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&CO 2 se penche sur les grands thèmes évoqués à l’occasion de la conférence internationale sur la gestion durable des forêts en RDC, organisée à Bruxelles, les 26 et 27 février 2007. Le lecteur y trouvera des témoignages de ceux qui vivent dans ou de la forêt, de ceux qui l’utilisent, parfois de ceux qui la détruisent... Différents articles mettent en évidence sa valeur inestimable, mais aussi sa fragilité.
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L A V O I X D U C O N G O P R O F O N D | 2 6
Pauvreté et déforestationP A R T E N A R I AT | 2 8
Que fait la Belgique ?C A R T E | 1 6
Forêts et parcs en RDC
&co
D O S S I E R | 6
Une mosaïqued’usagesde la forêt
N U M É R O T H É M A T I Q U E S U R L E S F O R Ê T S D U C O N G O | J U I N 2 0 0 7
L E M A G A Z I N E D E L A C O O P É R AT I O N B E L G E E N R E P U B L I Q U E D É M O C R AT I Q U E D U C O N G O
Nos forêts, notre avenir !
Lorsque le Ministre belge de la Coopération
au Développement nous a demandé d’or-
ganiser une conférence internationale sur les
forêts de la RDC, nous n’avions pas vraiment
conscience de l’engouement qu’elle allait sus-
citer. Grâce à une collaboration efficace des
représentants du monde scientifique et asso-
ciatif, des institutions belges, congolaises et
internationales, et de tous ceux qui nous ont
contactés spontanément, les chercheurs, les
responsables et militants d’ONGs, les repré-
sentants du secteur privé…nous avons l’im-
pression d’avoir atteint notre objectif : diriger
les projecteurs de l’actualité sur les défis des
forêts du Congo, donner la parole aux princi-
paux acteurs, rassembler les parties prenantes
et créer un espace de dialogue ouvert et
constructif. Et surtout, alerter l’opinion et les
décideurs sur l’urgence à agir.
Cette conférence n’était pas la première sur ce
sujet, et le risque était grand d’en faire simple-
ment « une conférence de plus ». Pour éviter
cela, nous avons voulu à la fois mettre l’accent
sur la nécessité de s’orienter vers de nouveaux
systèmes de gestion et mécanismes de finan-
cement et veiller à poursuivre l’élan de la
conférence par des activités de sensibilisation
et d’information du public au Congo et en
Belgique. Ce numéro de «&CO» s’inscrit dans
cette démarche.
Le numéro précédent de ce magazine avait
abordé la question de la reconstruction de la
RDC au lendemain des élections. Pour la coo-
pération belge, les questions environnementa-
les sont au cœur de cette reconstruction, à la
fois parce que la RDC est un des pays les plus
riches du monde du point de vue de ses res-
sources naturelles et parce que ces ressources
sont menacées, et particulièrement la forêt et
ses habitants.
La forêt peut devenir un axe important du
développement durable de la RDC, pour autant
que les ressources forestières ne soient pas
simplement soumises à des régimes uniques
« d’exploitation industrielle ». Les débats de la
conférence ont insisté sur la nécessité de met-
tre en place une gestion efficace réellement
participative avec le souci du long terme et
que le produit de cette gestion forestière
contribue à la lutte contre la pauvreté et pro-
fite en premier lieu aux populations autochto-
nes et riveraines des forêts. Mais les enjeux
sont nombreux, les intérêts parfois contradic-
toires, et il n’est pas facile de se forger une
opinion claire sur la nature des problèmes et
sur les alternatives à promouvoir.
C’est pourquoi le lecteur trouvera dans ce
numéro de «&CO» à la fois des témoignages
de ceux qui vivent dans ou de la forêt, de ceux
qui l’utilisent, parfois de ceux qui la détruisent,
consciemment ou non. On y trouvera aussi des
articles mettant en évidence la valeur inesti-
mable que constitue la forêt du Congo pour la
population congolaise et pour l’humanité,
mais aussi sa grande fragilité.
Les défis à relever sont nombreux : préserver
un patrimoine naturel unique et irremplaça-
ble, préparer le Congo de demain, choisir des
stratégies de développement et les mettre en
œuvre, franchir progressivement les étapes
vers un développement équitable.
La coopération belge, en organisant cette confé-
rence, avec l’appui de la Banque mondiale, de
la Commission Européenne et des Coopé-
rations française et britannique, a rappelé à
ses partenaires congolais son engagement à
se mettre à leur côté pour contribuer à une
gestion durable des ressources forestières.
La Déclaration de Bruxelles, qui a conclu les
deux jours de travaux, se termine en encoura-
geant la RDC à poursuivre sans relâche l’effort
de gouvernance entrepris depuis 2002 au titre
de l’Agenda prioritaire et en exhortant les par-
tenaires internationaux à appuyer ces efforts.
La Déclaration de Bruxelles est disponible
sur www.confordrc.org
EDITORIAL
C l a u d e C R O I Z E RConseiller environnement, à la Coopération Technique Belge
E d d y N I E R Y N C KGestionnaire des dossiers RDC,à la Direction Générale de la Coopération auDéveloppement
T h e o d o r e T R E F O NResponsable de la section d’Histoire du temps présent,au Musée Royal de l’Afrique Centrale
2 J U I N 0 7 | N°2
grande responsabilité pour le Gouvernement
de la République Démocratique du Congo, de
même que pour les Communautés tant natio-
nale qu’internationale. Il appartient à toutes
les parties prenantes de collaborer aux objec-
tifs du Gouvernement congolais, qui naturelle-
ment devrait bénéficier de l’adhésion de tous.
Etant donné la complexité des enjeux, aucune
partie ne peut relever le défi à elle seule, les
partenaires multi-acteurs deviennent plus que
jamais indispensables et l’implication interna-
tionale, incontournable.
Pour ce qui est de la vision commune belgo-
congolaise, nos sociétés respectives et nos ins-
titutions cherchent chacune leurs marques
face à ces enjeux. Par nature, par l’histoire et
par nécessité, nos deux peuples sont profondé-
ment attachés - avec des sensibilités différen-
tes - à la recherche de solutions coopératives à
l’échelle multilatérale. Nos États, avec un par-
cours différent, prennent progressivement la
mesure de la montée des interdépendances,
sur une gamme importante de secteurs. Mais
nos objectifs sont largement communs et se
manifestent par des prises de position concrè-
tes : ensemble, nous souhaitons la réduction
des déséquilibres macro-économiques mon-
diaux, la réalisation des Objectifs du Millénaire
au bénéfice des plus vulnérables, et les assises
de Bruxelles ont contribué à ces objectifs.
Les forêts congolaises méritent un traitement
particulier de la part de la communauté inter-
nationale en cette période post-conflit. La
relance économique déjà en cours est en train
de se renforcer et les pressions sur les res-
sources naturelles et notamment forestières
vont s’exacerber. Les négociations à la croisée
des enjeux économiques et sociaux des popu-
lations concernées, de même que la nécessité
de la préservation des richesses écologiques
du massif pourront ainsi permettre d’atteindre
les conditions d’un développement durable de
la RDC.
La République Démocratique du Congo
qui sort d’une longue période d’hésita-
tions doit résolument se concentrer sur les
grands problèmes de sa refondation pour
répondre aux besoins croissants de sa popula-
tion qui aspire au même titre que d’autres au
bien-être, condition sine qua non de la réduc-
tion de la pauvreté.
Le Gouvernement articule ses réflexions
autour des préoccupations qui touchent direc-
tement à la survie et à l’émancipation des
populations, particulièrement celles autrefois
oubliées, tels les peuples autochtones pour
tirer le maximum de bénéfice grâce à leur
savoir-faire. Les forêts congolaises, comme
patrimoine public, sont essentielles pour la sur-
vie de millions de gens parmi les plus pauvres
du monde, et pour l’environnement mondial.
La RDC n’évolue pas dans un environnement
clos. Elle appartient aux systèmes écologiques
aujourd’hui en danger suite notamment aux
catastrophes naturelles et aux menaces dues
aux changements climatiques contre lesquel-
les sa population n’est pas armée. Ces défis ne
sont pas l’affaire d’un pays et pire encore d’un
pays de la catégorie des moins avancés, car ne
disposant nullement des moyens ni des capa-
cités nécessaires pour s’attaquer à ces fléaux.
En sa qualité d’acteur principal dans la gestion
forestière, le Ministère de l’Environnement est
en train de mettre en place le « Programme
National Forêt-Conservation ». Il lui incombe
ainsi la mission d’informer la population et les
partenaires au développement sur les activités
nationales dans le secteur forestier et sur leur
apport aux efforts internationaux de la protec-
tion de l’environnement.
Les forêts de la RDC sont un patrimoine
exceptionnel pour la population congolaise et
pour l’humanité. Elles doivent être gérées
dans le but de réduire la pauvreté et de proté-
ger l’environnement. Ceci constitue une
3
AVANT-PROPOS
A b e l L é o n K A L A M B AY I WA K A B O N G OSecrétaire Général du Ministère de l’Environnement,Conservation de la Nature, Eaux et Forêts, RDC
Mambasa, Province Orientale
© Randy Olson
Les 26 et 27 février 2007, près de 300 personnes de différents pays ont participé à la conférence organisée à Bruxelles.
© D
GCD/
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itri A
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Les forêts du CongoSanctuaire écologique et poumon africain
Autrefois, entièrement recouverte de
forêts tropicales depuis le Sénégal
jusqu’à l’Ouganda, l’Afrique est large-
ment dénudée aujourd’hui. Et l’effeuillage s’ac-
célère en raison de la déforestation causée par
divers facteurs, l’un d’eux étant l’exploitation
industrielle du bois sur le continent (lire p.13).
Par chance, le territoire de la République
Démocratique du Congo demeure boisé aux
deux tiers, conservant pas moins de 145 mil-
lions d’hectares de forêts, dont 86 millions sont
des forêts humides (40% de la superficie du
pays). Comme on le lira plus loin, outre le rôle
majeur que jouent ces écosystèmes dans l’équi-
libre du climat à l’échelle planétaire, ils repré-
sentent une manne exceptionnelle pour d’im-
menses populations dont la survie est liée direc-
tement aux ressources naturelles qu’offrent ces
écosystèmes. Rien qu’en RDC, ce sont quelque
1 700 000 KM2 DE SUPERFICIE, 400 ESPÈCES DE MAMMIFÈRES, 10 000 ESPÈCES DE PLANTES. LES FORÊTS TROPICALES HUMIDES DU BASSIN DU CONGO SONT UN VÉRITABLE SANCTUAIRE ÉCOLOGIQUE. C’EST LE SECOND MASSIF FORESTIER DE CE TYPE DANS LE MONDE APRÈS CELUI D’AMAZONIE.UN POUMON VERT GIGANTESQUE, GRAND COMME TROIS FOIS LA FRANCE ET CINQUANTE-CINQ FOIS LA BELGIQUE !
40 millions de personnes qui dépendent de la
forêt pour leur alimentation, leurs plantes médi-
cinales ou leur approvisionnement en énergie.
Or vert et paradis terrestreDu reste, au plan économique, la RDC a un
besoin vital de son or vert. On sait par exemple
que la cuvette centrale de la forêt tropicale
fournit le bois d’exportation en même temps
qu’elle constitue un vivier pour plusieurs
grands centres urbains parmi lesquels
Kinshasa. Qui plus est, en dépit de sa richesse
minière, le développement du pays demeure
conditionné par les performances du secteur
agricole dont l’approvisionnement en eau pro-
vient justement du couvert forestier local.
Autre chose : le fleuve Congo joue, en tant
qu’autoroute principale de la RDC, un rôle
majeur dans le transport des personnes et des
marchandises entre l’intérieur des terres et les
agglomérations. Or, la régulation de son débit
(40 000 m3/s tout au long de l’année) résulte
de la présence de la forêt. En effet, celle-ci -
via le mécanisme de l’évapotranspiration - est
à l’origine de 75 à 95% des précipitations
enregistrées dans le bassin du Congo.
Enfin, il faut dire un mot de l’exceptionnel
patrimoine végétal et animal qu’abritent ces
zones forestières. Ainsi, sur les 10 000 espèces
de plantes que l’on y recense, 3 300 sont
endémiques (propres à la RDC). De même,
pour 39 espèces de mammifères. Le gorille, le
chimpanzé et le bonobo y ont notamment
trouvé refuge, ainsi que l’okapi et le paon du
Congo. De rares antilopes bongo y vivent aussi,
de même que de grands troupeaux de buffles et
d’éléphants de forêt. Cette fantastique biodi-
versité, l’une des plus riches au monde, se
retrouve également au fond des lacs et des
rivières. A lui seul, le lac Tanganyika contient
2000 espèces de poissons dont plus de la moi-
tié ne se rencontre nulle part ailleurs sur la pla-
nète. Il se fait que ces eaux sont pour la plupart
tributaires de la forêt.
Premier piège forestier à carboned’AfriqueAu-delà des enjeux locaux et régionaux immé-
diats qui s’y rattachent, les forêts tropicales
humides fournissent une gamme variée de ser-
vices environnementaux dont les bénéfices
débordent largement des frontières de la RDC.
