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Climat8

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Le piètre bulletin climatique de la Belgique. Le politique déçoit (1/2)

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Page 1: Climat8

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Le Soir Mardi 12 novembre 2013

10LE BULLETIN CLIMATIQUE

DÉC

IDEU

RSA

l’heure de dresser le bulletinbelge en matière climatique,les nombreux experts et obser-vateurs contactés par Le Soirsont unanimes sur deux

choses au moins. Un : espérer une modi-fication des comportements des entre-prises et des ménages en s’appuyant uni-quement sur des « carottes » (primes, dé-ductibilités fiscales, campagnes de sensi-bilisation…), c’est rêver en couleurs. Ilfaut aussi des mesures contraignantespour décourager les comportements nui-sibles et ouvrir la voie aux actes positifs.Deux : malgré quelques exceptions, onest aujourd’hui loin du but. Tant pour lescarottes que pour les contraintes…

« Les politiques sont des politiquesavant tout, attaque un consultant, fami-lier des cénacles gouvernementaux. Ils nesont pas là pour faire le bien. En matièred’énergie et de climat, il y a quelquesbonnes décisions et beaucoup de non-dé-cisions. » Du côté des entreprises où l’onest parfois les premiers à combattre toutevelléité de réglementation, un patronajoute : « Les politiques ne savent pastrancher. C’est la division qui règne. Unetare vraiment catastrophique ! Qu’y a-t-il de sûr aujourd’hui en Belgique ? Il n’ya ni vision ni sécurité juridique. »

Manque de visionL’absence de vision : un reproche ré-

current. Comme celui du manque d’am-bition. « Les politiques sont-ils capablesde se projeter à moyen et long terme ?,s’interroge un haut fonctionnaire. Non,juste à une trentaine de semaines, c’est-à-dire les prochaines élections. C’est unconstat terrible, mais réaliste je crois. »Les exemples pleuvent : l’incroyablesanctuarisation de l’automobile, l’inca-pacité à investir sérieusement dans lestransports en commun, l’absence de vo-lonté d’agir massivement dans la rénova-tion des bâtiments, l’échec de la fiscali-té… « Tous les partis évoquent une ré-forme fiscale, et pratiquement pas unseul, dans ses propositions à ce sujet, nes’exprime clairement sur la nécessité de

mettre en place une fiscalité carbone »,indique un universitaire.

Dans un avis inhabituellement tran-ché, le très consensuel Conseil fédéral dudéveloppement durable (patrons, syndi-cats, ONG de développement, associa-tions environnementales et de consom-mateurs) en rajoute lui-même unecouche : « Des décisions importantes sefont attendre, un cadre stratégique clairest absent, le suivi et l’évaluation des po-litiques sont déficients, les engagements

ne sont pas tenus et la résolution de pro-blèmes fondamentaux est toujours re-poussée. »

Parmi cette salve impitoyable, certainstrouvent cependant des circonstances at-ténuantes : « Il est vrai que l’implicationde la population est proche de zéro. Diffi-cile pour un politique de faire de ces su-jets un thème électoral. » Une populationpas impliquée fait un politique démobili-sé qui, en retour, n’agit pas pourconscientiser l’opinion. Voilà qui expli-

querait, dit un autre, le fait que les parle-mentaires soient « remarquablementmuets sur ces questions fondamentales ».D’autres évoquent la puissance des lob-bies, qui bloqueraient les progrès.D’autres la faiblesse des médias. Et dansce cercle vicieux, les ONG rament. Avecdes succès mitigés et un questionnementqui commence à émerger : commentparler et mobiliser « d’une manière net-tement plus percutante et innovante » ? ■

MICHEL DE MUELENAERE

Le politique déçoit,Manque d’intérêt, manque de vision, manque d’ambition. Le bulletin des poli-tiques est constellé de rouge. Reflet ou cause du désintérêt de la population ?

La politique en matière de transports routiers : un domaine dans lequel les décideurs politiquesn’ont pas osé, su, pu, imaginé trancher. Un échec majeur. © ROGER MILUTIN.

C ’est le clou de notre cercueil.Et pour beaucoup, la preuve

de l’incapacité des politiques àmener à bon port les dossiers del’énergie et du climat. Depuisdes mois, les Régions et le fédé-ral livrent bataille autour dudossier du partage de la charge,le burden sharing pour les in-times. Une question « simple »mais toujours pas de réponse.La Belgique s’étant engagée àréduire de 15 % ses émissions deCO2 d’ici 2020 et de couvrir13 % de sa consommationd’énergie avec des renouve-lables, qui, du fédéral et des Ré-gions, fait quoi ? Dans le paquet,on discute aussi de la répartitiondes revenus de la mise aux en-chères des quotas de CO2 réser-vés à la Belgique. Et l’on a tentéde s’entendre sur la répartitionde l’aide (150 millions sur 2010-2012) promise par la Belgiqueaux pays en développement lesplus pauvres affectés par lechangement climatique.

