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Université des Sciences et Technologies de Lille Climat, mutations socio -économiques et paysages en Côte d’Ivoire Rapport d’activités scientifique, pédagogique, administrative et publications en appui au mémoire de synthèse présentés en vue de l’obtention de l’Habilitation à Diriger des Recherche s par Yao Télesphore BROU Enseignant-Chercheur à l’Institut de Géographie Tropicale d’Abidjan Maître Assistant à l’Université de Cocody-Abidjan Membre extérieur de l’UMR Hydrosciences Montpellier Devant le jury composé de : Claude KERGOMARD, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, directeur Jacques DUBOIS, Professeur à l’Université des Sciences et Technologies de Lille, rapporteur recteur de Recherches à l’IRD (Hydrosciences Montpellier), rapporteur Eric SERVAT, Di Jean Jean Louis CHALEARD, Professeur à l’Université Paris 1, rapporteur Gérard BELTRANDO, Professeur à l’Université Paris 7, examinateur Alphonse YAPI-DIAHOU, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan, examinateur Soutenue le 30 novembre 2005 1

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Université des Sciences et Technologies de Lille

Climat, mutations socio - économiques et paysages

en Côte d’Ivoire

Rapport d’activités scientifique, pédagogique, administrativeet publications en appui au mémoire de synthèse

présentés en vue de l’obtention

de l’Habilitation à Diriger des Recherche s

par

Yao Télesphore BROU

Enseignant-Chercheur à l’Institut de Géographie Tropicale d’Abidjan Maître Assistant à l’Université de Cocody-Abidjan

Membre extérieur de l’UMR Hydrosciences Montpellier

Devant le jury composé de :

Claude KERGOMARD, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, directeur

Jacques DUBOIS, Professeur à l’Université des Sciences et Technologies de Lille, rapporteur recteur de Recherches à l’IRD (Hydrosciences Montpellier), rapporteur Eric SERVAT, Di

Jean Jean Louis CHALEARD, Professeur à l’Université Paris 1, rapporteur

Gérard BELTRANDO, Professeur à l’Université Paris 7, examinateur

Alphonse YAPI- DIAHOU, Professeur à l’Ecole Normale Supérieure d’Abidjan, examinateur

Soutenue le 30 novembre 2005

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SOMMAIRE

1 IDENTITE.......................................................................................................................... 3 2 TITRES UNIVERSITAIRES............................................................................................. 3 3 ACTIVITES DE RECHERCHE ........................................................................................ 4

3.1 RAPPEL SUR MON THEME DE RECHERCHE .................................................... 4 3.2 PROGRAMMES DE RECHERCHE EN COURS OU TERMINES ........................ 4

1.2.1 Co-direction scientifique d’un projet de l’AUPELF-UREF .............................. 5 1.2.2 Responsable de volet thématique d’un programme CORUS ............................. 6 1.2.3 Contribution à l’ATI Santé : Action Thématique Incitative " évolution climatique et santé " mise ne place par l’IRD .................................................................... 6 1.2.4 Membre d’un groupe thématique du projet FRIEND-AOC.............................. 7 1.2.5 Les autres projets................................................................................................ 8

4 ACTIVITÉS D'ENSEIGNEMENT.................................................................................. 10 4.1 IGT- Université de Cocody ...................................................................................... 10 4.2 UNIVERSITE DE BOUAKE .................................................................................. 11 4.3 Université de Lille 1................................................................................................. 11

5 ENCADREMENT DE LA RECHERCHE ...................................................................... 13 5.1 THESE de géographie :............................................................................................ 13 5.2 DEA de Géographie physique :................................................................................ 13 5.3 Maîtrise de Géographie physique :........................................................................... 14

6 ACTIVITES INTERNATIONALES ET EXPERTISES SCIENTIFIQUES................... 15 6.1 Activités internationales........................................................................................... 15 6.2 Expertises scientifiques ............................................................................................ 15 6.3 VULGARISATION DE LA RECHERCHE............................................................ 16

6.3.1 Campagne de sensibilisation ............................................................................ 16 1.3.1 Séminaire sur l’Agroforesterie ......................................................................... 16 6.3.2 Emissions télévisées......................................................................................... 16

7. Résultats de mes recherches............................................................................................. 16 7.1 Revues avec comité de lecture et ouvrages collectifs .................................................... 17 7.2 Communications orales dans un colloque international................................................ 18 7.3 Autres publications (rapports de recherché et d’expertise) ............................................ 20

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1 IDENTITE

BROU Yao Télesphore, né 21 avril 1967 à Tiassalé (Côte d’Ivoire) Maître Assistant à l’Université de Cocody-Abidjan Spécialité : géographie (climatologie et biogéographie) Qualifié Maître de Conférence par la section 23 du CNU Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’Université de Paris 7 Membre de l’Institut de géographie Tropicale de l’Université de Cocody-Abidjan Membre extérieur permanent (1/3 du temps) l’UMR Hydrosciences de Montpellier UMR 5569, CNRS, UM1, UM2, IRD Maison des Sciences de l'Eau, 34095 Montpellier cedex 5 UMR Hydrosciences, Université Montpellier 2Tel : 04 67 14 90 48 / 0614056433 Fax : 0467 14 90 10 Email : [email protected] ou [email protected]

2 TITRES UNIVERSITAIRES

Doctorat 3ème cycle (spécialité Géographie Physique) ; sous la direction de Hauhouot Asseypo, Professeur à l’Institut de Géographie Tropicale (IGT) de l’Université de Cocody-Abidjan, en collaboration avec l’Antenne Hydrologique de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) à Abidjan. Soutenu le 11 novembre 1997. Mention très bien avec les félicitations du jury à l’unanimité (Rapporteurs : Eric Servat, Chargé de recherche à l’OSTOM-IRD, Koli Bi Zueli, Maître Assistant à l’IGT ; examinateurs : N’Guettia Yao, Maître de Conférences à l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie (ENSA), Koby Assa, Maître Assistant à l’IGT. Intitulé de la thèse : Analyse et dynamique de la pluviométrie en milieu forestier ivoirien : recherche de corrélations entre les variables climatiques et les variables liées aux activités anthropiques. Lauréat de l’édition 1998 du concours de la meilleure thèse de Doctorat 3ème cycle dans la spécialité Sciences de l’Homme et de la Société.

Tout au long de la préparation de cette thèse de 3ème cycle (1994-1997), j’ai bénéficié d’un appui technique et financier (allocation de recherche) de l’ORSTOM.

DEA de Géographie (Aménagement des pays tropicaux) ; sous la direction du Professeur Hauhouot Asseypo, Université de Cocody, décembre 1993, mention assez-bien ; Mémoire réalisé en collaboration avec le programme « Aménagement des forêts de l’Est de la Côte d’Ivoire et de la protection de la Nature » soutenu par la SODEFOR (Société des Forêts) et la GTZ-KFW (institution financière allemande). Intitulé du mémoire : Développement d’un parcellaire pour l’aménagement forestier à partir de photographies aériennes (1/20 000).

Maîtrise de Géographie (Certificat de climatologie et biogéographie tropicale); Université de Cocody, novembre 1991, mention passable ; Mémoire réalisé en collaboration avec la Direction de la Météorologie Nationale, octobre 1992, mention bien. Intitulé du mémoire : « Analyse de la pluviométrie de la station de Sassandra : utilisation de trois méthodes de détermination des tendances pluviométriques».

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3 ACTIVITES DE RECHERCHE Mon incursion véritable dans les programmes de recherche commence avec la thèse de Doctorat 3ème cycle portant sur l’étude des interactions entre la variabilité climatique et les dynamiques agro-démographiques. Ces années de formation doctorale ont été pour moi l’occasion de m’investir progressivement dans la problématique des études d’interface entre le milieu physique et le milieu humain. Les principaux résultats de ce travail en porte la marque. En effet, j’ai pu mettre en évidence, dans ces recherches, le déplacement conjoint de la zone de production cacaoyère et des isohyètes au cours des décennies 1950 à 1990, dans le sud de la Côte d’Ivoire. Les variations de l’albédo et du gradient pluviométrique apparaissent alors comme liées aux modifications apportées au couvert forestier. Cette thèse a été réalisée à l’antenne hydrologique de l’IRD-Abidjan, en co-tutelle avec l’Institut de Géographie Tropicale d’Abidjan (IGT), dans le cadre de ses activités de recherche portant sur la caractérisation et les conséquences de la variabilité climatique en Afrique de l’Ouest. Plus tard, mon recrutement à l’IGT, tout en favorisant de nombreuses collaborations institutionnelles, m’a permis non seulement d’approfondir cet axe de recherche mais aussi de développer des problématiques touchant à la gestion sociale de la variabilité climatique.

3.1 RAPPEL SUR MON THEME DE RECHERCHE Les relations dynamiques entre climat, mutations socio-économiques et paysage constitue le point focal de mes activités de recherche. Les actions de recherches menées au sein de cette thématique centrale correspondent à différents programmes de recherche et publications présentées ci-après. La démarche utilisée dans ce type d’étude est systémique dans la mesure où elle suggère que l’espace du géographe soit considéré comme un seul ensemble dans lequel les différents éléments entretiennent des rapports étroits et non pas comme un espace avec des composantes autonomes ayant chacune sa propre dynamique interne. A quoi peuvent servir des mesures sur le milieu naturel en ignorant tout ou presque des interventions humaines ? Inversement, est-il possible d’appréhender les données socio-économiques sans prendre en compte le cadre naturel dans lequel se déroule la vie des populations qui font l’objet de l’étude ? Or, cette démarche est relativement fréquente. L’espace du géographe ne peut donc être perçu que globalement. C’est un milieu dans lequel les éléments naturels se combinent dialectiquement avec les éléments humains. Dans ce cadre conceptuel, nous cherchons à analyser l’impact de la variabilité bioclimatique sur les sociétés et leurs actions en retour sur le milieu. Il s’agit à partir de méthodes géostatistiques et d’approches classiques de climatologue et de biogéographe (observations, mesures, traitements statistiques des données, établissement de bilans hydrologiques…) de suivre la dynamique du milieu sous l’effet conjugué des perturbations climatiques et des crises agro-démographiques. La nécessité de valider les hypothèses éco-climatiques et le recours aux indicateurs socio-spatiaux pour comprendre les relations entre l’homme et le milieu imposent donc d’utiliser des données provenant de diverses sources. En plus des données in situ (bioclimatiques, socio-économiques), les données à champs larges, issues de télédétection, sont utilisées, permettant ainsi d’étudier le milieu à différentes échelles spatiales et temporelles. L’utilisation d’un Système d’Information Géographique, basé sur l’approche multicouche, idéal pour traiter un ensemble d’objets géographiques et les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres, facilite le croisement d’informations géographiques transversales. La hiérarchisation et l’établissement des niveaux de vulnérabilité des milieux résultant de l’intégration de toutes les contraintes d’origines naturelles et humaines est un outil méthodologique important pour l’aménagement et la gestion durable des ressources agro-forestières.

3.2 PROGRAMMES DE RECHERCHE EN COURS OU TERMINES La réalisation de ces recherches a été possible grâce à plusieurs programmes disciplinaires ou multidisciplinaires (cités ci-après) ayant comme point focal d’étude les relations climat-

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paysage-société. J’ai assuré la coordination scientifique pour la Côte d’Ivoire d’un de ces projets et la responsabilité scientifique d’une thématique de deux autres projets. Je suis également Responsable à l’Université d’Abidjan-Cocody de la Convention Interuniversitaire avec l’USTL (Villeneuve d’Ascq – France) et d’un accord cadre avec le Département de Géographie de l’Université de Mannheim dirigé par le Pr. Anhuf DIETER.

Le cadre géographique qui a servi à la réalisation de tous ces thèmes de recherche est l’Afrique de l’Ouest. Trois échelles ont été privilégiées : l’échelle locale, l’échelle nationale, l’échelle régionale (au niveau des grandes divisions biogéographiques).

1.2.1 Co-direction scientifique d’un projet de l’AUPELF-UREF En obtenant un financement de l’AUF en 2002 pour réaliser un projet de recherche dans le cadre de son programme PAS (Programme d’Action de Soutien à la formation et à la recherche, référence : 2002 PAS-18), mon collègue Sylvain Bigot et moi accomplissons un de nos vœux les plus chers, celui de valoriser l’accord inter universitaire, dont nous avons été de fervents artisans, conclut entre l’université d’Abidjan et l’université de Lille1. Il s’agissait pour nous, au-delà de la simple formalisation du cadre scientifique de recherche, d’initier des actions concrètes. Ce projet a donc favorisé les premiers échanges universitaires d’enseignant-chercheurs et d’étudiants entre Lille et Abidjan, mais aussi avec une autre université du sud (celle de Cotonou).

Intitulé, " conséquences de la variabilité climatique sur la végétation de la Côte d’Ivoire et du Benin (1950-2000) ", les objectifs de ce projet sont les suivants :

L’étude vise à analyser les effets de la variabilité actuelle (1950-2000) du climat de la Côte d'Ivoire et du Bénin sur le fonctionnement des écosystèmes de forêt et de savane, et sur leur mise en valeur par l'Homme dans la perspective d'une prévision de leur évolution pour une gestion durable des ressources naturelles et agricoles. Six priorités scientifiques ont été définies :

1. Etablir la variabilité climatique en Côte d'Ivoire et au Bénin entre 1950 et 2000, 2. Discriminer les facteurs de cette variabilité dans un contexte régional, 3. Discriminer les facteurs de la variabilité régionale attachés à l’échelle du globe, 4. Montrer l’influence du climat sur la phénologie végétale, 5. Comprendre la dynamique Homme/climat/mosaïque végétale, 6. Modéliser et prévoir les variations climatiques.

Les conclusions du projet montrent qu’à l’échelle de la Côte d’Ivoire, le fait climatique majeur est la baisse des précipitations très significative enregistrée depuis les années 1970, le déficit dépassant 21% en 1990 par rapport à la période 1951-68, avec en outre une augmentation de la durée de la saison sèche. Régionalement, la disponibilité en eau dépend avant tout de la distribution quantitative des pluies, directement corrélée au transfert d'énergie via le processus d'évaporation à l'interface océan-atmosphère, la masse d'air océanique atlantique apportant en moyenne 1/3 des précipitations de la Côte d'Ivoire, contre 2/3 issus de l'évaporation propre au système forestier. Mais les modifications des champs thermiques de surface de l'océan Atlantique perturbent, via la circulation générale, ces rétroactions Terre-Océan-Atmosphère. L’objectif principal, dans le cadre du programme, a donc été de quantifier régionalement, grâce à différentes méthodes d’analyse multivariée, le poids statistique des variations thermiques atlantiques dans les changements pluviométriques enregistrés entre 1950 et 1996 en Côte d’Ivoire. Les résultats statistiques confrontant les champs pluviométriques ivoiriens et les champs thermiques de l’océan Atlantique montrent par exemple qu’une baisse généralisée des précipitations ivoiriennes correspond à un réchauffement anormal des Températures de Surface Océanique (TSO) de l’Atlantique Sud-Ouest alors que les TSO au large des Guyanes se refroidissent. Par ailleurs des recherches spécifiques ont été particulièrement développées sur deux régions de la Côte d’Ivoire où l’histoire de l’occupation du sol est fondamentalement

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différente : l’ancienne boucle du cacao situé à l’Est et la nouvelle boucle du cacao, dans le Centre-Ouest et le Sud-Ouest.

1.2.2 Responsable de volet thématique d’un programme CORUS Le projet CORUS (COopération pour la Recherche Universitaire et Sientifique) se situe dans la continuité des actions de recherches engagées dans le cadre du projet AUPELF-AUF. Sur l’initiative de Arona DIEDHIOU de l’IRD Grenoble notre groupe de recherche s’oriente à travers ce projet vers l’étude de la « Variabilité du flux de mousson en Afrique de l’ouest et interactions avec les conditions de surfaces ». Soutenu par Ministère français des Affaires Etrangères, en collaboration avec le CNRS et l’IRD, ce projet implique trois universités du Sud (Abidjan, Niamey, Dakar) et deux du Nord (Grenoble, Lille1).

Outre la nécessité de bien caractériser l’impact régional de la variabilité climatique à travers des études diagnostiques avec des données historiques, climatiques et environnementales, la compréhension des interactions végétation - climat aux échelles intrasaisonnière et interannuelle, sera aussi abordée à travers des études numériques avec des modèles de circulation atmosphérique générale et régionale. Cette approche combinée nous permettra aussi d’établir une méthodologie de prévision agroclimatique régionale et à long terme, un meilleur suivi de la campagne agro-pastorale et une gestion efficace des ressources fourragères. Il importe en effet, de comprendre et prédire la variabilité observée sur la date de démarrage et la longueur de la saison de la pluie, paramètres étroitement dépendants des modifications du flux de mousson, et déterminants dans le choix des variétés agricoles, en relation avec le cycle cultural et les calendriers agricoles.

Notre projet vise un horizon à 3 ans, dans le but de fournir de nouveaux résultats de recherche sur l’impact de la variabilité climatique en Afrique de l’Ouest, profitables à l’expérience de terrain du programme AMMA, actuellement programmée pour 2004 et dans lequel les laboratoires proposant sont partenaires. Les questions posées ici sont conformes aux conclusions des projets européens WAMP (West African Monsoon Project) et PROMISE (Predictability and variability of Monsoons, and the agricultural and hydrological impacts of climate change).

1.2.3 Contribution à l’ATI Santé : Action Thématique Incitative " évolution climatique et santé " mise ne place par l’IRD

Au sein du GEMI-UMR 2724 IRD-CNRS (Equipe "Evolution des Systemes Symbiotiques") dirigé par Jean-Francois Guegan et dans le cadre de l’ATI " évolution climatique et santé ", je contribue à la spatialisation du risque d’émergence de certaines maladies en relation avec les changements climatiques à travers le projet :

Impact des modifications d’habitats (déforestation, aménagements hydro-agricoles, extension des cultures) sur la santé des populations rurales : cas de l’ulcère de Buruli en Côte d’Ivoire.

L’étude consiste à étudier les relations spatio-temporelles entre les cas d’ulcère de Buruli (à notre disposition, et couvrant l’ensemble du territoire ivoirien) et les données environnementales considérées à priori comme des facteurs qui causent et contrôlent soit des agents vectoriels intervenant dans le cycle de l’agent causatif, soit l’agent causatif lui même. L’étude est fondée sur des méthodes géostatistiques. A l’aide d’un SIG (Arcview par exemple), il s’agit d’établir des zones d’influence (classe de distance) autour de chacun des paramètres environnementaux pris en compte dans l’étude. Le croisement de la couche « classe de distance » avec celle des cas d’ulcère de Buruli est susceptible de mettre en évidence le rayon d’influence de chaque paramètre environnemental sur la maladie. Il est alors possible d’établir des cartes de risque lié à la proximité d’un paramètre environnemental. Les premiers travaux montrent une forte association (par la distance) avec des massifs forestiers de forêts primaires en voie de

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dégradation pour l’installation de périmètres irrigués nécessaires au développement de la riziculture. Cette recherche sera ultérieurement à mettre en regard de celle menée sur la même maladie mais en Guyane française. Collaboration avec l’US ESPACE et la Maison de l’Eau, à Montpellier.

Sur la base de ces résultats, nous proposerons une hypothèse écologique et évolutive au fonctionnement de l’émergence de M. ulcerans chez l’homme, reliant la diversité des conditions environnementales dans lesquelles la mycobactérie survie naturellement, à la modification des écosystèmes par l’homme pouvant entraîner des conditions favorables à la transmission, et aux avantages et coûts sélectifs dus à l’acquisition par certaines souches environnementales d’un plasmide conférant un avantage écologique à la propagation-dispersion dans les populations humaines.

1.2.4 Membre d’un groupe thématique du projet FRIEND-AOC Mon implication dans le programme hydrologique international FRIEND (flow Regimes from International Experimental and Network Data), commence en 1994 avec le démarrage de ma thèse de doctorat à l’antenne Hydrologique de l’ORSTOM Abidjan. En m’offrant, déjà à cette époque, des opportunités d’échanges scientifiques (séminaire et colloques internationaux), ce réseau a constitué, pour moi, un cadre incitatif pour la production scientifique.

En fait, le programme FRIEND a pour but d'approfondir la connaissance de la variabilité spatiale et temporelle des régimes pluviométriques et hydrologiques au moyen d'ensembles de données régionales, et de replacer cette variabilité dans un contexte historique. Lancé par l’UNESCO en 1984, dans le cadre du Programme Hydrologique International (PHI) VI, FRIEND ambitionne de mettre en place et développer des équipes de recherche afin d'accroître la coopération scientifique. A l'échelle du continent africain, l’existence de réseaux régionaux FRIEND, notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale (FRIEND AOC) offre des opportunités d’échanges et de collaborations avec des équipes multidisciplinaires travaillant sur les questions environnementales. L’IRD est très impliqué dans ce programme dont le comité de coordination Inter-groupes FRIEND est présidé par Eric SERVAT (Hydrosciences Montpellier) jusqu’à la fin 2006.

La poursuite de ma carrière d’enseignant-chercheur s’est donc naturellement faite dans le cadre de la dynamique de ce réseau, dans sa composante FRIEND-AOC (Afrique de l’Ouest et Centrale) dans lequel je participe activement aux travaux du groupe thématique VRE (Variabilité des ressources en eau). Les deux axes majeurs de ce groupe de travail sont d’une part la connaissance des régimes climatiques et des écoulements et de leur variabilité spatio-temporelle et d’autre part les relations activités humaines, climat, ressource en eau et environnement.

Dans le deuxième sous thème (qui nous intéresse le plus),les impacts climatiques et anthropiques sont considérés comme des contraintes modifiant l’environnement, induisant une variabilité de la ressource en eau. Il est, toutefois, difficile de différencier les parts anthropiques et climatiques à l’origine des modifications environnementales observées depuis 30 ans en Afrique de l’Ouest et Centrale. On peut énumérer un certain nombre de situations dont on sait qu’elles perturbent les équilibres environnementaux :

• les aménagements hydrauliques ou hydro-agricoles,

• le défrichement et la déforestation,

• l’exploitation forestière,

• les feux de forêt ou de brousse,

• les changements de pratiques agricoles,

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• les activités minières,

• les migrations massives de planteurs ou d’éleveurs.

Elles ont un impact direct sur l’occupation du sol, les états de surface et la disponibilité de la ressource en eau. Les aménagements hydrauliques ou hydro-agricoles modifient directement la disponibilité de la ressource en eau en aval, ils modifient les régimes hydrologiques et n’ont qu’un effet local sur la réalimentation des nappes voisines. Ils sont responsables de modifications locales des activités humaines : agriculture, pastoralisme.

Toutes les autres activités humaines, en réduisant les surfaces en végétation naturelle et en augmentant les surfaces cultivées ou exploitées, sont responsables d’une modification de l’occupation et des états de surface des sols. Leurs conséquences dépendent des conditions climatiques, du type de substratum et des relations avec les nappes de versant.

Pour les régions soudano-sahéliennes à semi-arides, on sait par exemple qu’un sol cultivé est plus sensible à l’érosion qu’un sol recouvert de végétation naturelle, et qu’il est aussi plus probable qu’il évolue vers une surface de sol nu. Les conséquences mesurées de ces changements d’état de surface dans les zones de socle ou d’autres formations peu perméables sont : une diminution de la capacité d’infiltration et de rétention en eau du sol, une augmentation des coefficients d’écoulement, une augmentation de l’érosion et des flux de matières transportées. Dans certains cas particuliers de relations entre la surface et des formations très perméables, une augmentation de la recharge des nappes peut être observée. Mais dans la majorité des zones de socle ou autres formations peu perméables on constate une évolution des ressources en eaux souterraines qui suit celle de la pluviométrie. La diminution persistante des pluies depuis 30 ans en Afrique de l’Ouest et Centrale a provoqué un abaissement quasi généralisé du niveau des nappes jusque vers la fin des années 80, ce qui a contribué à modifier les régimes hydrologiques, en sus des modifications induites par la modification des états de surface.

1.2.5 Les autres projets • Programme SUP2000 financé par le Ministère Français des Affaires Etrangères (2002-2005) pour la mise en place d’un module de climatologie tropicale dans un DEA de l’Université d’Abidjan-Cocody. Dans le cadre de ce projet multidisciplinaire dont le responsable scientifique est Sylvain BIGOT (Lille1), j’ai assuré l’encadrement des mémoires d’étudiants provenant de la géographie et la responsabilité du volet variabilité climatique et mutation socio-économique.

• Programme ATLAS régionaux du Laboratoire de Traitement d'Image et d'Information Géographique (IGT), financé par la FAO. Le but de ce programme, dirigé par Koli BI Zueli, est de constituer une base de données à caractère national, mise à jour fréquemment et pouvoir à tout moment, présenter une image de l'espace régional et national. Ma participation se situe au niveau de l'acquisition ; le traitement et structuration des données ; la réalisation de planches descriptives issues directement de la base de données et de planches d'analyse issues de l'analyse et/ou du croisement des données ; la rédaction de notices de planches.

• Programme PIRATA (PIlot Research moored Array in the Tropical Atlantic) de l’IRD dont l’objectif est de comprendre le signal climatique saisonnier et interannuel sur l’Atlantique tropical à partir d’un système de mesures météo-océaniques distribuées suivant un réseau de bouées ancrées et transmettant les informations en temps réel via le système Argos et Internet. J’ai participé au côté de Jacques SERVAIN (responsable scientifique) à certaines phases opérationnelles de ce programme, notamment par une mission dans l’Atlantique à bord du bateau instrumenté de l’IRD. PIRATA est prévu pour durer (au moins) jusqu’à 2006.

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• Programme ECOSYN (ECOlogical SYNthesis) de l’Université de Warguenigen (Hollande) en collaboration avec l’Université sur l’étude de la flore et l’aménagement écologique des forêts denses humides.

• Programme BIOTA (BIOdiversity monitoring Transect Analysis) de l’Université de Mannheim (Allemagne, Bioclimatic Monitoring Group, Surface Meteorological and Biophysical Data), soutenu par le Ministère allemand de l’éducation et de la recherche.

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4 ACTIVITÉS D'ENSEIGNEMENT L’essentiel de mes enseignements, depuis mon recrutement au sein de l’Institut de Géographie Tropicale, porte sur la climatologie, les milieux naturels tropicaux forestiers, l’analyse topographique et l’analyse des documents géographiques, le SIG et la Télédétection. Trois niveaux d’enseignement sont concernés par ces cours, à savoir le DEUG, la Licence et la Maîtrise.

4.1 IGT- UNIVERSITE DE COCODY En climatologie et hydrologie, j’assure 105 heures annuelles de cours magistral réparties entre le DEUG I, le DEUG II et la Maîtrise. • Le cours magistral de climatologie et d’hydrologie de DEUG I vise à initier les étudiants (environ 800 par an) aux concepts de la discipline. Il définit donc d’abord les notions fondamentales comme le climat, le temps et l’atmosphère. Il présente ensuite les méthodes de la climatologie et de l’hydrologie avant de décrire les éléments et les facteurs du climat qui gouvernent le fonctionnement des eaux. Le cours s’achève sur la description des grands domaines hydroclimatiques. • Le cours magistral de climatologie de DEUG II, qui s’adresse à environ 600 étudiants chaque année, s’inscrit dans le cadre l’analyse géographique zonale et régionale. Il reprend l’étude des mécanismes physiques élémentaires et la dynamique générale de l’atmosphère. Il y est fait une grande place à la description des climats régionaux de la zone intertropicale. Ainsi, sont exposés tour à tour, les situations climatiques des différentes régions d’Afrique (Afrique de l’ouest, Afrique centrale, Afrique de l’est), et de l’Asie des moussons. • Le cours magistral de climatologie de Maîtrise, destiné à environ 50 étudiants par an, met l’accent sur les méthodes et techniques d’analyse des données hydroclimatiques. Est donc traité, d’un point de vue pratique, le problème des sources, du contrôle et de la critique des données, de l’analyse spatio-temporelle des données climatiques et de la relation avec les autres paramètres du milieu comme la forêt marquée par une dynamique rapide et le sol avec ses ressources en eau variables.

En Géographie des milieux naturels tropicaux forestiers, j’assure 35 heures de cours magistral, destinés aux étudiants de Licence (environ 500 par an). L’objectif de ce cours est de montrer aux étudiants, d’une part l’unité physique des milieux tropicaux forestiers caractérisés par l’abondance de ses précipitations et la constance des fortes températures, la grande monotonie de la structure géologique et géomorphologique, et d’autre part les éléments de diversité géographique basée sur des dispositions spatiales. Ces dispositions permettent de mettre en évidence deux types fondamentaux de terres tropicales : les continents immenses et monotones, aux paysages identiques sur des centaines de kilomètres et un monde tropical maritime insulaire et littoral morcelé, aux milieux naturels contrastés et variés. Sont également abordés dans ce cours le problème des interactions physiques entre les différents éléments du milieu physique ainsi que la dynamique à long terme de ces écosystèmes forestiers tropicaux.

En Analyse Topographique, j’assure des travaux dirigés (TD), en DEUG I. Ceux-ci ont pour but d’aider les étudiants à lire et à décoder l’ensemble des figures formées par les courbes de niveau qui ne sont que la transcription du relief et de ses détails sur la carte topographique. Cette étude cartographique est appuyé par des sorties de terrain, afin de permettre aux étudiants de se représenter les éléments et les ensembles de relief dans la réalité. Ce cours veut développer chez l’étudiant de première année l’habitude du travail de recherche et lui communiquer les méthodes scientifiques d’observation et de raisonnement.

En analyse des documents géographiques, j’assure des travaux dirigés en DEUG première année et deuxième année. Ce cours a pour ambition de permettre à l’étudiant en géographie,

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notamment ceux du premier cycle de mieux comprendre les fondements de la discipline qu’ils ont choisie et d’acquérir les méthodes de travail indispensables pour une préparation efficace aux épreuves d’examen et dans la rédaction des futurs Mémoires. Il s’agit de montrer aux étudiants la valeur formative de la géographie, discipline carrefour par excellence située à la confluence de la trilogie des sciences de la matière, des sciences de la vie et des sciences de l’homme. Il s’agit également de leur apprendre les méthodes de travail pour l’acquisition des connaissances géographiques : conseils relatifs à l’utilisation des cartes, à la prise de notes, à la confection des fiches de lecture, les techniques de la composition…

Mes enseignements de SIG et de Télédétection sont dispensés sous la forme de TD, dans le cadre des encadrements de mémoire de maîtrise, l’objectif étant d’aider les étudiants à connaître les principaux outils de traitements des informations à références spatiales par l’utilisation des logiciels de traitement d’images et de logiciels SIG, notamment MAPINFO, IDRISI, SURFER.

4.2 UNIVERSITE DE BOUAKE Hors de l’IGT, je dispense depuis 1999, à l’école d’été de l’Université de Bouaké des cours sur la gestion de l’eau en milieu de savane, à l’attention des étudiants de Licence. L’objectif de ce cours est d’analyser la variabilité des bilans de l’eau dans leurs relations avec la gestion des milieux agraires en Côte d’Ivoire septentrionale où les difficultés naturelles d’accès à l’eau sont faiblement compensées par les efforts publics d’approvisionnement. En effet, jusqu’en 1972, l’alimentation en eau des populations rurales des savanes du nord est principalement assurée par des eaux de surface (pluies, marigots et étangs) pendant les saisons pluvieuses (juin-octobre) et à partir des nappes aquifères des plateaux (collines et alluvions) pendant les saisons sèches (novembre-mai). Pendant la saison sèche, les eaux de surface sont rares et le niveau piézométrique des aquifères diminue en provoquant le tarissement général des puits paysans dont la profondeur s’arrête dans la zone de battement des nappes. Alors, commence la corvée d’eau, et la distance moyenne que parcourent les femmes et le bétail pour trouver l’eau s’accroît fortement. Cette situation est apparue intolérable au gouvernement ivoirien dont l’un des objectifs était, dès les années 1970, de réduire les disparités régionales. A cet effet, de nombreux petits barrages à vocation agropastorale ont été construits pour permettre d’une part, le développement de la riziculture irriguée à deux cycles de production et/ou des cultures de contre-saison, et d’autre part, l’approvisionnement en eau des troupeaux régionaux qui pâtissent de rudes conditions d’abreuvement en saison sèche. Ces actions ont été renforcées en 1996, par la création du Haut Commissariat à l’Hydraulique (HCH) avec pour mission de coordonner la politique globale de l’eau et de mettre en œuvre un nouveau programme national d’hydraulique villageoise et pastorale.

Mais en dépit de la volonté politique affichée, de l’engagement financier et technique de l’Etat et des structures de développement régional, les problèmes d’approvisionnement en eau du milieu rural restent fortement actuels dans le nord ivoirien. Les besoins et les usages en eau, croissent au rythme de l’augmentation des populations et de leurs aspirations au bien-être social à un moment où font défaut la planification d’une stratégie de gestion des ressources hydriques. Or, s’il est généralement établi que l’accès équitable à l’eau nécessite des informations préalables sur les potentialités et les disponibilités du milieu, sa maîtrise et sa gestion avisée impliquent nécessairement des connaissances élaborées sur les besoins réels, les usages et les savoir-faire hérités.

4.3 UNIVERSITE DE LILLE 1 En accueil à l’Université de Lille 1, en qualité de Maître de Conférences invité d’octobre à décembre 2003, j’ai participé au cours de préparation au CAPES d’Histoire et Géographie. Mes enseignements ont porté sur les relations entre l’environnement et le développement en Afrique à partir de l’exemple de la Côte d’Ivoire. Ce cours se subdivise en deux parties. La première partie est relative à la question environnementale en milieu rural et la deuxième à la

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question environnemental en milieu urbain. En ce qui concerne la première partie du cours, il s’agissait de montrer que la Côte d’Ivoire indépendante en 1960 a choisi comme axe majeur pour son développement économique et social l’activité agricole. Cette priorité apparaît clairement dans les différents plans quinquennaux de 1960 à 1985 où l’agriculture est présentée comme le premier pilier du dispositif. Cette priorité se traduit également par la mise en place d’un nombre important d’institutions agricoles, agro-industrielles et de développement rural. Ces dispositions ont permis à la Côte d’Ivoire d’atteindre des performances agro-économiques inégalables en Afrique au sud du Sahara et d’occuper le 1er rang mondial des producteurs de cacao. Mais cette économie de plantation s’est développée au détriment de l’environnement forestier. En effet, avec des méthodes de cultures extensives sur brûlis, la mise en culture des espaces forestiers s’est fait de façon anarchique, alimenté par un fort courant migratoire en provenance des régions de savanes et des pays limitrophes. De sorte qu’on est passé entre 1960 et 1999 de 12 millions ha de forêt à moins d’1,5 millions ha Ce nouveau contexte provoque une modification des processus physique et biologique du milieu ainsi que ceux relatifs aux interactions surface/atmosphère. Les dysfonctionnements de l’environnement urbain se rapportent, quant à eux, entre autres problèmes environnementaux majeurs, à la question de l’assainissement urbain. En effet, lié à une croissance démographique et spatiale dépassant les moyens d’aménagement des réseaux d’assainissement, le réseau d’égout et le réseau de drainage ne couvre respectivement que 20% et 10% de la population. L’insuffisance de la collecte des déchets domestiques est également un des problèmes majeurs de l’environnement urbain en Côte d’Ivoire. A Abidjan, la production quotidienne d’ordures ménagères est évaluée à 2300 t, soit environ 1 kg /hab. / jour. La quantité collectée est faible et n’est pas allée en s’améliorant : 1380 t/jour en 1984, soit 60% alors qu’elle était de 77 % en 1984. Il reste donc plus de 900 t/jour de déchets non ramassés qui constituent des dépôts sauvages.