Tout d’abord, elles participent à la purification
4 A c tu a l i t é >J U I N 0 7 | N°2
F r é d é r i c L O O R E
La flore surprenante du massif de Rwenzori (Parc des Virunga) dont les sommets sont couverts de glaciers et de neiges éternelles
© K
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jers
tad
et au recyclage de l’eau, de même qu’à l’ap-
provisionnement en nutriments et autres élé-
ments nutritifs des plaines inondables, des
zones marécageuses et des estuaires. Leur
action limite ensuite les méfaits des inonda-
tions et des sécheresses. Mais surtout, elles
sont essentielles à la lutte contre le réchauffe-
ment climatique car, plus qu’aucun autre éco-
système, elles ont la faculté d’emprisonner le
CO2(dioxyde de carbone). A l’échelle de la pla-
nète, on sait que la quantité de CO2piégée par
les forêts est 45 fois supérieure à celle émise
chaque année par l’exploitation des énergies
fossiles et la fabrication de ciment. Or, il
s’avère que le massif forestier de la RDC ren-
ferme seul 8% de ce volume ! Ce qui fait de
lui le premier piège forestier à carbone
d’Afrique et le quatrième dans le monde.
La forêt : un important rôle de régulation du climatIl n’est pas nécessaire d’avoir fait des études
de climatologie pour comprendre quel impact
la déforestation peut avoir sur le climat.
Sachant que la biomasse des forêts tropicales
humides retient environ 180 tonnes de car-
bone à l’hectare, on imagine sans peine ce que
le déboisement intensif entraîne comme rejets
dans l’atmosphère. Plus de 90% du carbone
hors-sol peut être perdu en cas de changement
d’affectation des sols. L’impact direct de
l’abattage sélectif est nettement moindre,
même s’il est significatif. Il faut cependant
prendre en compte les effets indirects induits
par la création des routes d’évacuation. Ainsi,
5
le volume annuel des rejets liés au déboise-
ment représenterait entre 10 et 25% du total
des émissions de CO2
dues à l’activité
humaine. C’est approximativement ce que pro-
duit le secteur du transport mondial. Pour la
République Démocratique du Congo, on a cal-
culé que les émissions engendrées par la défo-
restation entre 1950 et 2000 étaient plus de
50 fois supérieures à celles causées par l’utili-
sation des carburants fossiles dans le pays.
Actuellement, la RDC apparaît à la 21ème place
du sinistre hit-parade des pays émetteurs de
gaz à effet de serre (devant la Belgique, la
Finlande, la Grèce, l’Irlande, la Suisse et les
Pays-Bas) ; cela quasi exclusivement du fait de
l’éclaircissement du « tapis vert », qui ne
cesse de se rétrécir notamment devant l’avan-
cée des débardeurs. De plus, certaines prévi-
sions tablent sur une disparition de 40% des
forêts du Congo d’ici à l’horizon 2050. Si cela
devait se produire, quelque 31 à 34 milliards
de tonnes de CO2
se répandraient alors dans
l’atmosphère, soit l’équivalent (à la moyenne
de l’an 2000) des émissions de la Belgique
sur une période de 267 années !
Si la forêt est l’un des moteurs de l’économie
de la RDC, elle constitue tout autant un atout
écologique pour le pays comme pour le monde.
D’où la nécessité de développer une gestion
forestière respectueuse de l’environnement et
de l’équité sociale. Des usages non-destructifs
de la forêt (concessions à vocation touristique,
écologique, communautaire, etc.) sont possi-
bles, lesquels permettraient en plus de générer
des revenus pour l’Etat tout en bénéficiant aux
populations locales. A cet égard, le Ministre
belge de la Coopération au Développement, en
relation étroite avec les autorités congolaises
comme avec d’autres partenaires internatio-
naux, s’est engagé à soutenir activement les
initiatives visant à mettre en oeuvre des modes
de financement innovants pour une gestion
durable des forêts de la RDC.
SOURCES GREENPEACE BELGIQUE ET WWF RDC
EXTRAIT DE LA DÉCLARATION DE BRUXELLES
«Les forêts de la RDC sont un patrimoine national commun d’une valeur inestimable pour la population congolaise et pour l’humanité.»
G L O S S A I R E
Biomasse : Masse totale des organismes vivants
peuplant un milieu donné (racines, branches, feuilles)
Écosystèmes : ensemble formé par une association
ou communauté d’êtres vivants et son environnement
géologique, pédologique et atmosphérique
Évapotranspiration : quantité d’eau totale transférée
du sol vers l’atmosphère par l’évaporation au niveau du sol
et par la transpiration des plantes
Zone marécageuse près du lac Tumba où l’on pêche à l’aide de barrages et de pièges
L’okapi, espèce rare et menacée, vit uniquement dans les forêts tropicales de l’est de la RDC
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6 D o s s i e r >J U I N 0 7 | N°2
Une mosaïque d’usages de la forêtSI LA FORÊT CONGOLAISE DOIT D’ABORD ÊTRE SAUVÉE POUR ELLE-MÊME ET PARCE QU’ELLE CONSTITUE L’UN DES DERNIERS POUMONS NATUREL DE LA PLANÈTE, ELLE EST AUSSI POUR LES POPULATIONS LOCALES UNE SOURCE DE RICHESSE QU’IL FAUT PROTÉGER ET DÉVELOPPER. POUR RÉPONDRE À CES ENJEUX ET ASSURER DEMAIN SA GESTION DURABLE ET RÉFLÉCHIE, UNE MOSAÏQUE D’USAGES SE DESSINE. CE DOSSIER LIVRE QUELQUES EXEMPLES CONCRETS AU REGARD DE SA VOCATION ÉCOLOGIQUE,DE SA DIMENSION ÉCONOMIQUE ET DE SA RÉALITÉ HUMAINE.
7
©Ra
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Olso
n
C’est en 1925 qu’a véritablement
commencé l’histoire des parcs du
Congo, avec la création, au nord-
est du pays, du parc national des Virunga (pre-
mier parc national africain). Il s’agissait alors
de sauvegarder le fameux gorille des monta-
gnes. Huit décennies plus tard, la RDC compte
officiellement 60 aires protégées, dont 5 sites
inscrits au patrimoine mondial de l’humanité.
Elles abritent quelques-unes des espèces les
plus remarquables, qu’on ne rencontre que sur
le sol congolais, parmi lesquelles le bonobo, le
rhinocéros blanc du Nord, le paon congolais ou
encore le très rare okapi et la moins connue,
genette aquatique. La biodiversité se mani-
feste aussi dans la profusion des espèces de
végétaux, de mollusques, d’oiseaux, de pois-
sons, d’insectes et de bactéries. A ce jour,
nombre de ces espèces ne sont pas encore
bien connues par les scientifiques.
Etat d’urgenceAujourd’hui, les 5 parcs nationaux inscrits au
patrimoine mondial de l’Unesco se trouvent
aussi sur la liste du patrimoine en péril et un
grand nombre d’aires protégées n’existent
plus que sur papier. Les problèmes sont mul-
tiples mais c’est l’activité de l’homme qui est
la cause majeure de l’érosion de cette biodi-
versité : agriculture, chasse, collecte de bois.
Autres maux qui frappent ce patrimoine : les
groupes armés qui s’adonnent au braconnage
d’espèces menacées, le commerce illégal de
viande de brousse, l’exploitation forestière et
minière illégale.
Avec le retour à la stabilité, la priorité est de
faire fonctionner normalement les aires proté-
gées déjà existantes. En effet, la guerre, qui a
déchiré le pays, a non seulement décimé les
populations civiles mais aussi été préjudicia-
Préserver une richesse biologique
irremplaçable
8 D o s s i e r >J U I N 0 7 | N°2
LA RICHESSE BIOLOGIQUE
NATURELLE DU CONGO CLASSE
LE PAYS AU CINQUIÈME RANG
MONDIAL POUR SA DIVERSITÉ
ANIMALE ET VÉGÉTALE.
UNE BIODIVERSITÉ EXCEPTION-
NELLE MAIS EN DANGER.
POUR LA SAUVER, LA MOBILISA-
TION DE TOUS EST NÉCESSAIRE.
OBJECTIF : RÉHABILITER LES
AIRES PROTÉGÉES ET PRÉSERVER
LES ESPÈCES ET ÉCOSYSTÈMES
LES PLUS MENACÉS.
Zone marécageuse près du Lac Tumba
©Greenpeace/Philip Reynaers
O l i v i e r S T E V E N S e t J u l i e L E D U C
Mbandaka, province de l’Equateur. Bureau du coordinateur provincial de la protection de l’environnement.
9
ble à la faune, à la flore et à toute l’organisa-
tion de la préservation des forêts, qui a subi
un coup d’arrêt. Résultat : les écosystèmes
sont gravement appauvris. Par exemple, les
hippopotames des Virunga ont été massacrés,
la population d’éléphants des sites du patri-
moine mondial a été décimée, et il ne reste-
rait que quelques rhinocéros blancs. Ce
constat ne doit cependant pas occulter les
efforts déployés pour maintenir en vie ce
patrimoine, notamment, par l’Institut
Congolais pour la Conservation de la Nature
(ICCN) à qui incombe la responsabilité de les
gérer et par ses nombreux partenaires. C’est
notament l’amélioration de l’efficacité des
patrouilles qui a permis l’accroissement des
populations de gorilles des montagnes dans
les Virunga. Certaines terres occupées ont pu
être récupérées. Des contacts ont été liés avec
les différentes parties belligérantes pour met-
tre en place une véritable « diplomatie de la
conservation». Des structures destinées à
gérer des informations écologiques ont été
installées et des cartes de base des 5 sites du
patrimoine mondial, ont été développées sur
base d’images satellites. Cela a permis de
mettre à jour les informations appropriées.
Une chose est sûre : la réhabilitation des aires
protégées prendra du temps, c’est l’ensemble
du réseau qui doit être réévalué. La création
de nouvelles aires a déjà commencé, avec
comme objectif d’atteindre les 15% du terri-
toire national érigé en aires protégées, fixés
par le Code Forestier (contre environ 8%
aujourd’hui). La tâche est complexe. Il faut
évacuer les groupes armés, les positions mili-
taires, les populations et les exploitants
miniers. Il faut aussi rétablir un minimum de
présence et d’infrastructures dans les parcs et
renforcer la surveillance pour que cesse l’ex-
ploitation forestière non durable. Autres actions
urgentes: restaurer les limites des sites, en
impliquant les populations, comme ce fut déjà
le cas aux Virunga. Car une bonne part du suc-
cès de ces actions réside dans leur acceptation
par les communautés environnantes.
La fin du conflit comporte aussi des risques.
Comme ce fut le cas ailleurs dans la région, le
braconnage risque de s’intensifier avec la
reprise de l’industrie du bois et l’ouverture de
routes dans des massifs reculés, autrefois
inaccessibles aux chasseurs et braconniers.
Besoins en ressources humainesLes débats de la Conférence de Bruxelles ont
mis en évidence les énormes besoins en hom-
mes, en matériels et infrastructures. Il y a 30
ou 40 ans, les cadres techniciens étaient vala-
blement formés mais depuis lors, comme dans
d’autres domaines, tout a stagné. Heureu-
sement, le pays a encore un petit groupe de
cadres professionnels bien formés mais ils
sont, pour la plupart, proches de la retraite. Des
études estimaient en 2005 les besoins à envi-
ron 700 ingénieurs et 2000 techniciens. Des
approches nouvelles requérant des compéten-
ces adéquates sont donc à mettre en place.
L’implication des populationsLes conflits d’intérêts qui opposent souvent
les organisations protectrices de la nature et
les populations vivant aux alentours des parcs
montrent combien il est important que ces
dernières soient impliquées, tant au niveau de
la protection qu’à celui de l’utilisation des
connaissances sur l’environnement. Autrefois,
les réserves de chasse faisaient office de zone
tampon autour des parcs. Aujourd’hui, la
pression démographique est telle, qu’elles ne
remplissent plus leur rôle. Solution préconi-
sée : la gestion participative qui cherche à
concilier les intérêts des uns et des autres.
Mais, pour réussir, ce type de projet doit
nécessairement offrir des alternatives écono-
miques aux populations concernées, par le
biais notamment d’activités génératrices de
revenus et de l’aménagement d’infrastructu-
res socio-économiques.
Réserve de faune à okapis.Préparation des bouquets destinés
à nourrir les okapis captifs de la réserve. Ils sont constitués de feuilles d’une cinquantaine
d’espèces de plantes et d’arbres sauvages.
©UN
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/Eric
Lod
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©Greenpeace/Philip Reynaers
EXTRAIT DE LA DÉCLARATION DE BRUXELLES
«La conférence a mis en exergueque le maintien de la biodiversitédes forêts congolaises, de leurpotentiel génétique et de leurcontribution aux équilibresenvironnementaux de la planèteconstituent des enjeux globauxqui dépassent le cadre strictementcongolais et soulignent la pertinence d’une mobilisationrégionale et internationale.»
10 D o s s i e r >J U I N 0 7 | N°2
Une communauté internationale prête à agirLa Conférence a également requis la mise en
place de nouveaux mécanismes de finance-
ment afin de mobiliser les ressources néces-
saires. L’urgence des capitaux est, en effet, un
véritable souci. Techniquement, tout est en
place mais le besoin d’argent peut à tout
moment tout remettre en cause. Il convient,
par exemple, d’essayer d’assumer des frais de
fonctionnement récurrents comme le salaire
des gardes. L’instabilité politique et les
conflits ont limité la vision globale des projets
à un horizon de 3 ou 4 ans. Or, la préservation
de la nature est un objectif à long terme qui
demande des investissements à long terme.
