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COLLECTION...5 Des transcriptions faites au XVe siècle sur des documents des XIIe et XIIIe siècles, conservés, disent les formules, « propter rei antiquitatem 3. » Dom Deschamps

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  • COLLECTION

    DE

    DOCUMENTS HISTORIQUES

    PUBLIÉS

    PAR ORDRE DE S. A. S. LE PRINCE ALBERT Ier

    PRINCE SOUVERAIN DE MONACO

  • V

    Ainsi que nous le disions dans l'avant-propos du tome premier,

    ce second volume comprend, comme partie principale, une étude qui

    embrasse l'histoire de la vicomté de Carlat depuis les origines jusqu'à

    la suppression du comté de Carladez à l'époque de la Révolution.

    Nous y avons joint un supplément aux documents, suivi de deux

    tables générales : l'une chronologique et analytique, l'autre

    alphabétique et méthodique des noms et des matières.

    En ce qui concerne l'étude historique, nous nous en sommes

    partagé la rédaction avec M. le comte de Dienne, dans des conditions

    qui permettent d'établir la contribution respective des deux

    collaborateurs.

    A la suite d'une note sur les archives de la vicomté et les sources de

    son histoire, ce travail s'ouvre par un chapitre préliminaire, pour

    lequel nous avons bénéficié de l'obligeant concours de M. Marcellin

    Boule. Le savant assistant au Muséum d'Histoire naturelle a bien

    voulu écrire, pour notre ouvrage, une Note sur la Physiographie du

    Carladez, à la suite de laquelle M. de Dienne a retracé l'aspect du

    pays, son hydrographie et ses conditions économiques.

    Après ces prolégomènes, nous, avons, pour notre part, exposé,

    dans les cinq premiers chapitres, l'histoire de la

  • VI

    vicomté de Carlat et de ses institutions depuis les origines jusqu'au

    XIVe siècle; nous avons repris ensuite la rédaction au dixième et

    dernier chapitre, qui traite de l'administration du comté de Carladez à

    partir de son érection au profit du prince Honoré Il de Monaco jusqu'à

    la Révolution.

    M. le comte de Dienne s'est réservé l'historique des événements

    dont la vicomté a été le théâtre depuis le commencement du XIVe

    siècle, pendant les guerres des Anglais, le gouvernement des maisons

    d'Armagnac et de Bourbon et les guerres de Religion, jusqu'à la

    création du comté de Carladez. Toutefois nous avons continué à

    exposer, dans cette partie de l'oeuvre commune, le développement des

    institutions judiciaires et administratives pendant cette période de trois

    siècles.

    Le supplément, qui fait suite à l'étude historique, se compose de

    66 documents, répartis sous 63 numéros, ce qui porte à 411 le nombre

    des titres que contient notre recueil. Une dizaine de ces pièces ont été

    déjà publiées, soit dans les grands recueils du XVIIe siècle, soit dans

    des opuscules difficiles à se procurer. Quelques-unes avaient été

    éditées incomplètement ou d'une façon inexacte; leur réimpression

    était donc utile. Nous y avons joint, outre un certain nombre de

    documents réunis au cours de l'impression, une série d'aveux tirés du

    Trésor des Chartes et se rapportant à des fiefs relevant directement

    d'Alfonse de Poitiers ou du roi de France, soit dans le Carladez, soit

    dans les régions immédiatement voisines. Ces actes ont un intérêt tout

    particulier pour l'étude que nous consacrons dans notre chapitre V au

    régime des fiefs dans la vicomté de Carlat et, par extension, dans les

    pays limitrophes de la Haute Auvergne.

  • VII

    Nous avons encore assumé le soin de la rédaction des deux

    tables générales. En ce qui concerne la table alphabétique des noms et

    des matières, nous nous sommes appliqué à y poursuivre, autant que

    possible, l'identification des noms de lieux; mais nous n'avons pas eu

    l'intention de faire un dictionnaire topographique. Par suite des

    variations dans les limites des paroisses, il y a, pour un grand nombre

    de localités, contradiction entre les communes dont elles dépendent

    actuellement et les paroisses auxquelles elles sont rattachées dans nos

    textes. Pour ces cas, nous avons maintenu les indications de ces textes

    employant la désignation de «paroisse» à la place de celle de «

    commune », que nous réservons aux lieux dûment identifiés.

    Nous avons inséré deux cartes hors texte; l'une donne l'état du

    Carladez et des provinces voisines, pour l'étude de la période du IX au

    XIIe siècle; on trouvera dans l'autre, plus détaillée, l'indication des

    principaux chefs de fiefs, mandements, etc, et plus particulièrement

    les territoires pour lesquels les vicomtes de Carlat étaient vassaux de

    l'abbaye d’Aurillac en même temps que les variations imposées aux

    limites de la vicomté depuis le XIIIe siècle.

    Enfin, dans le texte (pages CCLXXVIII et CCLXXIX) figurent

    une carte des environs de Carlat et un plan des ruines de l'ancienne

    forteresse.

    En terminant, nous voulons encore une fois rappeler les

    obligations que nous avons envers les personnes dont nous avons mis

    l'obligeance à contribution.

    M. le comte de Dienne a trouvé, pour ses explorations et ses

    recherches en Carladez, de nombreux concours; aux noms que nous

    avons déjà inscrits dans l'avant-propos du

  • VIII

    premier volume, il tient à ajouter ceux de M. Champeval, connu par

    ses travaux sur la géographie du Limousin, de M. l'abbé Figeac, curé

    de Cassaniouze, de MM. Poulhès, curé, et Manilève, vicaire à

    Raulhac.

    Nous voulons, de notre côté, exprimer notre gratitude à nos

    confrères MM. Camille Courderc, de la Bibliothèque Nationale,

    Rouchon et Lempereur, archivistes du Puy-de-Dôme et de l'Aveyron.

    - Nous avons déjà dit notre dette envers MM. Aubépin et Roger

    Grand, archivistes du Cantal.

    Enfin, nous ne saurions omettre de rappeler les communications

    que nous avons reçues de M. Jean Delmas d'Aurillac pour l'époque de

    la Révolution.

    Mais, c'est à M. Marcellin Boudet que nous tenons à adresser

    des remerciements tout particuliers. Il a, avec une générosité bien rare,

    et dont nous sommes profondément touché, ouvert sans réserve, à

    notre profit, ses portefeuilles qui contiennent le fruit de toute une vie

    d'érudit persévérant et sagace. Nous avons ainsi pu compléter et

    contrôler nos propres recherches sur l'histoire et surtout la géographie

    de la Haute Auvergne à l'époque carlovingienne.

    G. SAIGE.

  • IX

    NOTE SUR LES ARCHIVES ET LES SOURCES HISTORIQUES

    DE LA VICOMTÉ DE CARLAT

    Les archives du Carladez, qui étaient conservées à Paris depuis l'époque de la Révolution, ont été transportées en 1880 avec les autres papiers des Princes, au Palais de Monaco. Le classement que nous leur avons fait subir a rétabli intégralement l'ordre de l'inventaire dressé en 1773 sur le plan général ordonné par Honoré III pour chacune des archives de ses domaines en France

    1. Elles

    avaient dû être apportées de Vic à Paris vers 1790, au moment où le prince réclamait une indemnité pour la suppression des revenus qui avaient été stipulés, au profit de sa maison, par le traité de Péronne, en 1641.

    Lorsque Dom Deschamps, l'un des correspondants de Moreau, directeur du cabinet des Chartes, visita ces archives en 1766, elles étaient encore à Vic ; quelques titres, qui en avaient été extraits, se trouvaient entre les mains de M. de Séverac, avocat du roi à ce siège, où le bénédictin put les consulter.

    Dom Deschamps nota : I° « trois rouleaux de parchemin de dix pouces de « largeur sur trente pieds

    de long », contenant 97 hommages et dénombrements « faits en 1270 » et rendus « au seigneur comte de Carlat » (sic)

    2;

    2° D'autres hommages rendus au même qui sont des copies collationnées par des notaires à ce commis par le sénéchal de Rodez en 1450

    3.

    1 Cet inventaire en tout semblable à ceux du duché de Valentinois, et du marquisat des Baux, existant

    au Palais de Monaco, est maintenant à la bibliothèque municipale de Clermont-Ferrand, sous le n° 663.

    2 Les hommages originaux vont en réalité de 1265 à 1276. Depuis la visite de Dom Deschamps ces

    rouleaux ont été découpés et forment actuellement trente-six feuilles de parchemins séparés; ils constituent le

    dossier 140 des archives du Carladez au Palais de Monaco, sous la cote G 13.A part l'hommage d'Aldebert

    Garin pour Valcaylès, de 1237, qui est une charte originale chirographique cousue en tête d'un des rouleaux

    (c'est notre document n° III), à part l'hommage de Géraud de Montjou n° VI, qui est également une charte

    cousue, à part enfin le procès-verbal dressé à propos de la mine de « Cumba Rubea » (n° CXXXII), tous les

    actes sont rédigés par le notaire Centellin; mais ils sont écrits de trois mains différentes

    3 Ces hommages vont de 1277 à 1283; ils sont rédigés par le notaire Pierre d'Esturia ils font partie

    du registre de transcriptions authentiques effectuées en 1450 aux archives des comtes de Rodez, alors au

    château de Cabrespine, par ordre de Bernard d'Armagnac, comte de Pardiac et vicomte de Carlat. Ce

    registre porte aux archives du Palais de Monaco la cote G 13, n° 141 ; il est composé de six cahiers ; il offre

    une lacune au quatrième ; il se compose, en son état actuel, de 66 folios de parchemin contenant la

    transcription de 47 pièces. Il contient, à partir du folio 43, un certain nombre d'actes autres que des

    hommages, tels que les testaments des comtes Hugues II, Henri Ier et des conventions, des lettres patentes,

    etc., dont nous publions la plupart. Lorsque Dom Deschamps consulta ces documents, la seconde partie, à

    partir du fol. 43, était séparée et formait deux dossiers distincts (n° 149 et 199 de l'inventaire). Ce sont les

    pièces visées plus bas comme conservées « propter rei antiquitatem ». Nous avons reconstitué le registre en

    rapprochant les cahiers qui avaient été séparés.

  • X

    3° Sept cahiers en parchemin de dix pouces de largeur sur seize de longueur

    contenant des hommages et dénombrements rendus de 1480 à 1482 1

    ; 4° Un cahier de parchemin composé de 12 feuilles, où sont les franchises

    accordées à la ville du Mur-de-Barrez 2

    5° Des transcriptions faites au XVe siècle sur des documents des XIIe et XIIIe siècles, conservés, disent les formules, « propter rei antiquitatem

    3. » Dom

    Deschamps en a tiré un certain nombre de copies 4.

    Au nombre de ces transcriptions figure celle de la formule des serments

    prêtés par Richard, vicomte de Carlat, à l'abbé d'Aurillac. Dom Deschamps note, en outre, une charte à part qui lui paraît l'original de

    ce serment, et sa description est d'autant plus intéressante que cette pièce a depuis disparu .

    5

    Ces documents, déposés alors chez M. de Séverac, sont précisément les plus anciens que possédaient les archives du prince de Monaco à Vic.

