleblessacommesielleavaitrayéd'untraitcequiavaitexistéentreeux...jadis.

Comme s'ils étaient séparés par un abîme infranchissable, sans trop savoir pourquoi nicomment.—Sijet'avaisproposédel'argent,tupourraisparlerdecharité,dit-il,dissimulantsacolère

et sa déception. Je ne fais que te suggérer de t'installer dans des pièces inutilisées de lamaison.Ellecompritque,lorsdesesséjoursàBedford,ilrésidaitdanslapropriétédesesparents.

Or,c'étaitbien ledernierendroitoùelleavaitenviederemettre lespieds!Pasaprèscequis'étaitpassé!—Jenecroispasquetonpèreapprécieraitdevoirsademeureenvahiedelasorte!dit-elle

avecunpetitriresarcastique.—Unefemmeetsonenfantneconstituentpasuneinvasion,dit-ilavantqu'ellecontinue.Ildevinaitqu'ellegardaitdemauvaissouvenirsdelafaçondontsesparentsl'avaienttraitée

àl'époque.Pasàsajustevaleur.Samèren'étaitplus,maisilyavaitencoresonpère.—Mon père est parti en Floride se reposer, précisa-t-il. J'ai l'impression qu'il compte y

prolongersonséjour.CelafaisaitplusieursmoisqueHowardMastersn'avaitpasremislespiedsenCalifornieet

ilparaissaitpeudésireuxdelefaire.—Tuveuxdire,unesemaine,unmois?—Plusieursmois,àmonavis.GrâceàRick et à la téléconférence, saprésencen'étaitpasnécessaire àBedford.Rickne

s'enportaitpasplusmal.Moinsilcôtoyaitsonpère,mieuxils'enportait!—J'avaisoubliéquelesgensrichesprenaientdesvacancesquandbonleursemblait,lança

Joannad'unairblasé.Qu'ilsn'étaientpascommenous,simplesmortels.Pascommemoi,entoutcas.Son amertume étonna Rick. Cela lui ressemblait si peu. Qu'avait-il dit qui l'ait blessée?

Aucune idée.Mais, commesonpère le luiavait fait remarquerdesannéesauparavant, ilneconnaissaitpasréellementJoanna.Aulieuderenonceràlaconvaincre,quelquechoselepoussaàinsister.Etait-ceparcequ'il

pressentait qu'en dépit de sa fierté agressive elle avait désespérément besoin de son aide?Toujoursest-ilqu'ilajouta,àtitred'information:—MmeRutledgeesttoujoursavecnous.

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Enentendantcenom,lestraitsdeJoannas'adoucirent.Elles'étaittoujoursbienentendueaveclafemmedecharge.Sesparentségalement.—Oh!Commentva-t-elle?Ricksefélicitadecettepetitevictoire.— Bien. Elle refuse toute idée de retraite et continue de croire qu'elle sait mieux que

personnecequ'ilconvientdefaireentoutescirconstances.Joannasourit.—Ellemefaitpenseràmamère...Encore un sujet qu'il pouvait aborder en toute tranquillité. Rick avait vénéré Rachel

Prescott,etsouhaitéquesapropremèreluiressemble.Pendantlestroisansqu'avaitdurésarelationavecJoanna,ilavaitpasséleplusclairdesontempschezelle.—Commentva-t-elle?—Elleestmortel'annéedernière,dit-elle,baissantlesyeux.Uneimpressiondevidel'envahit,quetreizemoisdedeuiln'avaientpascomblée.Rick,quantàlui,sesentitcommefrappéparlafoudre.—Jesuisnavré...Jen'enairiensu.Lesmotsétaient impuissantsàexprimersonémotion.Ilposasamainsur lessiennesen

signedesympathie.—C'étaitquelqu'underemarquable.—C'estvrai.Uninstant,ellefaillitmettreunpointfinalàlavalse-hésitationqu'ilssejouaientdepuisun

momentensejetantdanssesbraspourypleurertoutsonsoûletluidirecombienilluiavaitmanqué au cours de ces mois de désolation. Ces longs mois où elle avait assisté à ladégradationdecellequi luiétaitpluschèrequetoutaumonde.Aulieudecela,elle leva lesyeuxetdit:—J'ailudanslejournalquetamèreaussiétaitdécédée.Jesuisdésolée.Rick marqua d'un signe de tête qu'il appréciait sa sympathie, mais ne s'attarda pas. Il

n'avaitjamaisétéprochedesamère,mêmependantsonenfance,etn'avaitdoncpasressentisapertecommelemalheurdesavie.Ilétaitrevenupourlesfunéraillesetavaitremplisondevoirfilial.Sansplus.Ilétaitaussitôtrepartilàoùl'appelaientsesresponsabilités.Peut-êtreavait-ilcraintégalementdenepastenirlecoupetdefairecequ'ilavaitfinipar

faire:chercheràrevoirJoanna!Cettedernièreessayaitdedéchiffrersessentimentssursonvisage.Elleavaitététentéede

se rendre à l'enterrement de sa mère, dans l'espoir de l'y apercevoir. Elle avait fini par yrenoncer: indigned'elle.Elles'étaitblindéeetavait faitensortedes'occuperaumaximumpours'empêcherdetropréfléchir.Uneautreraisonl'avaitretenued'assisteràlacérémonie:celaauraitindiquéunemarque

de respectenvers lamorte.Orellen'avaitqueméprispourelle et sonmari,depuis ce jourd'aoûtoùilsétaientvenusluioffrirunchèquesubstantiel.Uneseuleconditionàrempliretl'argentétaitàelle:laisserleurfilsvivresavie.Ilsavaient

faitappelàsonbonsenset,même,àsonamourpourRick!Ilsluiavaientdémontréqueleurfils était promis à un bel avenir et qu'il avait des devoirs envers sa famille. Qu'il devaitfréquenterdesgensdesonmilieu,que,s'ill'épousait,elleseraitunbouletqu'iltraîneraitetqu'il finirait par lui en vouloir, la mépriser. D'après eux, il lui fallait une femme avec lesmêmesgoûts,lamêmeéducation,unefemmequisacherecevoiretcontribueàsaviesociale.Qu'ilenallaitdesonbonheur.Ilsavaientavouéavoirquelqu'unenvuepourlui,unejeunefillequ'elleconnaissaitdenom.

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Auboutducompte, elle s'était rendueà leursarguments,persuadéequeRick seraitplusheureuxsanselle.Ellelesavaitdétestésd'avoirréussiàlaconvaincredesesacrifierpourlebonheurdeceluiqu'elleaimaitetleurengardaitrancune.Rickenrevintàsapremièreréflexion:—Aproposdecharité,dit-il,c'esttoiquimetireraisuneépinedupied.Ellesesouvintqu'ilétaitdouépourargumenter.Mais,là,ellenelesuivaitplus.—Répèteunpeu?Jecroisque,depuisl'accouchement,mesoreillessontbouchées.Il rit, déjà plus à l'aise, recouvrant ce sentiment de décontraction qu'il avait toujours

éprouvéauprèsd'elle.—C'estsimple.SiMmeRutledgeapprendquetuesàlarueetquejen'airienfait,elleva

m'écorchervif.—Jenesuispasàlarue.Seulementmomentanémentsansabri.Celadit,réalisa-t-elle,ellen'étaitpasenmesurederefusersonoffre.Biensûr,elleavaitdes

amiesqui,end'autrescirconstances,seseraientfaitunplaisirdeladépanner.Maisavecunnouveau-né,c'étaituneautrehistoire.Ellenesesentaitpasledroitd'imposeràd'autreslescris, lebruitet lesexigencesquecelaimpliquait.Rickluioffrait lasolution:unemaisonoùun enfant ne dérangerait personne et où elle pourrait prendre le temps de s'adapter à sanouvelleconditiondemèreenattendantdeseretrouverchezelle.Ellebaissalatêteetsemorditlalèvreavantdedemander:—Tuessûrquetonpèrenevapasbrusquementdéciderderevenir?Ricklarevitdixansplustôt,aveclamêmeexpression,encoursdemaths,concentréesur

uneéquation.Commeilauraitvoulurevenirenarrièreetrevivrecettepériodedesavie!—Jeluiaiparlécematin.Ils'amusecommeunpetitfouets'estmisàlapêcheaulancer.—Tonpère?Joanna tenta de s'imaginer l'homme sévère et ambitieux qu'elle avait connu, debout à

l'avantd'unbateau,laligneàlamain.Elleyrenonça.— Oui. Son attaque l'a transformé. Il n'en est pas encore à s'extasier sur le parfum des

roses,maisilprenddubontempsetsembledécidéàprofiterdelavie.Joannan'encroyaitpassesoreilles.Cethommen'avaiteuqu'unbutdanslavie:gagnerde

l'argent.On disait qu'il n'avait pris qu'un seul jour de congé, aumoment de lamort de safemme.—Etlesaffaires?Lacompagnie?Quis'enoccupe?—Moi. De temps à autre, ilme demande des comptes et fait quelques « suggestions ».

Mais,engénéral,ilmelaisselibredemeschoix.Elle se demanda s'il allait devenir comme son père. Naguère, elle aurait répondu

négativement sans l'ombre d'une hésitation. C'était alors de l'homme qu'elle aimait qu'ils'agissait...—C'estpourcelaquetuesici?Ilfronçalessourcilsau-dessusd'unnezpresque...grec.—Ici?Al'hôpital?—Non,idiot.ABedford.C'estpourlafirmequetuesrevenu?Ilfitsigneque«oui»etelleauraitdûsecontenterdecetteréponse.Mais,malgréelle,elle

ajouta:—Quefaisais-tuprèsdechezmoi,hiersoir?Ilréponditentoutehonnêteté:—Jen'ensaistroprien.Elle reconnut l'accentde sincéritédans sesmots et en fut troublée.Profondément.Trop.

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Celapasserait,espéra-t-elle.—J'auraismauvaisegrâceàm'enplaindre.Sanscela...Tropémuepourpoursuivre,ellesetut.Ils'employaàlarassurer:—Inutilederevenirenarrièreetdetefairedumauvaissangpourcequin'estpasarrivé.Uncoup frappéà laporte lesempêchadese laissergagnerpar l'émotion.Une infirmière

entra,poussantdevantelleunecoqueenplastiquetransparentdanslaquellereposaitlebébéleplusadorablequ'ilaitjamaisvu.— Je connais quelqu'un qui ne va pas tarder à se réveiller et demander la tétée, dit

l'infirmièreavecunsourire.Ricks'effaçapourluipermettred'approcherl'enfantdulit.Lesyeuxrivéssurlenouveau-

né,ils'écria:—Waoh!Joannasourit,trèsfière.L'admirationquiselisaitsursonvisagelatouchait.—C'estsonpremiercompliment!plaisanta-t-elle.—Etpasledernier,répliqua-t-il.Elleachangédepuishiersoir!—Tul'asvueaupiremoment...Demêmequ'ill'avaitvue,elleaussi,danslapiredessituations!PourRick, lemot«pire»n'avait aucun sens. L'enfant restait cemiracle qu'il avait reçu

danssesmains.Quand l'infirmièresortit lebébéduberceaupour ledonneràJoanna, il sesentitinfinimentému.Toutefois,ileutpeurdegêneretsepréparaàpartir.—Ilfautquej'yaille,dit-ilensedirigeantverslaporte.Soudain,Joannan'eutpasenviequ'illaquitte.—Tuneveuxpaslatenir?proposa-t-elle.Rick eut peurd'êtremaladroit. Lenouveau-né avait l'air plus fragile que la veille.C'était

unesipetitechose!—Jel'aidéjàtenue...—Elleestplusmignonneaujourd'hui,fitJoannaquicomprenaitl'hésitationdeRick.Tune

risquespasdelacasser,tusais.Vas-ydoucement,c'esttout.—Situcroisquejevaislalaissertomber,dit-ilenriant.Il s'efforça de déguiser ce qu'il ressentait – un foisonnement d'émotions qui le

décontenançaientetqu'ilauraitétéincapabled'analyser.Avecprécaution,ilglissasesmainssouslatêteetledosdubébépouropérerletransfert.

SesdoigtseffleurèrentceuxdeJoannaet ils se regardèrent.Puis il recula, l'enfantdans lesbras.L'infirmièreserépanditencompliments.—Onpeutdirequevoussavezvousyprendre!—Heureusement,repartitJoanna.C'estluiquil'atenuedanssesmainsletoutpremier.—Oh!fitl'infirmière.C'estvouslepère,alors?—Non,ditRick.Laquestionleforçaitàreprendrepieddanslaréalité,àquitterlesrégionsnébuleusesoùil

s'étaitlaisséentraîner.Iln'étaitpaslepèredel'enfant.Làs'arrêtaitl'histoire.—Non,répéta-t-il,jenesuispaslepère.Ildonnalebébéàsamère.—Jereviendraiavanttasortiedel'hôpital.UnfrissonglacéparcourutJoanna.Denouveau,lespontsétaientcoupés;ilsn'étaientplus

quedeuxétrangers,blessésparlavie.Elleeutcependantlasatisfactiondelevoirs'arrêteruninstantavantdefranchirlaporte.

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Dans l'après-midi, l'escadrondesMammas fitunedescenteen force.Lesbras chargésde

cadeauxet rayonnantesdebonnehumeur.Leurprésence remonta lemoraldeJoanna,quin'étaitpasauplushaut.Le bébé était réveillé et parut tout à fait satisfait de passer de bras en bras comme une

nouvellepoupée.Sherry Campbell venait tout juste de reprendre son poste de reporter pour le Bedford

WorldNews,après lanaissancedupetitJohnny.Elleadmirasansretenue lapetiteRachel,aussigrossequesonbébéde troismois,cequin'étaitpasétonnantpuisqu'ilétaitnéavantterme.—Elleesttropbelle,s'exclamaSherry.Commesamaman.ChrisJones,agentduFBI,s'emparadel'enfantetlaserracontresonventrerebondi.—Dommagedenepassavoirquelletêtealepère...—Jeparieraisqu'iln'ariend'unmonstre,ditLoriO'Neill.—Vouscroyezquelesbanquesdespermeacceptentlesgenstrèslaids?fitSherry.—Jen'enaipasl'impression,semoquaChris.ElletenditlebébéàLorietvints'asseoirprèsdeJoanna.—Dis-moicommentcelas'estpassé.Epouvantable?—Que...quoi?balbutiaJoanna,désarçonnée.—Lanaissance.C'étaitcomment?Commesionvoustiraitdessus?Joanna se retint de rire.Elle savait queChris redoutait l'épreuvede la naissance, qu'elle

devraitaffronterseule.—Onnem'ajamaistirédessus.Jenepeuxdoncpascomparer...—Essaied'imaginer,insistasonamie.Est-cequec'estdumêmegenre?Lorilevalesyeuxauciel,effaréeparlacomparaison.—Chris,jet'enprie...—Jesaiscequ'ilenestquandonvoustiredessus,repritChris.Onalesréférencesqu'on

peut.SherrysepenchaversJoanna.—Quipenserait,luidit-ellesurletondelaconfidence,qu'unagentduFBIquiafaitfaceà

tous les dangers, tenu tête à des gangsters et que sais-je encore, aurait peur demettre unenfantaumonde?Chrisrenvoyaenarrièreseslongscheveuxblonds.—Jen'aipaspeur.Jeveuxjusteêtrepréparée.C'estlapremièrechosequ'onapprenddans

lemétier:nejamaispénétrerdansunendroitsanssavoircommentonvaensortir...—Dans ce cas précis, remarqua Lori, la seule issue possible, c'est demettre l'enfant au

monde.Tuferaismieuxdetemettreceladanslecrâne!Cen'estpassiterrible,ajouta-t-elle,avecunetapeamicalesurl'épauledelajeunefemme.—Pourquoinedemandes-tupasàSherry?ditJoanna.Sherryavait été lapremièredesquatreàaccoucher, et celadansdes conditionsplusque

précaires.Lorsd'unreportage,elles'étaitretrouvéecoincéedansunecabanede fortune,aumilieu des bois, avec pour tout secours un chien et un milliardaire misanthrope.Heureusementpourelle,l'hommeavaitunevagueformationdesecouristeetavaitpul'aider.— Parce que Sherryme donnera la version officielle, rétorqua Chris avec un soupir. Du

genre:«Onoublietoutdèsquelebébéestdansvosbras!»—C'estvrai,ditJoanna.Saufquandtuessaiesdebougerlesfesses!SherryetLoriéclatèrentderire,maisChrisreprit:

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—Alors?C'esthorrible?Joannaréfléchituninstant.—Jenediraispasquec'estunepartiedeplaisir.Maiscelaenvautlapeine.Crois-moi.Elle couvait du regard le bébé que tenait Sherry.Quand il semit à pleurnicher, la jeune

mèreluitapotalesfessesd'unemainexperteetlebébésecalma.—Sij'aibiencompris,toinonplus,tun'aspaseuletempsd'arriveràl'hôpital?dit-elle.—Non,ditJoannaenriant.Mamaisonétait laproiedesflammesquandlescontractions

ontcommencé!LesyeuxdeLoris'agrandirent:—Sansblague?Jenesavaispas!Alors?Tamaison?Joanna se souvint de la panique qu'elle avait ressentie quand les portes de l'ambulance

s'étaientreferméessurcettevisiondecauchemar.—Pascomplètementdémolie,d'aprèslecapitainedespompiers.Ilestvenumedirequ'ils

avaientréussiàenrayerl'incendie.Toutefois,ilfaudradesmoisavantqu'ellesoitdenouveauhabitable.Qui ditmieux? songea Sherry, grimaçant intérieurement.Elle connaissait la situationde

Joannaetsavaitsesdifficultésfinancières.Elle-mêmeavaitsubiunemiseàpied,étéprivéede son job de responsable de la station TV locale et de grand reporter. Sans des relationsinfluentesquil'avaientrecaséeauBedfordWorldNews,elleseseraitretrouvéedanslemêmedénuement.Acelaprèsqu'elleavaitunefamillesurlaquelleellepouvaitcompter...ElleserralamaindeJoannaetditdansunclind'œil:—Vienschezmoi.Oninstalleraunegarderie!Joannasecoualatête.— Tu as toi-même un bébé et tu viens de rencontrer l'homme de ta vie. Ce n'est pas le

momentdet'encombrerd'unecopineetdesonenfant!—Tupeuxtoujoursvenirchezmoi,intervintLori.Là,Joannaritfranchement.—Merci.C'estgentil.Maistonappartementn'estpasplusgrandqu'unplacardàbalais!Loriadmitqu'elleavait raison.D'ailleurs,ellecherchaitunappartementdepuisqu'ellese

savaitenceinte.—Jevaisdéménager,dit-elle.—Chezmoi,ditChris.J'aidelaplace.—Non,merci,ditJoannadontladécisionétaitprise.Jesaisoùaller.Sherryeutpeurqu'ellerefuseleuraideparfiertémalplacée.—Nevapasàl'hôtel,s'ilteplaît.Celatecoûteralapeaududoset...Joannal'interrompit:—Jen'iraipasàl'hôtel.JevaischezlesMasters.Lestroisfilleséchangèrentdesregardsstupéfaits.Chrisfutlapremièreàseressaisir.—LesMasters?Commentcela?—C'estRickMastersquim'asortiedemamaisonenflammes.—Jecroyaisqu'ilétaitenFloride,fitLori.Joannatoussa,manquants'étrangleràl'idéedeHowardMastersvenantàsonsecours!—LepèreestenFloride.Paslefils.Sherry eut un sourire. Elle avait vu des photos de RichardMasters. Grand, bien bâti, la

trentainesévère.PasvraimentunAdonis,maislecœurasesraisons,n'est-cepas?Chrisaussileconnaissaitdevue:—Fabuleux!Unvraicontedefées!

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—Onseconnaissaitdéjà,révélaJoannamalgréelle.Lorivints'installersurlelitetscrutalevisagedesonamie.—Tunousauraiscachéquelquechose?Joannahaussalesépaules.—C'étaitilyalongtemps.—Raconte,ditChrisavecunregardpourLori.Lesfemmesenceintesadorentleshistoires

d'amour.—Raconte,priaSherryàsontour.Aprèstout,cesfemmesétaientsesamies.Pourquoileurcacherlavérité?pensaJoannaqui

avaitbesoindeparler.—Ondevaitsemarier,avoua-t-elle.—Et?firent-ellesenchœur.Joannasoupira.Lesouvenirdecesévénementsluiétaitencorepénible,toutescesannées

après.—Sesparentsm'ontdémontréquejen'étaispascellequ'illuifallait.QueLorettaLangley

feraitsonbonheurmieuxquemoi.—Jelahaisd'avance,ditLori.Quiest-ce?—Quelqu'undeleurmonde.—J'espèrequetulesasenvoyéspromenerproprement?renchéritChris.Elles ne la connaissaient pas encore assez pour savoir que ce n'était pas dans son

tempérament.Quiplusest,lesparentsdeRickavaientemployélesbonsarguments...—Non,reconnut-elle.Ilsontréussiàmepersuaderqu'ilsavaientraison.Jemesuisrendue

àleursvueset...j'aifaitunecroixsurmesamours,ajouta-t-elle,semoquantd'elle-même.—Maispaslui,ondirait,notaChrissérieusement.Joannaladévisagea,interdite.—Queveux-tudire?—Raisonneunpeu!Commentexpliques-tuqu'ilsesoittrouvélà,prèsdecheztoi,aubon

moment?Jemettraimamainàcouperquecen'estpasunhasard.Saufsic'estunpyromane–legenredetaréquimetlefeupourjouerleshéros!Moi,jediraisqu'iln'apasoublié,qu'ilenpincepourtoi.Joanna n'avait pas envie de croire à un scénario qui pouvait de nouveau tourner à la

catastrophepourelle.—Çam'étonnerait...MaisSherrypartageaitlepointdevuedeChris:—Nonseulementilt'asauvéedesflammes,maisilt'aproposédevenirchezlui...—Ilpourraitlogertoutelapopulationdelavillesansmêmes'enapercevoir,contraJoanna,

butée.Tantleurmaisonestimmense.Aux yeuxde Sherry, la taille de l'endroit n'avait pas d'importance. Tout dépendait de qui

étaitlàpourremplirlevide.—Madames'indigneunpeutropàmongoût.Vousnetrouvezpas?dit-elles'adressantaux

autres,quiopinèrentavecunbelensemble.Joanna fit la sourde oreille.Qu'elles pensent ce qu'elles veulent, cela ne changerait rien.

QuellequesoitlaraisondelaprésencedeRickprèsdechezelle,cesoir-là,iln'enrestaitpasmoinsqu'ill'avaitrayéedesaviehuitansplustôt.Inutiled'entretenirdesillusions.Elleavaitmieuxàfaire.Elledevaitsesoucierdubien-êtredesonenfant.C'étaitcela,sapriorité.

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4.Elleauraitdûsefaireuneraisonets'habituerauxréapparitionsdeRickdanssavie.Malgré

cela,ellenepouvaitseretenird'unmouvementdesurprisequandilentraitdanssachambre.Cejour-là,elleeuteffectivementdequois'étonner.Aprèsunbref«Bonjour»,Rickdéposasurlelitungrandcartonblancrectangulaire,sanssacniemballage,affichantsimplementlelogod'ungrandmagasindeluxepourclientesfortunées.Rienn'indiquaitdequoiils'agissaitetRicknefitrienpourl'éclairer.Ilavaitreculéd'unpasetattendaitcommequelqu'unquiestravid'avoirréussisoncoup.—Qu'est-cequec'est?demanda-t-elle.Il contint son impatience, se persuadant que ce qu'il avait apporté n'était pas un cadeau

mais répondait à un besoin immédiat. Toutefois, il voulait voir son expression quand elleouvriraitlecartonetsecontentaderépondre:—Uncarton.—Cela,jepeuxlevoirtouteseule...Elle lepalpa.Etait-ceuncadeau,unefaçondeluidirequ'ilregrettaitd'êtrepartihuitans

auparavant?Non.Impossible.Iln'ypensemêmeplus.—Qu'est-cequ'ilyadanscecarton?— La seule façon de le savoir, si tu n'as pas des rayons X à la place des yeux, c'est de

l'ouvrir.Pourquoies-tusiméfiante?—Jenesuispasméfiante!—Ahbon!Qu'est-cequit'empêchedel'ouvrir,alors?—Laprudence!Chatéchaudécraintl'eaufroide,situveuxsavoir.Ilrefusadelasuivredanscettevoieetplaisanta:—Tuasdéjàétééchaudéeparuncarton?—Non.Pardessentiments,rétorqua-t-elle.Illaregarda,légèrementahuri.Quesous-entendait-elle?C'étaitluiquiavaitétéblessé,qui

avaitsouffertmillemorts.Elles'enétaitbiensortie,avecunjolipactoleàlaclé!—Alors,noussommesdeuxdanslemêmecas.Puis, agacé par ses atermoiements, il souleva le couvercle et révéla le contenu de la

fameuseboîte:untailleurrouge.Elleenfutstupéfaite.Elleluiavait,unjour,ilyavaitdesannéesdecela,montréuntailleur

pratiquement identique. Il s'en était souvenu! Ce ne pouvait être une simple coïncidence.Huitansaprès!—Desvêtements!Tum'asachetédesvêtements?Ilpritunchemisierdesoieivoiredissimulésouslavesteetledisposaavecl'ensemble.— Tu vas bientôt sortir de l'hôpital, et je ne pense pas qu'on te laisse emporter la jolie

chemisedenuitqu'ilst'ontprêtée.Or,ilestinterditdesepromenernuedanslesruesdelaville,mêmeavecuncorpsaussibienfichuqueletien.Ellecaressaletissu,merveilleusementdouxetmoelleux.Cetailleurreprésentaitunepetite

fortune,bienau-delàdesesmoyens.Ellerésolutaussitôtdes'arrangerpour lerembourser.Libre et indépendante, elle ne se laisserait pas acheter, fût-ce par une attention des plus...élégante.—Mercipourlecompliment,maiscelafaitunmomentquetun'aspasvucecorpsdonttu

parles.Ellesavait,presqueàlaminuteprès,combiendetempss'étaitécoulédepuisleurdernière

soiréed'amoureux,d'amants.Rienneleluiferaitoublier.

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Desoncôté,Rick sedemanda si elle se souvenaitde lui avoirmontréuncertain tailleurrouge. Probablement pas. Seul un sentimental de son acabit retenait ce genre de détails.Quelquesjoursplustôt,ilauraitjuréavoirtoutoublié.Or,ilsuffisaitqu'ilseretrouveensaprésencepourquetoutluirevienneàlamémoire.—Situvoulaisbientesouvenirdenotrerécenterencontre,lanuitdel'incendie...Ellerougitinstantanément.—Tusaistrèsbiendequoijeparle.— Oui, je sais, s'énerva-t-il. Et, oui, cela fait longtemps que je n'ai pas eu l'occasion

d'admirertesformes.Malgrécela,jesuisprêtàparierquetupeuxrivaliseravecquatre-vingt-dix-huitpourcentdelapopulationféminine.Ellesourit:—Voilàquetut'adonnesauxstatistiques,maintenant!—Apeine!Jenefaisqu'extrapolerenexagérantunpeu.Commetoi.Sijemesouviensbien,

c'étaittonpasse-tempspréféré.Bien sûr qu'il se souvenait.De tout.C'était bien ce qui l'empêchait d'établir une relation

avecquelqu'und'autre,defonderunefamillecommesesparentsinstammentl'enpriaient.—Celadevraitt'aller,ajouta-t-il.Elleregardal'étiquette:c'étaitbiensataille!—Tuaslecoupd'œil...—Plutôtunebonnemémoire.Jemesuissouvenudececardiganquejet'avaisoffertpour

Noël.UnvoiledetristesseembrumaleregarddeJoanna.Aprèsleurrupture,elleavaittoutmis

dansuneboîte, lecardigan, lesphotoset toutcequ'il luiavaitécrit, jusqu'aumoindrepetitmot.Toutcelaavaitdûdisparaîtredansl'incendie.Commesiellen'avaitmêmepasledroitdeseraccrocheràdessouvenirs.Ellerefoulaseslarmes.Ricks'enaperçutets'inquiéta.—Qu'est-cequit'arrive?—Rien.Uneallergie.Ill'observaetnefutpaslongàdétecterlemensonge.—Tun'étaispasallergiqueàquoiquecesoit.Elleeutungestedelamain.—Celam'arrivedetempsentemps.Ellereplialetailleur,remitletoutdanslecartonetlereferma.—Merci.Illuipritlaboîtedesmainsetladéposasurl'étagère—Jen'avaispaspenséàcequej'allaismettrepoursortir,avoua-t-elle.Sonseulsouciétaitsafilleetelleavaitl'embarrasduchoix,avectouslesvêtementsqueses

amiesluiavaientofferts.Rick s'était douté qu'elle ne penserait pas à elle. Or, lors d'une seconde visite, plus

approfondie,surleslieuxdel'incendie,ilavaitconstatéqu'ilnerestaitpasgrand-chosedesagarde-robe. Tout juste s'il avait récupéré son sac sur la table du salon, miraculeusementintact.—Tunet'esjamaisintéresséeauxdétailspratiques...—Exact.C'étaittondomaine.Un couple parfait, songea Joanna : ils se complétaient. Ce quimanquait à l'un, l'autre y

pourvoyait, comme s'ils avaient été conçus pour ne faire qu'une seule etmême personne.Enfin,c'estcequ'elleavaitcru...naïvement!