Dès lors, l’une des priorités est aussi que
l’engagement international se poursuive dans
la durée sans quoi on ne peut espérer des
résultats pérennes. La création d’un Fonds
fiduciaire pour la conservation de la Nature
est l’une des réponses à cette insuffisance de
fonds sécurisés.
Le tourisme : une autre source de financement Promouvoir le tourisme tout en préservant les
équilibres fondamentaux des milieux naturels,
est l’une des missions de l’ICCN. Sa reprise
devrait générer des bénéfices utilisables pour
faire face aux frais de personnel et de fonction-
nement des aires protégées. Pour ce faire, les
facilités de transport et l’hébergement devront
être développés. A ce propos, le Rwanda peut
servir d’exemple. Le tourisme vert, motivé
essentiellement par la présence de gorilles, y
est aujourd’hui la troisième source de devises
étrangères après le café et le thé .
SOURCES UNESCO, CIFOR, CIRAD, BANQUE MONDIALE
Les villageois sont encouragés à élever des aulacodes pour réduire la pression sur la viande de brousse.
Chasseur de viande de brousse sur une piste d’exploitation dans la région de Bandundu. Ces pistes d’exploitation ouvrent la forêt tropicale et la rendent accessible entre autres au braconnage commercial.
Travail d’inventaire forestier (mesure du diamètre à hauteur de poitrine et identification de l’espèce), dans un bloc d’uniformisation par le haut (UH) de la Réserve de Luki dans la forêt du Mayombe, Bas-Congo.
ICCNINSTITUT CONGOLAIS POUR LA CONSERVATION DE LA NATURE
L’ICCN, Institut Congolais pour la Conservation de la Nature, créé en 1975, est une entreprise publique à carac-tère technique et scientifique. Il a pour mandat de gérer et conserver la biodiversité dans les aires protégées, defavoriser et promouvoir la recherche scientifique en écodéveloppement, de développer l’écotourisme dans le respectdes principes fondamentaux de la Conservation de la Nature et enfin d’intégrer la conservation au processus dedéveloppement local des populations riveraines aux aires protégées.2000 agents parmi lesquels des cadres de différentes disciplines dont des médecins-vétérinaires, des biologistes,des géographes, des économistes, des agronomes, des financiers, des juristes, des historiens s’attèlent à mettre enœuvre un plan de conservation efficace de la diversité biologique de la RDC.
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©Musée Royal de l’Afrique Centrale/Camille Couralet
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l’énergie. Ils retournent alors à l’état de CO2
dans l’atmosphère. Ce CO2
«additionnel» per-
turbe le cycle naturel du carbone et contribue
au réchauffement climatique.
Déforestation et puits de carbone Une forêt en croissance constitue un puits de
carbone. Pourquoi ? Parce que la quantité de
gaz carbonique (CO2) absorbée lors de la pho-
tosynthèse par les arbres en train de pousser
est plus grande que la quantité de CO2libérée
lors de leur respiration et de la décomposition
des arbres morts. Lorsque la majorité des
arbres a fini sa croissance, l’équilibre est
atteint et le bilan en CO2
est nul. Dès lors, la
forêt n’est plus un puits de carbone. C’est
pourquoi, seuls les projets de reforestation, et
non les forêts naturelles, sont considérés
comme des puits de carbone dans les négo-
ciations internationales.
11
Une idée novatrice :lespuitsdecarbone
EN CAPTANT LE CARBONE ET EN « ÉVAPOTRANSPIRANT », LES FORÊTS TROPICALES CONTRIBUENT À RÉGULER LE CLIMAT ET JOUENT UN RÔLE PRIMORDIAL DANS LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE.
Le carbone, un cycle de vieLe carbone est omniprésent sur Terre… Sa
quantité globale est constante et se répartit
dans différents "réservoirs" entre lesquels des
échanges se font : c’est le cycle du carbone.
Une partie du gaz carbonique (CO2) présent
dans l’atmosphère se dissout dans l’océan;
une autre est transformée par la photosyn-
thèse des végétaux en matière organique, qui
est ensuite ingérée par les animaux herbivores,
eux-mêmes mangés par les carnivores, qui
libèrent tous du CO2
en respirant. Des études
récentes montrent que la matière végétale
absorbe plus de gaz carbonique (environ 2 mil-
liards de tonnes) qu’elle n’en rejette. Les éner-
gies fossiles (charbon, pétrole, gaz), issues de
la décomposition de la vie organique durant
des millions d’années, sont du «carbone
piégé» et restent sous cette forme jusqu’à ce
que l’homme les brûle pour produire de
Carbonefossile
pétrole,charbon,
gaz
Calcaire
(carbonate de calcium)
OcéansBiomasse morte
(sol, tourbe)
Biomasse
Atmosphère
Flux rapides Flux assez lents Flux faibles
© G
reen
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avis
on
M a r i e - C h r i s t i n e B O E V E
devenir un formidable levier de développe-
ment, avec les ressources qu’elle génèrera, et
les emplois qu’elle procurera. Autre atout non
négligeable : Ibi- Batéké créera aussi un vaste
refuge pour la faune sauvage qui y trouvera de
quoi assurer sa subsistance ainsi que les
conditions optimales pour sa reproduction.
Une réflexion globale indispensable«L’enjeu est multiple et, comme très souvent,
fait appel à des données et des moyens par-
fois apparemment contradictoires. Il s’agit
d’abord de sauver la forêt équatoriale pour
elle-même. De nombreuses réflexions amè-
nent à dire qu’un espace forestier peut géné-
rer des richesses, tant sur le plan économique
que socio-culturel, à moyen et à long terme »,
explique Olivier Muschiete, responsable du
projet. La plantation d’acacias, d’eucalyptus,
de pins et d’autres espèces autochtones, leur
entretien et leur récolte créeront de nombreux
emplois directs. « Le problème étant, comme
souvent lorsque l’on cherche à optimaliser les
possibilités de développement des pays
d’Afrique centrale, de mener une réflexion
globale à la fois philosophique et macro-éco-
Une pépinière supportée par le WWF autour du parc national des Virunga. Une forêt en croissance constitue un puits de carbone.
12 D o s s i e r >J U I N 0 7 | N°2
Le pari du projet de puits de carbone
d’Ibi-Batéké
carboneReboiser une zone dégradée de la forêt
congolaise en utilisant des essences
natives de cette région, lutter contre
l’effet de serre, participer au développement
économique et social de toute une région, tel
est le triple pari relevé par le projet de puits
de carbone d’Ibi-Batéké.
8 millions d’arbres sur 8.000 hectaresLe projet se situe sur le plateau des Batéké,
s’étendant du Gabon à l’Angola, de part et
d’autre du fleuve Congo, à 2 heures de dis-
tance de Kinshasa. Aux latitudes où, sous les
pluies équatoriales, on s’attendrait à trouver
la forêt dense humide, s’étendent des savanes
herbeuses naturelles, parfois chétivement
arbustives. Le projet consiste à convertir cette
savane peu productive en une source de bio-
masse renouvelable, en y plantant huit mil-
lions d’arbres, sur 8.000 hectares. Il s’agit
avant tout d’une méthode écologique de lutte
contre le réchauffement planétaire.
Mais c’est également une révolution sociale et
économique pour cette zone: il faut en effet
former les villageois pour ensuite gérer, c’est-à-
dire exploiter cette forêt, qui, à terme, pourraitG L O S S A I R E
Puits de carbone : réservoir, naturel ou artificiel de carbone
dont la taille augmente constamment (à l’inverse d’une
source de carbone.) Les principaux puits étaient les proces-
sus biologiques de production de charbon, pétrole, gaz natu-
rels et hydrates de méthane et roches calcaires. Ce sont
aujourd’hui les océans et certains milieux végétaux.
Photosynthèse : processus qui permet aux plantes de synthé-
tiser leur matière organique en exploitant l’énergie solaire.
Séquestration ou piégeage ou emprisonnement du carbone :
désigne les processus extrayant le carbone ou le CO2 de la bios-
phère et le stockant dans un puits de carbone.
Biocarburants : carburants d’origine végétale issus de la bio-
masse.
Empreinte écologique: mesure la pression qu’exerce l’homme
sur la nature. C’est un outil qui évalue la surface productive
nécessaire à une population pour répondre à sa consommation
de ressources et à ses besoins d’absorption de déchets.
Le cycle du carbone : un équilibre précaireQuel est le rôle de la respiration végétale ?
Quelle est l’influence du gaz carbonique
(CO2) issu de la combustion des énergies fossi-
les et de la déforestation ? Autant de questions
qui deviennent aujourd’hui vitales puisque le
cycle du carbone est fortement perturbé par les
activités humaines. Car l’impact de l’homme
sur ce cycle ne se mesure pas seulement en
terme de CO2
et de climat, mais aussi de per-
turbation des écosystèmes. L’objectif est donc
de conserver dans la mesure du possible les
puits de CO2
existants dans les forêts à l’aide
de mesures telles que la lutte contre le déboi-
sement, la création de réserves forestières, le
changement des systèmes d’exploitation.
EXTRAIT DE LA DÉCLARATION
DE BRUXELLES
«La conférence reconnaît le caractère innovant de plusieursinitiatives telles que la création de puits de carbone par la reforestation. »
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WF/
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nguy
Une initiative originale: parrainer un arbre de la forêtcongolaise
L’association IBI propose de calculer son
empreinte écologique. En fonction du résul-
tat obtenu, un logiciel détermine le nombre
de jeunes pousses d’arbres qu’il faudrait
acheter pour compenser son empreinte.
Différentes espèces sont disponibles: acacia, milletia,
pin ou eucalyptus, et coûtent entre 1 et 2 euros
en fonction des essences.
Pour participer : http://ibi-village.cdrubrique Action parrainage.
13
La guerre et l’instabilité politique ont longtemps protégé
les forêts du Congo de l’abattage industriel du bois.
Aujourd’hui encore, leur éloignement par rapport à la
mer et le manque d’infrastructures (ports, routes) les
préservent relativement du pillage. Malgré tout, entre
2000 et 2005, le pays a perdu chaque année plus de
300 000 hectares de forêts, l’équivalent de 600 000
terrains de football. Ce qui place la RDC au huitième
rang mondial des pays les plus déboisés.
Certes, par rapport à d’autres pays tropicaux, le taux de
déforestation reste relativement modeste. Mais ne voir
que cela, c’est s’abriter derrière l’arbre qui cache...
la forêt. De fait, même si la coupe est sélective,
elle est terriblement nuisible en ce sens qu’elle consiste
à prendre le meilleur et à laisser le reste. L’exploitation
se concentre sur une douzaine d’essences de grande
valeur commerciale, représentant à peu près 90% de la
production. Pour les prélever, de vastes zones de forêts
sont ouvertes dans lesquelles s’enfoncent quantité
d’engins utilisés au débardage des grumes, suivis
à la trace par les braconniers.
Plusieurs essences sont à ce point exploitées, qu’elles
figurent dorénavant sur la liste des espèces en danger
établie par la CITES (Convention sur le commerce inter-
national des espèces de faune et de flore sauvages
menacées d’extinction). A terme, ces essences précieuses
Madjoko, Bandundu. Une concession
pourraient disparaître. C’est le cas notamment pour
l’afromasia, le wengé et le sapelli. Actuellement,
une douzaine d’exploitants détiennent plus de la moitié
des titres de coupes, sur une superficie de quelque dix
millions d’hectares. Pour l’essentiel, ces compagnies
forestières sont congolaises, belges, françaises,
allemandes, italiennes, portugaises et libanaises.
Au début des années 2000, 340 titres forestiers,
couvrant un territoire de 43 millions d’hectares, avaient
été alloués à des prix dérisoires et sans aucune garantie
de transparence. En 2002, une partie de ces titres
donnant droit à 25 millions d’hectares ont été invalidés.
Dans le même temps, le gouvernement congolais a
instauré un moratoire sur l’attribution de nouveaux droits
d’exploitation et mis en place un code forestier qui prévoit,
entre autres, que les forêts classées représentent 15%
du territoire de la RDC (contre 8% aujourd’hui).
Bien que confirmé par un décret présidentiel de 2005,
ce moratoire n’a cependant cessé d’être violé. Quant au
contrôle de l’exploitation, il est pour l’heure inexistant
dans les faits. Bref, si la bataille pour la préservation
du «poumon africain» semble difficile, elle n’est pas
encore perdue ; gageons que le défi imposé par les
changements climatiques soit de nature à favoriser les
alternatives à l’abattage industriel non durable.
F.L.
SOURCES GREENPEACE BELGIQUE ET WWF RDC
nomique et de mettre sur pied des réalisations
concrètes associant tous les acteurs et qui ne
dévoie pas les enjeux de départ », souligne
Olivier Muschiete.
Un développement pragmatique…à moyen et long termeMais c’est déjà vers 2020 que se porte le
regard des responsables de ce projet : à cet
horizon, le patrimoine forestier mis en place
(acacias, eucalyptus et pins) sera en bonne
position pour répondre à la demande mon-
diale de fibres pour la pâte à papier ou de cel-
lulose pour les biocarburants.
«La principale difficulté de ce type de projet
est de convaincre les investisseurs et les bail-
leurs de fonds de la rentabilité sur le long
terme», insiste Olivier Muschiete. « Ici, les 7
ou 8 premières années seront sans rendement.