    En compulsant les titres du Carladez, on remarque, en effet, qu'à part les hommages de 1265 à 1276 et trois ou quatre autres pièces du XIIIe siècle, les documents antérieurs au XVe siècle qui s'y trouvent sont le résultat de copies, soit de cette dernière époque, soit du XVIIe siècle, effectuées sur des documents d'archives étrangères au Carladez. Cela s'explique par le fait que, jusqu'au règne d'Isabelle de Rodez, c'est-à-dire jusqu'en 1304, les archives de la vicomté se sont confondues avec celles des comtes de Rodez, et que celles de la période de la maison de Pons sont allées dans les chartriers de ces seigneurs en Saintonge, ou bien ont disparu pendant les guerres des Anglais.

    Ce qui démontre qu'il en est bien ainsi, c'est le soin que dut prendre Bernard d'Armagnac, comte de Pardiac et de la Marche, vicomte de Carlat, de reconstituer ses archives lorsqu'il partagea l'héritage du connétable d'Armagnac avec son frère Jean IV, comte d'Armagnac et de Rodez.

    En 1442, il obtint la remise par les archives du comté de Rodez, de cinquante-quatre documents originaux du XIIIe siècle. L'inventaire en fut dressé par Pierre Teilhard, procureur fiscal de la vicomté de Carlat, le 26 avril 1442; on le trouvera à la suite de cette note, en appendice.

    La plus grande partie de ces documents a été perdue, mais quoiqu'il n'y ait dans la nomenclature de Pierre Teilhard aucune date, la mention de quelques-uns d'entre eux, notamment de l'hommage rendu en 1150 par Pierre,

    1 Ce sont les aveux rendus à Jean Blosset; ils portent à Monaco la cote G 14, n° 150

    2 Ce sont des transcriptions faites en 1456, comprenant toutes les chartes de franchises et

    confirmations accordées au Mur-de-Barrez entre 1236 et 1456. (Voir plus bas, page CXCI, note 4)

    3 Voir la note 3 à la page précédente. Ces transcriptions font partie du même registre que les hommages

    de 1277.

    4 Bibl. Nat., fonds Moreau, vol. 347.

    5 Ce serment forme le n° II de nos documents (tome I, page 2). Nous avons donné à cette place la

    description de la pièce originale d'après Dom Deschamps. - Nous devons faire remarquer que cette charte

    n'est pas mentionnée dans l'inventaire de 1773 ; elle avait déjà disparu ; on possède seulement la

    transcription de cette pièce qui forme la 41° charte du registre G 13, n° 141

  • XI

    vicomte de Murat, à Raymond Bérenger de Provence

    1, fait connaître

    beaucoup de faits qui autrement seraient restés ignorés ; un grand nombre se rapporte à des actes et à des hommages relatifs au règne du comte Hugues IV et antérieurs à la série des rouleaux originaux que nous publions. Par là même, ces mentions ont un grand intérêt, principalement pour la question si délicate des mouvances de Carlat à l'époque du conflit avec les agents de l'apanage d'Alfonse de Poitiers

    2.

    Cette restitution ne dut pas être la seule qui fut faite à cette époque par les archives de Rodez, puisqu'il n'y figure pas la formule des serments du vicomte Richard, ni les rouleaux d'hommages de 1265 à 1276, ni la convention avec le prieur de Taussac de 1295, ni quelques autres pièces originales de la même période, que nous publions, et qui proviennent évidemment de la même source.

    Outre la remise de ces documents, il fut fait des transcriptions d'autres pièces dans les archives des comtes de Rodez, soit à Rodez, soit au château de Cabrespines. Deux notaires, Pierre de Montjou, du Carladez, et Jean « de Malo Rivo » de Rodez, y furent employés en 1450; ce sont les copies du registre décrit plus haut

    3.

    Quelques années plus tard, il fut également fait des transcriptions notariées des franchises et confirmations de franchises de Mur-de-Barrez

    4.

    Une nouvelle cause de dispersion se produisit lors de la confiscation des biens de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours ; une partie des archives de Carlat et de celles de Murat fut soustraite par le bâtard Pierre d’Armagnac pour servir aux droits de la maison d'Alençon contre Anne de France, duchesse de Bourbon, acquéreur de la vicomté; nous publions sous le n° CCXII l'inventaire des titres concernant Carlat, lorsqu'ils furent recueillis après la mort de Pierre d'Armagnac ; il y figure une partie des pièces de l'inventaire de 1442. L'inventaire semblable des titres relatifs à Murat, provenant du même détournement, a été récemment publié dans l'Auvergne Historique

    5.

    Beaucoup de documents sortirent ensuite de Carlat pour faire partie des titres de la maison de Bourbon ; quelques-uns figurent dans les archives de la Chambre des Comptes, aux Archives Nationales. Les archives de l'Allier, à Moulins, possèdent trois registres d'hommages, rendus au duc et à la duchesse de Bourbon en 1490, 1491, 1494 et 1495

    On s'explique ainsi l'extrême pauvreté de ce qui restait dans les archives de Vic au XVIIe siècle. Aussi, les écrivains qui, depuis cette époque, se sont occupés du Carladez ou de Murat, ont-ils dû aller chercher leurs sources aux archives mêmes de Rodez, qui avaient conservé, soit des doubles des actes cédés en 1442, soit des transcriptions insérées dans les liasses de ses diverses séries, dont

    1 Cet hommage, qui porte dans l'inventaire le n° 21, sans date, se retrouve au vol. 230, fol. 37 du fonds

    Doat, et sous la cote A de « l'inventaire des pièces de Murat détournées par le bâtard d'Armagnac », publié

    dans l'Auvergne historique, 1896, p. 185.

    2 Voy. plus loin, pages CXVII et suiv.

    3 Voy. la note 3 de la page IX 4

    4 Voy. la note 4 de la page CXCI. 1

    5 Voy. plus haut note I

  • XII

    la dénomination de « Trésor des Archives du Roi à Rodez » a fait faire de

    fâcheuses confusions avec le trésor des Chartes de France 1.

    C'est ainsi que Froquières nous a conservé, d'après ces archives, l'analyse du testament d'Agnès, femme du vicomte Gilbert Ier dont nous aurons à signaler l'importance historique, tandis que Sistrières et Teilhard ont visé l'hommage rendu par Pierre de Murat, en 1150, à Raymond Bérenger. A défaut des archives du Carladez, on aurait pu trouver dans celles de l'abbaye d’Aurillac des documents relatifs à la vicomté, avec laquelle ce monastère eut des rapports constants et de fréquents conflits ; mais le sort de ces archives a été, lui aussi, désastreux; cependant un grand nombre de copies faites par Vacher de Bourlange, sont insérées dans la collection Moreau.

    Les archives du Cantal n'ont, pour le Carladez, que de rares documents; le fonds Goyon-Grimaldi, composé de registres de nommées féodales, comprend, dans l'inventaire sommaire de la série E, rédigé par M. Ch. Aubepin, les n°s 460 à 481, sous les dates de 1609 à 1784

    2

    Dans la même série, le fonds de Montboissier-Canillac contient de nombreux documents, surtout relatifs à la seigneurie de Dienne.

    Les manuscrits de Lakairie, déposés à la bibliothèque de la ville d'Aurillac, ont fourni à M. de Dienne, sur les indications de M. Louis Brunon, de nombreux matériaux au sujet de la démolition de la forteresse de Carlat

    3.

    Nous avons dit les communications que M. de Dienne avait reçues de la part des propriétaires de chartriers particuliers. Malheureusement ces chartriers sont peu nombreux et les auteurs du Dictionnaire statistique du Cantal ayant obtenu la délivrance d'un grand nombre de titres, aussi bien dans les établissements publics que dans les archives privées, beaucoup ont été égarés ou n'ont pas été rendus. Un grand nombre, malheureusement restés non classés depuis une trentaine d'années, et jusqu'à présent inabordables, au grand préjudice de l'histoire du pays, se trouve à la bibliothèque municipale de Clermont-Ferrand sous la désignation de Fonds de Ribier.

    1 Les archives du comté de Rodez étaient encore dans cette ville lorsque Doat fit faire par Capot les

    transcriptions si nombreuses des volumes 166 et suivants de sa collection, déposés à la Bibliothèque

    Nationale. Elles furent, à la fin du XVIIe siècle transportés à l'intendance de Montauban, où, parait-il, elles

    existaient encore en 1834, époque à laquelle l'incurie de l'administration provoqua leur anéantissement

    presque complet.

    Un inventaire des liasses du classement existant lors du travail de Doat, écrit, semble-t-il, de la main de

    Capot, a été dernièrement retrouvé par notre confrère M. Lempereur à Rodez, et fait partie des archives

    départementales de l’Aveyron ; nous y faisons de fréquents renvois.

    2 On y a réuni les hommages rendus entre les mains de M. de Noailles, comte d'Ayen, gouverneur du

    Haut Pays, formant un registre de 123 feuillets. - Un autre registre de nommées rendues au prince Louis 1er

    de Monaco, provient de M. l'abbé Delmas et a été donné au département par M. J. Delmas, son neveu. - Une

    nouvelle acquisition a fait entrer dans ce même fonds le registre terrier du Mur-de-Barrez, dressé par ordre

    du même prince.

    3 Les manuscrits n°3 et 37 ont été particulièrement consultés avec fruit.

  • XIII

    Plusieurs manuscrits de la bibliothèque de Clermont ont un intérêt direct

    pour l'histoire de la région; notons surtout les Généalogies d’Auvergne de Dom Col

    1, titre assez inexact d'un recueil de notes tirées des chartes dépouillées par

    l'auteur pendant sa longue carrière, et classées par ordre alphabétique. L'Histoire de Murat, manuscrite, par Jacques Teilhard

    2, le recueil de Lagarrigue sur Aurillac

    et l'abbaye de Saint-Géraud 3,

    et celui de Deluguet, avocat au bailliage d'Aurillac, peuvent fournir d'utiles renseignements

    4. Notons enfin le manuscrit n° 99, qui est

    un inventaire des archives de la ville d'Aurillac, dressé en 1692, rempli de renseignements pour la période des guerres de religion.

    Les archives départementales du Puy-de-Dôme conservent un certain nombre d'hommages rendus aux évêques de Clermont dans notre région.

    Nous avons dit que les fonds Moreau et Doat, à la Bibliothèque Nationale, et les titres de la maison de Bourbon, dans la série de la Chambre des Comptes aux Archives Nationales, renferment des documents nombreux. Outre les registres du Trésor des Chartes, les layettes de ce même fonds contiennent une cinquantaine de chartes comprises entre les années 1268 et 1285, notamment des hommages rendus au roi dans le Carladez et aux environs, que nous publions dans ce volume au supplément.

    Jusqu'à présent les annales de Carlat n'ont fait l'objet d'aucune publication

    spéciale et méthodique. Deux écrivains ont cependant consacré, à son sujet, au siècle dernier, des travaux restés manuscrits : Jean de Sistrières, lieutenant général au siège de Vic, et Antoine Froquières, juge-prévôt au même siège

    5. Ce sont des

    compilations assez confuses, courtes et sans critique, mais qui donnent l'indication de documents précieux, dont beaucoup on disparu. Les travaux, également manuscrits, de Jacques Teilhard sur Murat et sur l'histoire d'Auvergne, conservés à la bibliothèque de Clermont, dont nous venons de parler, ont plus de valeur, mais ne se rapportent qu'indirectement au Carladez.

