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coronavirus et état de Guerre contre la réforme des retraites mouvements : retraites, femmes, miGrants contre la G5 international : italie/rojava/liban mensuel anarchiste-communiste N° 299 avril 2020 3 C o n fi n é s a u jo u r d ’h u i Combatifs dès demain

Combatifs dès demain - WordPress.com · La France vit un moment très difficile. J'ai, bien entendu, ce soir, avant toute chose, ... Chacun a un rôle, et dans ce contexte nos armées

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coronavirus et état de Guerrecontre la réforme des retraites

mouvements : retraites, femmes, miGrants

contre la G5

international : italie/rojava/liban

mensuel anarchiste-communiste N° 299 avril 2020 3€

Confinés

aujourd’hui

Combatifs

dès demain

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ÉDITO PAGE 3

CORONAVIRUS

PAGES 4-6 Etat de guerre et militarisation

PAGES 7 Un exemple d’Italie dont il faudrait s’inspirer

PAGE 7-8 Les conséquences économiques du Covid 19

MUNICIPALES

PAGE 9-10 Leur démocratie, elle aussi bien malade

MOUVEMENTS SOCIAUX

PAGE 11-12 Digressions autour du mouvement sur les retraites

PAGE 13 Pays basque : extinction progressive du mouvement sur les retraites

PAGE 13 Exacerber les tensions entre grévistes et non-grévistes à la SNCF

PAGE 14-15 Lutte des femmes en Soule (Pays basque nord) et à Limoges

PAGE 16-17 Luttes de migrants : Limoges, squat Chabaz d’entrar

PAGE 18-19 Réflexions d’une militante de Chabaz d’entrar

BIG BROTHER PAGES 20-21

SANS FRONTIÈRESPAGES 22-23

VERTEMENT ÉCOLO PAGE 24

SCIENCE ET SOCIÉTÉ

PAGE 25 � 28 Contre la G5... et tous les téléphones portables !

INTERNATIONAL

PAGES 29-31 Rojava, la guerre contre l’expérimentation sociale

PAGES 32-36 Italie, un panorama politique et social

PAGES 37-40 Liban : Un mouvement contrarié par la faillite, les ingérences et le Covid 19

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courant alternatif - n° 299 - avril 2020 3

éditorial

Françaises, Français, mes chers compatriotes.La France vit un moment très difficile.J'ai, bien entendu, ce soir, avant toute chose, une pensée émue

et chaleureuse pour les familles et les proches de nos victimes.Plusieurs centaines de nos compatriotes ont perdu la vie. Vousavez souffert, vous souffrirez encore. En ces heures douloureuses,je pense aux malheureux réfugiés (...) Je leur exprime ma com-passion et ma sollicitude. Je m'associe à la douleur des familles,des proches et veux leur dire que la Nation toute entière est à leurscôtés. Grâce à la dignité des Français devant l'épreuve,(...) laFrance s'est ressaisie.

Sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France ledon de ma personne pour atténuer son malheur. Je ne transigeraisur rien. Celui qui a pris en mains les destinées de la France a ledevoir de créer l'atmosphère la plus favorable à la sauvegarde desintérêts du pays. Le Gouvernement a pris, comme je vous l’avaisannoncé, des dispositions fermes pour freiner la propagation duvirus. Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont respon-sables que devant moi.

Nous sommes en guerre, (…) et cela requiert notre mobilisationgénérale. Lorsqu'on engage une guerre, on s'y engage tout entier,on s'y mobilise dans l'unité. La Nation tout entière est mobilisée.Chacun a un rôle, et dans ce contexte nos armées ont un rôle et jeveux les en remercier.

L'épreuve que nous traversons exige une mobilisation géné-rale sur le plan économique. Je veux, en la matière, que nous nousinspirions de ce que les Allemands ont su par exemple mettre enœuvre. Tous les Français, ouvriers, cultivateurs, fonctionnaires,techniciens, patrons ont d'abord le devoir de travailler, ceux quiméconnaîtraient ce devoir ne mériteraient plus leur qualité de ci-toyen. Toutes les entreprises doivent s'organiser. Dès mardi, enConseil des ministres, sera présenté un projet de loi permettantau gouvernement de répondre à l’urgence et, lorsque nécessaire, delégiférer par ordonnances dans les domaines relevant strictementde la gestion de crise. Je vous demande des sacrifices. Cette col-laboration doit être sincère.

Les conditions auxquelles nous avons dû souscrire sont sé-vères. Évidemment, ce soir, je pose des règles nouvelles, nous po-sons des interdits, il y aura des contrôles. L'autorité est nécessairepour sauvegarder la liberté de l'État. Vous serez bientôt rendus àvos foyers. Votre vie sera dure. Je sais que je vous demande de res-ter chez vous. Dès demain midi et pour 15 jours au moins, nos dé-placements seront très fortement réduits. Ce système ne porteaucune atteinte à la liberté des hommes, il n'est conçu qu'en fonc-tion de l'intérêt national. Il devra, dans les dures épreuves quenous traversons, s'exercer avec une entière rigueur. Toute infrac-tion à ces règles sera sanctionnée. Les armées apporteront aussileur concours.