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5 ENCADREMENT DE LA RECHERCHE Depuis mon recrutement à l’IGT, en 1998, en qualité d’enseignant chercheur, j’ai eu l’opportunité d’encadrer techniquement deux (2) mémoires de DEA sous la responsabilité scientifique du Professeur HAUHOUOT et de M. KOLI BI. J’ai par ailleurs diriger dix (10) mémoires de Maîtrise. Certains de ces mémoires ont été co-dirigés avec M. KOLI BI responsable de notre Laboratoire (LAMINAT). J’ai également co-dirigé un (1) mémoire de DEA et deux (2) de Maîtrise dans le cadre des échanges entre étudiants prévus par les accords inter-universitaires qui lient l’Université de Cocody-Abidjan et l’Université de Lille1. J’assure l’encadrement technique d’une thèse sur la gestion sociale de l’eau dans les communautés agraires du nord de la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, je suis membre du comité de pilotage de deux (2) thèses sur l’étude de la dynamique des formations agro-forestières par télédétection.

5.1 THESE DE GEOGRAPHIE : Dabissi NOUFE (inscrit à l’Université Cocody, IGT) Sujet de la thèse : Ressources en eau et communautés rurales en Côte d’Ivoire septentrionale : étude de la variabilité des bilans de l’eau dans leurs relations avec la gestion des milieux agraires en zone de savanes ouest-africaines. Direction : Pr HAUHOUOT Asseypo (IGT, Cocody) Codirection : SERVAT Eric (IRD, Hydrosciences, Montpellier) Comité de pilotage et encadrement technique : BROU Yao Télesphore (IGT, Cocody) et Sylvain BIGOT (LGMA, USTL)

Noël VEI KPAN (inscrit à l’Université Cocody, IGT) Sujet de la thèse : Etude des changements environnementaux dans la région du bassin versant du lac de Taabo (centre-ouest de la Côte d’Ivoire) Direction : Pr Jean BIEMI (CURAT et Directeur de l’UFR Sciences de structure et de la Matière d’Abidjan-Cocody) Codirection : Pr Claude KERGOMARD (LGMA, USTL) et Claude NDOUME (Centre national de Cartographie et de Télédétection, Abidjan) Encadrement technique : Sylvain BIGOT (LGMA, USTL) et BROU Yao Télesphore (IGT, Cocody)

Johan OSZWALD (inscrit à l’USTL) Sujet de la thèse : Dynamique des formations agroforestières de la Côte d’Ivoire (1950-2002) : suivi par télédétection et définition de nouvelles conditions aux limites pour les modèles de prévision numérique du climat Direction : Pr Claude KERGOMARD (LGMA, USTL) Codirection : Sylvain BIGOT (LGMA, USTL) Codirection dans le cadre de l’AUF : BROU Yao Télesphore

5.2 DEA DE GEOGRAPHIE PHYSIQUE : Aristide OUSSEBANGA : Dynamique de l’occupation du sol et impacts sur les les ressources en eau dans la périphérie du Parc National de Taï (sud-ouest de la Côte d’Ivoire). Novembre, 2002 Université de Cocody-Abidjan, CURAT (Centre Universitaire de Recherche et d’Application en Télédétection), 82 pages.

OSZWALD Johan : Discrimination des écosystèmes forestiers et savanicoles dans le secteur de Daloa (Côte d’Ivoire) à partir de l’imagerie SPOT : évolution entre 1986 et 2001. Septembre 2002, UFR de Géographie, Université Lille1, 113 pages.

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KONAN Kouadio Eugène : Cartographie de l’occupation du sol en vue de l’estimation de la production de biomasse de quelques cultures. Juin, 2003, IGT, Université d’Abidjan-Cocody, 47 pages.

5.3 MAITRISE DE GEOGRAPHIE PHYSIQUE : SEA Tah : Récession pluviométrique et mutations socio-économiques dans le centre-est de la Côte d’Ivoire. Juillet 2004, IGT, Université Cocody-Abidjan, 123 pages. TRA BI Jean : Récession pluviométrique et mutations socio-économiques dans le nord de la Côte d’Ivoire. Février 2004, IGT, Université Cocody-Abidjan, 96 pages. DIOBO KPAKA Sabine: Récession pluviométrique et mutations socio-économiques dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Février 2003, IGT, Université Cocody-Abidjan, 102 pages.

Dabissi NOUFE : Etude de la pluviométrie dans l’agglomération Abidjanaise. Février 1999, IGT, Université Cocody-Abidjan, 143 pages.

Chantal OPOUYO : Analyse et cartographie des données climatiques dans l’est de la Côte d’Ivoire. Janvier 2002, IGT, Université Cocody-Abidjan, 95 pages.

SCHMITT Guillaume : Variabilité climatique (1951-1996) et impacts sur la végétation dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire. Juillet 2002, UFR de Géographie, Université Lille1, 120 pages.

CARPENTIER Adrien : Etude du parcellaire agro-forestier en Côte d’Ivoire à partir de l’imagerie SPOT : la région au sud-ouest de Gagnoa. Septembre 2002, UFR de Géographie, Université Lille1, 95 pages.

AMOIN Anné : Récession pluviométrique et mutations socio-économiques dans l’est de la Côte d’Ivoire. Avril 2001, IGT, Université Cocody-Abidjan, 123 pages.

Aristide OUSSEBANGA : Variabilité pluviométrique et incidences sur la production agricole dans le centre-ouest et le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Septembre 2000, IGT, Université Cocody-Abidjan, 90 pages.

Adoulaye DAO : Analyse et représentation des données de température et de pluviométrie dans la région de Korhogo de 1971 à 1995. Avril 1999, IGT, Université Cocody-Abidjan 88

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6 ACTIVITES INTERNATIONALES ET EXPERTISES SCIENTIFIQUES

6.1 ACTIVITES INTERNATIONALES

• Lille (2003) : enseignement de la climatologie en 2ème année de DEUG à l’UFR de Géographie et d’aménagement de l’USTL. En charge de former également la promotion d’étudiants de 4ème année préparant le CAPES (diplôme de professeur des écoles) sur une des trois questions de géographie traitant de l’Afrique (aspects environnementaux et économiques).

• Bénin (2003) : réunion de coordination du projet AUPELF « conséquences de la variabilité climatique sur la végétation de la Côte d’Ivoire et du Bénin » et mesures sur le terrain en vue de la validation d’analyse d’images satellites sur la végétation du Bénin du 7 au 17 février 2003. • Ouagadougou (2001) Réunion de coordination du thème « variabilité des ressources en eau » du groupe FRIEND AOC, 22-23 octobre 2001.

• Montpellier (2000 à 2003, 3 mois par an) : Accueil à la Maison des Sciences de l’Eau Montpellier, 3 mois par an de 2000 à 2003, dans le cadre de la préparation de mon HDR. Financement accordé par la DSF-IRD.

• Les Houches (1999) : atelier de réflexion sur le Couplage Atmosphère Tropicale et le Cycle Hydrologique (CATCH), 24-26 mars 1999, école de physique des Houches.

• Lille (2000) : accueil à l’UFR de Géographie et d’Aménagement de l’USTL du 14 septembre au 31 octobre 2000, thème du séjour : stratification saisonnière et cartographie fonctionnelle des écosystèmes forestiers ivoiriens à partir d’images NOAA.

6.2 EXPERTISES SCIENTIFIQUES

• Membre du comité de lecture du journal des Sciences Sociales de l’IRD Petit Bassam (Ccôte d’Ivoire). Directeur de publication Professeur Affou Yapi.

• Membre du comité de lecture de la revue scientifique du Laboratoire d'Etudes des Climats, des Ressources en Eau et de la Dynamique de l'Environnement (LECREDE) de l’Université de d’Abomey-Calavi (Benin). Directeur scientifique : Professeur Michel BOKO (LECREDE).

• Consultant principal pour la rédaction en 1999 du rapport national sur le bilan des activités en matière la lutte contre la désertification et l’atténuation des effets de la sécheresse en Côte d'Ivoire dans le cadre de la mise en application de la Convention des nations unies de lutte Contre la Désertification (CCD).

• Participation en 1998 à l’étude d’appui pour l’approche des communautés rurales dans le cadre du bilan-diagnostic de la politique forestière dans le cadre d’un projet du BNETD (Bureau Nationale d’Etude Technique et de Développement). L’objectif global de cette étude était de définir un cadre d’approche des représentants des communautés rurales sur les questions ayant trait à la mise en valeur des terres et à la gestion des ressources forestières.

Consultant en 1995 sur les travaux de recherche de la problématique du Nexus dans le cadre d’un projet de la Banque Mondiale. Notre contribution visait à montrer l'évolution conjointe (spatiale et temporelle) de la pluviométrie et des systèmes de culture café, cacao.

• Membre de l’Association des Géographes de Côte d’Ivoire (AGCI). A ce titre j’ai participé à l’organisation des 9ème journées Géographiques de Bouaké en novembre 1996 sur le thème « Région, régionalisation et développement ».

• Membre associé du Centre de Recherche en Ecologie (CRE) de l’Université d’Abobo-Adjamé (Côte d’Ivoire).

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6.3 VULGARISATION DE LA RECHERCHE

6.3.1 Campagne de sensibilisation Dans le cadre du comité IHDP-Côte D’Ivoire (International Human Dimension Programm on global environmental change), dont j’assure actuellement le secrétariat général adjoint, est pour moi une opportunité d’entreprendre des actions de sensibilisation sur les modifications environnementales et leurs effets sur la vie des hommes. Depuis l’installation du comité national en 2000 plusieurs rencontres avec les populations riveraines des forêts classées ont été organisées par le bureau pour aider à la prise de conscience du danger que pouvait représenter la déforestation totale de la Côte d’Ivoire et de l’intérêt du reboisement en tant que moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

1.3.1 Séminaire sur l’Agroforesterie Au titre de mes fonctions de Sous-Directeur de la lutte contre la Désertification au Ministère des Eaux et Forêts, j’ai participé activement à l’organisation d’un séminaire sur l’agroforesterie en tant que stratégie de sécurité alimentaire et de reforestation en milieu rural. J’ai également, au titre de ce même Ministère assuré les fonctions de point focal pour la Côte d’Ivoire de l’Année Internationale de la Montagne (AIM) sous les auspices de la FAO. Les Montagnes constituent d’importants réservoirs de ressources aussi précieuses que l’eau, l’énergie, la diversité biologique et représentent d’importants centres de culture et de détente. Dans le même temps, des pressions multiples que sont la mondialisation, le tourisme, l’urbanisation et l’activité agro-forestière menacent quotidiennement ces écosystèmes de Montagne déjà fragiles. Les conséquences de cette situation sont la dégradation de l’environnement montagnard et le déclin économique des communautés qui y vivent. C’est pour cette raison que la 53 ème session de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies tenue en novembre 1998 et la résolution A/RES/53/24 ont proclamé l’année 2002, Année Internationale de la Montagne.

6.3.2 Emissions télévisées J’ai participé à une émission de télévision (diffusé à plusieurs reprises sur la première chaîne ivoirienne) sur les changements climatiques en Côte d’Ivoire : mythe ou réalité. L’occasion m’a été ainsi donnée de faire la différence entre les changements climatiques (évolution du climat sur de très longues échelles de temps allant jusqu’aux ères géologiques) et la variabilité climatique qui se joue sur des échelles de temps beaucoup plus courtes et facilement perceptible au cours d’une vie. Il s’agissait également au cours de cette émission de montrer que même si les causes des modifications climatiques sont principalement d’origines naturelles, les facteurs anthropiques de grande ampleur à l’échelle de la planète et/ou à l’échelle locale peuvent renforcer les dysfonctionnements du climat. Enfin, les solutions proposées visaient à l’échelle locale de faire prendre conscience aux populations de la nécessité de restaurer l’équilibre des écosystèmes naturels par le reboisement et l’arrêt des défrichements anarchiques, de l’intensification de l’agriculture et de réduire toutes autres formes de pollutions notamment celles issues activités urbaines.

7. RESULTATS DE MES RECHERCHES Les acquis dans mes activités de recherche se répartissent en 18 articles publiés dans des revues avec comité de lecture ou des ouvrages collectifs, 18 communications orales à un colloque international et 7 rapports de recherche et d’expertise.

10 de ces documents font l’objet d’une partie (articles à l’appui de la note de synthèse) de ce rapport d’activité.

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7.1 REVUES AVEC COMITE DE LECTURE ET OUVRAGES COLLECTIFS

1. BROU Y. T , 2006 : Etat et dynamique du couvert végétal du littoral ivoirien. Cahiers Nantais, à paraître.

2. BROU Y. T., CHALEARD J. L., 2006: Visions paysannes et changements environnementaux en Côte d’Ivoire. Annale de Géographie, à paraître.

3. BROU Y. T, OSWALD Y., BIGOT, S., SERVAT E., 2005 : Risques de déforestation dans le domaine permanent de l’État en Côte d’Ivoire : quel avenir pour ses derniers massifs forestiers ? TELA2004004, Revue de télédétection de l’Agence Universitaire de la Francophonie, vol. 5, no 1-2-3, 2005, p 17-33.

4. BROU Y. T., AKINDES F., BIGOT S., 2005 : La variabilité climatique en Côte d’Ivoire : entre perceptions sociales et réponses agricoles. Cahiers Agricultures, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), vol. 14, n° 6, novembre-décembre 2005.

5. BIGOT S., BROU T. Y., OSZWALD Y., DIEDHIOU A. et HOUNDENOU C., 2005 : Facteurs d’explication de la variabilité pluviométrique en Côte d’Ivoire et relations avec certaines modifications environnementales, Sécheresse, Vol 16, n°1 P 5-13.

6. BROU Y. T., N’GORAN J., BIGOT S., SERVAT E., 2003 : Effect on Cocoa production of variations in rainfall in South-west Côte d’Ivoire. The 14th International Conference on Cocoa Research, Cocoa Producer’s Alliance, Accra (Ghana), article disponible sur : www.copal-cpa.org.

7. GOULA B. T., BROU Y. T., KONAN B., FADIKA V, SROHOROU B. 2004: Contribution a l'étude des maxima annuelles des pluies journalières de la Côte d'Ivoire : Nouvelle cartographie des pluies extrêmes journalières annuelles. Sécheresse, sous presse.

8. OSWALD Y., BIGOT S., BROU Y. T., 2003 : Evolution géo-historique de la forêt classée du Haut Sassandra (Côte d’Ivoire). XIIème Congrès Forestier Mondial de la FAO, Montréal (Canada), article disponible sur : www.fao.org/forestry.

9. BIGOT S., BROU Y. T., SZARZYNSKI J., KOLI B. Z., 2003 : Variabilité bioclimatique dans la région du Parc National de la Comoé (Côte d’Ivoire) : variations inter-annuelles et rythmes journaliers. Géotrope, EDUCI Côte d’Ivoire , sous presse.

10. OSWALD Y., BIGOT S. BROU Y. T et KERGOMARD C., 2003 : Dynamiques et représentations spatiales de la déforestation en Côte d’Ivoire : l’exemple de la forêt classée du Haut Sassandra (1986-2001). Photo-Interprétation, p 3-41.

11. BIGOT S., BROU T. Y., BONNARDOT V. et SERVAT E., 2002 : Stabilité inter-annuelle des précipitations en Côte d’Ivoire de 1950 à 1996. Publications de l’Association Internationale des Sciences Hydrologiques, N°274, 507-514.

12. BROU T. Y, 2001 : Etude du fonctionnement des écosystèmes naturels en Côte d’Ivoire : suivi du stress hydrique à partir des données NDVI et proposition d’aménagement, Géotrope, Presse Universitaire de Côte d’Ivoire (PUCI), n°1, pp 41-49.

13. BROU YAO T., SERVAT E., PATUREL J.E, 2000 : Evolution du couvert forestier ivoirien sur la période 1950-1990, en relation avec la variabilité du climat et les activités anthropiques in "Dynamique à long terme des écosystèmes forestiers tropicaux". ORSTOM-CNRS-UNESCO, programme ECOFIT, pp 57-61.

14. BROU T. Y., 1999 : Modification du régime des précipitations et risque de stress hydrique des formations végétales en zone de forêt dense humide ivoirienne. Cahiers Nantais n°51, pp105-115.

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15. BIGOT S., BROU T. Y., DIEDHIOU A. et LAGANIER R., 1999 : Détection des feux de végétation en Côte d'Ivoire à partir des données AVHRR et ATSR : relations avec le NDVI et les précipitations. Publications de l’Association Internationale de Climatologie (AIC), Vol. 12, 209-218.

16. BROU Y. T., 1999 : Evaluation des incidences de la variabilité climatique sur la végétation naturelle en zone de forêt dense humide, Publication de l’Association Internationale de Climatologie (AIC), volume 12, P. 273-280.

17. BROU T. Y., SERVAT E. et PATUREL J.E, 1998 : Contribution à l’analyse des inter-relations entre activités humaines et variabilité climatique : cas du sud forestier ivoirien, Académie des sciences / Elsevier, Paris, t.327, série II a, P. 833 à 838.

18. BROU YAO T., SERVAT E., PATUREL J.E., 1998 : Activités humaines et variabilité climatique: cas du sud forestier ivoirien. Water resources variability in Africa during the 20th century, Publications de l’IAHS n° 252 pp 365-372.

19. KOLI B. Z., BROU Y. T., 1996 : Le climat in : « Atlas de l’ouest de la Côte d’Ivoire », Institut de Géographie Tropicale, pp15-21.

7.2 COMMUNICATIONS ORALES DANS UN COLLOQUE INTERNATIONAL

1. BROU Y. T, 2006 : Climate, Socio-economic changes and landscapes in Côte d’Ivoire. British Council-Hydrosciences-Montpellier-UEA Norwich, Paris, 9-12 janvier 2006.

1. BROU Y. T, OSWALD Y., BIGOT, S., SERVAT E., 2004 : Modifications des conditions éco-climatiques et mobilité spatiale de la population rurale: quel avenir pour les derniers massifs forestiers ivoiriens ? Colloque Internationale du Réseau de télédétection de l’Agence Universitaire de la Francophonie, 24-29 Mai 2004, Ottawa (Canada).

2. BROU Y. T., AKINDES F., BIGOT S., 2004 : Récession pluviométrique et mutations socio-économiques en Côte d’Ivoire. XVIIème Colloque de l’Association Internationale de Climatologie, 7-10 Septembre 2004, Caen (France).

3. BIGOT S., BROU Y. T., DIEDHIOU A., KONARE A., ASSAMOI P. et OSWALD Y., 2004: Le suivi des variations climatiques et écologiques en Afrique de l’ouest : le rôle de la station de mesures de Lamto (Côte d’Ivoire). Actes du XVIIème Colloque de l’Association Internationale de Climatologie, 7-10 Septembre 2004, Caen (France).

4. OSWALD Y., BIGOT S., BROU Y. T., Kergomard C. et Servat., 2004 : Multiscale approach to the study of forest in Côte d’Ivoire with Spot Xi and Spot Vegetation, second VEGETATION. International Users Conference, Anvers (Belgique), 23-26 mars 2004, sous presse.

5. BIGOT S., OSZWALD Y., BROU T. Y., 2003 : Variations climatiques et changements d’occupation du sol en zone de forêt primaire : le cas de la forêt classée du Haut Sassandra (Côte d’Ivoire). XVIème Colloque de l’Association Internationale de Climatologie, Varsovie (Pologne), septembre 2003.

6. BROU Y. T., N’GORAN J., BIGOT S., SERVAT E., 2003 : Effect on Cocoa production of variations in rainfall in South-west Côte d’Ivoire. The 14th International Conference on Cocoa Research, Cocoa Producer’s Alliance, Accra (Ghana), 13-18 octobre 2003.

7. SZARZYNSKI J., HÖRSCH B., BROU Y. T., ANHUF D., 2003 : Climate variability and land cover dynamics in Côte d’Ivoire as crucial aspects for terrestrial biodiversity: methods and first results of an integrative monitoring approach. Programme BIOTA – West Africa, GTÖ – Rostock (Allemagne), 21 février 2003.

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8. BIGOT S., OSWALD Y., BROU Y. T., 2003 : Evolution géo-historique de la forêt classée du Haut Sassandra (Côte d’Ivoire). XIIème Congrès Forestier Mondial de la FAO, Montréal (Canada), 20-28 septembre 2003.

9. SZARZYNSKI, J, P.L.G. VLEK, N. V.D. GIESEN, BROU Y. T., M.-O. RÖDEL & D. ANHUF, 2003: Climate variability and land cover dynamics in Côte d'Ivoire: Crucial aspects for the regional hydrological cycle and biodiversity. – Methods and first results of the interactive. GLOWA Volta / BIOTA, West Africa monitoring approach, poster

10. BROU Y. T., ANE A., BIGOT S., SERVAT E., 2002 : Récession pluviométrique et mutations socio-économiques dans le Sud-Est de la Côte d'Ivoire. 5èmes Conf. inter-régionale sur l'environnement et l'eau "Envirowater 2002". Ouagadougou (Burkina-Faso), 5-8 novembre 2002, CD-Rom.

11. BIGOT S., BROU T. Y., BONNARDOT V. et SERVAT E., 2002 : Interannual stability of rainfall patterns in the Ivory Coast over the period 1950-1996. The 4th International Conference on FRIEND, UNESCO International Hydrology Programme flow Regimes from International Experimental and Network Data Bridging the gap between research and practice, Cape Town, South Africa, 18-22 mars 2002.

12. BIGOT S., BElTRANDO G., BROU Y. T. et SERVAT E., 2001 : The Atlantic SST Variability: regional impacts on rainfall and vegetation productivity in Ivory Coast (1950-1996). XXVIeme General Assembly Millennium Conference on Earth, Planetary and Solar Systems Sciences, European Geophysical Society, Nice, mars 2001.

13. BIGOT S., BElTRANDO G., BROU Y. T. et ARINO O., 2000 : Ocean-atmosphere variability in Atlantic Ocean and fires in Ivory Coast. XXVeme General Assembly Millennium Conference on Earth, Planetary and Solar Systems Sciences, European Geophysical Society, Nice, avril 2000.

14. BROU Y. T., 1999 : Evaluation des incidences de la variabilité climatique sur la végétation naturelle en zone de forêt dense humide. XIIème Colloque de l’Association Internationale de Climatologie (AIC), Dakar, novembre 1999.

15. BIGOT S., BROU YAO T., DIEDHIOU A., LAGANIER R., 1999 : Détection des feux de végétation en Côte d’Ivoire à partir des données AVHRR et ATSR : relations avec les NDVI et les précipitations. XIIème Colloque de l’Association Internationale de Climatologie (AIC), Dakar, novembre 1999.

16. BROU YAO T., SERVAT E., PATUREL J.E., FRITSCH J.M, 1997 : Analyse de la pluviométrie dans le sud forestier ivoirien durant la période 1950-1990 dans un contexte de variabilité climatique et en relation avec les activités anthropiques. The 3th International Conference on FRIEND, UNESCO International Hydrology Programme flow Regimes from International Experimental and Network Data Bridging the gap between research and practice poster, Postojna (Slovenie), october 1997.

17. BROU YAO T., SERVAT E., PATUREL J.E., 1997, Evolution du couvert forestier ivoirien sur la période 1950-1990, en relation avec la variabilité du climat et les activités anthropiques. 5th scientific Assembly of the International Association of hydrological Sciences, Symposium 1 (Poster) – Sustainability of water resources under increasing uncertainty, Rabat (Maroc), avril 1997.

18. BROU YAO T., SERVAT E., PATUREL J.E, 1997 : Evolution du couvert forestier ivoirien sur la période 1950-1990, en relation avec la variabilité du climat et les activités anthropiques. Symposium conjoint ORSTOM-CNRS (poster), programme ECOFIT. Paris (France), mars 1996.

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7.3 AUTRES PUBLICATIONS (RAPPORTS DE RECHERCHE ET D’EXPERTISE)

1. BROU Y. T., AKINDES F., BIGOT S, 2004 : Adaptation strategies of the local populations to mitigate the impacts of rainfall decline in Côte d’Ivoire. Newsletter (Update 02/2005) of the international Human Dimension Programm on Global Environnemental Change, P 12-17.

2. BROU Y. T. et BELIGNE V., , 1999 : Conditions climatiques et végétation naturelle. Participation personnelle : analyse des données climatiques et impact sur la végétation naturelle à partir des bilans hydriques. ECOSYN (thème général : flore et l’aménagement écologique des forêts denses humides), Université de Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire), Université de Wagueniguen (Allemagne) Rapport de projet, octobre 1998, Abidjan, Côte d’Ivoire, 55 p.

3. BROU Y. T., 1996 : Evolution de la pluviométrie dans le Centre-Ouest et le sud-ouest Ivoirien. Mémoire ORSTOM-GIDIS, Abidjan 1996, 51 p.

4. BROU Y. T., 1995 : Dégradation de la pluviosité et activités anthropiques. Banque Mondiale Rapport de projet, 1995, Abidjan, Côte d'Ivoire 8 p.

6. BROU YAO T., 2000 : Bilan des activités pour la lutte contre la désertification et les effets de la sécheresse en Côte d'Ivoire. Rapport National. Comité de coordination de la Convention des Nations Unies de lutte Contre la Désertification (CCD), Ministère de l’Environnement et de la Forêt, Abidjan (Côte d’Ivoire), 33 pages.

7. AKINDES F. BELIGNE V., BROU Y. T., BABO A., TOURE M., 1998 : Bilan-diagnostic de la politique forestière en Côte d’Ivoire. Participation personnelle : Analyse des modalités de gestion des forêts et des jachères dans les milieux ruraux de la zone forestière. BNETD, 42 P.

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ARTICLES A L’APPUI DU MEMOIRE DE SYNTHESE

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Articles à l’appui de la note de synthèse

Dans le cadre de nos travaux de recherche portant sur l’étude des relations dynamiques entre climat, mutations socio-économiques et paysage, une série d’articles ont été publiées. Dans ce volume nous en avons sélectionné une dizaine pour refléter l’amalgame des résultats de cette recherche. Les résultats s’organisent suivant trois axes de recherche correspondant à celles dégagées dans la note de synthèse. L’analyse de ces documents ne peut toutefois se faire que de façon transversale dans la mesure où les différents thèmes ci-dessous énumérés sont intimement liés. On pourra ainsi remarquer que certains travaux, bien que s’articulant autour d’un axe majeur, font allusion à l’ensemble de des thèmes traités.

1 Articles portant sur la variabilité climatique et la phénologie

BROU T. Y., 1999 : Modification du régime des précipitations et risque de stress hydrique des formations végétales en zone de forêt dense humide ivoirienne, Cahiers Nantais n°51, pp105-115. BROU T. Y, 2001 : Etude du fonctionnement des écosystèmes naturels en Côte d’Ivoire : suivi du stress hydrique à partir des données NDVI et proposition d’aménagement, Géotrope, Presse Universitaire de Côte d’Ivoire (PUCI), n°1, P. 41-49. BIGOT S., BROU T. Y., DIEDHIOU A. et LAGANIER R., 1999 : Détection des feux de végétation en Côte d'Ivoire à partir des données AVHRR et ATSR : relations avec le NDVI et les précipitations. Publications de l’Association Internationale de Climatologie, Vol. 12, 209-218 BIGOT S., BROU T. Y., BONNARDOT V. et SERVAT E., 2002 : Stabilité inter-annuelle des précipitations en Côte d’Ivoire de 1950 à 1996. Publications de l’Association Internationale des Sciences Hydrologiques, N°274, P. 507-514.

2. Articles portant sur la dynamique agro-démographique et l’amenuisement des ressources forestières dans un contexte de variabilité climatique BROU Y. T, OSWALD Y., BIGOT, S., SERVAT E., 2005 : Risques de déforestation dans le domaine permanent de l’État en Côte d’Ivoire : quel avenir pour ses derniers massifs forestiers ? TELA2004004, Revue de télédétection de l’Agence Universitaire de la Francophonie, vol. 5, no 1-2-3, 2005, P. 17-33. BROU T. Y., SERVAT E. et PATUREL J.E, 1998 : Contribution à l’analyse des inter-relations entre activités humaines et variabilité climatique : cas du sud forestier ivoirien, Académie des sciences / Elsevier, Paris, t.327, série II a, P..833 à 838. BROU YAO T., SERVAT E., PATUREL J.E, 2000 : Evolution du couvert forestier ivoirien sur la période 1950-1990, en relation avec la variabilité du climat et les activités anthropiques. Publications issues du symposium international "Dynamique à long terme des écosystèmes forestiers tropicaux" ORSTOM-CNRS-UNESCO, programme ECOFIT, P. 57-61. BIGOT S., BROU T. Y., OSZWALD Y., DIEDHIOU A. et HOUNDENOU C., 2005 : Facteurs d’explication de la variabilité pluviométrique en Côte d’Ivoire et relations avec certaines modifications environnementales, Sécheresse, Vol 16, n°1 P 5-13.

3. Articles portant sur les mutations socio-économiques et socio-culturelles dans le contexte actuel des modifications environnementales BROU Y. T., AKINDES F., BIGOT S., 2005 : Perceptions sociales et gestion communautaire de la variabilité climatique en Côte d’Ivoire. Cahiers Agricultures, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), vol. 14, n° 6, novembre-décembre 2005. BROU Y. T., CHALEARD J. L. : Représentations sociales, pratiques agricoles et dynamique de l’environnement rural en Côte d’Ivoire. Annale de Géographie, à paraître au 4ème trimestre 2005. BROU Y. T., AKINDES F., BIGOT S, 2004 : Adaptation strategies of the local populations to mitigate the impacts of rainfall decline in Côte d’Ivoire. Newsletter (Update 02/2005) of the international Human Dimension Programm on Global Environnemental Change, P 12-17.

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1- ARTICLES PORTANT SUR LA VARIABILITE CLIMATIQUE ET LA PHENOLOGIE Les travaux publiés dans cette sous thématiques ont pour objectif de mettre en évidence l’ évolution des bioclimats. L’analyse des données climatiques est basée à la fois sur des méthodes statistiques robustes (tests de détection de rupture, Singular Value Décomposite) et sur un ensemble de techniques d’interpolation. Les conclusions montrent que depuis plus de 25 ans, le contexte climatique de la Côte d’Ivoire s’est considérablement dégradé. L’étude des bilans hydriques et de l’évolution des précipitations font en effet apparaître une diminution significative des ressources en eau au cours de ces dernières années. A partir d’analyses multivariées, on a pu mettre en évidence certaines téléconnexions océano-atmosphériques qui influencent ces variations pluviométriques régionales. Celles-ci ont pour conséquence la réduction des apports continentaux en vapeur d’eau à l’atmosphère et contribuent ainsi à la diminution des quantités précipitées.

Ces travaux mettent aussi en évidences les incidences de la modification du régime climatique sur les couverts végétaux naturels et cultivés. De l’analyse des données de phénologie (dérivée des données de télédétection), il ressort que l’importante diminution des précipitations notées depuis ces trente dernières années fragilise les écosystèmes de forêt et de savane, en modifiant la sensibilité des feux, surtout à l’occasion des années anormalement sèches. La mise en relation des précipitations journalières avec la phénologie végétale étudiée grâce au NDVI (Indice de Végétation Normalisé) permet de préciser les variations spatio-temporelles de ces feux à l’échelle de la Côte d’Ivoire sur la période 1992-94. Les années exceptionnellement sèches sont marquées par de grands feux de brousses, des incendies de forêt et de plantations, accompagnés d’une baisse drastique des productions agricoles. Les courbes d’évolution indiquent quant à elle une dynamique pluriannuelle du cycle saisonnier des formations végétales. Les zones les plus touchées sont celles du nord et de l’est du pays. L’analyse de ces variables éco-climatiques met en exergue la nécessité de les prendre en compte dans l’aménagement des massifs forestiers existants. En effet, dans l’incertitude de l’évolution des climats, phénomène particulièrement aléatoire en ce qui concerne la pluviométrie, l’aménagement des forêts naturelles doit adopter des mesures conservatoires en rapport avec la fragilité relative des milieux, cet effort devant s’appuyer sur un suivi éco-climatique adapté à l’échelle régionale.

BROU T. Y., 1999 : Modification du régime des précipitations et risque de stress hydrique des formations végétales en zone de forêt dense humide ivoirienne, Cahiers Nantais n°51, pp105-115

BROU T. Y, 2001 : Etude du fonctionnement des écosystèmes naturels en Côte d’Ivoire : suivi du stress hydrique à partir des données NDVI et proposition d’aménagement, Géotrope, Presse Universitaire de Côte d’Ivoire (PUCI), n°1, P. 41-49.

BIGOT S., BROU T. Y., DIEDHIOU A. et LAGANIER R., 1999 : Détection des feux de végétation en Côte d'Ivoire à partir des données AVHRR et ATSR : relations avec le NDVI et les précipitations. Publications de l’Association Internationale de Climatologie, Vol. 12, 209-218

BIGOT S., BROU T. Y., BONNARDOT V. et SERVAT E., 2002 : Stabilité inter-annuelle des précipitations en Côte d’Ivoire de 1950 à 1996. Publications de l’Association Internationale des Sciences Hydrologiques, N°274, P. 507-514.

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FRIEND 2002—Regional Hydrology: Bridging the Gap between Research and Practice (Proceedings of the Fourth International FRIEND Conference held at Cape Town, South Africa, March 2002). IAHS Publ. no. 274, 2002.