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Ricklaregardait,s'interrogeantsurcequileurétaitarrivé.Commentetpourquois'étaient-ilsséparésalorsqu'ilsavaienttantdechosesencommun?Il s'en voulutde seposer la question–puisqu'il connaissait la réponse!Bien sûrque sa

famille avait eu sapartde responsabilité.Elle, encoreplus.Si elle l'avait aimé comme il lecroyait, si elle lui avait fait confiance...Mais elle s'était laissé convaincre. Elle s'était laisséacheter.Elleavaitacceptél'argentdesesparents.Commeilsleluiavaientprédit!Joannaeut lesentimentqu'ilétaitperdudanssesrêves, loin, très loin.Lapressiondesa

mainsurlasiennelerappelaàlaréalité.—Aquoipensais-tu?—Arien.Jepensais.C'esttout.—Regrettes-tulapropositionquetum'asfaite?—Non,fit-ilvivement.Rienàvoir.Ellesesentitrejetéeetsereprochad'ensouffrir.Aquois'attendait-elle?Acequ'ilsejetteà

sespieds,luijurantqu'ill'aimait,l'avaittoujoursaiméed'unamouréternel?«Pasdecela,mafille.Tun'asplusvingtansettesillusionsdegaminesontloinderrière

toi!»Cependant,elles'entenditinsister:—Aquoipensais-tualors?A la façon dont le paradis s'est transformé en enfer! fut ce queRick aurait répondu s'il

l'avaitosé.Aulieudecela,ilselevadesachaiseetdemanda:—Aquelleheuresors-tudemain?Uninstant,sesattentionsavaientdéstabiliséJoanna.Ellesereprit.—Avantmidi.Monassurancemaladies'arrêtelà.—Jecroyaisquelepersonnelenseignantavaitlameilleuredesassurances,s'étonna-t-il.Ilavaitraison,saufqu'ellen'enbénéficiaitplus:lesmensualitéshorsgroupeauraientété

troponéreusespoursonbudget.—J'aiuneassuranceindividuelle.Il la regarda sans comprendre.Avait-elle abandonné sonmétier deprof?Enseigner avait

étésonrêvedetoujours.EncoreunechosequelamèredeRickn'avaitpascomprise,carelleavaitcemétierenhorreur.—Tun'enseignesplus?Tuadoraiscemétier...—Jel'adoretoujours.Ellerespiraàfond,sepréparantàluiexpliquersasituationexacte.Illuifallaitsegarderde

trahirlamoindreamertume.—Quandj'aidécidéd'avoirunenfant,jen'aipasréaliséquecelaneseraitpasdugoûtdu

conseil d'administrationdemon établissement.Autrementdit, j'ai été priéed'épargner auxenfants et à leurs parents le spectacle choquant demon ventre distendu et de prendre uncongéàduréeindéterminée.—Sanssolde?—Evidemment.Iladmirasoncourage.Uneautre,àsaplace,auraitétédésespérée.Ellen'avaitrienperdu

del'énergiequ'ilavaittantadmirée.—Sibienquetuesauchômage?—Disonsquejesuisentredeuxpropositionsd'emploi.Rickneputs'empêcherderire.—Tusaisquetuesincroyable?—Je faisdemonmieux. Il semblequecelamarche...parfois.Parexemple,quiauraitpu

prédirequetuviendraism'arracheràmamaisonenflammes?

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—Qui,eneffet!Rickconsultasonagenda,sortitsonstyloetannulaunrendez-vous.—Jeserailàvers11heures,demain.Ilremitagendaetstylodanssapocheetlavitsourire.—Quoi?Qu'ya-t-il?— Ton geste! Comme ton père! Tu te souviens avoir juré que tu ne deviendrais jamais

commelui?Ils'ensouvenait!Commeilsesouvenaitde luiavoir juréunamouréternel,detouteson

âme.Commecelaparaissaitloin!Etnaïf!Lavieneprenaitpasdegantspourvousremettrelesidéesenplaceetchangerlecoursdeschoses!Illuicaressalajoued'unpetitgestetriste.—J'enaitellementdit!Elleaussid'ailleurs.Inutilederevenirenarrière.Ilavaitfiniparcomprendrequelesmots

étaienttrompeurs,videsdesens.Ilsn'engageaientpersonne.—Lestempschangent,dit-ilencore.Ellelevalesyeuxversluietlevoyanttroublé,ému,s'interrogea.«Ai-jeeutortdecroireses

parents?Ai-jeeutortdecéderàlapression,derenoncerànotreamour?Toiaussi,tuaseutort.Tun'espasvenu.Tun'aspasmêmeessayédemefairechangerd'avis.»—Oui,repartit-elle.Maisiln'envapasdemêmepourlesgens.Rick s'efforça de se concentrer sur le monde réel et la compétition à laquelle il était

confrontétouslesjoursenaffaires.—Si,s'ilsveulentprogresser.Quin'avancepasrecule.De nouveau, Joanna crut entendre son père. Ce genre d'affirmation péremptoire ne lui

ressemblaitpas.Avait-iltantchangéaucoursdecesannées?—Quelmalya-t-ilàrestersoi-même?Ilneréponditpas.On court le risque de replonger dans des souvenirs pénibles, pensa-t-il, plongeant son

regarddanssesyeux.Ilfituneffortpours'enarracheretdit:—Ademain.Elleeutunpincementaucœuretsereprochasonmanquedecourage.Pourquoiprolonger

latorture?Elleavaitencorequelqueséconomies.—Jepeuxalleràl'hôtel,lança-t-elleavantqu'iln'ouvrelaporte.—MmeRutledge t'attenddepied ferme, répliquaRick.Ellene tepardonnerait pasde la

décevoir.Ademaindonc.Etilsortit.Joannacontemplasafille.Elleespéraqueleshommesseraientdifférentsdansquinze,dix-

huitans,quesafilleneconnaîtraitpascequesamèreavaitsouffert.—Machérie,murmura-t-elle.Dis-toiqueleshommesnevalentpaslapeinequ'onsoupire

aprèseux.Disantcela,Joannasavaitpertinemmentqu'ellen'enpensaitpasunmot.Le lendemain, la tempête s'abattit surBedford. Vers 6 heures dumatin, vent et pluie se

déchaînèrentetnefirentquegrossiraucoursdelamatinée.Unvraidéluge.— Si cela s'était produit trois jours plus tôt, remarqua Joanna,mamaison serait encore

debout.Elle prit place à côté de Rick dans la Mercedes; le couffin de la petite Rachel était

solidementancrésurlesiègearrière.C'estRickquiavaitpenséaucouffinetJoannaréalisa

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quelalistedesesdettess'allongeait.Si,troisjoursplustôt,ilavaitplucommeaujourd'hui,pensaRick,ilneseseraitpasarrêté

devantchezelle,ilnel'auraitpasarrachéeauxflammesetnel'auraitpasaidéeàmettresonenfantaumonde.Joannan'auraitpasfaitirruptiondanssavie.Ledestin!Quidécidaitsansprévenirdedonneretdereprendre.Ill'observaducoindel'œil.Ellesetaisait.—Fatiguée?—Unpeu.Surtouttendue,anxieuse.Avait-ellebienfaitd'acceptersonoffre?—Onyestpresque.—Jemesouviens.Ellesesouvenaitdetoutetsedemandaitsiellerêvait.Elleavaitl'impressiondemarcherà

reculons. Comme dans un rêve, elle revenait dans un lieu qu'elle avait cru déserter pourtoujours.Saufquelescirconstancesn'étaientpluslesmêmes.Elleavaitunenfant.Unenfantqu'elle

avait désiré.Rick et elle n'étaient rien l'un pour l'autre en dépit de ce qui avait existé...autrefois.Malgrélevent, lapluie, lesessuie-glacesenmouvement,Joannadistinguaunesilhouette

trèsdroite,deboutsouslamarquisedelamaisondesMasters,unparapluieàlamain.MmeRutledgelesattendait,prêteàentrerenaction.Dèsquelavoitures'approcha,elleouvrit leparapluie, immense,etdescendit lesmarches

duperron.Ellevintverslaportièredroite,dupasdécidédequi,poursonbonheur,aconsacrésavieàservirlesautres.Certainespersonnesrésistentauchangement,songeaJoannaavecsoulagement.—VoilàMmeRutledge.Neva-t-ellepasattraperfroid?Ricksourit:ilyavaitcommedel'excitationdanslavoixdeJoanna.—Aucunmicroben'oseraits'enprendreàelle!Jenel'aijamaisvuemaladedetoutemavie.La portière s'ouvrit; le parfum de vanille de la femme de charge concurrença l'odeur du

ventetdelapluieet...remportalavictoire.—Machère,vousêtesbienpâle,ditlagouvernanteavecunregarddereprocheendirection

deRick.—Bonjour,madameRutledge,fitJoanna.Commentallez-vous?Elle n'avait pas vraiment changé : cheveux gris, coupés court, uniforme gris également,

dontlajupefrôlaitlesmollets,chaussuresplates.Ellerespiraitl'efficacité.—Toutedisposéeàvousredonnerunpeudecouleur!Après cinquante ans enCalifornie, elle gardait encore une trace d'accent du Sud.Née en

Caroline du Sud, la septième des quinze enfants d'un mineur et de sa femme, elle avait,comme lesautres,dûgagner savieaussitôtquepossible.Elleétait la seulede sa familleàavoirunesibonneplace.Entréeauservicedugrand-pèredeRick,elleétaitdevenue,au fildesgénérations,toutbonnementirremplaçable.Ellesepenchapourregarderlebébéets'attendritaussitôt.—C'estvotrebébé?Quelamour!Onoubliecommeilssontpetits!S'adressantàRick,elleajouta,dutond'unemaîtressed'écoleadmonestantunélève:—Vousferiezbiendevenirtenirleparapluiependantquej'aidemissJoannaetsonbébéà

sortir.—Avosordres,repartitRickavecunsourire.Il fit le tourde la voiture,prit leparapluiequi était assez grandpour les abriter tous les

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trois et le tint au-dessus de leurs têtes. Mme Rutledge défit les sangles qui retenaient lecouffinetfutraviequandlesgrandsyeuxbleusdubébélaregardèrent.Ellepritl'enfantdanssesbras.—Elleavosyeuxet,sijenemetrompe,seraunevraiebeauté.Petitchou!murmura-t-elle,

pressantl'enfantcontresapoitrine.SetournantversJoanna,ellereprit,commepours'excuser:—Celafaitlongtempsquejen'aipastenuunbébé.PasdepuisM.Rick.Difficiledecroire

qu'ilaétéunjouraussimignon!—Pourrait-onentrersemettreàl'abri?s'impatientacedernier.— J'espère que cette petite aurameilleur caractère que celui-là, grommela la femme de

charge.Al'abriduparapluie,MmeRutledgeouvrantdignementlamarche,ilssedirigèrentversla

maison. Joanna retint un sourire : la gouvernante lui faisait penser à la reine VictoriaarpentantlescouloirsduchâteaudeWindsor.Château, manoir, c'étaient les mots qui venaient à l'esprit pour décrire la demeure des

Masters.Oumieuxencore...mausolée.LamaisonoùRickavaitgrandiluiavaittoujoursfaitfroiddansledos.Etlaglaçaitencoreaujourd'hui.Commesielleavaitludanssespensées,MmeRutledgedéclara:— Je sais. La maison n'a rien de très accueillant. Mais maintenant que M. Rick va s'y

installer,celavachanger.N'est-cepas?Elle gratifia l'intéressé d'un regard interrogateur comme il repliait le parapluie et le

déposaitdansleporte-parapluieenformed'éléphantquesamèreavaitrapportéd'undesesvoyagesàParis.L'eauruisselantsur la têtede l'éléphantdonna l'impressionquecelui-cisemettaitàpleurer...Rickn'étaitpasattachéàcettemaisonoùilnes'étaitjamaissentiàl'aise.—JesuisàBedfordpourréorganiserlacompagnie,paspourredécorerlamaison.Lafemmedechargeneselaissapasimpressionner.—Sivousdevezyhabiter, il faudrabien fairequelquechose.J'aiune liste touteprêtede

transformationsindispensables.Jevouslasoumettrai.JoannaregardaRick.Neluiavait-ilpasditquesonpèreétaitenvacancesseulementpour

quelquetemps?—M.Mastershabitetoujourscettemaison?s'enquit-elle.MmeRutledgehaussalesépaules.—Iln'yapasmislespiedsdepuissixmois.Ilabeaucoupchangédepuissonattaque.—C'estcequeRickm'adit...—Assezbavardé!Machère,vousavezbesoindevousinstalleretdevousreposer.EllepritlesdevantsetconduisitJoannaaupremierétagedel'aileestdelamaison.Sachant

Joanna en bonnes mains, Rick aurait pu partir; mais il voulait être présent quand elledécouvriraitlanursery.Illuiouvritlaportedelapremièrepièce,etluifisigned'entrer.—Voilà.Tuesicicheztoi.Aussilongtempsquetulevoudras.Décoréeàneufdebleuetdeblanc,lachambreétaitsomptueuse.Unechambrederêveau

goûtdeJoanna.S'était-ilsouvenuquelebleuétaitsacouleurpréférée,oubiensefaisait-elledesidées?—Lanurseryestàcôté,ditMmeRutledge,ouvrantlaported'unepièceadjacente.Elleest

orientéeàl'estetreçoitlalumièredusoleillevant...lesjoursdebeautemps.Elleallaversleberceau–unevraiepiècedemusée–queJoannacontemplait,stupéfaite,

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etydéposalebébé.—Oùavez-vousdéniché...—C'était leberceaudeM.Rick,dit lagouvernante.Je l'ai ressortiquand j'aisuquevous

veniezvousinstallericiavecvotrebébé.—Temporairement,rectifiamachinalementJoanna.—Tous,tantquenoussommes,nousnefaisonsquepasserici-bas,énonçaMmeRutledge

sentencieusement.Enrouteversd'autrescieux....Celadit,ajouta-t-elleavecmalice,jenevoispaspourquoionnes'offriraitpasunpeudeconfort,enattendant!JoannalançaunregardàRick,inquièted'êtrepriseenotage,enquelquesorte.—Celadépendduprixàpayer...—Cadeau,dit-il,laconique.—Jenepeuxpasacceptertoutcela.—Onenparleraplustard.Ilfautquej'yaille.Elle lui parut pâle et fragile et il dut se retenir de lui entourer les épaules d'un geste

protecteur.—Celavaaller?—Comment pourrait-il en être autrement, avecMmeRutledge pour veiller surmoi! Tu

n'auraispasdûtedonnertantdemal.Jen'avaispasbesoindetoutceluxe.Exact. C'était lui qui l'avait voulu. Cela lui faisait plaisir... Etait-ce parce qu'elle exerçait

encoresurluicetattraitauqueliln'avaitjamaispurésister?Saufunefois!—Jen'aiquasimentrienfait.J'enaiparléàMmeRutledgeetelleaprisleschosesenmain.La femmede charge lui lançaun regardqui endisait long.Elle détestait lesmensonges,

surtoutquandonl'ymêlait.MaisJoannan'avaitpasbesoindecelapoursavoirqu'ildéguisaitlavérité.Letondesavoixavaitchangé,commeautrefois.Ellel'avaittoujourscoincéquandilavait essayé de luimentir. Emue, elle l'embrassa sur la joue; il se rejeta en arrière et ellerougit.—Désolée...—Iln'yapasdequoi.Qu'ilavaitréagibêtement!sereprocha-t-il.Eh!C'estqu'ilcraignaitdese lancerdansune

histoireindésirable...Alors,pourquoil'avoirintroduitecheztoi?—Celafaitlongtemps,dit-ilenmanièred'excuse.Uneondedechaleurtellequ'iln'enavaitpasressentidepuislongtempsl'avaitsubmergé.Il

yavaitpourtanteudes femmesdanssaviedepuissaruptureavecJoanna.Denombreusesfemmes.Audébut,ils'étaitjetédansdemultiplesaventuressansautremotivationquedes'yperdre, d'oublier jusqu'à son souvenir; il ne fut pas longà réaliser que cela ne lemenait àrien. Ilavaitcependant fait l'effortd'alimenter lesrubriquesmondaines– jusqu'àcequ'ilyrenonce,découragé.Personne,jamais,neluiavaitfaitlemêmeeffetqueJoanna.Normal, d'après Mme Rutledge. « On n'oublie jamais un premier amour », avait-elle

affirmé.Or,elleavaitlamauvaisehabituded'avoir...souventraison!—Jevouslaconfie,dit-ilàlafemmedecharge.Jesaisqu'elleseraendebonnesmains.Surcesmots,ilquittalapièce.Dèsqu'ilfutsorti,MmeRutledgemurmurasurletondela

confidence:— Il n'a plus jamais été le même, depuis que vous vous êtes séparés. J'ai pensé que je

devaisvousledire.Joannan'avaitpasenvied'enparler,pasenviedesesentircoupabled'unacted'abnégation

quiluiavaitcoûtéplusquepersonnenepourraitjamaisl'imaginer.

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—Je...,commença-t-elle.MmeRutledgepritsesmainsdanslessiennesetlaregardadanslesyeux.—Jenevousdemanderien,etsurtoutpasdem'expliquerlesraisonsdevotrerupture.Cela

nemeconcernepas.C'estentrevousdeux.Elleretiraledessus-de-litetattenditqueJoannas'allongepourcontinuer:— Sachez seulement que vous avez été le seul rayon de soleil à illuminer cettemaison.

Quandvousêtespartie,lalumières'estretirée,delamaisonetdesesyeuxàlui.Commeelle l'avait faitpour lebébé,ellerecouvritJoannade lacourtepointe.Puisellese

dirigeaverslaporte.—Jeseraià l'autreextrémitéduhall.Appelez-moisivousavezbesoindequelquechose.

Quoiquecesoit,insista-t-elle.Joannasentitsoudainlafatiguel'envahir.—Jevaismereposerquelquesinstants...Lafemmedechargeapprouvadelatêteetrefermadoucementlaportederrièreelle.

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5.Lentement,Joannaouvrit lesyeux,émergeantd'unprofondsommeil.Lebruitdelapluie

contrelesvitresl'avaitréveillée.Lachambreétaitplongéedans l'obscurité.Cependant, elle sentitqu'ellen'étaitpas seule.

Elleseredressavivement,saisiedefrayeur,etscrutalapénombre.Elledistinguauneformeprèsdesonlitetpoussaunsoupirdesoulagement:Rick!—Qu'est-cequetufaislà?Il rit, de ce sourirequi lui relevait le coin gauchede la bouche et pour lequel elle l'avait

souventtaquiné.—Arrêtedeposercettequestion.Enl'occurrence,souviens-toiquejesuischezmoi.En l'espace d'un instant, tout lui revint à lamémoire, tous les événements des derniers

jours.—Jemesouviens...—Tutesenscapablededescendredîneroupréfères-tuquejetefassemonterunplateau?Impensablequ'ellesefasseservir,estima-t-elle.Mêmesilatentationétaitgrandedecéder

àlafacilité.—Jenesuispasmalade!—Sijecomprendsbien,tupréfèresdescendre.Danscecas,jet'attendsàlasalleàmanger.

MmeRutledgeestàcôté.Il sortit. Gênée, Joanna se demanda quelle heure il était.La pendulette de la cheminée

indiquait6heuresetdemie!—Grandsdieux!s'écria-t-elle,horrifiée.J'aidormitoutcetemps!Uncoupfutfrappéàlaporte,restéeentrouverte,quicommuniquaitaveclanursery.Mme

Rutledgepassalatêtedansl'embrasure.—C'estquevousenaviezbesoin...QuandRickavaitditque la femmedechargeétaitàcôté,Joannan'avaitpas réaliséqu'il

voulaitdiredanslanursery.Ellesautadulit.—Monbébé!Je...Avantqu'elleaitpufaireunpasoufinirsaphrase,MmeRutledges'interposa,luimettant

unemainapaisantesurl'épaule:—Lebébévatrèsbien.Jevousaiveillées,l'uneetl'autre,etjedoisdire,quedesdeux,c'est

vouslaplusfacile.Pasbesoind'êtrechangée.Joanna rougit. C'était à elle de s'occuper de son enfant, pas à la femme de charge des

Masters.Quellemauvaisemèreellefaisait!—Vousl'avezchangée?MmeRutledges'affairaàfermerlesrideaux,lanuitétantpresquetombée.— Changée et nourrie, rassurez-vous. Je viens d'une famille nombreuse,ma chère. Très

jeune, j'aidûm'occuperdemaribambellede frèreset sœurs.Plus tard, celam'apermisdeprendresoindeM.Ricksansproblème.Etdanscedomaine,onn'arieninventédenouveau...Allezlavoir.Celavousrassureraetvousaurezencoretoutletempsdevousapprêterpourledîner.—Ahoui,ditJoanna.Rickaparlédedîner.Elle n'était pas très sûre d'être enmesure de supporter sa présence sans broncher. Tout

justesortiederêvespassablementérotiques,qui,tous,leconcernaient,saurait-ellegardersesdistances?MmeRutledges'avança,lesmainscroiséesdevantelle.

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—Ilestarrivéilyaplusd'unedemi-heureets'estinquiétédevous.Ilaétésurprisquandjelui ai dit que vousdormiez encore et il estmonté voir si vous alliez bien. Il a insistépourdonnerlebiberonàvotrepetiteRachel,ajouta-t-elleavecundemi-souriredeconnivence.Joannalaregarda,bouchebée,commesielleluiannonçaitlafindumonde.—Quedites-vous?RickadonnélebiberonàRachel?Lagouvernantehochalatête.—Mêmequ'ilnes'enestpassimaltiré!Ondiraitqu'iln'afaitquecelatoutesavie.Que

voulez-vous,ilyadeshommesquisontfaitspourêtrepères.C'estundon...Puis, à lamanière d'un vieux routard qui sait prendre les virages les plus difficiles, elle

changeadesujet:—Ilyaunerobequivousattenddansleplacard.—Unerobe?—M.Rickl'aapportéeenrentrantdubureau.C'estunhommegénéreux.Celaaussi,c'est

rare.Ellesepréparaàsortir,estimantqu'elleavaitremplisonrôle.—Ledînerestà7heuresetdemie,danslasalleàmanger.Dèsquelaportesefutrefermée,Joannas'assitsurlelit,entourasesgenouxdesesbraset

réfléchit à ce qui lui arrivait. Un vrai conte de fées, comme Chris l'avait si bien pressenti.Danssonmalheur,elleétaitcombléeau-delàdesesespérances.Unefemmeresponsablequiservait volontiers de nurse, des vêtements qui faisaient leur apparition au bon momentcommeparmagie.Etunprincecharmantquidonnaitlebiberonetfaisaitfairesonrotàsonbébé!Ellesecoualatête.Croirequ'onpouvaitrevenirenarrièreetreprendreleschoseslàoùon

les avait laissées était stupide. Trop d'événements s'étaient produits entretemps. Trop detempss'étaitécoulé.Encoreque...pourquoipas?seprit-elleàrêvermalgréelle.Temporairement?Pourseremettrelesidéesenplace,poursortirdecerêveirréalisable,elles'enfutvoirsa

fille.Tout en se brossant les cheveux, Joanna sourit à l'imageque lui renvoyait lemiroir. Ses

longs cheveuxblonds cascadaient sur ses épaules, encadrant sonvisage...Elle lissa le tissudouxetsoyeuxdelarobe,bleupâle,qu'ellevenaitdepasser,etsentitsaféminitérenaître.Ellel'avaitsud'avance,larobeluiallaitcommeungant.Rickavaitl'œilpourlestailles,les

styles,lescouleurs.Pourtoutcequiétaitimportantdanslavie.Enfait,ilfrisaitlaperfection.Mais,carilyavaitun«mais»,iln'étaitplusqu'unétrangeranimédebonssentiments.Et

même s'il l'avait arrachée aux flammes, s'il lui avait offert un abri, par égard, sans doute,enversleurrelationpassée,ellenedevaitpasprendrecesdémonstrationsdegrandeurd'âmepourunretourenarrière.Verscequ'ilsavaientconnu.Qu'ilsavaientperdu...àtoutjamais.Et,pourleurbien-êtreàtouslesdeux,lepassédevaitresterlepassé.Prêtepour ledîner,elle seglissadans lanurserypours'assurerqueRacheldormait.Son

cœur se serra à la vue du bébé dans le berceau de Rick. C'est ainsi que cela aurait dû sepasser,soupira-t-elle.LesenfantsdeRickdanssonberceau.Mais il en allait autrement. Elle aurait tort de se plaindre. Au lieu de se lamenter sur

l'impossible,elledevraitremercierlecieldecequ'illuioctroyait.Elleregardasafille,sicalme.Avérifieraucoursdesapremièrenuitdemaman,seuleavec

sonenfant!Ceseraitlepremiervraitest.Commeceluiqu'elles'apprêtaitàaffronterenrassemblanttoutsoncourage:cedînerseule

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entêteàtêteavecRick...Elle fut soudain frappéepar l'absurditéde lasituation.Depuisquandavait-ellebesoinde

couragepourallerà la rencontredeRick?Autrefois,elle se seraitprécipitéedans la salleàmanger,commeportéesurunnuage!«J'ensuiscapable»,s'exhorta-t-elleenquittantlapièce.Elle trouvaRick assis à la table, devant un verre de vin. Il se leva à son entrée. Il avait

toujourseudesmanièresraffinées.Comme le reste de la maison, la salle à manger était immense et solennelle, avec une

longuetabledestinéeàdenombreuxconvives.Quatrebougiesdansdeschandeliersd'argentprojetaientunelumièredouceetvacillantesurlesmeublessombres.Soncouvertétaitmisàuneextrémitédelatable,àl'opposédusien;etellesedemanda,avecunsourireintérieur,sielleseverraitdansl'obligationdesemerdesmiettesdepainpourretrouversonchemin!D'un œil averti, Rick admira sa silhouette, débarrassée de toutes traces de sa récente

maternité.Soncorpsavaitretrouvésasveltesse,celledontilsesouvenaitetquihantaitsesrêves.Ilfituneffortpourrésisteràl'ondedechaleurquiparcourutsesreinsetremarqua:—Larobefaittrèsbeleffetsurtoi.C'étaitditcommesic'étaitellequimettaitlarobeenvaleur,etnonl'inverse.Elleesquissa

unsourire:ilavaittoujourssutourneruncompliment!Ellejetaunœilauvêtementets'assit.—Merci.Encoreunefois.—Jetesers?offrit-il,levantlabouteilledevin.Oubien,est-cequetu...—Non.Jen'allaitepaslebébé.Savoixluiparuttropténuedansl'immensitédelapièceetelleforçaleton:—Racheln'aqu'unseuldéfaut:elleestallergiqueàmonlait.Lepédiatrem'arecommandé

delanourriraubiberon.Ellelevitseleverpourvenirlaserviretanticipasongeste.—Cependant,jem'abstiendraideboirepourlemoment.Celamerendraitsomnolente.Cequin'étaitpaslecas,dansl'immédiat.Rienqued'êtrelà,aveclui,deleregarder,ellese

sentait toute émoustillée–bienqu'elle sût, toutau fondd'elle-même,qu'iln'y avait rienàespérer.IlserassitetJoannahésitaavantd'exprimercequilapréoccupait.—Tunepeuxpaspassertontempsàm'acheterdeschoses,dit-elleenfin.Il lui lançaun regardappuyé,dumoins, c'est l'impressionqu'elle eut.Acettedistance, il

étaitdifficiled'enêtresûre.—Aunecertaineépoque,répondit-il,jet'auraisachetétoutetn'importequoi.Onvint lesserviretJoannabaissa lesyeuxsursonassiette:descôtelettesd'agneau,son

platpréféré.MmeRutledges'enétaitsouvenue!— A la même époque, répliqua-t-elle, j'aurais tout accepté. Aujourd'hui j'ai l'impression

d'êtreundecesouvrierssouscontratquelesPèresFondateursfaisaientvenird'Angleterre!Rickbutunpeudevinetreposasonverre.—Simessouvenirssontexacts,lecontratétaitdeseptans.Enprenantencomptelecours

de l'inflation pendant les deux cent cinquante ans qui se sont écoulés, la durée du contratapprocheraitdestrenteetquelquesannées.Alors,machère,tun'espasauboutdetespeines.LesdoigtsdeJoannasecrispèrentsurlemanchedesafourchette.Quesous-entendait-il?