    Parmi les ouvrages imprimés qui ont publié des documents relatifs à ce pays, nous devons d'abord citer la source principale où il faut aller chercher les origines de son histoire; ce sont les nombreuses chartes du Cartulaire de l'abbaye de Conques, publié par M. Gustave Desjardins, qui ont révélé l'état et la division du territoire du Carladez au commencement du dixième siècle ; il faut y ajouter une étude, également de M. Desjardins, sur la chronologie des évêques de Rodez qui contient le plus ancien acte de cette nature

    6.

    1 Bibl. de Clermont-Ferrand, ms. N° 558.

    2 Ibid., ibid., n° 66o.

    3 Ibid., ibid., n° 651

    4 Ibid., ibid., n° 658

    5 Ces manuscrits sont conservés, le premier aux archives du Cantal, le second aux archives de la ville

    d'Aurillac. - L'étude de Sistrières est intitulée Histoire du pays de Carladez consistant aux vicomtés de Carlat

    et de Murat, etc.; ce manuscrit a été donné au département du Cantal par M. Delmas. - Celle de Froquières

    porte le simple titre .De la vicomté de Carlat et de ses vicomtes, manuscrit de 14 folios in - 4°.

    6 Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, V°série, tome 4, P- 168.

  • XIV

    Le Cartulaire de Brioude, publié par M. Doniol, contient aussi quelques

    chartes de la même époque relatives au Carladez. Mentionnons les matériaux considérables que fournissent les deux éditions,

    originale et nouvelle (Privat), de l’Histoire générale du Languedoc de Dom Vaissète, et ceux que contient l'Histoire de la maison d'Auvergne de Baluze.

    Nous citerons encore quelques pages de Chabrol dans le quatrième volume de ses Coutumes dAuvergne. - Murat-Sistrières, dans son Introduction à l'histoire d'Auvergne n'a fait que rééditer les fables des anciens annalistes, tels qu'Audigier, sur les origines de la vicomté.

    En Rouergue, avec qui le Carladez a eu de si étroits rapports, Bonal, dans ses Comtes et Comté de Rodez donne des indications et des documents importants ; il en est de même de Bosc, dans son Histoire du Rouergue, de Gaujal, dans ses Etudes sur le Rouergue, d’Affre, qui, dans ses Lettres sur l'arrondissement d’Espalion, consacre quelques notices à la région du Barrez.

    Dans le Cantal même, les origines du Carladez ont fait l'objet de quelques pages des Annotations sur l'histoire d’Aurillac, publiées par Raulhac.

    Il faut, enfin, nommer l'oeuvre considérable du Dictionnaire statistique du Cantal, où des monographies d'une certaine valeur coudoient des travaux très inférieurs et sans critique. Le fâcheux système adopté dans cet ouvrage a obligé les collaborateurs à supprimer toute espèce d'indications de sources, et cela enlève à des travaux estimables la plus grande partie de leur autorité. Néanmoins on peut recourir avec confiance, et nous l'avons fait avec fruit, à l'étude de Delalo sur l'histoire des institutions de la Haute Auvergne

    1; aux monographies du baron

    Delzons sur l'abbaye et la ville d'Aurillac 2, ainsi que sur la seigneurie de Conros

    et les Astorg d'Aurillac 3. Paul de Chazelles fait également preuve d'esprit critique

    dans son travail très étendu sur Murat 4. L'étude sur Carlat par M. de Sartiges

    d'Angles, est moins sûre ; elle est absolument erronée en ce qui concerne les origines.

    D'autres publications plus récentes intéressent, sinon le Carladez, du moins son voisinage immédiat; nous devons citer les travaux de M. Marcellin Boudet sur les Tuchins et Aymerigot Marchès et surtout les Registres Consulaires de Saint-Flour pendant le XIV siècle.

    Nous ne saurions oublier les ouvrages très appréciés sur l'Abbaye de Féniers et sur la Maison de Graule de M. le vicomte de Rochemonteix, qui a été l'un des promoteurs de la découverte des archives anciennes de Carlat, par une démarche faite, dès 1892, à Monaco, au nom de M. de Dienne.

    Notons, en finissant, une publication nouvelle qui ne touche que par certains côtés à l'histoire : Le Cantal, guide du touriste, du naturaliste et de l'archéologue de MM. Marcellin Boule et Louis Farges.

    1 Tome II, P. 437 à 564.

    2 Tome I, p. 115 et suiv.

    3 Ibid., P. 94 et suiv. à l'article Arpajon

    4 Tome IV p. 397 et suiv.

  • XV

    APPENDICE À LA NOTE SUR LES ARCHIVES DE CARLAT

    Inventaire des titres et papiers concernant la vicomté de Carladez, retirés

    des archives du comté de Rodez par ordre de Bernard d'Armagnac,

    Comte de Pardiac,- vicomte de Carlat, le 26 août 1442 1

    Sapchan tous que jou, Peire Teillard, percuraire fiscal del viscontat de

    Carladez, per mon tres redoubtable seignour, monseignour Bernard d'Armaignac, per la grace de Diou, comte de la Marche, de Pardiac et de Castres, visconte de Carlat et de Murat, et per lui, per las causes sotzscrites, tramès et envoyat, en vartat confesse aver agut et recebut dez archifs de la ville de Rhodes de mon tres redoubtable seignour, monseignour lou comte d'Armaignac et de Rhodes, et de son bon voler et commandamen, sine outrech, per las mas de discret homme mestre Peire Guilhen, notari del loc de Rhodes, secretari deldict monseignour lou Comte et garde des archifs, en la deliberation des seignours de l'honorable conseil de mondict seignour lou Comte, demourants el dict loc, assiasso convocats et appellats, lous documens et instrumens soubscrits et specificats appartenants et attachans à mondict seignour lou comte de la Marche et viscomte deldict viscontet de Carladez, à cause de son dict viscontet de Carladez, so es assaber

    Premierement lou compromes et composition fâche entre lou comte de

    Rhodez et la priouresse de Therondels 2.

    2. Item, plus une recognence sur homage fach par Huc de Juou aldit monseignour lou comte de Rhodez del repaire de Jou.

    3. Item, plus autre homage fach per Guilhaume de Cera al dict Mr lou Comte del loc de Cera et de Voltourieyre

    3.

    4. Item, plus une recognence sur homage fache per lou rectour de Pon de las causes que te en ladicte paroque

    4.

    5. Item, lou compromes fach entre ledict Mr lou Comte et Peyre de Seveyrac et autres en aquel nommats

    5.

    6. Item, Io homage fach per Durand de Sansac de ses causes que tenia en las paroquies d'Arpajon et de Sansac.

    7. Item, lou compromes fâch entre loudict Mr lou Comte et lou visconte de Murat nommat Guilhaume

    6.

    8. Item, une promesse fâche per Durand de Montal et per Peyre La Roque de rendre lou castel de Cromieres.

    1 Pour la commodité des renvois, nous donnons à chacun des articles de cet inventaire un numéro

    d'ordre, quoiqu'il n'y ait aucun numérotage à l'original.

    2 C'est la convention passée en 1284 entre le comte Henri II et l'abbaye de Blesle au sujet de ce

    prieuré. Voyez plus loin à la page CXXXV.

    3 Ce doit être l'original de la reconnaissance que nous publions, d'après les rouleaux du notaire

    Centellin, sous le n°XXIV, 18 juillet 1266, de nos documents.

    4 Voy. le n° LXXIX de nos documents, 12 août 1273.

    5 Publié dans nos documents n° V.

    6 Ce document, qui est le traité d'arbitrage du 1 juin 1285, est publié dans nos documents sous le

    n°CXXXVIII

  • XVI

    9. Item, un petit cartel en louqual est fache mention que Io y nomat confessave tenir deldict Mr lou comte de Rhodez lous castels de Vigourou et de Murat, en loqual cartel non a an ny jour.

    10. Item, un homage fach per Sicard de Blancafort del castel de Vic et de Salvanhac et de autres en aquel conteguts

    1.

    11. Item, un compromes et lou pronunciat daquel, fach entre loudict Mr lou Comte de Rhodez et Astorg d'Aurillac del fach de Conrotz et de la Bastide, et autres causes en aquel contegudes !

    12. Item, un instrumen sagellat del sagel d'Aurillac, contenen une ratification fâche per Benegude, molier de Guiral Roq et Cebeille sa sor, de certaines causes que lours marits avian vendudes aldict Mr lou Comte en loudict viscontat de Carladez, lasqualles non son pon aqui expressades.

    13. Item, un certain relevamen de certane man mise per loudict Mr lou Comte de la terre del seignour de Valon.

    14. Item, une copie de certene offerte fâche per loudict Mr lou Comte à l'evesque de Clairmont de ly far homage del castel de la Bastide.

    15. Item, un homage fach aldict Mr lou Comte per Marquise, maire del noble Guilhaume de Murat et tutrice daquel dels castels de Murat, dels castels de Vigourou, Albapeyre et de las Montagnes

    2.

    16. Item, un homage faict per Bertrand d'Aldoy de las causes que tenia en les paroquies de Murols et de Boysset et de Rogier.

    17. Item, un homage fach per Guilhaume de Vigourou del castel de Caylus et d'autres causes pausades en la paroquie de Taussac, et autres en aquel contegudes.

    18. Item, une copie de la composition fâche en lou prevost de Monsalvy 3.

    19 Item, un petit instrumen contenen certana promesse fache per loudict Mr lou Comte et visconte de Murat sur l'homage d'Albepeyre.

    20. Item, une donation fâche per loudict Mr lou Comte à M. Eustache de Beaumarché del castel de Roquemaurel, a sa vide.

    21. Item, une donation fache per un nomme P. vescomte à Reymond Berenguier, comte de Barcelone et prince d'Aragon, et à Raymond Berenguier, son nebot, dels castels de Murat, de Vigourou et de Feydol

    4.

    22. Item, une permutation fache entre loudict Mr lou Comte et Mr Eustache de Beaumarché dels castels de Roquamaurel, de Sennezergues, et autres causes en aquel contegudes, que son en las paroquies de Cassaniouse et de Ginoulac.

    23. Item, plus une venda esdict Mr lou Comte per Guilhaume, Guy et Gaillard de Belmon fraires, de certenes causes aqui contegudes, pausades en las paroquies de Boysset et de Rogier, sagelades del sagel d'Orlhac

    24. Item, un petit homage del castel de Vigourou, sans an et jour. 25. Item, un compromes et pronunciat en aquel contegut des drectz que

    Peyre et Aldebert de Carlat poudray aver en lou castel de Carlat. 26. Item, un homage fach per Mr Guilhaume Escafre aldict Mr lou comte de

    certains vilatges pausats en la paroquie de la Capelle del Fraisse.