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Stabilité interannuelle des précipitations en Côte d’Ivoire de 1950 à 1996 S. BIGOT Laboratoire de Géographie des Milieux Anthropisés (CNRS-FRE2170), Université des Sciences et Technologies de Lille, Avenue Paul Langevin, F-59655 Villeneuve d’Ascq, France e-mail: [email protected] T. BROU YAO Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody, 22 BP 744, Abidjan 22, Côte d’Ivoire V. BONNARDOT ARC-ISCW, Nietvoorbij Institute, Private Bag X5026, Stellenbosch 7599, Afrique du Sud E. SERVAT

Institut de Recherche pour le Développement, BP 5045, F-34032 Montpellier Cedex 1, France

Résumé A partir de l’analyse multivariée menée conjointement, grâce à une singular value decomposition, sur 42 séries pluviométriques de la Côte d’Ivoire et sur les champs thermiques de surface de l’océan Atlantique pour la période 1950–1996, trois modes couplés sont discriminés. A travers ces modes statistiques, analysés dans leurs modulations d’amplitude interannuelles, il est possible de mettre en évidence certaines téléconnexions océano-atmosphériques, impliquant à la fois la circulation méridienne atlantique mais aussi la circulation zonale forcée par le Pacifique, qui influencent les variations pluviométriques régionales de la Côte d’Ivoire. Mots clefs précipitations; Côte d’Ivoire; températures de surface océanique; océan Atlantique; singular value decomposition; variabilité spatio-temporelle Key words rainfall; Ivory Coast; sea surface temperature; Atlantic Ocean; singular value decomposition; spatio-temporal variability

INTRODUCTION Même si les répercussions de la baisse des apports pluviométriques à partir de la fin de la décennie 1960 sont moins sévères en Afrique guinéenne qu’en Afrique sahélienne, la maîtrise de la ressource en eau demeure pourtant régionalement un enjeu économique majeur (Servat et al., 1997). La vulnérabilité à l’échelle du continent africain (i.e. l’exposition environnementale et sociale) connaît une forte variabilité spatio-temporelle qui impose donc des études régionales plus précises. Ces résultats peuvent permettre de renseigner les modèles numériques régionaux emboîtés au sein des modèles de circulation générale pour améliorer les prévisions climatiques. A l’échelle de la Côte d’Ivoire, le fait climatique majeur est la baisse des précipitations très significative enregistrée depuis les années 1970, le déficit dépassant 21% en 1990 par rapport à la période 1951–1968, avec en outre une augmentation de la durée de la saison sèche (Servat et al., 1997). Régionalement, la disponibilité en eau dépend avant tout de la distribution quantitative des pluies, directement corrélée au transfert

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d’énergie via le processus d’évaporation à l’interface océan–atmosphère, la masse d’air océanique atlantique apportant en moyenne 1/3 des précipitations de la Côte d’Ivoire, contre 2/3 issus de l’évaporation propre au système forestier (Monteny, 1986). Mais les modifications des champs thermiques de surface de l’océan Atlantique perturbent, via la circulation générale, ces rétroactions terre–océan–atmosphère. L’objectif principal de cette étude est donc de quantifier régionalement grâce à une méthode d’analyse multivariée, la singular value decomposition (SVD), le poids statistique des variations thermiques atlantiques dans les changements pluviométriques enregistrés entre 1950 et 1996 en Côte d’Ivoire. LA RECHERCHE DE TELECONNEXIONS GRACE A LA SVD La singular value decomposition est utilisée afin de détecter d’éventuels modes couplés existant entre différentes composantes du système climatique. Cette méthode offre l’avantage de pouvoir comparer des champs climatiques en points de grille avec des données stationnelles, avec une grande facilité d’interprétation des résultats (Björnsson & Venegas, 1997). Comme l’analyse en composantes principales (ACP), la SVD repose sur la diagonalisation de matrices et la mise en évidence de combinaisons linéaires de variables. Cependant, dans ce cas, la recherche objective des composantes à partir des

Fig. 1 Pourcentage de données mensuelles manquantes sur la période 1950–1996 pour 42 stations pluviométriques ivoiriennes.

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deux matrices de covariance s’effectue de façon à retrouver les plus fortes liaisons statistiques entre les champs et à créer, par paires, des indices spatio-temporels objectifs mesurant la liaison entre les champs et expliquant une part de la covariance totale. La SVD suppose que les matrices initiales soient complètes, ce qui est rarement le cas des séries pluviométriques de la zone intertropicale. L’analyse doit donc en tenir compte dans les algorithmes de construction de la matrice de covariance. A cause du possible biais final introduit dans l’analyse, aucune interpolation des données pluviométriques n’a été menée dans ce travail, 10 stations sur 42 possédant plus de 5% de données manquantes sur la période 1950–1996 (Fig. 1). Une conséquence des données manquantes peut alors être un abaissement des corrélations entre les composantes principales, artefact dont il faudra tenir compte dans l’interprétation des résultats. Par ailleurs, les télé-connexions mises en évidence par la SVD peuvent être l’expression de seules relations statistiques, sans liaison physique connue, et sujettes à une interprétation subjective. Les données pluviométriques utilisées pour la SVD proviennent de la SODEXAM (Météorologie Nationale de Côte d’Ivoire) et du Laboratoire Hydrosciences de l’IRD. Le réseau se compose de 42 stations relativement bien réparties sur l’ensemble du territoire, sauf dans le nord-est (Fig. 1). Les stations de l’ouest du pays possèdent souvent plus de 5% de données manquantes sur la période 1950–1996. Les TSO mensuelles sont issues de la base de données globale Reconstructed Reynolds SST Data en points de grille réguliers 2°✕2°, fournie par le NOAA-CIRES Climate Diagnostics Center (Boulder, Colorado) pour la période 1950–1999. Seule la fenêtre 70°W–20°E / 35°S–25°N, correspondant au bassin atlantique intertropicale, est retenue pour le calcul de la SVD. Etant donné la différence de variance entre les deux champs analysés (avec une plus forte amplitude pour les données pluviométriques), la SVD utilise les champs normalisés. Les trois premiers modes de la SVD résument 81.5% de la covariance carré totale entre les précipitations et les températures de surface de l’océan (TSO) l’ACP (Tableau 1). Tableau 1 Part de covariance (en pourcentage) et corrélations linéaires R entre les deux séries de coefficients temporels pour chacun des quatre premiers modes d’une SVD effectuée entre le réseau pluviométrique de la Côte d’Ivoire (42 stations) et les températures de surface océanique de l’océan Atlantique (fenêtre 70°W–20°E/35°S–25°N) sur la période 1950–1996 (les coefficients de corrélation sont significatifs au seuil de 99%).

Modes Part de covariance (%) R 1 57.3 0.53 2 16.5 0.48 3 7.7 0.56 4 4.8 0.35

UN PREMIER MODE AFFECTANT L’ENSEMBLE DU PAYS Une baisse généralisée des précipitations ivoiriennes correspond à un réchauffement anormal des TSO de l’Atlantique sud-ouest alors que les TSO au large des Guyanes se refroidissent (Fig. 2). La corrélation est particulièrement significative en été sud-hémisphérique. Si la réponse pluviométrique est spatialement cohérente, son intensité diffère à l’échelle du pays. En fait, les précipitations en zone tropicale sont sujettes à des

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Fig. 2 Les trois premiers modes issus d’une analyse par singular value decomposition effectuée sur les précipitations mensuelles de la Côte d’Ivoire (42 stations) et les températures de surface de l’océan Atlantique (fenêtre 70°W–20°E/35°S–25°N) sur la période 1950–1996: en haut, les trois modes spatiaux des précipitations; au milieu, les trois modes spatiaux océaniques avec, en gris clair (en gris foncé) les valeurs négatives (positives); en bas, la comparaison des coefficients temporels pour les trois modes, avec le trait gras (le trait fin) qui indique les variations pluviométriques (les variations thermiques); les séries sont lissées grâce à une moyenne mobile utilisant une fenêtre de six mois; le coefficient de corrélation linéaire entre les coefficients temporels est indiqué en haut à droite pour chacun des modes.

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variations considérables sur de courtes distances, surtout dans les régions montagneuses ou côtières de la Côte d’Ivoire. En outre, les faibles valeurs de stations telles que Taï ou Guiglo peuvent être liées aux lacunes des mesures. Ce mode couplé est affecté par une tendance à la baisse très significative à partir de la fin des années 1970, confirmant la récession pluviométrique observée en Côte d’Ivoire à partir de cette période grâce à d’autres méthodes (Servat et al., 1997). Une étude des variations pluviométriques depuis le début du siècle à partir de longues séries démontre que les anomalies pluviométriques ne sont pas rares en Côte d’Ivoire, la région forestière ivoirienne ayant déjà enregistré des périodes de relative sécheresse (années 1920 et 1940). Cependant, en dehors des régions du sud (Soubré, Divo, Abidjan), les régions du nord (de Odienné à Ouangolo) sont aussi particulièrement touchées par la baisse récente et récurrente des précipitations. Afin de préciser l’étude spectrale conjointe de ce mode, une analyse par transformée en ondelettes est choisie pour sa capacité à extraire et localiser les modulations d’amplitude et de fréquences dans toutes les périodicités caractéristiques d’une série temporelle, notamment pour juger de la non-stationnarité climatique. Les modulations d’amplitudes dans la bande 2–10 ans suggèrent que la baisse des précipitations a en fait commencé dès le début des années 1960, soit plus de 10 ans avant la véritable tendance thermique observée dans l’Atlantique. En dehors d’un forçage d’origine océanique, il est probable que certaines activités humaines, particulièrement la surexploitation des zones forestières bordant l’océan Atlantique, ont contribué régionalement à la modification du cycle de l’eau. Ainsi, la modification des précipitations dès 1960 correspond, d’un point de vue chronologique, au début de la déforestation massive en Côte d’Ivoire observée vers 1958 (Chatelain, 1996). Après 1973–1975, l’Atlantique sud-ouest se réchauffe significativement alors que l’Atlantique nord-ouest se refroidit, produisant finalement un changement du gradient thermique saisonnier interhémisphérique (Bigot, 1997). La variabilité des TSO dans l’Atlantique sud-ouest, le long du continent sud-américain, pourrait être liée aux événe-ments pacifiques El Niño/oscillation australe (ENOA). En déplaçant les eaux de surface chaudes vers l’ouest, El Niño pacifique entraîne le déplacement des zones convectives et modifie la circulation atmosphérique et le régime des vents atlantiques. Wang (1995) indique que les phénomènes ENOA se modifient vers la fin des années 1970, en partie à cause d’un réchauffement global et en relation avec certains bouleversements du système couplé tropical océan–atmosphère. Ces changements pourraient être en partie à l’origine de la baisse des précipitations observée depuis 30 ans en Côte d’Ivoire. UN SECOND MODE OBSERVE EN COTE D’IVOIRE ENTRE 6°N ET 9°N Les résultats de la SVD indiquent qu’une part des variations pluviométriques du centre de la Côte d’Ivoire, entre environ 6°N et 9°N sur la période 1950–1996, est corrélée positivement aux changements des TSO équatoriales atlantiques alors que le nord du pays (de Odienné à Ouangolo) enregistre parallèlement une corrélation négative (Fig. 2). La liaison est particulièrement forte en juillet–août. Associé à l’upwelling équatorial, ce mode océanique est une composante importante de la variabilité atlantique qui se caractérise surtout par des variations de l’amplitude saisonnière, conformément aux résultats obtenus par Zebiak (1993). Un océan Atlantique équatorial

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et sud anormalement chaud impose une diminution de l’intensité de la circulation de Hadley sud, et une position plus méridionale de la zone de convergence intertropicale (ZCIT), l’ascendance se faisant au-dessus des eaux les plus chaudes, tout en déterminant les vents de surface qui convergent vers la ZCIT. Cela conduit à une diminution (augmentation) des précipitations au nord (au sud) d’environ 10°N (Janicot, 1992). L’apparition de TSO anormalement basses au niveau de l’équateur, jusqu’à proximité des côtes ivoiriennes, provoque la formation de nuages stratiformes relativement homogènes en zone littorale qui apportent bien certaines précipitations mais qui occultent surtout la végétation et ralentissent l’évapotranspiration, modifiant finalement le recyclage de l’eau et les bilans pluviométriques à l’intérieur du pays (Monteny, 1986). UN TROISIEME MODE TOUCHANT LE SUD-EST DE LA COTE D’IVOIRE La corrélation linéaire entre les deux chroniques issues de ce mode (R = 0.56) est supérieure à celle obtenue avec les deux premiers modes (R = 0.53 et R = 0.48), suggérant un meilleur couplage entre les variables climatiques, même si ce mode exprime une plus faible part de la covariance totale. L’augmentation (la diminution) des précipitations du sud-est de la Côte d’Ivoire (Abidjan/Lakota/M’bahiakro/ Agnibilekro) est liée à la baisse (la hausse) des TSO de l’Atlantique tropicale au nord (au sud) de l’équateur (Fig. 2). Ce dipôle atlantique, signal dominant de la variabilité des TSO régionales, est maintenant bien connu et identifié comme responsable d’importantes modifications des conditions pluviométriques en Afrique tropicale. Les différences thermiques interhémisphérique de l’Atlantique créent des gradients de pression de surface qui influencent la position de la ZCIT et des bandes nuageuses précipitantes associées. Ainsi, des TSO anormalement froides dans l’Atlantique sud correspondent à des alizés anormalement faibles dans l’Atlantique nord, et inverse-ment. Les variations basses fréquences d’ordre décennal (pic à 11.7 ans) dominent les fluctuations de ce mode atlantique, en relation avec les changements des alizés et la position de la ZCIT. La composante pluviométrique associée enregistre plutôt un pic proche de 19.6 ans, montrant que le seul dipôle atlantique n’est pas suffisant pour comprendre toutes les variations basses fréquences des précipitations ivoiriennes. Deux autres pics significatifs apparaissent sur chacun des spectres (2.1 et 4.1 ans). Les événements climatiques associés à la fréquence 4 ans, en relation avec des anomalies de position de la ZCIT, ont cependant une intensité plus faibles que les variations quasi-biennales qui découlent d’un véritable bouleversement de la circulation cellulaire tropicale. L’influence des variations de l’océan Pacifique restent cependant plutôt significatives sur la marge occidentale subtropical de l’Atlantique, ses effets demeurant faibles à l’échelle du golfe de Guinée (Bigot, 1997). CONCLUSIONS Ce travail confirme que l’étude des variations pluviométriques interannuelles de la Côte d’Ivoire doit s’envisager d’une part par la compréhension des gradients thermiques atlantiques, en relation avec des anomalies de la ZCIT, mais aussi d’autre

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Stabilité interannuelle des précipitations en Côte d’Ivoire de 1950 à 1996

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part en tenant compte de téléconnexions dépendantes des variations océano-atmosphériques d’échelle globale. Afin de mieux comprendre les processus et la dynamique océano-atmosphérique, ces résultats doivent maintenant être confrontés à d’autres paramètres climatiques dépendants de la circulation générale. Ces variations pluviométriques ont eu des conséquences multiples sur les bilans hydrologiques, les politiques de sécurité alimentaire ainsi que la gestion territoriale et environnementale de la Côte d’Ivoire, même si ces effets restent encore très difficilement quantifiables. Ainsi, certaines anomalies climatiques régionales, comme par exemple l’épisode sec enregistré surtout dans le sud de la Côte d’Ivoire en 1983, sont souvent un “accélérateur” de certaines évolutions sociales qui modifient les systèmes agraires et les circuits commerciaux agricoles à l’échelle nationale. La baisse des précipitations depuis plusieurs décennies en Côte d’Ivoire a participé à la diminution de la productivité du travail paysan en milieux péri-forestiers et savanicoles qui nécessite une forte disponibilité en eau atmosphérique et souterraine. Dans les années 1980, la progression d’un front pionnier agricole en zone forestière permettait alors de remédier à ce changement de rentabilité. Mais désormais, alors qu’une grande partie du potentiel forestier ivoirien a disparu, la modification des totaux pluviométriques, tant en valeurs absolues qu’en saisonnalité, associée à un système agricole destructeur, a remis en question le fonctionnement du système agraire ivoirien. Ainsi, l’appauvrissement des sols et le raccourcissement des cycles pluviométriques ont favorisé la diffusion de cultures vivrières ou de variétés de cycle court, comme le maïs, ou peu exigeantes, comme le manioc, qui sont peu valorisées commercialement (à l’inverse du système café–cacao) mais qui contribuent en revanche à renforcer la sécurité alimentaire des exploitations. En tenant compte de ces différentes variations climatiques d’échelle régionale, les décideurs doivent maintenant chercher à réduire la vulnérabilité de la société agricole (par exemple, choix des semences et des associations végétales, lutte contre les maladies phytosanitaires, fréquence et intensité des incendies) en planifiant mieux les prochaines activités humaines, sans nuire à l’économie ivoirienne longtemps considérée comme un modèle de développement en Afrique. REFERENCES Bigot, S. (1997) Les précipitations et la convection profonde en Afrique centrale: cycle saisonnier, variabilité interannuelle

et impact sur la végétation. Thèse de Doctorat, Université de Bourgogne, Dijon. Björnsson, H. & Venegas, S. A. (1997) A Manual for EOF and SVD analyses of Climatic Data. Tech. Report, Department

of Atmospheric and Oceanic Sciences and Centre for Climate and Global Change Research, McGill University. Chatelain, C. (1996) Forest history fragmentation in southern Côte d’Ivoire. Biodiversity and Conservation 5, 37–53. Janicot, S. (1992) Spatiotemporal variability of West-African rainfall. Part I: Regionalizations and typings. J. Clim. 5,

489–497. Monteny, B. (1986) Forêt équatoriale: relais de l’océan comme source de vapeur d’eau pour l’atmosphère. Veille

Climatique Satellitaire 12, 39–51. Servat, E., Paturel, J. E., Lubès-Niel, H., Kouamé, B. & Masson, J. M. (1997) Variabilité des régimes pluviométriques en

Afrique de l’Ouest et centrale non sahélienne. C. R. Acad. Sci. 324, 835–838. Wang, B. (1995) Interdecadal changes in El Niño onset in the last four decades. J. Clim. 8, 267–285. Zebiak, S. E. (1993) Air–sea interaction in the equatorial Atlantic region. J. Clim. 8, 1567–1586.

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2 ARTICLES PORTANT SUR LA DYNAMIQUE AGRO-DEMOGRAPHIQUE ET L’AMENUISEMENT DES RESSOURCES FORESTIERES DANS UN CONTEXTE DE VARIABILITE CLIMATIQUE

Dans ce sous-thème, les publications mettent en évidence l’évolution rapide du couvert forestier ivoirien lié aux dynamismes spatio-temporelle de l’économie de plantation. Ces travaux de recherche sont aussi orienté vers la recherche de risques de disparition presque totale des derniers massifs forestiers à cause de la trop forte pression anthropique. L’échelle d’analyse étant celle des terroirs et du parcellaire agricole, les données de télédétection à haute résolution spatiale sont privilégiées ici. Les résultas des analyses fondée sur l’utilisation de méthodes géostatistiques indique entre 1960 et 1999, la superficie totale des zones non exploitées est passée de 12 millions d’hectares à moins de 4 millions d’hectares. La forêt dense est ainsi remplacé par des plantations ou des cultures annuelles ou par des espèces de colonisation, soit par la mise à nu de sols dégradés. Les migrations de population des zones touchées par la baisse des précipitations accélèrent les pressions foncières vers les zones plus favorables à l’agriculture. A l’échelle des massifs forestiers, l’analyse diachronique des images SPOT et Landsat rendent compte de la poursuite du phénomène de la déforestation. Le couplage de la dynamique de l’occupation du sol avec les données d’évolutions de la populations agricoles a permis d’établir des niveaux de vulnérabilité des massifs forestiers face aux pressions foncières. Liés à nombres importants de localités riveraines et à un réseau de piste dense au voisinage, les forêts classées de l’ouest montagneux et du sud-est semblent être les plus exposé à une évolution rapide de leur surface. Le croisement des classifications avec des données anthropiques (c’est à dire cartes des pistes et des localités) a permis d’effectuer une prédiction de la déforestation de la forêt classée du Haut Sassandra pour 1986. L’analyse de l’occupation du sol de l’année 2001 a permis de confirmer les risques importants de déforestation évoqué pour l’année 1986. Les conséquences des changements des états de surface sur l’atmosphère sont également montré dans ces recherches. L’étude des modifications de l’albédo et du gradient pluviométrique apparaissent en effet comme lié à ces modifications des conditions de surface suite à la forte pression anthropique sur les espaces forestiers entre 1960 et 2000. Celles-ci ont pour conséquences la réduction des apports continentaux en vapeur d’eau à l’atmosphère et contribuent ainsi à la diminution des quantités précipitées.

BROU Y. T, OSWALD Y., BIGOT, S., SERVAT E., 2005 : Risques de déforestation dans le domaine permanent de l’État en Côte d’Ivoire : quel avenir pour ses derniers massifs forestiers ? TELA2004004, Revue de télédétection de l’Agence Universitaire de la Francophonie, vol. 5, no 1-2-3, 2005, P. 17-33.

BROU T. Y., SERVAT E. et PATUREL J.E, 1998 : Contribution à l’analyse des inter-relations entre activités humaines et variabilité climatique : cas du sud forestier ivoirien, Académie des sciences / Elsevier, Paris, t.327, série II a, P..833 à 838.

BROU YAO T., SERVAT E., PATUREL J.E, 2000 : Evolution du couvert forestier ivoirien sur la période 1950-1990, en relation avec la variabilité du climat et les activités anthropiques. Publications issues du symposium international "Dynamique à long terme des écosystèmes forestiers tropicaux" ORSTOM-CNRS-UNESCO, programme ECOFIT, P. 57-61.

BIGOT S., BROU T. Y., OSZWALD Y., DIEDHIOU A. et HOUNDENOU C., 2005 : Facteurs d’explication de la variabilité pluviométrique en Côte d’Ivoire et relations avec certaines modifications environnementales, Sécheresse, Vol 16, n°1 P 5-13.

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Télédétection, 2005, vol. 5, n°(1-2-3), p. 263–275 2005 CONTEMPORARY PUBLISHING INTERNATIONAL Droit de photocopie soumis à l’autorisation Publié sous l’enseigne Éditions scientifiques GB Imprimé en France

RISQUES DE DÉFORESTATION DANS LE DOMAINE PERMANENT DE L’ÉTAT EN CÔTE D’IVOIRE : QUEL AVENIR POUR CES DERNIERS MASSIFS FORESTIERS ? TÉLESPHORE BROU YAOa,1, JOHAN OSZWALDb,2 , SYLVAIN BIGOTb,3 et ÉRIC SERVATc,4 a Université de Cocody, Institut de géographie tropicale, 22, Boîte Postale 744, Abidjan 22. b Université des sciences et technologies de Lille, UFR de Géographie, Centre national de la Recherche Scientifique (CNRS) Unité Mixte de Recherche (UMR) 8141, 59655 Villeneuve d’Ascq, France, cedex. c Laboratoire HydroSciences, Centre national de le Recherche Scientifique (CNRS) Unité Mixte de Recherche (UMR) 5569, Institut de Recherche pour le Développement (IRD) Boîte Postale 64501, 34394 Montpellier, France, cedex 5.

Courriel (1,2,3,4) : [email protected] ; [email protected] ; [email protected] ; [email protected] (soumis : 26 janvier 2004 ; révisé : 20 mai 2004 ; accepté 17 juillet 2004)

L’un des faits marquant de l’histoire récente du peuplement de la Côte d’Ivoire est celui des migrations agricoles. Le mouvement des populations a toujours été favorisé par plusieurs causes dont le potentiel offert par le milieu d’accueil et la saturation des terres dans les régions d’origine. C’est surtout vers les espaces forestiers du sud du pays, considérés comme des terres à hauts rendements agricoles, que les migrants se dirigent en priorité. Afin d’identifier les régions très attractives de celles qui le sont peu, les données des recensements généraux de la population de 1988 et de 1998 sont analysées en rapport avec les données sur les réserves forestières qui leur sont contemporaines. Le niveau de pression foncière sur les massifs forestiers est ensuite évalué par différentes méthodes géostatistiques. Les résultats indiquent un nombre de localités de plus en plus important à l’approche des îlots forestiers. Le poids de la population (nombre d’habitants et taux d’accroissement) y est maximal. Les régions forestières les plus exposées aux défrichements sont ceux du sud-est et de l’ouest à cause de l’existence d’importants fronts pionniers aux limites des massifs forestiers. Cette situation ne concerne pas les parcs nationaux qui, contrairement aux forêts classées, bénéficient d’une protection intégrale de l’État. À l’échelle du massif forestier, l’étude de l’évolution de l’occupation du sol permet de comprendre la dynamique spatio-temporelle des relations entre forêt et agriculture. L’étude est basée sur une analyse diachronique d’images HRV de SPOT. Dans l’impossibilité de prendre en compte l’ensemble des 87 massifs forestiers du pays, l’étude porte sur la forêt classée du Haut-Sassandra qui est localisée à l’ouest du pays. La comparaison entre les images de 1986 et de 2001 permet de se rendre compte de la poursuite du phénomène de la déforestation avec, pour corollaire, l’augmentation des surfaces en forêt dégradée et en culture ou jachère. En outre, le croisement des classifications avec les données anthropiques (c'est-à-dire les cartes des pistes et des localités) permet d'effectuer une prédiction de la déforestation pour 1986. Ensuite, cette prédiction peut être confrontée avec les données de l'image de 2001 afin de juger de sa qualité. L’une des conséquences qui accompagne la raréfaction des réserves forestières est le blocage du système extensif de l’économie de plantation qui ne peut se développer que dans un environnement de forêt dense. Le passage de la culture extensive à la culture intensive apparaît aujourd’hui comme la seule voie pour maintenir le potentiel de production agricole du pays. Mots-clefs : Côte d’Ivoire ; prédiction ; déforestation ; SPOT ; Haut-Sassandra.

PREDICTING RISKS OF DEFORESTATION OF THE TROPICAL RAINFOREST OF CÔTE D’IVOIRE : WHAT WILL ARRIVED TO THIS LAST FORESTS ? A quite remarkable fact in recent history of population settlements in Côte d’Ivoire has been the southwestward migrations of people from regions which have exceeded their carrying capacities towards more fertile zones. The highly productive and pristine forests of the southern regions of the country are the promise land of the migrants. The objective of the present study was to determine the main poles of attraction in the host regions. The study area selected was the protected forest of Haut-Sassandra. By coupling 1988 and 1998 census data with vegetation maps derived from satellite (SPOT HRV) imagery, we were able to highlight human pressures on forest resources. Most settlements are located closes to the forest edges. Population size drastically decrease far away from the forest locations. The most threatened forests lie in the southwest and in the west, where cocoa and coffee are extensively being grown. Parks have been spared just because of governmental surveillance. Land cover change between 1986 and 2001 clearly points out the alarming rate of deforestation with its corollaries of fragmented forests and fallows. The current vegetation maps along with anthropogenic data (settlements, roads) has enabled us to predict future deforestation rates. The extensive nature of today’s agriculture is a major culprit to the observed deforestation rates. Only new fertile and dense forests can support a farming system with no inputs. Maintaining current levels of agricultural production will be a real challenge unless, the new agricultural policy leans towards an intensive agriculture. Keywords : Côte d’Ivoire ; prediction ; deforestation ; SPOT ; Haut-Sassandra.

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1. INTRODUCTION

L’évaluation des surfaces de forêt dense de la Côte d’Ivoire et de leur évolution met en évidence le phénomène de déforestation. De plus de 16 millions d’hectares, au début du siècle dernier, la superficie forestière de la zone dense humide (en grands massifs et en boisements diffus) est estimée à l’heure actuelle à moins de 4 millions d’hectares (Brou Yao et al., 1999 ; FAO, 1999 ; DCGTx, 1993). Dans Moron (1994), on a estimé ce taux de diminution à près de 90 %, classant la Côte d’Ivoire en tête des pays d’Afrique tropicale ayant connu la déforestation la plus importante. La déforestation est généralement le résultat des défrichements pratiqués par les paysans à des fins agricoles. Elle est également liée, mais pour une faible part, au développement des cultures agro-industrielles (Pomel et Salomon, 1998). La surexploi-tation d’une ressource naturelle comme la forêt par des comportements « prédateurs » a pour consé-quences les phénomènes d’appauvrissement, de fragilisation et de destruction des milieux et sociétés. D’un point de vue agro-économique, la disparition de l’écosystème forestier entraîne un blocage de nature structurelle du système agricole ivoirien. En effet, Léonard et Oszwald (1996), indiquent que l’épuise-ment des réserves forestières ne permet plus la reproduction de la société agraire par propagation des fronts pionniers. Celle-ci va devoir se faire dans un espace fermé, les paysans étant contraints de mettre en place des systèmes de production qui ne dépendent plus de l’existence d’un capital de « précédent-forêt », aussi bien en ce qui concerne les cultures vivrières que les cultures pérennes. Dans ce contexte de raréfaction des ressources forestières, le couplage des données agro-démogra-phiques avec des données de télédétection sur les réserves forestières permet d’appréhender les risques de disparition des derniers massifs fores-tiers. L’ampleur de ces risques est liée, entre autres, à l’implantation des localités, au poids de la population rurale en périphérie des îlots forestiers ainsi qu’aux aménagements et infrastructures. Évaluer les risques de déforestation revient à établir les niveaux de vulnérabilité des massifs forestiers face à la dynamique des populations rurales. Autre-ment dit, il s’agit d’émettre des hypothèses sur la stabilité et le devenir des massifs forestiers sous l’effet des facteurs de déforestation. Cette étude a été menée à deux niveaux. D’abord, une étude panoramique à partir du capteur Végé-tation de SPOT, présente la situation de l’ensemble des massifs forestiers ivoiriens (figure 1) et permet d’identifier, à l’échelle du pays, les régions susce-ptibles d’être les plus touchées par la déforestation.

Sur la figure 1, on localise les forêts classées ivoiriennes et on montre bien que les limites admi-nistratives de celles-ci coïncident rarement avec les limites des massifs forestiers. Dans certains cas, ces massifs ont été totalement remplacés par des cultures à but commercial (café, cacao, hévéa, palmier à huile, etc.). Pour mieux appréhender les dynamiques locales (difficilement perceptibles sur les images à basse résolution spatiale comme celles de Végétation de SPOT), une analyse fine est menée à l’échelle du massif forestier à partir d’images à haute résolution spatiale (HRV de SPOT). Le massif forestier choisi pour l’étude est celui du Haut-Sassandra (figure 1), une des dernières forêts denses ivoiriennes encore relativement intacte, mais qui connaît une forte dynamique de déforestation depuis le milieu des années 1980 (Parren and De Graaf, 1995).

2. DONNÉES ET MÉTHODES

Les données utilisées dans ce travail sont de deux types : des données de télédétection et des données démographiques. Les données de télédétection proviennent d’images à basse résolution (Végétation de SPOT) et d’images à haute résolution (HRV de SPOT). Avec un pixel de 1 km de résolution, l’image Végétation de SPOT, de la première décade du mois de janvier 1998, convient parfaitement aux études sur la végétation à l’échelle de l’ensemble du pays puisque les principales caractéristiques de ce capteur sont optimisées pour le suivi global de la végétation. La confrontation de cette image avec la carte des limites des massifs forestiers au 1/200 000, élaborée par le CCT (Centre de cartographie et de télédétection de Côte d’Ivoire) à partir d’images TM de Landsat de 1995 (cartes DCGTx/CCT, 1995) et actualisé par des campagnes de terrain, permet de valider l’interprétation. Pour une analyse plus fine de la dynamique végétale, c’est-à-dire à l’échelle du massif forestier, on a recourt à deux images HRV dont la résolution spatiale est de 20 m, soit celles du 30 mars 1986 (en mode XS) et du 30 janvier 2001 (en mode XI), de niveau 1A. Sur chacun des canaux des deux images utilisées des corrections atmosphériques ont été effectuées à l’aide du modèle 5S (Simulation du signal satellitaire dans le spectre solaire) mis au point par le LOA (Laboratoire d’optique atmosphérique) de l’Université de Lille 1 et le CNES (Centre national d’étude spatiale). Ce programme prédit le signal satellitaire entre 0,25 et 4,0 µ pour une atmosphère sans nuages. Les principaux effets atmosphériques (absorption par vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, l’oxygène et l’ozone, la diffusion par les molécules et les aérosols) sont pris en compte (Robin, 1998).

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RISQUES DE DÉFORESTATION EN CÔTE D’IVOIRE

Télédétection, vol.5, n° (1-2-3), p. 17–33 19

Rapide Grah

Scio

Seguela

Haute Dodo

Niegre

Goin-Debe

MabiCavally

Nonoua

Irobo

Bayota

Ira

Songan

Koba

Tene

Mopri

Duekoue

Yalo

Tos

Go

Sangoue

Ehania

NizoroYaya

Seguie

Tiapleu

Hein

Keregbo

Arrah

Brassue

Mafe

Agnibilekro

Mafere

Kavi

Marahoue Ebrinemou

Kouin

Goudi

Mando

Abeanou

Teke

Fresco

Boubo

Baya

Audoin

Bapleu

Sanainbo

Rasso

Parc nationalde la Marahoue

Parc nationaldu Mont Peko

Parcnationalde Tai

Parc Nationald'Asagny

Haut-Sassandra

Bossematie

LIBERIA

GHANA

Bloc agro-industrielCultureCulture / Forêt (à dominance culture)ForêtForêt / Culture (à dominance forêt)Inselberg / et ou sol nureboisementSavane herbeuse

80 0 80 160 Kilomètres

Source : DCGTx/ CCT , 1994 ( Bilan forestier)

N

FIGURE 1 Localisation des forêts classées et des parcs nationaux en Côte d’Ivoire et cartographie de l’occupation du sol de la forêt classée du Haut-Sassandra, établie à partir des relevés sur le terrain effectués par la SODEFOR en 1995. Localization of the classified forests and the national parks in Côte d'Ivoire and cartography of the land cover of the Forêt Classée of Haut-Sassandra, established by field work carried out by SODEFOR in 1995. On obtient au résultat des images corrigées partiellement des effets atmosphériques et aux réflectances égalisées permettant de comparer différents canaux de différentes dates. Les données démographiques proviennent des annuaires de statistiques de l’INS (Institut National des Statistiques de Côte d’Ivoire). Ces données portent sur le RGPH (Recensement général de la population et de l’habitat) de 1988 et 1998. Afin de faciliter le repérage et le croisement des données, celles-ci ont été géoréférencées dans un même système de projection. Dans ce travail nous avons utilisé la projection UTM (Mercator Trans-verse Universal). Les images à haute résolution spatiale ont été géoréférencées à l’aide de points de

contrôle localisés, d’une part, sur la carte forestière de la forêt classée du Haut-Sassandra de la SODEFOR (Société de Développement des Forêts) au 1/200 000 réalisée en 1995 et, d’autre part, mesurés sur le terrain au moyen d’un GPS (Oszwald et al., 2003). L’erreur quadratique moyenne est inférieure à 6 m. Le ré-échantillonnage de l’image a été réalisé à l’aide d'une fonction quadratique de type du plus proche voisin afin d’éviter d’introduire de nouvelles distorsions radiométriques. Afin d’aboutir à une cartographie thématique des états de surface des images HRV, une classification dirigée est faite à partir des trois canaux radiométriques de HRV (vert, rouge et proche infrarouge). La méthode retenue est celle de

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la classification par maximum de vraisemblance. Par la règle d’affectation de chaque pixel, cette méthode permet de réduire les risques d’erreur en utilisant au mieux les probabilités d’appartenance. L’appartenance d’un pixel à une classe est déterminée suivant la probabilité plus ou moins importante d’y être intégrée. La règle bayesienne permet d’affecter le pixel à la classe pour laquelle la probabilité d’appartenance est la plus forte. Il s'agit de la méthode jugée la plus performante par de nombreux auteurs dont Bonn et Rochon (1993). Les principaux thèmes cartographiés sont les suivants : – Forêt : sol occupé principalement par la forêt primaire ou secondaire ; – Forêt dégradée : sol occupé par la forêt à canopée discontinue avec présence de cultures, jachères, recrus sur jachère et culture sous forêt ; – Zone de cultures ou jachères ; – Cultures pures (rizières de bas-fonds, café/cacao, palmier, hévéa, manguier, citronnier, oranger) ; – Sol nu. Un moyen d’analyser la pression foncière des populations sur les massifs forestiers existants est d’étudier la distance entre les limites de ces derniers et les éléments qui peuvent être considérés a priori comme des facteurs qui causent ou contrôle la déforestation. Il s’agit de données environne-mentales (sols, altitudes, pentes, etc.) et socio-économiques (agglomérations, poids et taux d’accroi-ssement de la population, voies de communication, activités agricoles, etc.). Dans cet article, nous montrons l’influence négative de ces facteurs sur la forêt à travers l’exemple des relations entre celles-ci et les données socio-économiques. Pour y arriver, nous avons réalisé, à l’aide du SIG ArcView, des zones tampons (classes de distance) autour des différents îlots forestiers. Ces classes de distances sont par la suite intersectées avec la couche population. Cette opération permet de diviser l’espace d’étude en sous-régions équidistantes. Sur la figure 2, par exemple, on représente les zones d’influence autour des massifs forestiers. Les localités situées dans une même zone d’influence appartiennent au même rang de distance à la forêt. On peut ainsi faire une typologie des villages en fonction de leur proximité par rapport à la forêt, le but étant de voir l’attrait exercé par les massifs forestiers sur les populations rurales. De la même façon, en intersectant la couche des classes de distance autour des localités avec celle des réserves forestières, on pourra estimer l’évolution spatiale du taux de boisement à l’approche des terroirs villageois. Il sera ainsi possible d’établir des cartes de risque de déforestation liées à la proximité d’un foyer de peuplement ou d’un aménagement.