Dans le contexte congolais, c’est une donnée
difficile à faire accepter. J’ai néanmoins pu y
associer les interlocuteurs locaux indispensa-
bles comme le gouvernement congolais, les
différents ministères concernés, les chefs cou-
tumiers mais aussi les interlocuteurs interna-
tionaux qui sont, eux, plus enclins à s’engager
dans des projets à long terme si le suivi quoti-
dien est bien organisé.»
M-C.B. et O.S.
SOURCES CITÉ DES SCIENCES, PARLEMENT EUROPÉEN, IBI VILLAGE
Déforestation : l’arbre qui cache la forêt
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14 D o s s i e r >
Le bois est une ressource naturelle lar-
gement exploitée notamment pour sa
valeur énergétique. Un kilogramme de
bois sec libère lors de sa combustion une
quantité d’énergie qui est seulement 2,5 fois
plus faible que celle libérée par un kilogramme
de pétrole. Dans les régions industrialisées, les
ressources pétrolières ont supplanté le bois
par leur disponibilité et leur facilité d’utilisa-
tion. Le bois reste cependant le combustible
domestique de référence dans la plupart des
pays africains même si le pétrole est indispen-
sable pour certaines applications (automobi-
les, par exemple). Il est probable que l’homme
retournera à une utilisation plus intensive du
bois lorsque le pétrole sera moins largement
disponible afin de limiter son impact sur le
climat de la terre et sur son environnement. Le
bois sera alors transformé dans divers procé-
dés afin de mieux satisfaire à une utilisation
efficace.
Avantages de la transformation du bois en charbonParmi les transformations envisagées, la
conversion en charbon de bois est celle qui
est actuellement la plus pratiquée car le bois
brut n’est pas bien adapté aux besoins domes-
Focus sur le charbon de boisLA MAJORITÉ DU BOIS EXTRAIT DES FORÊTS CONGOLAISES
EST UTILISÉ POUR LE CHAUFFAGE ET LA CUISINE.
H e r v é J E A N M A RT
Université Catholique de Louvain – Département d’Ingénierie Mécanique
tiques de cuisson et de chauffage pour diver-
ses raisons. La première est due à la présence
d’eau dans le bois brut. Cette eau augmente
la masse du bois tout en diminuant sa valeur
énergétique et induit une fumée dense et opa-
que lors de la combustion. Une deuxième rai-
son est que, lors de la combustion du bois,
certains éléments volatils sont émis donnant
une odeur particulière aux fumées. Si ces
fumées entrent en contact avec de la nourri-
ture, elles ont tendance à en altérer le goût.
Par contre, le charbon de bois est plus dense
énergétiquement puisqu’il contient, pour un
kilogramme une énergie environ deux fois plus
élevée que celle du bois brut. La température
élevée et la régularité de la combustion sont
deux atouts du charbon de bois qui est aussi
plus facile à conditionner et à conserver.
Le charbon de bois est un produit de la dégra-
dation thermique du bois à haute température
et en présence limitée (ou absence complète)
d’air. Lorsque le bois est soumis à une source
de chaleur, l’eau s’évapore au-dessus de
100°C. Ensuite le bois se décompose en un gaz
combustible et en un résidu très riche en car-
bone, le charbon de bois. La température à
laquelle la décomposition s’effectue a un
impact important sur la qualité du produit fini.
Il faut atteindre environ 500°C pour obtenir un
bon charbon de bois. Il est à noter que la plu-
part des essences se prêtent à la carbonisation.
J U I N 0 7 | N°2
©CT
B/Ja
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Carte détachable du Congo LES FORÊTS ET SITES INSCRITSAU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO
La RDC se situe au centre du massif forestier africain
Forêts denses humides p
Forêts sèches et savanes p
SOURCE: © 2007 UCL-GEOMATICS, COMPOSIT ION COLORÉE SPOT VEGETATION
Océan Atlantique
LacLacMai-NdombeMai-Ndombe
LacLacNtombaNtomba
Lac Edouard
Lac Albert
LacTanganyika
LacMoero
Lac Moero Wantipa
LacUpemba
LacMai-Ndombe
LacNtomba
C A R T E D É TA C H A B L E D U C O N G O AV E C L E S F O R Ê T S E T S I T E S I N S C R I T S A U P AT R I M O I N E M O N D I A L D E L’ U N E S C O
Forêts et sites du patrimoine mondial Les aires protégées couvrent 10% des 2 345 480 km2 du terri-
toire congolais et comprennent 60 aires protégées dont 7 parcs
nationaux et 5 sites du patrimoine mondial. Ces derniers sont
tous inscrits sur la liste du patrimoine mondial en péril.
FrontièreRoute asphaltéeRoute de liaisonVoie ferréeCapitaleChef-lieu de provinceChef-lieu de districtVille importante
Carte de VégétationRÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
p Forêt dense humide inondable
p Forêt dense humide
p Forêt dégradée
p Forêt de montagne
p Agriculture
p Forêt sèche
p Savane arborée
p Savane arbustive
p Savane herbeuse
p Savane steppique
p Prairie marécageuseFleuve, rivières et lacs
Cette carte est une version simplifiée de la carte d’occupation du sol de la République démocrati-que du Congo publiée en janvier 2006 (http://www.uclouvain.be/enge-cartesRDC).Réalisé par C. Vancutsem, J.-F. Pekel, J.-P. Kibambe Luamba, X. Blaes, C. de Wasseige et P. Defourny.Unité de recherche en environnemétrie et géomatique, Université catholique de Louvain, Belgique.Avec le soutien de la Politique scientifique fédérale belge et l’étroite collaboration de MessieursC. Evrard, F. Malaisse, P. Mayaux et J.-P. Malingreau.Une carte détaillée de chaque site du patrimoine mondial a été réalisée dans le cadre du SYstèmede Gestion d’Information pour les Aires Protégées (ICCN-UCL-UGent-UNESCO, 2007).
LacMai-Ndombe
LacNtomba
Lac Lac EdouardEdouard
Lac Lac AlbertAlbert
LacLacTanganyikaTanganyika
LacLacMoeroMoero
Lac Moero Lac Moero WantipaWantipa
LacLacUpembaUpemba
Lac Edouard
Lac Albert
Lac Kivu
LacTanganyika
LacMoero
Lac Moero Wantipa
LacUpemba
Le parc national de la Garamba comprend d’im-
menses savanes, herbeuses ou boisées, entrecoupées de
forêts-galeries le long des rivières et de dépressions maréca-
geuses, le parc abrite quatre des plus grands mammifères :
l’éléphant, la girafe, l’hippopotame et surtout le rhinocéros
blanc, inoffensif et beaucoup plus gros que le rhinocéros noir,
dont il ne subsiste que quelques individus.
La réserve de faune à okapis occupe environ un
cinquième de la forêt d’Ituri au nord-est du pays. Le bassin
du fleuve Congo, dont la réserve et la forêt font partie, est un
des plus grands systèmes de drainage d’Afrique. La réserve
de faune abrite des espèces menacées de primates et d’oi-
seaux et environ 5000 okapis, sur les 30 000 vivant à l’état
sauvage. La réserve possède également des sites panorami-
ques exceptionnels, dont des chutes sur l’Ituri et l’Epulu. Elle
est habitée par des populations nomades traditionnelles de
Pygmées Mbuti et de chasseurs Efe.
S’étendant sur 790 000 ha, le parc des Virunga pré-
sente une diversité d’habitats incomparable, allant des marécages
et des steppes jusqu’aux neiges éternelles du Rwenzori, à plus de
5 000 m d’altitude, en passant par les plaines de lave et les sava-
nes sur les pentes des volcans. Quelque 20 000 hippopotames
fréquentent ses rivières, le gorille de montagne y trouve refuge, et
des oiseaux en provenance de Sibérie viennent y passer l’hiver.
Le parc national de Kahuzi-Biega est constitué
d’une vaste étendue de forêt tropicale primaire, dominée par
deux volcans éteints spectaculaires, le Kahuzi et le Biega. Il
est peuplé d’une faune abondante et variée. Entre 2100 et
2400 m d’altitude, vit l’une des dernières populations de
gorilles de montagne, qui compte environ 150 individus.
Situé au cœur du bassin central du fleuve Congo, le
parc national de la Salonga est la plus grande réserve de forêt
tropicale pluviale, très isolée et accessible seulement par voie
d’eau. C’est l’habitat de plusieurs espèces endémiques
menacées, comme le chimpanzé nain, le paon du Congo,
l’éléphant de forêt et le gavial africain, ou « faux crocodile ».
(S O U R C E T E X T E : U N E S C O)
LE PARC NATIONAL DE LA GARAMBA
LA RÉSERVE DE FAUNE À OKAPIS
LE PARC NATIONAL DES VIRUNGA
LE PARC NATIONAL DE KAHUZI-BIEGA
LE PARC NATIONAL DE LA SALONGA
COOPÉRATION TECHNIQUE BELGE (CTB)
Avenue Colonel Ebeya, 15-17Gombe, Kinshasa – République Démocratique du CongoT. + 243 81 89 46 611E. [email protected]ésentant Résident : Manolo Demeure
DIRECTION GÉNÉRALE DE
LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT (DGCD)
Ambassade de BelgiqueBuilding du Cinquantenaire, Place du 27 Octobre - B.P. 899Kinshasa – République Démocratique du Congo T. + 243 89 89 24 233 / +243 89 89 34 412E. [email protected]
Ministre-Conseiller à la Coopération au Développement : Paul Cartier
CONTACTS
www.btcctb.org
Les pratiques en RDCLes pratiques de production du charbon de
bois sont très semblables en République
Démocratique du Congo et dans les pays avoi-
sinants. Dans les villages, on utilise souvent
directement le bois pour la cuisson et le
chauffage mais du charbon de bois est aussi
produit de manière très artisanale. On
démarre un feu que l’on entretient jusqu’à la
disparition des flammes. Ensuite, on le dis-
perse et on le laisse refroidir pour obtenir un
bois partiellement carbonisé. Ce processus est
peu efficace car le bois est exposé à l’air. Une
grande partie du carbone brûle donc inutile-
ment sans produire de charbon.
Pour des productions plus importantes, on
procède de la manière suivante. Les arbres
sont abattus et débités en bûches de moins
d’un mètre de long. Les écorces sont retirées
car elles contiennent des matières minérales
qui détériorent la qualité du produit final. Le
bois est ensuite séché à l’air libre. Une fois
séché, il est disposé dans une fosse creusée à
proximité. Dans une version alternative, le
bois est disposé à même le sol afin de former
une meule. Le bois est ensuite recouvert de
feuilles et de terre en laissant quelques trous
à la base pour l’admission d’air et l’évacuation
des fumées. On boute ensuite le feu au bois
et on laisse le processus se dérouler en veil-
lant à conduire la combustion dans toute la
QUELQUES CHIFFRES– Le bois et le charbon de bois fournissent 80% de l’énergie domestique en RDC.1
– Chaque Congolais utilise en moyenne 1m3de bois de chauffage par an.2
– La ville de Goma consomme par année plus de 47.000 tonnes de charbon de bois ce qui représente
plus de 250.000 tonnes de bois. Plus de 90% de ce bois provient du parc national des Virunga.3
SOURCES 1 et 2 La forêt en République Démocratique du Congo post-conflit. Analyse d’un Agenda Prioritaire, CIFOR, CIRAD, World Bank (2007).3 Les forêts du Bassin du Congo. Etat des forêts 2006, Partenariat pour les Forêts du bassin du Congo (2006).
masse en couvrant certaines ouvertures et en
obturant d’autres. Il faut éviter d’apporter trop
d’air qui brûlerait le carbone contenu dans le
bois comme dans la pratique rudimentaire. Il
faut également éviter de bloquer les fumées et
les gaz de carbonisation ce qui interromprait
le processus. Lorsque l’ensemble de la masse
a pris feu, on obture les entrées d’air et on
laisse le bois dans son atmosphère à haute
température jusqu’à sa conversion complète.
La maîtrise de la carbonisation demande une
certaine expérience d’autant plus que la durée
de la conversion dépend de la taille des mor-
ceaux de bois considérés, du volume de l’en-
19
semble et de la matière première utilisée.
Lorsque le processus est achevé, on laisse le
charbon refroidir dans la fosse avant de l’en
extraire, de le conditionner et de le transpor-
ter. Cette pratique permet de produire effica-
cement du charbon de bois à proximité du
lieu d’abattage et d’éviter un transport diffi-
cile du bois brut. Elle est surtout destinée à la
production pour les agglomérations.
De par le monde, il existe beaucoup d’autres
pratiques locales de carbonisation mais elles
ne diffèrent pas fondamentalement de celles
présentées ici. Seules les applications pour de
très gros volumes font appel à des processus
différents.
Une meule. Le bois est recouvert de feuilles et de terre. Quelques trous permettent l’entrée d’air et l’évacuation des fumées.
Une fosse remplie de bois séché dont les écorces ont été préalablement retirées pour un produit de meilleure qualité.
« C’EST PLUS LE SAVOIR-FAIRE DU CHARBONNIER QUE LE PROCÉDÉ QUI INFLUENCELES RENDEMENTS ET LA QUALITÉ DU CHARBON »
Joël BLINUnité de recherche biomasse énergie, Cirad
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Entretien avec Jean Nke Ndih, anthropologuecamerounais et secrétaire exécutif de laFédération des partis écologistes d’Afrique.