    1 C'est l'acte d'arbitrage publié dans nos documents sous le n° CXXXVI

    2 Id., n° LXXXVII

    3 Id., n°LXXIV

    4 C'est l'hommage de 1150, qui figure également, mais avec sa date, au fonds Doat, Vol. 230, fol 37

    et dans l'inventaire des titres de Murat enlevés par le bâtard d'Armagnac et publié dans l'Auvergne

    historique, année 1896, p.185, cote A.

  • XVII

    27. Item, une permutation fâche per Mr lou Comte de certaines terres et vilatges que lou seignour d'Orlhiac avia en la paroquie de Tiesac et autres en aquelle nommadés, en recompense de certains autres vilatges situas en la paroquie de Vesac.

    28. Item, un homage fach per lou Sr d'Orlhiac a l'evesque de Clarmon del castel de la Bastide.

    29. Item, une altre lettre sagelade, contenen que loudict evesque quittave loudict homage aldict Mr lou comte de Rhodez.

    30. Item, plus un compromes fach entre loudict Mr lou comte et lou viscomte de Murat, à cause de certains débats dels castels de Murat et de Vigourou, en loqual n'y a pon d'ordonance

    1

    31. Item, un accordy fach entre loudict Mr lou Comte et l'abbat de Moyssac, à cause del mas Lantueugol.

    32. Item, un homage fach per Bertrand de Vic et Elise, sa moller, à Hug, conte de Roudes, de las causes que tenian en las paroquies de la Brousse, de Roussi, de Teyssieyres, et autres en aquel nommades.

    33. Item, une vende fache per Bet de la Barrieyre de Rigal de Bois, de deux masatges pausats en la paroquie de Cromieres, nommats Raulliac et la Veyssieyre.

    34. Item, un homage faict per Combal la Roque de la tierce part per non devis del castel de Senezergues et autres causes pausades en la paroquie de Cassaniouse et de Ladhiniac

    2.

    35. Item, une promesse fache per certains marchands de Figeac aldict Mr lou Comte de segre las assises, comme aqui es contegut.

    36. Item, un homage fach per Raymond de Blanceford de las causes que tenia en la paroquie de Polminiac.

    37. Item, un homage fach par Philipe de Valon del castel de Valon et autres sas appartenences.

    38. Item, un homage fach per Berenguier la Guiole, Esteve Pistol, et Esteve de Valon del castel de Valon

    3

    39. Item, une petite lettre en laqual lou Rey mandave que l'on s'informe de l'homage del castel de la Bastide.

    40. Item, une autre lettre fâche entre loudict Mr lou Comte et Mr Eustache de Beaumarchez contenen que devian far permutations del mas de Couffinial et autres causes aqui contegudes.

    41. Item, un homage fâch per Guilhaume Gausselin del castel de Viescams. 42. Item, un roolle contenen en pergamen certains grenges fach per lou

    bailliou del Rey en lou loc de Bredon. 43. Item, plus un proces contenen la reddition del castel de Murat. 44. Item, plus un instrumen contenen la division fache per Jaques, rey

    d'Aragon, de Maliorque et de Valence, entre M. Peyre et M. Jean, ses fils, del viscontat de Carladez et autres ses terres.

    45. Item, une lettre sagelade de lou sagel del rey d'Aragon, contenen l'homage ancien que fech Hug, comte de Roudes al rey d'Aragon del viscontat de Carladez.

    1 C'est probablement encore le n°CXXXVII de nos documents.

    2 C'est le n°VII de nos documents et la seule pièce originale de cet inventaire qui se soit conservée;

    passée aux titres de la maison Bourbon elle est aux Archives Nationales, série P., registre 1378², n° 3074

    3 Les n° 37 et 38 sont les originaux de notre document n°VIII

  • XVIII

    46. Item, plus certaines protestations fâches per loudict rey d'Aragon quand

    loudict homage luy fuyct fach en la ville de Narbonne. 47. Item, un instrumen de compromes et accordi fach entre lou rey de

    Malhorque et dAragon et lou rey de France, fasen mention des castels de Carlat et de Murat

    1.

    48. Item, plus une protestation fâche per lou rey de Maliorque al rey d'A 49. Item, une lettre del fil del rey de France, que mandave al comte de

    Roudes que fagues homage al rey d'Aragon, del viscontat de Carlat. 50. Item, une autre lettre del rey Philippe loqual mandave al comte de

    Roudes que fagues homage del dict viscontat de Carladez al rey d'Aragon. 51. Item, une promesse que lou rey d'Aragon fach aldict comte de Roudes

    que jamai non le desemparari de l'homage que luy avia fach del viscontat de Carladez.

    52. Item, un accord fach entre lou rey d'Aragon et lou comte de Roudes. 53. Item, une lettre en laqual lou rey mandave al comte de Roudes que

    vengues lou rendre certain de la cause que lou rey d'Aragon demandave sur loudict viscontat de Carlades.

    54. Item, une lettre en pergamen contenen certaines protestations faches per monsser Raymon de Monferrat, procuraire del rey d'Aragon contre lou comte de Roudes per lou fach de l'homage de Carladez.

    Lousquals instrumens et autres docurnens dessus specificats ay aguts et

    recebuts desdicts archifs per las mas de Mre Peyre Guilhen, secretari et garde dessusdict, per lous portar a mondict monsieur lou comte de la Marche. Et en testimoni dessodessus, j'en ay fach escrire et signer la presen reconoissence a Mre Antoni Barthomiou, notari del loc de Mur de Barrez ; jeu aussi pareillamen l'ay signade de mon sein manuel, lou XXVIe jour del mes d'avril, l'an de Nostre Seîgnour mil IIIIC XLII - Ainsi signé : TEILLARD, procureur, et BARTELLEMI notaire dessusdicts.

    Extraict de l'original des archifs du comté de Roudes, collationné par moy,

    notaire, greffier et secrelaire audict comté de Roudez desdicts archifs soubsigné, en foy de ce. - A Roudes le 14e de juin 1605 - Ainsi signé : GIBRON, greffier et garde desdicts archifs de Rodez

    Archives départementales du Cantal, série E² (fonds Grimaldi).

    [Communiqué par M. Roger Grand, archiviste du Cantal.]

    1 Les pièces n° 47, 49, 51, 54 se retrouvent à l'inventaire des titres de Carlat enlevés par le bâtard

    d'Armagnac, publié dans nos documents n° CCXII, sous les cotes J., M H, E.

  • ÉTUDE HISTORIQUE

    SUR

    LA VICOMTÉ DE CARLAT

    * * *

    CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

    ÉTAT PHYSIQUE - APERCU GÉOGRAPHIQUE ET

    ÉCONOMIQUE:

    I

    Physiographie de Carladez

    (Note de M. Marcellin BOULE)

    Le Carladez ne correspond nullement à une région naturelle du Cantal. Ses

    limites, toutes politiques, étaient très artificielles, sauf vers le sud-est, où le

    Brezons, la Truyère et le Lot le séparaient des pays voisins. Il comprenait la plus

    grande partie de l'arrondissement d'Aurillac, toute la haute vallée de la Santoire et

    une enclave considérable dans l'arrondissement de Mauriac, (mandement

    d'Escorailles).

    De sorte que la constitution géologique du Carladez est aussi variée que

    celle du Cantal lui-même. Tandis que les hautes montagnes sont d'origine

    volcanique, les parties basses sont formées de granites, de schistes et autres roches

    cristallines. Entre ces deux grandes divisions, une zone intermédiaire montre des

    affleurements de roches sédimentaires, argiles, marnes et calcaires.

  • XX ÉTUDE HISTORIQUE

    Cette constitution géologique a son retentissement sur la géographie et

    l'ethnographie. Chacune des divisions que je viens d'établir correspond à une

    région qui a son caractère particulier au point de vue du paysage, de l'agriculture,

    des moeurs des habitants.

    La première région, la plus ancienne au point de vue géologique, est aussi la

    plus étendue. C'est elle qui forme le socle sur lequel repose le grand volcan du

    Cantal. Elle comprend toute la partie du Carladez qui se trouve au sud d'Aurillac

    et la moitié occidentale du mandement d'Escorailles.

    Elle est constituée principalement par des schistes cristallins, gneiss,

    micaschistes, qui donnent une terre maigre, ou bien par diverses variétés de

    granites qui se désagrègent facilement et produisent une arène stérile. Ces roches

    sont traversées, çà et là, par des filons de quartz qui s'élèvent parfois en dykes

    d'aspect fantastique comme le Mur du Diable, près de Montsalvy. L'enclave

    d'Escorailles est traversée par une longue traînée de terrain houiller qui se

    poursuit vers le nord jusqu'à Commentry, vers le sud jusqu'à Decazeville. C'est le

    pays de Io Castagnaou (de la châtaigneraie), ainsi nommé parce que les

    châtaigniers s'y développent avec vigueur, y forment de véritables forêts et

    fournissent à ses habitants le plus clair de leurs revenus. Mais les arbres fruitiers

    et les champs de seigle qui les accompagnent ne croissent que dans les vallons ou

    sur les plateaux de basse altitude. Les plaines élevées (700 à 800 mètres

    d'altitude) sont occupées par des landes, vastes étendues d'ajoncs de bruyères, de

    genêts, presque dépourvues de végétation forestière.

    A cette région froide et désolée des environs de Laroquebrou, de Saint-

    Mamet, de Labrousse, succède, vers le sud, une contrée plus adoucie, qui prend

    un aspect tout à fait riant dans les bas-fonds (Veinazès) et qui arrive enfin, par une

    chute brusque, au contact de la flore méditerranéenne des bords du Lot, où

    croissent la vigne, le figuier, le pêcher et les plantes aromatiques.

    La seconde zone, beaucoup moins étendue, est tout à fait différente. Elle est

    formée par des roches sédimentaires, des marnes et des calcaires déposés au fond

    d'un lac qui, à l'époque dite oligocène par les géologues, occupait une grande

    partie du territoire Cantalien. Ces roches fournissent une terre grasse,

    particulièrement propre à la culture du froment. La chaux qu'on en retire permet

    l'amendement des terres voisines qui en sont dépourvues et la construction

    d'habitations plus confortables.

  • SUR LA VICOMTÉ DE CARLAT XXI

    Elles occupent le fond et les parois de bassins riants et fertiles, comme la

    plaine d'Arpajon, la partie moyenne de la vallée de la Cère, les vallons de Salins,

    de Drugeac, etc... Elles ont attiré, de tout temps, les populations rurales et

    déterminé l'emplacement des agglomérations humaines. Aurillac, Vic, Carlat,

    Raulhac, Mur-de-Barrez, Maurs sont bâties sur ces terrains oligocènes.

