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http://lib.uliege.be https://matheo.uliege.be Clignotants et autres mesures préventives de la procédure en réorganisation judiciaire: comment assurer une meilleure prévention des entreprises en difficultés? Auteur : Geradin, Annelise Promoteur(s) : Stas De Richelle, Laurent Faculté : HEC-Ecole de gestion de l'Université de Liège Diplôme : Master en sciences de gestion, à finalité spécialisée en droit Année académique : 2017-2018 URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/5685 Avertissement à l'attention des usagers : Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces documents, les disséquer pour les indexer, s'en servir de données pour un logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale (ou prévue par la réglementation relative au droit d'auteur). Toute utilisation du document à des fins commerciales est strictement interdite. Par ailleurs, l'utilisateur s'engage à respecter les droits moraux de l'auteur, principalement le droit à l'intégrité de l'oeuvre et le droit de paternité et ce dans toute utilisation que l'utilisateur entreprend. Ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'il reproduira un document par extrait ou dans son intégralité, l'utilisateur citera de manière complète les sources telles que mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du document ou son résumé) nécessite l'autorisation préalable et expresse des auteurs ou de leurs ayants droit.

Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

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Clignotants et autres mesures préventives de la procédure en réorganisation

judiciaire: comment assurer une meilleure prévention des entreprises en difficultés?

Auteur : Geradin, Annelise

Promoteur(s) : Stas De Richelle, Laurent

Faculté : HEC-Ecole de gestion de l'Université de Liège

Diplôme : Master en sciences de gestion, à finalité spécialisée en droit

Année académique : 2017-2018

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/5685

Avertissement à l'attention des usagers :

Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément

aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger,

copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces documents, les disséquer pour les

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relative au droit d'auteur). Toute utilisation du document à des fins commerciales est strictement interdite.

Par ailleurs, l'utilisateur s'engage à respecter les droits moraux de l'auteur, principalement le droit à l'intégrité de l'oeuvre

et le droit de paternité et ce dans toute utilisation que l'utilisateur entreprend. Ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'il reproduira

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CLIGNOTANTS ET AUTRES MESURES

PREVENTIVES DE LA PROCEDURE EN

REORGANISATION JUDICIAIRE : COMMENT

ASSURER UNE MEILLEURE PREVENTION DES

ENTREPRISES EN DIFFICULTE ?

Jury : Mémoire présenté par

Promoteur : Annelise GERADIN

Laurent STAS de RICHELLE En vue de l’obtention du diplôme

Lecteurs : de master en sciences de gestion,

Frédéric GEORGES à finalité spécialisée en droit.

Jean-Claude WEICKER Année académique 2017/2018

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Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en

apprentissages et expériences au sein d’HEC Liège, école de gestion

de l’université de Liège. Si je suis parvenue à l’accomplissement de

ce travail de fin d’étude, c’est grâce à l’aide, au soutien et aux

conseils judicieux qui m’ont été prodigués par certaines personnes.

Je voudrais donc aujourd’hui leur témoigner toute ma

reconnaissance.

Je souhaite d’abord exprimer toute ma gratitude à mon promoteur,

Monsieur Stas de Richelle, pour sa disponibilité, son suivi régulier et

ses conseils avisés. Ceux-ci ont guidé mes réflexions.

Mes remerciements vont également à Monsieur Georges et Monsieur

Weicker, en leur qualité de lecteur de ce mémoire, pour l’attention et

le temps consacrés à la lecture et à la critique de ce travail de fin

d’étude.

Toute ma gratitude s’adresse ensuite à Messieurs Alain Zenner et

Eric Van den Broele ainsi que Madame Nathalie Procureur pour

avoir accepté de partager leurs opinions, connaissances et

expériences dans la matière considérée. Je suis sortie enrichie de

chacun de ces entretiens.

Un remerciement particulier à mon oncle, Michel Haag, qui m’a

soutenue tout au long de la rédaction de ce travail. Ses conseils et

ses critiques judicieuses ont consolidé ma connaissance du sujet.

J’adresse également toute ma reconnaissance à mes parents, qui

m’ont accompagnée et orientée tout au long de ce parcours

universitaire.

Enfin, je remercie toutes les personnes qui ont contribué de près ou

de loin à la réalisation de ce travail.

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Note de synthèse

En 2009, le législateur mettait au point la « loi relative à la continuité des entreprises »

avec comme procédure phare, la procédure en réorganisation judiciaire (PRJ). L’objectif principal

de ce nouvel instrument juridique était de permettre aux entreprises rencontrant des difficultés de

bénéficier d’une ou plusieurs périodes de répit pendant laquelle l’entreprise peut travailler

sereinement à la mise en œuvre d’un plan de redressement afin de repartir du bon pied, sur une base

assainie. Beaucoup d’espoirs avaient été placés en cet outil juridique.

Bien que s’érigeant en procédure salvatrice, force est de constater que, 9 ans après son introduction,

celle-ci n’a pas atteint les objectifs ambitionnés et reste dans la plupart des cas l’antichambre de la

faillite. En effet, trop peu d’entreprises recourent à la procédure en réorganisation judiciaire et,

quand elles s’y décident, il est généralement trop tard. 70 à 80% des procédures introduites se

clôturent finalement par un aveu de faillite.

Pour permettre à la PRJ de remplir adéquatement son office, il est essentiel de développer

davantage la prévention des entreprises en difficulté et surtout de permettre un dépistage beaucoup

plus précoce de ces entreprises. Cela est notamment rendu possible par l’analyse d’une série de

clignotants, véritables signaux d’alarme de difficultés à venir.

Dans ce travail de fin d’étude, nous nous sommes dès lors donnés pour objectif l’étude de ces divers

clignotants et autres mesures préventives pour détecter les entreprises dont la situation économique

se trouve sur une pente glissante. Après avoir consacré la première partie de ce travail à une

synthèse juridique de la PRJ, nous nous sommes penchés sur l’analyse de ces divers clignotants

(légaux, financiers, d’exploitation et de ressources humaines ainsi que ceux préconisés par la

société Graydon). Enfin, nous avons terminé notre étude par une série d’entretiens réalisés avec des

experts en la matière afin de comprendre comment mettre en place une démarche préventive qui

porte réellement ses fruits. Dans ce cadre, nous avons notamment exposé le projet

« Ondernemershorizon", développé par la société Graydon en collaboration avec l’Université

d’Anvers et Unizo, qui a pour but de développer des clignotants dits « oranges » traduisant une

situation d’entreprises en déclin mais non encore en difficulté réelle.

Mots-Clefs : entreprises en difficulté, Procédure en Réorganisation Judiciaire, dépistage,

clignotants, prévention, discontinuité.

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Abstract

In 2009, the legislator initiated the “law for the continuity of companies” with its key

judicial proceeding named the judicial reorganisation procedure (PRJ in French). The aim of this

new legal tool was to allow struggling companies to benefit from a “time-out” period during which

the company was able to set up a recovery plan in order to have a fresh start. Lots of hopes were

placed in that legal proceeding.

However, 9 years after the introduction of the “PRJ”, we can notice that it has not reached its aimed

goal which was to avoid bankruptcy. Indeed, not enough companies use this proceeding and when

they do, it is usually too late. About 70 to 80% of ongoing procedures end up going bankrupt.

In order for the procedure to get more chances of being successfully introduced, it is crucial to

enhance the prevention of struggling companies and especially to detect those a lot sooner. This is

made possible by the analysis of a range of indicators, true “warning signs” which indicate

difficulties to come for a company.

The purpose of this thesis is the study of those indicators and other preventive measures in order to

detect companies which have prejudiced future. The first part of this paper enlightens the “PRJ”

itself. Afterward we focus on the analysis of those indicators (legal, financial and human resources

indicators as well as the indicators highlighted by the firm Graydon). Finally, our research ends up

with interviews made with experts in this area in order to understand how to set up a more fruitful

preventive approach. We outline the project “Ondernemershorizon” in particular which was

initiated by the company Graydon in partnership with the University of Anvers and Unizo. The aim

of this project is to develop new indicators which reflect the situation of shrinking companies but

which are not yet in critical situation.

Key-words: Struggling companies, judicial reorganisation procedure, detection, indicators,

prevention, discontinuity.

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Table des matières

Introduction .............................................................................................................................. 1

Chapitre 1 - La Procédure en Réorganisation Judiciaire ..................................................... 5

1.1 Notion d’entreprise en difficulté .................................................................................. 5

1.2 Création et objectifs de la PRJ ..................................................................................... 6

1.2.1 Origine et objectif général .................................................................................... 6

1.2.2 Trois objectifs spécifiques prévus par la loi ......................................................... 7

1.3 Les concepts clés de la PRJ ......................................................................................... 9

1.3.2 Le sursis ................................................................................................................ 9

1.3.3 Les créances sursitaires ...................................................................................... 11

1.3.4 Les principaux acteurs de la PRJ ........................................................................ 12

1.3.4.1 Le débiteur .................................................................................................. 12

1.3.4.2 Les praticiens de l’insolvabilité .................................................................. 13

1.3.4.3 Les mandataires de justice .......................................................................... 13

1.3.4.4 L’administrateur provisoire......................................................................... 13

1.3.4.5 Le médiateur d’entreprise ........................................................................... 14

1.3.4.6 Le juge délégué ........................................................................................... 14

1.3.4.7 Les chambres des entreprises en difficulté ................................................. 15

1.4 Déroulement de la PRJ par accord collectif .............................................................. 16

1.4.1 Dépôt de la requête et jugement ......................................................................... 16

1.4.2 Le plan de réorganisation ................................................................................... 17

1.4.2.1 Partie descriptive ......................................................................................... 17

1.4.2.2 Partie prescriptive ....................................................................................... 18

1.4.3 Vote et homologation du plan ............................................................................ 19

1.4.4 Exécution du plan ............................................................................................... 20

1.5 Conclusion ................................................................................................................. 20

Chapitre 2 - Prévention et détection des entreprises en difficulté par l’analyse des clignotants

…………………………………………………………………………………...................... 22

2.1 Etat des lieux : la PRJ en quelques chiffres ............................................................... 22

2.2 Clignotants légaux et rôle du professionnel du chiffre via la procédure d’alerte ...... 24

2.2.1 Les clignotants légaux ........................................................................................ 24

2.2.2 La procédure d’alerte et le rôle du professionnel du chiffre .............................. 26

2.3 Les clignotants préconisés par la firme Graydon ...................................................... 27

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2.3.1 Rentabilité négative pendant deux années successives ...................................... 28

2.3.2 Ratio de liquidité inférieur à 0,5 ......................................................................... 29

2.3.3 Taux d’endettement général supérieur à 100% (supérieur aux fonds propres) .. 30

2.3.4 Fonds propres inférieurs à 50% du capital ......................................................... 31

2.3.5 Dettes vis-à-vis du fisc et de l’ONSS venues à échéance .................................. 32

2.3.6 Fito-mètre fortement négatif .............................................................................. 33

2.3.7 Entreprise assignée par l’ONSS ......................................................................... 33

2.3.8 Lettres de change protestées (protêts) ................................................................ 33

2.3.9 Chef d’entreprise déjà impliqué dans une faillite précédemment ...................... 34

2.3.10 Comptes annuels non publiés successivement pour les deux dernières années . 34

2.3.11 Administrateur provisoire nommé ..................................................................... 35

2.3.12 Score social Graydon négatif ............................................................................. 35

2.3.13 Conclusion .......................................................................................................... 35

2.4 Autres critères permettant l’appréciation de la continuité ......................................... 36

2.4.1 Critères fondés sur la situation financière .......................................................... 37

2.4.2 Critères fondés sur l’exploitation ....................................................................... 43

2.4.3 Critères fondés sur la gestion des ressources humaines ..................................... 44

2.4.4 Autres critères à caractère non habituel ............................................................. 44

2.5 Rôle des dirigeants quant à la survenance d’indices d’une situation de discontinuité

………………………………………………………………………………………45

Chapitre 3 - Comment améliorer notre système de dépistage - Pistes de réflexion ......... 47

3.1 Introduction ................................................................................................................. 47

3.2 Pourquoi la PRJ n’atteint-elle pas son objectif ? ......................................................... 48

3.3 La responsabilité des professionnels du chiffre ........................................................... 52

3.4 Le projet « Ondernemershorizon » .............................................................................. 54

3.4.1 En quoi consiste ce projet ?.................................................................................. 54

3.4.2 Quels sont ces clignotants oranges ? .................................................................... 55

3.5 Vers une politique en deux voies ? .............................................................................. 58

Conclusion ............................................................................................................................... 60

Bibliographie ........................................................................................................................... 62

Annexes ...................................................................................................................................... I

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1

Introduction

S’agissant des entreprises en difficulté, le paysage législatif belge a connu de

nombreuses refontes afin de pouvoir mettre en place un régime permettant d’éviter la faillite

lorsque le danger de discontinuité guettait et d’assurer la poursuite de l’exploitation

économique des entreprises.

Tel était déjà l’espoir du concordat judiciaire introduit par la loi du 17 juillet 1997. Ce dernier

a cependant été un échec total dans la recherche de l’atteinte de cet objectif. En 2009, le

nombre annuel de faillites a même pratiquement atteint le cap des 10 0001. Le législateur se

devait de réagir.

C’est dans ce contexte d’échec qu’est née la « loi relative à la continuité des entreprises »

(LCE) du 31 janvier 2009 avec comme procédure phare, la procédure en réorganisation

judiciaire (PRJ). L’objectif principal de ce nouvel instrument juridique était de permettre aux

entreprises rencontrant des difficultés de bénéficier d’une ou plusieurs périodes de répit

pendant laquelle l’entreprise peut travailler sereinement à la mise en œuvre d’un plan de

redressement afin de repartir du bon pied, sur une base assainie. Beaucoup d’espoirs avaient

été placés en cette loi.

La PRJ a connu immédiatement un « faux succès » (1537 procédures avaient été engagées en

2012)2 dû à une ingénierie financière malsaine ayant pour attrait quasi exclusif une réduction

des dettes vis-à-vis des gros fournisseurs et surtout des institutions étatiques et paraétatiques.

En général, aucune autre mesure n’était envisagée alors que justement des mesures

structurelles auraient dû être prises afin de pérenniser la situation de l’entreprise. La réaction

des milieux judiciaires a amené le législateur à durcir les conditions d’accès à la procédure par

une loi modificatrice du 27 mai 2013.

Une dernière réforme technique a finalement vu le jour en 2017 par l’introduction du Livre

XX « Insolvabilité des entreprises » dans le Code de droit économique. Aucune modification

1 A. ZENNER, J.-P. LEBEAU et C. ALTER, La loi relative à la continuité des entreprises à l’épreuve de sa

première pratique, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 7. 2 A. ZENNER et C. ALTER, La loi sur la continuité des entreprises revisitée par la loi du 27 mai 2013,

Bruxelles, Larcier, 2014, p. 9.

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2

notable par rapport à la procédure en réorganisation judiciaire ne peut néanmoins être actée,

exception faite de l’élargissement de son champ d’application ratione personae.

Quel bilan pouvons-nous dès lors tirer de ces diverses modifications de l’arsenal législatif en

matière de prise en charge des entreprises en difficulté ? Les efforts du législateur ont été

pratiquement vains. Bien que s’érigeant en procédure salvatrice, notre constatation est que, 9

ans après son introduction, la procédure en réorganisation judiciaire reste dans la plupart des

cas l’antichambre de la faillite. Trop peu d’entreprises y ont recours et, quand elles s’y

décident, il est généralement trop tard. La société Graydon3 a relevé que seuls 718 jugements

de sursis avaient été déclarés en 2017 et parmi les PRJ en cours, 70 à 80% se clôturent

finalement par un aveu de faillite.

La doctrine est unanime : pour que la procédure puisse remplir adéquatement son office, un

meilleur dépistage des entreprises en difficulté et surtout plus précoce est nécessaire. La

prévention des entreprises présentant des menaces de discontinuité s’avère notamment

possible à travers l’analyse de divers clignotants, véritables signaux d’alarme de difficultés à

venir.

Dans ce travail de fin d’étude, nous nous sommes donnés pour objectif l’étude de ces divers

clignotants et autres mesures préventives pour détecter les entreprises dont la situation

économique se trouve sur une pente glissante. Ces clignotants, s’ils sont détectés

suffisamment tôt, permettront d’introduire une procédure en réorganisation judiciaire lorsque

les chances de succès de celle-ci ne sont pas encore trop entamées.

La première partie de ce travail sera consacrée à une synthèse juridique de la procédure en

réorganisation judiciaire. Ses objectifs, ainsi que les trois différentes voies mises à la

disposition du débiteur pour l’introduire seront d’abord abordés. Nous nous pencherons

ensuite sur la procédure en réorganisation judiciaire par accord collectif, voie la plus souvent

sollicitée. Nous y expliciterons ses concepts et acteurs clefs ainsi que son déroulement, dans

les grandes lignes.

Dans la seconde partie de notre étude nous commencerons par tirer le constat que le dépistage

des entreprises en difficulté est la clef du succès de cette procédure. Ce dépistage est

3 La société Graydon est un bureau d’informations financières et commerciales qui tend à fournir de grandes

quantités de données récoltées par le biais de différentes sources d’informations. L’entreprise est en relation avec

les tribunaux de commerce belges, ce qui lui permet de tenir à jour des bases de données concernant les

procédures de solvabilité.

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3

notamment rendu possible par l’utilisation d’une batterie de « clignotants » qui, lorsqu’ils

s’allument conjointement, révèlent des risques de discontinuité encourus par l’entreprise.

Nous détaillerons dès lors dans un premier temps les clignotants légaux ainsi que le rôle du

professionnel du chiffre en rapport avec la survenance de ceux-ci. Viendra ensuite l’analyse

des douze clignotants développés par la société Graydon sur base de ses données statistiques.

Nous terminerons cette partie par la mise en avant des principaux clignotants financiers, des

indicateurs d’exploitation et de ressources humaines.

Dans la troisième et dernière partie, nous rechercherons des pistes de réflexion susceptibles

d’apporter un remède à notre système de prévention pour le rendre plus efficace. La détection

des clignotants est une première démarche à accomplir. Sans qu’ils soient toujours

significatifs individuellement, ils sont parfois révélateurs, pris globalement, d’une situation

désastreuse. Cette situation désastreuse que nous qualifierons de situation de « mourant » est

souvent la conséquence d’une analyse tardive des clignotants, principalement financiers.

C’est pourquoi, il faut absolument développer davantage la prévention en amont4.

Afin de permettre cette réflexion, nous avons rencontré des experts en la matière pour

comprendre comment mettre en place une démarche préventive qui porte réellement ses fruits.

Nous mettrons d’abord en avant les raisons pour lesquelles la PRJ n’atteint pas son objectif

de pérennisation des entreprises.

Nous traiterons ensuite de la responsabilisation des professionnels du chiffre pour la

communication des faits graves et concordants, susceptibles de menacer la continuité de

l’entreprise.

Par la suite, nous présenterons le projet « Ondernemershorizon », développé par la société

Graydon en collaboration avec l’Université d’Anvers et Unizo, qui a pour but de développer

des clignotants dits « oranges » traduisant une situation d’entreprises en déclin mais non

encore en difficulté réelle. L’approche des entreprises sur base de ces nouveaux clignotants,

qui privilégient l’aspect social sur l’aspect financier de l’entreprise, a permis de redresser 70%

des 500 entreprises abordées annuellement dans le cadre de ce projet. Il y a là une sérieuse

piste préventive à développer.

4 M. LAUWERS, « Trop peu d’entreprises, recourent trop tard, à la réorganisation judiciaire », L’Echo, 2018, p.

19.

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4

Enfin, nous terminerons par l’étude d’une éventuelle politique en deux voies, basée sur une

interaction entre le pouvoir judiciaire fédéral et les pouvoirs exécutifs régionaux, au sein du

milieu législatif fragmenté qui est le nôtre en Belgique.

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5

Chapitre 1 - La Procédure en Réorganisation Judiciaire

1.1 Notion d’entreprise en difficulté

Avant d’étudier la procédure en réorganisation judiciaire en tant que telle, il nous

semble judicieux d’aborder quelque peu la notion d’ « entreprise en difficulté », notion

centrale de la loi sur la continuité des entreprises (LCE) - loi abrogée en 2018 et remplacée

par la loi du 11 août 2017 portant insertion de livre XX « insolvabilité des entreprises » dans

le Code de droit économique - et qui est au cœur de la question de ce travail de fin d’étude.

Le juriste aura généralement tendance à rapprocher la notion d’entreprise en difficulté au

concept de cessation de paiement, qui intervient lorsque l’entreprise n’est plus à même de

faire face à son passif exigible au moyen de son actif disponible.

La notion d’entreprise en difficulté est cependant bien plus complexe et appréhende nombre

d’autres critères. Selon Jean Brilman, « ce n’est pas seulement une entreprise qui a des

problèmes financiers (conséquence immédiate de problèmes beaucoup plus profonds), c’est

aussi une entreprise qui, rencontrant ou prévoyant des difficultés, prend des mesures

immédiates afin de ne pas connaître d’ennuis financiers »5. Le maître mot est ici

l’anticipation. Une prise de conscience trop tardive des difficultés qu’une entreprise rencontre

rendra quasi nulle les chances pour celle-ci de s’en sortir sans passer par la case faillite.

Une entreprise est également dite en difficulté lorsqu’elle n’est plus apte à honorer ses

engagements contractuels envers ses partenaires (fournisseurs, banques, personnel, créanciers

institutionnels …). L’identification des défaillances rencontrées par une entreprise est en effet

cruciale pour la survie de celle-ci, mais il faut également prendre en compte les répercussions

qu’elles peuvent avoir sur les créanciers et les entreprises concurrentes. L’entreprise ne peut

être sauvée à n’importe quel prix, il faut trouver un équilibre pour sauvegarder les intérêts de

toutes les parties prenantes (vision macroéconomique).

En droit belge la notion d’entreprise en difficulté est explicitée par la combinaison des articles

XX.39 et XX.45 du livre XX du code de droit économique qui identifient une entreprise en

difficulté par une continuité menacée à bref délai ou à terme.

5 J. BRILMAN, Gestion de crise et redressement d’entreprise, Paris, Hommes et techniques, 1985, p. 10.

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6

A partir du moment où les difficultés rencontrées deviennent chroniques, il existe un réel

danger pour la bonne poursuite des activités de l’entreprise. C’est pourquoi la procédure en

réorganisation judiciaire (ci-après PRJ), parmi d’autres solutions procédurales, a été instituée

par le législateur via la loi « relative à la continuité des entreprises » du 31 janvier 2009

modifiée par la loi du 27 mai 2013 et qui a finalement fait l’objet d’une nouvelle réforme

technique par l’insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le code de droit

économique. Celle-ci est entrée en vigueur le 1er

mai 2018 mais n’a pas apporté de

changements fondamentaux par rapport aux dispositions de la loi sur la continuité des

entreprises en ce qui concerne la prévention des entreprises en difficulté. Les fondements,

concepts et l’organisation de la PRJ sont examinés dans les points ci-dessous.

1.2 Création et objectifs de la PRJ

1.2.1 Origine et objectif général

La loi relative à la continuité des entreprises avait succédé à la loi relative au

concordat judiciaire du 17 juillet 1997 qui n’avait pas été un franc succès. En effet, à titre

d’exemple, seules 78 entreprises avaient joui d’un sursis concordataire en 20086. La

principale innovation est la suppression du choix binaire auquel étaient confrontées les

entreprises à l’époque, à savoir le choix du concordat ou de la faillite7. Diverses possibilités

de redresser la barre avaient été données aux entreprises en difficulté lors de l’entrée en

vigueur de la loi relative à la continuité des entreprises. Possibilités telles que la conclusion

d’un accord amiable (avec l’aide ou non d’un médiateur d’entreprise), le transfert de tout ou

partie de l’entreprise sous autorité de justice et le plan de réorganisation par accord collectif

qui est la forme la plus répandue8.

La volonté du législateur quant aux objectifs de la loi sur la continuité des entreprises -

objectifs que l’on retrouve également dans le livre XX - est décrite dans les travaux

parlementaires de l’époque: « Les objectifs poursuivis sont dès lors d’augmenter le taux de

continuité grâce à une loi plus intelligible qui doit être plus « active » que la loi du 17 juillet

6 Statistiques fournies par la SA Graydon Belgium

7 A. ZENNER, La nouvelle loi sur la continuité des entreprises. Prévention et réorganisation des entreprises en

difficulté, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p.7. 8 J.-P. LEBEAU et C. ALTER, Guide de la procédure de réorganisation judiciaire, Waterloo, Kluwer, 2015,

p.3.

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7

1997 pour les entreprises en difficulté, de simplifier et d’assouplir les procédures et la

réglementation, de réduire les coûts et, enfin, de faciliter la cession des entreprises. »9

C’est à l’article XX.39 que nous retrouvons cet objectif, défini comme suit : « La procédure

de réorganisation judiciaire a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de

tout ou partie des actifs ou des activités de l’entreprise»10

. L’objectif est donc le redressement

de l’entreprise en difficulté notamment via l’octroi d’une période de sursis pendant laquelle

l’entreprise ne peut être déclarée en faillite et pendant laquelle aucune saisie ou voie

d’exécution ne peut être exécutée. Il s’agit d’une véritable procédure préventive.

Il est à noter que l’entreprise, dans ce contexte, doit être comprise dans son acceptation

économique. Nous pouvons notamment lire dans l’amendement numéro un du

gouvernement concernant l’article 16 LCE, qui est à l’heure actuelle l’article XX.39:«

« Préserver la continuité de l’entreprise », tend à la préservation de l’entité socio-économique

elle-même, c’est-à-dire à cet ensemble de moyens humains et matériels rassemblés en vue de

la production de biens ou de services. L’entreprise est à distinguer de l’enveloppe juridique

qui la recouvre, à savoir la société commerciale ou la personne physique exerçant l’activité

économique. « Préserver les activités » fait référence à l’activité économique partiellement

détachée de son support. La formulation est à dessein très large pour éviter que des

interprétations ne dénaturent la volonté du législateur : il s’agit bien d’assurer que dans des

conditions économiques adéquates des problèmes de nature structurelle ou accidentelle

puissent êtres résolus. »11

. « C’est bien de le continuité de l’entreprise sous l’angle socio-

économique dont il est question, sans que celle-ci aille nécessairement de pair avec la survie

du débiteur en difficulté »12

.