J ean Nke Ndih est considéré comme un
des meilleurs spécialistes africains des
peuples autochtones des forêts. Il est un
des premiers sur le continent noir à faire le
lien entre environnement et défense de l’iden-
tité des Pygmées. Son approche holistique de
la dimension culturelle des peuples des forêts
est novatrice dans le monde universitaire. Il
mène actuellement des recherches sur les
peuples pygmées en Afrique centrale.
Comment approcher la question des habitants de la forêt ?«La première chose que je voudrais faire com-
prendre à l’opinion publique, qu’elle soit afri-
caine ou européenne, qu’il s’agisse d’acteurs
locaux sur le terrain, de responsables politi-
ques ou administratifs congolais et belges ou
de chercheurs universitaires, c’est qu’on ne
peut segmenter la réflexion sur ce sujet. La
seule approche pertinente est forcément glo-
bale, voire universaliste » explique-t-il.
« Dans l’Afrique traditionnelle, de la naissance
à la mort, les différentes croyances populaires
tournent autour de l’idée d’environnement.
Chaque individu est marqué par la liaison
entretenue avec la nature, que ce soit par le
biais d’une association, d’un interdit ou de tout
autre élément mettant en valeur le caractère
vital de ce qui l’entoure. De la chasse à l’agri-
culture en passant par la pêche, la cueillette ou
le ramassage, toute la population rurale est
imprégnée de ce rapport étroit avec la nature et
ses ressources. Cette connaissance du milieu
naturel et cette approche séculaire à la fois cul-
turelle et « philosophique » qu’on retrouve par
ailleurs aussi dans la médecine traditionnelle,
implique donc que l’on doive privilégier une
vision globale des problèmes rencontrés : éco-
nomiques, politiques ou culturels. »
Un milieu naturel hétéroclite et des relations sociales complexesLes Pygmées, qui ne pratiquent ni culture ni
élevage, font partie des rares peuples vivant
de l’exploitation de ressources spontanées,
par la chasse et la cueillette. Ces populations
de chasseurs-cueilleurs sont disséminées sur
de très vastes zones géographiques dans le
bloc forestier du bassin congolais, depuis la
côte atlantique jusqu’au Rwanda. En réalité,
on peut parmi eux distinguer plusieurs grou-
pes, assez différents au point de vue physi-
Unevision holistique de la forêt
« LA PENSÉE OCCIDENTALE PERÇOIT SOUVENT LA FORÊT COMME ÉTANT HOSTILE, PLEINE DE DANGERS. POUR LES PYGMÉES, ELLE EST SYNONYME DE PARADIS, DE PROTECTION ET DE DÉVELOPPEMENT.»
Nkwete, Equateur. Ce chasseur explique comment transporter du feu sur de longues distances, grâce à des braises enveloppées dans des feuilles de palmier.
20 D o s s i e r >J U I N 0 7 | N°2
O l i v i e r S T E V E N S
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eyna
ers
que, linguistique et dans une certaine mesure
culturel. Il resterait en Afrique entre 100 et
200 000 pygmées, le nombre exact étant
pour des raisons évidentes très difficile à éva-
luer. Leur domaine, c’est la grande forêt
équatoriale : « l’écosystème le plus complexe
et le plus diversifié qui existe à la surface de
la terre » souligne Jean Nke Ndih. Plus de
4000 espèces végétales, 700 espèces de ver-
tébrés, une structure forestière hétérogène en
mosaïque qui entraîne également des irrégu-
larités dans la répartition du gibier potentiel,
des sols tantôt marécageux, tantôt secs, et
des reliefs de plaines alluviales comme celle
de la cuvette congolaise où vivent les Aka, de
douces collines, comme sur le territoire des
Baka au sud du plateau d’Adamawa ou des
reliefs plus escarpés comme dans la région
peuplée par les Mbuti.
« Une grande diversité biologique et écologique mais aussi humaine »« On a coutume de parler des Pygmées comme
étant les « hommes de la forêt » explique Jean
Nke Ndih. « C’est oublier qu’ils ne sont pas les
seuls habitants de cette région équatoriale qui
va de l’Atlantique aux Grands Lacs, situés à
plus de 4500 kilomètres de là. En plus des
Pygmées, souvenons-nous que près de 150
ethnies différentes y vivent. Ce rappel prélimi-
naire me paraît primordial avant d’aborder
toute considération culturelle ou identitaire.
Celle-ci, comme toute approche politique, éco-
nomique ou sociale, ne peut s’envisager en
occultant cette « mosaïque » ethnique qui se
juxtapose à une «mosaïque » biologique. »
Plusieurs familles linguistiques (langues ouban-
guiennes, bantoues et soudanaises), plusieurs
types économiques (agriculture, mélange de
chasse et d’agriculture, pêche et cueillette),
différents systèmes politiques (sociétés acépha-
les, sociétés lignagères patrilinéaires ou matrili-
néaires, sociétés à chefferies, etc…) s’y côtoient
et influencent nécessairement peu ou prou la
culture et les coutumes des autres groupes dont
les Pygmées constituent une part et un exemple
identitaire important.»
Un lien « fusionnel » avec la forêt«L’analyse des contes et des chants des diffé-
rents groupes pygmées nous enseigne leur
conception du monde et leur origine. Il est
symptomatique que pour les tribus pygmées,
les esprits des hommes vont, après leur mort,
rejoindre ceux de leurs ancêtres qui hantent la
forêt, monde des esprits. Ils y poursuivent
l’existence qu’ils menaient de leur vivant, dans
de grands camps grouillants de femmes et
d’enfants, menant quotidiennement des chas-
ses fabuleuses, dans une existence désormais
infinie. Un détail important de cette cosmogo-
nie, qui doit être souligné lorsqu’on aborde la
relation entre ces Pygmées et la forêt, est que
ces mânes, ancêtres des hommes d’aujourd’hui,
sont neutres à l’égard de leurs descendants : ils
agissent d’une manière bénéfique ou maléfique
en fonction du comportement des vivants entre
eux et dont ceux-ci font preuve à leur égard
ainsi qu’à l’égard des plantes, arbres et autres
espèces vivant dans la forêt.»
« La forêt, c’est-à-dire la nature entière est
imprégnée de principes vitaux. De ceux-ci un
individu peut s’approprier le pouvoir spirituel,
soit par héritage, soit par initiation, pouvoir qui
l’assistera en favorisant ses diverses entrepri-
ses. Cependant certaines forces malignes sont
irrésistiblement attirées par la malveillance et
la médisance entre les humains : le mal que
chacun sécrète envers les autres est la cause
du malheur des hommes, car il provoque le
dégoût voire la colère des mânes et les éloigne
des campements. En effet, les véritables maî-
tres de la forêt et de ses ressources sont tou-
jours les mânes qui permettent aux hommes
de trouver leur subsistance en poussant les
animaux vers les armes des chasseurs. C’est
l’âme de la forêt elle-même qui introduit les
êtres humains dans la connaissance du monde
et dans la vie en société, à travers des rites
d’initiation. Elle protège les hommes mais pré-
side aussi à leur vie, leur mort et leur renais-
sance comme esprits dans la forêt.
Lorsqu’on examine l’ensemble des rituels des
trois principaux groupes pygmées d’Afrique
centrale, on remarque des structures et des
fonctions similaires en dépit d’une très grande
diversité dans les détails. La cosmologie place
un monde invisible de mânes indifférenciés en
position de médiateurs entre les vivants et un
esprit de la forêt, « dieu actif », différent du
dieu créateur qui s’est éloigné. Pour s’adresser
aux esprits, il n’y a pas de caste de « prêtres »
responsable des cultes et tout homme adulte
initié est considéré comme apte à dialoguer
avec la forêt. Les actes religieux des Pygmées
se regroupent en deux types : de larges céré-
monies publiques qui concernent la commu-
nauté dans son ensemble, et des rites intimes
de petite envergure pour des sujets d’ordre
privé. Ces rituels en rapport avec la forêt se
rapportent à trois fonctions fondamentales :
rendre propices les forces surnaturelles afin de
s’approprier abondance et fécondité, découvrir
la cause des désordres ou le déroulement pro-
De nombreux projets de développement communautairetouchent à l’éducation des enfants.
Des enfants apprennent les secrets de la forêt d’Ituri.
21
©Ra
ndy O
lson
22 D o s s i e r >
bable d’une action future et enfin, apaiser les
esprits irrités en période de pénurie ou de
conflit ou après la mort d’un animal lors de la
chasse. »
La mort, la chasse à la sagaie, le malheuret la puberté« Quatre circonstances de la vie des Pygmées
font par ailleurs l’objet de rites particuliers,
que l’on retrouve dans tous les groupes : la
mort, la chasse à la sagaie, le malheur et la
puberté. Le rituel de la chasse est très impor-
tant et illustre le lien holistique entre les
Pygmées et leur milieu de vie. Chaque chasse
est précédée d’une séance de divination où le
devin lit dans les flammes d’un grand bûcher
le déroulement de la chasse et la direction
qu’il faut suivre. Il cherche également à
découvrir la cause des infortunes et des mala-
dies. On pourrait dire en simplifiant à l’ex-
trême que c’est l’esprit de la forêt qui lui souf-
fle les réponses, veillant constamment à une
régénération équilibrée du monde. »
Des interrelations multiplesContrairement aux idées reçues, les Pygmées
ne sont pas des populations isolées, qui auraient
évolué en dehors du monde. Depuis la nuit des
temps, le pacte social, culturel et économique
entre les Pygmées et les Grands Noirs* équili-
bre la vie des sociétés africaines.
L’anthropologue poursuit : « Comme je l’ai dit
précédemment, les Pygmées ne sont pas seuls
à occuper cet espace forestier. La linguistique,
la tradition orale et l’ethnolinguistique nous
apprennent beaucoup sur leurs relations avec
les peuples d’Afrique centrale. En effet, la
plupart des Pygmées parlent des langues indi-
vidualisées qui leur sont propres mais qui s’ap-
parentent à d’autres langues africaines. Ce qui
témoigne d’associations séculaires. L’impor-
tance mythologique des Pygmées pour les
Grands Noirs est aussi un argument en faveur
d’une grande antiquité de leurs relations. On
les retrouve dans la religion, la cosmogonie et
la magie, mais aussi dans les rites de posses-
sion, les thérapies traditionnelles, ou les rites
d’intronisation. On en déduit souvent que les
Pygmées forestiers servirent de guides lors des
migrations des Grands Noirs.
Cette relation a donc des fondements très inti-
mes, plus actuels que jamais et très impor-
tants lorsqu’on prend en compte le problème
de la déforestation. Plus qu’une simple asso-
ciation économique, il s’agit d’une véritable
alliance, car le système social de chaque par-
tenaire a besoin de l’autre pour perdurer, il est
fondé sur l’apport de la société associée.
Les Pygmées ne sont donc pas restés isolés
dans un hypothétique «cocon forestier » qui les
aurait laissés en marge du monde. Ils sont
intégrés depuis des siècles au mouvement des
peuples, avec un rôle choisi et assumé dans un
ensemble de sociétés liées les unes aux autres.
Par la persistance de leur nomadisme, leur
musique, leur langue, leur religion, ils cher-
chent à maintenir leur familiarité séculaire
avec la forêt équatoriale.
Pour une approche à la fois pragmatique et philosophique« La déforestation s’apparente à un génocide
sans armes » conclut Jean Nke Ndih. « Les
Pygmées, comme d’autres peuples forestiers,
peuvent nous apprendre ce que « prélever »
veut dire. La pensée occidentale perçoit sou-
vent la forêt comme étant hostile, pleine de
dangers. Pour les Pygmées, elle est synonyme
J U I N 0 7 | N°2
Forêt d’Ituri. Collecte de miel
*Le terme les Grands Noirs signifie les voisins Bantou.Ce terme a été utilisé par les premiers Occidentauxayant atteint les campements Pygmées qui étaient toujours au coeur des forêts inextricables.
©Randy Olson
23
de paradis, de protection et de développe-
ment. La nature, chez eux donne le ton. Nous
en tirons d’ailleurs déjà les bénéfices dans la
pharmacopée. Nos connaissances sont com-
plémentaires. La déforestation leur est préjudi-
ciable et ils ne sont pas organisés pour se
défendre. Souvent à mi-chemin entre une vie
ancestrale et une mutation citadine, ils sont
confrontés à des troubles identitaires et per-
dent leurs repères. Le rôle des Etats dans leur
sauvegarde est aujourd’hui primordial. Le droit
des peuples à exister, la protection des minori-
tés doivent être appliqués conjointement à une
bonne politique forestière que nos connaissan-
ces scientifiques, unies avec celles, intuitives,
des Pygmées doivent nous aider à mettre en
place. Il est absurde de vouloir « sortir » les
Pygmées de certaines réserves naturelles ; cela
prouve qu’on cherche à les dissocier artificielle-
ment d’un milieu qui nous fait peur. Comme
jadis, d’un «contrat social» établi par Rousseau,
on a besoin aujourd’hui d’un «contrat naturel».