Qu'il souhaitait lui voir reprendre place dans sa vie? Ou prenait-elle ses désirs pour desréalités?—Jeterembourseraijusqu'auderniercentime,dit-elle.

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Ellecrutlevoirfroncerlessourcils.Amoinsqu'ellenesoitinduiteenerreurparlesrefletschangeantsdesbougies?—Detoutefaçon,letailleurquetum'asoffertauraitétéparfaitpourcesoir.— Tu as dormi avec! fit-il remarquer. De deux choses l'une : ou je demandais à Mme

Rutledgedemettrelamainsurl'unedesrobesdemamère...Il savait très bien comment elle aurait réagi à cette proposition! Qu'il n'y ait pas eu

d'atomescrochusentrelesdeuxfemmesn'étaitunmystèrepourpersonne.—Jenecroispasquetuauraisapprécié,continua-t-il.—Bienvu.Ellelevittendrel'oreille.Apparemment,iln'avaitpassaisisaremarque.— J'ai dit : Bien vu! répéta-t-elle plus fort. Et je commence à comprendre pourquoi tes

parentssesontéloignésl'undel'autre.C'estàcausedecettefichuetable.Ellealatailled'uncontinent!Sans plus attendre, elle rassembla les coins de son set de table, se leva et fit glisser son

couvertsurlasurfacepolie,jusqu'àlachaiseàdroitedeRick.Ellerevintcherchersonverre,leposaprèsdesonassietteets'assitavecunsouriresatisfait.—Etvoilà!Ill'avaitregardéfaire,amusé.Cettespontanéitél'enchantait.SacréJoanna,ellen'avaitpas

changé!—J'avaiscruquetuseraisplusàl'aise,là-bas...— Là-bas, j'étais en train d'attraper une extinction de voix!De plus, je ne voyais pas tes

yeux.—Quelleimportance?—«Lesyeuxsontlesfenêtresdel'âme.»Comme il lui avaitmanqué, soupira-t-elle en elle-même.Commec'étaitdifficilede jouer

lesâmesnobles!—Est-cequetesparentsprenaienttousleursrepasdecettemanière?Ilhaussalesépaules.—Quand ils dînaient ensemble, oui, je pense. Ce qui était assez rare.Mon père rentrait

tard,voyageaitsouventpoursesaffaires.Mamèreétaittrèspriseparsesclubs,sesactivitéscharitables...Ilsneseretrouvaientquelorsdesréceptionsqu'ilsdonnaientpériodiquement.Ilembrassalapièceduregard,compasséeetfroidemêmeaucœurdel'été.—J'aisouventdînéseul,icimême.Joannaimaginafacilementl'adolescent,perduauboutdelatable,avided'autrechoseque

denourriture,etenvoulutàMmeMastersdecegenred'abandon.Pourquoiavoirdesenfantssic'estpourles laisser livrésàeux-mêmes?Aucuneœuvredebienfaisancenepassaitavantlesbesoinsd'affectionetdetendressed'unfils!—«Charitébienordonnéecommenceparsoi-même...»etlesvôtres,énonça-t-elle.C'étaitditavectantdeconvictionqu'ildûtseretenirdesourire.Ellen'avaitrienperdude

sesenthousiasmesd'autrefoisetcelaluiplaisait.—Unlieucommun,d'unebanalitéaffligeante,auraitditmamère.—Jenevoudraispastevexerendisantdumaldetamère,répliqua-t-elle,mais...elleavait

ledonderabaisserlesgens,deleurfairesentirqu'ilsluiétaientinférieursentoutpoint.Cettefois,ilritfranchement.—Tunemevexespas.Jesaisqu'ellen'avaitriend'unemèreTeresa!Tout jeune, il avait finipar s'y faire. Il avait cruque toutes lesmères se conduisaientde

cettemanièreenvers leurs enfants. Jusqu'à cequ'il rencontre lamèredeJoannaetprenne

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consciencedesliensprivilégiésquil'unissaientàsafille.—J'aitoujoursenviélarelationquetuavaisavectamère,dit-il.—J'aieubeaucoupdechance,c'estvrai.—D'autresquetoi,àtaplace,n'auraientpaspensé...Ilsetut,gênédecequ'ilallaitdireconcernantlasituationdeJoannaetdesamère.Unedes

raisonspourlesquellessesparentsavaientdésapprouvéleurrelation.Elleredressalatêteetlevaversluiunmentonagressif,cequinelesurpritpas.Elleavait

toujoursétéfièredecequ'elleétait.—Amaplace?Jetefaispitié,c'estcela?Parcequemonpèreacrubondedisparaîtredès

quemamèreluiaannoncéqu'elleétaitenceinte?Parcequ'elleadécidédemegarderetdem'élever,seuleetsansressources?Lescénarioclassique.QueJoannan'avaitpaspardonnéàsonpère.Adix-septans,samère

s'étaitretrouvéetouteseule.Maiselleavaitadorésafilledèssanaissanceetmêmeavant.Combiendefois,petite fille,s'était-elle imaginéquesonpèreallaitsurgir,réclamant leur

pardon? Elle devait avoir une dizaine d'années quand elles avaient appris par l'amie d'uneamie qu'il étaitmort dans un accident de voiture. Cela avaitmis fin à ses espoirs et à sesfantasmes.Malgré l'absencede père, elle s'estimait heureused'avoir euunemère comme la sienne.

Quiplusest,sisonpèreavaitressembléuntantsoitpeuàceluideRick,n'était-cepasmieuxainsi?Ricks'employaàdissipertoutmalentendu.Loindeluil'idéedelaprendreenpitié.—Jenefaisaisquemettreenévidencetonoptimisme.Pourtoi,leverreestàmoitiéplein

etnonàmoitiévide.C'estundetesatoutsmajeurs...—C'estgrâceàmamère.Ellem'aapprisqu'unevisionpositivedelavieaideàaffronterdes

difficultésdetoutefaçoninévitables.Samèreavaitétéunebattante.Ricketelleavaienttoutdesuitesympathisé,sesouvint-elle

avecémotion.—Celafaitcombiendetemps...,commença-t-il.—Qu'elleestdécédée?acheva-t-elleàsaplace.Unpeuplusdetreizemois.Emuet troublé, il constataque ledécèsde lamèrede Joanna lui faisait plusd'effet que

celuidesapropremère!—Jesuistristeàl'idéequ'elleneconnaîtrapassapetite-fille,ditJoanna.C'était un de ses grands regrets. Que samère ne soit pas là pour partager sa joie de la

maternité,pourlaconseiller.Ellesauraienteutantdechosesàéchanger.—Jecomprends,dit-il.Moiaussi.Ilneputs'empêcherdedemander:—Qu'est-cequit'apousséeàvouloirunenfant,maintenant?Commentluiexpliquerquecelaluiétaitvenuunsoirdesolitudeetdedéprime?—Aprèsledécèsdemamère,jen'avaispluspersonneàaimer,pluspersonneàquioffrir

toutcetamouràpartager.C'estcequim'adonnél'envied'avoirunbébé.Rickcomprenaitparfaitementsondésird'enfant.Cequ'ilnecomprenaitpas,c'étaitlechoix

qu'elleavaitfaitpourleconcevoir.— Pourquoi avoir choisi ce... procédé? Tu es jeune. Tu aurais pu attendre de trouver

quelqu'unquiteplaise.Ellelevalesyeuxversluiavantd'avouer:—Jel'avaisdéjàrencontré.Qu'essayait-elle de lui dire?Qu'il y avait eu un autre homme dans sa vie?Qu'elle avait,

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encoreunefois,rompuavecunhomme?—Quiétait-ce?Dégoûtée, Joanna soupira. C'est fou comme les hommes les plus intelligents peuvent se

montrerbornés!—Ilfautquejetemettelespointssurles«i»ouquoi?C'estdetoiqu'ils'agit,idiot!Ilréagitaussitôt,sansprendreletempsdelaréflexion.—Sicequetudisestvrai,pourquoiavoirrompucommetul'asfait?Et voilà! se dit-elle. Il fallait que cela arrive! Le pavé dans lamare! Inutile de tenter d'y

échapper.Elledétournasonregard,lesujetluiétaittroppénible.Illeresteraitjusqu'àlafindesesjours.—Jel'aifaitpourtoi.—Pourmoi?répéta-t-il,incrédule.Son ton avait quelque chosede cyniquequi exaspéra Joanna.Elle sentit lamoutarde lui

monteraunezetrétorquasèchement:—Cen'est certainement pas pourmoi que je l'ai fait, crois-moi.C'est la décision la plus

horriblequej'aiejamaisprise.— Vraiment? ricana-t-il. Etait-ce si « horrible » de te laisser acheter pour me briser le

cœur?Aurais-tuoubliécetaspectdesévénements?—Acheter?Qu'est-cequeturacontes?LacolèrepritRickàlagorge.Toutescesannéesperduesparcequ'ellen'avaitpascruenlui!

Elleneluiavaitpasfaitconfiancepoursurmonterl'oppositiondesesparentsetfairefaceauxdifficultésquepasseroutreàleurconsentementallaientleurcauser;ellen'avaitpasimaginéuninstantqu'ilétaitadulteetcapabledeprendresesresponsabilités.—Nefaispassemblant,jet'enprie,dit-il,furieux.C'estdetrèsmauvaisgoût.Elleseredressa;sesyeuxlançaientdeséclairs.Toutescesannéesdesouffrancecontenue

remontaientbrutalementetnedemandaientqu'àexploser.—Nonseulementjenefaispassemblant,maisj'aimeraisbiensavoirdequoituparles!Perfide! s'indigna-t-il. Après tout ce temps, elle trouvait encore lemoyen de luimentir!

Qu'est-cequ'elles'imaginait?Qu'ilignoraittoutdelapetitetransactionjuteuse?—Monpèrem'atoutraconté,dit-ilfroidement.Tiensdonc!Joannacroisalesbrasetlefusilladuregard.—Tuveuxbienéclairermachandelle?Quet'a-t-ilraconté?Ilfaillitseleveretprendrelafuite.Commeill'avaitdéjàfait,autrefois.Ilserepritetdécida

delaconfondre,detoutmettreauclairsansqu'ellepuisses'ensortiravecdebellesparoles.—Qu'il t'avait avertie que, si je t'épousais, ilmedéshériterait etme couperait les vivres.

Quesi turompaisavecmoi, il t'offriraitunchèquedecinquantemilledollars.Quetuavaischoisilechèque.Joannaenrestabouchebée.Ainsi,c'estcequ'ilcroyait?—J'aichoisiquoi?—Tuasaccepté l'argent,dit-il,semaîtrisantpournepashurler.J'aivu lechèqueavecta

signatureaudos.Jusque-là,j'avaisrefusédecroirequetuenétaiscapable.Maisquandj'aieulapreuveenmain...Un instant, Joanna en resta muette de stupeur. Elle n'aurait jamais cru que des gens

comme lesMasters puissent aller jusque-là pour parvenir à leurs fins. Lemensonge et laduplicitéluiétaienttellementétrangers!— J'ignorais que ton père s'adonnait aux faux en écriture, fit-elle enfin. Mensonge et

imitationdesignature!Quelstalents!

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—Tuprétendsqueriendetoutcelan'estarrivé?Elleplantasesyeuxdanslessiensetattenditunlongmomentavantderépliquer:—Jeprétendsqueleschosesnesesontpaspasséescommetusembleslecroire.Oui,tes

parents sontvenusmevoir.Oui, ilsm'ontditqu'ils tedéshériteraient si tum'épousais.Et,oui,ilsm'ontoffertdel'argent.C'estlàoùs'arrêtetaversion.Sachequej'aidéchirélechèquesous leurs yeux. Alors, ta mère m'a prise à part et m'a longuement expliqué que tu enviendraisàmehaïrsijeteforçaisàfairelemauvaischoix,àtepriverdetoutcequifaisaittavie.Quenotrerelationnetarderaitpasàsedétériorer,quetuneseraispasheureuxcoupédetesamis,detesracines,etquej'enseraislaseuleresponsable.Asontour,illaregardadanslesyeux,nesachantquecroire.—Ettul'ascrue?Joannaeutunsoupirdouloureux.Deslarmesrageusesluimontèrentauxyeuxausouvenir

desadétressepassée.—Elles'estmontréetrèsconvaincante.J'aicraintqu'ellen'ait,aumoinsenpartie,raison.

Moi, j'avais l'habitudedemebattre pour survivre. Pas toi.Etais-je endroit d'exiger de telssacrificesdetapart?Iln'y avait plusdemystère : tout était étalé au grand jour, constata-t-elle, soulagéed'un

poidsénorme.Huitansaprès.Aelled'allerjusqu'auboutetdeluidirecequ'ellen'avaitpaspuluidireàl'époque.—J'auraispréférémourircentfoisplutôtquetuenarrives,parmafaute,àmehaïr,àêtre

malheureux.J'aichoisidemourir,enuncertainsens.—Tun'aspasacceptél'argent,dit-illentement,détachantlesmots.Pourquoiavait-il tantdemalà lacroire?songea-t-elle tristement. Il l'avaitaiméepource

qu'elleétaitetauraitdûluifaireconfiance.—Tuveuxmefairepasseraudétecteurdemensonges?Ilravalaunerépliqueacerbeetdemanda:—Pourquoin'es-tupasvenuemevoir,medirecequis'étaitpasséentretoietmesparents?—Parcequecelan'auraitserviàrien: jen'auraispaspute ledire.Lasituationétaittrop

pénible.Or,jemedoutaisquetunemelaisseraispaspartirsansunebonneraison,etjen'enavaispas.Et,mêmesitul'avaisfait,jen'enauraispasétécapable.Jen'auraispasputerevoirette

quitter.—Tu as fichtrement raison, s'écria-t-il. Jamais je n'aurais supporté que tu partes. Nous

nousserionspassésdel'approbationdemesparents.—Oui,mais,parlasuite,j'auraispassémavieàépierlessignesdetadésaffection,puisde

tahaine!Ricknecomprenaitpasqu'elleaitdoutédeluiàcepoint.—C'étaittoutel'estimequetuavaispourmoi?Toutelafoiquetuavaisennotreamour?

s'offusqua-t-il. Ne me connaissais-tu pas assez pour me croire capable de faire face à lasituation?Ellehaussalesépaules,fataliste.Peut-être,eneffet,aurait-elledûluifaireconfiance–et

se faire confiance, également.Mais les arguments avancés par samère, puis par son père,avaientprislepassursabelleassurance.—Jecroyaisteconnaître.Mais,àvingtans,j'étaisencoretrèsnaïveetfacileàmanœuvrer.

Jevoulaisquetusoisheureux.C'étaitlecontrairequis'étaitproduit,pensa-t-ilamèrement.—Etc'estpourcelaquetum'asquitté.

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—Quejet'aiquitté,oui.Laseuledécisionparfaitementdésintéresséequ'elleaitjamaispriseetquiluiavaitpresque

coûtélavie.—Tesparentsm'ontdémontréqueLorettaLangleyétaitlafemmequiteconvenait.Ilserappelaitque,parlasuite,eneffet,sesparentsn'avaientpasménagéleurseffortspour

lerapprocherdecettejeunefille.Sanssuccès.—LorettaLangleyestunepoupéeégoïsteetsuperficiellequemamèreauraitmenéeparle

boutdunez.Trèspeupourmoi.C'étaittoi,lafemmedemavie.Ellesentitleslarmesluibrûlerlesyeuxettentadelesrefouler.—Pourquoin'es-tupas,toi,venumedemanderdesexplications,merelancer?Pourquoias-

tupliébagagesansunmot?—Parcequej'étaisblesséàmort.Piquéauvifdanssonamouretsonorgueil.Vexé,déçuau-delàdesmots,commeonl'està

vingt-deuxans...Sesparentsavaientréussiàgâcherdeuxviesd'unseulcoup!Beautravail.— Dis que tu as cru qu'on pouvait m'acheter! rectifia-t-elle vivement, refusant de

s'attendrir.Commentas-tupuêtreaveugleàcepoint?Asaquestion,ilréponditparuneautre.—Ettoi,commentas-tupuimaginerunseulinstantquejepréféreraisleconfortimbécile

d'uncertainstandingàunevieàtescôtés?Unsilencepesant retombaentreeux.Rickn'encroyaitpas sesoreilles.Tantd'annéesde

bonheurperdues...—Etmaintenant?fit-il.Tropdetempss'étaitécoulé,tropd'événementss'étaientproduits,estima-t-elle,pourqu'ils

prétendentreprendreleurrelationlàoùilsenétaientrestés.Ilyavaitencoredesquestionssansréponseet,auminimum,illeurfaudraitrétablirleclimatdeconfiance,indispensableàtouterelation,qu'ilsavaientgravementcompromis.Difficile.Aussiarduquederéapprendreàmarcheraprèsqu'unaccidentvousaprivédevosjambes.Peut-êtrequ'aprèsquelquetempsetavecbeaucoupdepatience...,seprit-elleàespérer.—Pourl'heure,répondit-elle,finissonsdedîner.Ensuite,laissonsvenir.Chaquechoseen

sontemps.Ses yeux s'écarquillèrent de surprise comme Rick se levait brusquement de table,

repoussantsachaisesansménagement.—Qu'est-cequetufais?demanda-t-elle,intriguée.Illuipritlepoignet,laforçaàseleveretlatintcontrelui.—Jeviensdedécider...dupremiertermedenotreéchéancier.

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6.Ellen'eutpasletempsdeposerdequestion.Ç'auraitétéparfaitementinutile,d'ailleurs.Il

luisuffitdeplongersonregarddanslesienpoursavoirqu'ilvoulait lamêmechosequ'elle.Cequil'avaitobsédée,cequiavaithantésesrêvesaucoursdeceslonguesannéesdesolitude.Rickenfonçasesmainsdanssescheveux,levasonvisageverslesienetcouvritsabouche

deseslèvres.Le rempart qu'elle avait érigé contre le flux de ses émotions, rempart sérieusement

endommagépar les événementsdesderniers jours, s'écroulad'un seul coup.Un torrentdedésirtroplongtempscontenusedéversasurelle,sureux,lessubmergeantabsolument.Commeilluiavaitmanqué!Elle passa ses bras autour de son cou et se serra contre lui, retrouvant avec bonheur la

chaleurfamilièredesoncorps,s'ynoyantdetoutesonâme.Quiavaitditqu'onnerevenaitjamaisenarrière?Qu'ilétaitimpossiblederécrirel'histoire?Les sensationsd'autrefois revinrent à la vitessegrandV, effaçant les annéesperdues, les

vaines souffrances. Elle avait de nouveau vingt ans et se blottissait dans les bras de celuiqu'elleaimait.Rick fut secoué de la tête aux pieds par l'intensité de son désir. Elle avait toujours ce

pouvoirdefairedelui,enl'espacedequelquessecondes,unbrasierdepassion.Aucuneautrefemmen'avaitexercécepouvoirsurlui.Deloinoudeprès.A vrai dire, il n'avait aimé personne d'autre. Toutes ses amourettes s'étaient terminées

brutalement;n'avait-ilpasrecherchél'impossible–cellequiremplaceraitJoanna?Aujourd'hui, il sentaitencoreplus ladifférence.Plus il l'embrassait,plus ilavaitenviede

l'embrasser.Si lepartenaire idéaln'étaitpasuncontedegrand-mère, il l'avait trouvéen lapersonnedeJoanna.Tout son corps réclamait l'aboutissement de son désirmais, outre le fait que Joanna se

remettaitàpeinedesamaternité,ilsentitquec'étaittroptôt,quenil'unnil'autren'étaientprêtspour cette aventure émotionnelle.Onne revenait pas en arrière, comme cela, suruncoupdetête.Pourquoipas?serebiffa-t-il.Toute logique déserta son esprit, le laissant aux prises avec un désir brutal qui irradiait

chaque fibre de son corps. Encore un peu, et il perdrait tout contrôle. Il rejeta la tête enarrièreetpritsonvisageencoupedanssesmainspourmieuxlaregarder.—Rienn'achangé,dit-il.Tumefaistoujoursperdrelespédales.Elleréussitàsourireetàrefrénerletremblementquimenaçaitdel'anéantir.—Tucrois?letaquina-t-elle.LesouriredeRicks'estompa tant ilbrûlaitde laposséder,aupointqu'il s'étonnaitdene

passeconsumersurplace.—Combiendetemps...?Ellel'interrogeaduregard,perplexe.—Combiende tempsavantqu'onpuisse faire l'amour?acheva-t-il sans s'embarrasserde

périphrases.Elleeutcesouriremalicieuxqu'ilaimaittant.—Droitaubut!Tuneperdspasdetemps.—Celafaithuitans,Joey!rétorqua-t-il,lagorgesèche.Jen'aiplusuneminuteàperdre.Joey!Ilétaitleseulàluidonnercesurnom.Celaluirappelaunefouledesouvenirs...—Bientôt,dit-elle.Trèsbientôt.Lemédecintrouveque jemerétablis trèsvite.Certaines

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femmespeuventlefairedeuxsemainesaprèsl'accouchement.Ilcaressasescheveux,neserésignantpasàlalaisseraller.—Deuxsemaines!soupira-t-il.—Celapeutprendreunpeupluslongtemps,prévint-elle.—Celamesembledéjàlong!Il déposa un baiser sur son front, la retenant pressée contre lui. Son corps, en alerte,

protestaitcontrelafrustration.Eh!seraisonna-t-il,qu'étaientdeuxoutroispetitessemainescomparéesàhuitansd'attente?Illalâcha,repoussasachaisesouslatableetsepréparaàs'éloigner.S'ilrestaitprèsd'elle,

ilnerépondaitderien.Elles'étonna.Quefaisait-il?Allait-ill'abandonneraumilieududîner?—Rick,oùvas-tu?—Prendreunedouchefroide.Lapremièred'unelonguesérie,j'enaipeur!Iltournalestalons,fitbrusquementdemi-touretluiplantaunbaisersurleslèvres.—Ledernier.Pourlaroute.Ademain.—Demain?—Ladoucherisquedeseprolonger.Quantàtoi,terminetranquillementtonrepas.Situne

faispashonneuràtonplatpréféré,MmeRutledgeleprendracommeuneinjurepersonnelle.Elles'estdécarcasséepourtefaireplaisir!Encoresouslecoupdel'émotion,ellen'avaitpasgrandappétit.Leuréchangeavaitremué

tropdechosesetranimé,sibesoinétait,sondésirdelui,desaprésence.—Tun'aspasterminé,fit-elleremarquerendésespoirdecause.—Elleal'habitude,rit-il.Avecunclind'œil,ilajouta:—M'estavisquetudevraisreprendredesforces!Surcesmots,ilquittalasalleàmanger,lalaissantseuledevantsonassiette,enproieàdes

penséessingulièrementexcitantes.Ricksortitdeladouchecommeunnoyéquisortdel'eau.Ilavaittentéàgrandsjetsd'eau

froide de calmer son corps échauffé mais aussi sa colère contre ses parents – et, plusparticulièrement,contresonpère.Si seule samère s'était vantée d'avoir corrompu Joanna, il ne l'aurait pas crue et aurait

cherchéàconnaître le finmotde l'histoire. Il savaitqu'ellen'appréciaitpas la jeune filleetqu'ellesouhaitaitpoursonfilsquelqu'un«de leurmonde»,sansqueRickd'ailleurssachetrèsbiencequ'elleentendaitparlà.Poursonpère,c'étaitdifférent.Ils'étaittoujourstenuendehorsdescombinesdesamère.

Ilapprouvaitcertaineschoseset fermait lesyeuxsurd'autres.Iln'avaitpaseu,à l'égarddeJoanna, lamêmeattitudeméprisante,dueaufaitquesafamillen'appartenaitpasaugratindeBedford.Rickpensaitmêmequesonpèreauraitpuenveniràl'apprécier.C'estpourquoi,quandilavaitfaitfrontavecsafemmeetluiavaitmontrélechèque,signéparJoanna,Rickn'avaitpaseudedoutes:elles'étaitbeletbienlaisséacheter.Ilétaitd'autantplusdéçuque,récemment,ils'étaitrapprochédesonpère,quelesrelations

entre eux avaientperdude leur froideur. Il avait été trèsprésent auprèsde lui lorsde sonattaque...Pourquoicethomme,qu'ilcroyaithonnête,avaitentérinélagrossièremachinationdesonépouse?Est-cequetout,danssavie,n'étaitquemensonge?Furieux,ilsefrottalescheveuxvigoureusementavecsaserviettequ'ilenroulaautourdesa

taille,etsortitde lasalledebains.Puis, ilappelasonpèresursonportable.Ilattenditune

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vingtaine de sonneries avant qu'une voix artificielle lui dise que le numéro n'était pasdisponible.Ils'habillarapidementet, lescheveuxencorehumides,descenditdanssonbureau.Là,en

dépitdel'heuretardivesurlacôteest,ilcomposalenumérodelarésidencedeFloride.C'étaittropurgentpourattendrelelendemain.Ilobtintlerépondeuret,frustré,criapresque:—Papa,situeslà,décroche.Ilfautabsolumentquejeteparle.C'estimportant.Ilallaitraccrocheravecunjuronbiensentiquandonluiréponditenfin.—Richard?Quesepasse-t-il?Unproblèmetouchantlenouveausiègesocial?Rickresserralesdoigtssurlecombiné.—Cequi sepasse?dit-il avecun rire grinçant. Je vais te le dire. Il sepasseque tum'as

menti!Ilyeutunsilenceembarrassé.—Richard?Tuasbu?Ricksepassalamaindanslescheveuxetsemitàtournerautourdesonbureau.—Non,dit-il.Jen'aipasbu.Jen'airienvu,nonplus.—Explique-toi.Jenecomprendspas.— Moi non plus. Je peux, à la rigueur comprendre que maman m'ait menti. Elle ne

supportaitpasqu'on échappeà son contrôle, que ce soit toi oumoi.Maisque toi, tu aillesjusqu'à faire un faux, jusqu'à imiter la signature de Joanna, alors que tu savais que celadétruiraitmavieetmonbonheur...IlyeutunsilenceencorepluslongavantqueHowardMastersneserisqueàdemander:—Commentas-tuappris?Quesonfilsdécouvrelavéritélesoulageait,aufond.Iln'avaitjamaispuoubliersongeste

et,aufildesannées,c'étaitdevenuunsecretdeplusenpluslourdàporter.C'étaitcommesionluiretiraitunpoidsdelapoitrine...Rickfutsurprisquesonpèrenecherchepasànier.Devait-illuiensavoirgré?—J'aifaitcequej'auraisdûfaireilyahuitans.Jesuisallélavoiretluiparler.Howards'étaitpréparéàcetteéventualitédepuisqu'ilavaitprisladécisionderapatrierle

siègesocialàBedford.Unefaçoncommeuneautredeservirledestin?—Jesuiscontentquetoutsoitclair,dit-il,espérantquesonfilscroiraitensasincérité.—Content?demandacelui-ci,intrigué.Il refrénait à grand-peine l'envie de hurler dans le combiné. Il ne voulait pas queMme

Rutledgel'entende.Bienqu'ellefassepartiedelafamille, ilpréféraitqu'elleresteendehorsdecettetristehistoire.—Pourquoinem'as-turiendit?Toutescesannéesoùnousavonstravaillécôteàcôte?—J'aiessayé,ditHoward.Aplusieursreprises.C'étaitvrai.Torturéparleremords,ilavaitmaintesfoisprislarésolutiondetoutrévélerà

sonfils.Etmaintesfoisreculé.—Ilyavaittoujoursquelquechosequivenaitinterférer...—Quoi?fitRick.Qu'est-cequiavaitempêchésonpèredeluiparler?Surtoutdepuislamortdesamère.—Quesais-je?Lesaffaires...Ilhésitapuisavoua:—Lapeur.Tuterapprochaisdemoietj'enétaisheureux.J'aieupeurdeteperdre.Avant,

c'étaitlapeurdelaréactiondetamère.Celaauraitpuprovoquerundésastre...—Celafaittroisansquemamanestmorte.—Jesais.Maistuparaissaissatisfaitdetavie.Tuavaisl'airheureux.