1.2.2 Trois objectifs spécifiques prévus par la loi

L’article XX.39 alinéa 2 poursuit en énonçant les 3 voies proposées au débiteur afin de

mettre en place une réorganisation judiciaire : la réalisation d’un accord amiable, la réalisation

d’un accord collectif (voie la plus répandue) et le transfert sous autorité de justice de tout ou

partie des actifs ou des activités de l’entreprise. Nous allons décrire brièvement celles-ci.

9 Proposition de loi relative à la continuité des entreprises, rapport fait au nom de la commission chargée des

problèmes de droit commercial et économique, Doc., Ch., 2008-2009, n° 0160/005, p. 6. 10

Loi du 11 aout 2017 portant insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le code de droit

économique, M.B., 11 septembre 2017, art. XX.39. 11

Proposition de loi relative à la continuité de l’entreprise, amendement, Doc., Ch., 2008, n° 52 0160/002, p. 54. 12

J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 3.

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8

a) La réalisation d’un accord amiable

Par l’application de l’article XX.65, le débiteur peut chercher à conclure un accord

amiable avec au minimum deux créanciers en vue d’assainir sa situation financière.

Cet accord est convenu librement entre les parties et n’implique pas les tiers. Cet

accord est constaté par le tribunal et fait l’objet d’une publication, ce qui est moins

avantageux du point de vue de la discrétion par rapport à un accord amiable conclu en

dehors de toute procédure judiciaire, mais les créanciers sont généralement plus

propices à la négociation13

.

b) La réalisation d’un accord collectif

La réorganisation judiciaire par accord collectif est réglée aux articles XX.67 à XX.83.

L’accord collectif consiste en la mise en place par le débiteur (aidé de son avocat ou

d’un mandataire de justice) d’un plan de réorganisation, pendant la période du sursis,

qui doit être soumis au tribunal et approuvé par ses créanciers à l’audience prévue à

cet effet. Une fois le plan approuvé et homologué (ce qui marque la fin de la période

de sursis), le débiteur doit mettre tout en œuvre pour le respecter et atteindre les

objectifs annoncés. La réorganisation judiciaire par accord collectif et les concepts y

afférant seront détaillés avec plus de précision dans la suite de ce travail.

c) Le transfert sous autorité de justice

Ce sont les dispositions des articles XX.84 à XX.97 qui règlent la réorganisation

judiciaire dans le cadre d’un transfert sous autorité de justice. Le transfert peut porter

sur l’intégralité ou sur certaines parties de l’entreprise. La cession peut être consentie

par le débiteur ou ordonnée d’office par le tribunal. Une attention particulière doit être

portée aux membres du personnel lorsqu’un transfert est acté, c’est pourquoi le

débiteur a l’obligation d’entendre des représentants du personnel. Cette situation

s’apparente assez souvent à une faillite de l’être juridique auquel on a soustrait une

partie de ses actifs indispensables à la « renaissance » de l’entreprise.

Le graphe ci-dessous présente l’évolution de l’objectif initial du sursis entre 2009 et 2017 (à

cette époque, c’était encore la loi sur la continuité des entreprises qui était en vigueur).

13

J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 67.

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9

Nous pouvons remarquer que l’objectif le plus poursuivi lors d’une demande de procédure en

réorganisation judiciaire en vue de l’obtention d’un sursis est l’accord collectif. Celui-ci

représente pratiquement quatre cas sur cinq. La part d’accords collectifs octroyés au cours des

neuf dernières années est restée assez stable et est de l’ordre des 75%14

.

Etant donné les statistiques présentées ci-dessus, nous avons jugé que la réalisation d’un

accord collectif méritait une attention particulière. C’est pourquoi nous allons énoncer dans

les grandes lignes les concepts et étapes clefs de cet objectif de la procédure en réorganisation

judiciaire.

1.3 Les concepts clés de la PRJ

1.3.2 Le sursis

A partir du dépôt de la requête en PRJ prend cours le sursis qui est un moratoire

accordé au débiteur par le tribunal de commerce15

. Le sursis est un mécanisme central dans la

PRJ car il met le débiteur sous la protection de la justice. En effet, durant cette période le

débiteur ne peut être déclaré en faillite, les voies d’exécutions des créances sursitaires sont

suspendues et aucune saisie ne peut être pratiquée.

14

Statistique fournie par la SA Graydon Belgium. 15

Qui portera le nom de « tribunal de l’entreprise » à partir du 1er

novembre 2018.

Figure 1 - Evolution de l'objectif initial du sursis - Source "Graydon Belgium"

Page 20: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

10

La durée du sursis est fixée par le tribunal une fois que celui-ci a vérifié que les conditions

inscrites à l’article XX.45 sont remplies, à savoir « si la continuité de l’entreprise est

menacée, à bref délai ou à terme »16

. La procédure ne peut en effet pas être intentée dans le

but d’un répit temporaire ou à des fins dilatoires lorsque l’entreprise devrait être déclarée en

faillite. Il est à noter qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article XX.45, la continuité de

l’entreprise « est présumée menacée à partir du moment où l’actif net est équivalent à moins

de la moitié du capital social ».

La durée initiale du sursis ne peut être supérieure à six mois (article XX.46). Celui-ci peut

cependant être prorogé pour une durée de maximum six mois. La durée maximale du sursis

sera donc de douze mois à compter du jugement accordant le sursis sauf dans des

circonstances exceptionnelles où il pourra être porté à dix-huit mois (encore faudra-t-il que les

intérêts des créanciers le justifient).

Cette période clé sera mise à profit par le débiteur pour élaborer son plan de réorganisation

(s’il s’agit d’une PRJ dans le cadre d’un accord collectif) qui comprendra des mesures

permettant à son entreprise de faire face à ses difficultés.

Enfin, « le sursis ne fait pas obstacle au paiement volontaire de créances sursitaires par le

débiteur dans la mesure où ce paiement est nécessaire à la continuité de l’entreprise »17

. Il

peut s’agir notamment de créances dues à des fournisseurs importants pour l’activité de

l’entreprise.

Le graphique ci-dessous présente le nombre de sursis accordés au cours des neuf dernières

années.

16

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.45. 17

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.53.

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11

Le nombre de sursis accordés a connu un net accroissement depuis l’entrée en vigueur de la

LCE en 2009 par rapport aux sursis accordés sous le régime du concordat judiciaire (à peine

80 demandes par an18

). Nous pouvons constater que le nombre de sursis accordés a connu une

forte diminution en 2013, moment où la réforme de la loi sur la continuité des entreprises a eu

lieu (loi modificatrice du 27 mai 2013). En effet, la loi modificatrice du 27 mai 2013 a durci

le droit d’accès à la procédure. En outre, nous apercevons une autre diminution à partir de

2015. Celle-ci est due à l’introduction d’un droit de rôle de 1000€. En 2017, une réduction des

sursis de 54,8%19

a été actée par rapport à 2012.

1.3.3 Les créances sursitaires

Les créances sursitaires sont définies à l’article 2, 11° de la loi du 11 août 2017

portant insertion du livre XX dans le code de droit économique telles que : « les créances nées

avant le jugement d’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire ou nées du dépôt

de la requête ou des décisions judiciaires prises dans le cadre de la procédure ». Il s’agit donc

des créances touchées par le sursis et concernées par le plan de réorganisation proposé par le

débiteur. Il ne s’agit pas que des créances antérieures à la procédure mais bien également

celles nées du fait de la procédure. « A la différence, les créances hors sursis ne sont pas

concernées par les restrictions aux droits des créanciers qu’impose le sursis. Leur titulaire est

donc susceptible de poursuivre, par tous moyens légaux, la récupération de sa créance »20

.

Parmi les créances sursitaires, une distinction peut être opérée entre les créances sursitaires

ordinaires et les créances sursitaires extraordinaires. Les créances sursitaires extraordinaires

18

Statistiques fournies par la SA Graydon Belgium 19

Statistiques fournies par la SA Graydon Belgium 20

J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 27.

Figure 2 - Evolution du nombre de sursis accordés - Source "Graydon Belgium"

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12

sont également définies à l’article 2 telles que : « les créances sursitaires garanties, au moment

de l’ouverture de la réorganisation judiciaire, par une sûreté réelle et les créances des

créanciers-propriétaires ». De cette définition découle la définition des créances sursitaires

ordinaires qui ne sont rien d’autre que les créances qui ne sont pas extraordinaires (il peut

s’agir notamment des créances envers les fournisseurs, le personnel, les créanciers

institutionnels, …). Les titulaires de ces créances sont dénommés créanciers sursitaires

ordinaires ou extraordinaires. Il est à noter que l’ouverture de la procédure n’entraine pas de

concours entre les créanciers.

1.3.4 Les principaux acteurs de la PRJ

1.3.4.1 Le débiteur

Le législateur, dans une volonté de simplicité et de neutralité, a décidé de regrouper

sous l’appellation « débiteur » toutes les entreprises pouvant bénéficier de la PRJ et donc

susceptible de la solliciter21

.

Le champ d’application de la PRJ a été fortement remanié par la réforme entrée en vigueur le

1er

mai 2018. Sont à présent repris sous le vocable « entreprise » : toute personne physique

(qui exerce à titre indépendant une activité professionnelle) ou morale mais également toute

organisation sans personnalité juridique. Ne sont cependant pas des entreprises : toute

organisation sans personnalité juridique qui ne poursuit pas de but de distribution et qui en fait

ne distribue pas d’avantages à ses membres, toute personne morale de droit public, l’Etat

fédéral, les régions et les communautés. De plus, et cela constitue une importante innovation

de cette réforme, toutes les entreprises et titulaires de professions libérales peuvent désormais

bénéficier des procédures d’insolvabilité22

. On remarque que la notion de « commerçant »

n’est plus prépondérante.

« Dans la PRJ, le débiteur est en principe maître de sa réorganisation, sous la surveillance du

juge délégué »23

.

21

J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 5. 22

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.1. 23

J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 9.

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13

1.3.4.2 Les praticiens de l’insolvabilité

Le débiteur peut, dans une démarche volontaire, demander au tribunal de commerce

l’assistance d’un praticien de l’insolvabilité qui viendra l’épauler dans sa réorganisation.

Les mandataires désignés sont généralement des professionnels compétents pour le cas en

l’espèce. En effet, l’article XX.20 énonce que « les praticiens de l’insolvabilité désignés en

vertu de la présente loi sont choisis en fonction de leurs qualités et selon les nécessités de la

cause. Ils doivent offrir des garanties de compétence, d’expérience, d’indépendance et

d’impartialité ».

1.3.4.3 Les mandataires de justice

Le débiteur peut porter une demande auprès du tribunal de commerce dans le but de

recueillir l’assistance d’un mandataire de justice qui viendra le conseiller et lui prêter main

forte tout au long de la procédure. Cette demande peut également émaner de tout tiers qui y a

un intérêt légitime ou du ministère public et ce lorsque des manquements graves et

caractérisés du débiteur menacent la continuité de l’entreprise en difficulté ou de ses activités

économiques. La sollicitation du mandataire de justice est de nature à permettre la

préservation de la continuité de l’entreprise24

.

1.3.4.4 L’administrateur provisoire

Le président du tribunal de commerce peut également désigner de manière

contraignante un administrateur provisoire lorsque le débiteur a fait preuve de fautes (et non

pas de manquements comme dans le cas des mandataires de justice) graves et caractérisées,

qui pourraient notamment affecter la continuité de l’entreprise. Il ne s’agit alors plus

d’assister le débiteur mais bien de se substituer à lui pendant la période du sursis25

.

De surcroit, en vertu de l’article XX.32: « Lorsqu’il existe des indices graves, précis et

concordants que les conditions de la faillite sont réunies, le président du tribunal peut dessaisir

en tout ou en partie l’entreprise de la gestion de tout ou partie de ses actifs ou de ses

activités ». L’article poursuit en son paragraphe 2 : « Le président du tribunal désigne un ou

24

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.30. 25

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.31.

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14

plusieurs administrateurs provisoires ayant de l’expérience en matière de gestion d’entreprise

et de comptabilité et précise leurs pouvoirs ».

1.3.4.5 Le médiateur d’entreprise

La mission du médiateur d’entreprise est définie à l’article XX.36. Celui-ci est désigné

par le président du tribunal, sur demande du débiteur, en vue de faciliter la réorganisation de

l’entreprise en difficulté. Il doit aider à préparer et favoriser la conclusion d’un accord

amiable ou l’accord des créanciers sur un plan de réorganisation. Le médiateur tend

également à favoriser le transfert sous autorité de justice de tout ou partie des actifs ou

activités de l’entreprise.

1.3.4.6 Le juge délégué

L’article XX.42, emportant la désignation d’un juge délégué, est libellé comme suit :

« Dans tous les cas, le président du tribunal désigne, dès le dépôt de la requête, un juge

délégué qui est, soit un juge au tribunal, soit un juge consulaire, pour faire rapport à la

chambre du tribunal saisie de l’affaire sur la recevabilité et le fondement de la demande et sur

tout élément utile à son appréciation. Le juge délégué entend le débiteur et toute autre

personne dont il estime l’audition utile à son enquête. Il peut demander auprès du débiteur

toute information requise pour apprécier sa situation »26

.

Concernant plus particulièrement la mission du juge délégué, l’article XX.43 du livre XX

énonce : « Le juge délégué veille au respect de la présente loi et informe le tribunal de

l’évolution de la situation du débiteur »27

.

Le juge délégué a donc un rôle actif dès le dépôt de la requête. Il est chargé d’élaborer un

rapport concernant la situation de l’entreprise en difficulté à destination du tribunal, dans

lequel il appréciera notamment la recevabilité de la demande en réorganisation judiciaire,

ainsi que le suivi de l’évolution de la situation du débiteur pendant toute la durée du sursis. Il

est également chargé de vérifier si toutes les pièces utiles à l’ouverture ou à la poursuite de la

procédure ont été jointes au dossier et peut à tout moment requérir la production de celles-ci.

26

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.42. 27

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.43.

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15

Une faculté particulièrement importante attribuée au juge délégué par l’article XX.62 est la

possibilité de déclencher la fin anticipée de la procédure lorsque le débiteur n’est

manifestement plus en mesure d’assurer la continuité de tout ou partie de ses actifs ou de ses

activités au regard de l’objectif de la procédure ou lorsque l’information fournie au juge

délégué lors du dépôt de la requête est manifestement incomplète ou inexacte28

.

La mission du juge délégué s’achève lorsque le sursis prend fin ou dès que le jugement

déclarant la fin anticipative de la PRJ est rendu.

1.3.4.7 Les chambres des entreprises en difficulté

Les dispositions relatives aux chambres des entreprises en difficulté se trouvent à

l’article XX.25. Les chambres des entreprises en difficulté jouent un rôle important dans la

prévention des entreprises en difficulté. En effet, tel qu’énoncé à l’article XX.25 paragraphe

1er

: « les chambres des entreprises en difficulté, visées à l’article 84, alinéa 3, du code

judiciaire, suivent la situation des débiteurs en difficulté en vue de préserver la continuité de

leurs activités et d’assurer la protection des droits des créanciers »29

. Dans cette disposition, le

législateur affirme explicitement sa volonté de favoriser la continuité des entreprises par un

suivi de la situation du débiteur opéré par les chambres des entreprises en difficulté.

Les chambres des entreprises en difficulté vont dans un premiers temps collecter différents

clignotants, c’est-à-dire des indices révélant des difficultés encourues par une entreprise. Cette

tâche est notamment dévolue au juge-rapporteur. Une fois des difficultés identifiées par le

biais des clignotants30

et le dossier du débiteur soumis à la chambre concernée31

, la loi octroie

à celle-ci trois objectifs repris ci-dessous tels qu’énumérés par Jean-Philippe Lebeau32

33

:

1) Favoriser la continuité des entreprises ou de leurs activités

La chambre des entreprises en difficulté doit éclairer le débiteur quant à ses difficultés

et l’inciter à utiliser les instruments légaux dont il dispose par le biais de la loi afin de

redresser sa situation.

28

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.62. 29

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.25. 30

Les clignotants légaux identifiés par les chambres des entreprises en difficulté seront explicités plus loin dans

la suite de ce travail. 31

Cfr. Annexe I : Exemple de questionnaire à remplir pour les enquêtes commerciales. 32

J.-P. LEBEAU, La loi relative à la continuité des entreprises, Tome 1er

: l’enquête commerciale, vade-mecum

juridique, Bruxelles, la Charte, 2014, p. 25. 33

Jean-Philippe Lebeau est un spécialiste de la réorganisation judiciaire. Il a été avocat et, depuis 1990, juge au

tribunal de commerce de Charleroi dont il est le président depuis 1999.

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16

2) Prendre en compte la protection des droits des créanciers

Il y a certes un objectif de viabilité de l’entreprise mais celui-ci ne peut se faire aux

dépens des droits des créanciers. La chambre des entreprises en difficulté doit veiller à

maintenir un équilibre entre les droits des différentes parties prenantes.

3) Mission de police économique

En vertu du paragraphe 2 de l’article XX.29, lorsqu’ « il ressort de la situation du

débiteur que ce dernier est en état de faillite ou qu’il réunit les conditions d’application

d’une mise en liquidation judiciaire »34

, la chambre des entreprises en difficulté peut

communiquer le dossier au procureur du roi35

. La chambre des entreprises en difficulté

va donc pouvoir éliminer de entreprises déjà virtuellement en faillite afin qu’elles ne

parasitent et ne retardent pas le système.

Bien que les chambres des entreprises en difficulté aient un rôle préventif crucial, il ne faut

cependant pas apparenter celui-ci à une mise sous tutelle du débiteur présentant des

difficultés. Les chambres sont là pour encadrer le débiteur dans un climat légal favorable.

Le juge-rapporteur dispose d’un délai de quatre mois pour rendre les conclusions de son

examen de l’entreprise et communiquer son dossier à la chambre.

1.4 Déroulement de la PRJ par accord collectif

Au vu des statistiques de la société Graydon présentées ci-dessus, il est clair que trois

quarts des demandes de réorganisation judiciaire déposées au tribunal de commerce ont pour

objectif initial la réalisation d’un accord collectif. Nous nous sommes dès lors penchés plus

particulièrement sur le déroulement de celui-ci.

1.4.1 Dépôt de la requête et jugement

Dans un premier temps, le débiteur doit déposer au tribunal de commerce compétent

une demande, signée par lui ou son avocat, afin de pouvoir bénéficier d’une procédure de

réorganisation judiciaire par accord collectif. Le greffe accueille celle-ci moyennant le

paiement d’un droit de rôle de 1000 euros36

. Cette requête doit comprendre une série

d’informations sur le débiteur et sur la situation de son entreprise. Parmi ces informations, la

34

J.-P. LEBEAU, La loi relative à la continuité des entreprises, Tome 1er

: l’enquête commerciale, vade-mecum

juridique, Bruxelles, la Charte, 2014, p. 25. 35

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.29. 36

Ce droit de rôle a été introduit à partir de janvier 2015.

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17

loi énumère onze annexes37

que le débiteur doit joindre à sa demande sous peine

d’irrecevabilité38

, notamment : l’exposé des motifs pour lesquels son entreprise est menacée

de discontinuité, l’objectif poursuivi, les deux derniers comptes annuels, …

En vertu de l’article XX.46: « Le tribunal procède à l’examen de la requête en réorganisation

judiciaire dans les quinze jours de son dépôt au registre »39

et rend ensuite son jugement dans

les huit jours de l’examen de la demande. S’il déclare la procédure ouverte, il doit fixer la

durée du sursis qui ne peut excéder six mois40

. Il est à noter que si le débiteur a déjà bénéficié

d’une procédure de réorganisation judiciaire au cours des trois années qui précèdent la

demande, la seule procédure qui lui sera ouverte sera celle permettant le transfert de tout ou

partie de son entreprise.

Une fois le jugement prononcé, le débiteur a huit jours pour prévenir ses créanciers de la

teneur de la décision et plus particulièrement dans le cadre de l’accord collectif, il doit

communiquer à chacun d’entre eux le montant de la créance pour lequel chacun est inscrit

dans ses livres41

. Ceci a été instauré dans un souci d’information des créanciers.

1.4.2 Le plan de réorganisation

C’est durant la période de sursis que le débiteur est chargé d’élaborer son plan de

réorganisation. Il doit le déposer au greffe au moins vingt jours avant l’audience de vote. Ce

plan comprend deux parties : une descriptive et une prescriptive42

.

1.4.2.1 Partie descriptive

Tel que son nom l’indique, la partie descriptive du plan consiste à donner une

description de la situation dans laquelle l’entreprise se trouve ainsi que des difficultés qu’elle

affronte. Le débiteur doit également formuler les mesures à prendre pour remédier à sa

situation précaire. « Une description générale de la situation de l’entreprise ne suffit pas : une

37

Cfr. Annexe II : Annexes à joindre lors du dépôt de la demande en réorganisation judiciaire. 38

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.41. 39

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.46. 40

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.46. 41

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.49. 42

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.70 et XX.77.

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18

entreprise doit être rentable ou doit pouvoir être rendue rentable si elle veut survivre au jeu de

la concurrence, en conséquence, le débiteur doit fournir des indications à ce sujet »43

.

Il est également requis du débiteur qu’il décrive l’ampleur et les fondements de chaque

créance afin que chaque créancier puisse se faire une opinion de l’adéquation du plan et de ses

chances de réussite.

1.4.2.2 Partie prescriptive

Selon l’article XX.70 paragraphe 3: « La partie prescriptive du plan contient les

mesures à prendre pour désintéresser les créanciers sursitaires portés sur la liste visée aux

articles XX.41, § 2, 7°, et XX.77»44

. La volonté du législateur était de permettre au débiteur

de jouir d’une liberté de propositions assez grande quant à la partie prescriptive du plan.

Encore faut-il néanmoins que les propositions puissent être justifiées en cas de traitement

différencié de certaines catégories de créanciers45

. Il revient principalement aux créanciers de

juger si les mesures envisagées sont adéquates.

La modalité qui est la plus souvent soumise au vote est l’abattement de créances. Celle-ci

consiste à réduire d’un certain pourcentage le montant d’une ou plusieurs créances,

l’abattement sera alors déduit du remboursement du total de la créance considérée. Le

débiteur ne peut cependant acter des abattements au gré de sa volonté, l’article XX.73 apporte

certaines limitations. En effet, le débiteur ne peut proposer un abattement supérieur à 80% du

principal. En d’autres termes, les propositions de remboursement soumises à l’approbation

des créanciers ne peuvent être inférieures à 20% du montant de chaque créance.

Il existe néanmoins deux exceptions à cette limitation. La première requiert l’existence d’

« exigences impérieuses et motivées liées à la continuité de l’entreprise »46

. Dans ce cas, il

peut alors être justifié de procéder à un abattement supérieur. La seconde limitation concerne

les créanciers publics (principalement l’ONSS et la TVA). L’article XX.73 énonce : « Si le

plan prévoit un traitement différencié des créanciers, il ne peut accorder aux créanciers

publics munis d’un privilège général un traitement moins favorable que celui qu’il accorde

aux créanciers sursitaires ordinaires les plus favorisés ». Pour illustrer ces propos : si le

43

Proposition de loi relative à la continuité de l’entreprise, amendement, Doc., Ch., 2008, n° 52 0160/002, p. 67. 44

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.70. 45

A. ZENNER, op. cit., p.126. 46

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.73.

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19

débiteur propose un abattement de 30% à certains créanciers privilégiés et 60% aux autres, les

créanciers institutionnels jouiront d’un abattement à hauteur de 30%.

En pratique, il est courant de remarquer que les débiteurs procèdent à différentes catégories de

créanciers et qu’ils proposent des abattements moins élevés aux créanciers cruciaux à la

bonne continuité des activités de l’entreprise.

A côté des abattements de créances, le débiteur dispose d’une série d’autres options pour

rédiger son plan de réorganisation. Il peut prévoir47

: des délais de paiement plus longs, des

renonciations aux intérêts ou un remboursement prioritaire du capital, des rééchelonnements

de créances, la conversion de créances en actions représentatives du capital, la cession

volontaire de parties de l’entreprise, etc.

1.4.3 Vote et homologation du plan

Le débiteur doit avoir rédigé et déposé le plan au greffe au moins 20 jours avant

l’audience au cours de laquelle les créanciers voteront l’approbation ou non du plan48

. Le

greffe communiquera celui-ci aux créanciers - au moins quinze jours avant l’audience - afin

qu’ils puissent prendre connaissance des mesures prises par le débiteur et émettre leur vote en

toute connaissance de cause.

Pour pouvoir être approuvé, le plan doit recueillir une double majorité cumulative49

(en

nombre de créanciers et en masse) :

1) Une majorité de votes favorables émis par les créanciers présents ;

2) qui doivent représenter par leur créance la moitié de toutes les sommes dues en principal.

Seuls les créanciers ayant pris part au vote et leurs créances respectives sont pris en compte

dans le calcul des majorités en nombre et en masse.

« Si les deux majorités de vote n’ont pas été réunies, le jugement du tribunal se limite à

constater que le plan de réorganisation n’a pas été adopté, et clôture la procédure en l’état »50

.

47

J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 75-76. 48

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.77. 49

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.78. 50

J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 83.

Page 30: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

20

En revanche, lorsque le vote a été approuvé, le tribunal dispose de quinze jours à partir de

l’audience pour déterminer s’il homologue le plan. En général l’homologation est la règle51

.