5000 0 5000 10000 Mètres

FIGURE 2 Zone d’égale distance des localités par rapport à la forêt. Area of even distance to the forests.

3. PRÉSENTATION DE LA ZONE D’ÉTUDE

La Côte d’Ivoire, fait partie des pays du golfe de Guinée. Elle s’étend sur une superficie de 322 463 km2. Ses frontières dessinent approximati-vement un carré s’inscrivant entre les coordonnées de 2°30 et 8°30 de longitude ouest, 4°30 et 10°30 de latitude nord avec, au sud, une façade littorale de 550 km (figure 3). Deux grands types de paysages végétaux se partagent le territoire ivoirien : un paysage forestier au sud et un paysage de savane au nord. Les forêts étudiées appartiennent au domaine guinéen, subdivisé en trois secteurs : ombrophile, mésophile et montagnard. Cette classification est basée aussi bien sur les formations prédominantes dans le paysage que sur leur dynamisme actuel. Les caractéristiques sont définies sur le tableau 1. L’extrême sud de la Côte d'Ivoire, où il pleut plus de 1 500 mm par an, est le domaine de la forêt ombrophile sur des sols ferralltiques fortement désaturés (Perraud, 1979). Elle est caractérisée par la présence de géants (Lophira alata et azobe) atteignant 50 m, de structures originales : contre-forts, racines palettes, racines échasses (Uapaca guinéensis), fût très droit des arbres de première et deuxième grandeur, cauliflorie. On y note également une abondance de lianes et d’épiphytes, ainsi qu’une rareté des herbes en sous-bois. Cette formation fermée entretient un microclimat chaud, humide et sombre. On distingue un type hyperombrophile, exigeant des sols finement texturés et doués d’une bonne capacité de rétention en eau, dans les régions climatiques les plus favorables, soit dans l’extrême sud-ouest avec plus de 1 800 mm de pluie et une saison sèche réduite.

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RISQUES DE DÉFORESTATION EN CÔTE D’IVOIRE

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FIGURE 3 Localisation de la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest. Localization of the Côte d’Ivoire in West Africa.

TABLEAU 1 Classification de la végétation de la Côte d’Ivoire. Vegetation classification scheme of Côte d’Ivoire.

Divisions phytogéographiques Types de couverts végétaux Secteur ombrophile Forêt dense humide sempervirente Secteur mésophile Forêt dense humide semi-décidue et savane guinéenne Secteur montagnard Forêt dense humide de montagne (d'après Guillaumet, 1979) En moyenne, en Côte d’Ivoire, la pluviométrie annuelle est comprise entre 1 200 et 1 500 mm. Les sols sont de type ferrallitique fortement désaturés sous pluviométrie atténuée et correspondent au domaine de la forêt mésophile. Les essences fores-tières rencontrées dans cette zone sont de type Triplochyton scleroxylon (Samba), Mansonia altissi-ma (bété), Celtis sp. Certaines essences qui y existent perdent leurs feuilles en saison sèche, chaque essence ayant un rythme spécifique. Le secteur montagnard, d’altitude supérieure à 1 000 m, se limite à la région ouest du pays. La strate supérieure de la forêt montagnarde est constituée essentiellement de Parinari excelsa et le sous-bois parfaitement dégagé abrite par endroit Cyathea manniana, grande fougère arborescente. Une prairie altimontaine couvre le sommet du mont Nimba. Ces milieux forestiers ont connu au cours des années 1960 à 1980, un boom cacaoyer qui a servi de moteur à l'ensemble de l'économie ivoirienne. Géné-ralement peu peuplés, parfois vides d'hommes à certains endroits au moment des indépendances, ces espaces forestiers ont été l'objet d'un vaste mouve-

ment de colonisation foncière. Cette situation est le fait de migrants venus des savanes ivoiriennes et des pays soudaniens limitrophes (Burkina Faso, Mali). Une économie agricole basée sur le café et le cacao, dont les succès se limitent aux gains de productivité offerts par le milieu forestier, s'est déployée. Pour contourner la tendance à la baisse de la productivité du travail liée au vieillissement des plantations, la société agraire s'est jusqu'à présent reproduite par le biais de la migration et le déplacement d'une partie de sa population sur la frontière agricole (Léonard et Oszwald, 1994). Cette dynamique agricole présente des risques pour la survie des derniers massifs forestiers du fait que l'agriculture de plantation se pratique sur les terres de forêts vierges, au détriment de la forêt elle-même. C'est une agriculture extensive, anarchique, peu rationnelle, qui compense ses faiblesses par la conquête permanente de terres nouvelles. Les migra-tions de population des zones touchées par la dégradation des sols et la baisse des précipitations accélèrent les pressions foncières vers les zones plus favorables à l’agriculture. À côté de l’agriculture de

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plantation (binôme café/cacao), les cultures agro-industrielles (Hévéa, palmier, ananas, etc.) et l’exploitation forestière contribuent, mais dans une moindre mesure, à l’évolution des surfaces fores-tières ivoiriennes. La mise en défense de ces massifs forestiers par l’État s’est faite suivant deux logiques. La première est celle des forêts classées qui, bien que protégées, répondait quelques fois à des besoins de production agro-forestière. En 1990, une évaluation faite par le DCGTx (Direction et Contrôle des Grands Travaux), des superficies agricoles installées dans le domaine forestier permanent de l’État (notamment dans les forêts classées) permettait d’identifier 150 000 ha de caféiers et près de 350 000 ha de cacaoyers. Ces chiffres correspondent, en 1990, respectivement à 15 % et 19 % du potentiel total de production des vergers (DCGTx, 1993). La deuxième logique de défense du milieu forestier, utilisé par l’État, est celle de la création des parcs nationaux. Ceux-ci bénéficient d’une protection intégrale, du fait qu’ils constituent des espaces de reproduction et des sanctuaires de biodiversité. Sont donc systématique-ment interdits, par la loi, les prélèvements de bois, d’animaux et les activités agricoles. C’est ainsi que, contrairement aux forêts classées, les parcs natio-naux ont subi très peu d’attaques. Cette politique de protection est matérialisée par la création de zones tampons ou d’espaces de sécurité autour des massifs forestiers

4. RELATION ENTRE MASSIFS FORESTIERS ET LES FACTEURS DÉMOGRAPHIQUES ET ENVIRONNEMENTAUX

Dans cette partie, nous analysons l’attractivité des massifs forestiers sur les populations rurales. Les

caractéristiques de la population rurale sont alors suivies dans la périphérie des îlots forestiers afin de mettre en évidence des variations spatiales dans la localisation et la densification des milieux forestiers.

4.1. Augmentation du nombre de localités et des densités rurales à l’approche des massifs forestiers La pression exercée par les populations sur les massifs forestiers est tout de suite perceptible par la distance entre ces derniers et les agglomérations rurales. Sur le tableau 2, on donne les caractéris-tiques des quatre types de localités périphériques correspondant aux distances étudiées (0-500 m, 500-1 000 m, 1 000-1 500 m et 1 500-2 000 m). Les chiffres indiquent qu’on rencontre un nombre plus important de localités dans les premiers 500 m des massifs forestiers. Le poids de la population y est également le plus important. Plus on s’éloigne de la forêt et plus le nombre d’habitants diminue. En effet, de 383 localités entre 0 et 500 m, on descend à 96 localités entre 1 500 et 2 000 m. On observe cette même logique au niveau de l’accroissement des populations riveraines des massifs forestiers. Ainsi, entre 1988 et 1998, c’est dans les premiers 500 m de la périphérie que la population a le plus augmentée. Il apparaît donc clairement que la proximité de la forêt est un facteur important dans la localisation de la population rurale. En 1998, sur les 6,5 millions de ruraux que comptait la Côte d’Ivoire, 1,5 millions (environ un sur quatre) habitaient à moins de 2 000 m des îlots forestiers, pour la plus part classés dans le domaine permanent de l’État.

TABLEAU 2 Typologie des localités en fonction de la distance par rapport aux limites des massifs forestiers. Relationship between population change and distance to forest between 1988 and 1998

Distance localité /massifs forestiers (m)

Nombre de localités

Population en 1988

Population en 1998

Taux d’accroissement (%)

500 383 814 092 1 207 091 32

1 000 111 118 799 158 532 25

1 500 118 130 918 180 919 28

2 000 96 96 869 128 962 25

Cumul 708 1 160 678 1 559 404 25

L’analyse des cartes de densités rurales établies à partir des données du RGPH des années 1988 et 1998 (figure 4) permet de mettre en évidence la pression exercée sur les derniers massifs forestiers.

Les calculs n’ont concerné que les zones couvertes par massifs forestiers du Haut-Sassandra et de la Bossematié (respectivement à l’ouest et l’est sur la figure 1) ainsi que de leurs espaces avoisinants. La

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RISQUES DE DÉFORESTATION EN CÔTE D’IVOIRE

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méthode consiste à extraire, pour chacune des fenêtres étudiées, l’ensemble des localités concer-nées. Sur la population des villes, nous avons appliqué le pourcentage de la population agricole indiqué dans les statistiques du RGPH. En considérant que, dans le sud de la Côte d’Ivoire, les terroirs des localités ont un rayon de 4 km en moyenne, une grille régulière correspondante a été établie. Les densités de population rurale sont alors

calculées pour chaque point de la grille à partir d’un cercle représentant la limite théorique des terroirs villageois. La méthode d’interpolation par krigeage est ensuite utilisée pour la construction de plage d’isodensité. Des cartes de densités de population des années 1988 et 1998 ont ainsi été établies pour les secteurs de Daloa (à l’ouest) et d’Abengourou (au sud-est).

Abengourou 1988 Abangourou 1998

Daloa 1988 Daloa 1998

ForêtClasséede la Bossematié

Forêt Classéede la Bossematié

ParcNationaldu Mont Péko

ForêtClasséedu Haut-Sassandra

Hab./km

ParcNationaldu Mont Péko

Forêt Classée du Haut-Sassandra

2

10000 0 10000 20000 mètres

FIGURE 4 Évolution des densités rurales autour des aires protégées dans l’est et l’ouest de la Côte d’Ivoire entre 1988 et 1998. Time evolution of the rural densities around protected areas in the East and the West of Côte d'Ivoire between 1988 and 1998.

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24 Télédétection, vol. 5, n° (1-2-3), p. 17–33

Les cartes de la figure 4 montrent une répartition inégale des densités de peuplement, quelle que soit la région considérée. Celles-ci vont de 0 à 240 hab./km2. Les valeurs les plus faibles sont rencontrées à l’intérieur des espaces protégés. Dans la région de Daloa, le Parc national du Mont Péko semble être mieux protégé que la forêt classée du Haut-Sassandra dont les limites sont peu nettes. On note même quelque tache de densité en son sein. Ces remarques sont tout aussi valables pour la forêt classée de Bossematié qui présente des limites diffuses à cause de l’émiettement d’une partie de sa surface, surtout sur les bordures, par des foyers de peuplement. C’est justement sur les bordures des forêts classées que l’on rencontre les plus fortes densités rurales. À Daloa, les densités rurales sont maximales autour de la forêt classée du Haut-Sassandra et du Parc national du Mont Péko. Il en va de même pour Abengourou, où les limites de la forêt classée de la Bossematié coïncident avec de fortes concentrations humaines. L’analyse diachro-nique met en évidence un renforcement des densités rurales entre 1988 et 1998, principalement à la lisière des massifs forestiers. Cette densification est nette vers l’ouest, tandis que vers l’est elle n’est marquée que sur la façade est. La présence de ces grands foyers de populations, essentiellement agricoles, dans la périphérie de ces forêts est un danger permanent pour leur conser-vation.

4.2. Régression du taux de boisement à l’approche des foyers de peuplement agricole En tenant compte de la localisation des agglomérations rurales, on peut établir une carte du risque d’exploitation des derniers massifs forestiers ivoiriens. Ce risque est d’autant plus important que la distance de la forêt par rapport à la localité est courte. Sur le tableau 3, on met en évidence l’influ-ence négative de la localisation de la population agricole sur les surfaces forestières. Pour chaque classe de distance, dans un rayon de 10 km, on a évalué la superficie forestière restante. TABLEAU 3 Relation entre la distance par rapport aux loca-lités et la déforestation. Relationships between the distance compared to the localities and deforestation.

Distance par rapport à la localité (km)

Superficie forestière (%)

0 à 2 9

2 à 4 11

4 à 6 13

6 à 8 14

8 à 10 16

Les valeurs les plus faibles se trouvent dans la périphérie immédiate des localités. À moins de 2 km des localités le taux boisement n’est que de 9 %. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre des localités, ce taux de boisement augmente progres-sivement, mais dans une faible proportion pour atteindre 16 % entre 8 et 10 km. Les valeurs obtenues dans cette dernière classe restent proches du taux de boisement actuel de la zone forestière. En effet, sur une superficie d’environ 12 millions d’hectares, la zone forestière ivoirienne ne compte plus aujourd’hui que 2,2 millions d’hectares, soit un taux d’occupation de 18 %. Le taux de boisement est encore plus faible autour des localités de plus de 3 000 habitants (tableau 4). En effet, ces grosses agg-lomérations agricoles conservent très peu d’espaces forestiers en périphérie. À la lisière (de 0 à 2 km) de ces agglomérations les espaces boisées ne repré-sentent que 4 % de la superficie des terres. Ce taux évolue très peu avec la distance, car entre 5 et 6 km il atteint à peine 7 %.

TABLEAU 4 Relation entre la distance par rapport aux localités de 3 000 à 6 000 habitants et la déforestation. Rel-ationships between the distance compared to the localities of 3 000 to 6 000 inhabitants and deforestation.

Distance par rapport à la localité (km) Superficie forestière (%)

0 à 2 4,0

2 à 4 5,0

4 à 6 6,6

6 à 8 9,0

8 à 10 10,7

4.3. Régression du taux de boisement à l’approche des voies de communication La méthode d’évaluation du taux de boisement dans la périphérie des voies de communication est réalisée, comme dans le cas des localités, par super-position du réseau des pistes sur la carte des réserves forestières. Un aperçu du couplage entre ces deux couches d’information sera donné dans les paragraphes qui suivent (section 5) Cette analyse est fondée sur le fait que, en plus du poids de la population, l’ouverture des routes constitue un des moteurs essentiels de la déforestation. En effet, c’est à partir des chemins et des pistes laissés par les exploitants forestiers, et plus généralement des routes de désenclavement, que les paysans s’introduisent dans la forêt en vue d’installer leurs plantations. Le passage d’une route à l’intérieur ou à proximité d’un massif forestier représente un risque pour sa survie. En effet, sur le tableau 5, on remarque que, sur une distance avoisinante de 8 km, il y a un plus faible taux de

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RISQUES DE DÉFORESTATION EN CÔTE D’IVOIRE

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boisement entre 0 et 2 km (12 %), l’éloignement des routes d’accès étant marqué par des taux de plus en plus important (plus de 17 % à partir de 6 km).

TABLEAU 5 Relation entre la distance par rapport aux voies de communication et la déforestation. Relationships between the distance compared to roads axes and deforestation.

Distance par rapport à une voie de communication (km)

Superficie forestière (%)

0 à 2 12,0

2 à 4 15,5

4 à 6 17,6

6 à 8 17,6

5. CARTOGRAPHIE DES RISQUES DE DÉFORESTATION LIÉS À LA PROXIMITÉ DES LOCALITÉS ET DES VOIES DE COMMUNICATION

En tenant compte de la localisation des agglomé-rations rurales et des voies de communication, on peut établir une carte du risque d’exploitation des derniers massifs forestiers. Ce risque est d’autant plus important que la distance de la forêt à la localité ou à la voie d’accès est courte. On a ainsi étudié les risques de déforestation liés à la distance par rapport à l’ensemble des agglomé-rations rurales, par rapport à celles dont les populations sont supérieures à 3 000 habitants et par rapport aux voies de communications (figure 5). D’abord, les zones à risques importants sont les massifs forestiers de l’ouest montagneux dont une partie importante se trouve à moins de 2 km des foyers de peuplement et des voies d’accès (figure 5). Cette situation touche également une grande partie des massifs forestiers du sud-est et du littoral. Liées à leur petite taille, certaines forêts présentent des risques de disparition presque totale, parce qu’entièrement inscrites dans l’aire d’influence immédiate des localités riveraines. Il s’agit de lambeaux de forêt dans le centre-ouest, des forêts classées du Nizoro dans le sud-ouest et de la Beki à l’est. La plupart des massifs forestiers du sud-ouest et du centre-ouest présentent des risques de défrichement moyen. Les parcs nationaux de Taï et du Mont Péko, ainsi que certaines forêts classées comme celle du Haut-Sassandra semblent être bien protégés, même s’il est à craindre des risques de grignotage sur les bordures. Ce grignotage apparaît souvent comme une première étape de l’infiltration clandestine. Sur certains massifs forestiers, les risques d’agression sont quasi nuls, aucune localité n’y étendant son aire d’influence (ou très faiblement dans quelques cas). Ces massifs sont, pour la plupart, situés à l’ouest (forêt classée du Goindébé,

du Cavally, parc de la Marahoué auxquels on peut ajouter la forêt classée de Mopri au sud. En ne considérant que les grandes agglomérations rurales (figure 6), c’est-à-dire celles ayant plus de 3 000 habitants, le risque déforestation devient peu important. L’aire d’influence immédiate de ces grands foyers de peuplement agricole s’étend cette fois que sur les bordures des massifs forestiers. Les secteurs les plus touchés sont toujours situés dans le sud-est et dans la région montagneuse de l’ouest. Les massifs forestiers de l’ouest restent très peu influencés par les terroirs des grosses localités, à l’exception des forêts classées de la Niégré de l’Okromodou. L’analyse de la carte des risques de déforestation liés aux chemins et aux pistes (figure 7) montre une situation d’incertitude beaucoup plus importante pour la plus part des massifs forestiers. Ceux-ci sont, dans l’ensemble, desservis par un réseau de chemins et de pistes relativement dense. Ces réseaux se trouvent, dans bien des cas, au cœur des massifs forestiers. Leur aire d’influence immédiate s’étend sur une grande partie des massifs forestiers, à l’exception des parcs nationaux de Taï, du Mont Péko, de la Marahoué et des forêts classées de Gouindebé et du Cavally. Les secteurs qui présentent le plus de dangers de déforestation sont, comme dans le cas de l’influence des agglomérations rurales, ceux de la région montagneuse de l’ouest, du sud-est, ainsi qu’une série de lambeaux de forêts localisés soit sur la côte, soit à l’est.

6. ANALYSE DU RISQUE DE DÉFORESTATION À L’ÉCHELLE DU MASSIF FORESTIER : EXEMPLE DE LA FORÊT CLASSÉE DU HAUT-SASSANDRA

En 1986, c’est sur les lambeaux de forêt localisés en dehors de la forêt classée que le risque de déforestation est le plus important (figure 8). En effet, ces espaces à boisement diffus du domaine rural sont entièrement sous le contrôle des communautés rurales parce que compris dans leur aire d’influence immédiate. Ce risque de défriche-ment est également perceptible sur les bordures de la forêt classée. Les secteurs les plus exposés sont les zones agricoles périphériques : l’enclave de Gbeubly au nord et celui du V12 au sud. En effet, autour de ces deux enclaves, très peu d’espace est susceptible d’échapper à l’emprise humaine, du fait de leur proximité avec les foyers de peuplement. L’analyse diachronique des images HRV de 1986 et de 2001 (figure 9) permet de confirmer ou d’infirmer les hypothèses sur le risque de déforestation dans la forêt classée du Haut-Sassandra et ses environs.

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26 Télédétection, vol. 5, n° (1-2-3), p. 17–33

8° 8°

7° 7°

6° 6°

5° 5°

8° 7° 6° 5° 4° 3°

Parcnationaldu Mont Sangbe

Haut SassandraParcnationalde la MarahouePN Mont Peko

V 12 Marahoue

Duekoue

BossematieIssiaGoin-Debe

Parc national de Tai

DivoNizoroLoviguie

Niegre Okromodou

Haute DodoFresco

Agnibilekro

Arrah

Beki

Adzope

Mabi

Davo

AgnebiTanoe

Ehania

N

100 0 100 200 Kilomètres

Forêts à plus de 10 km d'une localité

Forêts à moins de 10 km d'une localité

Forêts à moins de 8 km d'une localité

Forêts à moins de 6 km d'une localité

Forêts à moins de 4 km d'une localité

Forêts à moins de 2 km d'une localité

FIGURE 5 Risque de déforestation liée à la proximité des localités. Risk of deforestation related to the proximity of localities.

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RISQUES DE DÉFORESTATION EN CÔTE D’IVOIRE

Télédétection, vol.5, n° (1-2-3), p. 17–33 27

N

100 0 100 200 Kilomètres

8° 8°

7° 7°

6° 6°

5° 5°

8° 7° 6° 5° 4° 3°

Parcnationaldu Mont Sangbe

Haut SassandraParcnationalde la MarahouePN Mont Peko

V 12 Marahoue

DuekoueBossematieIssiaGoin-Debe

ParcnationaldeTai

DivoNizoroLoviguie

Niegre Okromodou

Haute DodoFresco

Tanoe

Ehania

Mabi

Beki

Arrah

Adzope

Agnibilekro

Davo

Agnebi

Forêts à plus de 10 km d'une localité de plus de 3 000 hab.

Forêts à moins de 10 km d'une localité de plus de 3 000 hab.

Forêts à moins de 8 km d'une localité de plus de 3 000 habForêts à moins de 6 km d'une localité de plus de 3 000 hab.Forêts à moins de 4 km d'une localité de plus de 3 000 hab.Forêts à moins de 2 km d'une localité de plus de 3 000 hab.

FIGURE 6 Risque de déforestation liée à la proximité des localités de plus de 3 000 habitants. Risk of deforestation related to the proximity of localities of more than 3 000 inhabitants.

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28 Télédétection, vol. 5, n° (1-2-3), p. 17–33

8° 8°

7° 7°

6° 6°

5° 5°

8° 7° 6° 5° 4° 3°

Agnibilekro

Arrah

Beki

Adzope

Mabi

Davo

AgnebiTanoe

Ehania

Parcnationaldu Mont Sangbe

Haut SassandraParcnationalde la MarahouePN Mont Peko

V 12Marahoue

DuekoueBossematieIssiaGoin-Debe

Parcnationalde Tai

DivoNizoroLoviguie

Niegre Okromodou

Haute DodoFresco

N

Forêts à plus de 8 km d'une voie d'accès

Forêts à moins de 8 km d'une voie d'accès

Forêts à moins de 6 km d'une voie d'accès

Forêts à moins de 4 km d'une voie d'accès

Forêts à moins de 2 km d'une voie d'accès

100 0 100 200 Kilomètres

FIGURE 7 Risque de déforestation liée à la proximité des voies d’accès. Risk of deforestation related to the proximity of the access roads.

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RISQUES DE DÉFORESTATION EN CÔTE D’IVOIRE

Télédétection, vol.5, n° (1-2-3), p. 17–33 29

V12

Gbeubly

PArcnationaldu Mont Péko

#

Kouibly

#

Zuenoula

Fleuve Sassandra

Fleuve SassandraForêts situées à plus de 4 km d'une localitéForêts situées à moins de 4 km d'une localitéForêts situées à moins de 3 km d'une localitéForêts situées à moins de 2 km d'une localitéForêts situées à moins de 1 km d'une localité Voies de communication

N

690000

690000

720000

720000

750000

750000

7500

00

750000

7800

00

780000

8100

00

810000

10000 0 10000 20000 Mètres

FIGURE 8 Risque de déforestation de la forêt classée du Haut-Sassandra lié à la présence de localités en 1986. Risk of forest loss of Haut-Sassandra reserve associated with the extence of localities in 1986.

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30 Télédétection, vol. 5, n° (1-2-3), p. 17–33

V12

Gbeubly

Parcnationaldu Mont Péko

#

Zuenoula

Fleuve Sa ssandra

690000

690000

720000

720000

750000

750000

7500

00

750000

7800

00

780000

8100

00

810000

N

10000 0 10000 20000 Mètres

Forêt restée forêtForêt devenue forêt dégradéeForêt devenue culture ou jachèreForêt devenue cultureForêt devenue sol nu ou habitatAutres types d'évolution

Feuve Sassandra

FIGURE 9 Évolution des espaces forestiers du Haut-Sassandra entre 1986 et 2001. Time evolution of forested areas in Haut-Sassandra region between 1986 and 2001.

Les risques de déforestation constatés, en 1986, sur les lambeaux de forêt aux alentours de la forêt classée se sont traduits, en 2001, par des change-ments importants dans l’occupation du sol. En effet, la plupart des espaces boisés hors forêt classée ont été systématiquement remplacés par des cultures ou

des forêts dégradées. En ce qui concerne les enclaves agricoles de Gbeubly et du V12, les évolutions surfa-ciques très significatives notées entre 1986 et 2001 confirment l’hypothèse de départ sur la dynamique locale. Effectivement, entre ces deux dates, on constate une nette dégradation de la couverture

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RISQUES DE DÉFORESTATION EN CÔTE D’IVOIRE

Télédétection, vol.5, n° (1-2-3), p. 17–33 31

forestière située à l’ouest et au sud de l’enclave de Gbeubly, ce qui correspond à un nouveau front de déforestation très actif. Cependant, les services de la SODEFOR restent vigilants pour prévenir toute tentative d’appropriation de parcelles forestières situées au sein de la forêt classée. Ainsi, certains agriculteurs de l’enclave ont dû être expulsés dans les années 1990, après la remise en culture d’anciens campements forestiers établis au sein de la forêt protégée. De nombreux émigrants se sont donc dirigés vers d’autres zones en conversion, notamment l’enclave V12, située au sud de la forêt classée du Haut-Sassandra. En 1986, le sud de cette enclave est déjà anthropisé par des populations nouvellement installées qui débutent une rapide déforestation de la zone au cours des années 1980 (SODEFOR, 1989). À l’ouest, aux abords du fleuve Sassandra, les parcelles attribuées depuis les années 1990 sont aujourd’hui devenues des exploitations commerciales dirigées par des allogènes (essentiellement les Baoulés). Malgré sa non attribution aux populations, le centre de l’enclave a également été colonisé dans les années 1990. À cause de la pression foncière et malgré les interdictions des instances officielles, cet espace a été, en une quinzaine d’années, complète-ment défriché et mis en culture, notamment avec des cultures pérennes à but commercial. Régionalement, les espaces forestiers ont donc enregistré une diminution de plus de 7 300 ha. En outre, le développement des parcelles de culture vivrière emprunte un modèle particulièrement diffusif, notamment le long du fleuve Sassandra, à l’ouest, et au sein même de la forêt classée, au nord-ouest et au sud-est. À cause de leur accessibilité très difficile, les zones soumises au risque de déforestation situées à l’ouest de la forêt classée n’ont pas été dégradées : le fleuve Sassandra est un obstacle physique qui permet de sauvegarder cette zone du défrichement. À l’est, même si les îlots forestiers encore visibles en 1986 ont complètement disparus dans les quinze dernières années, on ne constate pas d’extension de défrichement par effet de grignotage des espaces protégés. Les défrichements s’étendent parfois aux abords de la limite est de la forêt classée, mais le balisage rigoureux de la zone par les services de la SODEFOR contribue à contenir la pression exercée par les populations. L’analyse de l’évolution de l’occupation du sol dans la forêt classée du Haut-Sassandra et de ses environs confirme ainsi la plupart des prédictions qui ont été faites en ce qui concerne le risque de déforestation.

7. DISCUSSION ET CONCLUSION

L’analyse du risque de déforestation demeure intéressante à mener en ce sens qu’elle débouche sur l’établissement de cartes de vulnérabilité des massifs forestiers face à la pression anthropique. Il est alors possible d’identifier les milieux les plus sensibles afin de prévoir des activités d’aménagements forestiers spécifiques. Les possibilités offertes par les images satellitaires à haute résolution temporelle (comme Végétation de SPOT) permettront à l’avenir, par couplage avec les données démographiques et climatiques, de faire un suivi en temps réel des risques de disparition des massifs forestiers. Toutefois, la réalisation de ce genre d’étude se heurte encore à des difficultés majeures parmi lesquelles le faible accès aux données démographiques contemporaines aux ima-ges (un recensement tous les 10 ans) et la qualité des images de télédétection, surtout dans les régions côtières à cause de la nébulosité persistante. L’évaluation du risque de déforestation des massifs forestiers ivoiriens amène, en dernier essor, à s’interroger sur leur avenir. Un moyen d’apprécier l’incertitude du devenir des derniers grands massifs forestiers est d’estimer le niveau de « réserves » des terres par habitant (DCGTx, 1993). Ce niveau est défini comme le rapport des espaces forestiers non défrichés par rapport à l’effectif de la population rurale. En ne considérant que les populations vivant à la lisière des îlots forestiers, ce niveau de « réserve » forestière, est de 1,4 ha en 1998 contre 1,8 ha en 1988 (figure 10). Une valeur proche de « 0 » signifie une demande en terre suffisante pour détruire presque totalement les massifs forestiers, en sachant qu’au niveau national la superficie qu’il est nécessaire de cultiver pour nourrir une personne est de 0,5 ha (DCGTx, 1993 ; Koli, 1992). Ces réserves forestières auraient été suffisantes pour nourrir ces populations rurales riveraines si l’on était en situation de culture intensive. Or, dans un système traditionnel, comme c’est généralement le cas en Côte d’Ivoire, où presque aucun apport ne compense les ponctions, après abandon, une parcelle se régénère naturellement, mais lentement. Un long temps de jachère est nécessaire pour la reconsti-tution du potentiel agronomique. Dans la mesure où une parcelle reste en culture pendant en moyenne 4 ans, la durée du temps de mise en jachère est de 16 ans au minimum, soit un rapport de 1 à 4, c’est-à-dire que, pour 0,5 ha cultivé, il faut 2 ha en jachère.

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1988 1998 2008 2018 2028 2038 2048 2058

2,0

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FIGURE 10 Évolution théorique de la réserve des terres par habitant dans la périphérie des îlots forestiers. Predicted land area available per individual within the fragmented forest.

Dans l’hypothèse d’une appropriation effective des réserves forestières par les populations riveraines, le rapport champs/jachère serait de 1 à 2 en 1998, c’est-à-dire que, pour 4 années de culture, la jachère ne serait de plus de 8 ans. Avec la croissance rapide de la population dans la périphérie des îlots forestiers, ce temps de jachère devrait largement régresser d’année en année, conduisant à des risques d’épuise-ment irréversible des sols. Ces chiffres mettent en évidence le blocage du système agricole basé sur la conquête permanente de terres neuves. Actuellement, la mise en culture de toutes les réserves forestières ne suffirait pas pour combler les besoins des populations riveraines, qui se verraient obliger de pratiquer une agriculture très destructrice, laissant peu de temps de jachère au milieu (moins de 8 ans). Il devient donc illusoire de résoudre les problèmes de potentiel agricole, posés par les paysans aux autorités politiques, en terme de manque de terre, en procédant à des déclassements de forêts. Cela revient à dire que, dans les prochaines années, au niveau des cultures vivrières, on devrait viser l’adoption de méthodes semi-intensives sur des parcelles de 0,5 à 1 ha. La mise en œuvre de cette politique agricole nécessite toutefois, en l’absence d’association élevage/culture, l’utilisation massive d’intrants chimiques importés dont le coût reste onéreux. Il reste clair qu’entre l’itinérance des cultures extensives et la stabilisation des cultures, il devient plus rationnel de trouver des solutions économiquement faisables par les paysans et qui appellent de leur part une prise en charge et une

responsabilité dans la gestion de leur environ-nement. Remerciements Ce travail, qui est un extrait d’une série de résultats obtenu dans le cadre de la préparation d’une habilitation à diriger des recherches, a été entière-ment soutenu par l’IRD à travers Département Soutien et Formation des communautés scienti-fiques du sud et du Laboratoire Hydrosciences de Montpellier. L’aide appréciable de l’Agence universitaire de la Francophonie est également à mentionner, dans la mesure où un financement nous a été accordé pour faire l’exposé de cet article au cours des 10e Journées scientifiques du Réseau Télédétection de l’AUF à Ottawa. Références Avenard, J.-M., Girard, G, Sircoulon, J., Toucheboeuf, P.,

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Article de recherche

Facteurs de la variabilité pluviométriqueen Côte d’Ivoire et relations avec certainesmodifications environnementales

Sylvain Bigot1Télésphore Yao Brou2

Johan Oszwald1

Arona Diedhiou3,4

1 Laboratoire de géographie des milieuxanthropisés (CNRS UMR 8141),Université des sciences et technologies de Lille(USTL),Avenue Paul Langevin,59655 Villeneuve d’Ascq cedex,France<[email protected]>2 Institut de géographie tropicale,Département de géographie de l’université deCocody,22 BP 744,Abidjan 22,Côte d’Ivoire<[email protected]>3 Laboratoire d’étude des transferts enhydrologie et environnement (CNRS/IRDUMR 5564),Université Joseph Fourier,BP 53,38041 Grenoble cedex 9,France<[email protected]>4 Antenne Institut de recherche pour ledéveloppement (IRD),176,avenue Maradi,BP 11416,Niamey,Niger<[email protected]>

RésuméAu-delà de la tendance générale à la baisse observée au cours de la période1950-1996, l’analyse statistique des précipitations ivoiriennes révèle des différencesrégionales et saisonnières significatives dans l’intensité des anomalies pluvio-métriques. Des explications sont apportées grâce aux corrélations observées aveccertaines configurations des champs thermiques de l’océan Atlantique tropical.Ainsi, le changement de gradient thermique saisonnier interhémisphérique enregistréaprès 1973-1975 dans l’Atlantique est en partie corrélé à la baisse des précipita-tions observée depuis 30 ans en Côte d’Ivoire. Les variations thermiques de l’océanAtlantique équatorial et sud peuvent aussi imposer des variations pluviométriques enCôte d’Ivoire, même si d’autres forçages semblent également exister. Ces interactionsocéano-atmosphériques ont par ailleurs un impact notable sur la variabilité spatio-temporelle des incendies de végétation en Côte d’Ivoire, en influençant non seule-ment l’intensité saisonnière des incendies mais aussi leur apparition plus ou moinsprécoce au cours de la saison sèche. Mais toute tentative de compréhension desinteractions entre climat et végétation passe par une vision dynamique du couvertvégétal en tenant compte des modifications anthropogéniques, particulièrementdans les régions arborées de l’ouest du pays.