    On sait que les hautes montagnes du Cantal représentent les ruines d'un

    gigantesque volcan dont les cratères principaux se trouvaient au centre même du

    massif et dont les déjections, accumulées sur mille mètres d'épaisseur, ont formé

    une sorte de cône surbaissé bien reconnaissable sur une simple carte

    géographique. Plus tard, les agents atmosphériques, les glaciers, les eaux

    torrentielles ont creusé des vallées profondes qui rayonnent à partir du cratère et

    labourent les flancs du cône jusqu'au socle primitif et oligocène que nous venons

    d'étudier. Deux de ces vallées appartenaient au Carladez: la vallée de la Cère qui

    s'ouvre vers le midi, la vallée de la Santoire qui se dirige vers le nord. Ces

    profondes coupures naturelles montrent sur leurs flancs toute la succession des

    coulées sorties des bouches éruptives qui occupaient l'emplacement des cirques de

    Mandailles, de la Font-de-Cère ou de Font-Allagnon. Ce sont d'abord des basaltes

    qu'on observe à Aurillac (Puy-Courny), à Saint- Etienne- de-Carlat, à Raulhac,

    etc. ; puis des roches blanches, poreuses, très différentes des premières, et qu'on

    désigne sous le nom de trachytes (Vic-sur-Cère, Thiézac, Pas-de-Compaing, Jou-

    sous-Monjou, etc ... ). Ces éruptions remontent à l'époque dite miocène pendant

    laquelle vivaient en Auvergne des animaux tels que les Mastodontes, les

    Dinotherium, les Rhinocéros, les Hipparion (chevaux à trois doigts), et où

    croissait une flore aux affinités subtropicales.

    A l'époque suivante, dite pliocène, sortirent des masses énormes de brèches

    volcaniques qui forment la plus grande partie des falaises de la vallée de la Cère,

    où elles se découpent parfois en pyramides, en obélisques, en murailles, en

    rochers ruiniformes. En même temps des projections de cendres allaient au loin

    ensevelir et conserver les forêts qui croissaient sur les pentes inférieures du

    volcan. Au pas de la Mougudo, près de Vic, à Raulhac, aux environs de Dienne,

    les botanistes peuvent ainsi recueillir les délicates empreintes de feuilles de

    bambous, des lauriers, des érables, des conifères qui faisaient le fonds de cette

    végétation forestière.

  • XXII ÉTUDE HISTORIQUE

    Les épanchements de brèche furent suivis de coulées épaisses d'andésite.

    Ces roches compactes forment la plupart des montagnes du centre du massif,

    parmi lesquelles il faut citer le Puy-Gros et le Puy de Peyre-Arse comme

    appartenant intégralement au Carladez. Bataillouze, le Puy-Mary, qui ont la même

    composition, étaient comme des bornes gigantesques séparant le Carladez des

    territoires voisins.

    Immédiatement après la sortie des coulées d'andésite, se place la poussée

    des phonolites dont est composé le Puy de Griou. Enfin, un véritable déluge de

    basalte, sortant d'une foule de cratères, recouvrit tous les flancs du cône. C'est ce

    basalte qui forme tous les hauts plateaux du Cantal : le plateau du Limon, au-

    dessus de Dienne, les vastes pâturages de Malbo, de Saint-Clément, d'Escorailles.

    Ces coulées s'étendirent fort loin. On peut les suivre depuis le Plomb du Cantal,

    tout le long de la vallée de la Cère, dont elles forment les escarpements

    supérieurs, jusqu'à Carlat, Ronesque, Mur-de-Barrez. A Carlat, ce basalte forme le

    rocher sur lequel s'élevait le château rasé par Henri IV. A l'extrémité sud, on voit

    que la coulée s'est épanchée dans un lit de rivière composé de sable et de cailloux

    roulés. Aujourd'hui ce basalte domine de véritables abîmes au fond desquels les

    torrents coulent de 250 à 300 mètres, en contrebas du niveau de la rivière

    pliocène.

    A peine ébauchées les vallées actuelles furent envahies par des masses de

    glaces; celles-ci prenaient naissance dans la région centrale du massif, dont

    l'altitude moyenne devait être supérieure de 1.000 mètres au moins à l'altitude

    actuelle. Tout comme les glaciers qu'on observe aujourd'hui dans les Alpes, ceux

    du Cantal entraînaient des blocs erratiques, édifiaient des cordons de matériaux

    détritiques. Les environs de Dienne sont encombrés de formations glaciaires et la

    Cère nous offre de beaux exemples de moraines qui datent de la fin de l'époque

    glaciaire.

    C'est vers ce moment que nous voyons l'homme prendre possession du

    Cantal pour la première fois. La région correspondant à l'ancien Carladez est celle

    qui a livré le plus de vestiges de l'homme préhistorique.

    J'ai recueilli, dans les alluvions anciennes de la vallée d'Arpajon, un très bel

    instrument en silex, identique aux spécimens classiques des vallées de la Somme

    et de la Seine. Rames, dont il faut toujours rappeler le nom quand on parle de

    l'histoire naturelle du Cantal, avait dans sa collection de nombreuses pièces

    analogues trouvées sur les hauts

  • SUR LA VICOMTÉ DE CARLAT XXIII

    plateaux des environs de Carlat et de Raulhac. A cette civilisation, dite

    paléolithique, succéda ici, comme partout ailleurs, la civilisation dite néolithique.

    Les haches en pierre polie, les pointes de flèches à pédoncules finement

    ouvragées, qui datent de cette époque, ont été retrouvées sur plusieurs points. Un

    certain nombre de sépultures contemporaines (dolmens), s'élevaient encore

    naguère en quelques endroits. Les âges des métaux, du bronze d'abord, du fer

    ensuite, sont représentés surtout par des tumuli dont quelques-uns nous amènent

    en pleine époque gauloise, c'est-à-dire à l'aurore des temps historiques devant

    lesquels le géologue s'efface.

    MARCELLIN BOULE.

    II

    Aperçu géographique et économique

    ASPECT GÉNÉRAL.

    Il y a quelques années à peine, le pays de Carladez était presque inconnu. Le

    défaut de communications faciles écartait de la région la grande masse des

    voyageurs que la mode ne portait pas de ce côté. Grâce au chemin de fer d'Arvant

    à Aurillac et à ses prolongements sur Figeac, grâce à la ligne de Paris à Aurillac

    par Mauriac et à celle d'Aurillac à Saint-Denis, ses sites sont devenus plus

    accessibles aux touristes. Aussi cette contrée, d'un caractère si original, attire-t-

    elle maintenant une partie de ces excursionnistes qui vont bien loin chercher des

    paysages et des scènes naturelles, inférieures à celles qu'ils peuvent rencontrer ici.

    L'admirable vallée de la Cère n'a rien à envier aux belles vallées des Alpes

    et des Pyrénées. La ville principale, qui en occupe le centre, s'appelait encore, à la

    fin du siècle dernier, Vic en Carladez, et était la capitale judiciaire d'une de ces

    régions d'origine très ancienne, qui, au milieu de la division de la France en

    provinces, avait conservé, avec ses moeurs à part, des usages et des coutumes

    distincts. Lors de l'organisation des circonscriptions administratives qui, à

    l'époque de la Révolution, écartèrent les noms historiques des provinces pour les

    remplacer par des appellations empruntées aux cours d'eau

  • XXIV ÉTUDE HISTORIQUE

    et aux montagnes, le Carladez subit le sort commun ; son nom disparut des

    dénominations officielles et le siège de son bailliage, devenu simple chef-lieu de

    canton, a pris le nom de la rivière qui coule à ses pieds. Il est appelé Vic-sur-Cère.

    Si la vallée de la Cère est belle au milieu des autres, la vallée du Goul, la

    vallée du Brezons, la vallée du Sinicq ne lui cèdent guère qu'en étendue et

    possèdent, comme elle, ces prairies d'un vert spécial dont l'intensité et la fraîcheur

    sont incomparables ; celle de la Truyère l'emporte sur toutes par ses aspects

    sauvages et grandioses.

    Les énormes différences d'altitude qui se rencontrent dans ce pays rendent la

    physionomie du Carladez très variée. Dans ses parties élevées règne le régime

    alpestre le plus caractérisé; plus bas, dans les régions moyennes, s'étendent les

    grandes châtaigneraies, enfin dans les vallées méridionales on trouve la vigne et

    jusqu'au figuier.

    Pour se rendre un compte exact de l'aspect général de la contrée il faut, par,

    une claire journée, gagner un point central et dominant, comme par exemple les

    plateaux de Labrousse. On a, de là, une vue très étendue, limitée seulement, au

    nord par les hautes montagnes qui descendent du Plomb, se dirigeant les unes vers

    la Cère, les autres vers le Mur-de-Barrez. Le Griou, immense cône violet de 1694

    mètres d'altitude, semble, contrairement à la réalité, plus élevé que le Puy-Mary

    qui s'aperçoit dans toute son étendue 1. Plus loin le Puy de la Tourte, domine

    Cheylade et celui de Pérarche divise en deux parties le haut de la vallée de

    Dienne. Au midi, une immense lande forme au premier plan, un épais tapis de

    fougères, de genêts et de bruyères; c'est le pays pauvre, la Brousse, qui a pris son

    nom de la végétation dont il est revêtu, nom que porte également son chef-lieu ;

    quelques cordons de bois entourent de rares champs cultivés, Là se récoltent les

    céréales des terres maigres, le seigle connu sous le nom de blé dans un pays où le

    froment est rare, le sarrazin.

    La brousse inculte s'étend à perte de vue; tantôt elle longe un bois, parfois

    elle y pénètre profondément, formant de grandes clairières.

    1 Le Puy Mary (1,787 m.) rappelle par sa forme l'encolure d'un cheval.

    « Lou puèt Mory; fourcut que dirias qué si cabro,

    « Olonguo, lou couol jious sa crinièro de neù

    « E, coum un fier tchiobal, orniquo dins lou ceù »

    Flour de Brousso par A. Vermenouze. Aurillac, 1896.

  • SUR LA VICOMTÉ DE CARLAT XXV

    Mais si l'on croit pouvoir parcourir sans obstacle ce qui semble n'être qu'un

    immense plateau, on est vite détrompé. Des gorges, des déchirures plutôt,

    extrêmement profondes, aux flancs à peu près à pic, se sont creusées, du fond

    desquelles mugissent quelques rivières torrentueuses. La Maurs a, dans certains

    endroits, à peine la place de couler, dans d'autres elle est entourée d'une bande

    étroite de prairies qui doit, à la moindre crue, disparaître sous ses eaux.

    L'aspect des gorges change à chaque instant ; ici, des rochers, là des

    bruyères, là des bois. Le mois de septembre est le plus favorable pour les visiter.

    A cette époque, les arbres ont déjà pris la teinte automnale, les chemins sont

    jonchés de feuilles dorées; les bruyères en fleur, toutes roses, égaient le regard et

    font contraste avec le ton sombre des rochers. Parfois, à mi-côte la pente s'adoucit

    ; des prés, sillonnés de rases 1 parallèles, forment comme des marches

    monumentales; et avant de retrouver le plateau, on entre dans des châtaigneraies

    séculaires où se cachent quelques villages de bûcherons 2. A l'entrée de l'un deux

    3, une croix de pierre est fixée dans le tronc d'un vieil arbre qui l'entoure, en forme

    de couronne, de ses verts rejetons 4. A Raulhac, une autre croix, plantée au pied

    d'un tilleul, est aujourd'hui enchâssée dans ses racines noueuses.