L’homologation met fin à la période de sursis et par conséquent à la procédure en

réorganisation judiciaire. De plus, l’article XX.82 énonce que « l’homologation du plan de

réorganisation le rend contraignant pour tous les créanciers sursitaires »52

(en ce compris ceux

qui n’ont pas participé au vote et ceux qui ont voté contre).

1.4.4 Exécution du plan

Une fois le plan homologué, le débiteur doit tout mettre en œuvre pour l’exécuter et

répondre de ses engagements. A dater de son homologation, le plan doit être exécuté endéans

les cinq ans. Le tribunal peut procéder à un suivi du débiteur et le convoquer annuellement

pour qu’il fasse état de ses avancées53

.

1.5 Conclusion

Après neuf années d’application, bien que cette procédure semblait prometteuse pour

l’avenir et le redressement des entreprises en difficulté, force est de constater que la procédure

de réorganisation judiciaire n’a pas atteint les objectifs poursuivis par le législateur. En effet,

selon les statistiques de la firme Graydon, entre 70 et 80% des entreprises en PRJ finissent en

faillite54

. Selon Eric Van den Broele, la réorganisation judiciaire reste souvent l’antichambre

de la faillite55

.

Pour parer à ce problème de mauvaise efficacité de la réorganisation judiciaire, il faut

privilégier une meilleure prévention et détection des entreprises menacées de discontinuité

afin que celles-ci puissent recourir à la PRJ de manière plus précoce, quand leurs chances de

sauvegarde ne sont pas encore entamées. Cette démarche préventive s’opère notamment à

l’aide de clignotants de toutes sortes, c’est-à-dire des « signaux dont il peut être déduit qu’une

51

J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 83. 52

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.82. 53

J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 87. 54

M. LAUWERS, « Trop peu d’entreprises, recourent trop tard, à la réorganisation judiciaire », L’Echo, 2018,

p. 19. 55

E. VAN den BROELE, « La loi sur la continuité des entreprises : un instantané avant l’application du Livre

XX du Code de droit économique », Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme, A. Zenner

(dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 77.

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21

entreprise se trouve menacée ou en état de cessation de paiement, voir virtuellement en

faillite »56

. Cette thématique fait l’objet du deuxième chapitre de ce travail.

56

A. ZENNER, Dépistage, faillites & concordats, Bruxelles, Larcier, 1998, p. 142.

Page 32: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

22

Chapitre 2 - Prévention et détection des entreprises en difficulté par

l’analyse des clignotants

2.1 Etat des lieux : la PRJ en quelques chiffres

La procédure de réorganisation judiciaire, bien qu’elle ait subi de nombreux

ajustements, n’a pas atteint l’objectif escompté par ses concepteurs. Comme peut l’exprimer

le graphe ci-dessous, le nombre de PRJ introduites par les débiteurs a fortement chuté pour

atteindre 718 PRJ en 201757

.

Ceci peut s’expliquer tout d’abord par les diverses modifications apportées à la loi originaire.

Nous pensons en premier lieu à la réforme du 1er

aout 2013 de la loi LCE qui a renforcé les

conditions d’accès à la procédure en raison notamment des abus qui avaient pu être constatés

auparavant, mais aussi en raison de l’entrée en vigueur, le 1er

janvier 2015, d’un droit de rôle

de 1000€.

Une deuxième explication laisse présager que nombre de dirigeants à l’heure actuelle ne sont

pas encore suffisamment au courant des outils légaux qui sont mis à leur disposition afin de

57

Statistiques publiées par la SA Graydon Belgium.

Figure 3 - Evolution du nombre d'entreprises en procédure de réorganisation judiciaire - Source "Graydon

Belgium"

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23

les aider à redresser la barre. Nous pouvons remarquer grâce au graphe ci-dessous que trop

peu d’entreprises qui sont tombées en faillite entreprennent la démarche judiciaire de la PRJ58

.

En 2017, le ratio Faillites/PRJ était à hauteur de 6,6 ; « Celles (les entreprises) qui demandent

à bénéficier de la protection offerte par la PRJ ne sont donc qu’une infime minorité par

rapport au nombre de celles qui défaillent »59

. Et, qui plus est, nombre d’entre elles sont déjà

virtuellement en faillite lorsqu’elles entrent en PRJ.

Le constat est donc flagrant : trop peu d’entreprises recourent à la réorganisation judiciaire et

généralement trop tard60

.

Un meilleur dépistage des entreprises en difficulté est nécessaire ainsi qu’une détection plus

précoce des clignotants pour permettre de mettre en place une PRJ plus en amont et ainsi

avoir de meilleures chances de succès.

Nous allons dans les prochains points de ce chapitre aborder différents clignotants, ceux-ci

formant des indices de risque de discontinuité lorsqu’ils « s’allument », permettant d’établir

un diagnostic de la situation d’une entreprise et sa nécessité à recourir à une procédure de

réorganisation judiciaire61

afin de ne pas déposer le bilan. Il est important de signaler que

chaque indice pris isolément ne constitue généralement pas une atteinte à lui seul à la

continuité de l’exploitation. C’est l’accumulation de plusieurs indices défavorables qui tend à

précipiter l’entreprise vers la discontinuité.

Dans un premier temps, les clignotants légaux et la responsabilité du professionnel du chiffre

via la procédure d’alerte sera explicitée. Viendra ensuite la présentation des douze clignotants

retenus par la firme Graydon comme démontrant des signes de difficultés imminentes (sur

58

M. LAUWERS, « Trop peu d’entreprises, recourent trop tard, à la réorganisation judiciaire », L’Echo, 2018,

p. 19. 59

M. LAUWERS, ibidem, p. 19. 60

M. LAUWERS, ibidem, p. 19 61

Ou à toute autre procédure d’insolvabilité. Dans le cadre de ce travail de fin d’étude, c’est la PRJ qui est au

centre de notre attention.

Figure 4 - Rapport entre le nombre de PRJ et le nombre total de faillites en Belgique - Source "Graydon Belgium"

Page 34: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

24

base de statistiques dégagées par la société). Enfin, certains autres critères - financiers et

d’exploitation - permettant l’appréciation de la continuité seront présentés en raison de leur

importance pour la viabilité des entreprises.

2.2 Clignotants légaux et rôle du professionnel du chiffre via la procédure

d’alerte

2.2.1 Les clignotants légaux

L’article XX.21 dispose que « les renseignements et données utiles concernant les

débiteurs qui sont en difficultés financières telles que la continuité de leur activité

économique peut être mise en péril, y compris ceux qui sont obtenus en application des

dispositions du présent titre, sont collectés au greffe du tribunal du ressort dans lequel le

débiteur a son centre des intérêts principaux ».

Les clignotants légaux sont étroitement liés au rôle des chambres des entreprises en difficulté.

En effet, ceux-ci doivent être obligatoirement communiqués aux chambres afin qu’elles

puissent porter une appréciation quant au risque de discontinuité que pourrait encourir une

entreprise. Ces clignotants sont repris aux articles XX.22 et XX.23 du livre XX sous le titre 2

« Détection des entreprises en difficulté » et sont les suivants62

:

- Le tableau mensuel des protêts, pour lequel le dépositaire central n’a pas encore reçu

ou constaté de paiement ;

- Les jugements de condamnation par défaut et les jugements contradictoires pour

lesquels le principal réclamé n’a pas été contesté ;

- Les jugements qui déclarent résolus un bail commercial à charge du locataire ;

- Tout retard de paiement d’un trimestre des cotisations ONSS, du précompte

professionnel et de la TVA. Ce clignotant avait été modifié par la loi du 27 mais 2013

qui obligeait lors de son entrée en vigueur de communiquer des retards non plus de

deux trimestres mais bien d’un trimestre et ceci parce qu’ « un retard de paiement d’un

trimestre à l’ONSS et à la TVA constitue déjà un important signal d’alerte des

problèmes de l’entreprise. Deux trimestres témoignent généralement d’une situation

62

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.22 et XX.23.

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25

désespérée. De manière à s’atteler aux problèmes à temps, il est nécessaire de

raccourcir le délai comme prévu dans le projet »63

.

Cependant, lors de notre entretien avec monsieur Alain Zenner64

, celui-ci nous a affirmé

que les clignotants légaux n’étaient en fait pas des clignotants de risque de faillite mais

bien des clignotants d’existence d’une faillite. Lorsque ceux-ci sont détectés, il est

généralement déjà trop tard car la situation dans laquelle se trouve l’entreprise est déjà

trop grave.

Ces clignotants ne sont bien entendu pas les seuls collectés par la chambre des entreprises

en difficulté. Celle-ci peut recueillir tout clignotant et toute information nécessaire pour

éclairer la situation du débiteur en difficulté. J.-L. Duplat énonçait en sus de ces

clignotants légaux, divers autres mis en place au sein du tribunal de commerce de

Bruxelles à partir de 19816566

:

- Arriérés de six mois au moins dans les paiements de TVA ;

- Citations en paiements devant le tribunal de commerce ;

- Avis de saisies ;

- Défaut de dépôt des comptes annuels dans le délai ;

- Non-tenue de l’assemblée générale à la date statutaire ;

- Jugements refusant ou accordant des termes et délais ;

- Défaut de publication des comptes annuels ;

- Perte reportée durant deux exercices successifs (application de l’article 96 du code des

sociétés) ;

- …

En outre, la loi du 11 aout 2017 portant insertion du livre XX met en place la numérisation

des données récoltées via le registre RegSol67

. Effectivement l’article XX.15 énonce : « le

registre contient toutes les données et pièces dont l’insertion est prévue par le présent livre ».

Il s’agit d’une véritable aide pour le fonctionnement des chambres des entreprises en difficulté

63

Projet de loi modifiant diverses législations en matière de continuité d’entreprises, exposé des motifs, Doc.,

Ch., 2012-2013, n° 2692/001, p. 11. 64

Cfr. Annexe V : Entretien avec Alain Zenner. 65

G. DELVAUX, Réorganisation judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre

xx du code de droit économique, Limal, Anthemis, 2017, p. 36. 66

J.-L. DUPLAT, « Détection des entreprises en discontinuité ou menacées de le devenir », Actualité de la

continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des entreprises, A. Zenner et M. Dal (dir.),

Bruxelles, Larcier, 2012, p. 426. 67

RegSol pour Registre central de Solvabilité.

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26

car comme l’indique l’exposé des motifs : « La tâche des chambres sera quelque peu modifiée

à l’avenir sur trois points. Le premier point concerne les données centralisées numériquement

sous la forme adéquate qui seront disponibles de sorte que le travail administratif préalable à

une enquête commerciale typique sera fortement simplifié. La tâche des chambres ne sera pas

tant de recueillir et classer les données, que d’apprécier si, sur base des données et ratios

fournis, un entretien avec le dirigeant d’entreprise s’avère pertinent et utile »68

.

2.2.2 La procédure d’alerte et le rôle du professionnel du chiffre

Le professionnel du chiffre est un acteur crucial de prévention des difficultés

sociétales dont le rôle n’a cessé de croître au fil des réformes. L’article XX.23 paragraphe 3

met en œuvre une procédure d’alerte en cas de menace de discontinuité d’une entreprise et

place sous la responsabilité du professionnel comptable la communication de ces menaces au

président du tribunal de commerce. Il revient au professionnel du chiffre de juger la nécessité

de procéder à cette communication ou non.

L’article XX.23, inspiré de l’article 138 du code des sociétés, est rédigé comme suit :

« L’expert comptable externe, le comptable agréé externe, le comptable fiscaliste agréé

externe et le réviseur d’entreprises qui constatent dans l’exercice de leur mission des faits

graves et concordants susceptibles de compromettre la continuité de l’activité économique du

débiteur, en informent par écrit et de manière circonstanciée ce dernier le cas échéant au

travers de son organe de gestion. Si dans un délai d’un mois à dater de l’information faite au

débiteur, ce dernier ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la continuité de

l’activité économique pendant une période minimale de douze mois, l’expert comptable

externe, le comptable agréé externe, le comptable-fiscaliste agréé externe ou le réviseur

d’entreprises peuvent en informer par écrit le président du tribunal de commerce »69

.

Par cet article, le législateur donne clairement un rôle préventif au professionnel du chiffre.

Nous pouvons notamment lire dans les commentaires de cet article : « L’opportunité qui y est

prévue est susceptible de faire avancer considérablement les enquêtes commerciales. Dans

l’optique d’une prévention efficace de la discontinuité, il est nécessaire d’obliger les

68

Projet de loi portant insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises », dans le code de droit économique,

et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d’application du livre XX, dans le

livre I du Code de droit économique, exposé des motifs, Doc., Ch., 2016-2017, n°2407/001, p.45. 69

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.23.

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27

professionnels comptables à prendre une initiative »70

. Plus qu’un rôle de simple écriture, le

professionnel du chiffre joue désormais un rôle de conseil et de prévention par la

communication obligatoire au débiteur des menaces susceptibles de mener à des difficultés71

.

Il devra mettre en garde les dirigeants et les assister afin de prendre les mesures adéquates

pour permettre la survie de leurs entreprises.

De surcroit, celui-ci a dès lors la lourde responsabilité d’apprécier si la communication au

tribunal de commerce est justifiée ou non - il est alors délié de son secret professionnel-, celle-

ci n’étant que facultative72

et dans les cas appropriés.

Bien que l’insertion de cet article ait été favorable dans la prévention des entreprises, Alain

Zenner déplore tout de même que seule la communication aux dirigeants de l’entreprise est

obligatoire et non celle au président du tribunal de commerce qui demeure, comme cité ci-

dessus, facultative73

. En raison du fait qu’elles soient légalement facultatives, de telles

communications ne se rencontrent dans la pratique presque jamais. J.-L. Duplat avait

notamment fait le constat qu’en 15 ans de pratique il n’avait expérimenté qu’un seul cas où un

réviseur-commissaire avait communiqué ses constations auprès du président du tribunal de

commerce74

. Encore une fois, malgré l’ambition du législateur, les objectifs voulus par cette

disposition n’ont pas été atteints.

2.3 Les clignotants préconisés par la firme Graydon

La société Graydon est un bureau d’informations financières et commerciales qui tend

à fournir de grandes quantités de données récoltées par le biais de différentes sources

d’informations. Sur base de celles-ci la société est alors à même de générer des perspectives

économiques et financières qui expriment les risques et les opportunités de croissance des

entreprises.

Graydon a notamment mis en avant 12 signaux révélateurs de la présence de risques de

discontinuité d’une entreprise pouvant mener à une faillite. Ceux-ci ont été publiés dans un

70

Projet de loi modifiant diverses législations en matière de continuité d’entreprises, exposé des motifs, Doc.,

Ch., 2012-2013, n° 2692/001, p. 11. 71

Cfr. Annexe III : Etapes à suivre par le professionnel comptable dans le cadre de sa mission de prévention. 72

Contrairement à ce qui se fait en France 73

A. ZENNER et C. ALTER, La loi sur la continuité des entreprises revisitée par la loi du 27 mai 2013,

Bruxelles, Larcier, 2014, p. 21. 74

J.-L. DUPLAT, « Détection des entreprises en discontinuité ou menacées de le devenir », Actualité de la

continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des entreprises, A. Zenner et M. Dal (dir.),

Bruxelles, Larcier, 2012, p. 435.

Page 38: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

28

rapport intitulé « Baromètre des entreprises belges »75

. Nous voudrions d’ores et déjà précisé

que chaque clignotant pris individuellement n’est pas nécessairement significatif. C’est

l’accumulation de plusieurs d’entre eux qui permet de tirer des conclusions.

Les chiffres de cette étude sont basés sur l’ensemble de l’année 2016 et ont été publiés en

2017. Néanmoins les conclusions peuvent être conservées pour l’année 2018. 514 717

entreprises ont été sélectionnées au 31 décembre 2016 dont 160 491 montraient au moins un

des 12 clignotants – soit 31,18% des entreprises actives. Le nombre de ces entreprises ayant

fait faillite s’élève à 7 746. Pour connaître le poids d’un clignotant, Graydon a regardé pour

combien d’entreprises déclarées en faillite le signal avait été aperçu.

Grâce à cette étude, la société Graydon a pu mettre en avant qu’il existe un lien étroit entre les

clignotants et la faillite. Graydon a plus particulièrement tiré le constat que parmi les

entreprises présentant quatre clignotants (peu importe lesquels), 1 sur 5 était déclarée en

faillite en 2016. Lorsque six clignotants s’allument, la faillite est prononcée dans 1 cas sur 276

.

Nous allons donc examiner chaque clignotant sur base de l’étude faite par Graydon. Les

données statistiques que nous mentionnons dans la suite de ce travail sont toutes tirées de

cette étude.

2.3.1 Rentabilité négative pendant deux années successives

A partir du moment où une entreprise présente une rentabilité négative pendant deux

années consécutives, celle-ci est en difficulté étant donné qu’elle subit des pertes et n’est plus

à même de dégager des bénéfices nécessaires pour soutenir et garantir la croissance de la

société. En effet, l’entreprise consomme plus de moyens financiers que l’exploitation

n’engendre de ressources. Avoir une entreprise rentable est notamment crucial afin que celle-

ci puisse opérer des investissements et trouver des sources de financement. Il lui sera en effet

difficile d’obtenir des crédits auprès des organismes financiers si elle n’est plus capable de

générer des bénéfices.

En 2016, 7,8% des entreprises présentaient ce clignotant. Cependant, seule 1 entreprise sur 49

porteuses de ce signal a fait faillite en 2016 (ce qui représente 2,04% des entreprises ayant fait

faillite). Bien que l’analyse de la rentabilité sur une période de deux ans soit importante afin

75 GRAYDON BELGIUM, Baromètre des entreprises belges. Situation 31/12/2016, Antwerpen, Graydon open

in business, 2017, p. 2 à 39. 76

GRAYDON BELGIUM, op. cit., p. 3.

Page 39: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

29

de voir si l’exploitation se porte bien, la valeur d’alarme du clignotant reste toutefois assez

limitée.

2.3.2 Ratio de liquidité inférieur à 0,5

Le ratio de liquidité permet d’identifier si une entreprise est à même de rencontrer ses

échéances à court terme au moyen de ses revenus à court terme et de ses valeurs disponibles.

En effet, il s’agit de voir si l’entreprise est capable de faire face à une exigence de

remboursement immédiate de la part de ses créanciers. Le ratio de liquidité est calculé de la

manière suivante : ratio = actif circulant77

/ dettes à un an au plus. En analyse financière, on

considère qu’une entreprise peut être réputée comme ayant des problèmes de trésorerie à

partir du moment où son ratio de liquidité est inférieur à un78

. Dans ce cas, le montant des

dettes à court terme n’est pas couvert par le patrimoine et les revenus que l’entreprise peut

réaliser à court terme79

. La société Graydon a pour sa part identifié les entreprises dont le ratio

de liquidité était inférieur à 0,5 car une fois descendue en-dessous de cette barre, la situation

n’est plus seulement alarmante mais d’autant plus difficile à renverser.

77

L’actif circulant se compose des actifs qui ne servent pas de manière durable à l’exploitation de l’entreprise. Il

s’agit des actifs dont le délai de réalisation est inférieur à un an. 78

Un ratio de liquidité supérieur à 1 est considéré comme sain. 79

GRAYDON BELGIUM, 12 signaux pour reconnaitre une faillite imminente, Antwerpen, Graydon open in

business, 2017, p.2 à 11.

Figure 5: Liquidité des entreprises en LCE - Source "Graydon Belgium"

Page 40: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

30

Le graphe ci-dessus représente la liquidité des entreprises en LCE de 2012 à 2016. Nous

pouvons observer que pour la période allant de 2012 à 2016, 50% des entreprises (médiane,

en rose) ont une liquidité inférieure à 0,82.

Dans le cadre de l’étude réalisée par la société Graydon, il ressort que 2,32 % de toutes les

entreprises dont le ratio de liquidité est inférieur à 0,5 ont fait faillite en 2016. Graydon relève

que bien que beaucoup d’analystes interprètent ce ratio comme un signal fort démontrant que

l’entreprise se porte mal, dans la pratique il s’agit d’un des indices les moins pertinents à court

terme par rapport à d’autres indices (que nous étudierons dans la suite de ce travail).

2.3.3 Taux d’endettement général supérieur à 100% (supérieur aux fonds propres)

Cela signifie que l’entreprise a des fonds propres négatifs et par la même que l’actif

net de l’entreprise est négatif également. Il existe un manque de capital. De plus, un actif net

négatif se traduit par une solvabilité inférieure à 0. Les moyens financiers de l’entreprise ne

permettent plus de payer toutes les dettes. Ces entreprises ont un besoin urgent de capitaux

frais. Dans ce cas d’endettement, la procédure de la sonnette d’alarme prévue par le code des

sociétés aux articles 332, 431 et 633 (lorsque l’actif net est réduit à la moitié, puis au quart du

capital social) a généralement été déclenchée depuis longtemps.

L’endettement révèle dans quelle proportion une entreprise finance ses actifs au moyen de ses

fonds propres et/ou des fonds de tiers. Un ratio d’endettement est considéré comme

convenable lorsqu’il se situe à 70%.

L’actif net correspond à la valeur de l’entreprise et est égale aux fonds propres de celle-ci.

L’actif net se calcule comme suit : Total de l’actif - Exigibles long terme et court terme -

Provisions pour risques et charges. L’actif net exprime la mutation subie par l’avoir social par

le fait de l’activité de l’entreprise80

. Un actif net négatif exprime qu’une entreprise a

d’avantage d’obligations que de droits et avoirs. Les tiers y verront généralement peu de

garantie.

80

J. BERWART, Analyse des états financiers et financement des entreprises, syllabus, Université de Liège,

2014-2015, chapitre 3 p. 5.

Page 41: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

31

Ce graphe décrit le degré d’endettement des entreprises en LCE. Il est assez flagrant de

remarquer que lors des cinq dernières années, 50% des entreprises présentaient un taux

d’endettement de plus de 95%. Celui-ci a même atteint 101,34% en 2016.

En 2016, une société sur 36 (soit 2,79%) qui présentaient un taux d’endettement supérieur au

capital a été déclarée en faillite. Ce problème a été observé chez 11,25% des entreprises

belges.

2.3.4 Fonds propres inférieurs à 50% du capital

Les fonds propres regroupent l’ensemble des ressources propres de la société, c’est-à-

dire des moyens financiers mis à la disposition de l’entreprise de manière durable. Il s’agit des

six premières rubriques du passif : capital (rubrique 10), primes d’émission (rubrique 11),

plus-values de réévaluation (rubrique 12), réserves (rubrique 13), résultat reporté (rubrique

14) et subsides en capital (rubrique 15)81

.

Une diminution des fonds propres provient du fait que l’entreprise est incapable de réaliser

des bénéfices et de reporter des réserves à l’exercice suivant. Lorsque l’actif net (donc les

fonds propres) de l’entreprise est réduit à un montant inférieur à la moitié, voire au quart, du

capital social, le mécanisme de la sonnette d’alarme prévu aux articles 633 (SA), 431 (scrl) et

332 (sprl) du code des sociétés doit être activé.

L’article 633 dispose qu’à partir du moment où l’actif net est réduit à un montant inférieur à la

moitié du capital social, l’assemblée générale doit, dans un délai de deux mois à partir du

moment où la perte a été constatée, être convoquée par le conseil d’administration afin de

délibérer sur une éventuelle dissolution de la société ou sur des mesures à prendre en vue de

81

J. BERWART, Analyse des états financiers et financement des entreprises, syllabus, Université de Liège,

2014-2015, chapitre 3 p. 3.

Figure 6: Degré d'endettement des entreprises en LCE - Source "Graydon Belgium"

Page 42: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

32

remédier à la situation. Pour ce faire, le conseil d’administration rédige un rapport spécial afin

de justifier ses propositions. S’ils proposent la poursuite des activités, les administrateurs

doivent alors exposer dans le rapport les mesures qu’ils comptent mettre en place afin de

redresser la situation financière de l’entreprise82

.

Le déclenchement de la sonnette d’alarme est un indice important des difficultés rencontrées

par une entreprise même si celui-ci n’est pas nécessairement fatal.

L’étude menée par la société Graydon révèle que la sonnette d’alarme a été déclenchée pour

16,51% des 514 717 entreprises. De plus, 3,51% des entreprises présentant ce clignotant ont

fait faillite en 2016.

Il nous semble également opportun de mentionner une nouvelle mesure préventive prévue

dans le projet de loi du 4 juin 2018 introduisant le Code des sociétés et associations. Il est

prévu aux articles 5 :141 et suivants une nouvelle règlementation en rapport avec les

distributions (de dividendes, tantièmes, …) et ce en vue de protéger les créanciers en évitant

que les distributions du patrimoine social ne se fassent à leurs dépens83

. En effet, les

distributions ne pourront avoir pour effet :

- soit de rendre l’actif net négatif (article 5 :142);

- soit de mettre la société dans l’incapacité de payer ses dettes exigibles pendant au

moins douze mois après la distribution (article 5 :143).

2.3.5 Dettes vis-à-vis du fisc et de l’ONSS venues à échéance

Les arriérés de paiement d’ONSS et de précompte professionnel sont généralement des

signes avant-coureurs de difficultés à rencontrer ses obligations sociales et charges fiscales.

Ceux-ci sont généralement suivis d’une citation émanant de l’administration de l’ONSS84

.

Par ailleurs, en vertu de conventions collectives de travail conclues au sein du Conseil

National du Travail, les employeurs ont l’obligation d’informer le conseil d’entreprise de tout

82

Code des sociétés, art. 633. 83

Projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses, exposé

des motifs, Doc., Ch., 2017-2018, n° 3119/001, p. 176-179. 84

ONSS et Fisc sont des « banquiers faciles » mais couteux.

Page 43: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

33

retard de plus de trois mois de paiement à l’ONSS et à la TVA85

. Ceci dans une perspective

d’information constante des employés quant aux difficultés que rencontre l’entreprise.

Une entreprise sur 16 (soit 6,25%) présentant ce signal a fait faillite en 2016.