Mots clés : Pluviométrie, Sécheresse, Végétation, Environnement, Côte d’Ivoire.

AbstractFactors of rainfall variability in Côte d'Ivoire and relationships with some environmentalmodifications

Beyond the main negative trend observed during the period 1950-1996, thestatistical analysis of Ivorian rainfall shows regional and seasonal significant differen-ces in the intensity of rainfall anomalies. They seem to be linked to specificconfigurations of the tropical Atlantic Ocean thermal fields. Thus, the change of theseasonal interhemispheric thermal gradient recorded after 1973-1975 in the AtlanticOcean has been partly correlated with the fall of rainfall observed for 30 years inCôte d’Ivoire. The thermal variations of the Equatorial and Southern Atlantic Oceancan also impose rainfall variations in Côte d’Ivoire, even if other forcings also seem toexist. These oceano-atmospheric interactions have a notable impact on the space-time variability of the vegetation fires in Côte d’Ivoire, by influencing the seasonalintensity of the fires on the one hand as well as their more or less early appearanceduring the dry season on the other hand. But any attempt at understanding theinteractions between climate and vegetation must be based on a dynamic vision ofthe vegetation cover taking into account anthropogenic modifications, particularly inthe forested areas of the western part of the country.

Key words: Rainfall, Drought, Vegetation, Environment, Côte d’Ivoire.

Sécheresse 2005 ; 16 (1) : 5-13

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L a part exacte des téléconnexionsd’échelle quasi globales et des inter-actions océan-atmosphère plus

régionales dans la variabilité des précipi-tations africaines n’est pas encore détermi-née de manière quantitative. Les résultatsconvergent cependant vers deux idéesgénérales : i) certains modes dominant lavariabilité interannuelle des champsthermiques des océans sont fortement liésaux modifications du climat en Afrique [1,2] ; ii) les variations spatio-temporelles ducontexte environnemental terrestre modu-lent la mosaïque des climats régionaux,notamment au travers du cycle de l’eau etdes échanges avec la couverture végétale[3, 4]. Si le premier facteur d’origine océa-nique n’est pas directement influencé parl’homme, le second est au contraire aucœur d’interactions complexes qui asso-cient à la fois l’évolution de la végétationet le rôle des sociétés. Cependant, à causedu manque de travaux sur le changementdes états de surface, il est encore impos-sible de partir de l’observation pourl’étude des rétroactions continent-atmosphère à mésoéchelle (flux de chaleuret recyclage de l’eau notamment), et laplupart des résultats dans ce domaine pro-viennent donc de la modélisation numéri-que [5-7]. Finalement, faute de donnéesprécises provenant à la fois d’études géo-physiques et géohistoriques, la plupart desprévisions climatiques sur le domaine tro-pical utilisent des estimations biogéogra-phiques et bioclimatiques souvent très peufiables [8, 9].Localisée en bordure du golfe de Guinée,au sein d’interactions complexes du sys-tème terre-océan-atmosphère, et touchée àla fois par des modifications significativesde son climat (baisse des précipitations) etde ses états de surface forestiers (dégrada-tion et déforestation) au cours des 30 der-nières années, la Côte d’Ivoire est unexemple particulièrement représentatif decette nécessité d’une approche systémiqueintégrant une vision sociétale pour com-prendre, et éventuellement prévoir, lesvariations climatiques régionales.Ainsi, même si Chatelain [10] observe queles premières modifications des précipita-tions régionales correspondent chrono-logiquement au début de la déforestationmassive en Côte d’Ivoire à partir de 1958,il reste pour l’instant impossible de le véri-fier physiquement.Au-delà du bilan des principales varia-tions pluviométriques enregistrées en Côted’Ivoire depuis 1950, confrontées auxanomalies thermiques de l’Atlantique,l’objectif de cet article est aussi de replacerces variations interannuelles et saison-nières dans le contexte des relations avecles feux de végétation, principal instru-ment de l’agriculture sur brûlis. Un bilan

est ensuite dressé dans la région du Haut-Sassandra (Centre-ouest ivoirien) où leclimat a significativement évolué, mais oùle patrimoine forestier, pourtant en partieprotégé, a aussi été particulièrement tou-ché par la tendance à la conversion enzones agricoles.

Analyse régionale de la baissedes précipitations ivoiriennes

Plusieurs études des tendances pluvio-métriques régionales en Côte d’Ivoire ontdéjà été réalisées et concluent à unebaisse généralisée des précipitations pourl’ensemble des zones savanicoles et fores-tières, les zones côtières ayant été tou-chées dès le début des années 1970 [11].À partir d’un réseau plus complet compre-nant 42 séries pluviométriques sur lapériode 1950-1996, une analyse en com-posantes principales (ACP) effectuée surles données centrées précise plusieurspoints (figure 1a). Ainsi, si la diminutiongénérale des précipitations est sansconteste le fait statistique majeur de laclimatologie ivoirienne des trois derniè-res décennies, elle ne correspond qu’àenviron 38 % de la variance totale de lapluviométrie. Au-delà de cette évolutiongénérale, le comportement interannuelde l’espace littoral se distingue de celuides régions intérieures, les anomaliespluviométriques de la zone littoraleétant souvent moins intenses (exemplesdes épisodes anormalement humides aumilieu des années 1950, ou anormale-ment secs dans les années 1980). Celapeut être dû a priori à l’utilisation desvaleurs centrées qui donne plus de poidsaux stations littorales enregistrant lesplus forts écarts à la moyenne. Mais lesanalyses factorielles effectuées sur lesvaleurs centrées réduites indiquent enfait les mêmes résultats. Cela prolongeles résultats de Paturel et al. [12] quiavaient déjà observé que la baisse desprécipitations au cours des années 1980(entre 18 et 20 % du total annuel moyen)était surtout représentative des régionsnord et côtières des pays bordiers du golfede Guinée. La baisse des précipitations estsurtout sensible dans le sud-est du pays,même s’il est difficile d’établir une limiteprécise, étant donné l’anisotropie station-nelle et le manque de postes dans lesrégions septentrionales. La diminutionaffecte en fait aussi bien les régimes typi-quement bimodaux du sud du pays que lesrégimes unimodaux de la partie septen-trionale (figure 2).Alors que le domaine privilégiant théori-quement la couverture arborée sèche(< 1 300 mm/an) s’étend, le domainefavorable à la forêt tropicale humide

(> 1 300 mm/an) se rétracte, aussi biendans le sud que dans l’ouest du pays(figure 1b). À l’échelle de plusieurs décen-nies et en fonction de la modification deseuils écologiques, cela peut être la causefondamentale de changements phytogéo-graphiques majeurs, notamment le glisse-ment vers le sud de la mosaïque forêt-savane périforestière, conformément àl’idée très ancienne de « savanisation »du domaine semi-décidu [13, 14]. Maiscette vision strictement bioclimatique, lar-gement inspirée de la notion de « végéta-tion climacique » évoluant vers des formesaltérées, est complètement remise encause, tant sur le plan historique que surcelui de la prise en compte d’observationsbotaniques [9]. Face au poids des varia-tions climatiques en zone tropicalehumide, le rôle des sociétés reste souventprépondérant et explique une large partdes différenciations phytogéographiquesrégionales. En outre, l’étude des variationspluviométriques mensuelles récentesrévèle un certain nombre de particularis-mes régionaux, indiquant qu’il est difficiled’établir des conclusions valables pourl’ensemble du pays et tout au long del’année (figure 3). Plusieurs situationsapparaissent :– la baisse des précipitations est faible,sans configuration spatiale claire (janvier,février et mars) ;– la baisse des précipitations est surtoutcirconscrite à l’espace littoral (mai, juillet,novembre et décembre), au sud-est (avril)ou à l’ouest du pays (septembre) ;– les précipitations diminuent fortement etpratiquement dans l’ensemble du pays(juin et octobre) ;– les précipitations augmentent dans lesud et surtout l’ouest du pays (août).

Influence de la variabilité thermiqueatlantique sur les structurespluviométriques ivoiriennes

À partir d’une approche multivariée surune base saisonnière, Kouadio et al. [15]montrent qu’un refroidissement des tempé-ratures de surface de l’océan (TSO) dansle golfe de Guinée en mai, au début de lagrande saison des pluies, précède unehausse des précipitations sur le littoral ivoi-rien. Afin de mieux tenir compte des carac-téristiques régionales de ces éventuellescorrélations, la méthode de la SingularValue Decomposition (SVD) permet decomparer simultanément les champs ther-miques de surface de l’océan Atlantiquediscrétisés en points de grille de 2 °x 2 °(données NOAA-CIRES-CDC) et les don-nées pluviométriques stationnelles sur lapériode 1950-1996. Seuls les trois pre-

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miers modes de la SVD (81,5 % de lacovariance totale) peuvent être considéréscomme statistiquement significatifs au seuilde 95 %, d’après un test de Monte Carlofondé sur 10 000 simulations (figure 4).• Le premier mode (23,3 % de la variancedes précipitations) correspond à unebaisse généralisée des précipitations ivoi-riennes, parallèlement à un réchauffementanormal des TSO de l’Atlantique sud-ouestalors que les TSO au large des Guyanes serefroidissent, la relation étant particulière-ment significative en hiver nord-hémisphérique. Ce mode couplé expliqueune part importante de la tendance à labaisse des précipitations ivoiriennesobservée après 1970. Cependant, lechoix de la fenêtre géographique dansl’analyse factorielle influence la configura-tion de ce premier mode océanique atlan-tique, l’étude d’une fenêtre plus étendue

vers l’ouest et vers le nord modifiantl’aspect et la position du dipôle thermiqueocéanique normalement signalé plus àl’est [15].• Le second mode indique qu’une part desvariations pluviométriques du centre de laCôte d’Ivoire, entre environ 6° N et 9° N,particulièrement en juillet-août, est corré-lée positivement aux changements desTSO équatoriales atlantiques, alors que lenord du pays enregistre parallèlement unecorrélation négative. Au-delà du caractèretrès régional de cette relation, la faiblepart de variance des précipitations expli-quée par ce mode (5,5 %) provient ausside la baisse générale observée sur lepremier mode, tendance qui absorbe lamajeure partie du signal pluviométrique.• Le troisième mode suggère que l’aug-mentation des précipitations du sud-est dela Côte d’Ivoire est liée à la baisse des

TSO de l’Atlantique tropicale au nord del’équateur, et inversement. Mais la part devariance expliquée demeure égalementfaible pour les précipitations (3,5 %), indi-quant finalement l’existence d’autres for-çages potentiels, océaniques et/ou atmo-sphériques, des pluies ivoiriennes.Ces résultats statistiques confirment cepen-dant l’existence de relations significativesentre les anomalies thermiques de l’océanAtlantique tropical et certaines évolutionsinterannuelles régionales des précipita-tions ivoiriennes [16]. Ils montrent parexemple que le changement de gradientthermique saisonnier interhémisphériqueenregistré après 1973-1975 dans l’Atlan-tique (mode 1) pourrait être en partie cor-rélé à la baisse des précipitations obser-vée depuis 30 ans en Côte d’Ivoire. Lesmodes 2 et 3 correspondent respective-ment aux variations équatoriales atlanti-

11

10

9

8

7

6

5

a) b)Composante 1 : 22,7% de la variance totale

Composante 2 : 15,2% de la variance totale

Odienné Boundiali

Ouangolo

Korhogo

Tafiré

Niakaramadougou

Dabakala

Bouna

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9

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Bondoukou

Agnibilekro

Abengourou

BongouanouX

KatiolaMankonoSeguela

ToubaX

Bouaké X

M'bahiakro

DananéX

Divox

Cechi

Azaguié

Adiopodoumé

Abidjan

LaméAboisso

Adzopé

Lakota

OuméToulepleuGuiglo

Taï

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- 8

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(mm

)

52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 72Années

74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96

75

50

25

0

- 25

- 50

- 75

- 7 - 6 - 5 - 4 - 3

SassandraLégende

Non significatifà 99%

0,4 à 0,8

Grand Lahou

Soubré

Gagnoa

DaloaBouaflé

Dimbokro

Béoumi

Man

X

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2100

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19002000 2100

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1800

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1970-96

1950-69

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1700

1600

Figure 1. a) résultats spatio-temporels des deux premières composantes (CP1 en rouge et CP2 en bleu) issus d’une analyse en composantesprincipales (avec rotation Varimax) effectuée sur les valeurs centrées des précipitations ivoiriennes (42 stations) sur la période 1950-1996 (lesrésultats cartographiés correspondent aux coefficients de corrélation avec chacune des composantes) ; b) champs pluviométriques interpolés parkrigeage des totaux annuels moyens calculées sur la période 1950-1969 et 1970-1996 (l’isohyète 1 300 mm est indiqué en rouge et correspond à lalimite théorique de la forêt tropicale dense humide).

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ques de type El Ninõ et au dipôle méridienobservés par Servain et al. [17]. Ainsi,lorsque l’océan Atlantique équatorial etsud est anormalement chaud, cela imposeune diminution de l’intensité de la circula-tion de Hadley sud, et une position plusméridionale de la zone de convergenceintertropicale (ZCIT). Les ascendances seforment alors au-dessus des eaux les pluschaudes, tout en déterminant les vents desurface qui convergent vers la ZCIT. Celaconduit à une diminution (augmentation)des précipitations au nord (au sud) d’envi-ron 10° N, modifiant la nébulosité et lesconditions hydroclimatiques saisonnièresen Côte d’Ivoire, et donc, par consé-quence, le recyclage de l’eau et les bilansécologiques des différents milieux arbo-rées.

Cependant, malgré cette mise en évidencede téléconnexions océano-atmosphériquesà l’échelle du Bassin atlantique, il ne fautpas perdre de vue que seulement un tiersde la variance totale des précipitationsivoiriennes est expliqué par ces troismodes océaniques. Cela peut provenir dufait que la SVD est appliquée à une fenêtregéographique trop petite, ne tenant pascompte d’autres influences océaniquespotentielles. Mais pour une autre régiond’étude du golfe de Guinée (Cameroun etGabon), Camberlin et al. [18] montrentégalement qu’il est difficile d’isoler plus de40 % de la variance commune entre lesvariations des TSO globales et des précipi-tations africaines. Par ailleurs, plusieurstravaux récents indiquent que l’explicationliée au balancement anormal de la ZCIT,

en relation avec certains modes des TSO,n’est pas suffisante pour comprendrel’ensemble de la variabilité des précipita-tions en Afrique de l’Ouest, notamment saposition méridionale qui expliquerait lespériodes anormalement sèches [19].

Conséquences des variationsclimatiques sur la sensibilitéaux incendies de végétation

Si la distribution spatiale des feux restelargement dépendante des activitéshumaines, premier vecteur de déforesta-tion en zone tropicale, leur intensité estaussi largement fonction de la quantité de

Mali

Guinée

Burkina Faso

Ghana

Océan Atlantique

Libéria

Légende :

J FMAM J J A SOND

600 500 400 300 200 100

0

11

10

9

8

7

6

5

- 9 - 8 - 7 - 6 - 5 - 4 - 3

Figure 2. Carte synthétique représentant les régimes pluviométriques annuels moyens (1950-1996) de 42 stations ivoiriennes.

8 Sécheresse vol. 16, n° 1, mars 2005

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matières combustibles, donc du type devégétation mais aussi des conditions cli-matiques des mois antérieurs [20]. Ceparamètre devient donc une mesure indi-recte très efficace pour suivre les consé-quences d’anomalies climatiques océano-atmosphériques sur le substrat végétalcontinental. Même si certaines contraintesphysiques et techniques persistent (parasi-tage de la nébulosité, saturation des cap-teurs, dérive orbitale), la télédétection per-met d’établir des statistiques relativementfiables et représentatives de la répartitionet de la chronologie des incendies, en seservant notamment des canaux dans lagamme du thermique, du visible et duproche infrarouge [21]. C’est le cas desdonnées à basse résolution spatiale (c’est-à-dire proche de 1 km) utilisées dans cetravail et provenant des radiomètresde type AVHRR (Advanced Very HighResolution Radiometer) ou de type ATSR(Along-Track Scanning Radiometer), oùl’influence de la nébulosité en zone gui-

néenne a été éliminée statistiquement ainsique par contrôle visuel [22]. Afin d’identi-fier des réponses potentiellement très diffé-rentes pour les incendies en Côte d’Ivoire,le choix de la période d’étude est surtoutguidé par la recherche de conditionsocéano-atmosphériques variant fortementd’une année à l’autre - ce qu’il est possibled’observer entre 1992 et 1994, sur ladeuxième composante issue de la SVD(figure 5a).Alors que les TSO de l’Atlantique équato-riale sont anormalement froides, particu-lièrement de septembre à novembre1992, les précipitations du centre de laCôte d’Ivoire pendant cette seconde sai-son des pluies sont largement déficitaires.La situation thermique de l’Atlantique estcomplètement inversée un an plus tard(novembre-décembre 1993) et les pluiesivoiriennes sont alors proches de lanormale 1950-1996. Dans un mêmetemps, le nombre de feux de végétationrepérés par satellite à l’échelle nationale

varie de 60 % entre l’année anormale-ment sèche 1992-1993 (plus de 13 000feux détectés) et l’année plus humide1993-1994 (moins de 8 000 feux détec-tés). La zone d’incendies en Côte d’Ivoirese situe essentiellement au nord de la limite7-8° N, mais c’est sur cette frange quiconstitue la transition entre forêt dense etmilieux savanicoles arborés qu’onobserve les plus fortes densités de feux,entre janvier et mars (figures 5b et 5c).Cependant, il n’existe pas de continuitéspatiale des incendies, la répartition desfeux étant le résultat de la mosaïque phyto-géographique et donc des activités sylvo-culturales régionales. C’est particulière-ment le cas de la région de Daloa, dans leCentre-ouest du pays, au cœur des zonesde cultures de café-cacao et de forêtssemi-décidues. Les feux sont régionale-ment beaucoup plus nombreux en 1994qu’en 1993, à l’inverse du comportementobservé à l’échelle nationale, le pic sai-sonnier des incendies arrivant plutôt en

10

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- 8 - 7 - 6 - 5 - 4 - 3

janvier

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février

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mars

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avril

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mai

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juin

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juillet

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août

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septembre

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octobre

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- 8 - 7 - 6 - 5 - 4 - 3

novembre

10

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7

6

5

- 8 - 7 - 6 - 5 - 4 - 3

décembre

Légende (en mm)Hausse après 1970

Baisse après 1970

Non significatifau seuil de 99 %

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x x

xx

x

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x x

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x xx

x

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xx

x x x

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x x

xx x

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x

x x

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x

x

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x x

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x

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xx x

x

xx

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x x x

x

x

x xx

xx x

x

x- 50 à - 25 -25 à 0

0 à - 25 25 à 50

50 à 100

100 à 200

Figure 3. Variations des précipitations mensuelles en Côte d’Ivoire après 1970 (les différences sont calculées par rapport à l’écart entre les périodes1950-1969 et 1971-1996).Les changements indiqués sont significatifs selon un test en t de Student au seuil de 99 %.

Sécheresse vol. 16, n° 1, mars 2005 9

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9

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6

5

- 8 - 7 - 6 - 5

23,3% de la variance totale

5,5% de la variance totale

3,5% de la variance totale

- 4 - 3

25N

20N

15N

10N

5N

EQ

5S

10S

15S

20S

25S

30S

35S70W

Précipitations TSO R = 0,53

60W 50W

12,3% de la variance totale

40W 30W 20W 10W 0 10E 20E

Mode 1 : 57,3% dela covariance totale

Légende

- 0.5 à - 0.3

- 0.3 à - 0.2

- 0.2 à - 0.1

- 0.1 à - 0

0 à 0.1

0.1 à 0.2

0.2 à 0.3

0.3 à 0.5

50

Con

trib

utio

ns

52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 72Années

74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96

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- 2.5

- 5

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- 8 - 7 - 6 - 5 - 4 - 3

25N

20N

15N

10N

5N

EQ

5S

10S

15S

20S

25S

30S

35S70W

Précipitations TSO R = 0,48

60W 50W

18,8% de la variance totale

0.4

0.4

0.4

0.4

-0.4

-0.4

-0.4 -0.6

-0.6

00

0

00

-0

0.2

0.2

0.2

0.2

-0.2-0.2

-0.2

-0.2

0.2

-0.2

-0.2

0.40.4

0.4 0.4

0.60.4

0.2

0.20.2

0.2

0.2

40W 30W 20W 10W 0 10E 20E

Mode 2 : 16,5% dela covariance totale

Légende

- 0.5 à - 0.3

- 0.3 à - 0.2

- 0.2 à - 0.1

- 0.1 à - 0

0 à 0.1

0.1 à 0.2

0.2 à 0.3

0.3 à 0.5

50

Con

trib

utio

ns

52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 72Années

74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96

5

2.5

0

- 2.5

- 5

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6

5

- 8 - 7 - 6 - 5 - 4 - 3

25N

20N

15N

10N

5N

EQ

5S

10S

15S

20S

25S

30S

35S70W

Précipitations TSO R = 0,56

60W 50W

12,2% de la variance totale0.2

0.2

0.20.20.2

0.2

-0.2

-0.2-0.2

0

0 0

0

0

-0-0.4

-0.4-0.4

-0.4

-0.4

0.40.4

0.4

-0.5

40W 30W 20W 10W 0 10E 20E

Mode 3 : 7,7% dela covariance totale

Légende

- 0.5 à - 0.3

- 0.3 à - 0.2

- 0.2 à - 0.1

- 0.1 à - 0

0 à 0.1

0.1 à 0.2

0.2 à 0.3

0.3 à 0.5

50

Con

trib

utio

ns

52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 72Années

74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96

5

2.5

0

- 2.5

- 5

Figure 4. Résultats spatio-temporels des trois premiers modes issus d’une analyse par Singular Value Decomposition (SVD) calculée entre lesprécipitations ivoiriennes et les températures de surface de l’océan (TSO) Atlantique sur la période 1950-1996.

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février-mars qu’en janvier (figure 5b). Larégion de Béoumi, située au nord-est deDaloa en milieu savanicole, enregistre desconditions complètement différentes, avecnotamment un nombre total d’incendiesplus élevé et concentré sur janvier. Cetterégion a enregistré une augmentationimportante de ses surfaces forestières audétriment des zones de savanes au coursde la période 1950-1970 [23], biomassequi favorise les incendies contemporainsdans le contexte de la multiplication descultures sur brûlis.En outre, les modifications des paysagesforestiers liées soit au morcellement desforêts secondaires soit à leur remplace-ment par des plantations monospécifiques(de teks notamment) modifient la sensibi-lité du couvert arboré aux incendies.Ainsi, après une année particulièrementsèche, comme ce fut le cas en 1983 ou1988 (périodes pendant lesquelles de for-tes anomalies thermiques sont enregistréesdans l’Atlantique), les feux affectent, avec

des dégâts très importants, les grandesplantations forestières qui se situent préfé-rentiellement en zone de forêts semi-décidues. Plus graves en fait que cesannées exceptionnelles, des anomaliespluviométriques mineures peuvent néan-moins causer un changement du régimedes incendies, les conséquences de cesirrégularités temporelles devenant problé-matiques en zone de forêt semi-déciduefortement exploitée et morcelée, commeon peut l’observer dans la région deDaloa. Ainsi, alors que les feux précoces(exemple de janvier 1994), c’est-à-dire endébut de saison sèche, sont rarement àl’origine de dégâts importants parce quele taux d’humidité du sol et de l’atmo-sphère est encore élevé, les feux tardifs(exemple d’avril 1993), c’est-à-dire en finde saison sèche, intervenant dans uncontexte biophysique beaucoup plus sec,sont destructeurs d’espaces et difficilementcontrôlables. Leurs impacts écologiques etpédologiques deviennent surtout probléma-

tiques si les anomalies pluviométriquescorrélées aux variations de la saison desfeux sont récurrentes.

Évolution conjointe des étatsde surface forestiers à causede l’action anthropique

Le choix des échantillons spatiaux ana-lysés à partir de la télédétection et faisantparallèlement l’objet de missions de vali-dation sur le terrain est crucial, puisqueces quelques régions sont souvent censéesdevenir représentatives de la situationgénérale du pays, et même au-delà. Pource travail, le choix s’est arrêté sur la forêtclassée du Haut-Sassandra (102 400 hec-tares) parce que, située à environ 60 km àl’ouest de Daloa, cette forêt protégéedepuis 1926 représente, avec la Réservenationale de la forêt de Taï plus au sud(348 000 hectares), l’un des derniers

2

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Précipitations

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Nom

bre de feux Pre

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Feux 1993-9411

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Difference

Région deDaloa

Région deBéoumi

11

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N D J F M A M J

J A S O N D J F M A M J J1993 19941992

A S O N D J F M A M J

Daloa

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)

J A S O N D J F M A M J J1993 19941992

A S O N D J F M A M J

Béoumi Nom

bre de feux

Favo

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e à

1992

-93

Favo

rabl

e à

1993

-94

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0

Figure 5. a) variations des précipitations ivoiriennes (trait bleu) et des températures de surface de l’océan (TSO) Atlantique (trait noir) selon le secondmode factoriel calculé à partir d’une SVD (voir figure 4) et comparaison avec le nombre de feux détectés en Côte d’Ivoire (barres) sur la périodejuillet 1992 – juin 1994 ; b) totaux pluviométriques (barres) et nombre de feux (courbe) entre juillet 1992 et juin 1994 dans les régions de Daloa(graphique du haut) et de Béoumi (graphique du bas) ; c) comparaison entre le nombre de feux en Côte d’Ivoire pour les périodes 1992-1993 (àgauche) et 1993-1994 (au milieu), et différences entre les deux périodes (à droite) ; les deux zones d’étude spécifique (Daloa et Béoumi) sontindiquées en encadré sur cette figure.

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grands espaces contigus de forêt secon-daire très ancienne. Une étude diachroni-que réalisée à partir de l’imagerie SPOT(scènes SPOT-HRV du 30 mars 1986 et du30 janvier 2001) révèle de profondschangements d’occupation du sol à proxi-mité de la forêt classée, et aussi au seinmême de l’espace encore protégé(figure 6). La méthode de traitementrepose sur un inventaire phytogéo-graphique issu de classifications auto-matiques supervisées grâce à des mis-sions de validation effectuées en 2000et 2002 [24]. Les principaux résultatssont les suivants (figure 6) :– une grande partie de l’espace protégéde la forêt classée est dégradée et morce-lée par le biais de l’installation de campe-ments agricoles illégaux, le rôle des axesde pénétration étant déterminant ;– les modifications les plus importantes ontlieu dans les régions forestières déclasséespendant les années 1970 et 1980 pourfaire face à l’afflux de populations agrico-les (enclave de Gbeubly au nord et du V12au sud) ;– les mutations biogéographiques enregis-trées au sein de l’enclave de Gbeubly sontcertes rapides et intenses (perte de plus de51 % de la forêt dense), mais toutefois

circonscrites aux limites légales, avec peud’atteintes périphériques en milieu fores-tier protégé et une stabilisation de lamosaïque forêt-cultures ;– malgré les prévisions et certaines interdic-tions officielles, l’enclave du V12 a ététotalement déforestée en moins de 20 ans,surtout au profit de cultures pérennes à butcommercial (café/cacao), les seules reli-ques forestières se situant sur des solsrocheux où la mise en culture est difficile etpeu rentable. Cette évolution se poursuitactuellement sur les espaces limitrophes,au-delà des limites de la zone déclassée, ense servant par exemple du fleuve Sassandracomme axe de diffusion.Ces résultats confirment donc que la cartephytogéographique de la Côte d’Ivoireenregistre de profondes modifications surde très courtes périodes, à la suite decelles qui ont débuté dans les années1940 à cause de la promotion des culturesde café et de cacao par les autoritésnationales, et surtout après le programmegouvernemental lancé en 1965 pourencourager le développement des culturesde rente en zone forestière. À l’échelle del’ensemble de la forêt tropicale humideguinéenne, ces changements enregistrésau niveau des strates aériennes signifient

de profondes modifications biophysiques(évapotranspiration, rugosité, albédo)mais aussi la transformation des stratessouterraines (structure des sols, fonctionne-ment hydrique, système racinaire). Pour-tant, malgré l’importance des mutationspaysagères observées régionalement,notamment au niveau de la couverturearborée supposée protégée, plusieurspoints doivent être rappelés afin deminimiser leur impact sur d’éventuellesvariations hydroclimatiques induites etsurtout dans une perspective de prévisionclimatique.Ainsi, les changements d’états de surfacetropicaux sont trop souvent perçus commeune simple conversion permanente entredeux types de couverts, les analyses résu-mant les changements forestiers à uneapproche binaire qui oppose déforesta-tion à non-déforestation, zone de forêt àzone de savane. En fait, il faut plutôtconsidérer ces variations comme ayantlieu au sein de systèmes spatio-temporelscomplexes et dynamiques formant desmosaïques de paysages et des associa-tions de types de couverts, avec desséquences temporelles successives, soitlinéaires soit cycliques, et aussi souventréversibles [25]. Les résultats très ponc-

b) Evolution de l'occupation du sol dans l'enclave V12

Mars 1986 Janvier 2001

a) Forêt Classéedu Haut-Sassandra

Forêt dense fermée

Fle

uve

Sas

sand

ra

Forêt dense ouverte

Forêt dégradée

Forêt de bas-fond

Inselberg

Réseau de pistes

Cultures

Jachères

Mosaïques forêts/cultures

Villages et campements

0 3km

enclave V12(zone forestière

déclassée)

Forêts (densité < 60 %) Complexes culturaux

Zones de cultures de café-cacao

Jachères et friches

Zones marécageuses

Forêts (densité > 60 %)

Habitat

Sols nus

Réseau hydrographique

Daloa

Forêt Classéedu Haut-Sassandra

Bouaflé

BéoumiSeguela

Man

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N

Figure 6. a) cartographie de l’occupation du sol de la forêt classée du Haut-Sassandra en 1995 effectuée à partir des relevés de terrain fournis par laSODEFOR ; b) évolution diachronique de l’enclave agricole V12 (sud-ouest de la forêt classée du Haut-Sassandra) analysée à partir de l’imagerieSPOT (résultats de classifications automatiques supervisées calculées sur les scènes du 1 mars 1986 et 30 janvier 2001).

12 Sécheresse vol. 16, n° 1, mars 2005

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tuels observés à l’échelle de la seule forêtclassée du Haut-Sassandra confirmentaussi le fait que la déforestation est sou-vent évoquée de manière trop simplisteavec des généralisations abusives. Eneffet, alors que les facteurs floristiques,anthropogéniques et climatiques sontpourtant potentiellement identiques à labase, les deux enclaves agricoles déclas-sées n’empruntent pas véritablement lemême parcours paysager. Cela rejoint enpartie les conclusions obtenues parFairhead et Leach [9] à l’échelle de l’Afri-que forestière occidentale qui indiquentque l’étude des changements des états desurface forestiers en Afrique partd’a priori inexacts, contredisant quelque-fois carrément la réalité historique environ-nementale, en sous-estimant les variationspropres aux choix des sociétés agrofores-tières.

ConclusionLes variations pluviométriques en Côted’Ivoire semblent donc plus complexesqu’une simple diminution depuis la fin desannées 1970, l’influence certes impor-tante des variations thermiques atlantiquesne pouvant par ailleurs pas tout expliquer.L’étude de l’influence des variations pluvio-métriques sur la cinématique des incen-dies de végétation reste également compli-quée, notamment dans le cas de milieuxpériforestiers soumis à une forte anthropi-sation. Même si les variations pluvio-métriques modifient considérablement àcourt et moyen terme l’histoire et la réparti-tion des agrosystèmes en zones de sava-nes sèches et de savanes humides, l’évolu-tion repose avant tout sur des choix desociété et les comportements agricoles.Finalement, même s’il semble bien quel’Afrique sera l’un des continents les plustouchés en termes d’agriculture dans laperspective d’un changement futur du cli-mat [8], force est de constater que denombreuses inconnues demeurent encoredans l’étude des relations entre climat etvégétation en zone guinéenne. La commu-nauté des climatologues utilise encore tropsouvent certaines données biogéographi-ques « moyennes » sans en connaître leslimites, l’origine exacte et la significationprécise pour établir des diagnostics etprévisions climatiques ou bioclimatiques àmoyen et long terme. Seuls les travauxfondés sur l’analyse conjuguée des don-nées environnementales par les techno-logies récentes de la géomatique et parune géographie historique des états desurface (rôle des sociétés) permettront

d’améliorer nos connaissances des varia-tions climatiques et écologiques passées,présentes et à venir. ■

Remerciements

Ce travail a été soutenu financièrement parl’Agence universitaire de la Francophonie –AUF - (programme 2002-PAS-18) et par leministère français des Affaires étrangères(programme SUP2000). Les auteurs remer-cient également l’équipe Hydrosciences (Ins-titut de recherche pour le développement -IRD, Montpellier) d’Eric Servat pour son sou-tien technique lors de plusieurs missions deterrain entre 2000 et 2002.