Cette vision holistique permettra aux
Occidentaux, comme aux autres tribus locales,
d’avoir un autre rapport à la nature et par consé-
quent à la société. A l’heure des bouleverse-
ments climatiques, les peuples pygmées sont
les seuls à savoir l’importance quotidienne de
certains choix. Nous ne ferons pas l’économie
d’une profonde réflexion philosophique sur l’in-
cidence de nos choix économiques. La globali-
sation se vit aussi dans le détail. »
Paroleaux acteursE l i s e O D I E K I L A
Forêt d’Ituri. Une chorale
“Je me suis engagée en 1998 dans la
lutte contre l’exploitation abusive de la
forêt. Car si on ne prend pas vite les mesures
qui s’imposent, la forêt congolaise risque de
disparaître. Le gouvernement et les bailleurs de
fonds privilégient les intérêts économiques
sans tenir compte des aspects sociaux. La
forêt congolaise abrite environ 40 millions de
personnes ! Vous imaginez le scandale si elle
disparaissait avec tous ses habitants ! Plus de
chasse, de cueillette, ni de ramassage, voilà
qui précipiterait la mort de tous ces pauvres
gens. » Femme engagée, Présidente de
l’Union pour l’Emancipation de la Femme Autochtone, à Bukavu, elle
dénonce avec force : « Quand les exploitants arrivent, souvent ils ne
tiennent pas compte des populations autochtones à qui la forêt
appartient en premier lieu. C’est en échange de quelques grains de
sel ou du savon qu’ils dévastent de grandes étendues forestières. Le
comble, c’est qu’aucun plan de reboisement n’est mis en marche. »
Elle poursuit sa logique d’engagement : « La société civile doit
appuyer le gouvernement pour une bonne gestion de ce patrimoine
naturel et veiller à ce qu’il prenne en compte les intérêts des com-
munautés locales. Dans cette lutte, je voudrais bien que les femmes
soient également engagées. En tant que conseillères, mères et épou-
ses, elles peuvent participer largement et positivement à la bonne
gestion de la forêt de la même façon qu’elles gèrent leur foyer, à
condition qu’on les y associe. Si l’on considère les remarques perti-
nentes des femmes dans ce domaine, alors de bonnes idées peuvent
sortir et entraîner des changements positifs. »
Adolphine Muley, mariée, mère de 2 enfants
Une représentante des femmes autochtones©Ra
ndy O
lson
©Ko
kolo
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“Dès 1992, nous avons commencé une sensibilisation de la popu-
lation, à travers des émissions radiophoniques. Mais cela ne
suffisait pas. Nous avons alors créé OCEAN (Organisation Concertée des
Ecologistes et Amis de la Nature) dont l’objectif est de sensibiliser les
différents acteurs sur l’importance de préserver la forêt et de faire un plai-
doyer local, national et international. OCEAN est
aujourd’hui opérationnel en Province Orientale
mais aussi dans les deux Kivu et, depuis deux ans,
à Kinshasa.» René Ngongo poursuit : «L’exploitation
forestière en RDC est jusqu’ici plus ou moins dés-
organisée. Avant la troisième République, il y a eu
beaucoup d’abus dans ce secteur. Un moratoire
avait été signé par le ministre de l’environnement
de l’époque puis violé par son propre ministère.
L’actuel gouvernement vient à peine de commen-
cer, il est difficile de le juger. Toutefois, j’espère
qu’il respectera ses engagements entre autres celui
de la transparence dans la gestion des ressources
naturelles. » Il expose ses revendications : « Nous
demandons que les textes soient respectés. Le code a été promulgué
depuis août 2002 mais il y a insuffisance de mesures d’accompagnement.
Il faut accélérer le processus de conversion et remettre chacun dans ses
droits. Ceux qui ne remplissent pas les conditions doivent rétrocéder ces
garanties d’approvisionnement au domaine de l’Etat. C’est à ce niveau
qu’OCEAN soutient le moratoire jusqu’au renforcement des capacités de
l’administration et le zonage national et participatif. »
Une autre action essentielle : « Il faut aussi amener les exploitants à la
certification. De plus en plus, les marchés européens et américains sont
exigeants vis-à-vis du bois venant des forêts tropicales. Ils veulent que ce
soit du bois légal, certifié. Il ne faut pas, que les consommateurs, en
achetant les meubles, aient l’impression d’avoir contribué à la déforesta-
tion de l’Afrique et de toute la zone tropicale. De ce fait, le gouvernement
doit travailler avec le secteur privé et la société civile.
Très souvent, en voyant les grumes passer, nous condamnons les exploi-
tants forestiers. Mais en y regardant de plus près, nous nous rendons
compte que les communautés locales utilisent aussi abusivement la
forêt. Il y a quelques années, on ne pouvait pas couper les arbres à che-
nilles. Aujourd’hui, on le fait dans les villages. Les gens n’ont plus de tra-
vail et ne vivent que de cela. A cela s’ajoute l’agriculture sur brûlis. Au
village, on coupe de grandes étendues de forêt pour faire les champs.
Deux ou trois ans plus tard, ces champs ne sont plus productifs. On est
donc obligé d’en créer d’autres en abattant quelques arbres. »
24 D o s s i e r >J U I N 0 7 | N°2
ÀKinshasa, ce sont les femmes qui ont la
charge de nourrir leur famille. Jacquie
Batasema en est une. Veuve de son état, elle
n’a pas trouvé mieux que le bois comme
source de revenus. Ce n’est pas un travail
facile, surtout pour une femme de son âge.
Pourtant, cette femme courageuse, formée à
l’école militaire, parcourt de longs kilomètres
à pied. Elle n’a plus peur de la forêt.
Elle raconte : « Je me rends en forêt deux fois
par semaine pour couper du bois. Mon fils
m’accompagne souvent. Quand je suis en très
bonne forme, je coupe moi-même les arbres.
Ce travail peut me prendre plusieurs jours. A
la fin, je suis très épuisée et parfois, je tombe
gravement malade dans la forêt, loin de mes
enfants. Mais je n’ai pas d’autre choix si je
veux les nourrir. Je n’utilise pas le bois pour
ma maison, j’habite à Kinshasa dans une mai-
son électrifiée. Je le vends à mes clientes. Ce
sont des vendeuses de chikwange [pâte fer-
mentée à base d’eau et de farine de manioc],
de Lotoko [boisson faite de maïs pourri]. Je le
vends aussi à l’occasion de grandes manifes-
tations quand les gens se servent du bois pour
préparer les aliments. Quelques ménagères
viennent aussi se procurer du bois pour la
cuisine. »
Jacquie Batasemae44 ans, veuve, 12 enfants
Une maman
René Ngongo, 46 ans, marié, père de 4 enfants
Un défenseur de l’environnement
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Praveen Moman, 55 ans, marié, père d’un enfant
Un investisseur économiquedans l’écotourisme
“B usiness et protection de la forêt sont tout à fait compa-
tibles : en échange d’une certaine somme d’argent, le
touriste peut partir à la découverte d’un site. » Telle est la vision
de l’écotourisme de Volcanoes Safaris, une société qu’a co-fondé
Praveen Moman. Il explique : « Nous développons un ensemble
d’activités touristiques pratiquées en milieu naturel dans le res-
pect de l’environnement et nous contribuons au développement
de l’économie locale. Depuis près de 10 ans, nous
sommes basés dans l’Est du pays, notamment à
Rutshuru, Buindi, ainsi qu’au Rwanda et en Ouganda.
Le potentiel touristique de cette région est important.
Nous voudrions aussi apporter notre expertise dans les
parcs de Kahuzi-Biega et des Virunga au Kivu. Nous
nous intéressons à ces deux parcs à cause des grands
singes, les gorilles et les chimpanzés. Mais c’est une
entreprise financière à risques, à cause des poches
d’insécurité qui persistent dans ces régions. Avec le
manque d’infrastructures de base, c’est le plus grand
obstacle au déploiement de nos activités. »
Une entreprise au service de l’économie locale : « Les
populations locales tirent quelques avantages de notre présence
dans leur région. Nous les formons et leur donnons un emploi
rémunéré. »
Iyane Oyongo Luison46 ans, marié et père de 4 enfants
Un ouvrier forestier
“C’est à la fois par destin et par passion que je me suis
retrouvé dans ce métier. Cela fait maintenant 23 ans !
J’ai fait des études en agronomie et, grâce aux conseils de mes
professeurs, je me suis tourné vers la foresterie. Je me suis faci-
lement adapté et j’ai fait de la forêt ma seconde habitation.
J’aime mon travail : la recherche d’une bonne forêt, avec des bois
de valeur, les négociations avec les partenaires de l’environne-
ment qui aboutissent à des résultats positifs. »
Il nous explique son travail : « La prospection forestière consiste
à parcourir méthodiquement une forêt pour voir si elle peut ou
non être exploitée. C’est la base même de toute activité fores-
tière. Le travail est réalisé par une équipe de plus ou moins 15
personnes, conduite par un ingénieur. Elle descend sur le terrain
pour inspecter les lieux. Des jeunes gens sont recrutés sur place
pour épauler l’équipe, car le travail à faire est
énorme. Les jeunes sont rapidement formés,
et ensuite rémunérés à la fin du travail.
L’évolution de la technologie a simplifié l’ex-
ploitation forestière. Avant, à cause du maté-
riel, les résultats étaient approximatifs. Avec
les nouvelles technologies, le matériel scienti-
fique utilisé est devenu très sophistiqué
(satellites, photographies aériennes ou GPS
-Système de positionnement par satellite).
Ces instruments donnent une vue correcte de
l’étendue à exploiter. »
Finalement, de son point de vue, la plus grande difficulté rencon-
trée est d’ordre humain : « C’est la compréhension de la popula-
tion riveraine qui pose problème. Selon elle, les exploitants vien-
nent juste détruire la forêt alors qu’au contraire, l’exploitation
forestière ne peut en aucun cas se faire dans l’intention de nuire
aux intérêts de la population. »
Il affirme même : «Les exploitants respectent le code forestier que
d’aucuns ignorent. La population qui, pour la plupart, est analpha-
bète ne comprend rien au mécanisme. Souvent, elle se fie aux dires
des petites ONG qui parlent d’une surexploitation ou d’une mau-
vaise gestion de la forêt. Pourtant, il est prouvé que l’exploitation
de la forêt en RDC a un faible impact. En outre, l’exploitation fores-
tière tient compte des besoins de la population en ce sens qu’elle
permet à certaines personnes de trouver un emploi.»
25
Réserve de faune à Okapis.Les gardes ont une excellente connaissance du territoire qu’ils contrôlent. C’est souvent au péril de leur vie qu’ils luttent pour la surviedu patrimoine congolais.©
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La grande majorité de la population rurale congolaise dépend des forêts pour sa vie quotidienne.
Quel lien faites-vous entre la déforestation etla pauvreté dans le milieu urbain et rural ?A L A I N H U A R T > Dans le milieu rural, on
constate des exploitations forestières à la fois
au niveau industriel et artisanal, la coupe de
bois de chauffe et l’agriculture itinérante sur
brûlis. Il y a une sorte de gaspillage évident
dans la pratique de l’agriculture itinérante sur
brûlis. Le milieu traditionnel s’appauvrit parce
qu’on ne peut pas indéfiniment trouver des
zones où on peut pratiquer cette agriculture.
Au Nord-Kivu et dans d’autres régions, on pense
maintenant à promouvoir un concept de culture
durable et permanente autour de l’habitat. Au
lieu d’aller systématiquement à distance dans la
forêt, on cultive autour et en périphérie immé-
diate de son logement. Dans ce cas, il faut intro-
duire la fabrication du compost, des matières
organiques et des fertilisants du sol.
Au moment où la forêt disparaît, il y a diminu-
tion de toutes les ressources non ligneuses et
des activités inhérentes. Et au moment où l’on
a rompu l’équilibre, que la forêt s’est dégradée,
les revenus des paysans baissent et, à terme,
même si les forêts sont remplacées par des
champs, la productivité va baisser parce que la
fertilité du sol diminuera également.
La gestion durabledes forêts
face à la pauvretéLA PRÉSERVATION DES FORÊTS DE LA RDC PASSE NOTAMMENT
PAR L’AMÉLIORATION DES PRATIQUES CULTURALES ET DU TAUXD’ÉLECTRIFICATION DU PAYS QUI EST DE 6%. POURTANT,
SUR LE TERRAIN, IL Y A TRÈS PEUD’ACTIONS DANS CE CRÉNEAU.
« LA VOIX DU CONGO PROFOND »SE FAIT LE RELAIS ENTRE
LES AGRICULTEURS ET LES GOUVERNANTS. OBJECTIF :
AMENER LES AGRICULTEURS À DES PRATIQUES CULTURALES
RENTABLES ET QUI SAUVEGARDENT L’ÉCOSYSTÈME.
26 L a Vo i x d u C o n g o P r o f o n d >J U I N 0 7 | N°2
Alain Huart, Coopérant belge détaché au
ministère congolais de l’Agriculture, et VanguLutete, Assistant du Représentant de la FAO à
Kinshasa, tous deux rédacteurs à « La voix du
Congo profond», parlent de leur expérience de
terrain. D’après leur analyse, la déforestation
accentue la pauvreté.
La forêt de Mayumbe, dans la province duBas-Congo, a été fortement dégradée suite àune exploitation industrielle désordonnée.Partant de ce cas précis, quelles sont lesconséquences de cette déforestation sur lespopulations locales ?A L A I N H U A R T > C’est vrai, la forêt du Mayumbe
s’est fortement dégradée. Et il s’ensuit trois
conséquences. Primo, il y a de moins en moins
de bois d’œuvre à couper. Les sociétés forestiè-
res et les scieries, pour la plupart, ont fermé.
Secundo, la production des produits forestiers
non ligneux est en déclin. Tertio, cette défores-
tation a entraîné une perturbation climatique et
une dégradation des sols liée à la disparition de
la couche d’humus et à l’érosion. Ce qui fait
que la fertilité du sol a baissé, de même que les
rendements agricoles.