    Les plateaux sont élevés et froids ; mais les villages, bien abrités, ont un

    aspect assez riant. Parfois les maisons possèdent une treille dont les raisins,

    malgré l'altitude, viennent à maturité. Elles sont construites d'après un type à peu

    près uniforme : un escalier extérieur conduit à une galerie ouverte sur laquelle

    donnent les chambres ; au-dessous de cette galerie est l'entrée de l'étable qui

    occupe tout le rez-de-chaussée. Au moyen de cette disposition, dans un pays où

    l'hiver règne les trois quarts de l'année, la chaleur est distribuée dans les pièces

    d'une façon égale. Les maladies de poitrine, que de brusques changements de

    température pourraient rendre fréquentes, sont ainsi conjurées. La porcherie se

    trouve, au contraire, assez éloignée de

    1 Nom donné aux canaux d'irrigation.

    2 Voir dans Flour de Brousso la description de châtaigneraies carladésiennes, P. 129 et suivantes.

    3 A Grammont, près Leucamp.

    4 Les chemins sur les bords desquels s'élèvent ces croix, se nomment Chemins des Morts. Devant

    les croix, les porteurs déposent le cercueil et s'arrêtent un instant.

  • XXVI ÉTUDE HISTORIQUE

    l'endroit où la famille passe la nuit. C'est, on le voit avec moins d'élégance dans

    l'aspect, le même procédé de construction que celui des chalets suisses ou

    tyroliens.

    En se dirigeant vers le Plomb du Cantal, le point le plus élevé et le sommet

    du triangle dessiné par le Carladez proprement dit 1, on entre dans la partie la plus

    riche du pays, celle des grandes vallées, couronnées de bois, tapissées de prairies;

    celles-ci, toujours irriguées, partant d'un rapport certain, sont soumises au

    déprimage, c'est-à-dire au pacage, depuis le moment où les neiges disparaissent

    jusqu'au milieu de mai. Les herbes y poussent abondantes et drues, avec une telle

    vigueur que, dès la fin du mois de juin on peut procéder à la fenaison.

    La vallée de la Cère s'élargit en une vaste plaine, toute en prairies, sous le

    joli village d'Arpajon, et la rivière qui l'arrose ne rentre qu'à Laroquebrou, en aval,

    dans des gorges profondes semblables à celle d'où elle est sortie.

    Le Plomb, dont on voit le sommet arrondi en forme de casque, est,

    contrairement à d'autres montagnes, accessible un peu de toutes parts, de la

    Planèze par Albepierre, ou de la vallée de Vic, par d'étroits sentiers que traversent

    des eaux vives. Ils partent de la station de Saint-Jacques ou de celle de Lioran.

    A mesure que le voyageur s'élève, le chemin s'élargit et les arbres diminuent

    de hauteur, parce qu'ils ont dépassé leur altitude de pleine végétation; enfin, il

    gagne le territoire des vacheries; les arbres ont disparu, il foule un épais tapis de

    gazon; de loin en loin, il aperçoit une petite cabane; elle est construite auprès

    d'une source que l'on entend murmurer sous des fagots de branches mortes

    recouvrant le courtil, modeste enclos aux murs de pierres sèches. Cette cabane se

    nomme buron. C'est là que reposent les bergers; c'est là que, des parcs où les

    vaches passent la nuit, ils apportent le lait dans de longs vaisseaux de bois appelés

    gerles; c'est là qu'ils font le fromage. A cette hauteur, on peut observer la vie

    grave et presque majestueuse du pasteur. Les hommes seuls habitent les burons;

    ils obéissent à l'un deux, le vacher, investi d'une autorité que personne ne songe à

    contester. Le silence ici règne solennel. Il est seulement rompu par la grande, « la

    chanson du

    1 Le mandement de Dienne est géographiquement en dehors du Carladez.

  • SUR LA VICOMTÉ DE CARLAT XXVII

    « Montagnard ….un air auquel s'adapte l'âme même de la montagne.

    « C'est un bout de refrain rauque, une roulade fruste, quelques pauvres

    « Notes de rien, une vocalise rustique, un lambeau de phrase..toujours

    « la même et cependant si diverse, âpre ou sauvage, selon le lieu,triste,

    « Rude ou farouche, selon le chanteur 1.

    »

    Plus haut enfin, rien n'arrête la vue; on marche sur le gazon toujours épais,

    semé de gentiane et de réglisse; l'air, plus vif, semble donner des ailes pour

    achever l'ascension.

    Le Plomb du Cantal est la montagne la plus élevée de la Haute Auvergne. Il

    a 1.858 mètres d'altitude et domine non seulement la chaîne des Puys qui ferme au

    nord l'horizon, mais encore les hauts plateaux de Saint-Flour jusqu'à la Truyère et

    aux monts de la Margeride. Au sud, lorsque le temps est favorable, on aperçoit,

    dit-on, dans le lointain, le clocher de la cathédrale de Rodez.

    Il y a peu de chose à dire, sur l'orographie spéciale du Carladez 2. La région

    des Puys, points escarpés marquant les limites de l'immense volcan central, se

    trouvent à peu près en dehors de sa frontière qui ne touche au Puy Mary que d'un

    seul côté. Seul le Plomb et les différentes élévations, dépendant de son massif

    dans la direction du sud en font partie. On peut y ajouter les plateaux basaltiques

    de Carlat et de Ronesque qui donnent une physionomie particulière à sa

    campagne.

    HYDROGRAPHIE

    Si l'on excepte la haute vallée de l'Alagnon qui a dépendu du Carladez

    jusqu'à la fin du XVIlle siècle et qui est tributaire du bassin de la Loire par

    l'Allier, la région appartient exclusivement au bassin de la Garonne par le Lot et la

    Dordogne.

    Les affluents des principaux cours d'eau, le Lot, la Truyère et la Cère sont

    nombreux

    .Affluents du Lot. - Des hauteurs de Montsalvy descendent vers le Lot les

    ruisseaux de Granroque, de Portes, de Fournico et de Combals. Celui de

    Combenouse se jette dans la rivière à Vieilleive. L'Auze

    1 En Auvergne, par J. Ajalbert, Paris, Dentu, 1893.

    2 Sur la géologie du pays, voy. les savants travaux de M. B. Rames et de M. Marcellin Boule.- Nous

    n'avons rien à ajouter à la remarquable étude que ce dernier a bien voulu écrire pour prendre place ici

    même.

  • XXVIII ÉTUDE HISTORIQUE

    qui prend sa source aux environs de Montsalvy, par plus de 700 mètres d'altitude,

    après avoir arrosé Junhac et passé sous Roquemaurel, où elle recueille les eaux du

    ruisseau de Cassaniouse, se réunit au Lot, à Saint-Projet, à 272 mètres, ce qui peut

    donner une idée de la rapidité de son cours. Le petit ruisseau de la Vinzelle mérite

    à peine d'être nommé. Le Célé est, après la Truyère, le plus fort affluent que le

    Carladez envoie au Lot. Né aux environs de cette rivière, au-dessus de Calvinet et

    de Senezergues qu'il sépare, au sein de montagnes de 700 à 800 mètres, au lieu de

    descendre rapidement vers le Lot, il ne le rejoint qu'après un long parcours de plus

    de 100 kilomètres, aux environs de Cahors. Il n'appartient donc qu'en partie au

    pays dont il capte cependant plusieurs cours d'eau, entr'autres la Veyre (30 kilm.),

    grossie du ruisseau del Gas, de celui de l'étang de Parlan, de ceux de Prat et de

    Sainte-Marie, rencontrés aux approches de Saint-Hilaire. Aujourd'hui la Veyre

    sépare sur une assez grande étendue, les départements du Cantal et du Lot et se

    jette dans le Célé, près de Caffoulens. L'Anès, après avoir rencontré, au-dessus de

    l'ancien château de Toursac, le ruisseau de ce nom, confond ses eaux avec celles

    de la Rance, non loin de Saint-Etienne-de-Maurs. Cette dernière, d'une longueur

    de 30 kilomètres, ayant contourné le bois de La Forêt, laisse Marcolès sur la

    gauche, grossie de la Moulègre, passe de Saint-Etienne à Maurs et rejoint le Célé

    à Brageac.

    La Truyère qui double le Lot à Entraygues, n'a pas moins de 175 kilomètres

    de parcours. Née dans les montagnes de la Margeride, elle formait sur une grande

    longueur la frontière du Carladez. Dans cette partie elle reçoit le Brezons du cours

    de 30 kilomètres, ancienne limite de la vicomté de Murat, puis le Sinicq; ce

    dernier prend sa source aux environs de Malbo, court parallèlement au Brezons et

    se jette dans la Bromme qu'il rencontre à Brommat. Sa vallée est défendue par le

    château de Castel-Noël. La Bromme, dont le cours est de 36 kilomètres, naît au

    pied du Puy Gros (1.599 mètres d'altitude), baigne le Mur-de-Barrez et porte ses

    eaux à la Truyère sous le château de Valcaylès. - Le Goul, plus long que ces deux

    rivières (50 kil.), provient aussi du massif du Puy Gros, au sud du Plomb du

    Cantal. Il arrose dans la vallée de Raulhac les villages de Jou-sous-Montjou,

    Cropières, Montamat, reçoit au-dessous de Ronesque les ruisseaux réunis

    d'Embarre et de Basthène, le premier venant de Saint-Etienne et

  • SUR LA VICOMTÉ DE CARLAT XXIX

    ayant contourné la table basaltique de Carlat; il reçoit encore la Maurs, au-dessous

    de Bancarel, le Langoiroux à Roque Salane, le Lac au Grel, la Batut, au village de

    ce nom, l'Escalafront à la Garrigue, le ruisseau de Couffinal qui vient de

    Montsalvy. C'est à ce point qu'il se déverse dans la Truyère. La Maurs prend sa

    source près du château de la Joyeuse, entre Prunet et Labrousse, dont elle reçoit le

    ruisseau à La Forêt; elle coule ensuite dans les gorges étroites et profondes qui

    séparent Tessières-les-Bouliès de Roussy, longe la forêt de Leucamp, au-dessous

    de laquelle elle trouve le Goul. Ainsi presque toutes les eaux du Carladez

    méridional contribuent à alimenter le Lot.

    Affluents de la Dordogne. - La Cère et la Maronne portent le surplus à la

    Dordogne. La Cère a environ 110 kilomètres de cours. Née au centre même du

    massif Cantalien, non loin du col du Lioran, elle se précipite en cascades en

    amont et en aval de Thiézac dans les gorges du Pas de Compaing et du Pas de la

    Cère, baigne Vic, Polminhac, arrose les prairies d'Arpajon et quitte le Carladez

    au-dessous de Laroquebrou pour se jeter dans la Dordogne aux environs de

    Bretenoux en Quercy. Elle reçoit, à 2 kilomètres en aval de Sansac-de-Marmiesse,

    le ruisseau de Roannes-Saint-Mary, qui prend sa source au-delà de Prunet et qui,

    après avoir doublé à Roannes celui du Bois des Paillards, traverse le bois de

    Mazeyrargues.

    Les autres affluents de la Cère sur la rive gauche sont : l'Angle, qui arrose

    Pers et la rencontre au Ribeyrès, le Pontat, qui vient de Glenat et se confond avec

    elle au-dessous de Pradat, enfin, le ruisseau d'Escalmels, grossissant la Rességue,

    à l'endroit où croise la route de Siran à Sousceyrac; ils apportent leurs eaux

    réunies à la rivière, après avoir passé sous La Mativie.