2.3.6 Fito-mètre fortement négatif

Le professeur Hubert Ooghe en collaboration avec la société Graydon a conçu le fito-

mètre. « Le modèle évalue, sur base d’une série de ratios financiers - dont certains ont été

exposés ci-dessus -, le risque de faillite et de succès d’une entreprise »86

. Au plus le nombre

de clignotants financiers qui apparaît augmente, au plus le score est négatif. La société

Graydon n’a pas communiqué d’avantage d’informations concernant ce clignotant, nous ne

nous éterniserons donc pas dessus. Il est tout de même à noter qu’au 31 décembre 2016,

10,42% des entreprises qui ont fait faillite étaient porteuses de ce signal.

2.3.7 Entreprise assignée par l’ONSS

Les citations de l’ONSS portent généralement sur les dettes de plus de six mois. Dans

la cadre de son étude, la société Graydon a tenu compte des entreprises dont la citation

remonte à moins de six mois. Ce signal a une valeur d’alarme intéressante, 12,2% de toutes

les entreprises assignées par l’ONSS ont fait faillite en 2016. Cependant, il faut noter que

l’ONSS assigne régulièrement pour des montants relativement limités, des faits prescrits ou

toutes sortes de contestations.

2.3.8 Lettres de change protestées (protêts)

Bien que l’utilisation des lettres de change soit en forte diminution, celles-ci sont tout

de même encore employées dans certains secteurs (comme le textile par exemple). Un protêt

intervient lorsqu’une lettre de change souscrite n’a pas été payée à échéance. Cela prouve

qu’une entreprise ne peut pas remplir son engagement de paiement. Lorsqu’un phénomène de

protêt apparaît, cela laisse fortement présager que l’entreprise se dirige vers une situation de

discontinuité.

85

CCT n° 27 du 27 novembre 1975 relative à la déclaration par l’employeur de certains retards de paiement 86

GRAYDON BELGIUM, Baromètre des entreprises belges. Situation 31/12/2016, Antwerpen, Graydon open

in business, 2017, p. 2 à 39.

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34

15,15% des entreprises ayant eu recours à des lettres de change protestées ont fait faillite en

2016. Néanmoins, bien que ce signal soit fort, il faut souligner que seules 0,07% des

entreprises étaient confrontées à des protêts en 2016.

2.3.9 Chef d’entreprise déjà impliqué dans une faillite précédemment

Une attention toute particulière est requise lorsqu’un chef d’entreprise a été mandaté

dans les mêmes fonctions dans une autre entreprise ayant été déclarée en faillite au cours des

cinq années précédentes. En pratique, suite à la survenance de la faillite d’une entreprise, un

effet boule-de-neige est susceptible d’apparaître et de se propager aux autres entreprises dans

lesquelles la personne a également des mandats.

16,67% des entreprises déclarées en faillite en 2016 présentaient ce signal d’alarme.

2.3.10 Comptes annuels non publiés successivement pour les deux dernières années

La plupart des entreprises belges87

ont l’obligation de publier chaque année leurs

comptes annuels en les déposant auprès de la centrale des bilans de la Banque Nationale

Belge. Les comptes annuels permettent de livrer une image fidèle de la situation financière de

l’entreprise. Ils constituent de bons indices permettant d’attester ou non de la bonne stabilité

financière de l’entreprise et de sa solvabilité. Ils fournissent également une bonne indication

quant au développement de la société.

Une entreprise rencontrant des problèmes comptables pourrait alors être tentée de les

dissimuler, afin de ne pas révéler sa situation financière précaire, en ne divulguant pas ses

comptes annuels. Cela est cependant illégal. Selon le législateur, à partir du moment où une

entreprise est en défaut de publication de ses comptes annuels pendant 36 mois, celle-ci peut

être dissoute par voie judiciaire88

.

Ce clignotant est un signale d’alarme fort : 22,22% de toutes les entreprises n’ayant pas publié

de comptes annuels pendant 24 mois ont fait faillite en 2016.

87

Tel n’est notamment pas le cas pour les petites entreprises qui peuvent tenir une comptabilité simplifiée. 88

Code des sociétés, art. 182 § 1.

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35

2.3.11 Administrateur provisoire nommé

Tel qu’énoncé plus haut dans notre exposé sur les acteurs de la procédure de

réorganisation judiciaire, « le tribunal peut nommer un administrateur provisoire lorsqu’une

entreprise est en difficulté »89

. L’administrateur se substitue alors au débiteur et reprend en

main la gestion et la direction de l’entreprise. L’étude menée par la société Graydon a

répertorié 104 cas pour lesquels un administrateur provisoire avait été nommé en 2016. Parmi

ces 104 cas, 1 cas sur 4,3 a mené à la faillite - soit 22,3% des entreprises pour lesquelles un

administrateur provisoire avait été nommé.

2.3.12 Score social Graydon négatif

Pour déterminer ce score, la société Graydon tient compte de l’évolution historique

des assignations envoyées par l’ONSS, le Fonds de sécurité d’existence et la Caisse

d’assurances sociales pour travailleurs indépendants et associent ces données à d’autres

éléments du bilan social. L’étude entreprise par Graydon démontre que ce score est un signal

efficace pour prédire des difficultés financières à venir.

De tous les clignotants mis en avant par la firme, le score social Graydon est le plus

significatif. En 2016, 32,26% des entreprises dont le score social Graydon était très négatif

ont fait faillite.

2.3.13 Conclusion

Il peut paraître surprenant que, au regard de l’étude menée par la société Graydon, les

clignotants financiers soient ceux qui pèsent le moins malgré que ceux-ci soient les plus

utilisés au quotidien. Il faut cependant considérer que ces clignotants pris individuellement ne

sont certes pas fondamentaux, mais c’est leur synthèse qui est importante. Des signaux

d’alarme factuels tels que le score développé par la firme Graydon, un retard important dans

la publication des comptes annuels ou encore un chef d’entreprise déjà impliqué

précédemment dans une faillite sont plus significatifs de l’évolution de l’entreprise vers la

discontinuité – et pire encore, dans certains cas, vers la faillite.

89

GRAYDON BELGIUM, 12 signaux pour reconnaitre une faillite imminente, Antwerpen, Graydon open in

business, 2017, p.2 à 11.

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36

Enfin, tel que souligné en conclusion de l’étude, « il existe non seulement des instruments

pertinents pour motiver des prononcés de faillite, mais aussi des instruments qui permettent de

développer une politique préventive digne de ce nom et ainsi de détecter et sauver à temps les

entreprises en difficulté »90

.

2.4 Autres critères permettant l’appréciation de la continuité

« La continuité se présume. La discontinuité doit être démontrée, et il convient que

cette démonstration se fonde sur un diagnostic rigoureux »91

.

Outre les indices de discontinuité mis en avant par la société Graydon, il ne faut pas perdre de

vue toute une batterie de clignotants détectables dans les comptes annuels, les comptes de

résultat, le rapport de gestion et autres documents relatifs au fonctionnement de l’entreprise. Il

est important pour les dirigeants d’entreprise, ainsi que les professionnels du chiffre qui les

assistent, de garder un œil attentif à intervalle régulier sur ceux-ci. Une fois ces clignotants

devenus « rouges », il est généralement trop tard pour permettre quelque redressement de

l’activité que ce soit.

Certains de ces clignotants (surtout les financiers) se basant sur l’analyse des comptes annuels

de l’entreprise, il faut dès lors rappeler l’importance de fournir des données comptables

fiables et représentatives de la situation de l’entreprise92

. En effet, certains dirigeants

pourraient être tentés de dissimuler la situation comptable réelle par des artifices afin de ne

pas laisser transparaître les difficultés auxquelles l’entreprise fait face.

De surcroit, pris isolément, ces signaux d’alarme ne révèlent pas nécessairement une atteinte à

la continuité de l’exploitation. C’est l’accumulation de manière durable de plusieurs

clignotants défavorables qui fournira le réel risque encouru par une entreprise.

Nous pouvons répartir les critères permettant d’attester de la continuité d’une entreprise en

quatre grands groupes93

:

90

GRAYDON BELGIUM, Baromètre des entreprises belges. Situation 31/12/2016, Antwerpen, Graydon open

in business, 2017, p. 2 à 39. 91

G. DELVAUX et N. PROCUREUR, « Rôle actif et missions confiées au professionnel du chiffre externe dans

la procédure en réorganisation judiciaire », Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme, A.

Zenner (dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 116. 92

P. PEYRAMAURE et P. SARDET, L’entreprise en difficulté. Prévention. Restructuration. Redressement,

Paris, Encyclopédie Delmas, 2006, p. 75. 93

G. DELVAUX, Réorganisation judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre

XX du code de droit économique, Limal, Anthémis, 2017, p. 27 et s.

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37

- Critères fondés sur la situation financière ;

- Critères fondés sur l’exploitation ;

- Critères fondés sur la gestion des ressources humaines ;

- Autres critères à caractère non habituel.

Nous présenterons dans la suite de ce chapitre des exemples de signaux relatifs aux quatre

catégories de critères, sans que cette liste soit exhaustive94

. Nous porterons à certains d’entre

eux, surtout aux indicateurs financiers, une attention toute particulière.

2.4.1 Critères fondés sur la situation financière

I. Fonds de roulement et besoin en fonds de roulement

a) Fonds de roulement

Parmi les clignotants essentiels, nous présentons en premier lieu le fonds de

roulement, qui doit être positif pour que l’entreprise évolue sereinement.

94

Les signaux que nous avons préconisés proviennent des ouvrages suivants : G. DELVAUX, Réorganisation

judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre XX du code de droit économique,

Limal, Anthémis, 2017 ; J.-L. DUPLAT, « Détection des entreprises en discontinuité ou menacées de le

devenir », Actualité de la continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des entreprises, A.

Zenner et M. Dal (dir.), Bruxelles, Larcier, 2012 ; P. PEYRAMAURE et P. SARDET, L’entreprise en difficulté.

Prévention. Restructuration. Redressement, Paris, Encyclopédie Delmas, 2006.

Ils proviennent également de l’exposé d’une conférence lors du colloque organisé par le réseau CAP en

décembre dernier, où nous étions présents.

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38

Le fonds de roulement est considéré comme les ressources dont l’enteprise peut

disposer de manière permanente pour financer son cycle d’exploitation au jour le jour.

Il s’agit d’une sorte de soupape de sécurité que l’entreprise a à sa disposition.

L’excédent de capitaux permanents alloués au financement des actifs immobilisés

permet de dégager un fonds de roulement positif qui servira à financer une partie des

dépenses courantes d’exploitation (schéma ci-dessus).

D’autre part, dans une société profitable et liquide, le fonds de roulement augmente

régulièrement en cours d’année. Plus il augmente, plus il génère des liquidités avec

lesquelles l’entreprise pourra payer ses dettes à court terme (cette situation est

présentée par le schéma ci-dessous). Dans le cas contraire, le fonds de roulement va

diminuer et cette diminution sera un clignotant important mais non nécessairement

significatif à lui seul. Ce qui est important c’est de comprendre d’où vient cette

diminution.

Comme nous venons de le voir, il existe donc deux façons d’appréhender la notion de

fonds de roulement, qui se traduisent par deux manières différentes de le calculer:

1) Actif circulant - Exigible court terme

2) Capitaux permanents - Actif immobilisé

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39

Un fonds de roulement positif est indispensable à la continuité de l’exploitation de

l’entreprise. L’inverse indique une mauvaise politique de financement. Une partie des

immobilisations est alors financée par des dettes à court terme. Un fonds de roulement

négatif engendre des problèmes de liquidité et de trésorerie et peut créer une situation

conflictuelle avec les différents partenaires: les fournisseurs avec lesquels l’entreprise

va devoir négocier un délai de paiement plus long, les clients auxquels elle va

demander de régler leurs factures plus rapidement, les banquiers avec lesquels il sera

moins aisé de négocier l’octroi de nouveaux crédits, les administrations sociales et

fiscales en raison de retards de paiement susceptibles de survenir, …

b) Besoin en fonds de roulement

Le besoin en fonds de roulement est un élément quantitatif du fonds de roulement

nécessaire à une activité sereine, sans être nécessairement un clignotant. Le besoin en

fonds de roulement est étroitement lié à la notion de cycle d’exploitation qui intègre le

cycle des achats, de production et des ventes. Le besoin en fonds de roulement découle

du décalage qui existe entre les opérations d’achat, production et vente et les

opérations d’encaissement et de décaissement. En effet, il peut s’écouler un certain

temps entre le moment où l’entreprise engage des frais et celui où elle reconstitue ses

liquidités par l’encaissement de ses créances. Pendant ce laps de temps, l’entreprise

doit continuer à fonctionner95

.

La valeur du besoin en fonds de roulement est positive lorsque l’entreprise n’est pas à

même de financer son cycle d’exploitation grâce à ses dettes à court terme. Cela

signifie que l’entreprise doit recourir à des moyens de financement externes, situation

peu avantageuse pour celle-ci. Des solutions internes peuvent être apportées afin de

diminuer son besoin en fonds de roulement telles que : diminuer le délai de paiement

client, éviter de payer trop tôt les fournisseurs, faire en sorte qu’il existe une bonne

rotation des stocks en essayant de les maintenir au niveau le plus bas possible, …

II. Cash-flow

Le cash-flow d’une entreprise est un indicateur financier souvent utilisé afin de suivre

la situation financière d’une entreprise et surtout sa capacité d’autofinancement

destinée principalement aux remboursements de ses dettes à long terme et aux

95

J. BERWART, Analyse des états financiers et financement des entreprises, syllabus, Université de Liège,

2014-2015, chapitre 3 p. 10.

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40

investissements nouveaux (sans devoir avoir recours à des financements extérieurs).

Le cash-flow correspond aux flux d’argent dégagés par l’activité d’une société à un

moment donné - certains flux de liquidité proviennent directement de l’activité (vente

de produits, dépenses pour des achats de matières premières, paiement des salaires,

etc.) tandis que d’autres sortent du cadre de l’activité normale de l’entreprise

(encaissement d’un emprunt, amortissements de capital, cession d’une immobilisation,

etc.).

Pour faire simple, le cash-flow est égal à la différence entre les flux d’argent rentrant -

les produits encaissés - et les flux d’argent sortant - les charges décaissées. Une

méthode plus complète consiste à calculer le cash-flow en partant du résultat de

l’exercice et en neutralisant l’impact des charges non décaissées et des produits non

encaissés, qui ne correspondent à aucun flux financier96

.

Ainsi, CF = Résultat de l’exercice + charges non décaissées - produits non encaissés

Un cash-flow négatif indique qu’il y a plus d’argent qui sort de l’entreprise qu’il n’en

rentre, celle-ci s’est donc appauvrie. Afin de faire face, la société doit contracter des

emprunts - ce qui engendre un coût - ou puiser dans ses valeurs disponibles ou

placements de trésorerie pour honorer ses échéances97

. A l’inverse, lorsque le cash-

flow est positif, l’entreprise se porte bien. Elle peut honorer toutes ses obligations -

remboursement des dettes financières, investir, … - à l’aide de ses flux de liquidité.

Une entreprise ayant un cash-flow suffisant aura plus de chances que sa demande de

financement auprès des établissements de crédit soit fructueuse et à des conditions

plus favorables.

Enfin, comme l’avaient indiqué à juste titre W. Niessen et J. Capodici : le fait qu’une

entreprise soit bénéficiaire ne signifie pas toujours que celle-ci ait une bonne santé

financière. Il existe plusieurs cas dans lesquels des entreprises, bien qu’étant

bénéficiaires, ont été déclarées en faillite en raison de problèmes de liquidités. Ceci

s’explique par le fait qu’afin que le cash-flow corresponde bien aux flux d’argent

générés par l’activité de l’entreprise, tous les produits encaissés ainsi que les charges

96

Les charges non décaissées ne représentent aucunement des flux financiers. Les produits non encaissés

correspondent quant à eux à une imputation comptable, mais non à un flux financier. 97

J. BERWART, Analyse des états financiers et financement des entreprises, syllabus, Université de Liège,

2014-2015, chapitre 3 p. 15.

Page 51: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

41

décaissées doivent l’être durant l’exercice comptable. Or, en raison des délais de

paiement accordés, tel n’est pas toujours le cas98

.

III. Solvabilité

La solvabilité d’une entreprise est sa capacité à payer ses dettes. Il s’agit d’un

indicateur essentiel dans le monde bancaire. Un établissement de crédit accordera plus

facilement un prêt à une entreprise qui est solvable, c’est-à-dire qui est en mesure de

payer ses factures. Une entreprise est solvable lorsque la part des capitaux propres

dans son financement est prépondérante par rapport à la part des fonds de tiers. Cette

notion importe également dans le monde des affaires. En effet, une entreprise sera plus

encline à travailler avec des clients potentiels si ceux-ci sont solvables.

Les problèmes de solvabilité généralement rencontrés par une entreprise en difficulté

sont les suivants99

:

- Insuffisance des capitaux propres ;

- Part prépondérante de l’endettement à court terme dans l’endettement global

La solvabilité se calcule à l’aide du ratio de solvabilité, qui se définit de la manière

suivante : Ratio = Fonds propres / Total du passif.

Il est indispensable que ce ratio de solvabilité atteigne au moins 20% avec un souhait à

50% minimum.

IV. Délais de paiement et indice de paiement Graydon100

Le comportement de paiement d’une entreprise est également un indicateur duquel il

faut tenir compte. Au mieux une entreprise respecte ses délais de paiement, au mieux

celle-ci se porte et est un partenaire à privilégier. Lorsqu’une entreprise éprouve des

difficultés à respecter les délais conventionnels ou légaux de paiement, il s’agit déjà

d’un signe avant-coureur de discontinuité à venir.

Des retards dans les délais de paiement peuvent avoir un impact important sur le cash-

flow de l’entreprise - étant donné que cela porte atteinte à la liquidité de l’entreprise -

98

J. CAPODICI et W. NIESSEN, Comprenez votre comptable, Liège, Edipro, 2011, p. 262. 99

P. PEYRAMAURE et P. SARDET, L’entreprise en difficulté. Prévention. Restructuration. Redressement,

Paris, Encyclopédie Delmas, 2006, p. 79. 100

X, « Retards de paiement en Belgique », disponible sur https://graydon.be/fr/wiki/retards-de-paiement-en-

belgique, s.d., consulté le 18 juillet 2018.

Page 52: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

42

et sur sa rentabilité. La situation idéale pour toute entreprise est celle où le nombre de

jours de crédit clients est inférieur au nombre de jours de crédit fournisseurs101

. Ainsi,

l’entreprise peut payer ses fournisseurs après avoir encaissés l’argent de ses clients. Ce

qui est bénéfique pour le besoin en fonds de roulement et la trésorerie102

.

A cet effet, depuis 1984, la société Graydon recueille auprès des entreprises belges des

informations concernant le comportement de paiement de leurs clients. Su base de ces

informations de paiement, Graydon a calculé un indice global de paiement : « l’indice

de paiement Graydon ». Mieux les entreprises belges se paient mutuellement, plus

l’indice est élevé. Au troisième trimestre 2017, l’indice de paiement est tombé à 101,5,

indice le plus faible depuis début 2014.

Les données publiées par la société Graydon103

nous enseigne qu’au quatrième

trimestre 2015, 71,37% des factures à charge des sociétés étaient payées

adéquatement. Ce chiffre ne s’élève plus qu’à 68,3% depuis le deuxième trimestre

2017. De plus, le nombre de défauts de paiement104

est à la hausse. En 2015-2016, il

s’élevait à 8 à 9% des factures. Au troisième trimestre 2017, il a atteint 11,41%. Or,

lorsque l’on connait les conséquences (voir supra) que de tels retards de paiement

peuvent avoir sur le cash-flow d’une entreprise, il apparaît crucial pour les chefs

d’entreprise de se montrer vigilants dans les relations d’affaires qu’ils entretiennent.

V. Rotation des stocks trop lente et notion de stock-outil

La rotation des stocks exprime le nombre de fois où le stock a dû être renouvelé au

cours de l’année. Elle reflète la qualité de la chaîne d’approvisionnement ainsi que le

niveau d’activité d’une entreprise. Une rotation des stocks élevée exprime que les

marchandises se vendent rapidement. A contrario, une rotation des stocks trop lente

indique la présence d’un surstock, voir d’un stock au point mort, ce qui engendre des

coûts de stockage élevés, des charges financières inutiles ainsi que des problèmes de

liquidité.

101

Le nombre de jours de crédit clients correspond au délai de paiement accordé aux clients de l’entreprise tandis

que le nombre de jours de crédit fournisseurs correspond au délai endéans lequel l’entreprise doit payer ses

factures. 102

J. BERWART, Analyse des états financiers et financement des entreprises, syllabus, Université de Liège,

2014-2015, chapitre 3 p. 48. 103

E. VAN den BROELE, « Forte dégradation du comportement de paiement en B2B », disponible sur

https://graydon.be/fr/blog/forte-degradation-du-comportement-de-paiement-b2b, 10 janvier 2018. 104

Factures non payées 90 jours après leur échéance ou jamais payées.

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43

En matière de gestion des stocks, la notion de stock-outil est centrale. Celui-ci

représente le stock minimum nécessaire à l’exploitation afin de ne pas subir de rupture

de stock. Il s’agit d’un stock de sécurité mais qui n’est pas toujours très bien calculé en

période de récession.

VI. Autres indicateurs financiers

- Augmentation des charges financières en conséquence d’une utilisation exagérée du

crédit par rapport aux capitaux propres ;

- Impossibilité de renouveler à leur échéance les crédits indispensables ou d’obtenir les

financements supplémentaires nécessaires ;

- Déconfiture d’un débiteur important ;

- Durcissement des conditions de crédit avec une hausse de taux d’intérêt ;

- Abandon de la politique habituelle de distribution des dividendes ou dividendes

distribués malgré d’importants résultats déficitaires ;

- Décision de la société-mère de supprimer son soutien ;

- …

2.4.2 Critères fondés sur l’exploitation

Il s’agit d’indicateurs économiques reflétant le fonctionnement de l’exploitation. Nous

en présentons ci-dessous une liste non exhaustive :

- Capacité d’autofinancement négative, résultats d’exploitation négatifs ou insuffisants

pour couvrir les amortissements économiques ;

- Clients et/ou fournisseurs rencontrant des difficultés ;

- Diminution du carnet de commandes ;

- Perte de marchés importante, pouvant être due à la concurrence ;

- Augmentation des charges de structure sans commune mesure avec le niveau

d’activité ;

- Pertes de licences ou de brevets, fin d’un contrat de franchise ;

- Augmentation des coûts de production (salaires, matières premières, couts fixes, …) ;

- Rupture durable d’approvisionnements en matières premières essentielles ;

- Retard de fabrication lié à des perturbations (grève, bris de matériel, …) ;

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44

- Absence de marché pour le produit fabriqué ;

- Coût de revient trop élevé à comparer au prix de vente ;

- …

Gérard Delvaux relevait à juste titre qu’« il est indispensable pour le dirigeant d’entreprise de

connaître son marché, ses coûts et les débouchés des produits fabriqués ou

commercialisés »105

. Gérard Delvaux et Nathalie Procureur énoncent en outre: « Une

entreprise ayant des moyens financiers faibles mais une excellente rentabilité pourra toujours

se réorganiser financièrement par rapport à une entreprise ayant des moyens financiers

importants mais générant des pertes d’exploitation récurrentes »106

.

2.4.3 Critères fondés sur la gestion des ressources humaines

Ces critères, bien que plus rarement mis en avant, peuvent avoir une importance

significative au regard de la continuité d’une entreprise. Il s’agit notamment :

- Conflits sociaux graves et répétés ;

- Taux de rotation du personnel important (turnover) ;

- Difficulté à recruter ;

- Grèves à répétition, manque de communication avec le conseil d’entreprise ;

- Démission des dirigeants ;

- Demande de sortie du capital d’associés importants ;

- Manque de qualification pour les tâches demandées ;

- Mauvais climat social ;

- …

2.4.4 Autres critères à caractère non habituel

Nous énonçons ici les critères tout-à-fait exceptionnels mais dont il ne faut pas sous-

estimer l’impact, à savoir :

- Destruction de l’outil de production ;

- Changement de lois ou projets de loi défavorables ;

105

G. DELVAUX, Réorganisation judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre

XX du code de droit économique, Limal, Anthémis, 2017, p. 28. 106

G. DELVAUX et N. PROCUREUR, « Rôle actif et missions confiées au professionnel du chiffre externe

dans la procédure en réorganisation judiciaire », Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme,

A. Zenner (dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 117.

Page 55: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

45

- Conflits graves chez des clients ou des fournisseurs importants ;

- Conflits politiques sérieux au sein du pays ;

- Conséquences des procédures judiciaires en cours ;

- Inexécution par des tiers ou par l’entreprise de conventions essentielles (distribution,

sous-traitance, …)

- Catastrophes naturelles dans l’entreprise ou chez un tiers ;

- Fraudes internes (et l’image qui en ressort, par exemple : affaire Veviba) ;

- …

2.5 Rôle des dirigeants quant à la survenance d’indices d’une situation de

discontinuité

Dans le cadre de la prévention, il est essentiel que les dirigeants d’entreprise évaluent

périodiquement la santé de leur entreprise par le biais des clignotants explicités ci-dessus afin

d’avoir une idée sur le degré de continuité de leur exploitation. Non seulement afin de prendre

rapidement les mesures adéquates afin de permettre le redressement de l’entreprise lorsque

celle-ci se situe dans une zone de danger mais également parce qu’ils y sont tenus en vertu de

la loi. En effet, de la lecture de l’article XX.23, paragraphe 3 du livre XX du code de droit

économique, il ressort que lorsque des indices graves et concordants de risque de

discontinuité sont décelés, les dirigeants ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires

afin de permettre la poursuite de l’activité pendant une période minimale de douze mois. Il est

du devoir de l’organe de gestion de veiller à ce que la trésorerie des douze mois à venir soit

suffisante afin de faire face aux obligations de l’entreprise échéant endéans ces douze mois. A

défaut de remplir ce prescrit, les professionnels du chiffre sont alors tenus d’engager la

procédure d’alerte (voir supra).