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—Situveuxtoutsavoir,ditRickplusfurieuxquejamais, jen'aipasconnudemavieunseuljourdebonheur–saufavecJoanna.—Sicelapeuttesatisfaire,ditHoward,jeteprésentemesexcuses.Ilsoupiraetreprit:—Depuismonattaque,j'aitentéplusieursfoisdeteparler.Envain.J'aialorspenséquele

mieuxétaitdeteforceràreveniràBedford.Jesavaisqu'elleyhabitaittoujoursetjemesuisditqu'unjouroul'autre,vousvousrencontreriez...Rick, qui aurait préféré rester en Géorgie, comprit soudain pourquoi son père avait

tellementinsistépourqu'ilprenneladirectiondesopérations.Statistiquesàl'appui,Howardluiavaitdémontrélebien-fondédutransfertetluienavaitdéléguétoutelaresponsabilité.Ilsentitsacolères'apaiser,s'assitàcalifourchonsurunechaiseetrépliqua:—Celanetedédouanepaspourautant!— Je sais. Cela prendra du temps. J'espère en avoir assez devant moi pour obtenir ton

pardon.Aprèssonattaque,sonpèreavaitbrutalementprisconsciencedelafragilitédelavie.Ilse

savait menacé. C'était un changement total chez lui; il avait toujours paru certain de sonimmortalité...Rickcrutentendreunevoixféminineappelersonpère.—Quelqu'unestavectoi?—Oui.Quelqu'unquim'afaitcomprendrequejen'auraispasdûmemettreentraversde

ton bonheur, même si ta mère était persuadée que cette fille n'était pas celle qui t'étaitdestinée.—Cettefilleaunnom,repartitRicksèchement.Tupeuxdire«Joanna».Ilobservauneminutederéflexion.Ilneluiétaitjamaisvenuàl'idéequesonpèrereferait

savie.Aprèsdesannéesdifficiles,c'étaitlemoinsqu'onpouvaitdire,avecsamère,ilauraitcruqu'ilseseraitgardécommedelapested'unenouvellerelation.—Comments'appelleta...compagne?—Dorothy, réponditHoward avec un sourire dans la voix.Un jour, peut-être, ajouta-t-il

gravement,tumepardonneras.Jel'espère.—Peut-être...Paspourlemoment,entoutcas!Ilavaitbesoindetemps.Pourdigérertoutcequivenait

desepasser.Pourretrouverunsemblantd'équilibreetdenormalité.Pourmettredel'ordredanssavie.—...onenreparlera,conclut-il.Ilreposal'appareiletdemeuralongtempsimmobile,lesyeuxdanslevague,àserepasserle

filmdelaconversationqu'ilvenaitd'avoiravecsonpère.Unenfantquipleure.Rick,réveilléensursaut,seredressadanslefauteuiloùils'étaitendormi.Commetoujours

quandquelquechoseletracassait,ils'étaitplongédansletravail.Celal'avaitsauvé,huitansauparavant.Il avait la gorge sèche et se leva pour détendre sesmuscles ankylosés. Le lourd registre

posésursesgenouxatterritsurletapis,etilsepenchapourleramasser.Lesvagissementscontinuaient.LebébédeJoanna.Joanna.Ilposaleregistresursonbureauetquittalapièceaprèsenavoiréteintleslumières.Il se dirigea vers l'arrière de la maison, là où se trouvaient la chambre de Joanna et la

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nursery.Lelongduparcours,ilnecessaitdes'enétonner:Joannaétaitlà,soussontoit,avecunenfant,aprèstoutescesannées.Unpeuperdu,ilétaitpartagéentrecebonheurinattenduetunvaguesentimentdemalaise.Probablementdûà lasoudainetéetà lanouveautéde lasituation...Làaussi,ilfallaitdonnerdutempsautemps.Ilfrappaàlaporteet,n'obtenantpasderéponse,tournalapoignée,lentement,désireuxde

semontrerdiscret,denepass'imposer.Pourluimontrerqu'ilétaitlàencasdebesoin.Que,cette fois, tout se passerait bien entre eux. A ses yeux, c'était la première démarche quis'imposait.Ensuite, il l'aiderait à gérer la situationdifficile dans laquelle elle se trouvait, àreprendrepied.Elle était près de la fenêtre. La lune et une petite lampe dans la nursery nimbaient la

chambred'unelumièreirréelle.Elleportaitlachemisedenuitqu'illuiavaitofferteet,àcettevision,ilsentitsonestomacsenouer.Leluxueuxvêtementdedentellenoirereprésentaitdesannéesdefantasmesdéçus.Leclair

delunejouaitàtraversletissuaérien,révélantassezdesoncorpspourqu'ilsoitlaproied'unviolentdésir...Elleavaitdénouésescheveuxquiluiretombaientsurlesépaules,endésordre.Ileutenvie

d'y passer lamain, de caresser sa nuque, ses épaules, de s'approprier ce qui, autrefois, luiavaitappartenu...Devait-ilseretireravantqu'ellenes'aperçoivedesaprésence?Illavitserrerl'enfantcontre

elle, s'efforçant de la calmer. Sans succès. Lamère et le bébé lui parurent avoir besoin deréconfortetildemandadoucement:—Qu'est-cequinevapas?Elletressaillitetseretourna:ellenel'avaitpasentenduentrer.—Désoléedet'avoirréveillé...Ilsouritets'avança.—Tunem'aspasréveillé.C'estlebébé.Pour Joanna, elle et sonbébéne faisaient encore qu'un tout indissociable, surtout en ce

moment où ses penséesn'étaient pas très claires.Rachel l'avait tirée d'un cauchemardanslequel les parents deRick, plus grands quenature tels les procureurs duprocèsd'Alice aupaysdeMerveilles,luirépétaientavecunemêmeduretéqu'ellen'étaitpasfaitepourleurfils,qu'ellecauseraitsonmalheur.Apparemment,unepartied'elle-mêmecroyaitencorecequ'onluiavaitbrutalementasséné,huitansauparavant.—Désoléequandmême...—Iln'yapasdequoi.Ilregardalatoutepetitefilleaccrochéeàl'épauledesamère.—Celafaitlongtempsqu'ellepleure?—Unbonmoment.Elle avait tout essayé et se désolait que l'enfant ne veuille pas se rendormir. Aurait-elle

oubliéquelquechose?Elleavaitl'airfatiguée,pensa-t-il.D'unemainlégère,ilécartasescheveuxdesonvisage.—Veux-tuquej'aillechercherMmeRutledge?—Non,dit-elleaussitôt,plusvivementqu'ellel'avaitvoulu.Ellebaissaletonetpoursuivit:—C'estàmoidemedébrouilleravecmafille.Si,àlapremièredifficulté,jebaisselesbras

etm'endéchargesurquelqu'und'autre,quelgenredemèreserai-je?Quelqu'un commemamère, songeaRick. Il n'endit rien, car les deux femmesn'avaient

rienencommun;lacomparaisonauraitperturbéJoanna.

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—Unemèrequiaccepted'êtreaidée.Certes,elleétaitfatiguéeetbouleverséeparlescrisdeRachel.Maisilfaudraitbienqu'elle

s'yhabitue.Elle acquerraitde l'expérience,décrypterait le langagede sonbébé.«Personnen'alascienceinfuse»,disaitsamère,cequiétaitparticulièrementvraipourunefemmequienétaitàsonpremierenfant...—MmeRutledgeatoutfaitpourmoidepuisquej'aifranchileseuildecettemaison.Ellea

besoindesereposer.—Toiaussi.Tul'aschangée?—Evidemment.Elles'avisaqu'ilessayaitd'êtreutileetrepritsuruntonmoinsacerbe:—Jel'ainourrieetchangée.—Donne-la-moi.Jevaislapromenerenlaberçant.Lechangementdebras,celapeutaider.Iltendaitlesmainsverslebébé.Ellehésitauneseconde,nevoulantpassedéchargersur

luidesaresponsabilité.—Ilesthorriblementtard...Tudevraisêtreaulit.Ilhaussalesépaulesetrepartitd'untonléger:—Personnenem'yattend.Unpeudecompagnienemeferapasdemal.Sans attendre sa permission, il lui prit le bébé des mains et se mit à marcher dans la

chambre.— Ne t'inquiète pas, Joey. Je ne vais pas la laisser tomber. Souviens-toi que j'ai été le

premieràlatenirdansmesmains.Demauvais gré, elle le laissa faire, étonnée qu'il se préoccupedu bien-être de son bébé.

C'étaitunechosequ'ellen'auraitjamaisimaginée.Celaluifitréaliserqu'elleavaitbeaucoupàapprendreàsonsujet.—MmeRutledgem'aditquetuluiavaisdonnélebiberon,cetaprès-midi.—MmeRutledgeferaitmieuxdesetaire.—Ellet'adore.—C'estréciproque,affirma-t-ildufondducœur.Lebébésecalmait.Ricks'assitdanslerocking-chairetdésignalelitouvert.—Jem'occupedeBébéRachel.Profites-enpourt'allonger.—Tun'espasobligédefairetoutcela...Elles'allongeasurlelitets'appuyasurl'oreiller.—...Jeveuxdire,cen'estpascommesituétaislepère.LeursregardssecroisèrentetRickrépondit:—Exact.Toutefois,j'auraispul'être...Bah!ajouta-t-ilensouriant,assezdiscuté.Tun'auras

paslederniermot.Repose-toi.—D'accord,admit-elle.Quelquesminutes.Elle s'endormit en regardant Rick bercer l'enfant, assis dans cemême fauteuil oùMme

Rutledgel'avaitbercé,lui.Sadernièrepenséefutquecettecontinuitéétaitdebonaugure,àl'oréed'unenouvellevie.

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7.LetéléphoneportabledeRicksonnaaumomentoùilmontaitenvoiture.Si,pourfaireplaisiràsonpère,ilseservaitdelaMercedespourserendreaubureauetnon

desaMustang,cen'étaitlàqu'uncompromis.HowardMastersauraitpréféréqueRickafficheunstandingdigneduvice-présidentqu'ilétaitenusantdelalimousineavecchauffeurmiseàsadisposition.Rickavaitrefusé:ilentendaitrestermaîtredesesdéplacements.Ilchérissaittropsonindépendancepouraccepterdedépendred'unchauffeur.Leseultraitdecaractèrequ'ilaitdesamère,probablement...D'unemain,ilmitlecontactet,del'autre,ouvritletéléphone.—Masters.—MonsieurRick,NadineRutledge.Ellen'avaitpasbesoindes'annoncer.Personnenel'appelait«M.Rick»etpersonnen'avait

celégeraccenttraînantduSud!Il redouta le pire. Sa gouvernante ne l'appelait jamais qu'en cas d'extrême urgence. La

dernièrefois,c'étaitpourluiapprendreledécèsdesamère.Serait-ilarrivéquelquechoseàJoannaouaubébé?Sonestomacsenoua.—Quesepasse-t-il?Unproblèmegrave?MmeRutledgenesedépartitpasdesoncalme.—Jenesaispassic'estgrave,maismissJoannaestpartie.—Partie?Commel'autrefois?Définitivement?Ilcrutquesoncœurs'arrêtaitdebattre.—Partieoù?—Chezelle.Danscequ'ilenreste.Soulagé, il respira à fond. Qu'était-elle allée faire là-bas? Il lui avait décrit l'état de sa

maison et lui avait rapporté ce qu'il avait trouvé d'important : son sac, ses papiers et sescartes de crédit; qu'avait-elle besoin de s'y rendre?A tout lemoins, pourquoi ne pas avoirattenduqu'ilpuissel'yconduire?—J'imaginequevousavezessayédel'endissuader?—Jeluiaiditqu'ellenedevraitpasyallertouteseule.Autondesavoix,ilcompritqu'ellenes'étaitpassentiledroitd'empêcherJoannadefaire

cequ'ellevoulait.—Jeluiaidonnémonportable,ajouta-t-elle.Unefaçoncommeuneautred'assurerlasécuritédelajeunefemme.Comment s'y était-elle rendue? Avait-elle emprunté sa voiture? Etait-il prudent qu'elle

conduise,sitôtaprèsl'accouchement?Ilsesouvenaitl'avoirentendudirequeledocteurluiavaitrecommandédenepasprendretoutdesuitelevolant.—N'est-cepastroptôtpourqu'elleconduise?—Non.Celafaitbientôtdeuxsemaines.Detoutefaçon,elleaprisuntaxi.Iljuraàvoixbasseetconsultasamontre.Ilavaitrendez-vousavecl'architectedunouveau

bâtimentMastersdansunedemi-heure.Bah,ilprendraitsonmalenpatience!LasécuritédeJoannapassaitavantlesplansdesbureaux.—Pouvez-vousappelerCéliaetluidirederepoussermonrendez-vous?Deuxheures,dans

monbureau,cetaprès-midi?—Comptezsurmoi.—Parfait.Merci.Ilfermaletéléphoneetlelançasurlesiège,àcôtédelui.

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Cen'était pas bonpour Joannad'aller là-bas.Constater l'ampleurdesdégâts, voir de sesyeuxl'étatcatastrophiquedecequiavaitétésamaisonnepouvaientqueluifendrelecœur...Cesdeuxdernièressemaines,elles'étaitattachéeàapprendresonrôledemère.Elleavait

eul'airdesedonnerentièrementàsesnouvellesobligations.Misàpartunrendez-vousavecl'assureur,ellen'avaitpasmentionnésamaison;ilavaitcruqu'elleavaitsurmontél'incendieetsesconséquences.Apparemment,cen'étaitpaslecas.Cela lui fit comprendrequ'il ne savait rien, en fait, de cequi sepassait dans sa tête.Lui

était-elledevenueétrangère?Cependant, ces derniers jours, en dépit du travail considérable qui lui incombait en tant

que futur président de la compagnie, il avait réussi à rentrer assez tôt à la maison. A samanière, il s'étaitmêlé à la vie de lamère et de l'enfant, soit en prenant unepart active àcertainestâches,soitensecontentantd'assisteràlanaissanced'unerelationprivilégiéeentreJoannaetsonbébé.Toutcelaétaitnouveaupourlui.Quandilsétaientensemble,iln'avaitjamaisenvisagéleur

vie souscetaspect. Il s'étaitvuemmenantJoannaauxquatrecoinsdumondepoury fairel'amour sous les palmiers et participer à la vie de la jet-set qui était la sienne. Une viecosmopolite,excitante,imprévisible,oùl'ennuin'avaitpassaplace.L'idéed'avoirdesenfantsnel'avaitquevaguementeffleuré.Plustard.D'aprèssesparents,

lesenfantsétaientunesourced'ennuis.Toutjustes'ilsnevousgâchaientpaslavie!Or il découvrait qu'il n'en était rien. Que les bébés pouvaient être une source de joie.

ParticiperàlaviedeJoannaetdesonbébéle...recentrait.Ilsesurpritàvouloirêtreplusqu'unsimplespectateur,àsouhaiterfairepartieintégrante

decetterelation.Etait-ce l'attrait de l'inconnu? Allait-il perdre tout intérêt dès lors que la routine

s'installerait?Tout en conduisant la luxueuse voitured'unemain sûre, il réfléchissait. Il n'étaitplus le

jeunehommed'ilyahuitans.Ilavaitchangésousbiendesaspects,loindeJoanna,desoninfluence.Demêmequ'elleavaitchangé–commeentémoignaitcedésird'enfantsanspère.Lesdeuxmoitiéspouvaient-ellesserejoindremalgrécetteévolution?Bonnequestion.Sansréponse.Impossiblede savoir.Cequ'il savait, c'est qued'aller revoir cequi avait été samaison et

n'étaitplusqueruinesneluiremonteraitpaslemoral.Il accéléra, gardant unœil sur le rétroviseur au cas où la police s'aviserait de le suivre.

D'ordinaire,ilrespectaitleslimitesimposées.Aujourd'hui,ilpassaitlesfeuxàl'orangebienmûr...Ilralentitunpeu.Ilcouvritnéanmoinsladistance–fortrespectable–quileséparaitduquartierdeJoanna

enuntempsrecord.Pasdetaxiàl'arrêtdevantlamaison.MmeRutledgeseserait-elletrompée?Joannaétaitpeut-êtrealléevoiruneamieoufairedescourses.Récemment,elle luiavait

interdit de lui acheter quoique ce soit d'autre. Elle avait probablement décidé de sereconstituerunsemblantdegarde-robe.C'estalorsqu'illavit.Agenouxdans les gravats, ledos tourné, elle fourrageaitparmi les cendres. Il s'arrêta et

sortitdelavoiture.Perduedanssespensées,briséeparlechagrin,Joannaneremarquapassonarrivée.Uninstant,ilpensaàseretirerpourlalaisserfairesondeuil.Maisdelavoirainsiaccablée,

recroquevilléesurelle-même,l'émutauxlarmes.Pourquoidevait-ellesubircela?C'étaittrop

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injuste.Ils'avança,hésitantentresemontrerindiscretetl'épaulerdanscetteépreuve.Qu'ellenese

sentepasseule.—Joanna?Ellesursautaettournaversluiunvisageruisselantdelarmes.Rickfutauprèsd'elleenun

clind'œil.Ils'accroupit,lapritdanssesbrasetl'aidaàserelever.—Qu'es-tuvenuefaireici?s'enquit-il,suruntondereprocheamical.Elles'adjuradecesserdepleurnicheretditunpeusèchement:—Il lefallait.Jem'inquiétaispourlecourrierquidébordaitdelaboîte.Lefacteurn'avait

pasmonadresseetnepouvaitpaslefairesuivre.Elledésignaitdumenton laboîteaux lettres,qu'elleavaitofferteàsamèrepourPâques.

C'étaitunereproductiondelamaisonqui,elle,n'avaitpassouffertdel'incendie.Il lui prit le visage entre sesmains et l'embrassa légèrement sur les lèvres.C'était de sa

faute.Iln'avaitpassongéàs'occuperducourrier.Unoubliimpardonnablequ'ilsepromitderéparerdanslesplusbrefsdélais.—Jen'yaipaspensé,avoua-t-il.Désolé.Ellesecoualatêteets'écartadelui.Mauvais,cela.Nepasprendrel'habitudedesereposer

sur luipour tout.Elleavaitchoisi savoie.C'étaitàelledeseprendreenmain,d'être forte.Sinon,lavieavaitvitefaitdevousrappeleràl'ordreetdevousenfoncerlatêtesousl'eau.—Tuasdéjàpenséàtellementdechoses.C'estàmoideprendremesresponsabilités.Pasà

toi.Illuipritlamain.—J'aienviedet'épargnercegenredesoucis.Celamefaitplaisir.—Jenesuispasunepetitechosefragile,tusais.Jepeuxmedébrouillertouteseule.Malheureusementpourelle,unsanglotluimontaàlagorge,démentantcesbellesparoles.

Ellesemorditlalèvreettentaderefoulerseslarmes.—Toutadisparu...,dit-elled'unepetitevoix.—Qu'est-cequiadisparu?Tessouvenirs?Ilssont là,danstamémoire,Joey,dit-ilen lui

posantundoigtsurlefront.Riennelesendélogera.Jamais.Ilavaitvoululadétendreenluidonnantsonpetitnomd'amitié;ilneparvintqu'àluiôter

toutsoncourage.Elleclignadespaupièrespourenchasserleslarmes,s'évertuaàrespireràfond, luttant pour semontrer à la hauteur. Elle fit appel à son sang-froid, son énergie defemmeseule,habituéeàredresserlatête.Envain.Tropdedramess'étaientsuccédédanssavieaucoursdel'annéeécoulée.Lamaladiedesa

mère;sondécès.Lamiseàpied,poliemaisferme,duconseild'administrationdesoncollège.Et,pourcouronnerletout,l'incendiequilaprivaitdesamaison,desonrefuge.Commesilesorts'acharnaitsurelle.Allait-il toujoursenêtreainsi?Nepourrait-elle jamaiss'accrocheràquelqu'un,àquelque

chose,êtreheureuse?Sansarrière-pensée?—Toutesmesphotosontdisparu,expliqua-t-elle.J'ai lesalbumsdemamèreparcequ'ils

étaientdanslabibliothèquedusalon.Maislesnôtres,lesphotosdenousdeux...Ellelevalesyeuxverslui,essayantdeserappelerdequoiilavaitl'airlapremièrefoisqu'ils

s'étaient rencontrés. Les cheveux plus longs et plus rebelles... Un petit air de révolte quis'étaiteffacéavecletemps.—...ellesétaienttoutesdansleplacarddemachambre.Leurs regards convergèrent vers ce qui avait été sa chambre. Pas trace de placard. Ne

restaientquelesmursnoircisparlafumée,dressésversleciel.

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Ilnesutquedirepourlaconsoler,sachantcombienelletenaitàsesphotos,sonœuvre.Al'époque,ellemitraillaitàtoutboutdechamp,immortalisantsansrelâchesurlepapieruneattitude,ungeste,uninstantéphémère.—Oùsontlesalbumsdetamère?demanda-t-il.Aulieuderépondre,ellelepritparlamainet,par-dessuslesmonceauxdegravats,lemena

verslapartiedelamaisonplusoumoinsintacte.Celafaisaittoutdrôled'entrersansfrapperdanscequiavaitétélesalon...Joannasedirigeaverslebasd'unebibliothèquequiportaitdestracesdefuméemaisavait

l'air de ne pas avoir été touchée par le feu. Elle ouvrit les portes, révélant une collectionimpressionnanted'albums,classésparordrechronologique.Rickneputs'empêcherdesourire.—Tamèreétaitunefemmed'ordre,ondirait!—C'estvrai,ditJoanna,d'unevoixétranglée.Souslesyeuxétonnésdelajeunefemme,ilsepenchaetsortitlesalbumsunparun.—Quefais-tu?—Jelesemporteavecnous.Ilsserontainsiàl'abrid'éventuelspillards.Onnesaitjamais.

Ilssonttropprécieuxpourprendrelerisquedelesperdre.Elle savait qu'il faisait cela pour elle, uniquement, que lui-même n'attribuait pas

d'importanceàcegenredesouvenirsmatériels. Ilnegardaitaucunephoto.Elle l'embrassasurlajoue.—Merci.Ils firent plusieurs allers et retours jusqu'au coffre de la voiture. Avant de refermer la

portière,illança:—Autrechose?Ellesetournaverslamaisondévastéeetsoupira:—Tout!—Ehbien...Onrevientavecunsemi-remorque,d'accord?Ellerit.—Jeblaguais.Lesalbumssont laseulechose importanteque j'avaisàrécupérer.Enfin...

aprèslesfactures.Elleallaàlaboîteauxlettres,ouvritlapetiteporteetpritletasdecourrier.Elleledéposa

envracsurlesiègearrière,seréservantdeletrieràtêtereposée.—Qu'as-tufaitdetontaxi?—Jel'airenvoyé.Jenesavaispascombiendetempsj'allaisresteretjen'aipaslesmoyens

depayerdesheuresdetaxi.—Commentpensais-turentrer?—MmeRutledgem'adonnésonportable.Une foisaprèsm'êtrebienappesantiesurmes

malheurs,j'auraisappeléunautretaxi.Ilpassaunbrasautourdesesépaulesetlaserracontrelui.Celalaréconforta,mêmesielle

sepromitsilencieusementdenepass'habitueràtoujourscomptersurlui.—Jen'appellepas cela« s'appesantir sur tesmalheurs», remarqua-t-il.C'est tamaison,

celledanslaquelletuasgrandi.Ilestparfaitementnormalquetusoisbouleverséedelavoirdanscetétat.Un instant, elle s'abandonna au sentiment de paix qu'il lui communiquait. Les choses

allaients'arranger...Ellelevalatêteverslui.—Depuisquandes-tudevenusentimental?letaquina-t-elle.Le Rick qu'elle avait connu jadis avait été aimant et prévenant, certes; mais elle ne se

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souvenaitpasqu'ilaitmanifestétantdecompréhensionpourlespetitsmalheursdelavie.Surlemêmeton,ilrépliqua:—C'estgrâceàunprogrammedeformationcontinuequelacompagnieamisenplaceet

qu'onm'aforcéàsuivre...Ilembrassatendrementsonfront.—Prêteàrentrer,outuveuxresterencoreunpeu?—Non.Tuasraison:l'essentielestlà.Et comme il l'avait fait plus tôt, elle se tapa la tempe du doigt.C'était là aussi, dans sa

mémoire.Et dans son cœur.Un cœur rempli d'amour pour le bébé qui l'attendait. Et pourRick.Elle s'abstint toutefoisde faire étatde ses sentiments.Unepetite voix intérieure tirait la

sonnetted'alarme,larappelantàl'ordre.Ilsn'étaientpluslesmêmes.Rienn'étaitpareil.Et,danslemêmetemps,elleavaitapprisànerienattendredelavie.Lameilleurefaçondenepasêtredéçue.Rick lui ouvrit la portière, ramassa son portable et attendit qu'elle prenne place. Il fit le

tourdelavoiture,s'assit,ajustalaceinturedesécuritéetmitlemoteurenmarche.Aprèsuncoup d'œil à sa montre, il décida que rien ne le pressait puisque son rendez-vous étaitrepoussé dans l'après-midi. Le travail pouvait attendre. Il eut alors une idée qui lui paruttomberduciel.—Quedirais-tud'allerfairequelquescourses?Elledétournalesyeuxdurétroviseurdanslequelelleavaitregardélamaisondisparaître.—Quedis-tu?Iltournaàdroite.—Unvieuxproverbem'estrevenuà l'esprit.Quelquechosedugenre :«Si tun'aspas le

moral,vafairelesmagasins.»Ilyasûrementduvrailà-dedans.Ilcherchaitàladistraireàtoutprix.—Onvat'acheterdesvêtements.Cequejet'aiprocurénesuffitpasàhabillerl'oiseau.Ilte

fautunevraiegarde-robe.Bien qu'elle le sût animé de bonnes intentions, il lui fallait mettre un terme à ces

libéralités.Grâceàlui,elleavaitrecouvrésescartesdecrédit;mais,enprévisiondel'avenir–Dieuseulsavaitcequ'illuiréservait!–,ellevoulaitrestreindresesdépensesaumaximum.—Jecroyaist'avoirditquejenevoulaisplusriendetapart?—Tul'asdit,eneffet.Iltournadenouveauàdroite,puisluijetaunregardencoin.—Jesuisdugenreobstiné.Celadit,cettefois,c'esttoiquichoisiras.Qu'enpenses-tu?Commeellenerépondaitpas,ils'inquiéta:—Fatiguée?—Non,non,fit-ellevivement.Ellesesentaitbeaucoupmieuxdepuisquelques jours.SiRachelnefaisaitpasencoreses

nuits,Joannaavaitprislerythmeetcommençaitàs'habitueràdormirparpériodes.—Ilfautquejerentrem'occuperdeRachel.Sicen'étaitquecela,cen'étaitpasunproblème.—Ne te fais pas de souci.MmeRutledge est absolument ravie de l'avoir pour elle toute

seule. Je vais l'appeler pour la rassurer sur ton sort et lui dire que nous rentrerons pourdéjeuner.Enréponseàlaquestionqu'illisaitdanssesyeux,ilajouta:—Ellem'aappeléparcequ'ellesefaisaitdumauvaissangàtonsujet.