On ne vient pas à bout d'une crise d'une telle ampleur sansune grande discipline individuelle et collective, sans une unité.

N'espérez pas trop de l'État. Il ne peut donner que ce qu'il reçoit.Comptez, pour le présent, sur vous mêmes et, pour l'avenir, sur vosenfants que vous aurez élevés dans le sentiment du devoir. Je vousdemande d'être responsables tous ensemble et de ne céder à au-cune panique, d'accepter ces contraintes. Je vois dans notre paysles facteurs de division, les doutes, toutes celles et ceux qui vou-draient aujourd'hui fracturer le pays alors que nous ne devonsavoir qu'une obsession : être unis pour combattre le virus. A ceuxqui doutent comme à ceux qui s'obstinent, je rappellerai qu'en seraidissant à l'excès, les plus belles attitudes de réserve et de fiertérisquent de perdre de leur force.

Plus nous agirons en citoyens, plus nous ferons preuve de lamême force d'âme, de la même abnégation patriote que démon-trent aujourd'hui nos personnels soignants, nos sapeurs-pompiers,l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, plus vite nous sorti-rons de cette vie au ralenti. Nous serons plus forts moralement.C'est à un redressement intellectuel et moral que, d'abord, je vousconvie. Français, vous l'accomplirez et vous verrez, je vous le jure,une France neuve sortir de votre ferveur.

La Nation française est un bloc et parce que dans cette guerrenous devons faire bloc, être unis, fiers et reconnaissants pour lerôle de chacun et tenir l'unité et le courage nous permettront devaincre. Que tous les Français se groupent autour du gouverne-ment que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taireleur angoisse pour n'écouter que leur foi dans le destin de la Pa-trie.

Je compte sur vous toutes et tous pour faire Nation au fond.Pour réveiller ce qu'il y a de meilleur en nous, pour révéler cetteâme généreuse qui, par le passé, a permis à la France d'affronterles plus dures épreuves. Bientôt, je vous demanderai de vous grou-per pour qu'ensemble réunis autour de moi, vous meniez cette ré-volution jusqu'à son terme, en faisant régner, dans la Francenouvelle, la véritable fraternité nationale.

Vous l'aurez compris, vous le pressentiez, cette crise sanitairesans précédent aura des conséquences humaines, sociales et éco-nomiques majeures. C'est vers l'avenir que désormais nous de-vons tourner nos efforts. Un ordre nouveau commence. Nousavons à restaurer la France. Cette reconstruction, c'est avec vousque je veux la faire. Le régime nouveau sera une hiérarchie so-ciale. Il ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle deshommes, mais sur l'idée nécessaire de l'égalité des « chances »données à tous les Français de prouver leur aptitude à « servir ».

Telle est, aujourd'hui, Français, la tâche à laquelle je vousconvie. Je sais mes chers compatriotes pouvoir compter sur vous.

Vive la République, vive la France !

Extraits entremêlés des discours d’E. MACRON des 12, 16 et 25mars 2020 et de ceux de PH. PÉTAIN

des 17 et 25 juin, 11 et 30 octobre 1940.

Contre cette mobilisation-là...

...Même confinés, continuons à lutter

Cette crise sanitaire, qu'on nous pré-sente comme une guerre, a suspendupour un temps les grèves et les mani-

festations qui résistaient au régime capita-liste ultralibéral qu'on veut nous imposer.Aujourd'hui, même si nous nous plions auxrègles imposées, la défiance envers ceux quinous gouvernent reste majoritaire dans l'opi-nion. Les discours gouvernementaux de re-connaissance de l'utilité sociale de certainescatégories professionnelles et les appels àchanger provisoirement certaines règles éco-

nomiques ne doivent pas faire illusion. Unefois la crise passée, leur politique sera tou-jours orientée dans le même sens et on de-mandera certainement aux travailleurs desefforts supplémentaires pour la relance del'économie.

Même si l'information dominante se fo-calise sur les problèmes sanitaires et la ges-tion du confinement, elle ne peut évitercomplètement d'évoquer certaines contra-dictions (sur l'économie de la santé en parti-culier) ou certaines luttes (prisonniers).

Organisons des solidarités concrètes.Continuons donc à télé-lutter comme nousle faisons actuellement en publiant et échan-geant des informations, des réflexions, desvidéos, des chansons... Nous n'en serons queplus forts demain pour nous retrouver dansles rues, que ce soit en France ou dans denombreux autres pays, pour mettre à bascette société inégalitaire et mortifère.