Afin de permettre un diagnostic rapide de la santé d’une entreprise, nombre de check-lists et

autres questionnaires ont été élaborés. Vous pouvez trouver à l’annexe IV, un exemple parmi

d’autres de questionnaire permettant de mettre en évidence des signaux indiquant une possible

cessation de la continuité de l’exploitation. Celui-ci nous provient de l’Institut des Réviseurs

d’Entreprises. Des réponses affirmatives à ces questions doivent donner lieu à une réflexion

de la part des dirigeants de l’entreprise et de leur comptable afin de remédier à cette situation.

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46

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47

Chapitre 3 - Comment améliorer notre système de dépistage - Pistes de

réflexion

3.1 Introduction

Le dépistage des entreprises en difficulté à l’aide des clignotants que nous venons de

présenter n’est pas une démarche nouvelle. Cependant, force est de constater que celle-ci n’est

pas suffisamment fructueuse. En effet, en Belgique, en 2017, 84 698 entreprises présentaient

un actif net inférieur à 50% du capital ; 80 025 une liquidité inférieure à 0,5 ; 57 887 avaient

un degré d’endettement général qui dépassait 50% ; 40 052 accusaient une rentabilité négative

au cours des deux derniers exercices et 11 136 n’avaient pas publié leurs comptes annuels

depuis au moins deux ans107

. Ces entreprises passent cependant entre les mailles du filet de la

prévention. Rien n’est entrepris, ou alors trop tard, dans le cadre du sauvetage de ces

entreprises, malgré la présence d’indices de discontinuité. L’analyse des clignotants est une

chose mais encore faut-il par après utiliser ces informations à bon escient et promptement.

De plus, ces clignotants traduisent la plupart du temps une situation de mourant, trop difficile

à redresser. Il est dès lors impératif de développer de nouveaux clignotants, identifiables à un

stade plus avancé, avant que la situation de l’entreprise ne soit irrémédiable.

Enfin, au vu des statistiques et bien que l’analyse des clignotants soit importante afin de

mettre le doigt sur les difficultés rencontrées par une entreprise, celle-ci a démontré ses

limites dans le cadre de la prévention. En effet, cette méthode n’est pas nouvelle et pourtant

l’objectif de diminution du nombre de faillites, en ayant notamment recours à la PRJ, n’est

pas atteint. Quels sont alors les remèdes à apporter à notre système de prévention afin d’aider

les entreprises à redresser la barre à temps et à rendre la PRJ plus fructueuse ? Une bonne

procédure de sauvetage reste-t-elle à inventer ? Comment développer davantage la prévention

en amont ?

Ce sont les réponses à ces différentes questions que nous tenterons de cerner dans la troisième

et dernière partie de ce travail. Nous essayerons de proposer certaines pistes de réflexion par

rapport à cette problématique grâce à des entretiens réalisés auprès d’experts en la matière.

Nous avons rencontré Monsieur Alain Zenner, avocat spécialisé dans le droit de l’insolvabilité

107

Statistiques fournies par la S.A. Graydon Belgium.

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et fondateur du réseau CAP108

et l’un des praticiens ayant participé à l’élaboration de la loi sur

la continuité des entreprises ; Monsieur Eric Van den Broele, le Senior manager et directeur

Recherche & Développement au sein du bureau d’information financière Graydon ; et

Madame Nathalie Procureur, expert comptable et conseil fiscal ainsi que vice-présidente du

réseau CAP. Vous trouverez les comptes-rendus de ces trois entretiens aux annexes V, VI et

VII.

3.2 Pourquoi la PRJ n’atteint-elle pas son objectif ?

Malgré deux refontes de la loi sur la continuité des entreprises (LCE) et la réforme

qui a introduit le livre XX dans le code de droit économique, l’objectif initial de préserver la

continuité des entreprises en évitant que les entreprises ne fassent faillite n’a pas été atteint.

Selon les experts interrogés, cela est dû à différents facteurs que nous nous proposons

d’exposer.

I. Tout d’abord, il y a le fait que les dirigeants d’entreprise ne sont tout simplement pas

conscients des difficultés qu’ils éprouvent ou s’en rendent compte trop tard. Selon

Nathalie Procureur, les chefs d’entreprise croient en leur affaire - comment pourrait-il

en être autrement ? - et ne sont donc pas toujours en phase avec la réalité et avec leur

situation financière. Il y a une difficulté de perception de la situation financière dans le

chef des dirigeants et une difficulté de comprendre l’évolution réelle de leur activité.

La Belgique est un pays composé majoritairement de PME. Or, la société Graydon a

observé que pour ce type d’entreprises il y a une personne qui est un acteur crucial sur

lequel les dirigeants se reposent fortement : l’expert comptable. Beaucoup

d’entrepreneurs comptent sur lui pour les prévenir d’éventuels problèmes rencontrés.

Néanmoins, nous devons constater que dans la pratique celui-ci ne se sent pas du tout

investi de la mission de prévention des dirigeants lorsque des menaces de discontinuité

apparaissent. Eric Van den Broele affirme que les comptables « constatent », ils

« écrivent l’histoire » mais n’interviennent pas assez tôt pour en changer le cours. La

PRJ n’est alors que le pas avant le cimetière. Aussi bien Alain Zenner qu’Eric Van den

Broele étaient favorables à la mise en place d’une procédure permettant d’engager la

responsabilité des professionnels du chiffre au sens large mais celle-ci n’a jamais vu le

108

CAP pour continuité, accompagnement et prévention.

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49

jour109

. Madame Procureur relève cependant que le comptable est avant tout utile pour

répondre à des tâches obligatoires d’ordre fiscal et que ce rôle de conseil ne lui

appartient pas bien que celui-ci soit à encourager.

De plus, elle exprime que, pour les PME, la période d’enregistrement comptable est

trimestrielle110

. Le traitement des documents comptables n’a donc pas lieu de manière

régulière. Bien souvent s’ajoute aussi à cela le fait que les comptables perçoivent les

documents en retard. Il est dès lors difficile pour les comptables de dresser une

situation financière qui reflète l’état actuel de l’activité des entreprises. Il est donc

primordial de permettre un accès à l’information financière plus rapide. Cela devrait

être rendu possible grâce à l’évolution technologique via des systèmes d’incorporation

des codages, de reconnaissance électronique des factures, etc. Ces outils devraient être

opérationnels dans un délai assez court (selon Nathalie Procureur, d’ici 2 ans) et

devraient permettre de dégager du temps et assurer un traitement plus rapide des

informations, ce qui aura pour conséquence de pouvoir mettre en place un suivi plus

régulier de la situation financière des chefs d’entreprise. Le comptable pourra alors

consacrer aussi plus temps à son rôle de conseiller.

II. Les clignotants prévus par la loi sont des clignotants que les répondants qualifient de

« mourant » : ce ne sont pas des clignotants de risque de faillite mais bien d’existence

d’une faillite. En agissant seulement sur base de ceux-ci, la situation de l’entreprise est

généralement trop compromise pour permettre un redressement viable. De plus, le laps

de temps entre la communication de ces clignotants au tribunal de commerce et le

moment où celui-ci examine le dossier est beaucoup trop long.

III. Il existe ensuite un facteur plus psychologique. Les dirigeants en difficulté ne veulent

pas se dénoncer. Ils n’apprécient pas que des extérieurs mettent le nez dans leurs

affaires111

. Ce n’est donc qu’au dernier moment qu’ils se résignent à entrer en PRJ. De

plus, pour eux, introduire une procédure d’insolvabilité traduit un certain aveu d’échec

dans leur manière d’entreprendre et ils ne veulent pas que leurs difficultés soient

exposées publiquement (et ce notamment pour la poursuite de leur partenariat avec

109

Sur cette responsabilité du professionnel du chiffre, voir le point 3.3 ci-après. 110

Les PME plus importantes générant plus de chiffre sont assujetties à la TVA et de ce fait sont sous un régime

mensuel. Ce qui permet un accès à l’information financière plus rapide. 111

« Je suis le patron, je reste le patron ».

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50

leurs créanciers privilégiés). Il faut « démocratiser la procédure » afin que la personne

qui introduit une démarche en PRJ ne se sente pas stigmatisée. La culture de l’échec

est généralement assez forte en Belgique.

IV. De surcroit, trop d’abus ont été observés dans les recours en réorganisation judiciaire.

Des PRJ étaient effectivement introduites comme mesures dilatoires afin de retarder le

passage par la case faillite. On a également observé une multiplication des PRJ afin de

bénéficier des réductions de créance systématiques à l’égard des fournisseurs dans le

cadre du plan de réorganisation112

. Il ne s’agit pas d’avoir recours à la réorganisation

judiciaire dans le seul but de se mettre sous une certaine forme de protection judiciaire

à l’abri des créanciers113

. Selon Alain Zenner, les avocats n’ont plus la même

déontologie professionnelle et ne servent pas de rempart aux excès.

V. Enfin, Alain Zenner déplore l’attitude trop laxiste des juges. Ceux-ci craignent de

prononcer les faillites et quand ils le font, ils les déclarent généralement trop tard. Or,

selon le spécialiste de l’insolvabilité, la faillite s’avère être la meilleure des

préventions. Jean-Louis Duplat rejoint Alain Zenner sur ce constat, il a notamment

écrit : « Je souhaite souligner que les services de dépistage ont pour vocation,

lorsqu’un redressement s’avère impossible, de veiller à ce que la faillite soit prononcée

sans retard et ce pour éviter de porter préjudice aux créanciers et (ou) aux concurrents.

J’ai le sentiment que l’on ne tient pas suffisamment compte des intérêts légitimes des

créanciers et concurrents lorsqu’une entreprise n’a guère de chances de se redresser.

Nos tribunaux ne tardent-ils pas à prononcer des faillites alors même que la situation

est sans issue (accumulation de retards ONSS et fisc, pertes de plus de 50% du capital

sans espoir de recapitalisation, etc.) ? Le régime de la continuité ne peut s’appliquer

que si les chances de succès sont réelles »114

. Il est vrai que prononcer un jugement de

faillite plus rapide pourrait permettre de sauver certains actifs au profit du

désintéressement des créanciers.

112

M. LAUWERS, « La loi sur la continuité porte mal son nom », disponible sur

https://www.lecho.be/opinions/edito/La-loi-sur-la-continuite-porte-mal-son-nom/9999671, 6 avril 2018. 113

C. Verbruggen et S. Van Ommeslaghe, « Abus de droit et loi sur la continuité des entreprises », Actualité de

la continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des entreprises, A. Zenner et M. Dal

(dir.), Bruxelles, Larcier, 2012, p.116. 114

J.-L. DUPLAT, op. cit., p. 421 à 422.

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Il s’agit des principales raisons énoncées par les spécialistes pour lesquelles on a constaté que

la procédure en réorganisation judiciaire n’avait finalement rien apporté de curatif. Le constat

d’Eric Van den Broele et Alain Zenner est flagrant : il faut prononcer l’échec de la loi sur la

continuité des entreprises. La PRJ avait été créée en 2009 dans le but de servir de bouée de

sauvetage pour les entreprises qui rencontraient soudainement des difficultés pour l’une ou

l’autre raison. Cependant, Eric Van den Broele constate que la plupart des entreprises qui ont

fait appel à la PRJ étaient confrontées à des problèmes structurels récurrents. Or, des

entreprises qui rencontrent des problèmes structurels depuis plusieurs années ne sont pas des

entreprises rencontrant soudainement des problèmes financiers, la PRJ ne leur est alors

d’aucune utilité.

La réforme opérée en 2017, qui porte insertion du livre XX dans le code de droit économique,

aurait pu - ou même dû - être l’occasion pour le législateur d’opérer une réflexion en

profondeur du système de dépistage des entreprises ; il n’en est pourtant rien. Rien de neuf n’a

été instauré afin de recourir plus rapidement à la PRJ ou même en matière de prévention. La

nouvelle loi n’a apporté aucune innovation en la matière115

. Pour Alain Zenner il s’agit du

point faible de notre législation : la prévention est pour ainsi dire inexistante. Eric Van den

Broele, quant à lui, relève tout de même un apport intéressant de la réforme : la plateforme en

ligne RegSol116

. Graydon est actuellement occupé avec RegSol à développer des instruments

pour les chambres de dépistage en essayant d’y intégrer tous les signaux que la firme relève.

Tout sera mis à disposition des tribunaux, à eux de voir s’ils vont utiliser ces outils ou non.

Il ne faut cependant pas non plus jeter trop vite la pierre aux chambres des entreprises en

difficulté. Bien que celles-ci sonnent souvent l’alarme trop tard, elles sont généralement en

sous-effectif, tant au niveau de leurs ressources humaines - le nombre d’effectif pour faire de

la véritable prévention est trop faible - qu’au niveau financier, ce qui ne leur permet pas de

relever le pari ambitieux qui leur a été donné par le législateur. A défaut, celles-ci se

concentrent alors sur les cas les plus graves.

115

A. ZENNER (dir.), Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme, Lima, Anthemis, 2018. 116

RegSol est la nouvelle base de données informatisée instaurée depuis le 1er

avril 2017. Celle-ci rassemble

toutes les données ayant trait aux faillites prononcées en Belgique.

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3.3 La responsabilité des professionnels du chiffre

Comme que nous l’avions déjà exposé dans la deuxième partie de ce travail, le

professionnel comptable est un acteur crucial de la prévention. Lors de la modification de la

loi sur la continuité des entreprises du 27 mai 2013, la volonté du législateur était d’étendre la

mission des professionnels du chiffre117

grâce à l’introduction de la procédure d’alerte (article

XX.23 § 3, voir supra) afin que celui-ci soit un véritable gardien légal de la continuité de

l’entreprise. En effet, depuis cette réforme, lorsque l’expert comptable constate des faits

graves et concordants susceptibles de mettre en péril la continuité d’une entreprise, il doit

alors mettre en garde l’organe de gestion. Si dans un délai d’un mois l’organe de gestion ne

prend pas les mesures adéquates afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le

professionnel comptable est alors délié de son secret professionnel et peut en informer par

écrit le président du tribunal de commerce.

Selon Alain Zenner et Eric Van den Broele, c’est dans l’utilisation du verbe « pouvoir » que

le bât blesse. Initialement, le projet de loi comportait le verbe « devoir », car la véritable

intention derrière cet article était d’engager la responsabilité de l’expert comptable. La

communication des difficultés au tribunal de commerce n’a cependant pas été rendue

obligatoire mais facultative. C’est regrettable car dans la pratique quasiment aucune

communication n’a été actée. A l’heure actuelle, la doctrine est unanimement en faveur d’une

communication obligatoire au tribunal de commerce et, à défaut d’exécution dans le chef du

professionnel comptable, à un engagement de sa responsabilité. L’institut des experts-

comptables et des conseils fiscaux (ICE) ainsi que l’Institut professionnel des comptables et

fiscalistes agréés (IPCF) sont en faveur de cette modification, c’est au niveau de l’Institut des

réviseurs d’entreprise (IRE) que cela bloque (crainte de perte de clientèle, il y a beaucoup de

« job protection »).

En outre, le professionnel comptable, dans l’état actuel de la législation, est donc tenu

d’apprécier lui-même si la communication au tribunal s’impose ou non. Or, sa responsabilité à

l’égard des créanciers pourra être engagée si, sans abstention de cette communication, les

effets de la faillite auraient pu être évités ou à tout le moins réduits. Cela aurait dû encourager

les professionnels comptables à dénoncer systématiquement leurs constations, il n’en est

pourtant rien.

117

La loi cite nommément l’expert-comptable externe, le comptable agréé externe, le comptable-fiscaliste

externe et le réviseur d’entreprise.

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53

Madame Procureur souhaite tempérer ce point de vue. Selon elle, la responsabilité de l’expert

comptable est trop souvent malmenée. Celui-ci supporte déjà beaucoup de responsabilités

dans l’exercice « normale » de sa profession et le législateur, en ne rendant pas la

communication obligatoire, a justement voulu alléger cette responsabilité. De plus, elle

affirme que le fait de dénoncer de telles informations au tribunal de commerce serait perçu par

la plupart des clients des comptables comme une délation. Commercialement parlant,

communiquer ces informations est assez délicat pour le professionnel du chiffre. Elle admet

cependant que si le législateur avait bel et bien écrit « doit communiquer », il ne s’agirait alors

plus d’une démarche volontaire du professionnel du chiffre mais bien d’une démarche

répondant à une obligation légale. L’image perçue du comptable aurait alors été toute autre.

Enfin, Eric Van den Broele affirme que même si la communication était rendue obligatoire,

cela ne permettrait pas de changer fondamentalement les choses. Selon lui, l’expert comptable

est un historien, il écrit simplement l’histoire en se concentrant surtout sur l’aspect financier.

Or, le problème de l’aspect financier au niveau de la problématique de l’insolvabilité est que

le financier est le « symptôme et non le virus ». Les problèmes financiers ne sont en fait que

la conséquence de problèmes de gestion survenus antérieurement. Monsieur Van den Broele

est dès lors de plus en plus convaincu que si l’on souhaite réellement aider les entreprises en

difficulté à remonter la pente, il faut intervenir dès l’instant où ces problèmes de gestion

surgissent et non pas quand les problèmes financiers apparaissent. C’est pourquoi la société

Graydon s’est mise en quête de nouveaux clignotants, autres que les signaux d’alarme

financiers. Ces clignotants, révélés grâce au projet « Ondernemershorizon », font l’objet du

point suivant.

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54

3.4 Le projet « Ondernemershorizon »

3.4.1 En quoi consiste ce projet ?

En 2013, la société Graydon a développé en collaboration avec le gouvernement

flamand, l’université d’Anvers et l’association professionnelle Unizo118

le projet

ondernemershorizon119

. Eric Van den Broele a accepté de nous en dire plus quant à ce projet

pilote de détection des entreprises en déclin. Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’entretien

à l’annexe VI.

Partant du constat que « le but de la loi sur la continuité des entreprises - une bouée de

sauvetage pour les entreprises en grande difficulté - n’a pas vraiment été atteint »120

, la société

Graydon, avec Eric Van den Broele à la tête du département Recherche et Développement,

s’est donnée pour objectif d’identifier de nouveaux signaux d’alarme afin de permettre une

détection plus précoce des entreprises présentant des difficultés. En utilisant la science des

données, la société Graydon est parvenue à identifier - à côté des traditionnels clignotants

rouges (indicateurs financiers principalement) - des clignotants dits oranges qui permettent de

détecter les entreprises non pas en difficulté mais en déclin. Ces clignotants oranges

s’allument au stade juste avant les clignotants rouges, ce qui donne l’occasion de mettre en

place des mesures préventives qui pourront avoir un réel impact, les chances de redressement

de l’entreprise n’étant pas encore trop entamées121

.

Ensuite, une fois ces clignotants oranges identifiés, la société Graydon élabore des listes

d’entreprises présentant ces signaux et c’est aux consultants d’Unizo et à l’université

anversoise de prendre le relais. Ceux-ci prennent contact avec les dirigeants des entreprises en

question et leur soumettent un questionnaire portant sur leur ressenti par rapport l’activité de

leur entreprise. Une discussion se développe entre les consultants et le chef d’entreprise afin

de conscientiser celui-ci sur les problèmes qu’il rencontre et d’analyser les moyens de l’aider

à redresser la barre. Le but est d’amener ces entrepreneurs à se rendre compte de leur situation

118

De Unie van Zelfstandige Ondernemers = l’union des entrepreneurs indépendants. 119

Horizon d’entrepreneurs. 120

E. VAN den Broele,« Une intervention précoce peut sauver des entreprises : leçons de 8 ans de LCE »,

disponible sur https://graydon.be/fr/blog/une-intervention-precoce-peut-sauver-des-entreprises-lecons-de-8-ans-

de-lce, 27 novembre 2017. 121

Monsieur Van den Broele illustre cela comme une courbe décroissante : l’entreprise en difficulté -

caractérisée par des clignotants rouges - se trouve à la fin de cette courbe décroissante, tandis que l’entreprise en

déclin - caractérisée par des clignotants orange - se trouve au tout début de cette courbe, là où celle-ci commence

à décroître.

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55

et à trouver de l’aide à temps, que ce soit sous forme de consultance, des formations ou autres

moyens d’organisation.

Depuis 2013, 500 entreprises flamandes par an ont été approchées de cette manière et les

résultats du projet semblent prometteurs : en moyenne 70% des entreprises qui ont été

encadrées tel qu’énoncé ci-dessus ont réussi à redresser la barre. Il s’agit d’une piste sérieuse

à exploiter afin de mettre en place un système plus efficace de détection et de prévention. En

Flandre, on parle déjà d’un véritable succès. Il eut été très profitable de pouvoir en faire

l’analyse mais Monsieur Van den Broele n’a pas pu nous communiquer plus de résultats

statistiques, l’étude appartenant au gouvernement flamand qui la subventionne.

3.4.2 Quels sont ces clignotants oranges ?

Lorsque le projet a été initié, en 2013, Graydon se concentrait principalement sur les

expériences de paiement des entreprises belges. La société recevait des données de 8200

entreprises en Belgique qui leur fournissaient leurs comptes annuels à jour et témoignaient des

comportements de paiement de leurs partenaires. Graydon a alors recoupé ces différentes

informations et a créé l’indice de paiement Graydon (à ce sujet, voir point 2.4.1) qui s’est

avéré être un très bon signal. La firme s’intéressait certes au comportement de paiement des

entreprises mais surtout aux « déviations » des échéances de paiement.

Au fur et à mesure de l’avancée du projet ondernemershorizon, la firme Graydon a constaté

que les données sociales étaient beaucoup plus intéressantes et significatives de difficultés à

venir que les données financières. Les clignotants sociaux étant, selon eux, plus prégnants, la

société a alors décidé de les développer.

Lorsqu’ils se rendaient chez les entrepreneurs, la première chose que les consultants d’Unizo

ont remarqué est que ceux-ci n’avaient absolument aucune idée des difficultés qu’ils

éprouvaient (ou commençaient à éprouver) ou qu’ils ne pouvaient pas mettre le doigt sur ce

qu’il se passait tout en ressentant qu’il y avait un problème. Dans ce dernier cas, les dirigeants

réagissaient pratiquement tous de la même façon : comme ils ressentaient que quelque chose

ne se passait pas bien, ils avaient alors tendance à se consacrer totalement à leur entreprise, à

se jeter corps et âme dans le travail, en ne prêtant plus autant d’attention à leur vie de famille

et à leur réseau social (social network). Une fois cette observation faite, Graydon a alors tenté

de déterminer s’il était possible d’observer ce phénomène de « négligence du réseau social »

et d’en faire un signal. En étudiant qui était présent aux évènements de networking, les

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participations des dirigeants à certaines réunions etc., la société Graydon est parvenue à

développer un score reflétant la diminution d’un network social d’un entrepreneur. Il s’est

avéré que ce clignotant était un bon premier signal d’une entreprise qui commençait à

rencontrer des difficultés.

En outre, la société Graydon, lors du lancement du projet, a dressé un autre constat : jusqu’en

2013, dans la population totale de toutes les faillites, Graydon a remarqué que 2% des

entreprises avaient plus de 25 ans d’existence. A partir de 2013, ce pourcentage a fortement

augmenté pour atteindre 17% à l’heure actuelle. Graydon a alors voulu comprendre ce qui se

cachait derrière ces chiffres et a commencé à se demander si la façon dont une entreprise est

gérée par ses dirigeants pouvait avoir un impact sur sa capacité à innover ou non et à

continuer à croître122

.

La firme a alors essayé de dégager des typologies de management (des profilages de patron)

au travers du langage utilisé sur le site web des entreprises. L’expérience s’est avérée tout à

fait concluante. En analysant les sites internet des entreprises belges, notamment l’emploi

d’un langage bien spécifique ou l’utilisation de certaines structures linguistiques123

, ils sont

parvenus à dégager huit typologies de management différentes allant du dictateur jusqu’au

démocrate. Une fois ces typologies identifiées, ils ont alors croisé ces données avec la

croissance de chaque entreprise et ont pu constater qu’il existait une corrélation entre les

typologies de management employées et le taux de croissance ou l’ancienneté d’une

entreprise. Eric Van den Broele énonce à titre d’exemple qu’une entreprise technologique qui

démarre a besoin d’un leader fort mais que 10 ou 15 ans après sa création, il est meilleur pour

cette société d’évoluer vers un style de management plus démocratique. Il faut faire place,

progressivement au long de la vie d’une entreprise, à une structure plus collaborative et

démocratique pour que celle-ci soit plus pérenne.

Graydon recourt de manière croissante à ce type de clignotants et les a intégrés dans sa liste

de clignotants oranges. Les consultants d’Unizo peuvent dès lors mettre en garde les

entrepreneurs qu’ils rencontrent non seulement sur base des mauvais comportements de

122

Car la société Graydon a effectivement remarqué que pour ces entreprises, la plupart des dirigeants voulaient

rester « LE chef » et ne donnaient pas l’occasion à d’autres de développer de nouvelles initiatives pour

l’entreprise. Il n’y avait pas de sang nouveau, ni de place à la collaboration. 123

Eric Van den Broele révèle notamment comme exemple que le simple fait qu’un site web ait un ratio plus

important de « je » et de « nous » que de « tu » et de « vous » est déjà un indice. De plus, le fait de retrouver

plusieurs fois la photo du leader d’entreprise donne également un indice sur le style de management de

l’entreprise. Il s’agit ici d’exemples simples, mais l’analyse a été poussée beaucoup plus loin en étudiant

notamment la structure grammaticale des phrases, etc.

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57

paiement, d’une négligence du réseau social et autres mais également en les conseillant sur

leur vision de la gestion de l’entreprise, en leur expliquant quels types de dirigeant ils sont et

comment cette gestion peut impacter leur entreprise.