Les habitants ne peuvent plus trouver du gibier,
comme par le passé, pour nourrir leur famille
ou pratiquer un petit commerce si tout cela est
bien contrôlé par rapport aux espèces en dan-
ger. D’une manière générale, toutes les ressour-
ces de la forêt sont en déclin, menaçant ainsi
la sécurité alimentaire des populations.
A m é d é e M W A R A B U K I B O K O
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Dans les centres urbains, peu de ménages ont
accès à l’électricité. La majorité des foyers
utilise le charbon de bois pour cuisiner. Ce
bois est coupé dans la périphérie des villes.
Lorsque vous quittez Kinshasa, vous constatez
que, sur un périmètre de 100 km, les arbres
sont complètement détruits. Les paysans doi-
vent pratiquer des cultures plus loin.
Le citadin s’appauvrit aussi parce que consom-
mer ce bois de chauffe est coûteux. Plus le
citadin est pauvre, plus il va payer la braise très
chère parce qu’il en achète de petites quanti-
tés. C’est l’utilisation de l’électricité finalement
qui pourrait permettre de diminuer ce besoin
en bois. Sinon, on est dans la spirale croissante
de pauvreté du citadin.
Y a-t-il des tentatives pour améliorer lespratiques culturales des paysans demanière à préserver la forêt ?VA N G U L U T E T E > C’est une tâche qui doit
concerner aussi bien le ministère de
l’Environnement, des Affaires foncières, de
l’Agriculture que celui du Développement rural.
Toutefois, si l’on veut arrêter la pression sur le
bois de chauffe, il faut créer un périmètre
d’agroforesterie où l’on peut produire le char-
bon de bois sans faire trop de mal.
Si l’on fait l’inventaire des projets, on constate
qu’il n’y en a pas beaucoup. Il y a un projet de
près de 10.000 hectares de boisement à 120
km de Kinshasa, à Mampu sur la route de
Bandundu. Là-bas, on a fait une reforestation
en acacia. C’est un projet d’agroforesterie où il
y a à la fois production de bois et de braise sur
le même périmètre.
L’acacia est un arbre à croissance rapide. Il se
développe en 4 ans. Après cette période, on
peut le couper et obtenir un rendement de 350
sacs de 35 kg par hectare. Ce qui est considé-
rable. Une fois qu’on a récolté, coupé le bois
pour en faire de la braise et avant que les
arbres ne repoussent, on a deux à trois ans pen-
dant lesquels la terre est disponible pour faire
de l’agriculture. Comme la fertilité du sol est
améliorée par l’humus, par la fixation d’azote
atmosphérique par les acacias, on a des rende-
ments agricoles qui sont au minimum deux fois
plus importants.
Ainsi, on gagne en production de bois de
braise, en rendement agricole suite à la fertilité
du sol, parce qu’on constate que sur ce bloc de
10.000 hectares, la pluie a augmenté, le
gibier est revenu. Donc, on a recréé un écosys-
tème où les populations peuvent vivre en équi-
libre et avoir des revenus satisfaisants.
Ce projet, vieux de trente ans, devrait en ins-
pirer bien d’autres et être multiplié autour des
principaux centres urbains. Les villageois sont
prêts à faire du reboisement avec l’acacia à
condition qu’on les assiste avec des plantules.
D’autre part, des expériences-pilotes de boise-
ment au bénéfice des communautés riverai-
nes sont en cours avec l’assistance du WWF,
sur financement de la Belgique, à Luki dans
le Bas-Congo, et avec l’assistance de la FAO,
sur financement des Pays-Bas et surtout aussi
de la Belgique, à Lubumbashi dans le
Katanga, à Lisala à l’Equateur et au Bas-
Fleuve dans le Bas-Congo.
Cette gestion à base communautaire vise à
créer des sources de revenus pour les popula-
tions locales tout en assurant une gestion dura-
ble de ces ressources.
Comment concilier la préservation de laforêt et les besoins vitaux des populations ?VA N G U L U T E T E > Pour résoudre la pauvreté en
RDC, il faut aider le secteur agricole dont
dépendent deux tiers des Congolais. Il est
important aujourd’hui d’aider ces populations à
trouver des solutions parce que tant qu’on est
en état de survie, on ne se sent pas concerné
par la préservation de la biodiversité.
Si l’on peut restaurer un pouvoir d’achat suffi-
sant à la population, à même d’assurer sa sécu-
rité alimentaire et de générer des revenus qui
prennent en charge ses besoins primaires, on
va réduire très fortement la pauvreté. Il faut
proposer dans chaque région des activités agri-
coles qui permettent aux paysans d’avoir des
revenus suffisants. Et alors, on verra que la
pression sur l’environnement et sur la forêt va
diminuer avec le temps.
Cette démarche est complexe et nécessite une
coordination et une complémentarité entre le
gouvernement et ses partenaires.
« La Voix du Congo profond» est un mensuel
du ministère congolais de l’Agriculture (lire p.30)
Chargement de charbon de bois à destination de Kinshasa.Comparé au bois, le charbon de bois se conditionne et se transporte plus facilement.
Près du parc des Virunga. L’agriculture vivrière semble êtreaujourd’hui la principale cause directe du déboisement. La collecte de bois de chauffe a aussi un impact importantautour des villes et dans les campagnes fortement peuplées.
27
« TANT QU’ON EST EN ÉTAT DE SURVIE, ON NE SE SENT PAS CONCERNÉ PAR LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ »VANGU LUTETE
« QUAND LA FORÊT SE DÉGRADE, LES REVENUS
DES PAYSANS BAISSENT »Alain HUART
©CTB/Alain Huart ©WWF-Canon/Martin HARVEY
Education
Appui à l’Ecole Régionale post-universitaire d’Aménagement et de ges-tion intégrés des Forêts Tropicales (ERAIFT - Kinshasa)L’ERAIFT est la seule école régionale implantée en RDC. Elle forme des
experts dans diverses disciplines relatives à l’exploitation et la gestion
durable des ressources naturelles. L’ERAIFT travaille en étroite collabora-
tion avec l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN)
dont certaines activités sont également (co-)financées par la Belgique.
MISE EN OEUVRE : UNESCOCONTRIBUTION BELGE : 375.000 € (2001-2003) / 500.000 € (2004-2007)
Conservation de la nature et protection de la biodiversité
Programme pour la conservation de la biodiversité dans les sites du Patrimoine mondial en RDC Ce programme multi-bailleurs vise à conserver 5 sites inscrits au Patrimoine mondial de
l’UNESCO (les Parc Nationaux de Virunga, Kahuzi-Biega, Garamba et Salonga et la Réserve de
Faune à Okapis). Ces parcs abritent une biodiversité d’importance globale (avec des espèces
rares et endémiques comme le gorille de montagne, le bonobo, l’okapi et le rhinocéros blanc du
nord) mais gravement menacée. Actuellement, l’appui de la Belgique permet de financer la mise
en œuvre de plans d’actions d’urgence pour réhabiliter les Parcs Nationaux de Kahuzi-Biega,
des Virunga et la Réserve de Faune à Okapis. En coopération avec le PNUD, une stratégie natio-
nale de conservation communautaire est en cours de préparation.
MISE EN OEUVRE : UNESCO, ICCNPARTENAIRES DU PROJET : Gilman International Conservation (GIC), Agence allemande de coopération technique (GTZ),International Gorilla Conservation Programme (IGCP), Fonds Mondial pour la Nature (WWF)
CONTRIBUTION BELGE : 652.520 € (2001-2003) / 1.400.000 € (2004-2007) AUTRES FINANCEMENTS : Fondation des Nations Unies, Italie
Que fait la coopération belge
LA COOPÉRATION BELGE FINANCE OU COFINANCE PLUSIEURS ACTIONS DANS LE DOMAINE DE LA PROTECTION ET DE LA GESTION DURABLE DES FORÊTS EN RDC. QUELQUES EXEMPLES …
E D D Y N I E R Y N C K
Deux botanistes en train d’identifier des échantillons avant de les classer dans l’herbarium crée par l’ONG WCS.
Troisième promotion du DESS en aménagement et gestion intégrés des forêts et territoires tropicaux (2005)
28 P a r t e n a r i a t >J U I N 0 7 | N°2
Que fait la coopération belge
pour les forêts du Congo ?
©UN
ESCO
©UNESCO/Eric Loddé
Développement et mise en œuvre de la foresterie communautaire Le projet vise à renforcer le cadre législatif du
code forestier. En particulier, il appuie la
volonté politique d’impliquer les communau-
tés rurales dans la gestion forestière. Le projet
s’efforce d’affiner les concepts de foresterie
communautaire, développe des procédures de
négociation avec le secteur privé notamment
par la mise en place de décrets d’application.
MISE EN OEUVRE : FAOCONTRIBUTION BELGE : 1.219.270 US$ (2007–2009)
Reboisement dans la région de Luki, Bas-Congo. De jeunes plants d’acacias et du manioc amélioré sont plantés.
Bonobo. Dernier des grands singes découvert. Aussi le moins connu et le moins protégé.
Les informations appropriées et actualisées sur les forêts sont précieuses pour l’élaboration des politiques, la gestion des sites protégés ainsi que la protection des espèces et des écosystèmes menacés.
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La Politique scientifique belge finance un
programme complémentaire : le Système deGestion de l’Information sur les AiresProtégées (SYGIAP) qui vise à renforcer
l’ICCN. Des cartes de base et des cartes
d’images satellites des 5 sites du patrimoine
mondial ont été publiées. Le programme se
focalise aussi sur le développement d’un sys-
tème d’information et de monitoring (Système
d’Information Géographique – SIG) pour per-
mettre à l’ICCN de gérer l’information collec-
tée sur la biodiversité ou sur les patrouilles et
les activités illégales. Enfin, en collaboration
avec le Musée Royal de l’Afrique Centrale et la
Commission européenne/Observatoire Global
d’Afrique centrale, le projet vise via l’intégra-
tion des données socio-économiques et cultu-
relles, à réaliser des indicateurs de pression et
à développer une approche participative pour
réaliser des plans d’aménagement et le zonage
des parcs et des zones tampons.
MISE EN OEUVRE : UNESCO, ICCN, Université de Gand,Université Catholique de Louvain
BUDGET : 850.000 € (2003-2008)
Gestion forestière
Appui à la gestion durable et à la conserva-tion des écosystèmes forestiers, en favorisant
la sécurisation des recettes forestières fisca-
les pour l’Etat et la contribution des activités
d’exploitation forestière au développement -
socio-économique des populations locales.
Le programme intervient sur 3 fronts. Il
apporte, tout d’abord, un appui technique au
niveau national dans le développement de la
politique forestière et dans l’élaboration de
décrets et arrêtés suivant la nouvelle législa-
tion forestière. Deuxièmement, un accord a
été conclu avec l’exploitant d’une concession
forestière située dans la Cuvette, concernant
le développement social et la préservation de
la biodiversité dans cette concession. La
société se soumettra à des contrôles, en vue
d’une certification de sa gestion forestière et
d’une labellisation de son bois. Le troisième
volet se situe dans le Bas-Congo, zone très
défrichée avec une pression très forte sur les
écosystèmes forestiers restants et se concen-
tre sur les aspects de conservation et de déve-
lopment dans une zone tampon d’une réserve
forestière à Luki.
MISE EN OEUVRE : WWF BUDGET : 1.750.000 € (2003-2008)
EXTRAIT DE LA DÉCLARATION
DE BRUXELLES
«Etant donné la complexité desenjeux, aucune partie ne peut relever le défi à elle seule, les partenariats multi-acteursdeviennent plus que jamais indispensables et l’implicationinternationale incontournable.»
Gouvernance forestière
Fonds Commun Multi-bailleurs pour améliorerla Gouvernance Forestière Cette initiative conjointe, gérée par la Banque
mondiale, soutient la mise en œuvre du Code
forestier et de l’Agenda Prioritaire des réfor-
mes congolais.
Le Fonds commun est structuré en 4 compo-
santes :
1. Aménagement durable et amélioration de
la gouvernance dans le secteur forestier ;
2. Développement communautaire des popu-
lations forestières ;
3. Appui transversal à la mise en œuvre du
code forestier ;
4. Gestion administrative et renforcement
institutionnel.
La Belgique participe à hauteur de 500.000 €
(la France, 200.000 € et la Commission euro-
péenne, 3 millions €). La Coopération britan-
nique a également annoncé une contribution
de 500.000 US$.©Greenpeace/Philip Reynaers
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30 N e w s >J U I N 0 7 | N°2
Exposition«Knock on wood*
» est la nou-velle exposition temporaire proposée par leMusée Royal de l’Afrique Centrale (Tervuren,Belgique), pour octobre 2007. Contemporainedans sa forme, interactive, interdisciplinaire,l’exposition invite le public à mieux connaître le
bois, les bois tropicaux en particulier, et poseaujourd’hui la question de la gestion durable desforêts d’Afrique centrale.
Comprendre la forêt, son rôle, sa gestion et com-prendre la « matière » bois, sans doute le plus ancienmais aussi le plus contemporain des matériaux.