Références

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Sécheresse vol. 16, n° 1, mars 2005 13

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3. ARTICLES PORTANT SUR LES MUTATIONS SOCIO-ECONOMIQUES ET SOCIO-CULTURELLES DANS LE CONTEXTE ACTUEL DES MODIFICATIONS ENVIRONNEMENTALES

Ces articles ont pour objectif l’étude des mécanismes d’adaptation des populations rurales aux modifications environnementales en cours. Ils mettent en évidence une gestion communautaire des modifications environnementales (fondée sur les représentations sociales) et leurs actions en retour dans le façonnement du paysage. L’approche méthodologique utilisée ici est celles des enquêtes socio-économiques basées sur les entretiens collectifs (ou focus group) et l’administration de questionnaire. Le premier signe de l’impact social des modifications environnemental est le problème d’accès à l’eau potable. Les résultats de ces articles montrent que le problème se pose surtout dans le nord et le centre où la saison sèche devenant de plus en plus longue (plus de 6 mois maintenant contre 5 avant 1970) finit par assécher les nappes phréatiques et les cours d’eau autrefois permanents. Pour échapper à ces difficultés existentielles, certaines populations des zones sèches choisissent de migrer vers les zones forestières encore humides.

Cet afflux de population en provenance des autres régions et des pays limitrophes débouche nécessairement sur une nouvelle gestion des terroirs. En effet, avec la saturation foncière, les conditions d’accès aux terres humides deviennent de plus en plus difficiles. Il arrive même que certains étrangers soient dépossédés de leurs terres, les autochtones remettant parfois en cause les anciennes clauses établies en période d’abondance. Cette situation engendre de nombreux conflits fonciers. Les populations ayant choisi de ne pas migrer, essaient quant à elles d’accommoder leurs pratiques à la nouvelle donne climatique. Ces pratiques conservatoires ou de sécurité alimentaire consistent à procéder à une meilleure disposition des cultures, la priorité étant accordée aux variétés précoces, aux bas de pente, aux bas-fonds non inondables et aux cuvettes à inondation peu fréquentes, ainsi qu’aux cultures moins sensibles aux aléas. Cette adaptation aux nouvelles conditions environnementales est apparue finalement comme une nécessité pour résoudre les problèmes d’approvisionnement en vivriers de la société ivoirienne qui s’urbanise de plus en plus.

BROU Y. T., AKINDES F., BIGOT S., 2005 : Perceptions sociales et gestion communautaire de la variabilité climatique en Côte d’Ivoire. Cahiers Agricultures, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), vol. 14, n° 6, novembre-décembre 2005.

BROU Y. T., CHALEARD J. L., 2006: Visions paysannes et changements environnementaux en Côte d’Ivoire. Annale de Géographie, à paraître.. Annale de Géographie, à paraître.

BROU Y. T., AKINDES F., BIGOT S, 2004 : Adaptation strategies of the local populations to mitigate the impacts of rainfall decline in Côte d’Ivoire. Newsletter (Update 02/2005) of the international Human Dimension Programm on Global Environnemental Change, P 12-17.

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Étude originale

La variabilité climatique en Côte d’Ivoire :entre perceptions sociales et réponses agricoles

Yao Télesphore Brou1

Francis Akindès2

Sylvain Bigot3

1 Institut de géographie tropicale (IGT),22 BP 744,AbidjanCôte d’Ivoire<[email protected]>2 Université de Bouaké,Laboratoire d’économie et de sociologierurale (Lesor),06 BP 1245,Abidjan 06Côte d’Ivoire<[email protected]>3 Université des sciences et technologies deLille,UFR de géographie,Laboratoire de géographie des milieuxanthropisés (LGMA),Avenue Paul Langevin,59655 Villeneuve D’Ascq cedex<[email protected]>

RésuméDepuis plus de 30 ans, l’Afrique de l’Ouest doit faire face à un phénomène de variabilitéclimatique sans précédent à l’échelle historique. Celle-ci a des conséquences importantessur la vie des populations. En Côte d’Ivoire, ces conséquences sont certes moins marquéesqu’en zone sahélienne, mais elles induisent des évolutions socio-économiques nonnégligeables. Cette situation conduit progressivement les populations rurales à faireévoluer leurs pratiques de gestion du milieu et leurs régimes alimentaires. Certainesperceptions sociales des risques ainsi que les pratiques gestionnaires ou conservatoiresdans un contexte de renforcement des aléas bioclimatiques seront abordées dans cetteétude à partir d’enquêtes socio-économiques réalisées dans trois des régions tests en Côted’Ivoire. Celles-ci révèlent une capacité de réponse des populations (c’est-à-dire leursaptitudes à s’adapter) que pourraient accompagner les politiques publiques de lutte.

Mots clés : climat ; systèmes agraires ; économie et développement rural.

AbstractClimatic variability in Côte d’Ivoire: Between social perceptions and agricultural

responses

For more than 30 years, West Africa has coped with unprecedented climatic variability,which has had important consequences on the life of its populations. The consequencesare certainly less marked in Côte d’Ivoire than in the Sahel region, but considerablesocioeconomic changes are nonetheless occurring. This situation is progressively leadingrural populations to change their environmental management practices and their foodintake. This study, based on socioeconomic surveys conducted in three test regions ofCôte d’Ivoire, considers some social perceptions of risks as well as management andconservation practices in this period of bioclimatic uncertainties. These reveal thepopulation’s capacity for response (that is, their ability to adapt), which should besupported by public policies.

Key words: climate; farming systems; economy and rural development.

D epuis la fin des années 1960, laCôte d’Ivoire, comme l’ensembledes pays de l’Afrique de l’Ouest

et centrale, connaît une aggravation de lavariabilité climatique. Celle-ci se mani-feste, en particulier, par une modificationdu régime des précipitations et par unediminution des hauteurs annuelles. Labaisse des précipitations s’est amorcée,en Côte d’Ivoire comme dans les autrespays du golfe de Guinée, dès la fin desannées 1960, en phase avec ce qui a étéobservé dans le Sahel, et s’est intensifiéeau cours des années 1980 et 1990 [1-3]avant de connaître une légère rémission

dans les années 2000. La variabilité clima-tique étant une contrainte pour le déve-loppement agricole, les politiques publi-ques de lutte sont l’ensemble des moyenset stratégies mobilisés par les pouvoirspublics pour en limiter les effets à défautde l’éliminer.Il s’avère de plus en plus que ces résultatsde recherche ne peuvent devenir desinstruments d’aide à la décision que misen relation avec la perception paysanne(savoir de sens commun) de ces change-ments climatiques et, en fonction decelle-ci, les réponses ou les stratégies desacteurs (moyens mobilisés par les acteursTirés à part : Y.T. Brou

Cahiers Agricultures vol. 14, n° 6, novembre-décembre 2005 533

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pour atteindre un but) mises en œuvrepour en atténuer les effets. Nous noussituons donc bien dans la problématiquedes savoirs locaux et des pratiques endo-gènes, les contraintes environnementalesde chaque milieu configurant différem-ment le savoir des paysans. Quelquesétudes ont tenté d’aborder en Côted’Ivoire [4].et dans le Sahel [5] les percep-tions endogènes des risques et des chan-gements bioclimatiques. L’étude réaliséea pour objet d’identifier les significationssocialement construites des changementsclimatiques et de présenter les alternati-ves développées par les communautéspour faire face aux contraintes que ceschangements induisent dans des environ-nements agro-écologiques différents.

Méthode

et hypothèses

Cette étude s’appuie sur une enquêtemenée auprès d’un échantillon de villa-ges choisis dans différents contextesagroclimatiques (choix raisonné) : la nou-velle zone de colonisation agricole duSud-Ouest, l’ancienne boucle du cacao àl’est, et enfin la zone des savanes duNord. Dans chaque région agroclimati-que, trois villages ont été choisis en fonc-tion des activités agricoles dominantes etde la diversité des modes d’accès auxressources hydrauliques.Elle part des deux hypothèses suivantes :– les perceptions locales du changementclimatique s’expriment avant tout à tra-

vers les difficultés vécues d’accès à l’eaupotable ;– la récession pluviométrique donnenaissance à une pluralité de réponsesadaptatives collectives observables dansles modes de conduite culturaux, les res-sources et les styles alimentaires.Centrée sur des terroirs villageois, larecherche de terrain a associé uneenquête par questionnaires (auprès de70 personnes échantillonnées dans troisvillages pour chaque région) etfocus groups, à raison de trois par région.Le questionnaire a porté sur la perceptionpaysanne de la variabilité climatique etles stratégies adaptatives des populationspour faire face aux nouvelles contraintes,incluant les systèmes de production et lesstyles alimentaires. Le principal objectifde cette étude visait à mieux appréhenderles évolutions des rapports homme-milieu.

Problématique

de l’accès

à une eau raréfiée

Réduction

de la pluviométrie moyenne

annuelle

Au cours des cinq dernières décennies, lapluviosité annuelle a baissé de façon sen-sible. La figure 1 spatialise les écarts plu-

viométriques mesurés. Avant la décen-nie 1970 (1950-1969), le volume annuelmoyen précipité est partout supérieur à1 000 mm, avec des maxima annuelsmoyens même largement supérieurs(> 1 400 mm) le long de la dorsale monta-gneuse guinéenne et à proximité du litto-ral.

Cette situation contraste considérable-ment avec ce qui est observé ultérieure-ment (1970-1999) où la plupart des sta-tions enregistrent des niveaux deprécipitations plus faibles que par lepassé. En effet, initialement confinée auquart nord-est, la zone de précipitationinférieure à 1 200 mm atteint désormais leCentre-Sud (à la latitude de Tiassalé) et leCentre-Ouest (incluant les stations deBouaflé, de Daloa et de Séguela). C’estautour de Dabakala et de Bouna que lasituation est la plus préoccupante. Doré-navant, les pluies annuelles y restentgénéralement inférieures à 1 000 mm.L’ambiance climatique y est donc de plusen plus proche de celle des climats tropi-caux secs. Cette diminution brutale de lapluviosité touche aussi les stations duSud, notamment une partie du Sud-Ouestà la limite de Soubré et Gagnoa ainsi quele littoral centre à Sassandra. Dans cesstations, qui comptaient parmi les pluspluvieuses, les hauteurs d’eau ne dépas-sent plus les 1 400 mm. Quelques stationséchappent à cette situation de baissegénéralisée des quantités d’eau précipitéeannuellement. Il s’agit en particulier de lastation de Tabou, la plus arrosée du terri-

− 9 − 8 − 7 − 6 − 5 − 4 − 3 − 24

5

6

7

8

9

10

11

− 9 − 8 − 7 − 6 − 5 − 4 − 3 − 24

5

6

7

8

9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

2 000

2 200

2 400

mm

Avant la décennie 1970 Après la décennie 1970

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

Figure 1. Hauteurs pluviométriques moyennes annuelles, avant et après la décennie 1970.

Figure 1. Average annual rainfall, before and after the 1970 decade.

Cahiers Agricultures vol. 14, n° 6, novembre-décembre 2005534

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toire, où les hauteurs annuelles restentsupérieures à 2 400 mm.La variation relative calculée entre lesannées 1950 à 1960 et les années 1970 à1990 permet de noter que la diminutiondes précipitations atteint environ 25 % surl’ensemble du pays, voire un peu plusdans la partie septentrionale où elle peutatteindre 28 %.Malgré la survenance de deux annéeshumides récentes 1994 et 1999 qui ontapporté un espoir de rémission de lasécheresse, les différents tests statistiqueset la répartition dans le temps des annéessèches et humides ont permis de conclureque la sécheresse n’était pas encore ter-minée en fin 2002 [6, 7].Bien que la Côte d’Ivoire soit située enzone tropicale humide, cette sécheresse(caractérisée par un allongement excep-tionnel de la saison) qui affecte de nom-breux pays d’Afrique de l’Ouest s’y faitégalement ressentir. Les effets de la réces-sion pluviométrique récente sur la res-source en eau se traduisent, pendant leslongues périodes de sécheresse, par unebaisse notable, de plus en plus fréquente,du débit des cours d’eau et du niveau desnappes phréatiques, allant jusqu’à l’assè-chement [8]. D’autres auteurs [9], dansune étude sur la variabilité climatiquerégionale et de son impact sur l’alimenta-tion des aquifères souterrains entrepriseen Côte d’Ivoire, parviennent à des résul-tats similaires. À partir des coefficients detarissement calculés à l’aide de laméthode dichotomique de classificationhiérarchique et par quantification desvolumes mobilisés par les aquifères, ilsmontrent en effet que la baisse des hau-teurs d’eau précipitées se ressent sur lesniveaux piézométriques comme sur lesvolumes mobilisés. Certains bassins-versants sensibles, tels que celui duCavally, réagissent immédiatement à cettebaisse tandis que d’autres, moins sensi-bles tels que le Drou, réagissent égale-ment mais avec un certain retard.Cette situation constitue une préoccupa-tion majeure pour les populations ivoi-riennes en majorité rurale et faiblementdesservies par le réseau moderned’adduction d’eau.

Le manque d’eau :

premier signe perçu

de « la colère des Dieux »

Pour les populations, la diminution pro-gressive de « l’eau venant du ciel » est

imputable au non-respect de règles divi-nes telles que la pratique de relationssexuelles discrètes en brousse, la profa-nation des lieux sacrés. Il en résultel’organisation de rituels d’imploration dupardon de Dieu pour faire revenir lapluie. Les conséquences de la variabilitéclimatique sont diversement ressentiesdans les différentes zones agroclimati-ques.Dans le Sud-Ouest, malgré la faible varia-tion pluviométrique, accéder à l’eau pota-ble devient de plus en plus difficile pourune catégorie d’habitants (notammentceux ne bénéficiant pas d’adductiond’eau) au cours de la saison sèche. Avecplusieurs fleuves côtiers, dont les princi-paux sont le Lobo, le Brimé et le Davo, larégion dispose d’importantes potentiali-tés en eau. Sur l’ensemble des personnesinterrogées, 30 % affirment bénéficier desréseaux d’adduction d’eau, tandis que27 % s’approvisionnent grâce à l’hydrauli-que villageoise ; 43 % s’approvisionnentencore aux puits et aux marigots. Par sapratique, cette fraction de la populationaccentue les effets des déficits pluviomé-triques en occasionnant l’assèchement decertaines nappes et rendant de plus enplus difficile l’accès à l’eau, surtout aucours de la saison sèche. La situation estplus préoccupante au cours des annéesparticulièrement sèches, comme ce fut lecas en 1983 où les populations furentcontraintes de parcourir de longues dis-tances, à la recherche de cours d’eaupermanents. Dans certains cas (comme àZobéa dans le département de Daloa), lespopulations prélèvent de l’eau en creu-sant le lit des cours d’eau.À l’est, l’accès à l’eau potable reste inégalet diversifié malgré les efforts publicsd’approvisionnement. Plusieurs coursd’eau existent, dont les principaux sont leMafou, la Me et l’Agneby. La région dis-pose de puits et de forages en quantitésimportantes. La presque totalité des villa-ges en possède. Les agglomérations degrandes tailles telles que Agboville,Rubino et Grand Morié bénéficient quantà elles d’un réseau d’adduction d’eaufournie par la Société de distributiond’eau en Côte d’Ivoire (Sodeci). Ce réseaumoderne a permis d’améliorer les condi-tions d’accès à l’eau à usage domestiquepour 69 % des populations de la région.Pour 31 %, la seule source d’approvision-nement reste encore l’eau de puits ou dumarigot, dont la disponibilité dépendd’une bonne pluviosité. Cette frange depopulation défavorisée évoque le tarisse-ment des rivières et marigots pendant la

saison sèche et constate qu’elle est pluslongue maintenant que par le passé. Ceconstat a pour effet de rendre à la foisplus aléatoire et sujet à compétitionl’approvisionnement en eau au cours decette période et amène les femmes àécourter leurs nuits pour rechercher lespuits ou les rivières encore pourvusd’eau. Aussi, contrairement aux popula-tions qui habitent les bas-fonds, l’accès àl’eau s’avère plus difficile pour celles quihabitent les interfluves et les zones depentes. Cette situation impose de longsdéplacements vers les bas-fonds pours’approvisionner. Pour remédier à ce pro-blème d’accès à l’eau, deux autres com-portements alternatifs sont égalementdéveloppés. Il s’agit, d’une part, durecreusement des puits pendant la saisonsèche, ce qui présente l’inconvénient derendre les puits plus profonds (10 à30 mètres de profondeur) et, d’autre part,du creusement de puits dans le lit desrivières.Dans les régions de savane du Nord, larécession pluviométrique vient accentuerl’inégalité naturelle d’accès à l’eau pota-ble, en comparaison avec les régions duCentre et du Sud ; cette inégalité est fai-blement compensée par les effortspublics de modernisation du réseaud’approvisionnement.Le puits est la principale source d’alimen-tation des ménages en eau. En dehors decette ressource majeure, les marigots, lesrivières, les fleuves et le recueil d’eaux depluies dans des bassines en période plu-vieuse sont également des sourcesd’approvisionnement. Quelques villagescomme Néguépié, en revanche, sontdotés d’aménagements hydrauliques vil-lageois. Du fait des modifications actuel-les du régime des cours d’eau, les popula-tions des villages de Diamakani et deZiékoundougou, par exemple, déclarentêtre confrontées à d’importantes difficul-tés d’approvisionnement en eau au coursde la sécheresse qui dure au moins5 mois. Face à l’intensité de la sécheresse,la population d’un village comme Ngué-pié a migré volontairement pour s’instal-ler dans une zone plus humide.Les longues sécheresses rendent toutaussi difficile l’abreuvage du bétail. Lesseuls points d’eau restants en saisonsèche sont les barrages agropastoraux etles fleuves comme la Bagoé. Pour leséleveurs des zones déshéritées, il enrésulte un allongement des distances àparcourir pour satisfaire les besoins ani-maliers.

Cahiers Agricultures vol. 14, n° 6, novembre-décembre 2005 535

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Un contexte

agrodémographique

marqué par

la raréfaction

des ressources

foncières

L’un des faits marquant de l’histoirerécente du peuplement de la Côted’Ivoire est celui des migrations agricoles.Le mouvement des populations a tou-jours été favorisé par plusieurs causes.Nous citerons entre autres les potentiali-tés offertes par le milieu d’accueil, lasaturation des terres dans les régionsd’origine. Historiquement, la mobilitéspatiale de la population agricole a suiviplusieurs étapes [10].En fait, jusqu’en 1965, l’immigration de laforce du travail pour la culture du café etdu cacao concerne en priorité le Sud-Estdu pays. C’est surtout dans le Centre-Est

aujourd’hui appelé ancienne « boucle ducacao », qu’on assiste à l’expansion de laproduction du café et du cacao. Danscette région, le comportement des plan-teurs face à la forêt peut se structurer entrois phases [11]. Dans un premier temps,la forêt étant disponible, les chefs d’exploi-tation se sont approprié la terre de façonanarchique. Dans un deuxième temps, laforêt commençant à disparaître, les plan-teurs ont fait pression pour obtenir ledéclassement de celle qui subsistait (autre-fois, ils remettaient en activité d’anciennesplantations à l’abandon, et ils s’installaientdélibérément dans les forêts classées).Enfin, avec l’épuisement des terres, laseule solution pour avoir accès à la forêtest l’exode en direction des contrées voisi-nes, d’abord vers le centre-sud, puis versl’ouest et le sud-ouest. Ce mouvement decolonisation des terres fertiles est d’autantplus impressionnant qu’à la différence desautres régions, la nouvelle ceinture agri-cole couvre une zone qui englobe lesespaces forestiers les plus importants dupays. Les paysans entament ainsi

aujourd’hui les dernières réserves forestiè-res du pays. Commencés à partir de 1970,le peuplement et la mise en valeur de cetterégion sont à mettre en rapport avec unevolonté politique de rééquilibrage régional[12]. L’État ivoirien s’est attaché à mettreen place un environnement juridique etdes infrastructures permettant la mise envaleur rapide de ces régions par l’exploi-tation forestière et agricole. Ces disposi-tions visaient à laisser pleinement jouerles dynamiques paysannes :– cadre juridique garantissant l’accès auxterres forestières et contraignant mêmeles populations autochtones à les céderaux migrants, comme l’impliquait le slo-gan : « La terre appartient à celui qui lamet en valeur » ;– politique d’immigration non restrictivede la main-d’œuvre ;– établissement d’un système de commer-cialisation et de prix qui permettait lemaintien du pouvoir d’achat des plan-teurs sur le long terme.La figure 2 et les données d’ensemble durecensement de la population de 1998

Structure de la population dans l'Ouest

EstNord

Moyen-Cavally(Ouest)

Autres régionsde l'Ouest

65 %

9,60 %12,50 %

13 %

Structure de la population dans le Sud-Ouest

Est

Nord

autresrégions de

l'Ouest

Bas-Sassandra

(Sud-Ouest)

57 %16,70 %

16,90 %

9,60 %

Structure de la population dans le Nord (savanes)

Savanes (Nord)

Ouest

Autres régionsdu NordEst

91 %

4,20 %2,80 %

2,20 %

Structure de la population dans l'Est

N'zi Comoé(Est)

NordOuest

Autres régionsde l'Est

88 %

4,90 % 4 %

3,30 %

ZANZAN

SAVANES

WORODOUGOU

DENGUELE

LACSN'ZI COMOE

BAS SASSANDRA LAGUNES

VALLEE DU BANDAMA

AGNEBY

18 MONTAGNES

MOYEN CAVALY

HAUT SASSANDRAMARAHOUE

SUD BANDAMASUD COMOE

FROMAGER

MOYEN COMOE

Figure 2. Niveau d’attractivité dans différentes régions agro-écologiques de Côte d’Ivoire.

Figure 2. Attractivity level in various agro-ecological areas of Côte d’Ivoire.

Cahiers Agricultures vol. 14, n° 6, novembre-décembre 2005536

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[13] mettent en évidence les inégalitésinterrégionales actuelles dans les échan-ges migratoires. La proportion demigrants varie en effet de 6 % dans larégion du Zanzan (nord-est) à 43 % dansla région du Bas Sassandra (sud-ouest).Ces données confirment la situation de1988 qui classe le Sud-Ouest, avec 35 %,en première position pour son tauxd’immigration [13]. Le Sud-Ouest etl’Ouest constituent donc en Côte d’Ivoireles deux zones de colonisation agricolerelativement récente. Ils accueillent uneimportante population d’immigrés agri-coles estimée à plus de 40 % de la popu-lation totale [10, 13, 14].Les changements agro-écologiques résul-tant à la fois de la surexploitation de laressource forestière [15-17] et des modifi-cations climatiques engendrent progressi-vement des stratégies conservatoires [18]qui trouvent leurs justifications dans lamodification même de la vision que lespopulations autochtones ont de la forêt.En effet, longtemps considérée commeun bien communautaire, la forêt estdésormais défendue par les familles. Dece fait, l’accès à la terre est devenu plusdifficile pour les populations migrantes.Ainsi, la colonisation d’importantessuperficies de terre à des fins agro-industrielles dans le cadre des politiquesnationales de développement du palmierà huile et de l’hévéa justifie également lastratégie conservatoire de ces popula-tions. Dans le secteur de Soubré, parexemple, ce sont plus de 16 000 hectaresde palmier à huile qui sont détenus par laSociété internationale de plantation fores-tière en Côte d’Ivoire (SIPFCI). La Sociétéafricaine des plantations d’hévéas (SAPH)et la Société de caoutchouc de Grand-Bereby (SOGB) possèdent des superficiescomparables.

Face aux contraintes :

typologie

des réponses locales

Les modifications du régime des précipi-tations constatées ces dernières annéesen Côte d’Ivoire, ont considérablementaffecté le monde rural. Les nouvellescontraintes climatiques, marquées pardes déficits hydriques croissants, rendenten effet vulnérables certaines cultures,conduisant à des baisses importantes derendement agricole. C’est ainsi qu’au

cours de la saison sèche de l’année 1983,considérée comme la plus sèche desdeux dernières décennies, on a enregistré60 000 hectares de forêts incendiées,108 000 hectares de plantations et de cul-tures détruites, une perte d’environ40 millions d’euros pour 3 000 hectaresde plantations industrielles, 21 décès et15 000 sinistrés [19].Cette situation impose aux populationsune modification des modes de gestionde l’espace rural, ainsi que des comporte-ments sociaux.Les aléas du climat ont conduit les com-munautés rurales à développer une plu-ralité de réponses adaptatives : rationali-sation de la gestion de l’espace, del’utilisation des intrants et du temps detravail ; quête de la sécurité alimentairepar un ajustement des besoins aux dispo-nibilités alimentaires et une diversifica-tion des sources de revenus.

Évolution

des systèmes de culture

Modifications du calendrieret des options culturales

Dans le sud-ouest, le calendrier cultural aconnu d’importantes modifications. Pourla culture du riz, par exemple, les paysansidentifient les effets du changement cli-matique au fait que, par le passé, lestravaux de préparation des champs com-mençaient tôt, dès le mois de novembreou de décembre, suivis par le défrichageet l’abattage des gros arbres en janvier-février. Cette opération prenait fin avec lamise à feu des anciennes rizières. Le rizprécoce et le riz pluvial étaient respecti-vement semés en février et en mars pourêtre récoltés en mai et en juillet.Cette tradition culturale est aujourd’huiperturbée par le retard du début despluies et la quasi-disparition de l’écosys-tème forestier, avec le risque d’entraînerune disparition totale du riz précoce dontle semis se faisait en février.À l’est, les nouvelles conditions climati-ques ont également précipité certainesévolutions. Ainsi la période de prépara-tion du sol et de défrichement qui s’étenddu mois de décembre à la deuxièmedécade de mars, connaît un prolonge-ment jusqu’à la mi-avril, voire la fin de cemois, repoussant d’autant l’opération dessemis. De plus, par crainte de voir mourirleurs semis et pour éviter les opérationsmultiples de ressemage, les paysansattendent désormais la saison effectivedes pluies qu’ils situent au mois de mai aulieu d’avril. L’igname, par exemple, pour-

rit quand elle n’a pas un apport pluvio-métrique de 400 mm par jour entre les 14e

et 20e semaines de végétation. En ce quiconcerne le café et le cacao, les récoltesqui se faisaient à partir du mois d’octobrejusqu’au mois de décembre pour lecacao, et de septembre à janvier pour lecafé, connaissent aussi des bouleverse-ments, de sorte que les récoltes effectivesse font maintenant en décembre.Toutefois, dans certaines zones de l’Est(région de l’Agneby), devant le nouveaucontexte climatique, nombre de paysanssemblent avoir maintenu leur calendrieragricole. Ainsi, dans la zone de l’Agneby,68 % des enquêtés n’ont pas changé leurcalendrier agricole et défrichent puissèment même lorsqu’il ne pleut pasencore. Souvent, les semences ne par-viennent pas à germer par suite du man-que d’eau et les responsables de parcellesdoivent semer de nouveau.Dans le nord, les innovations induites parla récession pluviométrique sont égale-ment remarquables au niveau du calen-drier agricole. Afin d’éviter les conflitsparfois sanglants entre agriculteurs et éle-veurs, à cause de la compétition pourl’accès à l’eau en saison sèche, les pre-miers ont pris l’habitude d’écourter l’acti-vité agricole (celle-ci se déroule désor-mais dans une période de temps pluscourte). Par conséquent, les cultures àcycle long telles que les tubercules(igname et manioc) disparaissent pro-gressivement de l’activité agricole de larégion parce qu’elles se révèlent être deplus en plus inadaptées au nouveaucalendrier agricole. L’accent est désor-mais mis sur les cultures à cycle pluscourt et demandant des travaux agricolesplus hâtifs. Les variétés de plantes culti-vées les plus recherchées sont celles quiexposent moins le paysan aux incertitu-des des débuts de saison pluvieuse ainsiqu’à ses interruptions brutales. Désor-mais, dans les villages en zone savani-cole, les dates des semis des cultures sontconnues avec précision de tous les pay-sans.

Concentration du temps de travailet des intrantssur les spéculations majeures

Dans le nord, par exemple, les paysansprivilégient les cultures de coton et demaïs pour lesquelles les techniques deproduction se sont améliorées. Ainsi, dufait du passage de la culture traditionnelleà la culture attelée et mécanisée, onassiste d’année en année à une augmen-tation considérable des superficies culti-vées. Dans notre espace d’enquête, les

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superficies du coton ont été multipliéespar 100 entre 1965 et 2002 [20].Au nombre des causes de l’augmentationdes productions de coton et de maïs, onmentionne aussi l’utilisation croissante defertilisants industriels ou même tradition-nels comme le fumier. Le coton et le maïsbénéficient d’un meilleur encadrement dela Compagnie ivoirienne pour le dévelop-pement des textiles (CIDT). Les autrescultures (igname, riz, mil, etc.), quant àelles, connaissent une chute de produc-tion. Elles n’occupent qu’une superficiemoyenne de 0,5 hectare parmi l’ensemblecultivé. En plus, elles n’intéressent qu’unepopulation âgée.Dans le sud-ouest, la diversification desactivités économiques est utilisée commestratégie de sécurisation des revenus parles paysans. Ainsi, certains ont opté pourde nouvelles cultures telles que l’hévéa,le coton et l’anacarde. D’autres se sonttournés vers de nouvelles activitéscomme la pisciculture qui commence àêtre une alternative économique, pour lespopulations du Sud-Ouest et du Centre-Ouest. Dans la sous-préfecture de Soubrépar exemple, on compte près de1 000 étangs pour 445 pisciculteurs ;12 barrages ont été construits à cette fin.Dans la région est, pour contourner lafaiblesse des revenus, mais aussi leurinstabilité depuis la libéralisation des filiè-res liées à la baisse des rendements ducafé et du cacao, la solution trouvée parcertains agriculteurs a été de développerles cultures maraîchères.En conséquence, la perception des chan-gements climatiques a également eu poureffet de renforcer le besoin de sécuritémonétaire et alimentaire.

Quête accrue

de sécurité alimentaire

Le concept de sécurisation alimentaireenglobe les thèmes de disponibilité etd’accessibilité des produits alimentaires.Il traduit, dans une situation d’urgence,l’ensemble des stratégies adoptées par lespopulations pour faire face à l’insécuritéalimentaire. Celles-ci sont de naturesdiverses. En Côte d’Ivoire, on observedeux phénomènes qui interfèrent l’unavec l’autre :– la mise en culture de variétés plus pré-coces et plus rustiques liées à la valorisa-tion des bas de pente, des bas-fonds noninondables et des cuvettes à inondationspeu fréquentes ;– la modification des habitudes alimen-taires des populations.

Mise en valeurde nouvelles ressources foncières

La culture du riz en offre un bel exemple.La production nationale est essentielle-ment le fait de la riziculture pluviale quifournit jusqu’à ce jour près de 90 % dupaddy ivoirien [21] ; mais étant donné lavariabilité de la répartition annuelle desprécipitations, les risques d’échecs asso-ciés à ce type de riziculture sont impor-tants. En effet, la probabilité que la séche-resse affecte la culture pendant lacampagne agricole normale peut attein-dre 25 % dans certaines régions comme lazone de transition climatique forêt-savane. Par ailleurs, les travaux de recher-che sur le riz irrigué, qui ont débuté dès1963, ont permis de proposer aux agricul-teurs à partir de 1965 des variétés de riz(IM16, L78) et un itinéraire techniquedont les points essentiels sont la fertilisa-tion sous la forme d’apports de 150 kg/hade sulfate d’ammoniaque à la culture et lalutte contre les mauvaises herbes par unsarclage manuel obligatoire suivi d’unsecond qui pouvait être facultatif, sansaucun traitement ni insecticide, ni fongi-cide. Un rendement minimum de 3 t/hade paddy était alors possible [22]. Toute-fois, cela était encore nettement insuffi-sant et, afin d’assurer un minimum degarantie de production annuelle depaddy, un programme d’aménagementspour la création d’exploitations irriguéesfut mis en œuvre par le Gouvernement. Ilconcernait les principales régions du pays(Nord, Sud, Est, Ouest et Centre) [23].Ainsi, pratiquement insignifiante en 1960,la riziculture irriguée avec maîtrise par-tielle de l’eau s’est progressivement déve-loppée pour couvrir aujourd’hui environ25 000 hectares, fournissant près de 10 %du paddy ivoirien, soit 90 000 tonnes [24].Il n’est donc pas rare d’observer que,dans le sud-ouest, les populations quipratiquent traditionnellement la culturedu riz sur les plateaux, exploitent de plus

en plus les bas de pentes et surtout lesbas-fonds (généralement humides) à desfins rizicoles. Au cours des enquêtes,l’observation de plusieurs finages à Yaco-lidaouo, à Soubré, et à Zobéa dans ledépartement de Daloa, montre que lescultures pérennes occupent toujours lesplateaux et les versants alors que lesrizières descendent progressivement versles bas-fonds humides. Nos enquêtesn’ont pas permis d’estimer l’ampleur dece phénomène qui mérite d’être mieuxdocumenté.À l’est également, les bas-fonds et lespoints d’eau sont désormais utilisés pourla production des cultures maraîchères(tomate, choux, salade, aubergine, etc.).Le recours à ces espaces permet deréduire la dépendance de ces culturesvis-à-vis de la pluviosité, grâce à l’irriga-tion, soit à l’arrosoir, soit à la motopompepour les exploitants qui disposent demoyens financiers plus importants.Ces produits maraîchers peuvent êtrerécoltés en contre-saison, ce qui les renddans certains cas plus intéressants que lecacao et le café qui fournissent des reve-nus par hectare très inférieurs et parfoismême des revenus par journée de travailplus bas [25] (tableau 1).Pour leur part, les producteurs situés dansle nord du pays, où les effets de la réces-sion pluviométrique sont plus marqués,ont modifié la répartition des culturesdans l’espace. Les cultures sensibles auxstress hydriques, comme le riz pluvial,sont de plus en plus cultivées dans lesbas-fonds et aux abords des rivières audétriment des interfluves.Sur l’ensemble de la région forestière, lespaysans modifient également les associa-tions culturales pratiquées : la banane,par exemple, plante hygrophile, est asso-ciée désormais au cacaoyer dontl’ombrage permet de réduire le phéno-mène d’évapotranspiration. Des culturesmoins sensibles au manque d’eau et aux

Tableau 1. Prix de vente de quelques vivriers dans l’est de la Côted’Ivoire entre 2001 et 2002 en F CFA ([20])

Table 1. Sales price of some food crops in the East of Côte d’Ivoire between 2001 and2002 ([20]).

Production Prix en saison(F CFA/kg)

Prix contre-saison(F CFA/kg)

Rendement

Tomate 100 250 20 t/haAubergine 75 200 20 t/haGombo 75 250 7 t/haChoux 60 150 15 t/haPiment 30 100 10 t/ha

655,95 F CFA = 1 euro.