Enfin, la société Graydon ne s’est pas arrêtée là. Sur base des données qu’elle collecte, la

société a pu mettre au point différents ratios sociaux qui, selon les études qu’elle a menées,

seraient des signaux bien plus forts que les clignotants financiers. Il s’agit notamment d’un

ratio entre d’une part l’évolution du nombre de personnel fixe et d’autre part l’évolution du

nombre d’intérimaires ; d’un ratio entre le personnel total employé mis en rapport avec le

niveau d’éducation de ce personnel (généralement mis en perspective avec le secteur dans

lequel l’entreprise se trouve) ; le fait que le dirigeant d’entreprise ait déjà fait faillite

auparavant à la tête d’une autre entreprise124

; … Le projet étant toujours en cours, tous les

clignotants observés par la société n’ont pas pu nous être communiqués.

En conclusion, selon Eric Van den Broele, la clef du dépistage à l’heure actuelle se situe au

niveau du management. De plus, c’est sur les clignotants sociaux qu’il faut mettre l’accent et

non plus autant sur les indicateurs financiers qui ne révèlent que trop tardivement une

situation de difficulté.

Cependant, nous devons constater que le monde juridique et comptable semble toujours avoir

une vision des choses qui se calque sur l’aspect financier et qu’il est difficile de changer les

mentalités. Monsieur Van den Broele évoque qu’au niveau des tribunaux, le recours à ces

clignotants oranges125

dépend fortement de la Présidence. Chaque président a sa propre façon

de développer sa politique au niveau du dépistage. Certains voient toujours leur tâche comme

étant principalement de « nettoyer et éliminer » ; d’autres éprouvent plus de compréhension

pour la problématique de la prévention mais n’ont pas suffisamment d’effectif que pour la

mettre en place adéquatement ; et d’autres encore mettent beaucoup plus l’accent sur l’effet

préventif. De manière générale, Eric Van den Broele relève que l’idée préventive est

davantage développée en Wallonie qu’en Flandre. Une autre réalité qu’il a constatée est qu’en

Flandre les tribunaux sont beaucoup plus concentrés sur la conservation de la valeur

économique tandis qu’en Wallonie on se concentre davantage sur la conservation de l’emploi.

124

Sans condamner pour autant l’entrepreneur qui aurait fait une erreur de parcours. Il s’agit d’une simple réalité

statistique. 125

Car les listes de clignotants mises à jour sont toujours communiquées aux tribunaux de commerce.

Page 68: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

58

La volonté de la société Graydon est d’implanter un projet du même type en Wallonie. Une

collaboration avec l’UCM est en cours de discussion.

3.5 Vers une politique en deux voies ?

Eric Van den Broele soutient l’idée que tout ce qui a trait aux entreprises en difficulté

et à l’insolvabilité doit suivre une double piste étant donné que « la justice est une compétence

fédérale, tandis que l’aide aux entreprises est une tâche des Régions »126

. Une première piste

doit servir de bouée de sauvetage pour les cas extrêmes, pour lesquels les fonds propres

notamment ont à ce point diminué que la situation s’avère irréversible. Ces cas doivent être

pris en charge par le pouvoir judiciaire. « Dans le meilleur des cas, la justice peut aider à

sauver ce qui peut encore l’être. Dans le pire des cas, elle peut éviter que les entreprises

malades n’en contaminent d’autres. Une responsabilité importante »127

. L’autre piste doit

tendre à détecter précocement les entreprises étant sur une mauvaise pente afin de leur

apporter l’aide dont elles ont besoin. Ce rôle doit être endossé par les Régions. Une réelle

interaction entre le pouvoir judiciaire et les pouvoirs exécutifs régionaux doit être instaurée.

Alain Zenner rejoint totalement ce point de vue mais constate avec regret que cette interaction

ne s’est jamais réalisée, bien que la volonté de l’instaurer ne soit pas nouvelle. En effet, tant

dans la loi relative au concordat judiciaire de 1997 que dans la loi sur la continuité des

entreprises de 2009, le législateur avait émis le souhait que les autorités régionales prennent

en main le volet préventif128

. Ce vœu pieux a également été repris dans le livre XX du Code

de droit économique, aux articles XX.21 alinéa 3 et XX.27 qui énoncent que « conformément

aux modalités fixées par le Roi, le tribunal peut également communiquer les données

recueillies aux organismes publics ou privés désignés ou agréés par l’autorité compétente

pour assister les entreprises en difficulté »129

. De telles modalités n’ont cependant jamais vu le

jour, ce qui a eu pour conséquence que l’interaction est restée lettre morte.

Plusieurs interpellations à ce sujet ont déjà eu lieu, qui débouchaient sur une réponse

affirmant que les initiatives nécessaires seraient prises afin de mettre en place une coopération

126

E. VAN den BROELE, « La loi sur la continuité des entreprises : un instantané avant l’application du Livre

XX du Code de droit économique », Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme, A. Zenner

(dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 77. 127

E. VAN den BROELE, ibidem, p. 77 et 78. 128

A. ZENNER (dir.), Actualité de la continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des

entreprises, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 752. 129

Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.21.

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59

entre les régions et la justice fédérale. Tel n’a jamais été le cas. La dernière en date remonte

au 28 mai 2018. Madame Griet Smaers (députée fédérale, membre du parti politique CD&V)

a interpelé le ministre de la justice, Koen Geens, afin de relancer la machine et voir où en

étaient les pistes de réflexion afin d’instaurer cette interaction. Le ministre de la justice a

répondu que des contacts avaient été initiés afin de faire avancer ce débat.130

Reste à voir si un

échange réciproque entre les tribunaux et les régions sera effectivement mis en œuvre.

130

Cfr. Annexe VIII : Interpellation et réponse du ministre de la justice concernant les interactions entre

organismes régionaux et tribunaux.

Page 70: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

60

Conclusion

Nous avions pensé, avant d’entamer cette étude, apporter une réponse à une

problématique économique importante : comment conserver au mieux l’activité d’une

entreprise en difficulté ou mourante en lui permettant de se revitaliser à temps et de ne pas

voir ainsi disparaitre une valeur économique supplémentaire ?

Nous avions à notre disposition dans l’arsenal législatif belge une série de lois dont

notamment la loi relative à la continuité des entreprises avec, comme procédure phare, la

procédure en réorganisation judiciaire.

A son introduction, cette dernière était présentée comme la solution appropriée à la

pérennisation maximale des moyens humains et matériels d’entreprises boiteuses. Nous avons

malheureusement fait le constat (au début du chapitre 2) que celle-ci n’a pas rempli son

office.

L’analyse des clignotants habituellement utilisés comme révélateurs d’une défaillance

prévisible nous a montré qu’ils n’étaient en fait que des signaux caractéristiques d’un déclin

imminent. Nous sommes dès lors de plus en plus convaincus que nous devons accorder

davantage d’importance aux clignotants sociaux et managériaux ainsi que le préconise la

société Graydon. A ce sujet, nous avons révélé dans notre troisième chapitre le projet

« ondernemershorizon » développé en région flamande. Ce dernier éclaire de perspectives

nouvelles notre système de dépistage actuel. Il nous semble bon d’encourager cette voie qui

gagnerait à être développée en Wallonie.

Par ailleurs, les praticiens131

de la PRJ que nous avons rencontrés ont attiré notre attention sur

le problème de stigmatisation de l’échec que l’on connait dans notre pays. Nous connaissons

effectivement une forte culture de l’échec en Belgique. Nos entrepreneurs subissent un très

fort sentiment de honte à entreprendre une démarche de sauvegarde ; ce blocage

psychologique a pour effet de les freiner dans leurs démarches d’analyse de leur entreprise et

rend plus difficile une procédure en réorganisation judiciaire prise à temps qui aurait permis

une viabilisation maximale des éléments pouvant être pérennisés.

131

Messieurs Alain Zenner et Eric Van den Broele ainsi que Madame Procureur.

Page 71: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

61

Enfin, nous pensons qu’il serait nécessaire de mettre à disposition des dirigeants d’entreprise

des outils plus compréhensibles afin qu’ils aient un suivi régulier de l’évolution de leur

situation et puissent ainsi réagir au plus vite en cas de survenance de menaces de crise.

Les dirigeants sont les premiers acteurs de leur succès (ou de leur perte). La majorité d’entre

eux exprime qu’ils n’avaient pourtant pas perçu les signes avant-coureurs de difficultés à

venir. Il faudrait donc que les experts comptables, « médecins généralistes » de l’entreprise,

prennent plus à cœur leur rôle de conseiller et amènent les chefs d’entreprise à se poser les

bonnes questions pour ensuite faire appel à des consultants, « médecins spécialistes », afin

d’implémenter les solutions adéquates.

***

Le monde de l’entreprise est un monde de risques. Le risque permet le succès mais peut aussi

engendrer l’échec. Dans cet environnement d’échec, il y a un ensemble économique et social

qui peut disparaitre et causer des drames humains.

« Il ne faut pas oublier que les hommes sont toujours au cœur de la réussite d’une entreprise.

Le facteur humain ne peut pas être négligé dans la période de turbulence que connaît

l’entreprise »132

.

La PRJ n’est pas parfaite et a montré ses limites. Nous avons lancé une piste de réflexion. La

question reste ouverte et mérite qu’on s’y attarde davantage.

132

G. DELVAUX, Réorganisation judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre

xx du code de droit économique, Limal, Anthemis, 2017, p. 84.

Page 72: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

62

Bibliographie

Législation

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de paiement.

Code de droit économique, Livre XX.

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Projet de loi portant insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises », dans le code de

droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions

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Doc., Ch., 2016-2017, n°2407/001.

Projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions

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Proposition de loi relative à la continuité de l’entreprise, amendement, Doc., Ch., 2008, n° 52

0160/002.

Proposition de loi relative à la continuité des entreprises, rapport fait au nom de la

commission chargée des problèmes de droit commercial et économique, Doc., Ch., 2008-

2009, n° 0160/005.

Page 73: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

63

Doctrine

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1985, p.10.

CAPODICI, J. et NIESSEN, W., Comprenez votre comptable, Liège, Edipro, 2011, p. 262.

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paiement des créances, dans la prévention des difficultés d’entreprise et dans la préparation de

la réorganisation judiciaire », Paiement, insolvabilité et réorganisation : s’organiser pour être

payé, payer ou se réorganiser, A. Zenner (dir.), Bruxelles, Larcier, 2015 p. 135 à 170.

DELVAUX, G., Réorganisation judiciaire : les missions des professionnels du chiffre.

Commentaires du livre xx du code de droit économique, Limal, Anthemis, 2017, p. 1 à 40.

DELVAUX, G. et PROCUREUR, N., « Rôle actif et missions confiées au professionnel du

chiffre externe dans la procédure en réorganisation judiciaire », Le droit de l’insolvabilité :

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Graydon open in business, 2017, p. 2 à 39.

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KNEIPE, P., Gestion de la trésorerie de l’entreprise, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1988, p.

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LAUWERS, M., « Ne pas publier ses comptes à temps sera beaucoup plus risqué cette

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64

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Colloque

Présence au colloque du réseau CAP, La réforme du droit de l’insolvabilité et du droit des

sociétés, organisé le 14 décembre 2017 sous la direction d’Alain Zenner et Gérard Delvaux.

Page 75: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

65

Ressources électroniques

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comportement-de-paiement-b2b, 15 janvier 2018.

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juillet 2018.

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paiement-en-belgique, s.d., consulté le 18 juillet 2018.

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loi d’ajustement », disponible sur http://www.oeccbb.be/image/27-03-13.pdf, 27 mars 2013.

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I

Annexes

Annexe I : Exemple de questionnaire à remplir pour les enquêtes

commerciales.

1. Informations générales

1.1.

Date de constitution :

.…………………………………………………………….

Siège

exploitation :…………………………………………………………………

Enseigne / nom

commercial :……………………………………………………….

Depuis

:……………………………………………………………………………..

Téléphone: ..............................Fax. :

..................................................................

GSM : .....................................Courriel :

...........................................................

1.2. ACTIONNARIAT – GESTION – ACTIVITE

1.2.1. Capital de la société

Montant du capital souscrit : ................. €

Montant du capital libéré : ..................... €

BCE : . . . . / . . . / . . .

Dénomination : ……………………………………………………………………………….

Siège social : ………………………………............................................................................

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II

1.2.2. Actionnariat de la société

Identification des actionnaires/associés

(nom/ dénomination, adresse/siège social)

Nombre de parts

détenues

1

2

3

4

5

Total parts

1.2.3. Date des deux dernières assemblées générales tenues :

1. .....................................................................................................

2. .....................................................................................................

1.2.4. Nom(s)/dénomination(s) de(s) administrateur(s) délégué(s)/gérant(s) en fonction à ce

jour :

......................................................................................................................................

......................................................................................................................................

1.2.5. Coordonnées du comptable (externe – interne) :

Nom/dénomination : ............................................................................................

Adresse/siège social : ...........................................................................................

Téléphone : ........................................ Fax. ...........................................................

GSM : ................................................... Courriel : ..................................................

1.2.6. Objet social (activité) :

.....................................................................................................................................

.....................................................................................................................................

.....................................................................................................................................

.....................................................................................................................................

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III

1.2.7. Depuis quelle année la société est-elle active dans ce secteur ?

.....................................................................................................................................

2. CREDITS EN COURS

La société bénéficie-t-elle d'ouverture(s) de crédit ?

OUI NON

2.1. S'agit-il de crédit(s) de caisse ?

Crédit de caisse n°1 Utilisation actuelle Montant à ce jour Banque Garanties accordées

Crédit de caisse n° 2 Utilisation actuelle Montant à ce jour Banque Garanties accordées

2.2. S'agit-il de prêt(s) à moyen terme ?

Prêt n° 1 Utilisation/destination Montant initial Solde en capital Echéance Banque Garanties accordées

Prêt n° 2 Utilisation/destination Montant initial Solde en capital Echéance Banque

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IV

Garanties accordées

2.3. S'agit-il de prêt(s) à long terme ?

Prêt n° 1 Utilisation/destination Montant initial Solde en capital Echéance Banque Garanties accordées

Prêt n° 2 Utilisation/destination Montant initial Solde en capital Echéance Banque Garanties accordées

2.4. Quelle est la charge mensuelle totale de remboursement des crédits (capital et intérêts) ?

............................................................................................

2.5. Avez-vous déjà rencontré des retards de paiement d'échéances ?

OUI NON

2.6. Une banque a-t-elle déjà dénoncé un ou plusieurs crédits ?

OUI NON

Laquelle et quand ? ..............................................................................................................

....................................................................................................................................................

....................................................................................................................................................

3. LEASING ET RENTING

3.1. La société a-t-elle conclu des contrats de leasing ou de renting ?

OUI NON

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V

Donneur de

leasing/renting Biens

(meubles,

immeubles)

Date de

signature

du contrat

Durée du

contrat Date

d'échéance Montant mensuel (intérêts compris)

1 €

2 €

3 €

4 €

4. IMMEUBLES

4.1. La société est-elle propriétaire d'immeuble(s) en Belgique ou à l'étranger ?

OUI NON

Adresse

Valeur estimée de l'immeuble

Montant de

l'hypothèque Revenu cadastral

€ € €

€ € €

€ € €

4.2. La société est-elle locataire de locaux ?

OUI NON

Nom/dénomination et adresse/siège social du bailleur :

....................................................................................................................................................

Date de conclusion du contrat : ......................................................................................

Date d'échéance : ................................................................................................................

Montant mensuel : ...............................................................................................................

Retard(s) de paiement : OUI NON

Montant du retard de paiement : ................... €

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VI

5. INFORMATIONS FINANCIERES

5.1. L'exercice comptable de la société court du ..................... au ............................

5.2. Evolution du chiffre d'affaires et du résultat

Exercice Chiffre d'affaires Résultat de l'exercice Résultat reporté

Bénéfice Perte Bénéfice Perte

2015 € € € € €

2016 € € € € €

Prévisions 2017 € € € € €

5.3. Combien de personnes sont actuellement occupées par la société ?

(contrat d'emploi ou contrat de travail) ?

Nombre d'employés : ..............................................................................................

Nombre d'ouvriers : ..............................................................................................

Nombre moyen d'intérimaires : ............................................................................

Charge annuelle brute des rémunérations Exercice 2013 € Prévisions 2014 €

5.4. Quel est le montant actuel de votre carnet de commandes ? ................... €

5.5. Contrats d'assurances en cours :

Type d'assurance (incendie,

RC...) Nom/dénomination de l'assureur Montant annuel Retard de paiement

1 € €

2 € €

3 € €

4 € €

6. DIFFICULTES RENCONTREES

6.1. La société a-t-elle des retards de paiement à l'égard des organismes suivants ?

OUI NON

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VII

SPF FINANCES ONSS

(en principal, intérêts et

frais)

Impôt des sociétés (en principal, intérêts et

frais)

Précompte professionnel (en principal, intérêts et

frais)

TVA (en principal, intérêts et

frais)

€ € € €

AUTRES DETTES :

Nom/dénomination du créancier Montant de la dette

6.2. Des plans d'apurement ont-ils été négociés avec vos créanciers ?

OUI NON

Les conditions des plans d'apurement sont-elles respectées ?

OUI NON

Dans la négative, quelles mesures avez-vous mises en place pour honorer les dettes impayées

? ..............................................................................................................

...................................................................................................................................................

..................................................................................................................................................

..................................................................................................................................................

6.3. Rencontrez-vous des difficultés particulières dans l'exploitation de votre société ? Selon

vous, quelles en seraient les causes ?

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VIII

.......................................................................................................................................................

.........

6.4. La société rencontre-t-elle de réelles difficultés financières ? Quel en est l'impact sur la

pérennité de la société ? Estimez-vous que la société est rentable ?

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....................................................................................

6.5. Quelles mesures avez-vous mises en place pour remédier aux difficultés d'exploitation

et/ou financières rencontrées ? Depuis quand ?

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.......................................................................................................................................................

.......................................................................................................................................................

.......................................................................................................................................................

............................................................

6.6. Selon vous, ces mesures sont-elles suffisantes ou d'autres mesures seraient-elles

nécessaires ? Lesquelles ? La société surmontera-t-elle ses difficultés et dans quel

délai ?

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........

6.7. Avez-vous d'autres commentaires ou des suggestions à formuler ?

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IX

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.......................................................................................................................................................

.........

Fait le .........................................................

Signature de l'organe de la société

(Nom et prénom)

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X

Annexe II : Annexes à joindre lors du dépôt de la demande en

réorganisation judiciaire

Article XX.41.§ 1er

. Le débiteur qui sollicite l’ouverture d’une procédure de réorganisation

judiciaire adresse une requête au tribunal.

§ 2. A peine d’irrecevabilité, il joint à sa requête :

1° un exposé des événements sur lesquels est fondée sa demande et dont il ressort qu’à son estime,

la continuité de son entreprise est menacée à bref délai ou à terme ;

2° l’indication de l’objectif ou des objectifs pour lesquels il sollicite l’ouverture de la procédure

de réorganisation judiciaire ;

3° l’indication d’une adresse électronique à laquelle il peut être joint tant que dure la procédure de

réorganisation judiciaire et à partir de laquelle il peut accuser réception des communications ;

4° les deux derniers comptes annuels qui auraient dû être déposés conformément aux statuts, ainsi

que les comptes annuels du dernier exercice, qui n’auraient éventuellement pas encore été

déposés ou, si le débiteur est une personne physique, les deux dernières déclarations à l’impôt

des personnes physiques ; si l’entreprise fait cette requête avant que ne se soient écoulés deux

exercices comptables, elle soumet les données pour la période écoulée depuis sa constitution ;

5° une situation comptable qui reflète l’actif et le passif et le compte de résultats ne datant pas de

plus de trois mois, établis avec l’assistance d’un réviseur d’entreprises, d’un expert-comptable

externe, d’un comptable agréé externe ou d’un comptable-fiscaliste agréé externe ;

6° un budget contenant une estimation des recettes et dépenses pour la durée minimale du sursis

demandé, préparé avec l’assistance d’un des professionnels visés au 5° de cet article ; sur avis de

la Commission des Normes Comptables, le Roi peut établir un modèle de prévisions budgétaires;

7° une liste complète des créanciers sursitaires reconnus ou se prétendant tels, avec mention de

leur nom, de leur adresse et du montant de leur créance et avec mention spécifique de la qualité

de créancier sursitaire extraordinaire et du bien grevé d’une sûreté réelle mobilière ou d’une

hypothèque ou propriété de ce créancier ;

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XI

8° un exposé des mesures et propositions qu’il envisage pour rétablir la rentabilité et la

solvabilité de son entreprise, pour mettre en œuvre un éventuel plan social et pour satisfaire les

créanciers ;

9° un exposé de la manière dont le débiteur a satisfait aux obligations légales et conventionnelles

d’information et de consultation des travailleurs ou de leurs représentants ;

10° la liste des associés si le débiteur est une entreprise visée à l’article XX. 1er

, § 1er

, alinéa 1er

, c), ou

d’une personne morale dont les associés ont une responsabilité illimitée, et la preuve que les

associés ont été informés ;

11° une copie des commandements et exploits de saisie-exécution mobilières et immobilières, tels

qu’ils apparaissent au fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement

collectif de dettes, dans l’hypothèse où il sollicite la suspension des opérations de vente sur saisie

exécution immobilière conformément aux articles XX.44, §§2 et 3 et XX.51.§§ 2 et 3.

En outre, le débiteur peut joindre à sa requête toutes autres pièces qu’il juge utiles pour l’étayer.

Il doit lors du dépôt des pièces s’assurer que les pièces ne contiennent pas d’éléments pouvant

nuire au respect du secret professionnel et joint, le cas échéant, une note aux pièces justifiant le

fait que certaines pièces ne pouvaient être déposées de ce fait.

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XII

Annexe III : Etapes à suivre par le professionnel comptable dans le cadre de

sa mission de prévention

PREMIÈRE ÉTAPE

1. VÉRIFICATION DE LA

SITUATION COMPTABLE

Connaissance générale de l’entreprise

Etude de l’organisation administrative

et comptable

Fiabilité du système – Organigramme –

Contrôle interne

Examen des postes d’actif, passif et

résultat avec les règles

d’évaluation

Corrections

Etablissement de la situation

comptable correcte

DEUXIÈME ÉTAPE

2. DIAGNOSTIC

Questionnaire relatif à l’évaluation de

la continuité

Analyse des résultats

Analyse financière du bilan

Conclusions

Discussions avec les dirigeants

TROISIÈME ÉTAPE

3. SOLUTIONS PROPOSÉES

Ebauche de solutions

Simulations en fonction des solutions

QUATRIÈME ÉTAPE

4. DÉCISIONS

Restructuration ou liquidation Adaptation des règles d’évaluation

ou réorganisation judiciaire

ou faillite de la société

Etablissement d’une situation

comptable récente

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XIII

Annexe IV : questionnaire permettant de mettre en évidence des signaux

indiquant une possible cessation de la continuité de l’exploitation

OUI NON COMMENTAIRES

A. Généralités

1. L’exercice social de la société a-t-il été prorogé ?

2. L’assemblée générale annuelle s’est elle tenue à une date autre que celle

statutairement prévue ?

3. Y a-t-il eu récemment révocation des administrateurs ou des commissaires ?

4. Y a-t-il eu récemment des défections importantes et successives au niveau de la

direction et de ses proches collaborateurs ?

5. Y a-t-il eu récemment des retards dans le paiement ?

- de rémunérations du personnel ?

- des cotisations dues à l’ONSS ?

- des sommes dues au précompte professionnel ?

- de l’impôt des personnes physiques ?

- de l’impôt des sociétés ?

- des sommes dues à la TVA ?

6. Y a-t-il eu récemment des effets protestés ?

7. Y a-t-il eu récemment des citations en paiement devant le Tribunal de Com. ?

8. Y a-t-il eu récemment des saisies ?

9. Y a-t-il eu récemment des reports d’échéances de convention de crédit à long terme ?

10. La dépendance financière (éventuelle) vis-à-vis d’une autre société s’est-elle

récemment accrue ?

11. Des droits importants de franchise, brevet, etc., sont-ils parvenus récemment à

expiration ?

12. L’entreprise fait-elle l’objet de poursuites en justice ?

13. L’activité de l’entreprise dépend-elle :

- d’un ou de quelques fournisseurs importants ?

- d’un ou de quelques clients importants ?

14. L’entreprise a-t-elle récemment demandé une intervention financière à l’Etat,

aux régions ?

15. Les produits de l’entreprise ne sont-ils plus compétitifs?

B. Au niveau du compte de résultats

1. Constatez-vous des pertes d’exploitation récurrentes ?

2. L’entreprise consent-elle des remises plus importantes que la normale ?

3. L’entreprise a-t-elle payé des intérêts de retard importants ?

4. Le montant des charges financières que supporte l’entreprise est-il supérieur à

3,5 % de son chiffre d’affaires ? (cela dépend du secteur d'activité)

5. Le dossier fiscal de l’entreprise accuse-t-il du retard ?

C. Au niveau du bilan

1. L’équilibre à court terme de l’entreprise (liquidité, solvabilité, fonds de roulement) est-il compromis ?

2. L’endettement de l’entreprise s’est-il accru récemment ?

3. La rotation des clients et des stocks est-elle moins bonne que la rotation moyenne

dans son type d’activité ?

4. L’entreprise utilise-t-elle des fonds empruntés à court terme pour financer des

investissements à long terme ?

5. Les fonds propres de l’entreprise sont-ils insuffisants par rapport au total de son

bilan ?

6. Analyse du bilan et du compte de résultats (par ratios habituels) et suivant le secteur d'activité.

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XIV

Annexe V : Entretien avec Monsieur Alain Zenner

Nombre de clignotants sont connus et l’on n’arrive tout de même pas à détecter les

entreprises en difficulté. Pourquoi la prévention échoue-t-elle ?