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Ellelevalessourcilsets'écria:—Jecomprendsmieuxpourquoietcommenttuassuoùj'étais!Elleenétaitpresquearrivéeàcroirequ'ilsurgissaitprèsd'elleaumomentvoulu,comme

parenchantement.L'idéed'allerfairequelquesachatsfaisaitsonchemin.Pourquoipas?Elleavaitréellement

besoindevêtementsdetouslesjours,simplesetpratiques.Commec'estellequichoisirait,elleneprendraitquelestrictnécessaire.Satisfaitedesadécision,elleappuyalatêtecontrelesiègeetdit:—D'accordpourlesmagasins.Cendrillon.OuJuliaRobertsdansPrettyWoman.C'étaitelle.Rick la traitait enprincesse.Après l'avoirmenacéede l'abandonner enpleinmilieude la

réserveforestièredeLosAngelessielleparlaitd'argent, il l'avaitfinalementemmenéedanslesboutiqueslesplushuppéesetlespluschicsdeNewportBeach.D'unœilsûr, il luichoisitunassortimentcompletdevêtements, lesunsfonctionnels, les

autres élégants, refusant d'écouter ses protestations. Elle aurait opté pour deux ou troischosespratiques,àportertouslesjours.Pourlui,l'argentnecomptaitpasetilfaisaitpreuved'unegénérositésanségale.Lerêvede

toutefemme...Généreux, il l'avait toujours été et l'était dans d'autres domaines... qu'elle se refusa à

envisager.Mieuxvalaitnepassefaired'illusions.Leréveilseraitmoinspénible.Elle dut presque le sortir de force de la troisième boutique avant qu'il ne la dévalise

complètement!Dieumerci,ilétaittempsqu'ilpenseàserendreàsonbureau.Detoutefaçon,onn'auraitrienpufaireentrerdeplusdanslavoiture.Lessacs,boîteset

autrespaquetss'empilaientsurlesiègearrièrejusqu'auplafond.—Jeprendsbonnenotedetouscesachats,dit-elleenmontantenvoiture.Ellemitsaceintureetajouta:—A ce rythme, ilme faudra aumoins trois ans demon salaire pourm'acquitter dema

dette.Asupposerqu'elleparvienneàconvaincre leconseild'administrationdesoncollègede la

réintégrer!Ricknevoulaitpasentendreparlerderemboursementetplaidasacause:—Laisse-moit'enfairecadeau.C'étaittroppourqu'elleaccepteetils'enrendaitcompte,maisiltentaitsachance.—Pasquestion,fit-ellefermement.Cen'estpasuncadeau.C'estcommesitum'achetais.Ilparutréfléchir,pritleboulevardMacArthuretsourit.—Situinsistes,onpourraitprocéderàunéchange...ungenredetroc.Ellesesentitémoustilléeparlasuggestioneteneutlachairdepoule.—Quelgenredetroc?Ilsouritdeplusbelleetditentraînantsurlesmots:—Jenesaispasencore.Jevaisyréfléchir.Qu'ilsfassentl'amourunjouroul'autreétaitdéjàprévisible,sedit-elle,etn'entraitpasen

lignedecompte.Or,ellesetarguaitdetoujourspayersesdettes.—Ceseraenespècessonnantesettrébuchantes,quetuleveuillesounon.Illuifitunclind'œil.—Onverra.Onenparlera.Nuldoutequ'ilsferaientautrechosequeparler.

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8.Joannasesentaitbiendanssapeau.Heureusedereprendresavieenmain,denepasse

laisser manipuler comme un pion sur un échiquier. Avec chaque jour qui passait, sondynamismenaturelrefaisaitsurface.Ellepréparaitactivementl'avenir.Songynécologuel'avaittrouvéeresplendissante;illuiavaitassuréquetoutallaitbien;son

métabolismereprenaitun fonctionnementnormal.Ellen'avaitaucunsoucià se fairedececôté-là.Elle avait aussi rencontré son agent d'assurances. Seule, au grand déplaisir de Rick qui

auraitaimél'accompagner.Elleavaitaccomplitouteslesformalitésnécessairespourquelestravauxdesamaisonsemettentenroute.Enfin, elle avait pris rendez-vous avec le conseil d'administration du collège et s'y était

rendue,cetaprès-midi,l'estomacnoué,anticipantunerencontrehouleuse.ElleavaitétéreçueparAmandaRaleigh,laprésidente,etl'entretiens'étaitbeaucoupmieux

passé qu'elle ne s'y attendait. Mme Raleigh s'était montrée compréhensive – presquechaleureuse. Rien à voir avec l'attitude qu'elle avait eue quatre mois plus tôt; elle auraitvolontiers cousu,alors, la lettre « A » infamante sur les vêtements de Joanna, comme autempsdesSorcièresdeSalem!Toutcelaétaitdupassé.Lajeunefemmen'avaitpaseubesoindesebattrepourobtenirce

qu'ellevoulait.Unpostedeprofesseurl'attendraitàlarentrée.Aelledetenirlecoupjusque-là.Ellepensaitdéjààs'adresserauxagencesd'intérim...Bah!Elle trouverait bienquelque chose à fairepour subsister en attendantde reprendre

sonmétier.Oui,l'undansl'autre,sedit-elleenremontantl'alléedesMasters,elleétaitassezsatisfaited'elle-même.Unseuldomaineposaitproblèmedésormais;domainequenielleniRickn'étaientprêtsà

aborder.Qu'enétait-ildeleurrelation?AvantquelesMastersnes'enmêlent–etavecquelterriblesuccès!–elleetRickavaient

envisagél'aveniràdeux,pourtoujours.Aveclabelleinconsciencedestrèsjeunes,ilsavaienttoutsimplementprévudesemarierauprintemps!Et maintenant? Etait-ce toujours envisageable? Leur relation actuelle survivrait-elle à

l'éloignement,quandelleauraitregagnésamaison?Ellen'ensavaitrien.Sa seule priorité pour l'heure était d'assurer leur survie, à Rachel et à elle. Quant à son

avenirsentimental... lesimplefaitd'ypenserlamettaitmalàl'aise.Toutcommeelles'étaitsentie gênée chaque fois que ses amies lui avaientprésenté le parti idéal, « exactement cequ'iltefaut»!Lesunsaprès les autres, elle avait ainsi rencontréunekyrielled'hommes.Tous s'étaient

avérés... incompatibles. Il y avait toujours quelque chose qui lui faisait décliner un secondrendez-vous.Joanna était parfaitement consciente de ne pas jouer le jeu, de ne pas leur donner leur

chance. C'était plus fort qu'elle.Elle avait peur, elle que rien ou presque n'effrayait! Peurd'êtredenouveaudéçueetblessée.Au point que,mêmemaintenant, alors que son « idéal », celui qu'elle avait tant pleuré,

avaitrefaitsurfacedanssavie,ellen'étaitpascertained'oserselancer,d'avoirlecouragedes'exposerauxaléasd'unerelationamoureuse.Cen'étaitpassansmalqu'elleavaitsurmontésapremièredéception.D'ailleurs,sansl'aide

desamère,yserait-elleparvenue?Sansposerdequestions,RachelPrescottavaitcomprisla

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décisiondesa fille,etmesurésondésarroi.Elle-mêmeenavait fait l'expérience.Ellesavaitcombienilétaitdifficiledesereprendreenmain,deretrouverledésirdevivrequandl'amourvous fait faux bond, quand vous avez le cœur brisé par le chagrin.Quoiqu'elle n'ait jamaisvitupéré contre celuiqui l'avait abandonnée, samère,Joannane l'ignoraitpas, avait étéaudésespoirlorsqu'ilavaitprislafuiteàl'annoncedesagrossesse.Disparuàtoutjamais.Songrand-père,fidèleàdesprincipesd'unautretemps,avaitposéunultimatumàsafille:

avorterouabandonnerlebébépourl'adoption.Commeelles'yétaitrefusée,ill'avaitchasséedechezlui.Le secretdeRachelPrescott résidaitdans l'amour, l'amourdesgens,de lavie,de sa fille

surtout.Ellel'avaitentourée,aidéeet,c'estgrâceàellequeJoannaavaitretrouvélecouragedevivreaprèssaruptureavecRick.Sanssamèreauprèsd'ellepour lasoutenir,ellenesesentaitpascapablederefairecette

expériencepérilleuseunenouvellefois.Aupointoùelleenétait,aveclaresponsabilitéde lapetiteRachel,ellepréféraitnepasprendrederisque.Lebien-êtredesafillepassaitavantsesétatsd'âme.Elles'interdisaitd'imaginercequipourraitêtre.EncequiconcernaitRicketleurrelation,

ellevivaitaujourlejour.Ensortantdelavoiture,unefoisrangéedanslegarage,ellevitlaMercedesgaréeauprèsde

laMustang:Rickétaitrentré.Elle se souvint être venue là, un jour que les parents de Rick étaient absents. A cette

époque, l'immensegarageétaitremplidesvoituresde luxequesonpèrecollectionnaitsanscompter.Une façon pourHowardMasters de faire étalage de sa richesse, de se donner del'importanceauxyeuxd'unecertainesociété.Actuellement,nerestaientquelesdeuxvoituresutiliséesparRicketsonpèrependantleursséjoursàBedford.Troisautresvéhiculesavaientrejoint la Floride, l'autre résidence familiale. Elle savait que, récemment, l'essentiel de lacollectionavaitétévenduauprofitd'associationscaritatives.AlasuggestiondeRicketavecl'accord de HowardMasters qui, d'aprèsMme Rutledge, avait pris conscience qu'il y avaitautrechosedanslaviequel'argent.Dommagequ'ilnes'ensoitpasrenducompteplustôt!Avecunemouederésignation,Joannareconnutquesaproprevoiture,unpetitcoupéde

villedemarqueétrangère,avaitl'airtoutàfaitdéplacéeaucôtédesautres.Ellefaisaitfiguredeparentpauvre,invitéchezdescousinsfortunéspourledînerdeNoël.Probablementcequ'elleauraitétésielleavaitépouséRick.Bizarrement,ellecomprenaitplusoumoinslesparentsdeRick.Comprenaitleurréticence

à introduire dans leur famille une belle-fille dont le père brillait par son absence et dontl'origineétaitobscure.Pasquestiondegénéalogieflatteuse!Les années, constata-t-elle, lui avaient apporté une vision différente des choses. Vision

dontelleseseraitbienpassée...Non, lesparentsdeRickn'avaientpaseuentièrement tort.Leur filsavaitunrôleà jouer

dans la communauté de Bedford, aurait des responsabilités sociales et mondaines. Enconséquence,lafemmequ'ilchoisiraitcontribueraitévidemmentàsonsuccès.Ilnepouvaitpass'encombrerd'une«bâtarde».Ç'auraitétéunhandicap.Unhommedesonrangsedevaitd'êtrefierdesonépouse.Unhandicap!Voilàcequ'elleauraitreprésentépourlui.—Quelquechosenevapas?Ellesursauta.Perduedanssespensées,ellen'avaitpasentenduRickentrerdanslegarage.

Elleseretournaetlevit,àcontre-jour,auréolédesoleil:l'imagemêmede«l'élu»!

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Ellesourit.Aprèstout,pourquoipas?Non,sereprit-elleaussitôt.CeluiquiavaitprisenmainlesrênesdelafirmeMastersn'était

paspourelle.Mêmesilamaturitéqu'ilavaitacquiselerendaitencoreplusbeauàsesyeux,plusséduisant–pratiquementirrésistible.Acepropos,commentsefaisait-ilqu'ilnesoitpasmarié?Pastonproblème,sedit-elle.Ellechassadesonespritcespréoccupationsinopportuneset

réponditàsaquestion.—Non.Pourquoi?—Jet'aientenduerentrer.Netevoyantpasvenir, jesuisvenuvoircequi teretenait.Tu

n'aspasl'airenforme.Qu'est-cequec'estquecetteminesombre?—Jeréfléchissais.Il lui prit lementon et, lui faisant lever la tête, tenta de lire dans ses yeux. Elle gardait

beaucouptropdechosespourelle;elleneseconfiaitpascommeavant.—Aquoi?—Atout,àrien.Toutvabien.Jesorsd'unrendez-vousaveclaprésidenteducollègeetils

mereprennentàlarentrée.Illuipassalebrasautourdesépaules.—Tantmieux.Celaleuréviteradeseretrouveravecunprocèssurlesbras.Ellearquaunsourcil,intriguée.—Unprocès?Jen'aijamaismenacédeleurfaireunprocès.QuelquechosedanssavoixincitaRickànepasrévélerl'initiativequ'ilavaitprise.—C'estpourtantcequetoutlemondefaitdenosjours,repartit-ild'unairconvaincu.Joannalibérasesépaulesdesonbrasetleregardantbienenface.:—Serais-tuintervenu,parhasard?Lesas-tucontactés?Enyréfléchissantbien,MmeRaleighluiavaitsemblémalàl'aiseetpeut-êtreunpeutrop

vitedisposéeàlaréintégrersanscondition.—Jen'aicontactépersonneducollège,soutint-il.Elle le connaissait tropbienpour s'en laisser conter. Ilrestait dans le vaguepournepas

avoir à lui mentir vraiment! S'il n'avait contacté personne au collège, il en avait parlé àquelqu'un.Elleenétaitsûre.Ellesentitlacolèrel'envahir.—Aquias-tuparlé?—Jeparleàbeaucoupdegens,tusais,fit-ilavecunsourirecharmeur.Joannan'étaitpasd'humeuràselaissercharmer.—Aquias-tuparlédemoietdemasituation?Ileutungesteévasif.—Etbien,j'aidemandéàMmeRutledge...—Rick!l'interrompit-ellesèchement,lespoingssurleshanches.D'accord.Ellevoulaitsavoir.Etluin'avaitpasenviedel'embobiner.D'ailleurs,iln'avaitpas

hontedecequ'ilavaitfait.Riend'illégal.Cesonteuxquiavaienteutort.Paslui.—J'aidemandéàmonavocatdelesappeler,avoua-t-il.Elleauraitdûs'endouter.Furieuse,elleseretintdeluienvoyersonpoingdanslafigure–

étantdonnésongabarit,iln'auraitriensentietc'estellequiseseraitblessée.Maiscen'étaitpasl'enviequiluimanquait!—Grandsdieux,commentas-tupufaireunechosepareille?Pourquoiétait-elleencolère?Rickn'ycomprenaitrien.Ilfitappelàsonespritdejustice:— Joanna, ce qu'ils ont fait relève de la discrimination. A notre époque, une femme

enceinte,célibataire...

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—Peutetdoitlutterpoursesdroits.Elle-même.Touteseule.Samères'étaitdébrouilléeetelleenferaitautant.Sansl'aidedepersonne.Quecroyait-il?

Quelafiertéetl'indépendanced'espritétaientréservéesauxriches?Ellerespiraàfondetconclut:—Maintenant,jenepeuxpasretourneraucollège.—Pourquoi?s'étonnaRick.Parcequej'aifaitcequetuauraisfait,tôtoutard?Jouait-illesidiotsoucherchait-ilàl'aliéner?—Parcequetul'asfaitàmaplace.Ill'observaattentivement.—Depuisquandas-tuprislagrossetête?Ilnecomprenaitvraimentrien!C'étaitunequestiond'estimepersonnelle,ets'ilnevoyait

pasladifférence...—Depuisquejesuisvraimentmoi-même,dit-elled'untrait,etquejetiensdeboutsurmes

deuxpieds.Etsachequejen'aipas«lagrossetête»!Elle ne voulait pas le peiner ni le vexer. Elle voulait lui faire entendre qu'elle lui était

reconnaissantedel'aidequ'illuiavaitapportéemaisquecelasuffisait.Elletenaitpar-dessustoutàresterautonome;ellen'étaitpasprêteàrenonceràsapersonnalité.Mêmepourlui.Elleseradoucitetexpliqua:—Jeneveuxpasquequelqu'und'autre sebatteàmaplace.Jeneveuxpasmemettreà

comptersur l'aidedequiconque.Jerefusedemettreneserait-cequelepetitdoigtdanscetengrenage...Ricknevoyaitpaspourquoiellenes'appuieraitpassurluipourdesproblèmesdecetordre.

C'étaitbeaucoupplusviteréglé.Toujoursaussiperplexe,ildemandaencore:—Pourquoi?Ilnevoyaitvraimentpas!s'énerva-t-elle.Ellepritsurelledeluimettrelespointssurles«i

».—Parcequesions'habitueàcomptersurl'aidedequelqu'unetquecetteaidevientàvous

manquer, on se retrouve démunie, perdue, sur le carreau. Bonne pour le compte! Etimpossibledeserelever.C'était comme si elle poursuivait un monologue intérieur, pensa-t-il. Il fut ému de

constaterqu'endépitdeleurévolutionpropre,àl'opposél'undel'autre,ilscontinuaient,elleetlui,deredouterl'abandon,ladésertion.Hélas,ilauraitpréféréqu'ilsaientautrechoseencommunquecetteangoisse!—Pastoi,Joey,dit-il, luipassantunemèchedecheveuxderrièrel'oreillecommeil l'avait

faitsisouvent...autrefois.Commealors,ellelafitretomberetilsourit.—Tuterelèvestoujours.C'estcequej'aitoujoursaimécheztoi.Elleavaitétédouceettendre,maisnes'étaitjamaisaccrochéeàlui,n'avaitpasdépendude

luipourypuisersonénergie.Aujourd'hui,ilauraitaiméqu'elleaitbesoindelui,desaforce.—J'aimaisbienaussiquandtumelaissaisfairedeschosespourtoi,ajouta-t-ildoucement.Ilpritsonjolivisagedanssesmains,désireuxdecaptertoutesonattention.—C'estbondesesavoirutile,Joey.C'estaussiimportantquedesesentirinvincible.Ellemitsesmainssurlessiennesetdégageasonvisagedesonemprise.—Jenemesenspasinvincible,protesta-t-elle.Jedésiremedébrouillertouteseule.C'est

tout.— Personne ne t'en empêche, répliqua-t-il, un peu agacé. Surtout pas moi. Je n'ai pas

menacéleconseild'administration.Jenelesaipasforcésàreprendreunprofesseurminable.

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J'aivoululeurdémontrerleurerreuretfaireensortequ'ilsnesepriventpasd'unsuperprof!Necomprenait-ellepassesmobiles?s'indigna-t-il.C'estcequ'ilditmaintenant,pourse justifier,pensa-t-elle.Cen'étaitpascequ'ilavaiten

têtequandilavaitmissonavocatsurl'affaire.Non,c'étaitplutôt...unequestiondepouvoir.Histoiredemettresoninfluenceàl'épreuve.Lesgenscommelui,habituésàsefaireobéir,nesupportentpasqu'onnefassepasleursquatrevolontés.— Comment peux-tu affirmer que je suis un super prof? contra-t-elle. Tu n'as jamais

assistéàundemescours!—Parcequetuessuperàtousleségards...Il l'enveloppaitd'unregardtendrequiluifitchaudaucœuret...partoutailleurs.Aupoint

qu'elleenperdaitlefildeleurdébat.—...alors,pourquoineserais-tupassuperdansunmétierquetuadores?Elletentaderanimersacolère,maislecœurn'yétaitplus.—Tunemefacilitespaslatâche,grommela-t-elle.—C'estlebutdel'opération...—Necomprends-tupas...Rick,passantlesmainsautourdesataille,l'interrompit.—Celaparaîtbêteàdire.Maissais-tuquetuestrèsbellequandtuesencolère?Ellesoupira,sentantsoufflerleventdeladéfaite.—Rick...Sansparaîtres'apercevoirdel'interruption,ilpoursuivit,commes'ilseparlaitàlui-même:—Cequin'ariendesurprenantpuisquetuesmerveilleusementbelleaunaturel–quand

turis,quandtuesdétendue...Il était franchement insupportable!Et irrésistible. Elle sentait la chaleur de son corps la

gagner,secommuniquerausien.Elletentaunderniercombatd'arrière-garde:—Rick,écoute...Ilhochalatêteetdéposaunbaisersursonfront.—Désolé.Net'attendspasàcequejeteprésentedesexcusespouravoirfaitcequej'estime

normal.S'écartantdelui,ellelevalesbrasauciel.—Richard!C'estpourtantsimple!Arrêtedem'acheterdeschoses,demebrutaliser,deme

forcerà...— Brutaliser? s'indigna-t-il. Je n'ai jamais brutalisé personne. Je serais plutôt du genre

Lancelot,chevaleresqueendiable,non?—EtjeseraisGuenièvre?Illuisouritetl'attiraverslui.—Oui.Ellesecoualatête.—Jerefused'êtreGuenièvre.Sonhistoires'esttropmalterminée.Ilfitsemblantderéfléchir.—JenetevoispasenMerlin.Tuesbeaucouptropjolie...C'étaitcommes'ilsseretrouvaientdesannéesenarrière,assissurleporchedelamaison,

entraindeseraconterdeshistoires.—Bon.Quiveux-tuêtre?—Moi,Rick.Uniquementmoi.Ilapprouvadelatête.—Bonnepioche.Jesuisentièrementd'accord.

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Lamainsursataille,illafitavancerverslaporteintérieuredugarage.—Viens.J'aiquelquechosepourtoi.Elleeutunsoupirdecontrariété.—Jet'aiditquejenevoulaisplusrien!—Etmoi jedisque tues la femme laplusdifficileà satisfaire! Impossiblede te faire le

moindrecadeausansquetuprotestes!Mais,soisrassurée,cequit'attendnem'ariencoûté.Jelejure.Ilavaitprislapose,jurantsolennellement,lamainsurlecœur.—Tul'asvolé?ironisa-t-elle.—Non.Jel'ai...déterré.Il ouvrit laporte et la laissapasser. Il avait réussi àpiquer sa curiosité,mais, avant, elle

voulait voir Rachel. Dès qu'elle s'éloignait quelques heures, sa fille lui manquait; et elles'inquiéta de ce qui allait se passer quand elle recommencerait à travailler. C'était un desinconvénientsdesachèreindépendance...—Jevaisd'abordvoirRachel,dit-elle,avantquetume...couvresdecadeaux.—Jet'accompagne.—Situveux.Necroispaspourautantquej'aienterrélahachedeguerre.IlsfurentaccueillisparMmeRutledgequi,venantàleurrencontre,avaittoutentendude

leuréchangeetn'enfitpasmystère.—Jemedemandaissijedevaisdécrocherlesépéesetm'apprêteràservird'arbitre!Ellefaisaitallusionauxépéesdesamouraïquidécoraientlemur,au-dessusdelacheminée

dusalon.—Comments'estpassévotrerendez-vous?demanda-t-elleàJoanna.Celle-cilançaunregardenbiaisàRicketrépondit:—Toutdépenddelapersonneàquivousposezlaquestion.JoannacomprenaitqueRickavaitvoulul'aider.Beaucoupdefemmesdanssoncasauraient

étéraviesdel'avoirdansleurcamp.Leproblème,pourelle,étaitqueRickl'enfermaitdanscecamp, qu'il érigeait autour d'elle des barrières de protection et qu'elle se sentait coincée,séquestrée.—Vousyverrezplusclairdansquelquetemps,ditlagouvernante.Commeilssedirigeaientversl'arrièredelamaison,ellelesavertitavantdes'éloigner:—Jeviensderecoucherlebébé.Nelaréveillezpas.Joannahochalatête.—J'enviensàmedemandersiRachelestbienmafille...—MmeRutledgeestpeut-êtreunpeutropprotectrice,admitRick.Ilsemblequ'ellenesoit

paslaseuledanscettemaison...,ajouta-t-ilavecunsourireambigu.Rachel dormait et Joanna, quoique déçue, n'eut pas le cœur de la réveiller. Penchée au-

dessusduberceau,ellesesentitémued'êtremère,d'êtreresponsabledelavenueaumondedecetteminusculecréaturequ'elleavaittantdésirée.—Elleteressemble,murmuraRickàsonoreille.Ellesentitsonsoufflesursoncouetseretintdefrissonner.—Maisnon.—Si.C'esttoutàfaittoiquandtuétaisbébé.Elles'écartaduberceaupournepasréveillerl'enfant.—Commentpourrais-tulesavoir?—J'airegardélesalbumsdetamère,hiersoir,dit-ilenluifaisantsignedelesuivrehorsde

lanursery.

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—Qu'est-cequit'apris?Ilrefermalaporteavantderépondre.—Simplecuriosité.IlsfirentquelquespasdanslecouloirpuisRicks'enquitàbrûle-pourpoint:—Tunevaspasrejeterlepostequet'offrelecollègeuniquementparorgueil?Elles'arrêta,choquée.—Orgueil?Qu'est-cequemonorgueilvientfairelà-dedans?—Tout.C'estparorgueilquetuasdécidédetoutfairetouteseuleetqueturefusesl'aide

qu'onpeutt'apporter.Tuastort,Joanna.Toutlemondeabesoind'aide.Elleavait vu samère sebattrepour les fairevivre etpersonnen'avaitproposéde l'aider.

Jamais elle ne s'était plainte, et, très tôt, Joanna en avait tiré la conclusion qu'il ne fallaitcomptersurpersonned'autrequesoi-même.—Pasdemonpointdevue.Ilinsista:—Onn'obtientriendanslemondesansrelations.Etlasolidarité,çaexiste,tusais.Toi,tu

tedrapesdanstadignité,refusanttouteintervention.Riennepeutt'enfairedémordre.Têtuecommeunemule!Ellefronçalessourcils.—Cequiveutdire?Ileutunlargesouriremalicieux.—Quecelam'estégal.J'adorelesmules.Illuibaisalatempepuis,entrelaçantsesdoigtsauxsiens,murmura:—Viensvoircequej'aiàtemontrer.

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9.Ils n'avaient pas fait trois pas en direction de l'escalier que le mobile de Rick se mit à

sonner.Commeilfeignaitdenepasentendre,ellelerappelaàl'ordre:—Ondiraitquequelqu'unnepeutsepasserdetoi.Ilsoupira,peuenclinàrépondre.—Ilfautquejepenseàl'éteindre,dèsquejerentreàlamaison.— Tu oublies le téléphone fixe, ton fax, tes e-mails, remarqua-t-elle, sachant qu'il avait

aménagéunepiècedelamaisonenbureau.Tun'yéchapperaspas.S'ilsveulenttejoindre,ilsyparviendront.Elle avait évidemment raison. Quand on prenait certaines responsabilités, il n'était plus

questiondeleséviter.Ilespéraquel'appelseraitbrefetqu'ilpourraitrecouvrerrapidementsaliberté...Pardiscrétion,Joannas'éloignait;illuifitsignederester.—Masters,dit-ildansl'appareil.Il écouta la voix de son correspondant et Joanna vit son visage s'assombrir

progressivement.—Pierce,est-cequetunepeuxpasréglercelatoutseul?s'agaça-t-ilàunmomentdonné.Apparemment,Pierceréponditparlanégative.EllevitlessourcilsdeRickserapprocherau

pointdeneformerqu'uneligne–laquelleauraitfaitlajoied'unsculpteur.—Bon,entendu.J'arrived'iciunevingtainedeminutes.Ilrefermaetremitlemobiledanssapoche,l'airplussombrequejamais.—Jesuiscontraintdem'absenteruneheureoudeux.Joanna n'en fut pas surprise. Depuis qu'elle était venue vivre chez lui, elle s'était rendu

comptequ'ilétait legrandpatrondelacompagnie,passeulement lebrasdroitdesonpère.Toutes les décisions relevaient de son autorité. Constamment sur le qui-vive, même etsurtoutquandilrentraittôt:ilenprofitaitpours'enfermerdanssonbureauettravailleraucalme.—Quandfautyaller, fautyaller,dit-elle, taquine.Ou,commedisaitmamère:«Faisce

quedois.»Illuicaressalesbrasetplongeasesyeuxdanslessiens.—Tusaiscequej'avaisprévudefaire?Ilimprovisa.—Jevoulais fêter taréintégrationaucollège.Jevoulais t'emmenerdînerdehors.Tun'es

passortieuneseulefoisdepuislanaissancedeRachel...—Depuisbienavant,s'exclama-t-elle,éclatantderire.Rickauraitvoulus'attarder,laquestionnersurlaviequ'elleavaitmenéependantceshuit

ans. Quelque chose dans sa voix l'intriguait. Avait-elle eu d'autres aventures? Un autrehomme,plusieurspeut-être,l'avaient-ilstenuedansleursbras?Luiavaientfaitl'amour?Oubien,s'était-elle,commelui,retranchéedanssasolitude?Iln'avaitaucundroitsurelle,etsurtoutpasceluideluidemanderdescomptes.N'empêche,

ilauraitaimésavoir!— Je ne serai pas long, promit-il. Cela te dirait de sortir dîner et d'aller danser à mon

retour?Joannasourit.—Situmedemandesmonavis,unhamburgeretunesoiréeenboîteferonttoutàfaitmon

affaire.