    La partie des contrées dépendant du Carladez, au nord de la Cère, en aval

    d'Aurillac, dont les eaux sont tributaires de cette rivière, sont des ruisseaux

    secondaires, comme l'Authre, qui vient du massif de la Roquevieille, passe au

    nord d'Ytrac et débouche à La Capelle Viescamps. L'Auze de Saint-Paul-des-

    Landes rejoint la même rivière à Saint-Gérons et le ruisseau de Bramiges, d'un

    cours d'un peu moins de huit kilomètres, dans les communes de Saint-Santin-

    Cantalès, Nieudan et Laroquebrou.

    Le reste des eaux des anciens mandements de Saint-Victor, de Poul,

  • XXX ÉTUDE HISTORIQUE

    et de Laroquebrou, coule sur le versant septentrional de la région qui sépare la

    Cère de la Maronne; les principaux affluents sont : la Soulane et l'Etze ; en aval

    de ce dernier cours d'eau, en se dirigeant vers la Dordogne, il n'y a à signaler que

    des ruisseaux de faible étendue, tels que celui de Saint-Rouffy, dans la commune

    d'Arnac, et celui du Vialard, qui fait la limite du Cantal et de la Corrèze, comme il

    le faisait de la Haute Auvergne et du Limousin.

    Nous ne devons pas oublier un mandement qui a été partie inhérente du

    Carladez : celui de Dienne, dont les eaux rejoignent la Dordogne dans la partie

    septentrionale de la Haute Auvergne par la Rue.

    La partie de cette seigneurie qui relevait du Carladez, comprenait le haut de

    la vallée de la Santoire, des terres dans le Limon, vaste plateau séparant cette

    vallée de celle de la Rue, et enfin, quelques domaines dans la vallée de l'Alagnon.

    AGRICULTURE, COMMERCE, INDUSTRIE.

    Nous avons déjà dit les différences d'altitude qui se rencontrent dans ce

    pays. Le Carladez comprend le point le plus élevé de la Haute Auvergne (1858

    mètres) et le point le plus bas, l'endroit ou le Lot le sépare du Rouergue (210

    mètres). La différence totale est de 1648 mètres. Cela explique les conditions

    climatériques si dissemblables qu'on y observe. Les hauteurs qui avoisinent le

    Plomb sont inhabitables l'hiver, les plateaux sont froids; les vallées méridionales

    touchant au Quercy, jouissent d'une température relativement douce. Aussi, on y

    remarque les essences de bois les plus variées, depuis le sapin, dans la forêt du

    Lioran, jusqu'au noyer, le figuier et la végétation méditerranéenne près des bords

    du Lot., Jadis les forêts étaient très importantes; elles le sont encore malgré le

    défrichement : les principales sont celle de Conros et celle du Sinicq d'autres bois

    se voient à Roannes, à Saint-Mary, à la Salvetat.

    Le Carladez a eu de tout temps ses plus nombreux rapports avec le Midi par

    le Quercy et par le Rouergue.

    La principale industrie du pays consiste dans la fabrication des fromages,

    mais celle-ci n'y a jamais atteint l'importance qu'elle a aux environs de Salers.

    Quant aux céréales, seigle, avoine, blé noir, elles restent presqu'entièrement dans

    la région qui conserve aussi une grande

  • SUR LA VICOMTÉ DE CARLAT XXXI

    partie de ses châtaignes dont on fait dans les cantons de Maurs, Montsalvy et

    Saint-Mamet, une importante consommation

    On cultive de plus, dans ces cantons, l'orge, le chanvre, le lin. La vigne n'est

    pas d'un rendement assez important pour qu'il soit nécessaire d'en parler. Mais les

    petits pois de Montsalvy, vantés par le poète Maynard, jouissent d'une renommée

    légitime 1.

    L'industrie est presque nulle et c'est ce qui explique le double courant

    d'émigration qui porte les habitants vers Paris ou l'Espagne.

    Le Carladez possède des mines qui ont été exploitées fort anciennement 2,

    mais qui ont été abandonnées depuis longtemps.

    Les sources minérales sont nombreuses. La plus importante est celle de Vic 3 qui rend à cette petite ville, aujourd'hui bien déchue de son ancienne importance,

    un peu de vie pendant la saison d'été.

    On exporte aussi l'eau de Teissières-les-Bouliès et celle de la Capelle-en-

    Vésie; d'autres existent, à Dienne, à Glenat, au Mur-deBarrez, à Raulhac, à Carlat,

    à Paullienc, etc.

    CARACTÈRE DES HABITANTS.

    Le caractère des habitants n'a pas dû varier notablement depuis les temps les

    plus anciens.

    La noblesse, nombreuse jadis et très indépendante, forçait le suzerain à

    compter avec elle, mais ne ménageait ni sa fidélité ni son dévouement. En 1789,

    un Carladésien, le chevalier des Huttes, se fit tuer devant les appartements de la

    Reine à Versailles.

    Le clergé ne montre pas l'humeur batailleuse de ses voisins; on ne le voit pas

    entrer en lutte avec le pouvoir civil, comme à Clermont et à Rodez. Des

    communautés de prêtres existaient à Vic, au Mur-de-Barrez, à Thiézac, à Raulhac,

    etc. En 1470, lorsque les vassaux de Jacques d'Armagnac prêtèrent serment à

    Louis XI, il y avait cinquante prêtres à Raulhac, quarante à Thiézac, trente à Vic,

    vingt-quatre à Giou, quatorze à Pont, quarante-cinq au Mur-de-Barrez; on

    comptait deux cent soixante-dix-sept ecclésiastiques occupant des emplois dans la

    vicomté de Carlat; cent soixante-quatorze dans celle de Murat 4.

    1 Le poète Maynard en parle dans ses lettres à M. de Flotte (CXXXI), et à M. de Pressac (CXLIX).

    - Lettres du président Maynard, 1652, in-4°, p. 331 et 420.

    2 Voy. Document n° CXXXXII

    3 Voy. Documents n°s CCLXVI et CCLXIX.

    4 Ce serment, prêté à Bredon était conservé au château de Chavagnac de Dienne. (Dict. Stat. du

    Cantal, t. I page 290)

  • XXXII ÉTUDE HISTORIQUE

    Le Tiers-Etat, représenté, dès le XIIIe siècle, par les magistrats des

    communes naissantes et par les notaires, prit au XVe siècle un grand

    développement. Les bourgeois de cette époque, possesseurs de fiefs, ne tardent

    pas à entrer dans la noblesse. Ils sont remplacés par ces juges, ces avocats et ces

    procureurs qui donnèrent à Vic une physionomie si spéciale et qui affirmèrent

    avec tant d'énergie l'indépendance du pays à l'encontre des provinces voisines,

    jusqu'en 1789

    Il n'y a pas dans le peuple l'exubérance méridionale; mais il existe une

    différence sensible entre la population qui mène dans la montagne la vie pastorale

    et celle des vallées; cette différence frappe le voyageur qui parcourt le pays.

    Le personnel des burons est d'un caractère dur, on peut juger de ses moeurs

    parfois violentes par les enquêtes recueillies au Livre de Justice de Dienne

    conservé aux archives du Cantal. Mais le buronnier considère comme un devoir

    de pratiquer l'hospitalité et il le fait avec cette sorte de dignité du berger qu'une

    perpétuelle contemplation de la nature rend grave et recueilli. Il ne s'enquiert de

    rien, offre à son hôte un morceau de lard, du pain de seigle, de la patranque, du

    petit lait. Le lendemain, quand le voyageur reprend sa course, on n'accepte pas

    sans difficulté l'obole qui est offerte.

    Dans les plaines on est plus soupçonneux, on regarde l'étranger avec

    méfiance ; on veut savoir d'où il vient, où il va, le but de son voyage. Mais cette

    première impression n'est que passagère, et là encore on retrouve ce même

    caractère hospitalier, à la fois discret et cordial; il y a chez ce peuple un sentiment

    de dignité courtoise qui n'a pas changé depuis des siècles.

    Tel est ce pays de Carladez, qui, placé dans la région limitrophe de

    l'Auvergne et du Rouergue, participe des deux par ses conditions physiques, et

    dont l'histoire s'est déroulée au milieu d'événements qui l'ont soumis à bien des

    maîtres étrangers à son sol, sans lui enlever son caractère propre.

    Cte DE DIENNE

  • SUR LA VICOMTÉ DE CARLAT XXXIII

    CHAPITRE PREMIER

    ORIGINES DU CARLADEZ SES RELATIONS AVEC L'AUVERGNE ET LE

    ROUERGUE

    (IXe-X

    e SIÈCLES)

    Le Carladez tire son nom d'un château fort dont les défenses naturelles

    faisaient une place d'armes réputée inexpugnable au moyen-âge. Située à seize

    kilomètres d'Aurillac, cette forteresse gardait les communications entre la région

    de la Haute Auvergne, dont elle faisait partie, et les plateaux qui s'étendent vers le

    Rouergue. Elle était assise sur une table de basalte absolument horizontale, de

    près de quatre cents mètres de longueur et d'une largeur moyenne de quatre-

    vingts, taillée à pic sur toutes ses faces, dont les escarpements dominaient de

    quarante mètres des pentes raides, descendant elles-mêmes à plus de deux cents

    mètres jusqu'au fond des vallons. D'un seul côté, à l'est, la table se rattachait à un

    rocher de même altitude; mais une large coupure verticale, de toute la hauteur de

    l'escarpement supérieur, isolait complètement le plateau l.

    Les vallons au-dessus desquels le rocher se dresse portent leurs eaux par la

    Truyère au Lot; mais celui qui se creuse du côté du nord-ouest, n'est séparé de la

    vallée de la Cère, tributaire de la Dordogne que par une ligne de partage assez

    déprimée, au-dessus de Vézac, et par le col relativement bas de Cabanes, en sorte

    qu'il commande en réalité toute la région moyenne de cette vallée.

    1 On trouvera aux pages CCLXXVIIII et CCLXXIX, avec le plan de l'état actuel des ruines de Carlat

    sur le plateau, maintenant complètement nu, une carte topographique des environs qui montre l'importance

    de cette position. Il ne reste malheureusement aucun dessin aucun plan qui donne l'état de là forteresse avant

    sa démolition ; le document qui se trouve sous son nom au département des Estampes de la Bibliothèque

    Nationale se rapporte au Carla-le-Comte, au pays de Foix.

    Il existait, paraît-il, une peinture murale représentant la forteresse, que la reine Marguerite de

    Navarre aurait fait exécuter à son château d'Issy, près Paris. Cette peinture aurait disparu lors des travaux

    exécutés pour l'affectation de cette demeure à la succursale du séminaire de Saint-Sulpice.

  • XXXIV ÉTUDE HISTORIQUE

    Cette position rendait les possesseurs de Carlat les maîtres de la région;

    aussi avaient-ils, pendant des siècles, pris soin d'y tenir accumulées les ressources

    nécessaires pour défier de longs sièges. L'enceinte primitive finit par renfermer

    une véritable ville qui, à la fin du quinzième siècle, période de sa plus grande

    splendeur, profilait au-dessus de ses remparts la silhouette de ses palais, de son

    église, de sa commanderie et de son couvent 1.