Des dizaines et des dizaines deréunions plus tard, c’est pourl’instant l’échec sur toute laligne. Même si, aux dernièresnouvelles, « tout le monde veutaboutir », selon un négociateur.Ça fait mauvais genre. Cette se-maine au sommet de Varsovie,le monde évoquera le soutien fi-nancier aux pays du Sud. Del’argent pour la période 2013-2015, puis 100 milliards de dol-

lars par an pour 2020. La Bel-gique qui s’était engagée pour150 millions entre 2010 et 2012n’a réussi à en trouver pénible-ment que 92,561. « C’est le gou-vernement fédéral qui a le plusactivement participé à ce finan-cement, insiste Melchior Wathe-let (CDH), ministre de l’Envi-ronnement : Nous avons donné78,113 millions. » L’argent n’estpas « nouveau et additionnel »comme c’était prévu dans les ac-cords internationaux : une par-

tie résulte du « recyclage » debudgets de la coopération au dé-veloppement. Le reste qui devaiten principe venir des Régions ?« Ce dossier est refermé, dit undes participants de la Commis-sion nationale climat où lesBelges s’étripent depuis deslunes. La Belgique ne donnerajamais ces 150 millions. » Onpasse à autre chose. Reste quelorsqu’il s’agira de se montrer enpointe sur le dossier climatique,les négociateurs belges auront

du mal à se faire entendre.A l’heure de déterminer les

responsabilités dans ce fiasco,tout le monde flingue tout lemonde. Du côté fédéral, on stig-matise « la schizophrénie » desRégions qui veulent toutes lescompétences mais refusent lescontraintes qui y sont liées.Celles-ci accusent le gouverne-ment fédéral d’immobilisme,d’être absent lors des négocia-tions et d’être incapable de semettre d’accord sur une poli-

tique climatique que certainspartis jugent non prioritaire.

« On attend toujours le som-met belge sur le climat annoncéen grande pompe par Watheletlors du dernier sommet interna-tional à Doha en 2012. Et qu’a-t-il fait lorsqu’il présidait laCommission nationale cli-mat ? », s’amuse un Wallon. Lesproches du dossier relèvent aus-si que les partis flamands tant àla Région qu’à l’exécutif fédéraldénient à celui-ci toute compé-tence et cherchent à torpiller ledossier. L’environnement étantune compétence régionale, ni legouvernement ni l’administra-tion fédérale n’ont à s’en mêler,peut-on résumer. Le hic, c’estque certains leviers essentielssont encore entre les mains dufédéral comme la fiscalité (ac-cises sur les carburants et dé-ductibilités), l’éolien offshore,les agrocarburants, les normesde produits…

« Chaos institutionnel »Au moment de négocier, cha-

cun cherche à reporter l’effortsur l’autre. « C’est le chaos insti-tutionnel », résume un fonction-naire. En termes diplomatiques,le Conseil fédéral du développe-ment durable déplore l’ampleurdes divisions. Dans son dernieravis sur la « gouvernance clima-tique » (tout un programme…),il plaide pour « une réelle coordi-

nation et une réelle cohérenceentre les différentes instancesbelges en charge de la politiqueclimatique, du fait du caractèretransversal de cette politique etdes nombreuses synergies pos-sibles ». On traduit : en matièred’énergie et de climat aujour-d’hui en Belgique, chacun tire lacouverture à soi, mène sa poli-tique dans son coin, éventuelle-ment contradictoire à ce qui sefait à d’autres niveaux de pou-voir. Alors qu’une coordinationpermettrait à tous d’en tirerd’importants bénéfices…

Vous avez dit coordination ?Les Belges sont déjà incapablesde s’entendre sur leurs chiffresd’émission. En raison de diffé-rences de méthodologies, lasomme des émissions régionalesne correspond pas au calcul fé-déral. Depuis des années, l’ONUdemande aux Belges d’accorderleurs violons. « Cela fait 15 ansque ça dure », soupire un res-ponsable de l’inventaire.

Parviendra-t-on à ramener laraison ? Cette année, la ventedes quotas de CO2 rapporteraenviron 130 millions à la Bel-gique. Une somme bloquée enattendant un accord entre le fé-déral et les Régions sur sa répar-tition. Si les arguments de rai-son ne parviennent pas àconvaincre, celui-ci pourrait ai-der… ■

MICHEL DE MUELENAERE

querelle Les désaccords entre le fédéral et les Régionsminent les politiques et la crédibilité de la Belgique

Incroyable : la somme des émissions de gaz à effet de serre rapportée par les Régions ne correspondpas au calcul du fédéral. Quinze ans que l’ONU nous demande de mettre de l’ordre. En vain. © THIENPONT.

Assez d’efforts ?La liste des mesures priseset à prendre à tous les ni-veaux de pouvoir est pour-tant longue. Trop peu ?Au fédéral, on invoque lesdéductions fiscales pourinvestissement économiseurd’énergie pour les particu-liers (en oubliant cellesqu’on a supprimées…) et lesentreprises, les agrocarbu-rants, la promotion du rail,l’éolien offshore.La Wallonie qui s’est dotéed’un plan énergie-climat alancé son alliance emploi-environnement ainsi que desprogrammes de recherche ;promeut les modes de trans-port doux, a octroyé 17.349primes contre 8.168 en2008. Dépensera 70 mil-lions pour des primes éner-gie et réhabilitation et 100pour les prêts « écopacks ».,soutient la géothermie.Bruxelles a aussi un planclimat. En 5 ans, elle a dé-pensé 110 millions de primesénergie-rénovation. Tente deprendre des mesures demobilités. Objectif 2025 :réduire les émissions de30 % par rapport à 1990.

M.D.M

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