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feux de brousse sont également introdui-tes, comme l’anacardier dans l’est et lenord.

Adaptation des styles alimentaires

La vulnérabilité des cultures à la variabi-lité climatique, traduite par des risques deplus en plus élevés de pertes de récoltes,surtout pour les cultures vivrières à cyclevégétatif long (au cours des annéesexceptionnellement sèches), contribueaussi à faire évoluer les habitudes alimen-taires. Dans le Sud forestier, à cause de laréduction de la longueur de la grandesaison pluvieuse, les cultures à cycle long(plus de 120 jours) ne sont plus adaptées[26]. Il en est ainsi des semis précoces(début mars) et du riz tardif, mais surtoutdu bananier plantain, la grande saisonhumide se prolongeant de moins enmoins jusqu’à la fin du mois de juillet. Larégion des savanes du Nord où les condi-tions écoclimatiques sont déjà rigoureu-ses à cause de l’existence d’un régimepluviométrique unimodal et de la fai-blesse des hauteurs pluviométriquesannuelles, apparaît comme la région laplus vulnérable aux incertitudes du cli-mat. Dans cette région, l’igname, parexemple, est devenue vulnérable auxconditions climatiques actuelles, les exi-gences hydriques annuelles ne sont satis-faites que dans environ 55 % des cas [26].L’analyse des données d’enquêtes socio-économiques montre, par exemple, queles cultures vivrières moins sensibles à lasécheresse tendent à être plus consom-mées. En revanche, celles qui sont trèsvulnérables aux années à saisons sèchesmarquées, connaissent un recul dans l’ali-mentation quotidienne des populationsdes régions étudiées.Dans le Sud-Ouest, le riz est aujourd’huil’aliment de base, loin devant la banane etle manioc. Les enquêtes de perceptiondes effets du changement pluviométriquesur les comportements mettent en évi-dence le remplacement du riz par labanane comme étant un indicateur essen-tiel. Chez les Bété, population autochtonedu Centre-Ouest, l’alimentation de baseétait composée autrefois de taro blanc etde banane plantain. Aujourd’hui,l’ampleur de la sécheresse, la forte fré-quence des feux de végétation et la défo-restation sont autant de facteurs qui ren-dent difficiles la culture de la banane etdu taro.Dans l’est du pays, le changement destyle alimentaire apparaît aussi commeune réponse locale aux risques agricoles.Près de la moitié des personnes enquê-tées déclarent avoir modifié leur alimen-

tation. Contrairement au Centre (Bouaké,Yamoussokro, etc.) où la consommationprincipale est l’igname, dans l’est de laCôte d’Ivoire, pour la majorité des per-sonnes interrogées (95 %), l’aliment prin-cipal est la banane. Aujourd’hui, 75 % despersonnes enquêtées affirment avoirréduit considérablement leur consomma-tion de banane pour se tourner de plus enplus vers le riz et le maïs ou encoremélangent la banane avec d’autres pro-duits.Dans la région de l’Agneby, au sud-est, leriz n’était consommé que lors d’événe-ments exceptionnels. Et lorsqu’il étaitconsommé, c’était plutôt sous forme debouillie. Il était plutôt considéré comme« l’aliment des oiseaux », synonyme dedisette alimentaire. Autre indice culturelde sa disgrâce : ceux qui en mangeaientse plaignaient de n’avoir rien consommé.Il était plutôt cultivé et consommé par les« étrangers », en l’occurrence les Dioulas.Quant au maïs, il est consommé braisé enépi frais et, sous la forme de farine, il sertà la fabrication du kabato, égalementnourriture des étrangers et des Dioulas.On l’utilise pour la fabrication de la bièrede maïs (tchapalo).Face à la raréfaction actuelle de labanane, à la réévaluation de son prix surle marché, et compte tenu de la centralitédu produit dans la culture alimentaire, uncompromis alimentaire a été trouvé : onconfectionne désormais le plat de foutouen associant le manioc et la banane.Ainsi, sous les contraintes de la baisse desrendements des principales cultures àcause de la modification des conditionsbioclimatiques, le riz a pris de la valeurdans le système de représentation.En pays sénoufo (départements de Ten-grela et de Korhogo), le maïs est la culturela mieux adaptée aux conditions climati-ques actuelles. Il bénéficie, avec le coton,de meilleures techniques d’encadrementet apparaît aujourd’hui comme l’alimentqui assure une relative sécurité alimen-taire dans ces régions de savane du Nord.Ainsi le toh de maïs, dezro en sénoufo(repas à base de farine de maïs), estdevenu la nourriture la plus consomméedans la région, relayant au second plan lefoutou igname (fosro en sénoufo) et le riz(monnon en sénoufo).

Conclusion

Les effets perçus de la variabilité climati-que montrent la dépendance de l’accès à

l’eau et de la modification de la disponibi-lité foncière tant en qualité qu’en quan-tité.Les difficultés d’approvisionnement eneau constituent l’une des principales pré-occupations pour les communautés rura-les non desservies par le réseau d’adduc-tion d’eau. Ce problème se pose surtoutdans le Nord et le Centre où la saisonsèche devenant de plus en plus longue(plus de 6 mois maintenant contre 5 moisavant 1970) finit par assécher les nappesphréatiques et les cours d’eau autrefoispermanents.Les difficultés d’accès à l’eau sont toutaussi inquiétantes au niveau agricoledepuis le début des années 1970. Larégion des savanes du Nord où les condi-tions écoclimatiques sont déjà rigoureu-ses à cause de l’existence d’un régimepluviométrique unimodal et de la fai-blesse des hauteurs pluviométriquesannuelles, apparaît ici aussi comme larégion la plus vulnérable aux incertitudesdu climat. Dans cette région, l’igname, leriz et, à un degré moindre, le maïs,connaissent des problèmes de dévelop-pement.Face aux incertitudes du climat, les pay-sans adoptent des stratégies et des attitu-des conservatoires et régulatrices. Eneffet, avec le raccourcissement de la sai-son végétative, les paysans se sont vusobligés de modifier les dates de semis etde récolte et aussi d’utiliser des variétés àcycle court. Dans le Nord, plus confrontéau tarissement des cours d’eau en saisonsèche, le calendrier agricole doit désor-mais tenir compte des éleveurs en prove-nance des régions plus sèches. D’unemanière générale, quelle que soit larégion, les stratégies paysannes consis-tent à procéder à une meilleure disposi-tion des cultures, la priorité étant accor-dée aux variétés précoces, aux bas depente, aux bas-fonds non inondables etaux cuvettes à inondations peu fréquen-tes, ainsi qu’aux cultures moins sensiblesaux aléas.Concomitamment aux réponses agrico-les, des mutations sociales sont aussi encours dans les milieux ruraux ivoiriens àla suite des modifications profondes deleur environnement au cours des quatredernières décennies (régression des sur-faces forestières et variabilité climatique).À des comportements anciens reposantsur le respect du patrimoine naturels’oppose une nouvelle logique fondéesur l’utilité agroéconomie des espaces. Lepassage d’une agriculture de subsistanceà une agriculture marchande, fondée sur

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un système de production extensif etdévoreur de forêt, entraîne le bouleverse-ment des pratiques gestionnaires et desreprésentations sociales. La mise envaleur des bas-fonds est à cet égardexemplaire. En outre, dans le contexteactuel de course à la terre et de saturationfoncière, les paysans sont moins préoccu-pés par la sauvegarde de l’environnementque par la mise en culture systématiquedes terres agricoles, mettant ainsi en dan-ger les dernières réserves forestières. ■

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A paraître dans les Annales de Géographie

Visions paysannes et changements environnementaux en Côte d’Ivoire

Brou Yao Télesphore1 et Chaléard Jean Louis2

1. Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody 22 B.P 744 Abidjan 22, [email protected]

2. Professeur de géographie Université Paris 1 – UMR PRODIG 2, rue Valette 75005 PARIS

Introduction

La Côte d’Ivoire comme l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest est marquée depuis le début des années 60 par d’importantes modifications de son environnement. Ces bouleversements environnementaux (Brou et al., 1999 ; FAO, 1999 ; Servat et al.) se traduisent entre autre par une baisse des totaux pluviométriques et une plus grande variabilité du régime climatique (en moyenne 25 % de perte sur les pluies annuelles à partir 1970), une diminution des surfaces forestières (de 12 à moins de 4 millions ha entre 1960 et 1999), et une baisse de la fertilité des sols liée à leur surexploitation. Avant l’époque coloniale les populations rurales ivoiriennes pratiquaient un système de gestion des terres, basé sur des temps de repos suffisamment long (plus de 25 ans), qui permettait au sol de retrouver son capital de production après sa mise en culture. Les défrichements n’étaient pas systématiques et épargnaient les arbres utiles. L’agroforesterie était donc déjà connue en tant que méthode de gestion des forêts. A cette époque les faibles densités de populations rurales et l’économie de subsistance autorisaient ces pratiques gestionnaires. La gestion des milieux allait de pair avec une perception animiste et une connaissance empirique ancienne de l’environnement. Mais les modifications actuelles de l’environnement ont bouleversé les rapports homme-nature dans les paysanneries ivoiriennes.

Il s’agit ici de savoir si cette nouvelle donne entraîne, des mutations dans les représentations sociales, les valeurs et les pratiques Celles-ci diffèrent-elles selon les éléments de l’environnement auxquels on s’intéresse : climat, végétation, sol. Pour le savoir, nous examinerons successivement les évolutions en fonction de ces trois éléments. Au paravant, il conviendra cependant de rappeler brièvement le contexte de l’environnement rural en Côte d’Ivoire.

Cette étude s’appuie principalement sur une enquête menée auprès d’un échantillon de villages choisis dans différents contextes agro-climatiques : la nouvelle zone de colonisation agricole du Sud-ouest ; l’ancienne boucle de cacao à l’Est ; la zone des savanes du Nord1. Centrée sur des terroirs villageois, l’enquête a associé passage de questionnaires et d’entretiens collectifs. Pour chaque région, 70 personnes ont été choisies dans trois villages. En vue d’avoir un recul relativement important dans l’analyse des données historiques, l’échantillon choisi dans chaque village était composé de personnes âgées d’au moins 60 ans. Il s’agit, à travers ces deux instruments, de rechercher les significations socialement construites des ressources naturelles et de leurs gestions dans la perspective d’une vision

1 Seront également utilisés en compléments les résultats d’enquêtes plus anciennes.

1

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A paraître dans les Annales de Géographie

prospective des populations rurales. Le questionnaire2 soumis aux populations s’articule autour de deux principales hypothèse : d’une part, la représentation sociale de l’environnement rural en Côte d’Ivoire est fortement influencée par les mythes; d’autre part, les changements environnementaux (déforestation, saturation foncière, variabilité climatique) induisent une diversité d’expériences collectives d’adaptation repérables au niveau des pratiques culturales et de la gestion des ressources naturelles. Figure 1 : Localisation des sites étudiés sur le territoire ivoirien

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DALOA

SOUBRE

BOUAKEBEOUMI

RUBINO

ABIDJAN

KORHOGO

DABAKALA

DIMBOKRO

AGBOVILLE

ABENGOUROUYAMOUSSOUKRO

SAKASSOU

6°8°

4°4°

5°7°

5°6°8° 7°

MALI

GUINEE

LIBERIA

GHANA

BURKINA FASO

OCEAN ATLANTIQUE

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Zone de savane arborée et herbeuse

Villes citées dans le texte#

Zone forestièreN

Km6030030

2 Le dépouillement a permis un dénombrement systématique des réponses positives ou négatives obtenues. Les questions qui n’admettent pas de réponses simples (oui ou non) sont traitées de façon particulière. Les résultats sont traduits, dans certains cas, en pourcentage de "oui" et de "non" dans l’analyse

2

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Les enquêtes ont été réalisées de janvier à avril 2001. À cette époque, même si la situation politique était déjà grave en Côte d’Ivoire, on était loin de la partition actuelle de fait du territoire nationale. En outre, un certain nombre d’éléments récents, comme la réduction des flux migratoires en provenance de l’étranger, n’ont pu être abordés de façon précise, compte tenu des difficultés d’enquête sur le terrain. Mais notre étude s’inscrit dans un pas de temps long qui dépasse le cadre des événements actuels. Et, à certains égards, la situation troublée du pays a rendu plus aiguë la perception de l’ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les paysanneries ivoiriennes. Ainsi, les événements politiques actuels ne constituent en rien l’objet de ce travail, mais ils sont peut-être révélateurs d’un certain nombre de problèmes sociaux et environnementaux que nous allons analyser.

I.Des évolutions récentes importantes de l’environnement 1 La notion d’environnement en milieu rural Aborder l’environnement en milieu rural, c’est s’intéresser d’abord aux éléments du milieu naturel qui conditionnent la production agricole. En Côte d’Ivoire, comme dans toute l’Afrique occidentale, l’agriculture reste encore largement manuelle et soumise aux contraintes du milieu naturel. Dans le cadre d’une agriculture essentiellement pluviale, le climat rythme la vie agricole et définit l’éventail des plantes cultivées. La pluviométrie constitue ainsi le facteur le plus limitant pour l'agriculture (Chaléard, 1996, Yao, 1995). Les saisons agricoles sont déterminées par les hauteurs des précipitations. Au nombre des principaux facteurs naturels de production, on compte également les ressources pédologiques et forestières. Dans une agriculture n’utilisant pas ou que peu d’intrants, comme c’est le cas dans la majeure partie des milieux ruraux ivoiriens, la recherche de bon sol est privilégiée par les paysans. C’est généralement sous les forêts denses humides que se trouvent les sols propices à l’agriculture de plantation, du fait des conditions hydriques très favorables. On sait que par l’épaisseur de sa végétation, qui freine l’action mécanique des pluies, par ses racines, la forêt dense tropicale humide exerce sur les sols un rôle protecteur. Cette protection limite l’érosion et permet le maintien de l’humidité des sols. Les trois composantes de l’environnement, ci-dessus mentionnées (pluie, sol et forêt), connaissent une dynamique importante au cours de ces 30 dernières années.

2 La variabilité pluviométrique Depuis plus de 30 ans, le contexte climatique de la Côte d’Ivoire s’est considérablement dégradé. L’étude des bilans hydriques et de l’évolution des précipitations (Paturel et al., 1995 ; Brou, 1997) fait apparaître une diminution significative des ressources en eau au cours de ces dernières années. La figure 2 révèle cette différence notable dans les hauteurs d’eau précipitées annuellement de part et d’autre de la décennie 1970. La période 1950-1969 est marquée par des niveaux de précipitations annuelles nettement supérieurs à 1000 mm sur l’ensemble du territoire. A l’exclusion du quart nord-est, ces hauteurs d’eau dépassent les 1200 mm, allant fortement au-delà de 1400 mm dans tout le sud forestier et les secteurs montagneux de l’ouest.

Cette situation contraste énormément avec ce qui est observé après les années 1970 où la plupart des stations enregistrent des niveaux de précipitation plus faibles que par le passé. En effet, initialement confinée au quart nord-est, la zone de précipitation inférieure à 1200 mm atteint désormais le centre-sud (à la latitude de Tiassalé) et le centre-ouest (incluant les stations de Bouaflé, de Daloa et de Séguela). C’est au nord-est, autour de Dabakala et de

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Bouna, que la situation est la plus préoccupante. Dorénavant, dans ces secteurs, les pluies annuelles restent inférieures à 1000 mm. L’ambiance climatique y est donc de plus en plus proche de celle des climats tropicaux de type soudano-sahélien. Cette diminution brutale de la pluviométrie touche aussi les stations du sud, notamment une partie du sud-ouest à la limite de Soubré et Gagnoa ainsi que le littoral autour de Sassandra. Dans ces stations, qui comptaient parmi les plus pluvieuses, les hauteurs d’eau ne dépassent plus 1400 mm. Cette baisse générale de la pluviométrie ne touche ni systématiquement ni uniformément toutes les stations. En effet, l’extrême sud-ouest, secteur le plus arrosé du territoire, où les hauteurs annuelles restent supérieures à 2400 mm, ne subit pas de baisse significative.

Figure 2 : Hauteurs pluviométriques moyennes annuelles avant et après la décennie 1970

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

2200

2400

mm

-9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -24

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9

10

11

Abidjan

Abengourou

Adiaké

Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

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Abidjan

Abengourou

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Adzopé

Bondoukou

Bouaflé

Bouaké

BounaBoundiali

Dabakala

Daloa

Danané

Dimbokro

Gagnoa

Guiglo

Katiola

Korhogo

Man

Odienné

Sassandra

Seguela

Soubré

Tabou

Taï

Tengrela

Touba

Tiassalé

Toulepleu

0 111,13 Km

3 Disparition des forêts et crise foncière dans le sud Les modifications de l’environnement se manifestent également par une diminution rapide du couvert forestier. L’évaluation des surfaces de forêt dense de la Côte d’Ivoire et de leur évolution met en évidence le phénomène de la déforestation. De plus de 16 millions d’hectares au début du siècle dernier, les superficies forestières de la zone dense humide (en grands massifs et en boisements diffus) sont estimées à l’heure actuelle à moins de 4 millions d’hectares (Brou et al., 1999 ; Chaléard, 1996 ; FAO, 1999 ; DCGTx, 1993). La déforestation est généralement le résultat des défrichements opérés par les paysans à des fins agricoles. Elle est également liée, mais pour une faible part, au développement des cultures agro-industrielles.

Au début du XXème siècle, avant l’essor des cultures arbustives d’exportation, l’environnement forestier comprenait plusieurs formations végétales correspondant aux différents stades de reconstitution du milieu après la mise en culture (Léonard et Oswald., 1996) : la forêt dense sempervirente, la forêt secondaire (qui correspondait à un recrû de 15 à 50 ans) et les friches arbustives de moins de 20 ans pouvant, dans certains cas, être dominées par des lianes. Les bas-fonds, zones hydromorphes, étaient rarement cultivés. La mise en culture de ces différents milieux reposait sur le brûlis de la végétation. Les techniques employées devaient donc assurer à la fois la destruction de la biomasse forestière et sa reconstitution à terme, la forêt étant exploitée comme une ressource renouvelable. Comme dans toutes les zones pionnière de cultures de Côte d’Ivoire forestière, les systèmes de production dominants associent des cultures arbustives (café-cacao) qui fournissent les

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revenus et différentes cultures vivrières (tubercules, céréales, légumes, etc.) qui assurent la subsistance. De façon générale, chaque année, le planteur défriche un nouveau champ dans lequel il met les différents vivriers. De jeunes pieds de caféiers ou de cacaoyers sont ensuite plantés et poussent à l’ombre des larges feuilles de bananiers. Au fil des années, la place du vivrier diminue dans la parcelle au profit des cultures arbustives qui tendent à former une plantation en culture pure. Il s’agit donc d’un système extensif qui permet à la fois de nourrir les populations, d’accroître la production de café-cacao et d’étendre le domaine foncier contrôlé par le planteur. Mais il supposela conquête permanente de terres neuves.

Commencée dès la fin du XIXème siècle, l’expansion du caféier et surtout du cacaoyer, dans le sud-forestier écologiquement favorable, s’est accélérée durant les années qui ont suivi l’indépendance, servant de moteur à l’ensemble de l’économie ivoirienne3. Généralement peu peuplés, parfois vides d'hommes à certains endroits au moment des indépendances, les espaces forestiers ont été l'objet d'un vaste mouvement de colonisation foncière. Les migrants sont venus des savanes ivoiriennes et des pays soudaniens limitrophes (Burkina Faso, Mali). L'expansion de l’agriculture de plantation repose sur une extension des superfices cultivée et non sur une recherche d’augmentation des rendements. Aussi s’est-elle développée au détriment des forêts, les plantations prenant la place de la végétation naturelle.

Ainsi, les évolutions agricoles modifient considérablement les paramètres du milieu. Mais selon le type d’élément, les réactions des populations ne sont pas les mêmes.

II.Perception paysanne du climat 1. Une connaissance empirique du climat La conception ancienne du temps chez les peuples de Côte d’Ivoire a fait l’objet de nombreuses études (Arnaud, 1987 ; Augé, 1968 ; Etienne, 1968; Schwartz, 1968). Ces travaux mettent en évidence l’existence de deux systèmes superposés de découpage du temps. Un système à référence météorologique et un système qui se réfère aux activités agricoles. Augé (1968) fait cependant remarquer, à partir de l’exemple de la société Alladjan (Basse Côte d’Ivoire), qu’en général c’est moins l’activité agro-économique que les conditions météorologiques qui fournissent les grandes divisions du temps.

Comme l’ont déjà observé les auteurs ci-dessus mentionnés, il n’existe pas de termes exacts dans les langues locales pour désigner le climat. Il est perçu comme l’alternance entre une ou deux périodes de pluie et une ou deux périodes sèches, chacune pouvant elle-même être divisée. Dans les savanes du nord ivoirien, le rythme annuel du climat tropical à deux saisons, est bien connu par les populations. En langue Malinké, la saison sèche, qui se nomme "samian", s’étend de novembre à avril. La saison pluvieuse désignée par le terme "cléman", occupe les autres mois de l’année (de mai à octobre). Le début de celle ci se nomme "traba" et celui de la saison sèche "yéwôhô". Au centre du pays, les Baoulé comptent, comme les Malinké, deux grandes saisons (Etienne, 1968) : wawa, la saison sèche, qui va sensiblement de novembre-décembre à février, et mõgu, qui est la saison des pluies et qui va de mars-avril à octobre-novembre ; ces deux grandes saisons se subdivisent chacune en sous-saisons correspondant à différentes phases entre le début et la fin de la période.

A l’image des peuples des savanes, ceux des forêts ont une bonne connaissance du déroulement du cycle annuel du climat. Les caractéristiques des régimes pluviométriques sub- 3 L’essor de l’agriculture de plantation a fait l’objet de nombreuses études sur lesquelles on ne reviendra pas. On peut se reporter l’ouvrage de synthèse dirigé par B. Contamin et H. Memel-Fotê (1997).

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équatoriaux sont bien mises en évidence par les Krou du sud-ouest et les Agni de l’est. Les quatre saisons pluviométriques sont décrites avec un accent particulier sur les deux grandes. On note par exemple que « Yoroba-Guido» chez les Bété ou « Pepehe » chez les Bakwé désigne la grande saison sèche, allant de décembre à février. La grande saison des pluies (Dodo ou Gnougossou) s’installe quant à elle au début du mois de mars pour prendre fin en juillet. La petite saison sèche du mois d’août est désignée par « Koyoro ». Ces découpages de l’année en saisons, basés sur l’empirisme, restent proches de ceux déjà connus (Avenard et al, 1979 ; Brou, 1997), utilisant des méthodes statistiques. Toutefois, dans certaines régions, comme en pays Guéré, on ne s’en tient qu’aux deux grandes saisons (Schwartz, 1968). Chaque saison comporte ici six mois, mais en revanche, chacun des douze mois de l’année (à commencer par décembre), correspond à une phase spécifique du déroulement du cycle annuel.

Comme ailleurs en Afrique, l’imminence de l’une ou de l’autre saison de l’année peut se lire dans le comportement de la nature. Ainsi, il est toujours vérifié que lorsque le vent souffle de façon continue d’ouest en est, toute une journée, en fin de saison sèche, cela annonce l’arrivée des pluies les jours suivants. Cette observation fait penser à la remontée du F.I.T (Front Inter Tropical) que les villageois ressentent à leur façon. Un autre indicateur permettant de prévoir les divisions pluviométriques de l’année est l’observation du déplacement d’une étoile particulière qui part de l’est en saison sèche pour atteindre l’ouest en saison pluvieuse. Le rythme annuel de la végétation et de la faune est également utilisé comme indicateur pour prévoir l’arrivée imminente d’une saison. Pour les peuples de savane du nord, la saison pluvieuse intervient avec le début de la refoliation de gros arbres en saison sèche. Il s’agit du baobab (sira en malinké) et surtout d’un arbre nommé "boumouhou" (le kapokier). Inversement, la saison sèche débute avec la perte progressive des feuilles de ces arbres.

De la même façon, chez les Krou du sud-ouest, peuple de forêt, la grande saison sèche est annoncée en novembre par la défoliation de certains arbres, la disparition des escargots, l’arrivée du coton sauvage. C’est à cette période que le raisin sauvage (pèh) arrive à maturité, pendant que le fromager jaune produit ses premières toupies (kpawèlè) et que les hirondelles font leur réapparition. Ces signes sont proches de ceux avancés par les peuples de l’est vivant également dans un environnement forestier. Il s’agit comme dans le sud-ouest de l’évocation de la réapparition ou de l’hibernation de l’escargot, de l’arrivée ou du départ des oiseaux migrateurs (gnamien sô akôtia) comme marqueur du temps.

2. La reconnaissance d’une évolution récente du climat Au-delà du rythme annuel du climat, l’observation de la nature permet également, aux paysans âgés de 60 ans et plus, par comparaison des époques, de mettre en évidence la variabilité du climat. En effet, comme le font remarquer les anciens dans les régions de savane, certains signes dans la nature indiquent que le climat s’est asséché de nos jours. Il s’agit, par exemple, de la disparition des oiseaux migrateurs qui annonçaient l’arrivée de la saison pluvieuse. Il s’agit aussi de certains vers de terre dont l’apparition dans les villages en saison sèche était un indicateur de l’imminence de la saison pluvieuse. Ces vers se seraient déplacés au bord des rivières. Ce qui laisse penser que les sites actuels de ces villages de savane avaient des sols plus humides en saison sèche par le passé que maintenant. Enfin, autrefois, la fin de la saison sèche enregistrait le déménagement des fourmis magnan de leur fourmilière. Aujourd’hui l’observation de ce phénomène ne traduit plus cette réalité climatique.

Sur l’ensemble des trois zones d’étude, tous les paysans sont unanimes pour dire que la pluviométrie a baissé en intensité et en durée. D’après les personnes interrogées «maintenant

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il ne pleut plus comme avant, car avant il pleuvait tout le temps et on ne voyait pas le soleil pendant des jours ». Dans l’est par exemple, le terme utilisé pour désigner cette anomalie climatique est «n’zue satchi» (qui signifie littéralement : « l’eau est gâtée »). Les avis quant à la date exacte du début de cette crise sont très divers. Dans le nord, 25 % des personnes interrogées, dans la classe d’âge de 60 ans et plus, ignorent la date. Dans l’est, c’est un enquêté sur deux qui ne connaît pas la date du début de la récession pluviométrique dans sa région. Assez souvent les réponses traduisent les difficultés qu’ont les hommes à se souvenir des événements climatiques lointains. Dans le meilleur des cas ils font référence à l’événement climatique le plus récent. C’est ainsi que dans le nord par exemple, 42 % des personnes interrogées font remonter le début de la récession pluviométrique au début des années 80. Cette date est à mettre en rapport avec la grande sécheresse des années 1982 à 1983 qui a occasionné de grands feux de brousse et des pertes importantes de récoltes voire, dans le sud, de plantations.

3. La baisse des précipitations : sanction divine ? Pour la plupart des populations rurales, la pluie est un don de Dieu. Nombreux sont donc ceux qui s’imaginent que la diminution progressive de «l’eau venant du ciel » est liée au non-respect des valeurs ancestrales telles que la profanation des lieux sacrés, les relations sexuelles discrètes en brousses, etc. C’est dans le nord que cette idée est la plus répandue. Au moins un enquêté sur deux perçoit les choses de cette façon. Si la cause divine de la variabilité pluviométrique est souvent privilégiée dans les réponses données par les paysans du nord, elle est moins systématiquement retenue par les peuples de la forêt notamment chez les Krou de l’ouest et les Agni de l’est. En effet, très marqués par la disparition rapide du couvert forestier à partir des années 60, ces paysans indexent en priorité (à 80 %) la surexploitation des terres arables et la disparition de la forêt.

Quelle que soit la cause avancée et quel que soit le village, les populations n’hésitent pas à organiser des rituels d’imploration religieux pour faire revenir la pluie. Il s’agit de demander pardon aux dieux et d’invoquer leur clémence, leur secours contre les puissances démoniaques. Il existe diverses pratiques. A l’est dans le village de Damé par exemple (préfecture d’Abengourou), la danse des femmes nues, tard dans la nuit jusqu’à l’aube, est censée faire revenir la pluie. Cette pratique est appelée « Gbekangnan » ou «Adjaï » dans les langues locales. Un autre rite consiste à laver le visage d’un bouc. A Soubré dans le sud-ouest, pour faire revenir la pluie, les Bakwé procèdent à l’adoration du fleuve Sassandra, dans une section marquée par des chutes appelées «nawa». Une biche noire est donnée en offrande aux dieux de ce fleuve. De telles pratiques existent également chez les Malinké et les Sénoufo du nord.

Très anciens, ces rites se pratiquent encore aujourd’hui, même si la ferveur s’est amoindrie à cause de l’influence de plus en plus grande des religions monothéistes (chrétienne ou musulmane) sur la vie des populations. Le fait que ces pratiques se perpétuent de génération en génération est le signe d’un certain désarroi des agriculteurs face aux évolutions du climat : face à des événements qu’ils ne maîtrisent pas matériellement, ils ont recours à des pratiques ancestrales magiques ou religieuses. La situation est différente en ce qui concerne les ressources pédologiques et foncières.

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III. Raréfactions des ressources foncières et nouvelles perceptions de l’environnement L’importance qu’accordent les paysans aux sols est très liée à la situation foncière. Dans un contexte de non-saturation foncière, ce sont les qualités des sols qui déterminent les emplacements des parcelles et les pratiques culturales. Comme pour le climat, la terre a un caractère mythique pour les populations. C’est pourquoi avant l’essor de l’agriculture d’exportation, il était interdit de vendre une portion de terre, celle-ci étant la propriété de Dieu ou elle-même sacralisée (la terre « nourricière » étant souvent la déesse mère). Le caractère religieux de la terre se traduit également par la sacralisation de certains lieux qui, de ce fait, sont exclus du domaine agricole. Mais, les dynamiques actuelles en milieu rural, marquées par la saturation foncière, ont fait évoluer ces pratiques et les rapports que les populations ont à l’environnement. 1. Une connaissance fine des types de sols basée sur le vécu Dans les milieux ruraux, les paysans ont une profonde connaissance des sols. Celle-ci, qui reste empirique, est basée sur l’observation de leurs qualités agricoles. Plusieurs auteurs ont souligné la finesse et la cohérence des savoirs paysans, en ce qui concerne par exemple les catégories de terres et les unités de paysages (Diallo et al., 1995 ; Blanc-Pamard, 1990) ou la gestion conservatoire de la fertilité des sols (Roose et al., 1994). En Côte d’Ivoire, nos enquêtes montrent que les ruraux observent qu’un bon sol est de couleur noire en surface et rouge en profondeur avec très peu de gravillons, composé en majorité de matériaux en décomposition (humus). Cette catégorie de terre, qui porte le nom de «n’gbon blé» chez les Agni de l’est, «nagbataré» chez les Sénoufo du nord et de «dodozalo» chez les Bété de l’ouest est très favorable, selon les paysans, à tout type de culture. Ce sont des sols forestiers de plateaux ou de galeries forestières. En fait, pour implanter leurs cultures, les paysans tiennent compte de la propension du sol à contenir de l’argile, des gravillons et du sable. C’est ainsi qu’à l’ouest, par exemple, les Bété distinguent le « dièzra », terre rouge qui affleure, sans gravillon, propice à la culture du cacaoyer et de l’hévéa ; le « diédodo », terre rouge, avec peu de gravillons, propice à la culture du caféier et du palmier ; le «dodozalo », terre noire en surface et rouge en profondeur, avec très peu de gravillons, propice à toutes les cultures et le «blododo» ou «dodokpobo», terre noire avec déjections de verres de terre, propice aux plantes vivrières. Quelle que soit la région, les sols argileux, gravillonnaires ou sableux sont classés dans la catégorie des sols à qualité physique et chimique moyenne selon les paysans. Les mauvais sols sont ceux indurés, concrétionnés ou avec une forte proportion de cuirasse. Ce type de sol est souvent rencontré en pays sénoufo (dominé par un paysage de savane) et porte le nom «tchiangué»4.

Cette classification utilitaire variée, comme le font remarquer Blanc-Pamard et al. (1986), est basée sur les qualités physiques des sols au sens que tout sol cultivable est bon ; meilleur encore s’il retient bien l’eau et est susceptible d’être irrigué, même si, pour les paysans, en agriculture manuelle, un sol léger et facile à travailler retient leur préférence. La classification paysanne s’appuie donc sur des critères reconnus par les agronomes tels que le taux de matière organique, la texture, la structure et enfin la capacité de rétention en eau dont on sait l’importance pour les riziculteurs. Texture et structure sont deux propriétés qu’ils savent reconnaître mais aussi corriger par leurs propres techniques.

4 On pourrait retrouver des observations du même type chez de nombreuses populations de Côte d’Ivoire, que ce soit chez les Malinké du nord-est (Arnaud, 1988) ou les Abé du sud-est (Chaléard, 1996).

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Ajoutons que la conception des types de sol chez les paysans tient compte de la vision qu’ont ceux-ci de l’espace. Cette vision exclut de leur domaine d’intervention certains lieux qui recèlent pourtant des potentialités agricoles réelles. Il en est ainsi des bas-fonds humides, des jachères et des lieux sacrés. Ces interdits ne sont cependant respectés qu’en période d’abondance. La raréfaction progressive des ressources foncières consécutive à la forte pression anthropique actuelle, couplée à la variabilité climatique de ces vingt dernières années, impose un réajustement des perceptions.

2. Une redéfinition du rapport aux bas-fonds Autrefois, les bas-fonds étaient perçus comme des milieux impurs. En effet, à cause des marécages, les populations les imaginaient insalubres et ne trouvaient aucun avantage à leur mise en valeur. De façon plus radicale, certains peuples comme les Attié (à l’est) les considéraient comme le domaine des génies. Sur cette base, les autochtones les ont exclus pendant longtemps des espaces exploitables. La mise en valeur des bas-fonds humides a donc été jusqu’à une époque récente le seul fait des allochtones, surtout dans le sud forestier, la riziculture de bas-fonds étant une pratique ancienne chez les peuples de la savane du nord.

En fait, dans le sud forestier, la pérennité du système de production excluant les bas-fonds a été favorisée, pendant longtemps, par l’abondance des terres libres et par le fait que les cultures arbustives d’exportation, café et cacao, prospèrent mal dans les bas-fonds. Mais, la rapidité des défrichements a fait disparaître les forêts et entraîné la saturation foncière dans le sud-forestier. Si la raréfaction des forêts ne devient sensible que dans les années 1990 dans le sud-ouest plus récemment mis en valeur, elle est manifeste dès les années 1970 dans les régions de vieilles colonisations. La région de l’est, anciennement grande productrice de cacao, entre 1955 et 1969, apparaît aujourd’hui comme un espace de vieilles plantations, où il n’est plus possible de défricher des parcelles en forêt. Dans les départements d’Agboville ou de Dimbokro par exemple, il est pratiquement impossible depuis la fin des années 1980 (voire début des 1970 dans certains secteurs) de créer de nouvelles plantations.