Selon Alain Zenner, il s’agit du point faible fondamental de la législation. La prévention

n’existe quasiment pas. Une des causes : tout ce qui est préventif est en fait du domaine des

régions et le cadre juridique est du domaine fédéral, ce qui crée des complications. Il y a eu

des interventions régionales dans le temps avec certains projets régionaux.

Monsieur Zenner poursuit en expliquant que le dépistage est né du fait d’un référendaire du

tribunal de commerce de Saint-Nicolas, Monsieur Cloquet, en 1968.

Eric van den Broele a émis l’idée d’une politique en 2 voies (car la justice est une

compétence fédérale tandis que l’aide aux entreprises est une tâche des régions) : la

justice se concentrerait sur les cas les plus graves d’entreprises en difficulté (celles dont

les fonds propres ont très fortement chuté. But : essayer de les sauver ou éviter qu’elles

n’en contaminent d’autres), tandis que les autorités régionales mettraient en œuvre des

moyens pour détecter précocement les entreprises qui risquent de rencontrer des

difficultés financières. Que pensez-vous de cette idée ?

La loi sur la continuité des entreprises prévoit une interaction entre les organismes agréés par

l’autorité régionale et les services de dépistage (les chambres des entreprises en difficulté).

Ces chambres sont un non sens car elles s’occupent de tout sauf des entreprises en difficulté.

Ce nom est assez navrant. Cette interaction (mentionnée ci-dessus) a été prévue depuis 1997

mais n’a jamais été mise en place. Monsieur Zenner a notamment interpellé133

à l’époque le

ministre Vandenbroucke et il vient également d’y avoir une interpellation d’une députée

flamande au ministre Geens qui lui a répondu qu’il allait lancer ça. Selon Alain Zenner, il y a

vraiment une nécessité d’un encadrement pré-procédural.

Malgré 2 refontes de la loi, la PRJ n’a pas atteint son but qui était d’éviter la faillite et

permettre le redressement des entreprises en difficulté. De plus, la PRJ reste souvent

l’antichambre de la faillite. Comment expliquez-vous cela ?

Alain Zenner affirme qu’il y a plusieurs aspects à observer. Un aspect culturel tout d’abord.

Beaucoup d’entreprises attendent la dernière minute et il est donc trop tard. Pour faire de la

133

Alain Zenner était député fédéral à l’époque.

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XV

prévention, il faut s’y prendre à temps et avoir un projet quand on peut encore avoir des

chances de redresser la barre. De plus, les chefs d’entreprises n’aiment pas voir quelqu’un

d’autre mettre son nez dans leurs affaires. Ce n’est que lorsqu’ils n’ont plus de solutions

qu’ils font une PRJ. Il y a eu également beaucoup d’abus dans les recours en PRJ.

Selon Alain Zenner, plusieurs aspects doivent être pris en compte :

- Un aspect culturel (expliqué ci-dessus)

- Un aspect psychologique qui est le fait que le chef d’entreprise ne veut pas que l’on

mette le nez dans ses affaires. « Je suis le patron, je reste le patron ».

- Un autre aspect est que les juges sont beaucoup trop laxistes. Beaucoup de juges se

sont plaints de ne plus pouvoir juger de l’opportunité des plans de redressement. Du

coup, sous prétexte d’égalité constitutionnelle, ils se sont mis à mesurer des plans. Les

juges, à l’heure actuelle, veulent tout contrôler mais en même temps ils ont la

possibilité de provoquer la faillite d’office (art.8) et n’osent pas prendre cette

initiative. Monsieur Zenner pense donc que l’un des problèmes est que les juges

craignent de prononcer les faillites et les prononcent trop tard. C’est terrible car la

faillite est souvent la meilleure prévention et c’est une chose que l’on ne comprend

pas.

- Les abus ont également été évoqués par Monsieur Zenner : les avocats n’ont plus la

même déontologie professionnelle. Ils utilisent « des trucs et ficelles ».

- Dernier aspect : il est plus facile de restructurer en passant par la case faillite.

Monsieur Zenner a notamment eu un cas où une entreprise d’informatique avait fait

une PRJ de 6-7 mois avec succès mais par la suite les banques ne voulaient plus

accorder de crédits aux clients de l’entreprise. Les banques accordaient donc des

crédits à l’entreprise mais non aux clients de celle-ci, ce qui était problématique.

Conclusion : la faillite est souvent une meilleure technique de restructuration et offre

plus de liberté qu’une PRJ.

Alain Zenner poursuit en disant que leur ambition lorsqu’ils ont créé la loi de 2009 était que

les gens saisissent l’occasion. A l’époque, ils s’étaient également dit que si cela ne marchait

pas il serait inutile de chercher autre chose. Personnellement, Monsieur Zenner ne croit plus à

cette loi car il voit que ça n’a pas changé les choses. Il pense qu’il faudrait constater l’échec

de cette loi.

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XVI

L’introduction du livre 20 portant sur l’insolvabilité des entreprises dans le code de

droit économique n’a pas apporté beaucoup de changements au niveau de la prévention

des entreprises, est-ce que cela n’aurait pas été l’occasion de revoir le système des

chambres d’enquête commerciale ou autres (notamment attribuer plus de moyens à ces

chambres) ?

Cela aurait dû être l’occasion de revoir le système mais selon lui ça n’intéresse personne. Il a

été entendu par la commission de droit commercial et économique en tant qu’expert dans le

cadre des débats sur le projet de loi des sociétés et associations, qui est un débat important. Or

il a tristement constaté que seuls trois députés étaient en séances, le ministre n’était pas là et

n’était même pas représenté (ce qui voulait dire que ce qu’ils racontaient ne l’intéressait

même pas). Or il y avait les plus grands experts du sujet.

Il relève aussi un problème du côté du législateur, cela ne fonctionne pas. Tout d’abord, ça

n’intéresse pas le gouvernement, ça ne porte pas de poids. Le législateur ne fait plus son

boulot et donc les juges prennent le dessus (c’est le gouvernement des juges). Or, le problème

des juges est qu’ils voient toujours les problèmes par un cas pratique et se laissent influencer

ainsi et n’ont pas de vue macroéconomique.

Monsieur Zenner aimerait écrire une proposition de loi à ce sujet pour essayer de faire bouger

un peu les choses.

De manière générale, selon les statistiques fournies par Graydon, trop peu d’entreprises

recourent à la PRJ et trop tard, comment pallier à cela ?

En Flandre, Graydon fait une étude en ce moment : ondernemershorizon. L’idée est

d’analyser non pas les entreprises en difficulté mais bien les entreprises en déclin, qui est le

stade juste avant. A travers des profilages de patron, voir quelles sont les entreprises qui

risquent d’être amenées à être en difficulté.

Pour Alain Zenner une des réponses est de déclarer les faillites beaucoup plus vite. On

retrouve dans le projet de loi sur les sociétés et associations la nécessité à tout moment d’être

en mesure d’assurer la trésorerie pour les 12 mois à venir. C’est une règle qui existe déjà dans

la pratique mais tout le monde l’ignore. Il y a là une lourde responsabilité des avocats et des

comptables.

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XVII

Les professionnels du chiffre devraient-ils avoir un rôle plus important dans le cadre de

la PRJ ?

Il faudrait surtout les forcer à applique la loi et les obliger à dénoncer. Mais il y a le lobby de

l’IRE. Alain Zenner a parlé avec les présidents de l’IEC et de l’IPCF qui sont assez d’accord

avec l’idée d’obliger à dénoncer les entreprises qui présentent des risques de défaillance.

Cependant, les réviseurs ne veulent absolument pas. Pour monsieur Zenner, il faudrait

encourager l’action en responsabilité. Dans la situation actuelle, ceux-ci ont peur de perdre

leur client et donc sont contre cette mesure. Il rappelle que dans toute sa carrière, Duplat n’a

connu qu’un seul cas où l’expert comptable a averti le juge d’un risque de discontinuité. Et

bien qu’ils aient l’obligation d’avertir les chefs d’entreprises, les professionnels du chiffre ne

le font pas et il n’existe pas de sanction à ce défaut.

Vous aviez parlé d’une nouvelle catégorie de clignotants (analyse économique), pouvez-

vous m’en dire plus ? (clignotants « avant de se lancer »)

Pour lui, c’est avant tout le rôle des comptables. C’est là-dessus qu’il faudrait axer les choses.

D’une part, être beaucoup plus sévère dans l’appréciation des faillites et d’autre part,

intervenir dès qu’il y a la moindre difficulté et veiller à ce que les professionnels du chiffre

jouent leur rôle, mais également sanctionner les avocats qui trichent. Chacun doit faire son

boulot.

L’existence des clignotants et l’importance d’y avoir recours ne sont pas des éléments

nouveaux, cependant le taux de faillite est toujours très élevé en Belgique, à quoi cela

est-il dû ? Comment mieux utiliser les clignotants ?

Il faut trouver mieux que ces clignotants. Pour Alain Zenner, les clignotants légaux ne sont

pas des clignotants de risque de faillite mais des clignotants d’existence d’une faillite. Quand

une entreprise a un trimestre de retard ONSS ou TVA, c’est tellement grave que l’entreprise

doit avertir les travailleurs (ce qu’elle ne foait pas).C’est très grave et ça ne se récupère pas.

Avant que le tribunal de commerce ne soit informé et ait l’occasion d’étudier le dossier, il y a

un laps de temps beaucoup trop long qui s’écoule. Cela ne se récupère pas, sauf injection de

capital ou restructuration. C’est pourquoi ces clignotants sont en fait un indice de faillite et

non de risque.

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XVIII

Une des solutions ne serait-elle pas de mieux informer et de sensibiliser les chefs

d’entreprise ?

Monsieur Zenner ne le pense pas. Il pense qu’il y a suffisamment de possibilités de

restructurer. Les chefs d’entreprises n’aiment pas voir quelqu’un d’autre mettre son nez dans

leurs affaires. Les gens savent. A ce niveau, il y a déjà pas mal de choses qui sont faites. Les

gens qui sont en difficulté demandent généralement des conseils. Selon Alain Zenner, la

mauvaise information des dirigeants est un faux problème et une mesure coûterait trop cher

par rapport à ce que cela pourrait apporter.

Quelle est, selon vous, la solution à apporter afin que le PRJ ne soit plus l’antichambre

de la faillite ?

Pour lui il n’y a qu’une manière : se montrer plus sévère dans la déclaration des faillites, plus

sévère dans le respecter de la loi et les dispositions qui existent. De plus, éventuellement,

raffermir les clignotants du code de société.

Quels sont, selon vous, les clignotants les plus efficaces (prépondérants) pour la détection

des entreprises en difficulté ?

Alain Zenner répond que regarder les retards de paiement est fondamental. Une entreprise qui

a des retards de paiement est une entreprise qui a des difficultés. L’indice de paiement

Graydon est très important à ce sujet. Celui-ci donne pour chaque client l’indice de paiement,

c’est un moyen de prévention. Il faut faire attention avec qui on traite (responsabilité des

créanciers).

Il existe également les indices comptables résultant des comptes annuels et annexes qui sont à

examiner. Alain Zenner énonce notamment le fait qu’un dirigeant d’entreprise doit, à tout

moment, s’assurer que la trésorerie permette de faire face aux échéances des 12 mois suivants.

Il faut aussi tenir compte des clignotants utilisés par les tribunaux de commerce.

Il y a également des indices graves tels qu’avoir un trimestre de retard de paiement ONSS et

TVA. Cela coûte très cher à l’entreprise, notamment au niveau des majorations, intérêts, etc…

Et enfin, Alain Zenner relève les 12 indicateurs exposés par la firme Graydon.

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XIX

Annexe VI : Entretien avec Monsieur Eric Van den Broele

Malgré 2 refontes de la loi, la PRJ n’a pas atteint son but qui était d’éviter la faillite et

permettre le redressement des entreprises en difficulté. Comment expliquez-vous cela ?

Monsieur Van den Broele commence par rappeler qu’à première vue, au lendemain de

l’entrée en vigueur de la loi sur la continuité des entreprises (LCE), cette nouvelle loi avait eu

un succès assez important. Avant la PRJ de 2009, il y avait en place un système concordataire

qui n’avait donné lieu qu’à 80 concordats par an. Or, avec la LCE, on est très vite monté à

1500 PRJs par an donc tout le monde s’est très vite enthousiasmé. Il poursuit en énonçant que

cependant ils ont très vite remarqué une chose : 80% de ces PRJs, par après, tombaient tout de

même en faillite ou arrêtaient tout simplement leur activité. Il rappelle que Monsieur Zenner

avait supposé erronément à l’époque que ce « taux de raté » tellement important était dû à la

troisième forme de PRJ - à savoir le transfert sous autorité de justice -, ce que Monsieur Van

den Broele a dénié très vite parce que le nombre de transfert introduit via la PRJ était très

faible (à l’époque, 4-5% des PRJs introduites étaient des transferts sous autorité de justice).

Ce ne pouvait donc pas être ça qui influençait le chiffre. Très vite, ils (Graydon, la société

dont il est le directeur de la Recherche & Développement, et lui) ont voulu comprendre ce

qu’il se passait et ils ont constaté deux choses.

1) Un premier problème était que les entrepreneurs eux-mêmes n’étaient pas au courant

du va et vient de leur propre société et ne s’apercevaient pas qu’ils étaient en difficulté

ou bien beaucoup trop tard. Ils ont été confrontés à beaucoup d’entrepreneurs pour qui

devoir entrer en PRJ ou tomber en faillite était comme si le ciel leur tombait sur la

tête. Graydon a alors vu très vite, comme la Belgique est surtout un pays de PMEs,

que pour ces gens il y avait un dieu dans leur entreprise : leur expert comptable. Les

chefs d’entreprise comptaient énormément dessus. Ceux-ci se disaient que s’il y avait

un problème leur expert comptable les préviendrait, ils comptaient là-dessus. Or

monsieur Van den Broele affirme que cela s’est avéré complètement faux dans le sens

où l’expert comptable ne se sentait pas du tout appeler à avertir les chefs d’entreprise -

et d’autant moins des mois à l’avance - quand des problèmes semblaient surgir. Les

experts comptables constataient uniquement, ils « écrivaient l’histoire ». Cela avait

pour effet qu’au moment où un expert comptable commençait à réagir, c’était

généralement trop tard. A l’époque la PRJ n’était que le pas avant le cimetière.

Eric Van den Broele se souvient notamment que le 26 septembre 2011 se tenait une

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XX

conférence de l’association professionnelle des experts comptables où on lui avait

demandé de donner un exposé sur cette problématique (le fait que l’expert comptable

n’intervenait que trop tard pour prévenir ses clients des problèmes rencontrés par

l’entreprise). Il avait préparé son discours avec le président de l’association en lui

disant qu’il allait clairement prendre position en affirmant dans sa présentation qu’un

expert comptable se devait de réagir lorsqu’il voyait une certaine signalétique134

. Lors

de son exposé devant les experts comptables, ça a hurlé dans la salle : « de quoi vous

mêlez-vous », « on n’est pas payé pour ça ». Cela donne déjà une idée de la mentalité

au niveau des experts comptables à l’époque.

2) Eric Van den Broele poursuit ensuite avec un deuxième problème rencontré, à savoir

que même les clignotants prévus par la loi (clignotants surtout comptables tels que la

solvabilité, la sonnette d’alarme, les ratios de liquidité, …) sont ne fait des clignotants

qu’il qualifie « de mourant ». Une fois que l’on commence à réagir sur base de ces

clignotants-là, il est presque toujours trop tard. Il prend notamment pour exemple le

mécanisme de la sonnette d’alarme : si l’on commence à réagir à partir du moment où

l’actif net est diminué à un montant inférieur à la moitié du capital social, c’est trop

tard car il y a déjà un grave malaise qui existe.

Il s’agissait donc de la double problématique qui surgissait à l’époque. Il en relève également

une troisième : le fait de devoir se rendre au tribunal (stéréotype).

Selon monsieur Van den Broele, il s’agit des trois raisons principales pour lesquelles on a

constaté que finalement la PRJ n’apportait rien de curatif. En effet, tout d’abord les

entrepreneurs eux-mêmes ne sont pas conscients du fait qu’ils ont un problème, ensuite ils

comptent sur leur expert comptable ou sur d’autres consultants pour le leur dire or ceux-ci ne

disent rien et enfin ils ont « peur » que leurs difficultés ne soient affichées au grand public.

Ne faudrait-il pas changer le système/fonctionnement des chambres des entreprises en

difficulté ?

Depuis 2000, Graydon est en forte collaboration avec les tribunaux et a commencé un projet

avec ceux-ci où la société fournit aux chambres de dépistage des informations pour permettre

de mieux distinguer les entreprises qui rencontrent des difficultés. Tous ces tribunaux d’une

134

Certains clignotants alarmants

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XXI

manière ou d’une autre utilisent les informations fournies par Graydon. Mais ce ne sont pas

les chambres de dépistage qui vont faire l’affaire car elles sont en sous-effectif. Donc en

général, elles se concentrent sur les cas les plus graves.

Monsieur Van den Broele poursuit en énonçant qu’il y a eu des changements dans la

législation en 2013 avec par exemple l’introduction de l’article 10 - qu’il a écrit. La

proposition qui a été faite à ce moment-là consistait à responsabiliser les experts comptables.

Cependant, il y a eu une petite différence entre ce qui avait été écrit initialement et ce qui a été

publié dans la loi finalement : le mot « doit » a été changé en « peut », ce qui a engendré que

la communication des difficultés au tribunal de commerce n’a pas été rendue obligatoire mais

facultative. C’est regrettable selon lui car dans la pratique quasiment aucune communication

n’a été actée. Pour sa part, il ne connait aucun président de tribunal qui lui a confirmé avoir

reçu un seul dossier.

Pouvez-vous me parler davantage de votre projet « ondernemershorizon », qui pourrait

être un moyen de permettre une meilleure prévention à un stade plus en amont ?

En 2013, Graydon a développé un projet en collaboration avec le gouvernement flamand,

Unizo135

et l’université anversoise : Ondernemershorizons136

. Eric Van den Broele est parti du

constat qu’il existe certes des « clignotants rouges » mais qu’à côté de ceux-ci il existe des

« clignotants oranges » qui démontrent beaucoup plus vite qu’une entreprise entre en

difficulté et même qu’elle entre plutôt en déclin. Une entreprise n’entre généralement pas en

difficulté d’un coup, cela provient en règle générale d’une évolution. Les clignotants oranges

s’allument donc au stade avant les clignotants rouges. Monsieur Van den Broele illustre cela

comme une courbe décroissante : l’entreprise en difficulté - caractérisée par des clignotants

rouges - se trouve à la fin de cette courbe décroissante, tandis que l’entreprise en déclin -

caractérisée par des clignotants oranges - se trouve au tout début de cette courbe, là où celle-ci

commence à décroître.

La première phase du projet consistait à fournir des listes d’entreprises137

dans chaque

arrondissement où ils constatent effectivement ces clignotants oranges138

. Ensuite, sur base de

ces listes, les consultants d’Unizo prennent contact avec les entrepreneurs en question afin de

leur soumettre un questionnaire lors d’un rendez-vous ultérieur et toute une discussion avec

135

De Unie van Zelfstandige Ondernemers = l’union des entrepreneurs indépendants. 136

Horizon d’entrepreneurs. 137

Ce qu’ils font toujours à l’heure actuelle. 138

Les entreprises ayant des clignotants rouges sont quant à elles directement transmises au tribunal.

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XXII

eux se développe. Cette discussion a pour but de conscientiser les chefs d’entreprise afin

qu’ils se rendent compte de la situation dans laquelle ils se trouvent. Une fois qu’ils sont

conscients de leur situation, ils réagissent d’autant plus vite. Et à travers le partenariat que

Graydon a avec le gouvernement flamand, il est possible de diriger ces entrepreneurs vers des

consultants qui arrivent à les aider par la suite et donc à les redresser. Depuis, Eric Van den

Broele remarque que les entreprises qu’ils ont approchées de cette façon - à savoir 500 par

an139

- ont réussi à se redresser (pas toutes mais en tout cas une bonne partie). Par exemple, en

2013, 70% des entreprises qu’ils ont encadrées ont réussi à redresser la barre. Le rôle de

Graydon et de ses partenaires est de diriger ces entreprises vers de l’aide (aide sous forme de

consultance, de formations/cours, …).

Le spécialiste continue en alléguant que les consultants d’Unizo restaient en contact avec

Graydon par rapport au suivi et aux entretiens qu’ils avaient avec les entrepreneurs. La firme

Graydon rencontre chaque mois les consultants d’Unizo pour connaitre leur ressenti et leurs

expériences afin de pouvoir améliorer le modèle basé sur le projet ondernemershorizon et leur

façon d’agir.

La première chose que les consultants ont constatée très vite est que les dirigeants d’entreprise

qu’ils contactaient s’effrayaient très vite car, soit ils n’avaient aucune idée de ce qu’il se

passait chez eux140

(ils tombaient de haut), soit ils ne pouvaient pas s’exprimer concrètement

sur quel était le problème mais ils ressentaient quelque part dans les tripes que quelque chose

ne se passait pas bien, qu’il y avait un problème (ressentir sans savoir). Dans ce dernier cas,

les dirigeants réagissaient pratiquement tous de la même façon : comme ils ressentaient

quelque chose, ils avaient tendance à se concentrer totalement dans leur entreprise, se jeter

corps et âme dans le travail, en ne consacrant plus de temps à leur vie de famille et à leur

réseau social (social network). Ils ne participaient plus à aucun repas d’affaire, conférences,

réunions, … Graydon s’est alors posé des questions et s’est demandé si justement ce

comportement ne pouvait pas être un premier signal. Il s’agissait notamment de savoir s’il

était possible d’une façon ou d’une autre d’observer ce phénomène. Et il s’est avéré que

c’était bien possible, ils ont observé qui étaient présents aux social networks, regardé sur

internet les participations à certaines réunions, … A travers toutes ces datas, Eric Van den

139

Ils ont un budget qui leur permet d’aider 500 entreprises par an. 140

Les partenaires du projet ont d’ailleurs longuement réfléchi à la manière psychologique d’aborder le dirigeant

pour lui dire que son entreprise était en déclin.

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Broele explique qu’ils sont arrivés à développer un score qui pouvait suivre la diminution

d’un network social d’un entrepreneur.

Monsieur Van den Broele poursuit en expliquant que jusqu’en 2013 ils ont également constaté

que dans la population totale de toutes les faillites, on observait d’année en année au moins

2% d’entreprise qui avait au-delà de 25 ans. A partir de 2013, ce pourcentage a augmenté

énormément pour atteindre actuellement 17%. Ils ont à nouveau voulu comprendre ce qu’il se

passait. Un premier constat est que ce phénomène surgit surtout en Flandre, également en

Wallonie mais peu à Bruxelles. Ils se sont donc concentrés sur ce qu’il se passait en Flandre.

Il s’agissait d’entreprises qui pratiquement toutes ont été crées très vite après la révolution

industrielle. Dans les années 70-80, en Flandre, beaucoup d’initiatives avaient été mises en

place pour développer les nouvelles technologies. Beaucoup de petits entrepreneurs avec des

idées fantastiques se sont alors lancés et beaucoup ont connu une croissance formidable. Le

problème était cependant que le chef d’entreprise est resté chef d’entreprise (« c’est MON

entreprise, je dirige) et n’a jamais donné l’occasion à d’autres de développer de nouvelles

initiatives pour l’entreprise. Il n’y avait pas de nouveau sang.

A partir de 2014-2015 Graydon s’est alors demandé si la façon dont une entreprise est gérée

pouvait faire la différence notamment au niveau de sa capacité à être innovatrice ou non.

Graydon souhaitait voir s’il pouvait être possible de capter la façon dont une entreprise est

gérée à travers le langage utilisé sur le site web de l’entreprise. Était-ce possible d’observer, à

travers le langage utilisé sur un site web, des typologies de différents styles de management

qu’on peut retrouver dans une entreprise ? Ils se sont alors mis en collaboration avec la IADS

(qu’il caractérise comme le Solvay de la data science) et ont commencé à analyser tous les

sites web d’entreprises en Belgique afin de voir si à travers les structures linguistiques qu’on

retrouvait sur des sites, donc l’emploi d’un langage bien spécifique, on pouvait observer

certaines typologies de management. Eric Van den Broele affirme qu’ils sont bien arrivés à

dégager huit typologies différentes allant du dictateur jusqu’au démocrate141

. Il poursuit en

donnant un exemple simple : le simple fait qu’un site web ait un ratio plus important de « je »

et de « nous » que de « tu » et de « vous » est déjà un indice. De plus, le fait de retrouver

plusieurs fois la photo du leader d’entreprise donne également un indice sur le style de

management de l’entreprise. Ce sont de simples choses qu’il donne comme exemple mais ça

peut être beaucoup plus complexe que cela, en allant par exemple jusqu’à l’analyse de la

141

Il met en garde que ce sont des big datas donc que ce n’est pas toujours exact mais que ça permet déjà de

donner des indices.

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XXIV

structure grammaticale etc. Ainsi, ils ont pu développer différentes typologies de

management.

A l’heure actuelle, ils sont occupés dans la société Graydon à connecter cela avec la

croissance de l’entreprise. Ils voient clairement qu’il existe un lien entre ces typologies et le

taux de croissance de l’entreprise ainsi que son ancienneté. Une entreprise technologique qui

démarre a besoin d’un leader fort mais après 10 ou 15 ans il faut une démocratie. Il doit y

avoir une évolution vers la démocratie, la participation de chacun, … Ce sont ces éléments

que Graydon utilisent de plus en plus et que la société intègre également à sa liste de

clignotants oranges. Les consultants d’Unizo, lorsqu’ils rencontrent les entrepreneurs, ne les

mettent plus seulement en garde qu’ils ont des difficultés en raison des mauvais

comportements de paiement ou autres mais leur font part aussi du fait qu’ils doivent changer

de typologie de management. Les consultants font comprendre aux dirigeants quel type de

dirigeants ils sont et ce que ça peut avoir comme impact sur leur entreprise.