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N'importeoù,ajouta-t-elleenelle-même,pourvuquecesoitavectoi.—Onessayeradefairemieux,repartit-il.Enattendant,voiciunpetitavant-goût...Ilavaiteul'intentiondeluieffleurerleslèvresd'unbaiser,sachantquePiercel'attendait;

Pierce,sonfidèleassistant,quil'avaitsuivideGéorgieàBedford,etquivenaitdel'informerquedes rumeursdegrève sauvage circulaient–àprévenir et à éviter, sipossible...Mais lesimple contact de leurs bouches lui fit tout oublier. Il la prit dans ses bras et l'embrassaéperdument, comme s'il nedevait jamais revenir.Ou comme si ellene serait plus là à sonretour.Unbaiserdefindumonde!Quandils'écarta,elledûtsereteniràsonbraspournepasperdrel'équilibre.Ellesesentait

commeunecaravelleharponnéepardespiratesetenpassedecouler.Amoitiéparplaisanterie,àmoitiépourretrouverunevisionplusclaire,ellesecoualatête

ets'écria:—Sicen'estqu'unpetitavant-goût,jemedemandecequeseralasuite!Rick lui caressa la joue avec le dos de samain, empli d'un sentiment d'amertume et de

frustration.Touteslesmisesengardequ'ils'étaitadresséescesderniersjoursneservaientàrien.Iln'avaitqu'undésir:laregarderàn'enplusfinir,seperdredanssesyeux,êtreavecelle.—Tiens-toiprêtepourquandjereviens,dit-il.—Passûr,marmonna-t-ellequandileutrefermélaporte.Serait-ellejamaisprêteàfairefaceàl'intensitédésespéréequ'ilavaitmanifestée?D'un autre côté, en femme curieuse qu'elle était, elle préférait attendre de savoir ce que

pouvaitêtrece«quelquechose»demystérieuxqu'illuiavaitpromis.Malgrésavolontédeneplusaccepterd'autrescadeauxdesapart,elleétaitfollementintriguée.Elle se dirigea vers sa chambre et, passant devant un miroir, adressa à son image une

grimacedesatisfactionmutine:auprèsdeRick,elleavaitl'impressionderetrouversesvingtans!Inconsciemment, lesmainsdeRick se crispaient sur levolant. Il était furieuxd'avoirété

autantretardé.Onzeheures!Laréunionavaitétéplustenduequ'ilnes'yattendaitets'étaitprolongée jusqu'au moment où il avait estimé qu'ils avaient abordé l'essentiel desrevendications. La discussion avait abouti à un début de compromis de part et d'autre; ilproposadoncdes'entenirlàetdeserevoirlelendemain.Celaluiavaitpermisdes'aviserquecertainsdesesemployésavaientdesmotifsparfoislégitimesdemécontentementetqu'illuifallaitmettre de l'huile dans les rouages s'il ne voulait pas se retrouver avec un problèmemajeur. C'était bien le moment! soupira-t-il. Comme si les choses n'étaient pas assezcompliquées.Avecletransfertdusiègesocialàeffectuersansquelafirmeensouffre.AveclaréapparitiondeJoannadanssavie.Commeleditlasagessepopulaire:unmalheurn'arrivejamaisseul!En fait, la réunion et les récriminations lui semblaient déjà loin. Seule Joanna comptait.

Commentallait-ils'excuserdesonretard?Ilcraignaitqu'ellenesesentequantiténégligeable–commedevantseplieràsesimpératifsàlui,enattentedesonbonvouloir.Il l'avaitappeléedeux fois,pourrepousser l'heureà laquelle ilpensaitpouvoirse libérer.

Finalement,iln'avaitplusétécapablederienpromettre.Lesjournéesétaienttropcourtes!Ilsepromitd'yremédiercoûtequecoûte,detrouverle

moyen de concilier ses responsabilités et une vie personnelle de qualité. Cela devait êtrepossible. Jusqu'alors, le problème ne s'était pas posé, mais, maintenant, il en allaitautrement.Aumoins,temporairement.Ilsortitdelavoitureetentradanslamaison.Troptardpourallerdîner.Troptardpour...

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tout.Contrarié,ilsedirigeaverslesalon.—Comments'estpasséetaréunion?Joanna se levait du canapé, en robe de chambre, les cheveux ébouriffés comme si elle

s'étaitassoupie.Ilrefermalaportederrièrelui.—Tum'asattendu?Ellehaussalesépaulesetlaceinturedesondéshabilléserelâcha.—Tuvois,jesuislà,encoredebout.Alors,disonsque,oui,jet'aiattendu.Il s'avança, sedébarrassantdesavestequ'ilmit sur ledossierd'un fauteuil.Cette fois, il

avaitprissoind'éteindresonportable!—Jesuisdésolé.Lacatastrophe!—Celas'estmalpassé?Elle n'était pasmaquillée et resplendissait de cette beauté naturelle qu'il aimait. Il n'en

fallaitpaspluspourqu'ilréagisseauquartdetour.—Non.Maisjesuisnavréd'avoirgâchétasoirée.—Lesrestaurantsserontencoreouvertsdemain.Si tapropositiontient toujours,cen'est

quepartieremise.Ilrestaitcrispéetsombre,lessourcilsfroncés.Duboutdesdoigts,ellelissalesridesdeson

front.—As-tudîné?Ildéfitsacravateetouvritlecoldesachemise.—Ons'estfaitapporterdessandwichs.Ettoi?—Moi,jenesuispasàplaindre,répondit-elleenriant.J'aieudroitaubœufWellingtonde

MmeRutledge.C'étaitlechef-d'œuvredelagouvernante.—Effectivement,tun'espasàplaindre!Dustrictpointdevuedelanourriture, ilavaitraison,pensaJoanna.Quiplusest,Rachel

avaitétéadorable.Unesoiréetrèscalme,sommetoute.Tropcalme!—Ilenreste.Situveux,jetelefaisréchauffer.Tuasfaim?—Oui.Commeelle allait vers laporte, il lui saisit le poignet et la fit se tourner vers lui.Elle le

dévisagea,désarçonnée.—Jemeursdefaim,dit-il,maistouslesbœufsWellingtonaumondenesuffiraientpasà

merassasier.—Ah,bon!Quoi,alors?Sansrépondre,ill'attiraverslui–etsonbaiserluifitl'effetd'unlance-flammes!Quandilsseséparèrent,l'unetl'autreavaientdumalàrespirer.—C'estdecelaquej'aifaim.Ellemitlesbrasautourdesoncouetletaquina.—Tunecroispasquetuestropfatiguépour...cela?Desesmainsentrelacéesdanssondos,illarapprochadelui.—T'ai-jedonnél'impressiond'êtrefatigué?Ellesoupira,souhaitantplusquetoutaumondequecemomentsublimes'éternise.Hélas,

c'étaitimpossible...—J'étais...transportée.Auseptièmeciel.Ildésignadumentonl'arrièredelamaison,làoùsetrouvaitlanursery.—Ladernièretétée,c'étaitquand?—Vingtminutes,unedemi-heure.Unbonpoint.

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—EtMmeRutledge?Avecunegrimacemalicieuse,ellerépondit:—Ladernièretétée?Environtroisheures.Illuiembrassalecou,encoreetencore.LecœurdeJoannafaisaituneembardéeàchaque

pressiondeseslèvressursapeau.—Jemedemandaissielleétaitmontée...— Elle m'a dit bonsoir vers les 10 heures, parvint-elle à articuler malgré le vertige qui

s'emparaitd'elle.—C'estcequejevoulaissavoir.Il l'embrassa de nouveau. Si leur baiser précédent évoquait la puissance ravageuse du

napalm,celui-ciétaitcarrémentradioactif!ToutlecorpsdeJoannasemitenalerterouge.Lesangluimontaitàlatêteetsesdoigtsde

pieds étaient tellement crispés qu'elle crut ne jamais pouvoir les détendre. Allaient-ils sesépareraprèscebaiser inouï?Non.Cen'étaitque lepréludeàplusetàmieux.Frissonnantd'anticipation,ellesehaussasurlapointedespiedsetsecollacontrelui.Elleserepaissaitducontactdeleurscorps,dechaquevibrationquilesparcourait.Rickréussitàs'écarter.—Tuessûrequ'onpeut?—Sûre,dit-elle,sonsourireilluminanttoutsonvisage.Elle était touchée de sa sollicitude à un moment où d'autres n'auraient pas eu autant

d'égards.—Mais sinous faisons l'amour ici, ajouta-t-elle,MmeRutledgepourrait sedemander ce

quesontcesbruitset...tuvoiscequejeveuxdire?—Jevoistrèsbiencequetuveuxdire,dit-ilenriant.Situessûre...—Ledocteurm'adélivréuncertificatdebonnesanté.Jesuispleinementopérationnelle.—Ondiraitquetuparlesd'unavion!Dutacautac,elleluimurmuraàl'oreille:—Alors,viens.Prendslescommandes.Iln'attendaitquecela!Dès que leurs bouches s'unirent, toutes les frustrations des années passées se

déchaînèrent.Souslapressionimpérieusedeseslèvres,Joannaseliquéfiaitlittéralement,saféminitéenémoiet le corpsen feu.D'unbondagile, elle enroula ses jambesautourde luisanssedétacherdesabouche.Ill'attrapa,latintpresséecontrelui.Les baisers de Joanna avaient fait fuir ses dernières réticences et le désir qu'il avait si

longtempsrépriméfaisaitunviolentretourenforce,exigeantd'êtresatisfait.Atelpointqu'ilse demanda s'il allait pouvoir attendre. Il sentait la pression monter inexorablement, luinouantl'estomac,aiguisantsapassion.C'étaitplusfortquetoutcequ'ilavaitjamaisconnu.Apeines'ilserenditcomptequ'ilssedirigeaientverslachambretantilétaitimmergédans

dessensationsqu'ilnemaîtrisaitplus.Quantàelle,lerêverécurrentdeseshuitannéesdesolitudenelalâchaitpas.Combiende

foisavait-ellerepassédanssamémoireleursmomentsd'intimité?Latoutepremièrefois;ladernière. Tout cela entremêlé dans un amalgame douloureux qui lui avait rendu la vieintolérable.Toutefois,elleavaitsurvécu.Seule.Sansluinipersonned'autre.Fini,lesupplice.Cesoir,elleallaitfairel'amouravecl'hommedesavie.Illefallait,sinon

elleenperdraitlaraison.Sesdéfensescédaientl'uneaprèsl'autre,enunesériededéflagrationsassourdissantes.

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Lentement,illadétachadeluiet,avecprécaution,ladéposasurlelit.Ledéshabillés'ouvritet la nuisette qu'elle portait en dessous révéla au regard deRick lemodelé d'un corps auxlignesparfaites.LagorgeaussisèchequeledésertduMojaveenpleinecanicule,ilsentittoutsoncorpss'affoleràunrythmequ'uncardiologueauraitprobablementjugépréoccupant.Avecl'aidedeJoanna,il ladébarrassadudéshabillé–etcrutmourirdedésiràlavuequi

s'offraitàlui.Il couvrit sa bouche de ses lèvres tandis que ses mains se glissaient sous la nuisette;

comme une pâte à modeler, il pétrissait ce cops qui, autrefois, lui avait appartenu. LarespirationdeJoannasefitplussaccadéequandellesentitsesmainssurseshanchesnues,lacaressantavecunesortedeferveurardente.Reprenantpossession.Dansunsoupirdebien-être,elleselaissaalleràcescaressestantdésirées,puis,soudain,s'écarta.Enréponseàl'interrogationqu'ellelutdanssesyeux,elledit:—Cen'estpasjuste.Avantquesoncerveauaitenregistrécesmots,RicksentitlesmainsdeJoannas'attaquerà

ses vêtements. Comprenant son intention, il déboutonna sa chemise,mais ce fut elle quil'aidaàsedévêtirtoutencherchantlecontactdeseslèvres.Puiscefutletourdupantalon.Unemainhabiledéfitlezipetseglissadanslaceinture,letouchantlégèrement.—Ondiraitquetun'enespasàtoncoupd'essai,dit-ilensouriant.Ilauraitjuréqu'unelueurironiques'étaitalluméedanssonregard.—Jemesuisbeaucoupentraînéesurdesmannequins...Qu'ellenecroie surtoutpasqu'il cherchaità fouillerdanssonpassé,espéra-t-il.Quoique

dévorédel'enviedesavoir,jamaisilnesepermettraitdeluiposerlaquestionquiluibrûlaitleslèvres.—Jenetedemanderien,Joey...—Iln'yarienàsavoir,répliqua-t-elle,sabouchecontrelasienne.Sanspluscontrôlersondésir,elleluienlevasoncaleçon.—Iln'yaeuquetoi.Quevoulait-elledire?Qu'iln'yavaiteupersonned'autre?Vraioufaux,ilnedemandaitqu'à

lacroire...Sondésirexplosa.Il la repoussa doucement contre le dessus-de-lit matelassé et se mit à explorer chaque

poucede son corps, des orteils au cou. Joanna, la respirationhaletante, se tordait dedésirsouslesbaisersetlescaresses.Ils'attardapartoutoùilavaitsilongtempsrêvéd'avoiraccèsetseréjouitdessoupirsetdes

gémissementsdeplaisirqu'ilprovoquait.Aucreuxtendredesgenoux.Al'intérieursatinédeslonguescuissesfuselées.Ils'enivraitdesensationsretrouvées.Sesouvenait.Detout.Salangueglissaaupointleplusintime,amenantJoannaàl'orgasmesanspréambule.Ses

mainssecrispèrentsur ledessus-de-litcommeelles'abandonnait toutentièreàsabouche.Elleétaitensonpouvoir,àlui,rienqu'àlui.Ellesemorditlalèvrepournepascriersonbonheuretserejetaenarrière,pantelante.Dans lemême temps, Rick reprit ses caresses, promesses d'une seconde déferlante. Elle

cherchaàlesaisir,àletoucher–maisilgardalecontrôle,continuantdelatitiller,l'amenantausummumduplaisir.Il couvrit sonventredebaisersmouillés, remontavers les seinsdont lesboutsdurcis se

dressaientverssabouche,réclamanttoutesonattention,aupointqueJoannacrutenmourirdedésir.Ilsetintprêtau-dessusd'elle–jusqu'àcequ'elleouvrelesyeuxetseperdedanslessiens,ceuxdel'hommequ'elleaimait,qu'elleavaittoujoursaimé.

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Il lui prit le visage dans les mains, et le baiser qu'ils échangèrent contenait toute latendresse,toutelapassiondumonde.Ricksentitsondésiratteindreunparoxysmeauquel ilnepouvaitplusrésister.S'ilaurait

voulu prolonger ce moment d'intense communion, il n'en pouvait plus d'attendre laréalisationdespromessesquerecelaitcecorpsparfaitquisedonnaitàlui.Avecuncrirauquequimontaitdufonddelui-même,ilentraenelle.Lesyeuxdanslessiens,ilsemitàbouger,imprimantàleurscorpssoudésunmouvement

deva-et-vientdontlerythmes'accentuarapidement.Ilcessadelaregarderpourserepaîtredeseslèvres,desapeau,desespaupières.Leursbouchesserejoignirent,àl'unissondeleurscorps.Leurdésir grandit, devint incontrôlable jusqu'à cequ'ils jouissent ensembledansunbouillonnementdelaveenfusion.LesminutesquisuivirentfurentpourRicklecalmeaprèslatempête,lepremiermoment

d'apaisementsouverainqu'ilaitconnudepuishuitans.Ilsourit,éperdudebonheur.

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10.Nichéeaucreuxdesonbras,Joannasetaisait.Etait-cebonoumauvaissigne?—Aquoipenses-tu?Ilsentitsonsourires'épanouircontresontorseetenressentituneimpressiondebien-être

indescriptible.—Tuasacquisune fichueexpérience,dit-elle.Jenemesouvenaispasque tuétaisaussi

doué!Ilritdoucement.—J'aitoujoursétédoué.Redevenantsérieux,ilajouta:—Jen'aipasaccumulélesexpériences,sic'estcequetucrois.Elleeutunegrimacedubitative.—Nemedispasquetuasvécucommeunmoinependanttoutescesannées!—Parfaitement.Unmoinedansl'ordreleplusstrict!Tuveuxquejetemontremacartedu

club?Ilfitsemblantdechercherdansunepoche...inexistanteets'écria:—Désolé.Cettetenuenecomportepasdepoche!Quandelleéclataderire,unevaguedesensationsl'envahit,s'enroulaautourdeluicomme

la fumée d'une cheminée dans un ciel hivernal. Sensations de bonheur partagé, desoulagementdel'avoirretrouvée,luiquilacroyaitperdueàtoutjamais.Ilresserrasonbrasautourd'elleetmurmura:—Tum'asmanqué,Joey.LesouriredeJoannadisparutetelles'enquit,sansrancune,justepoursavoir:—Pourquoin'es-tupasvenumechercher?Tusavaisoùmetrouver.Pourquoit'es-tusauvé

sansriendire?Il haussa les épaules, incapable d'expliquer.Avec le recul, il reconnaissait qu'il aurait dû

allerlavoir,fairelesiègedelamaisonsinécessaire.—Parorgueil,dit-il laregardantdans lesyeux.Toutcomme,parorgueil, turefuses l'aide

qu'onpeutt'apporter.Ellesecouaénergiquementlatêteensignededénégationetsescheveuxluicaressèrentle

bras.Iln'enfallaitpaspluspourqu'ilréagisseimmédiatement!—Desclous!—Boîteàoutils!renchérit-il.Elle écarquilla les yeux, éberluée, et il eut une grimace qui le fit ressembler à un gamin

contentdesoncoup.—Pourquois'entenirauxclous?Pourquoipaslaboîtetoutentière?Tantqu'àfaire!Joannaritdeboncœuretluienvoyasoncoudedanslescôtes.—Tudisn'importequoi!—Trèsjuste.Illarapprochadelui,unelueurd'intensedésirdanslesyeux.— A toi de me faire taire. Oublions le passé. Je n'ai pas envie de discuter alors qu'une

femmesuperbem'offresanudité.Celafaitdéjàtroplongtempsquejel'ainégligée.Illuiembrassalagorgeetellesentitsavirilitéseraidir.Incroyable.—Encore?Ilpritunairinnocent.— Chère Madame, sachez que vivre en moine permet d'accumuler des stocks d'énergie

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considérables.Illafitseretourner.—Jen'aifaitquecommencer...Ilselevasuruncoude.—Tuvastenirlecoup?Lerythmeaccélérédesoncœurneluilaissaitaucundouteetelleledéfia:—Essaietoujours!Tuverras.Illarecouvritdesoncorps.—C'estexactementcequejepropose.Cen'estquedessièclesplustardqu'ellerespiralibrementetrecouvral'usagedelaparole.

Elle avait l'impression d'être un pantin désarticulé, vidé de son énergie. Ce type était unamantcommeonenfaitpeu.Elle se tournavers luiet s'étonnadevoirqu'ilnes'étaitpasendormi.Ellemit samainà

platsursontorse,émueettroubléedesentirlesbattementsdesoncœursoussapaume.—Apropos,dit-elle,toutàl'heure,tuplaisantais,quandtuasditavoirquelquechoseàme

montrer?Etait-ceça,le«quelquechose»?Cequetuviensdemedémontrer?Ileffleuraseslèvresd'unbaiserléger.—Unpeuderespect,veux-tu!Non,cen'estpas«ça»,commetudis.Malgré sa résolution de ne plus accepter de cadeaux de sa part, Joanna était dévorée de

curiosité.—C'estquoi,alors?Ilrit,laserrantcontrelui.—C'est«donnant-donnant»,àcequejevois?— No-on, protesta-t-elle, avec une ironie perverse. Je veux seulement savoir si tu me

racontesdesbobards.—Moi?Jamais!Ils'assitsurlelit,rejetalesdrapsetseleva.—Attends-moi.Elleseredressad'unbond,paniquée.—Rick!Tunepeuxpastebaladertoutnu!SiMmeRutledgetevoyait,elleenauraitune

attaque.—Rassure-toi,dit-ilenattrapantsoncaleçon,jen'aijamaiseul'intentiondeparaderdans

lescouloirsencostumed'Adam.Jereviens.—Faisvite!Jebrûled'impatience.Ellearrangealesoreillerscontrelatêtedelitets'yappuyaconfortablement.Ellesesentait

àlafoisépuiséeetsurexcitée.Et,desurcroît,follementamoureuse.Commeaupremierjour.Etcela,c'étaitunebêtise.Ce que lesMasters avaient avancé comme argument restait toujours aussi juste. Elle et

Rick appartenaient à des mondes différents. Elle, l'enfant de l'amour, abandonnée, sansprestigieuselignée.Lui,legossederiche,douésoustouslesrapports,issud'unefamillequiremontaitauxPèresFondateurs.Ilsn'avaientrienencommunetpersonnen'auraiteul'idéede rapprocher leursdeuxnoms,encoremoinsn'imagineraitqu'ilspuissent s'aimeret rêverd'unavenirensemble.Pourl'heure,làn'étaitpaslaquestion,sedit-elle,croisantlesmainsderrièresatêteavecun

soupir.Neserait-cequecesoir,ellepouvaitsepermettredecroirequ'elleavaitdenouveauvingtansetqu'elleétaitéperdumentéprisedel'hommeavecquielleavaitfaitl'amour.

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Etcela,c'étaitlapurevérité.Du coin de l'œil, elle vit que Rick était de retour, portant une boîte en carton blanc,

rectangulaire,sansemballage.— Tu n'as pas perdu de temps, dit-elle, remontant le drap sur sa poitrine. Tu as pris la

premièrechosequitetombaitsouslamain?Pournepastedésavouer?—Non.En fait, oui. Pour ce qui était de l'emballage, il avait pris la première boîte qu'il avait

trouvée.Ils'assitsurlelitàcôtéd'elle.— J'ai été chercher ce que j'allais te donner avant que Pierce ne nous fasse son cinéma.

PauvrePierce!Iladoredramatiseretjoueàsefairepeur.Il luimit la boîte sur les genoux, ce qui fit glisser le drap.Elle s'apprêtait à le remonter

quandilluipritlamain.—Non,s'ilteplaît.Laisse-letomber.Laisse-moisatisfairemesfantasmes.Ellelevalessourcils,étonnée.—Tufantasmessurlesdrapsquitombent?—Non, fit-il en lui embrassant l'épaule, ravi de la sentir frémir sous la pression de ses

lèvres.Monfantasme,c'esttoi.Ilmontralaboîte:—Tuouvres?Ellesemorditlalèvreetexaminalecarton.— Donne-moi le temps, l'implora-t-elle avec une moue d'enfant gâté. Souvent, l'attente

dépasseleplaisirdeladécouverte...Tumejuresquecelanet'ariencoûté?—Pasuncentime.—Etc'estquelquechosequivameplaire?Elle le faisait languir, exprès, et, pour en finir, il avança lamainvers le couvercle.D'une

tapelégère,elleluifitlâcherprise.—Non.C'estmoiquiouvrelecadeauquinet'ariencoûté.Quandellesoulevalecouvercle,sonriresebrisa.Al'intérieur,ilyavaitunalbum,unpeu

fanéparletemps–unalbumqu'ellereconnaissait.C'étaitl'undeceuxqu'elleluiavaitoffertsdesannéesauparavant.Elleauraitjuréqu'illesavaitjetés!Sansunmot,ellelesortitdelaboîteetleposasursesgenoux.Puis,lentement,ellel'ouvrit

et tourna les pages.Des photos, les photos qu'elle avait perdues dans l'incendie, défilèrentsoussesyeux,etellesentitl'émotionlagagner.—Cen'estpasunpetitquelquechose,murmura-t-elle.C'estinestimable...—Jen'aijamaispumerésoudreàm'endébarrasser.L'album était resté là, caché, quand il avait quitté lamaison. Il n'avait pas voulu s'en

encombrer, peu désireux de ressasser des souvenirs douloureux, décidé à tout oublier deJoanna.— Je ne comprends pas, s'étonna celle-ci. Tu as toujours dit que tu ne gardais pas de

photos,quetun'enavaispasbesoin.Orelleretrouvaittouteslesphotosd'euxqu'elleluiavaitdonnées.Chaquefois,illesavait

prisescommes'ilyattachaitpeud'importance,etelleaurait juréque lesalbumsqu'elle luiavaitoffertspourlesconserverétaientrestésvierges.Rick haussa les épaules. Il était beaucoup plus sentimental qu'il avait jamais voulu

l'admettre...—Celanefaisaitpasbiendansletableau,dit-il.Untypedevingt-deuxansquis'attendrit

surdesphotos!Pastrèsmacho!Etpourtant,commetuvois,ellessonttouteslà.

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Ilvitdeslarmescoulersursesjoues.—Tupleures?Ilprituncoindudrappourluiessuyerlevisage.—Deslarmesdejoie?Ellehochalatêteetsoupira.Puiselleposasoigneusementl'albumetlaboîtesurlatablede

nuitet,luipassantlesbrasautourducou,murmura:—Merci,Rick.Illuifitunbaiserdanslescheveux,tropémupourparler.Etsondésirseréveillait...Bientôt,indiquantlanursery,ildemanda:—TucroisqueRachelvaseréveiller?—Non.Elledortdemieuxenmieux.JecroisqueMmeRutledgeyestpourquelquechose.Il sourit. Il se souvenaitdesprincipesque la gouvernanteavait appliquéspour sapropre

éducation:àlafoispleinsdesévéritéetd'indulgence.—Béniesoit-elle,dit-il.Ilselevaetfitglissersoncaleçon.—Aquoipensais-tu?s'enquitJoanna.Ilentradanslelitetdit:—Autroisièmeset!Dureversdelamain,elleessuyalesdernièreslarmessursesjoues,sansserendrecompte

decequecesimplegesteavaitdetroublantpourRick,etseblottitcontrelui.—C'estquandtuveux,dit-ellesanstimidité.—Prêt,affirma-t-il.Sansperdredetemps,ilexploraderechefsescourbesharmonieuses–cesendroitsducorps

deJoannaquiluiétaientredevenusaussifamiliersquesonproprecorps.—Quandils'agitdetoi,dit-il,jesuistoujoursprêt.—Paroles!Paroles!chantonna-t-elle.Elle arquait son corps contre le sien, s'enivrant des sensations qui la parcouraient au

contactdeseslèvressursesseins,sursonventre.—Attendslafindelachanson,dit-il.Tumedirascequetupensesdelamusique!Il luiprit lesmainset les remontaau-dessusde sa tête, leursdoigtsentrelacés. Iln'était

qu'à quelques centimètres au-dessus d'elle, comme pour lui faire désirer encore plus lerapprochementdeleursnudités.Ilremuaitcontreellejusteassezpourqu'ellemeurededésirfrustré!Joannadécidaqu'elleaussipouvaitjoueràcepetitjeudel'excitation.Ellelevaleshanches

versluietremuadoucement...Asagrandejoie,lesyeuxdeRicks'assombrirent.Lacaptiveavaitprisleschosesenmain.

Legeôlierétaitàprésentleprisonnier!Seretenantautantquepossible,Ricklibéraunemainpourlacaresser,descendanttoutle

longde son corps, remontant pour titiller ses seins dressés avec ses lèvres, sa langue.Ellefrissonna, gémit sous l'effetdesprémicesde l'orgasme, concentrée sur cequi sepassait enelle, tendue vers l'explosion finale. Juste aumoment où elle allait se produire, il s'arrêta,prolongeant–ledémon!–uneattenteaussiexquisequ'atroce.Joannamurmura,haletante:—Tumerendsfolle!—Parfait,sourit-il,labouchecontresonventre.Ellesedressacontreluidansunspasmeincontrôlable.—Viens,Rick...