L’équilibre du vivrier qui reposait sur le défrichement annuel de nouvelles parcelles est ainsi remis en question. En effet, avec le déclin des défrichements, la situation s’est profondément modifiée. Dans le sud-est, dans un village comme Adomonkro (Rubino), où les densités de populations atteignaient en 1988 73,5 habitants/km2, la production d’igname et de banane plantain a diminué (Chaléard, 1996). En revanche, riz et maïs se sont développés. Dans cette contrée, Abé (autochtones) et Baoulé (immigrés venus faire des plantations) se sont mis à ces cultures qui prospèrent dans les bas-fonds impropres aux cultures arbustives et qui de surcroît se vendent relativement bien. Ainsi, contrairement au passé, on assiste à une séparation, dans l’espace et dans le système de production, des cultures vivrières et des cultures arbustives, avec développement d’une rotation vivrier-jachère dans les bas-fonds et sur les jachères impropres au café ou au cacao.

Par ailleurs, dans ces régions de vieilles plantations, les cultures maraîchères sont en train de devenir une production marchande principale : tomate surtout, mais aussi ndrowa (sorte d’aubergine locale), gombos, piments (Chaléard, 1996). Ces cultures à cycles courts étant très sensibles aux saisons sèches devenues beaucoup plus longues que par le passé (Brou, 1997), les bas-fonds humides conviennent très bien pour assurer une alimentation hydrique propice. L’essor de ce type de culture intervient aussi dans un contexte de forte croissance urbaine. L’ampleur du marché urbain, découlant du nombre important de ses consommateurs (près de 50 % de la population de la Côte d’Ivoire), conditionne donc énormément le développement de la production vivrière marchande dans les campagnes. Il s’agit , dans un nouveau contexte

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de raréfaction de la ressource foncière et de variabilité climatique, de se procurer des revenus en répondant à la demande quasi quotidienne d’une société qui s’urbanise de plus en plus.

Photos 1 : Bas-fonds aménagés pour les cultures vivrières. Les bas-fonds sont aménagés pour la culture du riz et des cultures maraîchères pour palier les effets de la longue saison sèche. Les banquettes de cultures sont justes à côté du cours d’eau ce qui facilite l’arrosage des cultures.

Tableau 1 : prix de vente de quelques vivriers dans l’est de la Côte d’Ivoire entre 2001 et 2002 Production Prix en saison (CFA/kg) Prix contre saison Rendement Tomate 100 250 20 t/ha Aubergine 75 200 20 t/ha Gombo 75 250 7 t/ha Choux 60 150 15 t/ha Piment 30 100 10 t/ha

Le prix de vente des produits maraîchers, qui peuvent être récoltés en contre saison grâce à l’irrigation, les rend dans certains cas plus intéressants que le cacao et le café. Ces derniers en effet fournissent des revenus par hectare très inférieurs et parfois même des revenus par journée de travail plus bas que les cultures légumières (Chaléard, 1996).

Les bas-fonds autrefois répulsifs deviennent ainsi les lieux privilégiés d’une nouvelle agriculture marchande, allant jusqu’à provoquer une redéfinition des interdits religieux (cultures dans les bas-fonds autorisées avec ou sans rite purificateur préalable). Dans le nouveau contexte environnemental, les pratiques ne sont plus basées sur des interdits, mais sur la reconnaissance de l’utilité de ces zones humides pour les cultures vivrières.

3. La jachère Dans les systèmes de production pré-coloniaux, la jachère existait, mais n’était pas l’objet d’une attention vive ni un enjeu fondamental. On laissait la forêt se reconstituer sur les parcelles anciennement exploitées. L’ancien défricheur pouvait avoir une priorité dans la remise en culture de la parcelle abandonnée, mais sans que ce soit systématique. Les jachères et les friches étaient destinées dans la plupart des cas aux cultures vivrières (riz et maïs dans l’ouest et le sud-ouest, igname, maïs, banane plantain dans l’est et le sud-est, etc.).

Avec l’épuisement des réserves foncières dans la plupart des villages du sud forestier, les jachères revêtent une importance nouvelle. Cette revalorisation est surtout liée à la place de

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plus en plus grandissante des cultures vivrières dans l’économie rurale. La baisse des rendements consécutive à la surexploitation des terres a consacré l’essor de certaines cultures vivrières peu exigeantes d’un point de vue écologique. C’est en effet sur les terres peu fertiles des jachères ou d’anciennes plantations abandonnées que se développent des cultures vivrières marchandes comme le manioc qui connaît une impulsion remarquable dans le sud-est à partir des années 1980. Cette plante est une des rares qui réussisse sur les sols épuisés des vielles caféières. Par ailleurs, le manioc présente bien des avantages. Il s’accommode de façons culturales rudimentaires. Il peut rester en terre plusieurs mois, ce qui permet de le récolter selon les besoins.

Sur l’ensemble du sud forestier, la culture du manioc a connu un fort développement Les superficies ont augmenté de 28% entre 1975 et 1983, alors que pendant la même période, celles de l’igname stagnaient et celles de la banane plantain ou du riz diminuaient (Ministère de l’agriculture, 1983). Cette croissance s’est poursuivie ensuite, même si l’absence de données statistiques précises ne permet pas d’en mesurer l’ampleur (Chaléard, 1996). L’essor du manioc répond pour une bonne part à l’augmentation de la demande urbaine. Celle-ci provient de la diffusion en milieu urbain de la consommation d’attiéké, sorte de couscous de manioc, et de l’explosion démographique des villes, singulièrement Abidjan. Autour des grandes villes comme Abidjan, passée de 46 000 habitants en 1945 à 951000 en 1975 et 3 millions en 1998, la demande se traduit par une extension considérable de la culture. Dans les régions de savane aussi, les campagnes connaissent une transformation sous l’influence d’un marché urbain en expansion. C’est l’exemple de la région de Bouaké dans le centre où, sous l’effet de la demande urbaine, les agriculteurs ont accru la production de manioc à partir des années 80, au point de concurrencer la principale production agricole locale qui est celle de l’igname.

Dans les régions de savanes du nord, les paysans privilégient les cultures de coton et de maïs pour lesquelles les techniques de production se sont améliorées. Ainsi, du fait du passage de la culture manuelle à la culture attelée et mécanisée, on assiste d’année en année à une augmentation considérable des superficies cultivées. Dans notre espace d’enquête, les superficies du coton ont été multipliées par 100 entre 1965 et 1998 (Ministère de l’agriculture, 2002). La seconde cause de l’augmentation des productions de coton et de maïs est l’utilisation croissante de fertilisants industriels ou naturels comme le fumier, devenus incontournables. Les autres cultures (igname, riz, mil, etc.), quant à elles, connaissent une chute de production.

Avec l’essor des cultures vivrières, favorisé par la forte demande urbaine actuelle, les jachères autrefois abandonnées sont donc devenues des enjeux pour des paysans confrontés à la baisse des revenus issus des spéculations majeures (café, cacao). Ainsi, alors qu’elles étaient cédées presque gratuitement aux allochtones, leurs exploitations à des fins agricoles sont désormais assorties de conditions. Dès les années 1960-1970, on observe des locations dans le sud-est, comme en pays abé (département d’Agboville). Ces pratiques se sont généralisées depuis. Actuellement, dans les régions de Soubré (sud-ouest), Daloa (centre-ouest) et d’Abengourou (est), les autochtones procèdent désormais à la mise en location des jachères pour des cultures annuelles (riz, igname, maïs, arachide). Ces contrats de location sont renouvelables. Dans le village de Gnakoradji (Daloa), par exemple, l’allochtone qui veut implanter des cultures pérennes devra louer la parcelle pour 20 ou 30 ans. Il convient cependant de préciser que contrairement à ce qui est observé dans l’ouest et le sud-ouest, les autochtones d’Abengourou, à l’est, sont moins favorables à la cession (ou la vente) définitive des jachères que ceux de Soubré et de Daloa. Les premiers développent, en effet, des stratégies de préservation face à l’extrême rareté des terres, tandis que les seconds semblent avoir une stratégie monétaire et

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avoir été débordés par le flux des migrants. Dans tous les cas, la cession d’une jachère est désormais assortie d’un ensemble de conditions qui montrent que la terre n’est plus une ressource abondante comme elle l’était, il y a deux ou trois décennies5. Il s’agit en effet de réduire au maximum la durée d’occupation des terres par les migrants. Ces locations montrent également que la terre, support de contrats monétaires, est (au moins partiellement) désacralisée.

IV- Gestion des ressources forestières et contradiction dans la vision à long terme des acteurs

La gestion des espaces forestiers a toujours été une préoccupation pour les populations ivoiriennes. Avant l’époque coloniale, les systèmes de gestion de la forêt intégraient aussi bien l’exploitation, la conservation (forêts et arbres sacrés) que la régénération naturelle basée sur les longs temps de repos. Grâce aux pratiques gestionnaires et conservatoires, le milieu forestier était relativement préservé au début du XXème siècle. A partir des années 1960, sous la pression continue de l’agriculture de plantation, les forêts ivoiriennes ont subi une forte régression. Aujourd’hui, l’essentiel des massifs forestiers existant est constitué des forêts sacrées et des forêts du domaine permanent de l’Etat (Parcs nationaux et forêts classées). Mais, malgré l’urgence de la gestion de ces espaces, du fait de l’amenuisement de la ressource forestière, des contradictions existent dans le jeu des acteurs. Face à une vision écologique de plus en plus affichée de l’Etat (souvent sous l’influence des organisations internationales) s’oppose une vision paysanne qui allie instinct de survie et sacralisation de certains pans de la forêt. En fait, l’attitude des paysans varie en fonction du statut de la forêt.

1. Les forêts du domaine permanent de l’Etat

Depuis l’époque coloniale, l’administration s’est dotée de moyens pour empêcher la disparition définitive des massifs forestiers. Il s’agit de l’appropriation, pendant la période coloniale (1920-1958), d’une partie de la forêt ivoirienne par les autorités, qui « classent » des forêts pour les préserver. Mais, bien que ces forêts fassent partie du domaine permanent de l’Etat, les populations riveraines n’ont jamais cessé de considérer ces massifs comme une partie de l’héritage de leurs ancêtres. Ils le revendiquent en cas de nécessité, surtout là où la pression foncière est devenue trop forte. C’est l’exemple des habitants de Belleville (Daloa) et Gnamagui (Soubré) qui, dans un contexte de saturation foncière généralisée, souhaitent qu’une partie des forêts classées de leur village leur soit attribuée. Les villageois s’appuient sur une promesse que leur aurait faite l’ancien président Houphouët Boigny de leur restituer ces forêts au bout d’un certain nombre d’années s’ils continuaient à accueillir les «frères » venus d’ailleurs (c’est-à-dire des migrants) pour travailler la terre. Il n’est guère possible de vérifier l’exactitude de ces propos. Mais ils traduisent la volonté des populations d’obtenir des déclassements et leurs stratégies pour faire pressions sur les politiques. Les villageois sont d’autant plus amers que jusqu’à la fin des années 1980 des déclassements ont eu lieu pour attribuer des pans entiers des forêts « classées » à des soutiens du régime, fonctionnaires, notables locaux et hauts dignitaires désirant les mettre en plantation, dans le cadre d’une politique clientéliste destinée à renforcer la base du régime (Léonard et Ibo, 1994).

5 On pourrait aussi évoquer le développement d’une plante vivace, Chromolœna odorata, qui a rapidement envahi la Côte d’ivoire dans les années 1980. Considérée d’abord comme un fléau car elle est difficile à défricher (les villageois l’appellent « Sékou Touré » du nom du dictateur guinéen), les paysans ont appris à la gérer et à profiter de ses bienfaits pour le sol : les jachères à Chromolœna odorata peuvent aujourd’hui être louées plus cher que les autres.

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En fait, la mise en défens des massifs forestiers du domaine permanent de l’Etat s’est faite suivant deux logiques. La première est celle des forêts classées qui, bien que protégées, répondaient quelquefois à des besoins de productions agro-forestières. En 1993, une évaluation faite par le DCGTx (Direction et Contrôle des Grands Travaux), des superficies agricoles installées dans le domaine forestier permanent de l’État (notamment dans les forêts classées), permettait d’identifier 150 000 ha de caféiers et près de 350 000 ha de cacaoyers. Ces chiffres correspondent, en 1990, respectivement à 15 % et 19 % du potentiel total de production des vergers (DCGTx, 1993). Certaines forêts classées avaient disparu (comme la forêt de la Bebasso au sud du département d’Agboville, presque totalement mise en culture). La deuxième logique de défense du milieu forestier, utilisée par l’État, est celle de la création des parcs nationaux. Ceux-ci bénéficient d’une protection intégrale, du fait qu’ils constituent des espaces de reproduction et des sanctuaires de biodiversité. Y sont systématiquement interdits, par la loi, les prélèvements de bois, d’animaux et les activités agricoles. C’est ainsi que, contrairement aux forêts classées, les parcs nationaux ont subi très peu d’attaques. 2. Les forêts sacrées

Dans certains cas, une dimension spirituelle est conférée à quelques îlots forestiers naturels. Ces forêts sont dites sacrées et sont de ce fait protégées par les populations autochtones. Demeure ou royaume des esprits, la forêt sacrée était et est encore aujourd’hui le signe d’un possible rétablissement de la société ou du moins le gage d’une continuité socioculturelle. C’est à l’intérieur de ces forêts que les populations s’adonnent aux actes d’adoration, de sacrifices et aux rites initiatiques. Généralement, la chasse, les activités agricoles et l’abattage des arbres y sont formellement interdits. Dans l’ensemble des sites enquêtés, les villageois ont réaffirmé le caractère inviolable de ces forêts. «Pour preuve, dans le village d’Amiankouassikro (Abengourou), où la population est en majorité musulmane, des exploitants forestiers ont dû payer une amende après avoir abattu des arbres dans la forêt sacrée sans pouvoir les emporter ». Il existe également chez certains peuples de côte d’Ivoire, des arbres sacrés. Dans les villages des préfectures de Béoumi et de Sakassou (centre) et d’Abengourou (est) par exemple, l’iroko est un arbre sacré pour certaines familles. Parfois, sur une portion de terre mise en culture, cet arbre peut être considéré comme un « ami » ou un « allié ». Plus généralement, et de plus en plus souvent, compte tenu de l’intérêt financier que représente cette essence, des jeunes villageois vendent les arbres aux exploitants forestiers, quitte à consentir des sacrifices plus tard en guise de pardon aux génies. Cette attitude est déplorée par les garants de la tradition, comme le chef du village de Zébénou dans le département d’Abengourou qui condamne le comportement d’une certaine jeunesse déscolarisée qui brade le patrimoine sacré aux exploitants forestiers. En fait, le respect du principe de l’inviolabilité tient surtout à l’autorité du chef du village qui détermine les rapports de la communauté à la forêt sacrée et permet ou non sa préservation.

3. Intérêt du reboisement variable en fonction du statut du paysan La vision prospective de l’environnement des différentes communautés diffère selon leurs origines et les régions. Les migrants n’entretiennent pas, localement, le même rapport sacré que les autochtones à la terre : cette dernière peut être sacrée pour eux dans leur village d’origine, mais elle ne l’est pas dans la région d’accueil, qui n’est pas le patrimoine hérité de leurs ancêtres ni le siège de leurs divinités. En outre, pour les migrants, les activités doivent se dérouler sur le court terme, car ils ne sont pas sûrs de conserver leur terre ni de la transmettre à leurs héritiers, même ceux qui ont passé des contrats avec les autochtones : l’incertitude de la tenure entrave tout projet à long terme. Sont donc exclues, pour eux, les activités de reboisement et de protection des forêts. L’attitude des autochtones vise, dans un contexte d’afflux de migrants, à l’appropriation des terres. Même si la protection des forêts et le

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reboisement ne sont pas systématiques, la mise en valeur des terres est beaucoup plus lente que chez les migrants ; certaines forêts sont mises en défens pour y accomplir des cultes (forêts sacrées) et également pour des générations futures.

L’absence d’intérêt pour les allochtones

De façon générale, pour les allochtones, le reboisement ne présente aucun intérêt économique. Ils ont migré pour obtenir rapidement de l’argent grâce au café et au cacao. Leur statut souvent instable et leur logique économique ne les prédisposent guère à se lancer dans des opérations de reboisement dont la rentabilité est lointaine et pour eux incertaine. Ils ne cherchent pas non plus à reboiser les jachères qui ne leur appartiennent pas ou qu’ils préfèrent destiner aux cultures vivrières qui les nourrissent ou leur rapportent. Ces agriculteurs ne cachent donc pas leur opposition aux reboisements incompatibles selon eux avec les activités de plantation. A Kafonandougou dans le département de Daloa, par exemple, les allochtones Baoulé n’envisagent un éventuel reboisement que dans leurs villages d’origine où ils disposent de terres. Selon eux, la végétation de savane serait plus adaptée à ce type de projet. De plus, ils redoutent des tentatives de récupération des terres mises en valeur par les autochtones. C’est le problème de la sécurité de leurs investissements dans les zones d’accueil qui est ainsi posé.

Une attitude plus nuancée des autochtones

Par le passé, les agriculteurs intégraient dans leurs pratiques des stratégies de reconquête forestière. De longs temps de repos permettaient à la végétation de se reconstituer. Par ailleurs, la préservation des arbres utiles sur recrûs forestiers garantissait la conservation de certaines espèces. Cette logique paysanne s’est perpétuée dans un contexte de non-saturationn foncière et d’économie de subsistance. Sous la colonisation, avec la diffusion de l’économie monétaire, la forêt est devenue un enjeu économique. A l’heure actuelle, elle est une source de revenu importante pour l’Etat qui est seul habilité à l’exploiter. Longtemps exclus de la filière bois (jusqu’en 1999), les paysans ont très souvent marqué leur désintérêt à toute initiative contraire à l’extension de leurs parcelles agricoles. De plus, étant habitués à des productions agricoles annuelles ou des cultures arbustives qui fournissent des revenus assez vite (les caféiers et cacaoyers produisaient à partir de 5-6 ans autrefois, beaucoup plus tôt aujourd’hui), il est difficile pour eux de se projeter sur le long terme, comme l’impose les échéanciers d’exploitation d’une plantation d’arbres (à partir de 20 ou 30 ans).

C’est pourquoi, chez les autochtones de la forêt, bien qu’ils soient dépositaires de pratiques gestionnaires et conservatoires anciennes, la question du reboisement se pose aujourd’hui en termes d’investissements à rentabilité non immédiate. La longueur du cycle (20 à 25 ans) de maturation de certaines essences vulgarisées (teck) demeure un facteur peu encourageant. Aussi n’hésitent-ils pas à rétorquer « si on plante des arbres sur une partie de nos terres, on va manger quoi ? Et même si ces arbres seront bien payés plus tard, nous allons récolter les fruits de ces investissements quand?». On note ici un sentiment d’immobilisation de la terre peu profitable à la génération qui a la charge actuellement de la gestion foncière. Ces interrogations révèlent l’état d’esprit des populations devant le reboisement. Le besoin d’argent liquide dans l’immédiat éclipse la rentabilité économique, même avérée, à long terme. Les paysans de Koréa Il (département de Daloa) par exemple n’ont pas caché leur manque d’intérêt pour les plantations d’arbres, individuelles ou collectives. Pour eux, ce reboisement doit être fait par ceux qui abattent les arbres et qui en tirent profit, c’est-à-dire les exploitants forestiers.

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Toutefois, malgré la réticence quasi générale exprimée par rapport au reboisement, il existe des villages qui envisagent une opération de ce type ou qui en ont déjà fait l’expérience. Les projets sont sous-tendus par un ensemble de conditions qui posent de façon globale le problème du financement du reboisement compte tenu des moyens financiers et matériels limités des paysans. Dans le centre, à Nzuéda (département de Béoumi) par exemple, il existe un espace communautaire susceptible d’être reboisé. Il en est de même à Ayaou-Sokpa dans la préfecture de Sakassou (centre) où, sous l’impulsion des cadres du village, un projet de reboisement de 200 ha est en cours. Des projets de plantations individuelles ont également été initiés dans la région d’Abengourou. Par exemple, à Appoisso, sous les effets conjugués des campagnes de sensibilisation et de la présence de la SODEFOR (Sociétés des Forêts), chaque paysan se dit prêt à affecter un ha de sa propre exploitation au reboisement.

Conclusion Des mutations sociales sont en cours dans les milieux ruraux ivoiriens à la suite des modifications profondes de leur environnement au cours des quatre dernières décennies (régression des surfaces forestières et variabilité climatique). A des comportements anciens basés sur le respect du patrimoine naturel s’oppose une nouvelle logique fondée sur l’utilité agro-économique des espaces. Le passage d’une agriculture de subsistance à une agriculture marchande, fondée sur un système de production extensif et dévoreur de forêt, entraîne le bouleversement des pratiques gestionnaires et des représentations sociales. La mise en valeur des bas-fonds est à cet égard exemplaire. En outre, dans le contexte actuel de course à la terre et de saturation foncière, les paysans sont moins préoccupés par la sauvegarde de l’environnement que par la mise en culture systématique des terres agricoles, mettant ainsi en danger les dernières réserves forestières.

Ainsi, même si la dégradation de l’environnement n’est pas un enjeu majeur des débats politiques actuels, elle s’inscrit néanmoins pleinement dans l’évolution générale que connaît le pays. La dégradation de l’environnement est un des éléments de la crise du milieu rural ivoirien, marqué par la pression démographique sur la terre, la saturation foncière et les tensions entre migrants et autochtones, en partie à l’origine des affrontements en Côte d’Ivoire. L’évolution des perceptions du milieu et des pratiques s’inscrivent dans une remise en cause générale des comportements et des systèmes de valeur paysans. La crise actuelle a certainement perturbé certains indicateurs évoqués dans ce travail, notamment les flux migratoires. De nombreux conflits ont, en effet, considérablement réduit l’afflux des populations vers le centre-ouest et le sud-ouest, identifiés jusqu’à la fin des années 1990 comme étant les milieux agricoles les plus attractifs. Mais la situation actuelle est plus marquée par les conséquences d’une évolution de plusieurs décennies que par les événements récents, fussent-ils tragiques.

Actuellement, si les forêts du domaine permanent de l’Etat sont les premières cibles d’attaques des planteurs à la recherche de terres fertiles, il n’en est pas de même pour les forêts sacrées qui conservent toujours leur intégrité. Par ailleurs, le respect et la valeur patrimoniale accordés aux espaces sacrés (forêts, bas-fonds, milieux accidentés ou fragiles) et à certaines espèces végétales ou animales est surtout le fait des autochtones attachés à la perpétuation de rites anciens. Ceux-ci contribuent ainsi à la préservation de l’environnement, malgré les changements en cours. Il en est de même de la persistance des rituels pour la pluie même si l’influence de plus en plus grandissante des religions monothéistes sur la vie des populations rurales tend à en atténuer la ferveur. Cette attitude contraste avec celle des allochtones qui se préoccupent peu, dans les régions d’accueil, du patrimoine et des rites

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anciens6. Pour l’allochtone, la terre ou les lieux sacrés sont dans la région d’origine : l’espace de migration est essentiellement le support d’une agriculture marchande. Si cette opposition est surtout nette dans le sud forestier où les migrations ont été particulièrement importantes, on pourrait la retrouver dans les savanes du nord, dans les zones pionnières de colonisation sénoufo (au sud de Korhogo par exemple) ou celles de colonisation lobi dans le nord-est où les pratiques des migrants s’opposent à celles, plus conservatrices, des autochtones. Koulango.

En relation avec les contraintes du milieu naturel et l’origine des acteurs, il est donc possible de mettre en évidence une diversité de logiques paysannes. La prise en compte de ces savoirs et pratiques des paysans nous paraît, à l’évidence indispensable dans la compréhension du jeu des acteurs autour de l’appropriation, de l’exploitation des ressources naturelles et des crises environnementales. Malheureusement, celles-ci ont bien souvent été négligées dans les projets de développement destinés à ces populations, alors que la définition des politiques publiques de gestion de l’environnement aurait pu s’appuyer sur une connaissance approfondie de ces dynamiques locales. À l’heure où la Côte d’Ivoire connaît de multiples remises en cause, leur prise en considération paraît plus que jamais indispensable.

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6 La situation politique tendue depuis plusieurs années en Côte d’Ivoire et l’absence de solution clair au problème foncier ne font qu’accentuer les contrastes en rendant plus précaire la présence des allochtones, notamment dans la partie sud du pays.

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Adaptation strategies of the local populations to mitigate the impacts of rainfall decline in Côte d’Ivoire Brou Yao Télesphore Institut de Géographie Tropicale, Université de Cocody, Abidjan, Côte d’Ivoire Email: [email protected] Francis Akindès Université de Bouaké, Côte d’Ivoire Email: [email protected] Sylvain Bigot Laboratoire de Géographie des Milieux Anthropisés, Univ. Sciences et Technologies de Lille Email: [email protected] Adama Ouattara University Center for Remote Sensing Research and Applications, Univ. Cocody, Abidjan Email: [email protected] Since late ‘60s, Côte d’Ivoire like all the countries in West Africa has been experiencing a

climatic variability. The most conspicuous features of this climatic variability are the drastic

decrease in rainfall and its spatial and temporal heterogeneity with corollaries of droughts,

water shortages and perturbations of flow regimes. In 1998, scientists convened in Abidjan

to discuss the variability of water resources in Africa during the 20th century. While the topic

of climatic variability is noticed everywhere on the continent, its impacts vary from region to

region and consequently adaptation strategies are expected to vary widely. For example,

West Africa has contrasting climates ranging from the arid regions of the north to humid

tropical rainforests of the south on the Atlantic Coast. Moreover, economic disparity among

countries, the harshness of the effect of the climatic variability, cultural differences, and the

socioeconomic activities carried by the populations directly affect their adaptation strategies.

Hence, the present paper discusses a case study for Côte d’Ivoire in which agriculture greatly

depends upon the amount and spatial and temporal distribution of rainfall.

In general, climatic variability observed in West Africa has been explained in terms of

decrease in rainfall, shifts in the beginning and end of seasons, and a significant decrease in

water resources during the last decades (Le Borgne, 1990; Servat et al., 1997; Brou, 1998).

In Côte d’Ivoire, a noticeable decrease in rainfall began in the late ‘60s concomitantly with

similar observations in the Sahel, and during the following two decades, the situation has

further worsened. A southward push of the 1200 m isohyet highlights this declining trend in

rainfall (Fig. 1)

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hyet between the ’50s and ’90s

DECADE 50-59

DECADE 90-99

atten

reso

the

varia

to sh

cont

of 3

the S

We

direc

impo

rang

mod

perc

inter

strat

the i

sinc

way

foun

Mod

Figure 1 : Westward displacement of 1200 m iso

Since the Abidjan meeting, the topic of climatic variability has received much

tion in the scientific community and it effects on the environment, populations, and water

urces availability are now better known. However, what is still not well understood are

adaptation strategies devised by local communities to mitigate the effects of climatic

bility on their activities and livelihoods. Therefore, the objective of the present study is

ed some light on the kinds of adaptation strategies adopted by these populations and

rast regional strategies throughout the country. A survey was undertaken from a sample

0 villages randomly chosen among three agroclimatic zones (actual cocoa rush zones in

outhwest, a former cocoa rush region in the East, and the savannah region in the North).

recorded changes (in agricultural activities, land use, economic activities) which could

tly result from variation of climatic factors.

A summary of the answers to the questionnaire indicates that to cope with the new

sed climatic constraints, local populations have invented an array of strategies which

e from diversification of economic activities and changes in land use patterns to

ification of agricultural systems. These reactive adaptation strategies highlight the

eption local populations have about climatic variability. Because of the complex and

twined relationships between human activities-environment-climate, the perceptions and

egies of the indigenous people can bring significant insight to a broader understanding of

mpacts of climatic variability. Moreover, the dynamic nature of the impacts is noticeable

e as people react to climatic change, they are likely to modify the environment in some

, which in turn may further affect the climate. A summary of the significant strategies

d in the study is provided below.

ification of land tenure in regions of high influx of migrants

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In the Southwest and central west of Côte d’Ivoire where more than 40 percent of the

populations are immigrants, land owners (native populations) have new perception of land

tenure; they are more reluctant to sell or share their lands with new incoming migrants. The

forest is no longer considered a common property (as it used to be during periods of

abundance) easily shared with strangers. Rather, it has become a private property which

must be protected by family members. With increasing population size in the cocoa rush

zones, the dwindling forest resources cannot longer support all the numerous newcomers.

Modification of farming practices and land use patterns

Except for few industrial plantations (sugar cane, pineapple, and banana), the majority of

farms depend on rainfall. Therefore, farmers have adjusted their crop calendars to cope with

new climatic conditions. In the Western and Eastern regions, the modification of planting

and harvest dates has resulted in the disappearance of early and late yielding rice cultivars.

In the north, the quest for water during the dry season sparks fierce competition

between herders and farmers. It is not uncommon for the competition to control this vital

resource to end up in a fight and even death. The problems related to management and share

of water resources among different shareholders are recurrent, and in most cases local

initiatives are found. For instance, some farmers are now cultivating crops whose growing

seasons do not coincide with periods of transhumance. Other farmers prefer early yielding

cultivars because herds of cattle trespassing a farm with ripe crops will cause only limited

damage. Growing season of crops and transhumance periods should not overlap.

Crops with longer growing seasons such as yams and cassava are gradually being

abandoned because of increased risks of soil water shortage. With decreasing rainfall,

parallel decreases in yields of major crops (yam, millet, sorghum, rice) are observed.

Still in the north, farmers are now heavily growing maize and cotton for which better

farming techniques and equipment are available. Oxen-driven and mechanized farming

systems and chemical fertilizers are commonly used in cotton cultivation.

In the west, farmers are diversifying their economic activities. Beside cocoa and

coffee, other crops such as rubber tree, palm tree, cotton and cashew are being intensively

cultivated. Some farmers are even turning to non-agricultural activities such fish farming.

For example, in the department of Soubré, 1000 fish ponds (for 445 farmers) and 12 artificial

lakes are recorded.

In the old cocoa rush zones of the East, the aging and unproductive cocoa farms have

been abandoned altogether. Only a few relics of cocoa farms remain in wetlands or other

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topographically favorable landscape positions. Growing vegetables has now become a

lucrative business especially during the dry season when water is scarce and the demand for

tomatoes and cabbages is high. Irrigation is the major challenge since most rivers dry up and

very few water holes can hold water long enough.

Strategies for food security preservation

Risks of food shortage and insecurity have accrued in the last decades. As a result, crop

associations have been extensively used in farming systems. In the forested zone, the

association banana-coca is more common since banana trees provide the necessary shade to

young cocoa trees. Later, when the cocoa canopy is almost complete, the cocoa trees are the

ones preventing the banana trees growing underneath from excessive heat. In the north,

cultivation of “drought” tolerant crops such as cashew is on the increase.

Maintaining adequate food production levels despite the new climatic constraints has

meant scarifying fragile resources or utilizing less priority forest lands. Here, priority is

given to lowlands and wetlands for growing vegetables or rice (see picture 1). Large scale

transformations of wetlands into agricultural uses have obvious environmental drawbacks

since they can sustain biological diversity all year round. For example, in the savannah

vegetation ravaged annually by wild fires during the dry season, wetlands stand as a safe

places for both animal and plant communities.

Picture 1: Wetlands being used for vegetable (left) or rice (right) farming

Changes in food habit to reflect new conditions

In the Southwest, rice has always been the favorite staple food of the local populations, with

banana and cassava in a distant second place. With the Bété ethnic group, banana and coco

yams used to be the staple foods, however, unfavorable growing conditions have made it

possible for rice cultivated in wetlands to emerge as the new staple food.

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To the populations of the East, rice was once considered a bird feed, and as such was

neither extensively cultivated nor eaten except in case of a food crisis. A mixture of pounded

banana and cassava, locally called “foutou”, was the staple food. However, with receding

forest resources and a concomitant decrease in rainfall, the region is barely conducive to

growing banana whereas a rising interest in rice cultivation is noticed. Now, rice is slowly

but steadily fitting into people’s diets.

In the north, maize is the all round staple food with yams and rice coming in second

and third places, respectively. During periods of food shortage, sorghum and millet

complement maize. Post-harvest preservation issues sometimes play an important role in the

temporal variation of people’s diets. For example, yam unlike cereal crops is not available

year round and is heavily eaten over a short period.

By and large, rice is the food item eaten by most people in Côte d’Ivoire today.

Moreover, the African Rice Center (WARDA) in Bouaké (Côte d’Ivoire), is providing a new

high yielding rice cultivar called Nerica.

Conclusion

To sum up, the present work clearly indicates the reactive strategies adopted by the local

populations in response to climatic variability in Côte d’Ivoire. Climatic variability seems to

affect most the food supply systems partly because a great many people in the rural

environment are involved in agricultural activities which are contingent upon water

availability. Just like in many developing countries in Africa, most socio-economic activities

revolve around agriculture. And, to enhance their livelihoods, more and more rural people

are migrating to the southwest region still favorable to cocoa and coffee farming. This high

influx of migrants leads to heavy anthropogenic pressures being exerted on the scanty tropical

rainforest resources.

We believe that some of these strategies discussed so far may be confounded with

initiatives taken in response to economic globalization even though the latter were not

investigated in this study. For instance, formerly less significant crops such as cashew are

now being cultivated throughout the north because of increasing foreign market demands and

appealing prices (Ouattara et al., 2004). The sudden interest in cashew cannot be solely

attributed to its resistance to drought. Economic globalization will only stress the impacts of

climatic variability in a country where forest ecosystems are already heavily threatened.

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Acknowledgments

The research is supported by a university grant.

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Institut National de la Statistique, 2001 : Recensement Général de la Population et de l’Habitat de Côte d’Ivoire. Rapport de synthèse, volume migration, INS, Abidjan 46 P.

LE BORGNE J., 1990 : La dégradation actuelle du climat en Afrique , entre Sahara et Equateur in "la dégradation des paysages en Afrique de l'Ouest". Dakar, P. 17-36.

Ouattara, A., D. Sylla, M. Koné, and C. Y. Sangne. (In preparation) Impacts of agriculture on land cover change in the savannah zone of northern Côte d’Ivoire.

SERVAT E., PATUREL J-E., LUBES H., KOUAME B., OUEDRAOGO M., MASSON J-M., 1997 : Variabilité climatique en Afrique humide le long du Golfe de Guinée. Première partie : analyse détaillée du phénomène en Côte d'Ivoire. Journal of Hydrology, 191, 1-15.