De plus, Eric Van den Broele poursuit en déclarant qu’il faut également aiguiller les

dirigeants quant au développement de leur produit (« votre produit est à un niveau totalement

développé mais n’a pas de suite pour l’instant, qu’allez-vous faire, avez-vous des idées quant

à la suite à donner à ce produit ? »).

A l’heure actuelle, selon Eric Van den Broele, l’important se situe au niveau du management.

Or le monde juridique et comptable voit toujours les choses sous l’aspect financier.

Observez-vous alors un changement de mentalité du monde juridique et comptable au

vue des résultats que vous nous exposez ci-dessus ?

Le spécialiste répond que très peu de changements ont été observés. Cela a plus évolué en

Flandre qu’en Wallonie. Le projet est actif en Flandre depuis 2013 et a fait ses preuves. Leur

intention est d’implanter, avec l’UCM, un projet du même type en Wallonie.

Ils essaient constamment de faire évoluer les idées mais ce n’est pas facile. Les gens sont

encore beaucoup trop dans une mentalité où ils pensent que c’est la comptabilité qui dicte

tout. Il relève qu’il y a également beaucoup de « job protection » là-dedans.

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XXV

Lorsque vous parlez des clignotants oranges, lesquels visez-vous ? Sur quelle base est-ce

que vous les calculez ?

Au moment où ils ont commencé leur projet en 2013, ils avaient plusieurs clignotants qui se

situaient surtout au niveau des expériences de paiement. La société reçoit des datas de tous les

côtés. Ils reçoivent notamment des données provenant de 8200 entreprises en Belgique qui

leur fournissent leurs comptes annuels à jour et leur disent comment leurs clients les payent.

De cette façon, Graydon a recoupé toutes ces informations et a pu connaitre, pour toutes les

entreprises qui ont une activité réelle en Belgique, la façon dont elles payent leur facture. Ils

savent la date à laquelle ces entreprises reçoivent des factures, la date d’échéance et la façon

dont elles payent (avant, après l’échéance : donc soit en avance ou en retard). Graydon tient

un historique de toutes ces données de paiement et peut ainsi apercevoir l’évolution du

comportement de paiement des entreprises et surtout les « déviations » par rapport aux

échéances. A partir de cela, la société a pu tirer le constat qu’il s’agissait d’un très bon signal.

Monsieur Van den Broele énonce ensuite un autre exemple de clignotant. Ils ont constaté,

dans leur modèle, que les données sociales sont beaucoup plus significatives pour pouvoir

prédire quelque chose que les données financières. Les clignotants classiques (solvabilité,

liquidité, …) ne tiennent pas debout alors que les clignotants « sociaux » sont beaucoup plus

parlants et forts. Il donne notamment comme exemple le fait qu’un dirigeant d’entreprise qui

est déjà tombé en faillite auparavant dans une autre entreprise est très souvent en voie à une

avalanche, par un effet boule de neige il arrive souvent qu’il emporte également l’entreprise

qu’il gère actuellement vers la faillite. Statistiquement, ce scénario arrive pour une entreprise

sur huit, ce qui est assez important. Il ne faut bien entendu pas condamner chaque

entrepreneur qui a fait une erreur de parcours mais il s’agit d’une réalité statistique.

Graydon a aussi développé un ratio entre d’une part l’évolution du nombre de personnel et

d’autre part l’évolution du nombre d’intérimaires. Un autre ratio est celui du nombre de

personnel total par rapport au niveau d’éduction du personnel et cela est mis en relation avec

le secteur dans lequel l’entreprise se trouve. Il s’agit, selon les études menées par la société

Graydon, de signaux bien plus forts. La société a commencé à les utiliser activement à partir

de 2013 avec le projet ondernemershorizon.

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XXVI

Ces clignotants étant plus significatifs pour détecter les difficultés d’une entreprise,

pourquoi les tribunaux ne se basent-ils pas plus sur ceux-ci ?

Selon le spécialiste, cela dépend très fort du tribunal en question et surtout de la présidence.

Car chaque président gère un peu son propre royaume et développe sa propre politique au

niveau de tout ce qui touche au dépistage. Chez certains présidents, il existe toujours une

certaine mentalité qui pense que leur première tâche est de nettoyer et éliminer. Certains

présidents ont tout de même déjà plus de compréhension mais disent qu’ils n’ont pas

suffisamment d’effectif et du coup « first things first ». Cependant, des présidents tels que

Jean-Philippe Lebeau mettent déjà beaucoup plus l’accent sur l’effet préventif. De manière

générale, Eric Van den Broele relève que l’idée préventive est développée plus fort en

Wallonie qu’en Flandre. Une autre réalité qu’il a constatée est qu’en Flandre les tribunaux

sont beaucoup plus concentrés sur la conservation de la valeur économique tandis qu’en

Wallonie on se concentre plus sur la conservation de l’emploi.

Cette mentalité qu’il caractérise de « boucher » est un problème. Ce n’est pas nécessairement

négatif, car ce travail de « tri » des sociétés doit être fait mais le nombre d’effectif pour

pouvoir faire de la véritable prévention est trop faible.

Certains présidents se posent aussi toujours la question de savoir s’ils peuvent utiliser ces

clignotants oranges à fonds. Pour vraiment pouvoir être préventif, ils ont un doute sur la

légalité. Ce qui est totalement faux, cela a été démenti par le ministre mais ils ont encore

toujours cette réticence.

L’introduction du livre 20 portant sur l’insolvabilité des entreprises dans le code de

droit économique n’a pas apporté beaucoup de changements au niveau de la prévention

des entreprises, est-ce que cela n’aurait pas été l’occasion de revoir le système des

chambres d’enquête commerciale ou autres (notamment attribuer plus de moyens à ces

chambres) ?

Le livre XX au niveau du dépistage n’a rien apporté. Le seul apport intéressant est RegSol.

Graydon est occupé à l’heure actuelle avec RegSol à développer tous des instruments pour les

chambres de dépistage en essayant d’y intégrer tous les signaux que la firme relève. Tout sera

mis à disposition des tribunaux, à eux de voir s’ils vont les utiliser ou pas.

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XXVII

La communication par le professionnel du chiffre au président du tribunal de commerce

des difficultés rencontrées par une entreprise n’est toujours que facultative, la réforme

de 2017 n’aurait-elle pas dû être l’occasion de rendre cette communication obligatoire et

d’engager la responsabilité des professionnels qui ne s’y soumettent pas ?

Eric Van den Broele répond que lors de la réforme, ils se sont surtout posés la question de

savoir s’il y avait un sens à responsabiliser l’expert comptable. Car l’expert comptable

finalement, après tous les essais que Graydon a faits pour les responsabiliser, se définit tout de

même comme un historien, il écrit l’histoire et se concentre surtout sur le financier. La

problématique du financier au niveau de la problématique de l’insolvabilité est que le

financier est le symptôme et non le virus. Une entreprise qui présente une sonnette d’alarme

ou des problèmes de solvabilité ou de liquidité a généralement des problèmes de gestion qui

ont surgi bien avant que les problèmes financiers n’apparaissent (un manque de stratégie

marketing, de renouvellement, d’innovation par exemple). Monsieur Van den Broele est de

plus en plus convaincu que si l’on veut aider à ce niveau, il faut intervenir à l’instant où ces

problèmes de gestion surgissent et non pas quand les problèmes financiers apparaissent, car il

est alors souvent fort tard et le redressement est d’autant plus difficile.

Vous aviez émis l’idée d’une politique en 2 voies (car la justice est une compétence

fédérale tandis que l’aide aux entreprises est une tâche des régions) : la justice se

concentrerait sur les cas les plus graves d’entreprises en difficulté (celles dont les fonds

propres ont très fortement chuté. But : essayer de les sauver ou éviter qu’elles n’en

contaminent d’autres), tandis que les autorités régionales mettraient en œuvre des

moyens pour détecter précocement les entreprises qui risquent de rencontrer des

difficultés financières. Pensez-vous toujours qu’il faille privilégier ce système juridique?

Eric Van den Broele énonce que tout le projet ondernemershorizon est applicable dans « la

constellation juridique belge » qui est fédérale, alors que le pouvoir de subsidier d’une façon

ou d’une autre les entreprises est régional. De plus, il existe une législation européenne qui

défend clairement de subsidier des entreprises qui déjà sont en grave déclin, ce qui est

contradictoire. Une entreprise qui entre en PRJ est une entreprise qui, par définition, comporte

déjà un certain nombre de clignotants or on lui interdit toute aide supplémentaire (par

subvention, par soutien gouvernemental, …). Graydon, au niveau régional, approche des

entreprises qui ne sont pas encore à un stade aussi avancé (avec autant de clignotants qu’une

entreprise entrant en PRJ) et peuvent alors recevoir des subsides. C’est par ce fait que

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XXVIII

monsieur Van den Broele est devenu le défendeur de l’idée que tout ce qui touche à

l’insolvabilité / aux difficultés doit suivre une double piste. Une piste qui doit servir comme

bouée de sauvetage pour les cas extrêmes, et dans ce cas on se dirige vers la PRJ. Et une autre

piste qui vise vraiment à sauver les entreprises, à leur montrer à temps qu’elles doivent

changer de cap. Cette piste doit, selon Eric Van den Broele, être régionale. Et ce sont donc

deux politiques à suivre, chacune à leur niveau : au niveau fédéral, le cadre juridique pour les

cas extrêmes et au niveau régional, tout ce qui touche à la prévention et qui permet une

deuxième chance.

Plusieurs interpellations ont été faites à l’égard du gouvernement afin de mettre en place

cette politique à 2 voies, cependant aucune réaction du ministre n’a été observée.

Le projet a été développé au temps de Kris Peters qui était ministre président à ce moment-là.

Il s’agissait aussi de l’époque où l’Europe se concentrait fortement sur le sauvetage des

entreprises en difficulté. Cependant un changement de vision est apparu et l’on s’est alors

beaucoup plus intéressé aux 5 stades de vie d’une entreprise. Le projet ondernemershorizon

était totalement concentré sur les entreprises en difficulté ou en déclin tandis que le nouveau

projet actuel est un projet qui se concentre sur 5 étapes de vie d’une société. Il existe 5 stades

différents et le nouveau projet va approcher chaque entreprise qui se trouve dans un de ces 5

stades. Le ministre-président Bourgeois, lui, veut beaucoup plus se concentrer sur l’étape de

la croissance. Il va allouer plus de budget pour cela que pour aider les entreprises en

difficulté, ce qu’Eric Van den Broele trouve dommage. Mais celui-ci reconnait qu’il y a

beaucoup d’entreprises qui ont énormément de potentiel de croissance et qu’il est bon d’aider

celles-ci à se développer.

Etes-vous d’accord avec le constat que la loi sur la continuité des entreprises est un

échec ?

Eric Van den Broele répond sans hésitation par l’affirmative. Le constat général qu’il a pu

faire sur les entreprises qui entrent en PRJ, c’est que ce ne sont pas des entreprises qui sont

confrontées soudainement à un problème mais que pratiquement toutes connaissent depuis des

années des problèmes structurels. Cela n’a donc plus aucun sens. La PRJ a été créée en 2009

comme bouée de sauvetage pour les entreprises qui rencontraient soudainement un problème

afin de les aider pour mieux repartir de l’avant. Une entreprise qui connait des problèmes

structurels depuis plusieurs années n’est pas une société qui a soudainement un problème

financier, la PRJ ne lui est d’aucune utilité.

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XXIX

Annexe VII : Entretien avec Madame Nathalie Procureur

Malgré 2 refontes de la loi, la PRJ n’a pas atteint son but qui était d’éviter la faillite et

permettre le redressement des entreprises en difficulté. Comment expliquez-vous cela ?

Madame Procureur énonce tout d’abord que l’on a pu observer une diminution des demandes

en PRJ suite à l’introduction du droit de rôle, puisqu’avant c’était gratuit et c’est passé ensuite

à 1000€. Déjà à ce moment, cela a freiné les demandes en PRJ. Elle pense cependant que la

raison principale est que les dirigeants d’entreprise croient en leur affaire et donc ne sont pas

toujours en phase avec la réalité et l’aspect financier. Ce n’est pas parce qu’une société vend

bien (que le chiffre d’affaire est bon et en évolution) que la situation financière est bonne et

suit (il ne faut pas confondre chiffre d’affaire et bénéfice). Il y a une difficulté de perception

de la situation financière dans le chef des dirigeants et une difficulté de comprendre

l’évolution réelle de l’activité.

Le comptable est un acteur crucial dans la vie d’une PME, comment celui-ci pourrait-il

intervenir de manière plus active dans le cadre de la prévention des entreprises en

difficulté ?

Nathalie Procureur explique que le comptable intervient toujours après coup. Pour les PME

notamment la périodicité d’enregistrement comptable est trimestrielle. L’entrepreneur

communique ses factures et ses documents au comptable pour la TVA. Le comptable est donc

plus utilisé pour répondre à des tâches obligatoires d’ordre fiscal et moins comme un

conseiller. D’un autre côté, le comptable ne suscite pas toujours ce rôle de conseil en se

limitant à son rôle de comptable pur et dur pour respecter la législation. En général comme le

comptable reçoit tous les documents en même temps, il n’a pas toujours le temps de tout

encoder en même temps et donc c’est reporté à plus tard, ce qui fait que le traitement des

documents comptables n’a pas lieu de manière régulière et parfois même quelques mois en

retard. La situation financière de l’entreprise n’est connue que quelques mois après que les

problèmes ne soient apparus, voir même à la fin de l’exercice comptable.

Les PME plus importantes, qui génèrent plus de chiffre, sont plus intéressées par un suivi

mensuel, ce qui est plus facilement réalisable aussi pour l’expert comptable du fait qu’elles

sont assujetties à la TVA sous un régime mensuel permettant un suivi plus régulier. Ces PME-

là ont donc accès à l’information financière plus rapidement. Cependant les dirigeants qui

sont vraiment soucieux de leur situation financière demande alors à leur comptable un suivi

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XXX

mensuel (et alors le comptable passe mensuellement les écritures d’amortissement, de facture

à recevoir et à établir, …) et donc pour ces PME les faits graves et concordants peuvent être

constatés plus rapidement.

Selon elle, il y a donc deux choses à retenir au niveau du rôle de l’expert comptable : d’une

part le fait que le comptable ne doit pas seulement être perçu par le dirigeant comme une

charge mais vraiment comme une personne qui l’accompagne au jour le jour dans ses affaires

et doit donc accepter de payer cela aussi. Le comptable est considéré comme une charge et

l’on n’aime pas de payer des charges. Il faut qu’il y ait un changement de vision qui ait lieu au

niveau de la perception du comptable, qui n’est pas seulement une charge pour le dirigeant

d’entreprise. D’autre part, l’expert comptable doit vraiment valoriser ses prestations et

valoriser l’appel à ces services de conseil.

Madame procureur poursuit en affirmant que l’évolution technologique à l’heure actuelle

(l’incorporation des codages, la reconnaissance électronique des factures, etc.) devrait

permettre de dégager du temps et de traiter les informations plus rapidement (pas seulement

trimestriellement mais au jour le jour). Selon elle, ça sera un élément qui pourra aider les

entrepreneurs à avoir un meilleur suivi. Tous les outils existent mais cela implique aussi une

bonne organisation au niveau des fiduciaires pour vérifier tout le travail automatisé qui est

fait. De même l’entrepreneur doit s’organiser pour centraliser et transmettre toutes les

informations dont le comptable a besoin et ce de manière complète. Mais les outils sont en

train de se mettre en place avec la plateforme centralisée. Pour elle, cela devrait être

opérationnel dans un délai assez court (2 ans environ). Les outils seront en place pour

permettre un traitement plus régulier des documents. Lorsque nous parlons des outils, il s’agit

notamment d’un système de reconnaissance de validation des factures instauré par le

gouvernement.

Les professionnels du chiffre devraient-ils avoir un rôle plus important dans le cadre de

la PRJ ? Et notamment la communication de faits graves et concordants susceptibles de

compromettre la continuité de l’entreprise devrait-elle être rendue obligatoire ? (Cfr.

Article XX.23)

La responsabilité de l’expert comptable est toujours malmenée pour Nathalie Procureur. Le

comptable est déjà responsable pour beaucoup de choses et donc selon elle le législateur a

voulu alléger justement cette responsabilité. Il est vrai aussi que le fait de dénoncer ces

informations-là au tribunal est perçu comme une délation par rapport au client de l’expert

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XXXI

comptable. Donc commercialement, c’est assez difficile pour le comptable de dénoncer au

tribunal. C’est un problème de message et d’image. Cependant, si on avait écrit dans la loi

« le professionnel doit communiquer », à ce moment-là il ne s’agit alors plus d’une démarche

du professionnel du chiffre mais une démarche qui répond à une obligation légale. Et donc

effectivement au niveau de la responsabilité et de la perception, l’image du comptable serait

différente. Il s’agit d’une responsabilité encore en plus à endosser pour le comptable. Car si la

communication devient obligatoire, les tiers pourront alors se retourner contre le comptable au

cas où il y aurait des conséquences financières d’une non communication. Pour madame

Procureur, c’est pour cela que le législateur a voulu assouplir la responsabilité du comptable à

ce niveau-là.

Une des solutions ne serait-elle pas de mieux informer et de sensibiliser les chefs

d’entreprise ? Comment mettre cela en place ?

Nathalie Procureur répond par l’affirmative. Certains organismes organisent déjà des

formations. Mais surtout, la publicité devrait être améliorée. Il faut aussi renforcer cette image

du comptable - sa perception - et aider l’entrepreneur à mieux percevoir la réalité de ses

affaires. Madame Procureur pense aussi qu’un entrepreneur ne comprend pas assez les notions

comptables qui lui sont exposées par son comptable. Beaucoup de ses clients lui disent

notamment « moi les chiffres je n’y comprends rien, c’est votre métier ». Il y a donc un rejet

de la comptabilité de la part des chefs d’entreprise qui ne comprennent pas et surtout ne

veulent pas comprendre. Bien entendu, il est important que le professionnel comptable adapte

son langage face à ses clients. Il ne peut s’adresser de la même façon avec les mêmes termes à

par exemple un entrepreneur dans le bâtiment qu’à un analyste financier. Le professionnel

doit s’adapter (et adapter son vocabulaire) en fonction de son interlocuteur.

A nouveau, cela doit se faire des deux côtés : une meilleure sensibilisation du côté de

l’entrepreneur et une meilleure approche du côté du comptable. Il faut aussi favoriser l’accès à

des formations comptables/financières pour les chefs d’entreprise afin de rendre la lecture des

données financières plus abordables.

Les clignotants financiers sont souvent plutôt qualifiés de « mourants » car lorsqu’ils

apparaissent il est généralement trop tard. Partagez-vous cet avis ?

Identifier les clignotants financiers reste tout de même une première étape. L’idéal est de

suivre son client le plus régulièrement possible (mensuellement ou trimestriellement), afin de

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les détecter assez tôt. Il est également important de dialoguer souvent avec son client. Un

client qu’on ne rencontre jamais, on ne voit sa situation que sur papier et c’est alors difficile

de se rendre compte des difficultés rencontrées sur le terrain Nathalie Procureur conseille

toujours de rencontrer son client au moins une fois durant l’année (avant la clôture de

l’exercice comptable). C’est ainsi l’occasion de demander comment les affaires évoluent, quel

est le carnet de commande, s’il y a un changement de l’environnement, comment la demande

du marché évolue, …. Voir comment il appréhende sont évolution et dans quel cadre

également. Madame Procureur donne comme exemple un de ses clients qui s’entêtent à

poursuivre une activité. Or son chiffre d’affaire se décline vraiment. Elle lui a dès lors

conseillé d’élargir sa clientèle et ses services mais celui-ci ne savait pas comment

implémenter cela. Mais cela n’est pas du ressort de la comptable. Elle peut lui dire sur base

des données comptables où le bât blesse mais ensuite les mesures à prendre pour rectifier le tir

ne sont pas de son ressort.

Il est primordial qu’un dirigeant d’entreprise soit bien entouré et conseillé (que ce soit au

niveau marketing, social, etc.).

Que pensez-vous des clignotants sociaux par rapport aux clignotants financiers ? Sont-

ils l’avenir d’une prévention plus fructueuse ?

Une analyse de risque est plus adéquate selon Nathalie Procureur afin de balayer tous les

risques à tous les niveaux et voir ainsi les points forts et les points faibles de la société. Par

exemple faire appel à un intérimaire représente un risque car si la personne a des compétences

spécifiques et que cet intérimaire est engagé dans une autre société, il s’agit de compétences

perdues. Cela fait partie d’un risque.

Selon elle, il s’agit d’une bonne démarche au niveau de la prévention.

Eric Van den Broele avait émis l’idée d’une politique en 2 voies (car la justice est une

compétence fédérale tandis que l’aide aux entreprises est une tâche des régions) : la

justice se concentrerait sur les cas les plus graves d’entreprises en difficulté (celles dont

les fonds propres ont très fortement chuté dans le but d’essayer de les sauver ou d’éviter

qu’elles n’en contaminent d’autres), tandis que les autorités régionales mettraient en

œuvre des moyens pour détecter précocement les entreprises qui risquent de rencontrer

des difficultés financières. Pensez-vous qu’il faille agir ainsi ?

Page 109: Clignotants et autres mesures préventives de la procédure ... · Ce mémoire marque l’aboutissement de 5 années d’étude riches en apprentissages et expériences au sein d’HEC

XXXIII

Nathalie Procureur est mitigée. Car certaines entreprises ne sont pas localisées dans une seule

région. Elle a moins d’avis tranché là-dessus.

Quels sont, selon vous, les clignotants les plus efficaces pour la détection des entreprises

en difficulté ? Quels sont ceux à tenir à l’œil ?

Nathalie Procureur cite l’évolution du chiffre d’affaire et du carnet de commandes, la

rentabilité, l’analyse du marché et l’analyse des coûts (des charges fixes et variables). A

nouveau, l’analyse des risques est un très bon outil également.

Le besoin en fonds de roulement un indicateur central pour elle. Il faut notamment prêter

attention aux augmentations de stock et à l’accroissement du délai de paiement client.

Pensez-vous que la loi sur la continuité des entreprises est un échec ?

Le constat est là. L’échec a déjà été constaté. Selon elle, pour que cette loi soit efficace il faut

une meilleure prévention. Il faut intervenir beaucoup plus tôt et démocratiser cette procédure

dans le sens où un entrepreneur qui fait la démarche ne doit pas se sentir stigmatisé/honteux.

Cette culture de l’échec est beaucoup trop forte.

La communication sur l’intérêt de la procédure doit aussi être revalorisée. Et il ne faut pas non

plus en abuser. Il y a toujours des abus et c’est là aussi que se trouve le problème.

C’est une procédure à mettre en avant et qui peut avoir de bonnes conséquences lorsqu’elle

est efficacement intentée.

Ne faudrait-il pas revoir le fonctionnement des chambres des entreprises en difficulté ?

Nathalie Procureur énonce qu’un des clignotants légaux était le défaut de publication des

comptes annuels durant 3 années successives. Trois ans c’est énorme, cela a donc été ramené

à 1 an. Le chambres d’enquête dispose de ce type d’informations or elle s’étonne qu’il n’y ait

pas de réaction à ce niveau-là. Pour elle, il y a quelque chose à faire au niveau du traitement

des données et des communications des données au juge délégué.

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XXXIV

Annexe VIII : Interpellation et réponse du ministre de la justice concernant

les interactions entre organismes régionaux et tribunaux

Mondelinge vraag van Federaal Volksvertegenwoordiger Griet Smaers aan de Minister van

Justitie over de gegevensuitwisseling met particuliere instellingen om ondernemingen in

moeilijkheden te begeleiding

De kamers voor ondernemingen in moeilijkheden hebben binnen de ondernemingsrechtbank de

taak om de toestand van ondernemingen in moeilijkheden te volgen om de continuïteit van hun

activiteiten te vrijwaren en de bescherming van de rechten van de schuldeisers te verzekeren.

De zogenaamde knipperlichten zijn zeer belangrijk om die ondernemingen tijdig te kunnen

detecteren.

Ook het nieuwe Boek XX “Insolventie van ondernemingen” van het WER legt een belangrijke rol

bij de kamers voor ondernemingen in moeilijkheden. Oordelen zij dat de continuïteit bedreigd is,

dan kunnen zij de onderneming oproepen en horen om alle inlichtingen te bekomen en een

onderzoek te starten. Indien uit dat onderzoek blijkt dat de onderneming zich in staat van

faillissement bevindt, dan kan de kamer voor ondernemingen in moeilijkheden het dossier naar

de procureur des Konings zenden of het dossier mededelen aan de voorzitter van de rechtbank.

De rechtbank heeft door dit onderzoek belangrijke informatie over de onderneming in

moeilijkheden. Het is dan ook belangrijk dat deze informatie kan worden uitgewisseld met

organisaties die ondernemingen in moeilijkheden bijstaan zoals Dyzo. Boek XX voorziet dan ook

dat de rechtbank de verzamelde gegevens kan uitwisselen, op de wijze bepaald door de Koning,

met de overheidsinstellingen of particuliere instellingen die door de bevoegde overheid zijn

aangewezen of erkend om ondernemingen in moeilijkheden te begeleiden. Dit KB is echter nog

niet gepubliceerd.

Mijn vragen aan de Minister zijn:

1. Is de Minister op te hoogte van het ontbreken van dit KB?

2. Zijn in kader van de informatisering de kamers voor ondernemingen in moeilijkheden

klaar om de gegevens op een efficiënte manier te kunnen uitwisselen?

3. Heeft de Minister al overleg gehad met de Gewesten om na te gaan op welke wijze de

samenwerking met de instellingen concreet kan worden opgezet? Zo ja, wat is het

resultaat?

4. Wanneer zou het besluit klaar zijn?

Ik dank de Minister voor zijn antwoorden.

Griet Smaers – 29 mei 2018

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