    I

    Les origines

    Aucune indication ne permet d'affirmer que le rocher de Carlat ait été

    occupé dans les temps antiques; ses environs immédiats n'ont conservé aucun

    monument qui puisse, à défaut de textes, autoriser à ce sujet quelque conjecture. Il

    est possible que son emplacement ait supporté un castrum à l'époque romaine ou

    mérovingienne; mais, pour cette période, l'histoire est muette ; les annalistes n'ont

    pas eu à enregistrer d'événements où Carlat ait joué un rôle. Cette place était du

    reste située au centre d'une région que les grandes voies de pénétration du nord

    vers le midi ne faisaient que côtoyer; le massif du Cantal les forçaient

    nécessairement à diverger. Sidoine Apollinaire nous a donné, dans l'un de ses

    poèmes 2, la plus ancienne description d'itinéraire qui nous ait été conservée d'une

    contrée très voisine de Carlat : c'est la route que suivait le poète pour se rendre

    des plaines de l'Auvergne au pays du bas Languedoc, en s'élevant de Brioude sur

    les plateaux à l'ouest de la Margeride, atteignant la sauvage Truyère, passant au

    pied de la cité des Gabali, dans un site très semblable à celui de Carlat, pour

    aboutir à cette partie de la cité de Nîmes où était la villa de Voroangus, toute

    voisine des domaines du préfet du prétoire des Gaules, Tonantius Ferreolus,

    répandus sur les versants des Cévennes, dans les cités des Rutheni et de Nîmes 3.

    1 Voy. la description détaillée de la forteresse, pages CCLXXVII et suiv.

    2 Sidonii Apollinaris carmina, XXIV

    3 Ce que dit Sidoine Apollinaire des domaines de Tonantius Ferreolus a servi de thème à nombre

    d'auteurs qui exagérèrent à plaisir l'étendue des domaines de Ferreolus et ceux de ses descendants…..

  • SUR LA VICOMTÉ DE CARLAT XXXV

    Grégoire de Tours qui cependant relève avec complaisance tout ce qui

    concerne sa patrie arverne, garde le silence sur la région méridionale; Brioude, à

    l'est de ce massif montagneux, Chastel Marlhac à l'ouest, sont les derniers castra

    qu'il nomme dans la direction de la cité de Rodez à laquelle il ne consacre que

    quelques rares mentions 1.

    On peut cependant préjuger de l'importance de la forteresse de Carlat à cette

    époque, puisqu'elle figure comme un des principaux boulevards du Midi quand

    elle apparaît pour la première fois.

    Lors de la guerre entreprise en 839 par Louis le Pieux pour détrôner Pépin II

    et faire couronner à sa place son fils Charles, c'est devant la forteresse de Carlat

    que l'empereur, maître de Clermont et de tout le reste de l'Auvergne, trouva la

    plus sérieuse résistance; néanmoins, malgré la force des défenses naturelles, dont

    les annales de saint Bertin donnent une description fort exacte, la garnison finit

    par se rendre à discrétion, mais elle obtint de la clémence de l'empereur la vie

    sauve 2.

    Après ce fait de guerre le nom de Carlat disparaît de nouveau pour plus d'un

    demi-siècle.

    Audigier et les anciens annalistes de l’Auvergne à sa suite, ont cependant

    énuméré une série de comtes de Carlat pendant cette période : c'est Gilbert qui

    aurait rendu Carlat à Charlemagne; ce sont après lui des personnages nommés

    Folcoald, puis Frédelon, puis Raymond.

    …..Carlat, suivant ces écrivains, qui entassèrent, aux XVII et XVIIIe siècles, à la suite d'Audigier, tant de fables généalogiques, était le centre de la domination des Ferreol. L'un d'eux, nommé Bernard, aurait été,

    dès 772, vicomte de Carlat, que son petit-fils, Gilbert, aurait rendu par composition à Charlemagne. - On

    verra plus loin à quel fait dénaturé se rapporte cette assertion. - Un autre Bernard de Carlat, aurait figuré,

    avec l'évêque Stabilis, à un arbitrage au sujet de Molompise en 824. Ce document existe en effet au

    cartulaire de Conques, publié par M. Desjardins, (n° 460); mais Bernard s'y nomme en réalité Bertrannus,

    sans aucune autre désignation.

    1 Longnon, Géographie de la Gaule au VIe Siècle, P : 494, 505, 518.

    2 « Ipse [imperator] vero ad castrurn a quod vulgo Cartilatum dicitur conten dit, quoniarn eo quidam

    complicurn Pippini consistere ferebantur. Quod castrum nihil quidem manu artifici additum, naturali

    tantum rupe editum hinc inde proecipitio vallium muniebatur,proeter orientalem dumtaxat partem, qua parvo

    admodurn intervallo continenti dirimitur. In quo tamen consistentes obsidione ad deditionem coegit, eisque,

    consuetissima pietate, vitam, membra et hereditatern concessit. » (Ann. Bertin. de Gestis Ludovici Pii, aux

    Historiens de France, t. VI, p. 202).

  • XXXVI ÉTUDE HISTORIQUE

    Ces auteurs ont simplement pris au Rouergue les seigneurs qui y

    commandaient : le comte Gilbert, qui, avant 820, confirmait la fondation de

    l'abbaye de Conques,1 Foucaud, le chef de la dynastie de Rouergue-Toulouse et

    ses deux fils Frédelon, et Raymond 2.

    II

    Constitution du territoire du Carladez - Les marches de la Haute Auvergne

    Quand au commencement du dixième siècle se rencontrent les premiers

    documents où figure le nom du Carladez, son territoire est constitué. Les districts

    dont-il est formé appartiennent les uns au pagus d'Auvergne, les autres au pagus

    de Rouergue: « in pago Arvernico, in vicaria Carladense », dit une charte du

    comte Ermengaud de Rouergue en 909 3, relative à des villas sur les paroisses de

    Vieillevie et de Junhac en Auvergne, « in pago Ruthenico, in ministerio

    Catlatense » dans une donation dans le Barrez à l'abbaye de Conques en 916 4.

    Ce sont précisément les deux plus anciennes chartes où le nom de Carlat soit

    inscrit.

    La partie la plus considérable de ce territoire appartient à l'Auvergne ; celle

    dépendant du Rouergue ne se compose que de la viguerie de Barrez, séparée du

    reste de ce comté par la Truyère.

    Dans ce district, les limites des deux pagi ne sont mêmes pas très

    1 Cart. de Conques, n° 581.

    2 Audigier fait sortir de Carlat les comtes de Rouergue et de Toulouse; il ajoute à leur désignation,

    jusqu'au XIIe siècle, le titre de comte de Carlat. Ses assertions se basent, d'un côté, sur la dénomination de,

    comté donnée au Carladez dans les chartes de cette époque, de l'autre, sur la double confusion qu'il fait de,

    Raymond Pons de Toulouse - avec Raymond II de Rouergue, dont le testament nomme un Carliago qui n'est

    pas Carlat, mais Carla-le-Comte au pays de Foix . - Voy, Dom Vaissète, Hist. gén. du Languedoc, t. II col.

    109 - Notons à ce propos que dans nos citations de Dom Vaissète, à moins d'indication contraire, nous nous

    référons toujours à l'ancienne édition in-fol.

    3 Bibliothèque de l'Ecole des chartes, série V, t 4, p - 168; article de M. G. Desjardins.

    4 Cartulaire de, Conques, publié par M. G. Desjardins, n° 262.

  • SUR LA VICOMTÉ DE CARLAT XXXVII

    nettes ;des paroisses, comme celle de Raulhac, avaient des fractions ressortissant

    à l'un et à l'autre 1; le lieu de Frons, sur la paroisse de Thérondels, dont le nom

    indique du reste un point frontière, se rattachait en 906 au pagus Ruthenicus et à

    l'aïce de Barrez, dans une autre il fait partie de la Haute Auvergne et du

    ministerium Cartladense 2.

    Remarquons, en outre, que la région qui va du Plomb du Cantal à la

    Truyère, limitée, à l'est par le cours du Brezons et à l'ouest par les hauteurs qui

    séparent la Bromme du Goul, portait toute entière le nom de Barrez, quoique la

    partie septentrionale appartînt à l'Auvergne, où elle formait le mandement de

    Barrez avec les paroisses de la Capelle-Barrez, Malbo et Narnhac, dépendant du

    diocèse de Clermont.

    Cette situation se retrouve un peu plus bas. La Truyère paraîtrait devoir être

    la limite naturelle du Rouergue, ainsi que le Lot à partir de leur confluent, et

    cependant ces deux rivières sont franchies par le comté qui s'étend, d'une part sur

    le Barrez, et embrasse de l'autre quelques paroisses en aval, vers la limite de

    l'Auvergne et du Quercy.

    Quoique les frontières naturelles n'aient pas été nécessairement celles des

    pagi, n'y aurait-il pas là l'indice d'une extension du Rouergue aux dépens de

    l'Auvergne, en tous cas fort ancienne, car ces deux fragments d'outre Truyère et

    d'outre Lot, aussi haut qu'on puisse remonter, appartenaient au diocèse de Rodez,

    et les variations dans les circonscriptions diocésaires sont extrêmement rares dans

    le haut moyen-âge, mais non pas cependant sans exemple.

    L'hypothèse de ces empiétements devient très plausible lorsqu'on observe

    l'état de ces régions tel qu'il est révélé par les chartes des IXe et Xe siècles. Deux

    des comtés qui environnent la Haute Auvergne, le Rouergue et le Limousin

    débordent sur son territoire et y prolongent les circonscriptions de leurs vigueries

    en dehors des limites des diocèses de Rodez et de Limoges. Le Rouergue,

    possédant sur la rive droite du Lot les territoires qui ont formé les communes

    modernes de Saint-Parthem, Saint-Santin et Livinhac-le-Haut, s'avance à cette

    époque sur les paroisses auvergnates limitrophes. Une charte de 936 a trait à des

    donations faites à l'évêché de Rodez sur Montmurat

    1 Voy. n°s Documents, tome I page 703

    2 Cart. de Conques, n° 341

  • XXXVIII ÉTUDE HISTORIQUE

    « in pago Ruthenico, in vicaria Catulense »1; d'autres donations, faites à Conques,

    sur les lieux d'Altabesse (Alta Becia) et de Nantuc (Noatogio), entre 984 et 1004, 2 , montrent qu'à cette époque la paroisse de Saint Constant faisait partie du

    Rouergue et des vigueries Serniacensis ou Dunensis qui, avec celle dénommée

    plus haut Catulensis, devaient former une seule et même circonscription sous trois

    noms différentes.3

    Dans ces parages les vigueries rouergates se rejoignaient à celles du

    Limousin, établies elles aussi sur le territoire de l'Auvergne, envahi à la fois par le

    sud et le nord-ouest.

    Les chartes du cartulaire de Beaulieu montrent, en effet, du IXe au

    1 Cette charte a été publiée par M. G. Desjardins. - Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, Ve série, t.

    4, p. 169 - Le nom est orthographié Monte Miralio; l'attribution à Montmurat orthographié constamment

    Monte Mirato au cartulaire de Conques, est certaine.

    2 Cart. de Conques, n°s 123, 2