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Etait-ceunordreouuneprière?Il se tint au-dessusd'elle, prêt à lapénétrer.Les yeuxdans les siens, ce fut comme si le

tempss'arrêtaitpourlesdeuxamantsretrouvés.Tantdechosesentreeux.Tantdenon-ditsqu'ilpouvaitliredanssesyeux.Sansqu'elleeutbesoindefaireungeste,ilentraenelle,lesoufflecourt,prêtpourlegrand

voyage.Unrythmeeffrénélessaisit.Ilsétaientl'unetl'autreenroutepourl'ultimetourbillon,le

glorieuxcrescendo–avantquelasymphonienes'arrêtedansledivintintamarredecuivresdéchaînés.Epuisés,ilsseréfugièrentdanslesbrasl'undel'autre,laissantleurscorpss'apaiser,leurs

cœursreprendreunrythmenormal.Rickauraitvouluquecemomentsublimes'inscrivedanslespagesdutemps,afindelepréserveràjamais...Illuiembrassalatempe.—Tuasaimélamusique?Elletournalevisageverslui.—Tuasditquelquechose?Excuse-moi,maisjesuisdevenuesourde.Ilrit,laserracontrelui.Et–incroyable!–ilsesentitdenouveauréagir.Cettefemmeétait

unevraiesorcière!Sasorcièreàlui.Ils passèrent le reste de la nuit à tester leur endurance et leur créativité, sans limite ni

restrictions. Rick se surprit à inventer des positions qu'un maître de yoga n'aurait pasdésapprouvées.DesannéesdeprivationavaientrenduJoannatrès,trèsinventive...Plus d'une fois, c'est elle qui prit la direction des opérations, amenant Rick au bord de

l'orgasme puis se retirant à temps. C'est lui qui criait grâce, la conjurait d'arrêter, decontinuer...Elle se jouait de son corps, en exploitait des possibilités jusque-là inconnues de lui.Au

pointqu'ils'étonnaitdesespropresréactions.L'osmoseparfaite, la fusionde leursdésirs.SeuleJoannaavaitcepouvoirde lesatisfaire

pleinement.Quelquepartaucoursdelanuit,touslesdoutesquil'avaientassaillis'évanouirent.Unavant-goûtdeparadis!s'étonnaJoannaaucoursdessemainesquisuivirent.Savieavait

soudainprislescouleursd'unrêveéveillé.Toutefois,aufondd'elle-même,elles'attendaitàcequetoutprennefin,àcequeleserpent

fassesonentréeetqu'ellesoitchasséedujardind'Eden–auquel,songeait-elleconfusément,ellen'avaitpasdroit.Tropbeaupourdurer...Elleavaitunamourdebébé,uneadorablepetitefillequ'elleguideraitdanslaviecommesa

mère l'avait fait pour elle. L'homme qu'elle idolâtrait était là tous les soirs et Joanna n'enrevenaittoujourspas.C'étaitplusqu'elleavaitjamaiseuourêvéd'avoir.Maintenant, Rachel faisait ses nuits – et Rick et elle l'amour, de ce fait, en toute

tranquillité,s'appropriantleprésent,seréconciliantaveclepassé.Malgré cet apparentbonheur sansnuage, ilne sepassaitpasde jour sansqu'elle sedise

qu'ilétaittempspourelledereprendresonindépendance.C'étaitunequestiondedignitéetd'intégrité.Ilneservaitàrienderepousserl'échéance.Cequiprovoqualedéclic,cefutlafêtedecharitéàlaquelleRickl'emmena.Fêteauprofit

d'une œuvre que sa mère avait patronnée. Il se devait d'y faire une courte apparition et,contresongré,ilparvintàlapersuaderdel'accompagner.Les amis deRick, ceux que ses parents lui avaient choisis au tempsde son adolescence,

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saluèrentsonretourenCalifornieaveceffusion.Leseffusions,toutefois,nes'étendirentpasàJoanna.Une certaineAlyssaTaylor la toisade tout sonhaut et s'étonnaauprèsdu jeunecapitained'industriequ'ilrecrutesesamiesdanslesbanlieuesmalfamées.Aussitôt, Rick prit lamouche et ils quittèrent la réception une heure à peine après leur

arrivée.—Tun'espasobligédepartiràcausedemoi,dit-elle,essoufflée,peinantàlesuivre.Ilfonçaitàgrandspasverslasortie,furieux.—Resteavectesamis,insista-t-elle.— Ce ne sont pas mes amis, gronda-t-il. Ce ne sont que des gens que j'ai fréquentés,

autrefois.Jeparsparcequ'ilsnem'intéressentpas.S'ilsnesontpascapablesdesemontrerpolisàtonégard,qu'ilsrestentdansleurghetto.Point.Lechapitreestclos.Laleçon,pourautant,nefutpasperduepourJoanna.Pendanttoutelanuit,alorsqueRick

tentaitdeluifaireoubliersamésaventure,elleserépétaquesesparentsavaienteuraison.Ilsn'appartenaient pas aumêmemonde. Elle n'avait pas sa place dans le sien. Elle serait cebouletqu'ilsluiavaientdécrit,cehandicapàsacarrièredechefd'entreprise.Levendredisuivant,Rickrentraàlamaison,latêtepleinedeprojetspourleweek-end.Il

voulaitemmenerJoannaàCatalina–changerd'atmosphèreettireruntraitsurledésastredela fête de charité. Il se doutait qu'elle enavait été bouleversée et souhaitait effacer de samémoirelagrossièretéqu'elleavaitsubie.Rachelpouvaitsepasserdesamèrependantdeuxjoursetêtreconfiéeauxbonssoinsde

MmeRutledge,quis'en feraitune joie.Le tempss'annonçait superbe; ilavait réservé leursplacessurlebateauainsiqu'unechambredanslemeilleurhôteldel'île.Tout content de lui, il entra dans le salon. Elle n'y était pas – mais elle y avait passé

quelquetemps,ainsiqu'entémoignaitunjournalposésurlatablebasse.Ilsepenchaetsonsourires'évanouit.Lejournalétaitouvertàlapagedespetitesannoncesimmobilières.—Joanna?appela-t-il,empruntantlecouloir.—Jesuisdanslacuisine...Elleavaitrevêtuungrandtablierets'affairaitau-dessusdescasseroles.—Tuarrivestroptôt.C'estmoiquifaisledînercesoiretcen'estpasencoreprêt.Ellelevalesyeuxet,avisantsonairsombre,s'inquiéta:—Qu'est-cequisepasse?—Qu'est-cequec'estqueça?demanda-t-il,brandissantlejournal.Illeposasurlatable,àlapageoùplusieursannoncesavaientétéentouréesderouge.Ellehaussalesépaules,versadelafarinesuruneassietteetl'étalasoigneusement.Ilsavait

qu'ellen'avaitjamaiseul'intentiondevivrechezluiadvitamaeternam.—Desappartementsàlouer,commetuvois.Rickcontintdumieuxqu'ilputsacolère.—Pourquoiveux-tulouerunappartement?—Pouryhabiter,pardi!Lacompagnied'assurancesm'aenvoyélechèque.—Jecroyaisquetuavaisprévudefaireréparertamaison?—Certainement.Ellesortitunplatd'escalopesdepouletqu'elleavaitdéjàfaitcuireetsemitàlesfariner.—Lechèquequ'ilsm'ontenvoyéestdestinéàm'assurerunlogementdansl'intervalle.Une

clausedemoncontratleprévoit,encasdesinistre.D'icilafindestravaux,jeneseraipasàlarue.Elleouvritunplacard,enquêted'unepoêle,etRickvintsemettredevantelle.

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—C'estàcausedecequis'estpasséàlafête?fit-il,acerbe.Acausedelaremarqued'AlyssaTaylor?—Non.Celan'arienàvoiravecAlyssa.—Alors,tun'espasheureuse,ici?Elleposalapoêlesurlacuisinièreavantderépondre,sansseretourner:—Làn'estpaslaquestion.Jeveuxreprendremavieenmain.—Tafichueindépendance?fulmina-t-ilmalgrélui.Elle l'entenditproférercemotcommes'il luiécorchait labouche.Elle lâcha lapoêleet le

regarda. Pourquoi voulait-il l'empêcher de prendre ses responsabilités? Aurait-il préféréqu'ellesecramponneàluicommeunesangsue?—Oui,monindépendance,dit-elle.J'ytiens,figure-toi.Sontonluidéplutetilluifitremarquersèchement:—T'ai-jegardéeenchaînéequelquepartàlacave?Ellesoupiraetdécidadenepassefâcher.Ils'étaitmontrégénéreux,compréhensif,etelle

luiétaitreconnaissantedel'aidequ'illuiavaitapportéedansunepassetrèscritique.Mais,àprésent,elleavaitretrouvélaforme;etl'incidentdelafêteluiavaitremislesidéesenplaceetlespiedssurterre.—Non,tunem'aspasenchaînée.Tuasétémerveilleux.Jenesaispascequej'auraisfait

sanstoi.Ellerevintàsesfourneaux.—Maisjeneveuxpasprendredemauvaiseshabitudes.—Pourquoi?Quellesmauvaiseshabitudes?—Jesuischeztoi,luirappela-t-elle.C'esttamaison.—Celapourraitêtrelatienne.Ellesouritetfitnondelatête.—Lessquattersnesontpaslesbienvenusdanslesmaisonsdemaître.—Quiteparledesquatters?Jeparledemarietfemme.Illuimitlamainsurl'épauleetlafitsetournerverslui.Elleavaitlesyeuxagrandisparla

surpriseetils'empressadepousserl'avantage:—Epouse-moi,Joanna.Siellefaillitenrestermuetted'étonnement,lenaturelrepritviteledessusetellerépliqua,

ironique:—C'esttadernièretrouvaille?Celat'estvenucommeça,d'uncoup?Arrêtedefairel'idiot.—Jesuistrèssérieux.Illuipritlesmains.— Epouse-moi, Joanna. Toi, moi, bébé Rachel, Mme Rutledge, nous ferons tous une

famille.Pas question de se laisser tenter, résolut-elle, luttant contre les élans de son cœur. Pas

question de tomber dans le panneau. Il essayait seulement de racheter les insultes qu'elleavait subies à la fête de... charité! Il devrait s'estimer heureux qu'elle n'accède pas à sademande:commelesMastersleluiavaientsibienfaitcomprendreautrefois,ilneseraitpaslongàregretterdes'êtreattachéunboulet!— Je n'ai que faire de ta pitié, lança-t-elle, au bord des larmes. Jeme défends très bien

touteseule.—Ilnes'agitpasdepitié,maisdecontratdemariageenbonneetdueforme.Rassure-toi,il

n'yestplusquestiond'obéissance.Pourquoi fallait-il qu'il lui rende la vie si difficile? Ne pouvait-il pas comprendre? Leur

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situationactuelle,aussiidylliquesoit-elle,nepouvaitpasdurer!—Rick,dit-ellefermement,tesparentsavaientraison.Jeleurenaivouluàmortdem'avoir

ouvertlesyeux,maisc'esteuxquivoyaientjuste.Elleplissadespaupièrespourretenirseslarmesetpoursuivit:—Jenesuisqu'unpetitprof,etauchômageenplus.Aumoinsjusqu'àlarentrée.Toi,tues

millionnaire;tufaispartiedel'élitedenotrebonnevilledeBedfordet...d'ailleurs.Unautremonde.Ilallaitprotester;elleluicoupalaparole–etnemâchapassesmots.—Jesuisunebâtarde,Rick.Tuesunanimalderaceavecpedigreeettoutletoutim.Entre

nous, ce n'est pas qu'un hiatus, c'est un gouffre, un abîme de différences que les gens teferontsentirjusqu'àcequemorts'ensuive.Ainsi,c'étaitbiencela,seditRick.Ellecraignaitl'opinionetleregarddesgens!Audiable,cesgens!Iln'enavaitquefaire,d'euxetdeleursopinions!Qu'ilsaillentrôtiren

enfer!Toustantqu'ilsétaient.Ils'enmoquait.N'était-cepasclairpourelle?—Cegenredegensnem'intéressepas,dit-il,laprenantparlesépaules.Elletentadeluiéchapper;illaretint.—Quantà teshistoiresdepedigree... Jene suispasunétalonprogrammépourprocréer

despur-sang.Jevoudrais formeruncouple,unvrai.Avec toi.Jecroyaisque tu levoudraisaussi.Neserendait-ilpascomptequ'illuifendaitlecœur,querésisteràlatentationlacrucifiait?—Rick,jen'appartienspasàtonclub,insista-t-elle.C'étaitàelledeledireavantqu'ilnes'enaperçoiveàsesdépens.Avantqu'ilsemetteàlui

envouloird'être...cequ'ellen'étaitpas.—Quel club?dit-il, sur lepointdeperdre soncalme.Jene suispasen trainde jouerau

foot.Jeveuxconstruiremavieetilsetrouvequetuenfaispartie.Unefoisdéjà,jet'aiperdueàcausedemabêtiseetdemonorgueil.Necomptepassurmoipourpermettreàtonorgueilmalplacédenousséparer.N'espèrepasquejevaistelaisserdisparaîtreunesecondefois.Ellesoupira.—Alors,ilvautmieuxquejeparteimmédiatement.Tuyverrasplusclair.—Grands dieux, Joanna! cria-t-il, excédé. C'est toi qui n'y vois pas clair. C'est toi qui es

bourréedepréjugés,qui...Il s'arrêta net quand il vit son visage tourné vers la porte changer d'expression. Faisant

volte-face, il découvrit que Mme Rutledge était entrée. La gouvernante arborait uneexpressionindéchiffrable.—M.Rick,dit-elle.Quelqu'undemandeàvousvoir.Commes'ilétaitd'humeuràrecevoirquelqu'un!—MmeRutledge,nevoyez-vouspasquejesuisaubeaumilieud'unediscussioncapitale,

vitalemême? fit-il brutalement, la congédiantd'ungestede lamain et luitournant le dos.Ditesàcettepersonnedevenirmevoiraubureaulundimatin.—Jen'aipasl'intentiondemerendreaubureau,ditunevoix.Nilundi,nilesautresjours.

Sauf,bienentendu,sionm'yinvitegentiment.Ausondecettevoixbienconnue,Ricksefigea,incrédule.Rêvait-il?Non.Ils'agissaitbien

desonpère,enchairetenos.

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11.Instinctivement,Ricks'interposaentreJoannaetsonpère.Ilneparutpass'enrendrecompte,maislegesten'échappapasàlajeunefemme.—Situesvenuréglerl'affairedelamenacedegrève,dit-il,c'estdéjàfait.—Oui,j'aientendudirequetut'enétaistrèsbientiré,repartitsonpère.Maisjenesuispas

venupourcela.Detoutefaçon,jenet'assommeraiplusdemesconseils.C'enestfini.—Alors,qu'est-cequetuviensfaireici?Grand,mince, les cheveux grisonnants,HowardMasters avait encore belle allure. Il prit

sontempspourrépondreàlaquestionagressivedesonfils.—Auxdernièresnouvelles,iln'yapassilongtemps,j'habitaisencorecettemaison.Joannasefélicitad'avoirdevancésonretouretdes'êtremiseenquêted'unappartementde

sonproprechef.—Vousvoulezdirequevousrevenez?intervint-elle.Il tourna vers elle un regard impénétrable qui, toutefois, ne semblait pas dépourvu

d'aménité.—Yvoyez-vousuninconvénient?—Pasdutout,monsieur.Et pour faire bonne mesure, elle prit ostensiblement le journal, détacha la page des

annonces et la glissa dans la poche de son tablier. Puis elle gratifia Rick d'un coup d'œilexpressif,manquantdeluitirerlalanguecommeunegaminequiprendsarevanche.L'ombre d'un sourire se dessina sur les lèvres de Howard Masters. Avait-il deviné son

intention?Setournantverssonfils,ils'enquit:—Tuasengagéunenouvellecuisinière?Rickserebiffaaussitôt.Pourquoisonpèrefeignait-ildenepasreconnaîtreJoanna?—Non.C'est...Howardneluilaissapasletempsdefinir.Unfrancsourireéclairasonvisage,et,s'inclinant

courtoisement:—...MademoisellePrescott,acheva-t-il.Jesais.Jevoulaisjustetetaquiner,fiston...Maisje

suisplusdouépourl'humouràfroid,jecrois.C'est,dumoins,cequeprétendDorothy.Illesobserval'unetl'autreetajouta:—Sijecomprendsbien,jedérangeuneimportantediscussion...—Riend'urgent,monsieurMasters,fitJoannaenrevenantàsesfourneaux.Celaattendra.— Appelez-moi Howard. J'ai décidé d'être plus... décontracté pendant les années quime

restent.Unsilencedeplombsuivitcetaveuinattendu.Sansparaîtres'enformaliser,Howardarpentalacuisine,terminantsonparcoursprèsdes

fourneaux.Troispairesd'yeuxsidérésleregardèrentsouleverlecouvercledelacasseroleetenrespirerl'appétissantfumet.—Est-cecequevousavezprévupourledîner?Aquoi jouait-il?s'inquiétaJoanna.Allait-ilsemoquerd'elle?Devait-elles'attendreàêtre

enbutteàsescritiques?—Oui,dit-elle.Ilreplaçalecouvercle.—Puis-jerester,s'ilvousplaît?LaquestionetsaformulationprirentJoannaaudépourvu.Il luifallutquelquessecondes

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pourretrouversesesprits.—Euh...Commevousl'avezdit,vousêteschezvous,monsieurMasters.Cen'étaitpaslaréponsequ'ilattendaitetilrépéta:—Puis-jerester?Autondesavoix,ellecompritqu'ilétaitsincèreetattendaitunevraieréponse.Elleregarda

Rickquineluiapportaaucuneaide.Luiaussiétaitdésorientéparl'attitudedesonpère.—Oui,biensûr,finit-ellepardire.Rickdécidaquecelasuffisait.Si sonpères'amusaitàembarrasserJoanna, il trouveraità

quiparler.—Papa,quesepasse-t-il?Qu'est-cequit'arrive?Sansprendreombragedutonsecemployéparsonfils,Howardluiréponditcalmement:—Celafaitpartiedemanouvelleapprochedelavieetdutempsquipasse.Jen'estimeplus

quetoutm'estdû,quetoutvadesoi.Ils'adressadenouveauàJoanna.—Ai-jeletempsdemerafraîchiravantledîner?Ellel'observait,perplexe.Etait-cebienlemêmehommequeceluiquiavaitvoulul'acheter

huitansauparavant?—Ledînerneseraprêtquedansuneheure.Ilhochalatête,satisfait.—Parfait.Jevousretrouveraidoncdanslasalleàmanger.Ensortant,ils'arrêtadevantMmeRutledge.—Vousavezl'airtrèsenforme,Nadine.—Merci,Monsieur,balbutialagouvernante,abasourdie.ElleéchangeaunregardavecRickquihaussalesépaules,dépasséparlesévénements.—Plusqu'étrange,murmuraMmeRutledge.Au cours des longues années passées au service desMasters, de Howard en particulier,

c'était lapremièrefoisqu'il luifaisaituneremarquepersonnelle–presqueuncompliment!Ellesecoualatêtepours'éclaircirlesidéesetdemandaàJoanna:—Quepuis-jefairepourvousaider?Joannasesentitconfusequ'unefemmeaussicompétenteseproposedejouerlesseconds

rôles.Mais elle n'avait pas de temps à perdre à discuter de préséance et, tout simplement,indiqua:—Ilyalespommesdeterreàpeler.—C'estcommesic'étaitfait.MmeRutledgeserenditdevantl'évierpours'ylaverlesmainsetcefutautourdeRickde

dire:—Etmoi?Il était crispé, anxieux. Son père avait-il dit la vérité?Etait-il venu àBedford en homme

désintéressé,pourpasserlamain,ainsiqu'ill'affirmait,ouvenait-ilinterférerdanslaviedesonfils,commeparlepassé?—Quelrôlem'as-turéservé?Joanna fut tentéede répondrepar : «Tropde cuisinières gâtent la sauce»,mais estima

qu'iln'étaitpasenétatd'appréciersonhumour.—Lerôleduseigneurduchâteau,affamémaispatient.Pasbesoindeluifaireundessin.Rickcomprit.—«Dégageetlaisse-noustravailler»,c'estcela?Elleluijetaunregardpar-dessussonépauleetlevitsourirepour lapremièrefoisdepuis

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qu'ilavaitmislespiedsdanslacuisine.—Tuastoutcompris.Rick se rendait parfaitement compte qu'elle bénissait ce répit. Elle savait qu'il ne

reviendraitpasàlachargeavecseshistoiresdemariagetantqueMmeRutledgeseraitdansles parages et que son père pouvait faire irruption à toutmoment; lui comme elle étaientconscientsquecelaneregardaitpersonned'autrequ'eux.Pourl'heure,rienàfairedoncquedeprendresonmalenpatience.Néanmoins,qu'ellenes'ytrompepas:l'animalétaitblessé,soit, mais ne s'avouait pas vaincu. Il ne lâcherait pas le morceau aussi facilement; il nerenouvellerait pas la bêtise qu'il avait commise huit ans plus tôt. La leçon avait porté sesfruits!Ilsepenchapar-dessussonépauleetmurmuraàsonoreille:—Cen'estquepartieremise!Puisiltournalestalonsetquittalapièce.—Jem'endoute!soupira-t-ellepourelle-même.Ellerejetaloind'ellelemotifdeleurdissensionet,s'adressantàMmeRutledge,dit:—Merci.Cettedernièrelevalesyeuxdutasdeslongsrubansd'épluchuresqui,déjà,s'amoncelaient

devantelle.—Mercidequoi?—Denepasposerdequestions.—Cen'estpasdansmesattributions.Chacunàsaplace,machère.C'étaitbienlàleproblème,pensaJoanna.Resteràsaplace.Lasiennen'étaitpasauprèsde

RickMasters.HowardMasters, debout au bout de la table, regarda Joanna apporter le dernier plat. Il

remarquaqu'iln'yavaitquedeuxcouvertsets'étonna:—Vousnedînezpasavecnous?ElleévitaleregarddeRick,lequelluiavaitposélamêmequestionquelquesminutesplus

tôt.Elle s'était dit que lemaître demaisonn'apprécierait pas sa présence; en outre, le faitqu'elle ait repoussé la proposition de Rick la mettait mal à l'aise et elle ne voulait pass'exposeràdenouvellesdifficultés.—Non.J'aipenséquevousaimeriezvousretrouverentêteàtête,touslesdeux.—Jevousenprie.Restez.IlapostrophaMmeRutledgequiallaitseretireraprèsavoirposélepouletsurlatable.—Voulez-vousbienmettreuncouvertpourcettejeunedame?Sansluilaisserletempsdeprotester,iltiralachaiseàsagauche,enfacedesonfils.—S'ilvousplaît,dit-il.Prenezplace.Joannan'avaitpaslechoix.Elles'exécuta.HowardMasterss'assitàsontouretsourit.— Je vois que vous avez changé le plan de table.Que vous avez rapproché les convives.

C'estbeaucoupmieuxainsi.IlsetournaversRick.—Avectamère,chaquefoisquenousdînionsici,nousfinissionsparcrieràtue-têtepour

nousentendre.Ilportasonverreàseslèvres,butlonguementetlereposa.—Al'époque,cettedispositionparaissaitnormale.Bah!J'imaginequenousaurionsfinipar

crierquellequesoitladispositiondesassiettes...Ilseservitcopieusementdesplatsdevantluietajouta:

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—Tout celaa l'airdélicieux,Joanna.Jene savaispasquevousétiezaussidouéepour lacuisine.Ricknereconnaissaitpassonpère.Aprèsleurconversationautéléphone,ils'étaitattendu

àunetouteautreréactiondesapart.Surladéfensive.Acerbe.Ilnesavaitpasquoipenserdeschangementsquelamaladieavaientopéréschezcethommeautrefoissisûrdeluietdesesprérogatives.C'étaitunautrehommequ'ildécouvrait...Ilvoulutenavoirlecœurnet.—Papa...Quandtuesarrivé,tuasparlédeneplusremettrelespiedsaubureau.—Exact, repartitHoward sans se presser, prenant le temps de savourer ce qu'il était en

train demanger. J'ai décidé de prendrema retraite. Pour de bon et officiellement.Vois-tu,toutemaviej'aicruqu'unhommeseréduisaitàlavaleurdesontravail.Cequirevientàdire:pasdeviepersonnelle.Pasd'identitépropre.Asoixante-septans,jem'avisequ'ilestgrandtempspourmoidesavoirquijesuisréellement.Rick avait froncé les sourcils. De quoi parlait-il? Qu'est-ce que c'était que cette histoire

d'identité?Fallait-illeprendreausérieux?—Alors,papa?Tuesqui?s'enquit-il,mi-moqueur,mi-sérieux.Howardsouritplacidement.Ilcomprenaitl'incrédulitédesonfils.Lui-même,parfois,avait

dumalàsereconnaître.Toutsurprisqu'ilétaitdutourqueprenaitsaviedepuissamaladie.— C'est ce que je suis en train de découvrir. Cela ne se fait pas en un jour... mais le

processusestencours.J'aimêmel'impressionquecettephase,disons...d'explorationdemavraie personnalité en est la meilleure part. Débarrassé du fatras des obligations et desconventionssociales, jedécouvreunespacede libertéquim'était totalement inconnu.C'estassezexaltant.IlregardaJoanna:—N'êtes-vouspasd'accord?Elleétaitsouslechocdecesrévélationspourlemoinscurieuseset,interloquée,demanda

unpeubêtement:—Suis-jesenséevousapprouver?—Machère,jeneveuxrien.Vousêteslibredefairecequevousvoulez...Toutcequevous

voulez,reprit-ilavecforce.Il les regarda l'unaprès l'autre ethocha la tête, insatisfait.C'était troppeu.Trop léger et

tropvaguepourconvaincresonfilsetJoannadesasincérité,durevirementquis'étaitopéréenlui.Ilsn'ajouteraientfoiàsesbonnesparolesquepreuvesàl'appui.Ilposasoncouteauetsafourchettesursonassiette,respiraàfondetdéclara:—Autantmettreleschosesaupointtoutdesuite.Après,onpourraaborderd'autressujets.Ilserecalasursachaiseet,s'adressantàJoanna:—Jevousdoisdesexcuses,mademoisellePrescott.Jevousaicauséunterriblepréjudice,il

yahuitans.Ilmarquaunarrêtetpoursuivit:— Je pourrais en rejeter la responsabilité sur lamère deRichard.Mon épouse était une

femmeentêtée,prêteàtoutpourparveniràsesfins.Maisceseraittropfacilepuisqu'elleestdécédéeetnepeutsedéfendre...Ileutunsourirerésigné.—D'autrepart,jen'étaispasunpantinentresesmains.Lavéritéest,qu'àl'époque,j'étais

d'accordaveclamèredeRick.Jepensaissincèrementqu'unmariageentrevousdeuxseraitunegraveerreur.CommeRicks'apprêtaitàréagir,sonpèrel'arrêtadelamain.

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—Il faut comprendre, continua-t-il, s'adressant toujoursàJoanna,que je suis issud'unelongue lignéede gens qui se sont autoproclamés l'élite de ce pays.Et cela parce que, voilàtroiscentsans,nosancêtresontprislechemindesAmériques,entasséscommedessardines,surunvieuxrafiotquiprenaitl'eaudetoutesparts!Qu'enréalitéilsaientétédescriminels,des bandits et des voleurs, toutes gens qu'on envoyait dans le NouveauMonde pour s'endébarrasser–on l'a oublié.Au fil du temps, on les aparésde toutes les vertus.Placés au-dessusducommundesmortels,unecasteàpart!Etleursdescendantsapprirentànefrayerqu'avecleurspairs...Enfin,cequej'essaiedevousdire,mêmesicen'estpastrèsclair,c'estquejen'aiaucuneexcusepouravoirfaitcequej'aifait.Quellequesoitmonopinionquantauchoixd'uneépousepourmonfils,ajouta-t-ilavecunsourirededérision.Ilsepassalamainsurlefrontetacheva:—Jamaisjen'auraisdûenveniràmentir,menaceret,pireencore,imitervotresignature.

C'estimpardonnableetjem'enveuxterriblement.Ilprit lamaindeJoannadanslessiennes,plaidantsacaused'unevoixbasseetprofonde

quinelaissaitplaneraucundoutesursasincérité.—Je suisabsolumentdésolédem'être conduitde la sorte.Croyez-moi.Jevousprésente

mesexcuses...pourcequ'ellesvalent.J'espèrequ'unjour,voustrouverezenvouslaforceetlagénérositédepardonneràunvieilhommeunefaute...impardonnable.Joanna mit quelque temps à mesurer toute la portée de son discours. Rien ne l'avait

préparée à ces aveux en forme de confession. Elle sentit fondre comme neige au soleil cequ'elle avait pu garder d'amertume au fond du cœur... D'autant plus qu'à la lumière desévénements récents, elle avaitmieux compris le point de vue desMasters. C'est ce qu'elleavait tenté de dire à Rick au cours de leur échange... houleux. Et qu'il n'avait pas vouluentendre.—Vousavezfaitcequevouscroyiezêtrepourlebiendevotrefils,dit-elle.HowardladévisagealonguementpuissetournaversRick.— Je comprends ce que tu lui trouves, fils. Non seulement elle a pour elle la beauté

physique,c'est indéniable,maisaussi lacompassion–unequalitérare,et laplusprécieusedetoutes.Jen'enaiqueplusderemords...Joannan'avaitjamaisétédugenreàremuerlecouteaudanslaplaie.—Inutilederevenirsurlepassé,dit-elle.Onnepeutrienychanger.—Maisonpeutentirerlesleçons,repartitHoward.C'estcequejesuisentraindefaire.La

vie est trop courte pour qu'onpasse son temps à remettre à plus tard ce qui peut être faitaujourd'hui.Levieilhommesetournaverssonfils.—Pourrépondreàtaquestion,c'estlaraisondemaprésenceici.Faireamendehonorable

envers toi, envers vous deux – et, sur un tout autre plan, mettre en route les formalitésnécessaires,enprévisiondemaretraitedéfinitive.Illevasonverrepourporteruntoastetannonça:—C'est fait etne tarderapasàêtreexécutoire.MastersetCie t'appartient,Richard.Bien

entendu,jegardemesactionset,àcetitre,jeparticiperaiàl'assembléegénéraleannuelledesactionnaires. Celamis à part, je me retire de toutes les activités de direction. En d'autrestermes,jememetsauvert.Ilyavaitfaitallusionlorsdeleurconversationtéléphonique,maisRickétaitpersuadéque

cen'étaitqu'uncoupdetêtequineferaitpaslongfeu.—Jenesaispasquoidire,avoua-t-il.—Souhaite-moi«bonnechance»,aumoins!