L’exposition est destinée à un public large, familial etscolaire. Des manifestations (rencontres, salons,conférences) spécifiques seront programmées encomplément de l’exposition et un catalogue «Collection Bois » sur le xylarium du MRAC et le travailscientifique sera proposé au public. www.africamuseum.be
*Touchons du bois
Publications
Quel avenir pour les forêts du Congo? Instruments et mécanismes innovants pour unegestion durable des forêts de la RDC. Revuescientifique de la Coopération Technique Belge,juillet 2007.L’objectif de ce numéro est de poursuivre la
réflexion et les débats qui ont eu lieu au cours de la conférence deBruxelles sur la gestion durable des forêts de la RDC. La revuecomprend trois chapitres : les outils de la connaissance ; les ins-truments institutionnels pour une bonne gouvernance forestière ;les instruments économiques au service des usages non extractifs. Téléchargeable (dès sa parution) : www.btcctb.org
Les forêts du Bassin du Congo. Etat des forêts 2006Publié par le Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC), 256 pagesUne synthèse des informations disponibles surl’état et l’évolution des forêts du bassin du Congo,les menaces et les impacts de l’action humaine.
Téléchargeable en français et en anglais: www.cbfp.org ou www.comifac.org
Exploitation et gestion durable desforêts en Afrique Centrale Robert Nasi, Jean-Claude Nguinguiri, Driss Ezzine De Blas, Ed. L’Harmattan, Paris, 2006, 404 pagesCet ouvrage présente un état des lieux de ce quis’est passé, en la matière, lors de la dernièredécennie en Afrique Centrale.
La forêt en RépubliqueDémocratique du Congo post-conflit: analyse d’un agenda prioritairePublié par le CIFOR, la Banque Mondiale et leCIRAD, 2007, 82 pages Cet ouvrage brosse un portrait du secteur forestiercongolais en début 2006. Il analyse les réformes
entreprises depuis 2002, et recommande des priorités pour lesquatre à cinq prochaines années.Téléchargeable en français et en anglais: www.cifor.cgiar.org
«La Voix du Congo profond» est un mensuel du ministère congolais del’Agriculture, lancé en janvier 2007 avecl’appui technique et financier du fondsd’expertise de la CTB. Cette publicationjoue le relais entre le gouvernement cen-tral, les services décentralisés du minis-tère de l’Agriculture et les agriculteurs. Par ce canal, des informations sont don-nées sur les avantages comparatifs dechaque province de la RDC et les opportu-nités d’affaires dans le secteur agricole. Ce mensuel vulgarise aussi de nouvellestechniques culturales et incite les agricul-teurs à rentabiliser leurs activités.Infos: [email protected]
Création du Centre deRéférence de l’Expertise Belgeen Afrique Centrale (CRE –AC)Ses missions :– dresser un état des lieux de l’expertise
disponible en Belgique sur les questionsrelatives aux priorités de la coopérationbelge en Afrique centrale (secteur privé,recherche scientifique et ONG) ;
– créer des synergies entre ces 3 plates-formes ;
– formuler des recommandations pouraméliorer les actions de développement.
Une des pièces maîtresses de l’exposition.
Engagements de la Belgique au coursde la conférence sur la gestion durable des forêts de la RDC (Bruxelles, février 2007) :
1. augmentation de budget pour sensibiliser lesopinions publiques belge et européenne ;
2. intervention politique pour mettre la questiondes forêts en RDC à l’ordre du jour de la pro-chaine réunion du G8 ;
3. création d’une Task Force belge chargéed’étudier les possibilités d’intégration de laBelgique aux deux fonds fiduciaires prévuspar la Banque Mondiale (financement desconcessions de conservation et des mesuresde conservation de la nature) ;
4. le nouveau Centre de Référence et d’Expertisede l’Afrique Centrale (CRE-AC) et le MuséeRoyal de l’Afrique Centrale suivront les grou-pes de travail, bientôt mis en place par legouvernement congolais, pour préparer le 3ème
Forum Forêts de Kinshasa.
COOPÉRATION TECHNIQUE BELGE (CTB)
Avenue Colonel Ebeya, 15-17Gombe, KinshasaRépublique Démocratique du CongoT. + 243 81 89 46 611E. [email protected]ésentant Résident : Manolo Demeure
DIRECTION GÉNÉRALE DE
LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT
(DGCD)
Ambassade de BelgiqueBuilding du Cinquantenaire, Place du 27 OctobreB.P. 899 – KinshasaKinshasa – République Démocratique du Congo T. + 243 89 89 24 233 | +243 89 89 34 412E. [email protected] à la Coopération
au Développement : Paul Cartier
www.btcctb.org
EXTRAITS DES COMMENTAIRES SUR LE PREMIER NUMÉRO DE « &CO », ON Y TRAITAIT NOTAMMENT DU PROGRAMME POST-ÉLECTORAL D’URGENCE, DE L’ASSAINISSEMENT DE KINSHASA, DE LA GESTION DE L’EAUET DES PROJETS DE LA CTB EN RDC.
J’ai lu avec intérêt le premier numéro de votre magazine.Cela m’intéresse particulièrement en tant que responsa-ble d’une ONG locale, la Dynamique des Jeunes pour laPaix et le Développement. (…) J’espère que &CO nousdonnera l’opportunité de dialoguer en vue de l’efficacitéet de l’efficience des actions sur le terrain.
A propos de l’assainissement à Kinshasa :(…) nous sommes parfois scandalisés d’observer desCongolais de rang social élevé déversés des peaux debananes ou des sachets à partir des voitures climati-sées ou même ceux de la petite classe jeter les orduresà côté de quelques bacs à poubelle installés par l’Hôtel de ville. Autant dire que le « Congolais » engénéral, qu’il soit universitaire ou paysan, n’est pas dutout éduqué à la culture de la salubrité ; (…) Tous les programmes d’action entrepris par la CTBsont bons, et peuvent porter momentanément des résultats intéressants. Mais il s’avère important que ces actions soient intégrées dans nos catégories culturelles, pour qu’elles soient non seulement efficacesmais efficientes, et durables. (…)7 Faustin KOMBE | philosophe FCK
« (…) La Belgique doit insister auprès de ses interlocu-teurs pour que la justice soit réellement indépendante,et que le droit soit opposable à tous (…) Dans le sec-teur de l’eau, redynamiser la Regideso – tout en encou-rageant l’initiative privée ailleurs – et mettre l’accentsur la culture de responsabilité chez tous les Congolais :qui consomme, paie ! Ou qui paie, consomme ! Quelssont, dans nos catégories culturelles, les facteurs quibloquent, même les Congolais les mieux nantis, à ima-giner que l’on puisse «consommer sans payer» ?
7 Abbé Justin LINGBOTO
Philosophe | Econome au Séminaire Universitaire (FCK)
« L’information est pertinente, très bon graphisme, trèsattractif. J’aimerais voir dans les prochaines éditionscomment les travaux présentés dans le dossier assai-nissement évoluent et aussi avoir les points de vue despersonnes qui y travaillent, comme les membres des bri-gades communales. »
7 Emmanuel BUNKETEcomptable, Programme d’Urgence, CTB, Kinshasa
(…) J’espère que vous n’ignorez pas que nous à l’ESTavons (…) au plus haut point besoin de tous lesencouragements et les mises en train qui nous aide-raient au démarrage et surtout à nous impliquer dansla consolidation de la paix et du rapprochement objectifdes communautés. Et je pense que votre magazine seraun outil indispensable à cela (…) Ce magazine seraitaussi une opportunité de sortir, espérons-le, de la têtedes jeunes, l’animosité qui y est inscrite selon laquelletous les maux dont souffrent le pays sont à imputer àla Belgique et aux Belges en premiers. Ce qui n’est pasévident. (…)7 Jean Pierre KASUKU
Chargé de cours au CIDEP/UO de Goma/Nord-Kivu.
« Je suis content d’avoir découvert certaines activités dela CTB. Le contenu est très intéressant et nous allonsl’exploiter pour des émissions futures de notre radio.J’aimerais cependant qu’il y ait plus d’articles sur lesactivités de la CTB en province, surtout au Sud-Kivu. »
7 Jonas SEBA | Directeur Radio Baraka/Sud-Kivu
« Je déplore le fait que la quasi-entièreté du magazinesoit dédiée aux activités de la CTB à Kinshasa. Je vou-drais avoir plus de nouvelles venant des autres provin-ces, en particulier des réalisations faites sur le terrain.En effet, ici à Lubumbashi, nous entendons beaucoupparler de la CTB mais nous ne voyons que très peu deréalisations concrètes sur le terrain. »
7 Un membre d’une ONG de développement à Lubumbashi
« J’ai été très intéressée par les divers dossiers présen-tés. Cependant, je pense que vous devriez intégrer ladimension genre en montrant que la femme est non seu-lement bénéficiaire de nombreux projets mais peut aussiêtre actrice et moteur du développement de ce pays. »
7 BIJOU | étudiante UNIKIN
« J’ai beaucoup aimé la photo de couverture, ça changedes images misérables et négatives que nous avonsl’habitude de voir. J’aimerais avoir plus de nouvelles des activités de la CTB dans les autres provinces, passeulement Kinshasa. »
7 ANTOINETTE | employée au PNUD
« Je trouve que la revue est vraiment bien arrivée pourcoupler « La voix du Congo profond ». Elle est innovanteet devra contribuer à faire changer la vision du développement tant chez les partenaires congolais queles donateurs.Pauvreté et soif de Paix, le défi de l’eau tout comme les routes et l’hygiène dans nos cités ; que dire del’électricité ? La solution devra être trouvée aussi ducôté de la décentralisation : financière, territoriale, et même décisionnelle. Voilà autant de sujets qui frappent à l’œil et ne laissentindifférent tout agent de développement dans ce Congoà multiples défis.Une petite rubrique de formation pratique sur le déve-loppement et l’éducation à la paix serait la bienvenue. »
7 CLÉMENT | APEFE Wallonie-Bruxelles, Lubumbashi
Courrier des lecteurs
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CONTACTS
L E M A G A Z I N E D E L A C O O P É R AT I O N B E L G E E N R E P U B L I Q U E D É M O C R AT I Q U E D U C O N G OE
DIT
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Ce numéro est édité en français et en néerlandais.
Plantation de l’arbre Mwabi (Photo E.Vincke) Toile de Kasanda wa Tshipele, Kinshasa 1988 (Coll. E.Vincke)
L’arbre Mwabi (Sterculia quinqueloba) fait
partie de l’ensemble des « Arbres-à-esprits » qui, dans
la vision du monde Luba Kasaï, servent à communiquer
avec les mânes des ancêtres. Arbres de la brousse,
ils font un pont entre la Nature et la Culture. Ici, il s’agit
de demander l’aide des ancêtres dans certains cas de
« malchance » (dans le travail, la maladie, etc.).
Ou bien de protéger la «beauté» (bulengela) d’une
personne, c’est-à-dire un ensemble de qualités intrinsèques,
don des ancêtres, et qu’il faut protéger des jaloux.
Le tableau montre le moment crucial de la cérémonie.
Les hommes importants sont assis à l’ombre. Les femmes
sont debout, sauf la concernée. A ses pieds, le sacrificateur
de la poule pour les ancêtres, centre d’attention de
l’assemblée. Suivant la façon dont elle meurt, on tire des
conclusions relatives au problème. Derrière la patiente se
voit la bouture. Si elle prend, ce sera signe que les ancêtres
ont accepté le sacrifice. Ce culte est toujours pratiqué.
Édouard VINCKE | anthropologue
est le nom étonnant de ce nouveau magazine sur le développement. « CO » comme COngo, COopération, COmplicité ou encore COnvivialité. Né sous le signe
du lien (&), pour souligner les relations particulières qui unissent la RDC et la Belgique, ce magazine s’adresse en particulier aux forces vives de la société congolaise ; les acteurs étatiques et non étatiques, les médias, les associations,les ONG, les étudiants, les simples citoyens ou encore tous ceux qui s’intéressent au développement de la RDC.
Ce numéro thématique sur les forêts congolaises se penche sur les grands sujets évoqués à l’occasion de la conférenceinternationale sur la gestion durable des forêts en RDC, organisée à Bruxelles, les 26 et 27 février 2007, à l’initiative du Ministre belge de la Coopération au Développement. Site de la conférence : www.confordrc.org
«&CO» est réalisé par le service communication externe de la CTB. Sa distribution est gratuite.
DIRECTRICE DE PUBLICATION : Marie–Christine Boeve | COORDINATION ÉDITORIALE : Carol Sacré et Julie Leduc
RÉDACTION : Frédéric Loore, Olivier Stevens, Elise Odiekila, Hervé Jeanmart, Amédée Mwarabu Kiboko, Eddy Nierynck, Edouard Vincke, Marie-Christine Boeve, Julie Leduc
CONSEILLER SCIENTIFIQUE: Claude Croizer
CONCEPTION GRAPHIQUE : Aplanos | IMPRESSION : Imprimerie Philippe Lozet PHOTO DE COUVERTURE : Greenpeace/ Philip Reynaers | CORRECTIONS PHOTOS : Constant Dupuis
Merci à ceux qui ont participé à la réalisation de ce numéro : Lola Mukendi, Alain Huart, Jan Van Gysel, Pierre Defourny, Christelle Vancutsem, Carlos de Wasseige, Guy Debonnet,
Philippe Deboeck, Yvette Kaboza, Ivette Fabbri, Camille Couralet, Marc Languy, Geert Lejeune, Lutete Vangu, Olivier Mushiete, Olivier Servais, Théodore Tréfon, Jean Nke Ndih, Théophile Gata
ainsi que l’équipe de la CTB en RDC.