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—Celavadesoi...Rick avait beau s'y efforcer, il n'arrivait pas à imaginer son père prenant des vacances

permanentes.IlavaittoujourscruqueHowardMastersavaitbesoindetravaillerpourexister.— N'est-ce pas une décision hâtive? s'inquiéta-t-il. La compagnie a toujours été ta plus

grandepréoccupation.Quevas-tufaire?—Triste, non, qu'unhomme soit réduit à une fonction sociale? fitHoward, pensif. C'est

Dorothyquim'afaitvoirleschosessousunautreangle,confia-t-ilàJoanna.Laisserderrièresoi une compagnie florissante, un héritage solide, c'est bien. Néanmoins, ce sont plus lesactesquicomptent,lesgensquenousavonstouchés,quisesonttrouvésmieuxdansleurvieaprèsnousavoirrencontrés,côtoyés.Lebienqu'onapufaireautourdesoi.Ilsouritenvoyantlevisagedelajeunefilles'éclairer.—Vousmecomprenez,n'est-cepas?—De toutmoncœur, répondit-elle sans se forcerpuisqu'il venaitd'énoncer lesprincipes

mêmesauxquelsellecroyait.Poursonébahissement.—Tuferaisbiendenepaslalaisserfiler,ditHowardàsonfils.Jepourraismemettresur

lesrangsettentermachance...Quisait?Rickn'étaitvraimentpassurlamêmelongueurd'ondequesonpèreettoutcequ'iltrouvaà

direfut:—Qu'enpenseraitDorothy?Sonpèreéclataderire.—DorothyWyntersestunefemmelibre.Lemariagenel'intéressepas.Elleseditheureuse

deme«tenircompagnie».Ilpritunairdeconspirationpourajouter:—J'espèrebienlafairechangerd'avisrapidement.Ilmitlamainàsapocheetensortitunpetitécrinqu'ilouvritpourenrévélerlecontenuà

Joanna.—Qu'enpensez-vous?Elle,quelesbijouxindifféraientd'ordinaire,restasansvoix.Surleveloursnoirreposaitun

superbediamantbleu,enformedecœur,quibrillaitdetoussesfeux.Elleportalamainàsesyeux,éblouie.—J'auraisdûmettredeslunettesdesoleil!C'estleplusbeaudiamantquej'aijamaisvu.HowardMastersrefermal'écrin.—Unefemmepeut-ellerefuserdepassercelaàsondoigt?—Difficile,admitJoanna.Rêvait-elle?Etait-ilen traindechercheràse rassurer...auprèsd'elle?Quiaurait imaginé

quecelapuissejamaisseproduire?—Sivousyajoutezvotreproprepersonne,carrémentimpossible!ajouta-t-elle.Ilrit.Dumêmerirequeceluiqu'elleaimaitchezRick.Telpère,telfils.Celaluiparaissait

évidentmaintenantetnelachoquaitpas.Lesdeuxhommesavaientbeaucoupencommun.—Vousêtescharmante,mademoisellePrescott!—Appelez-moiJoanna,jevousenprie.Rickmangeaitcommeunautomate, sansriensavourerdesondîner. Ilétait trop troublé

par la scène qui se déroulait sous ses yeux. Etait-ce réellement son père, cet homme gai,chaleureux?—Papa,tun'espluslemême,réussit-ilàdire.—Jesais,ditsonpère.Etcen'estpasfini...Lachrysaliden'apasachevésamutation.

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DupointdevuedeJoanna, la transformationétait enbonnevoie.HowardMastersavaitprisfermementenmainlesrênesdesanouvellevie.Nuldoutequeladamedesesrêvesselaisseraitconvaincred'unirsonsortàcenouvelHoward.—Avez-vousdécidéd'unedate?s'enquit-elle.—Ceseraquandellevoudra.Leplustôtseralemieux.Ilrepoussasonassiette,rassasié,etpritsonverre.—Vousviendrezassisterànotremariage,touslesdeux,j'espère.— Certainement, répondit-elle spontanément avant de s'apercevoir que Rick demeurait

silencieux.Elleluilançaunregardinterrogateuretillevalamainensignedeprotestation.Toutallait

tropvitepourlui.— Je ne sais plus où j'en suis, lâcha-t-il en se passant lamain sur les yeux. J'en suis à

essayerdecomprendrecequisepasse.Relevantlatête,ilobservasonpèreunmoment.—Papa,tuprendsdesdroguesouquoi?—Lameilleuredesdrogues,fils.L'amour.Jenecroyaispasquecelapouvaitarriveràmon

âge,mais...ilnefautjamaisdésespérer.Ils'arrêtapourregardersonfilsdanslesyeux.—Tamèreetmoi,nousn'avonspasvraimentfaitunmariaged'amour,dit-ild'unevoixun

peu rauque. C'était plutôt l'alliance prévue de longue date de deux vieilles familles qui nesongeaientqu'àperpétuerlalignée.Ilsecoualatêteetfermalesyeux,enproieàsessouvenirs,ets'exclamasourdement:—Quandjepenseàtoutcetempsperdu,auxannées...IlsentitunemainsursonbrasetrouvritlesyeuxcommeJoannadisait:— Pas de retour en arrière, d'accord? C'est l'avenir qui est important. Aujourd'hui est le

premierjourdevotrenouvellevie.Illuisouritetsedétendit.Aprèscela,ilsrestèrentàbavarderdechosesetd'autres.PuisJoannaallachercherRachel

etnefitpasmystèredelafaçondontlebébéavaitétéconçu.Ricks'attendaitàdescommentairescritiquesdelapartdesonpère.MaislenouvelHoward

serépanditencomplimentssurlebébéetadmiralaforcedecaractèredeJoanna.—Voussavezcequevousvoulezetvousvousendonnezlesmoyens.C'estunequalitéque

j'appréciechezunefemme...Ilconsultaalorssamontreets'excusa.—Jesuisdésoléd'interrompreunesoiréeaussisympathique,maisj'aiunavionàprendre

et,maintenant,ilsnousfontarriveràl'aéroportdesheuresàl'avance!IlcaressalajouedeRacheletdéclara:—J'aifaitmondevoir.J'aivumonavocatpourqueletransfertdelacompagnieàtonnom,

Richard, se fasse dans les règles. Quant à vous, Joanna... Je suis content d'avoir pu vousprésentermesexcusesetimplorervotrepardon.Ilsl'accompagnèrentàlaporte.Avantdesortir,ilpritlamaindeJoannadanslessienneset

ditgravement:— Bien que je vous aie causé un tort considérable, Joanna, vous vous êtes montrée

magnanimeenversmoi–plusquejenelemérite.Merci.J'espèrequeRichardvafairelebonchoixetvousépousersansplustarder.Amonavis,ilnedevraitpasattendrequ'unautreluicoupel'herbesouslepied.

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Ilposalamaindelajeunefemmesurcelledesonfils.—Vousêtesfaitsl'unpourl'autre,vousdeux,celacrèvelesyeux.Jen'avaisaucundroitde

memettreentraversdecequidevaitêtre.C'estmaintenantseulementquejelecomprends.Emue,safilleblottiecontreelle,Joannasepenchapourl'embrassersurlajoue.Illuilançaunregardadmiratifetdit:—Vousêtesunegrandedame,Joanna.Puisilpritsonfilsparlesépaulesetleserracontrelui–gesteôcombieninhabituel.—Prendssoind'elle,fils.Rick,gêné,réponditàl'étreintedesonpèreetavoua:—J'aimeraisbien.C'estellequineveutpas.Howard,quis'approchaitdelaporte,s'immobilisaet,seretournant:—Qu'est-cequej'entends?JoannarougitlégèrementetchangeaRacheldebras.— J'estime qu'il est du devoir de chacun de se suffire à soi-même. De ne dépendre de

personne.Howardfronçalessourcils,réfléchitetréponditavecleplusgrandsérieux:—C'estvraiquandils'agitdeprévoirsaretraiteousonpland'épargne.Danstouslesautres

cas, et pour le dire dans le jargon des hommes d'affaires, je préconiserais un programmed'interférencesàeffetréciproqueetcompensatoire!Ilsepenchaverselleetsurletondelaconfidence,ajoutaavecunsourirecomplice:—Nousautres,pauvreshommes,nousavonsbesoindenoussentirutilesàquelquechose.

Alors,ayezpitiédenous.Sonregardpassad'elleàRickpourrevenirverselle.— Même indépendante et fière de l'être, dit-il encore, appelez au secours de temps en

temps.Celafaittoujoursplaisir.Avecunetapeamicalesurl'épauledesonfils,ilconclut:—Mercidetonhospitalitéetdeta...compréhension.Jet'appelledèsmonretourenFloride.Surcesmots,ilsortitetrefermalaportederrièrelui.

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12.Après le départ de son père, Rick s'arma de patience et laissa de côté le sujet qui le

préoccupait.Pourl'instant.IlaidaJoannaàbaignerlebébéetàluidonnerlebiberon.Peuaprès,lapetiteétaitprêteà

regagnersonberceauetelles'endormitsansfairedemanières.Ricksesentitalorsendroitdereprendrelaconversationquel'apparitiondesonpèreavait

interrompue.Dèsqu'ilvitJoannasortirdelanursery,ilannonça:—J'aimeraisquenousreprenionsnotre...discussion.Elle s'y attendait, évidemment. Elle rassembla son courage, repassant dans sa tête les

argumentsqu'ellecroyaitassezsolidespourjustifierlebien-fondédesadécision.Toutefois,Rickneluifacilitaitpaslatâche,loindelà.Saprésenceàsescôtéslorsdessoinsdonnésaubébéavaitmenacédefairevolerenéclatstoutessesbellesrésolutions.Enfin,presque.Carellegardaitenmémoirelesregardsméprisantsdecertainsparticipants,

à la fête de charité. C'était le souvenir auquel elle se raccrochait pour tenir bon, ne pas selaisserdéstabiliserplusqu'ellenepourraitlesupportersansfaibliret...céder.Ellerefermalaportedelanurseryet,passantdevantRick,parcourutsachambreduregard.

Ceneseraitplussachambrepourtrèslongtemps,pensa-t-elle,unriennostalgique.—Iln'yarienàdiscuter,dit-elle.Ilallafermerlaporteducouloir.MmeRutledgeavaitbienannoncéqu'ellemontaitpourla

nuit,mais,danslesilencedelamaison,lebruitdesvoixportaitloin.—C'estparcequetunem'aimespas,répliqua-t-il.Elle sursauta, blessée par cette affirmation.Même si l'issue de la discussion et le cours

entier de leur vie en dépendaient, jamais elle ne pourrait soutenir qu'elle ne l'aimait pas.C'étaitau-dessusdesesforces.Contraireàlavérité.—Jen'aipasditcela.—Pasbesoin,rétorqua-t-il,amer.Ilcherchasarespiration,seforçantàrestermaîtredesesréactions.Lacolèrequibouillait

enluirisquaitd'exploseretcefutd'untondésabuséqu'ildit:—Quandunefemmerejettelademandeenmariaged'unhomme,engénéral,c'estlesigne

qu'ellenesemeurtpasd'amourpourlui.Le faisait-ilexprèsousebouchait-ildélibérément lesyeux?Ilsn'étaientplusdesenfants

inconscientsdescontingencesquipesaientsureux!Combiendefoisdevrait-elleluiexpliquerquec'étaitimpossible?—L'amournerenversepas tous lesobstacles,Rick.C'est lasociétéquirégit lesrelations

entrelesgens.Quetuleveuillesounon,tufaispartieintégrantedecettesociété.Ilsecoualatêtecommes'iln'encroyaitpassesoreilles.— C'est le monde à l'envers. Quand j'écoute mon père, je crois t'entendre, et quand je

t'écoute,jecroisentendreparlermonpère.Encore un peu et elle ne pourrait plus retenir ses larmes. Elle allait semettre à pleurer

commeelle l'avait faitpendantdesannées, lanuit,aupetitmatin, lesoir.Lorsdes longuessoirées solitaires où elle regrettait sa décision, imaginait tout ce qu'ils auraient pu faireensemble,partager,échanger.Voilàquecelarecommençaitencoreunefois.Qu'elledevait,poursonbienàlui,refusersa

proposition.C'étaitàenperdrelaraison.Aenmourir!Furieuse,désespérée,elleluilança:—Ilyadeschosesqu'onnepeutpasfairesemblantd'ignorer,RickMasters.L'expérience

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delafêtedechariténet'apassuffi?Tunet'espasaperçuquejenesavaispasquoifairedelafourchettequemetendaitleserveur?Illaregarda,abasourdi.—Alors,c'estcela?Tumisestoutnotreavenir,toutenotreviesurunefourchette?Impuissante, démunie, elle chercha un endroit, un refuge pour y panser ses blessures à

l'abridesregards.Pasdanssachambre.Ailleurs.Ellesedirigeaverslaporte.—Jenepeuxriendire.Tudéformeschacundemesmots.Illapritparlesbrasetlafitsetournerverslui.Commeilsel'étaitpromis,ilnelalaisserait

paspartirsanssebattrejusqu'aubout.—Oui,dit-il,d'unevoixtropforte.Etjecontinueraidelesdéformer,transformer,triturer

jusqu'àcequ'ilsprennentlaformequejesouhaite.Illutcequ'ellepensaitsursonvisageetreprit:—Et,non,cen'estpasunequestiondepouvoir.C'estdebonheurqu'ils'agit.Debonheur

partagé.Illarelâchaetsepassalamaindanslescheveux.—Ilyadescourspourapprendreàseservird'unefourchette,Joanna.Enrevanche,aucun

coursnet'apprendraàêtreheureuse.Il se rendit compte qu'il avait haussé le ton tant il était furieux, blessé, paniqué à la

perspectivedevoirsonrêveluiéchapper.Il la contempla longuement, s'évertuant àmettre tout son amour dans son regard. Puis,

espérants'exprimerd'unevoixàpeuprèsnormale,ildit:—Têtue,maissibelle...Lesyeuxdanslessiens,elles'efforçadeluifairecomprendrelaraisondesonentêtement:—C'estpournousdeux,Rick.C'étaitplusqu'iln'enpouvait supporter!Que croyait-elle à la fin?Qu'elle allait faire son

bonheur en refusant d'être sa femme?Ne voyait-elle pas qu'elle le condamnait à souffrirmillemorts,pirequ'autrefois,jusqu'àlafindesesjours?—Toutcequemonpèreaditnetefaitpaschangerd'avis?QueHowardMasters,àl'âgequ'ilavait,décidetoutàcoupd'agircommebonluisemblait

n'affecteraitenriensavienisonstatutsocial.Celan'entraitdoncpasenlignedecompte.Ilen allait tout autrement pour Rick au moment où il revenait à Bedford, chargé deresponsabilités.—Tonpèren'aplusrienàperdre,niàprouver,dit-elle.—Tandisquemoi?cria-t-il.Ilétaithorsdeluietcraignitdeselaisseralleràdesécartsdelangagequin'arrangeraient

rien.Acontrecœur,ils'écartad'elleettournalestalons.Deuxminutesplustard,elleentenditclaquer laported'entrée.Lebruit lui fit l'effetd'un

coupdepoignardetsonpremierréflexefutdecouriraprèslui,deluidirequ'elleavaitchangéd'avis.Mais elle se reprit. Il lui fallait tenir bon. Elle ne pouvait pas se permettre la moindre

faiblesse,lemoindrefauxpas.Nepasluidonnerd'espoir.Parce qu'elle l'aimait, qu'elle voulait son bonheur. Elle ne devait jamais oublier qu'il en

allaitdubonheurdeRick.Elle s'assit sur son lit, la têtedans lesmains.Ellen'étaitpas faitepour l'héroïsme...Que

celafaisaitmal!

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Ellevenaitenfindeglisserdansunsommeilagitéquandelleentendit frapperàsaporte.Immédiatementenalerte,elleseredressasursonlit.Sapremièrepenséefutqu'ilétaitarrivéquelquechoseàRick...Elleavaitpassélasoiréeàruminerdesombrespensées,às'interroger,bourreléededoutes

etderemords,àprierpourqu'ilnefassepasdebêtise.Guettantlemoindrebruit,elleavaitattendusonretour.Tarddanslanuit,commeiln'étaittoujourspasrentré,elleavaitétésurlepointd'appelerleshôpitauxdelarégionafindesavoirs'ilavaitétéblessédansunaccident.Aqueltitre?s'était-elledemandé.Elleneluiétaitrien.Versles2heuresdumatin,ellen'enpouvaitplusd'angoisseetdefatigueets'étaitrésignée

às'étendresursonlit.Elleavaitbesoinderepospourpouvoirsemettre,dèslelendemain,àlarecherched'unlogement...Elle sauta de son lit et courut ouvrir, s'attendant à voirMmeRutledge, le visage défait,

porteusedemauvaisesnouvelles.—Qu'est-cequi...,commença-t-elle.Elle faillit se heurter à Rick de plein fouet. Se retint au chambranle pour reprendre son

équilibreetl'examiner.Apparemment,ilallaitbien.Unsoupirdesoulagementluiéchappa.L'instantd'après, ce fut la colèrequi la submergea.Dequeldroit lui infligeait-ilpareilles

angoisses?Elleluimartelalapoitrinedesespoings,disantd'untonbasetintense:—Ilest3heuresdumatin.Oùétais-tupassé?Ilbaissalesyeuxsurunpaquetdefeuillesqu'iltenaitserréescontrelui.—J'étaisàlarecherchedepreuves.—Depreuves?Ellebaissalesbrasetplissalesyeux,s'efforçantdecomprendre.—Dequoiparles-tu?Ricks'étaitsouvenudecequ'avaitracontésonpèreàtableetuneidéeluiétaitvenue.—J'aiappelémonpère.Ilétaitencoreà l'aéroportet ilm'adonnéunelistedenoms.J'ai

passémontempsàfairedesrecherches.Ellenesaisissaitriendecequ'ilracontaitet,detoutefaçon,celan'excusaitpaslefaitqu'il

soitrestéabsentsilongtemps.—Desnoms?fit-elle.Quelsnoms?Ellel'observaattentivement.Etait-ildanssonétatnormal?—Rick,tuasbu?—Non.Cen'estpasl'enviequim'enamanqué...,ironisa-t-il.Effectivement,enquittant lamaison, ilavaitététentédenoyersonchagrindans l'alcool.

Jusqu'aumomentoùilavaitpenséàuneautrefaçondesechangerlesidées.Plusféconde.—...maiscelan'auraitpasapportédesolutionàmonproblème.IltournaitautourdupotetJoannasentitlamoutardeluimonteraunez.—Explique-toi.Quelproblème?—Toi!Illafitrentrerdanssachambre,l'ysuivitetrefermalaporte.Puisillançalesfeuillessurle

litetelless'yrépandirentcommeunebrasséedefeuillesd'automnesurlegazon.—Vas-y.Lis.L'ordren'aaucuneimportance.—Qu'est-cec'est?s'enquit-elle,intriguée.Ileutunpetitriresec.—Cesontmesillustresancêtres,figure-toi.Lagloiredelafamille.Commeellenebougeaitpas,ils'approchadulitetpritunefeuille.—Tiens,envoilàundesplusintéressants.SimonGreeley,néen1657,approximativement.

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Gâte-bourse.Illevalesyeuxverselle.—Aucasoùtunesauraispascequeçasignifie,c'estquelqu'unquicoupelabridedeton

sacet s'enfuit avec.End'autres termes,unvoleur.Unpickpocketde l'époque.Lui, c'estducôtédemamère.Ilneputs'empêcherdefairelagrimaceenimaginantsamère,horrifiéed'apprendrequ'elle

avaitungâte-bourseparmisesascendants.—Jesuissûrqu'elleauraitadorédescendred'unSimonGreeley!Ilreposalafeuilleetenprituneautre.—Toujoursducôtédemamère.JennyWheelwright.Prostituée.Pasdedatedenaissance.

Toutcequ'onsaitd'elle,c'estqu'ellefut«transportée»versleNouveauMonde,commeondisaitalors,en1689...aulieudesubirlapeinedemort.Ilprituntroisièmedocument.—Ah!Voilàundesglorieuxancêtresdemonpère.JonathanMasters.Condamnédedroit

commun!Tusaisis?Illevalesyeuxverselle,lamaintendueverslesfeuillets.—Jecontinue?Ellen'yétaitpas!Quelplaisirpouvait-ilprendreàrabaissersesaïeuls?—Pourquoitoutcela?—N'est-ce pas clair? J'essaye de te brosser un tableau honnête de cette généalogie dont

noussommessifiers.Aprèstout,tuasledroitdesavoirdansquellefamilletumetslespieds!Ilenglobad'unlargegestelesfeuillessurlelitetdit:—C'estcela,mafamille.Tuytrouverastoutcequetuveuxsavoir...Ilajouta:—Sicelat'intéresse,j'aiaussifaitquelquesrecherchesconcernantAlyssaTaylorainsique

certainsdesintéressantspersonnagesquiparticipaientàlafêtedecharitél'autrejour.Aucund'euxnepeutsevanterd'unelignéepureetsanstache.Ilmarquaunepauseetannonça:—J'aifaitlamêmerecherchepourtoi.Elleouvritgrandlesyeux.—Moi?Ilfitsigneque«oui»,s'assitsurlelitetsemitàchercherparmilesdocuments.—Celam'aprisunpeuplusdetemps.Jen'avaisquelenomdetamère.Découvrirquiétait

tonpèreaétéunpeuplusdifficile.Qu'est-cequiluiarrivait?Pourquoifairetoutcetravailaubeaumilieudelanuit?—Commentas-tu...?—Grâceauxarchivesdel'hôpital.Sonnomfiguresurtonactedenaissance.Unteldocumentn'étaitpasdisponiblesurleNet,raisonna-t-elle.Ilavaitdûemployerdes

moyens...non,pasillégaux,toutdemême...—Depuisquandfais-tudupiratagededocuments?— Moi, non. Mais Pierce est un gars bourré de talents et de ressources cachées. Un

véritablegéniedel'informatique.Rienneluirésiste.Ilatravaillécommeundinguetoutelasoiréeetjel'ailaissé,auborddel'épuisement,écroulésursonlit.Acettepensée,Ricksemitàsourire.— Mais je m'écarte du sujet, se reprit-il. D'après mes renseignements, tu es la plus

recommandabledenous tous.Ni voleur,nimeurtrier,nibellesdenuitparmi tes ancêtres.Tousdebravesgens,fermiers,manouvriers,sanshistoiresnicondamnation.

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Elles'étaitassisesurlelit.Illuipritlamain.—C'estmoiquidevraismefairedusouci,Joey.Tuvasavoirhontedemoi.—Tu...tuasfaittoutcelapourmoi?—C'esttoiquifais ladifficile, luirappela-t-il,quidemandesdespreuves.Moi, ilyabelle

lurette que je sais que tu es celle qui me convient, que je veux et que j'aime. Enfin! siquelqu'uns'avisejamaisdetefairesentirquetun'espasàtaplace,jeluienvoiephotocopiede certains documents concernant ses ancêtres. Je parie que cette personne révisera sapositionetquetun'aurasplusjamaisdroitàaucunerebuffade.Joanna était sous le choc,muette de saisissement. Jamais personne ne lui avait fait un

aussibeaucadeau.—Jenesaispasquoidire,murmura-t-elle.Illuipritlevisageentresesmainsetsuggéra:—Un seulmotme paraît répondre à la situation : «Oui ». Comme dans : «Oui, Rick,

j'acceptedet'épouser.»Ouencore:«Oui,j'iraiàCatalinaavectoi...»—Catalina?C'étaitencoreunesurprise.Avecl'arrivéeinopinéedesonpère,iln'avaitpaseul'occasion

deluienparler.—J'airéservédeuxplacessurlebateaupourdemain.Jeveuxdir...pouraujourd'hui.Quelquechoseluirevintàlamémoireetilmitlamainàsapoche.—Etj'aiquelquechosepourtoi.Joanna,dépassée,sedemandacequ'ilavaitencoreinventé.Il sortit un petit écrin et le plaça au creux de la paume de la jeune femme. Quand elle

l'ouvrit,ellereconnuttoutdesuite lesuperbediamantquesonpèreluiavaitmontré: ilnepouvaitenexisterdeuxidentiques.Elleleregardasanscomprendre.—C'estlediamantdetonpère...Ellerefermal'écrinetleluitendit.Ilrepoussadoucementsamain.—Oui.Ill'avaitachetépourDorothy.—Alors,commentsefait-ilqu'ilsoitentapossession?Son père le lui avait glissé dans la poche au moment de son départ. Sous le coup de

l'émotion,Rickn'avaitpasréagi.—Ilmel'adonné.Ilapenséquecelam'aideraitàteconvaincredem'épouser.Ilscrutasonvisage.—A-t-ileuraison?Nelaconnaissait-ilpasencore?s'indigna-t-elle.—Cen'estpaspourundiamant,aussibeausoit-il,quejepourraisdéciderdet'épouser.Commes'ilnelesavaitpas!Lediamantn'étaitqu'unsymbole.Lesymboledelarichessede

sonamour.—Est-cequetum'épouserais... justeparamour?s'enquit-ildansunsourire.Parcequeje

t'aimeetquetum'aimes?Jenetelaisseraipastranquilletantquetunem'auraspasdit«oui»!—Tusaiscequetuesentraindefaire?Duharcèlementmoral!Pasfaciledefairedel'humouràunmomentpareil!Pasfacile,surtout,deseretenirdese

jeterdanssesbras.—Jememoquedesétiquettesetduqu'endira-t-on,reprit-ilpresqueavecvéhémence.Tout

cequim'importe,c'esttoi,moi,lebébéetnotrebonheuràtouslestrois.Jenepeuxenvisagerlaviesanstoiàmescôtés.

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Ilplongeasesyeuxdanslessiensetpoursuivit:—J'aidéjàgoûtéàlaviesanstoi,etnonmerci.Ilm'afallumetuerautravailpournepas

penser à toi vingt-quatre heures sur vingt-quatre et, même alors, ça ne marchait pas.Rappelle-toi ce que tume disais, que ce qu'on faisaitn'avait pas d'importance. Que ce quicomptait,c'étaitquionaimaitetquivousaimait.Ilresserrasonbrasautourdesesépaules.—C'estcequicomptedansmavie,Joanna.Jet'aimeettum'asditquetum'aimais.D'après

moi,iln'yaqu'uneseuleissuepossible:lemariage.Ilavaitréussiàfranchirtouteslesbarrières,àfairetombertouteslesdéfensesqu'elleavait

sipéniblementérigées.Elleavaitperdu touteenviede sebattre.Elledemandanéanmoins,pourlaforme:—Tuessûrquec'estcequetuveux?—Combiendefoisfaudra-t-ilteledire?s'impatienta-t-il.Etdecombiendemanières?Ellesouritet,désignantlesfeuilletssurlelit,reconnut:—Tuasfaitpreuved'imagination!—Maintenant,jeveuxt'entendredireunmot,unseul.—Unseulmot?ledéfia-t-elle,luttantpourgardersonsérieux,unéclairdetaquineriedans

lesyeux.Ilmordillasalèvreinférieure.—Petitefutée!— Pas si futée que cela, corrigea-t-elle. Quand je pense que je me suis coupée de toi,

volontairement!—Etmaintenant?—Fini.Jamaisplus,sepromit-ellesilencieusement.Rickhochalatête,rassuré.—Trèsbien.Jevaispouvoirdécommanderlesouvriersquidevaientmettredesbarreauxà

touteslesportesetfenêtres.Elleéclataderire.—Rick!Celaauraitdéfigurélamaison...Ilredevintsérieuxpouraffirmer:—Aucuneimportance.Jeneveuxqu'unechose:toi,chezmoi,danscettefichuebaraque.—D'accord.Cette réponse elliptique ne suffit pas à Rick. Il avait besoin de l'entendre formuler son

consentementdefaçonplusélaborée,plusnette.— Joanna Prescott, fit-il solennellement, voulez-vous me faire l'honneur de devenir ma

femme?Lecœurgonfléd'amour,encoreétonnéedecedénouementmiraculeux,Joanna luipassa

lesbrasautourducouets'exclama:—Oui,RichardMasters.Jeleveux!Leurs lèvres s'unirentpourunbaiser aussipleinde tendressequedepassion. Ils étaient

surlepointdeleprolonger,delaisserparlerlapassionquilesanimait,quandunpetitcrisefitentendre:lebébés'agitait.Acontrecœur,Joannas'écarta.—Ilfautquej'aillevoirmonbébé...—Notrebébé,rectifiaRick.C'estensemblequenousironslavoir...Dansuninstant.Ilrepritseslèvres.

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Cefutunbaisermagique,plusdouxquelenectardesdieuxdel'Olympe,pluspuissantquel'éruption d'un volcan, plus prometteur qu'un bouton de rose aux premiers souffles duprintemps.Unbaiserquiscellaitleurbonheur–àtoutjamais.