Limoges, le 28 mars 2020

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coronavirus

courant alternatif - n° 299 - avril 20204

Le retour de Jupiter

Était-ce le décès d'un pre-mier patient ou la propagationdu virus affectant un plusgrand nombre de personnesdans l'Oise ou à Mulhouse, quia conduit le pouvoir à changersa communication puis sastratégie sur le sujet ? Tou-jours est-il que ce n'était plusle ministre de la Santé mais leprésident lui- même qui mè-nerait les opérations contre lecoronavirus ou « covid 19 ». Leprésident revient ainsi au pre-mier plan de la scène poli-tique. Il enterre le cafouillagede février quand sa majoritéet la ministre du travail n'ontpas su faire preuve « d’huma-nité ». Au parlement ilsavaient refusé d'instaurer uncongé de deuil de douze jourspour les parents, en cas dedécès de leur enfant mineur.Congé qui sera aussitôt re-voté tant la bourde étaitgrande. Le Président installé àla barre, tourne (provisoire-ment) la page de sa réformedes retraites. Il reprend la si-tuation en main « médiati-

quement » et met momen- ta-nément un terme à cette crisepolitico-sociale qui s'enkys-tait. Elle n'avait que trop duré,d'abord dans la rue avecnombre de manifestationspuis à l’assemblée où l'oppo-sition prenait le relais. Il ba-layait le coup du 49.3 enarrêtant le cirque parlemen-taire entretenu sciemmententre la majorité et les oppo-sitions. Le gouvernement as-sume son 49.3, l'oppositiondénonce l'acte anti-démocra-tique et, soulagé, chacun pou-vait enfin se consacrer à lacampagne des municipales.

Macron « Général »

Campé dans son nouveaurôle de chef suprême, E. Ma-cron convoquait aussitôt le 29février, « un conseil de dé-fense » suivi de la présenta-tion d'un nouveau plan delutte contre le virus. Toujourspas de pandémie déclarée parl'OMS (1) et donc, toujours pasd'épidémie dans l’hexagone.Quelques cas isolés et un« cluster » à Mulhouse ou dansl'Oise mais rien d'alarmant,

les « foyers » étaient aussitôtcirconscris, nous rassurait-t-on. Les médias sont au taquet.Les intervenants profession-nels courent les plateaux etles premières mesures de pré-vention sont ressassées à tousles bulletins d'informationpour appuyer que tout va bienet que notre système de Santéest prêt. L'accent est misaprès la Chine sur les autrespays et surtout l'Italie où lenombre de cas détectés estdétaillé ainsi que le nombrede morts précisé quotidienne-ment.

« Je peux me tromper maisce virus est bénin. Si au lieu dese focaliser sur les morts onregarde les guérisons, le ta-bleau est tout autre: 98% despersonnes touchées en ré-chappent ».(2) : F. Bricaire. Eneffet il n'y a rien de surpre-nant que la courbe des per-sonnes infectées à ce jouraugmente quand le virus sepropage dans sa phase ascen-dante. Étonnant pilonnagemédiatique au nom du « droitd'informer » sur les morts etcas infectés alors que lesautres années c'est dans une« discrétion » tout aussi mé-diatique que l'épidémie degrippe fauche entre 8 000 et10 000 vies. Derrière l'hypo-crite devoir d'informer onnous prépare chacun et cha-cune à nous soumettre indivi-duellement pour accepter lesprochaines mesures dras-tiques que nous imposera legouvernement. Au nom de la« sécurité pour tous ettoutes », la bourgeoisie testenotre docilité individuelle àaccepter et supporter ses me-sures sanitaires et anti-so-ciales à venir. L'épidémie estune réalité et nous devonsnous protéger, prendre desprécautions. Mais son instru-mentalisation cache l'essouf-flement du systèmecapitaliste. Dans ce cas, labourgeoisie s'arme pluscontre les révoltes prolétairesque contre la propagation duvirus. Le précédent gouverne-ment « socialiste » n'a t-il pas

agi de la sorte au nom de lalutte anti-terroriste pour im-poser ses lois liberticides ?

Macrongagne du temps

« Cette fois nous ne nouslaisserons pas surprendre oudéborder, la France est prête »nous rassure t-on de Mati-gnon ou du ministère de laSanté. Mais prête à quoi etcomment alors que les hospi-taliers et les mouvementsInter-Urgences, Inter Hôpitalne cessent de dénoncer pourleur quotidien le manque demoyens, le manque de per-sonnels, le manque de lits... ?Une situation catastrophiquedue à la politique d'austéritémenée par A. Buzyn, l'ex mi-nistre de la Santé. Ainsi, àParis, le ministre de la SantéO. Véran annonçait un stockde 15 millions de masquesdisponibles, pourtant, dansl'Oise, les médecins libérauxont dû menacer de fermerleurs cabinets pour en rece-voir, alors que le virus se ré-pandait...

L'arrivée de cette nouvelleépidémie, aux effets malconnus, illustre une fois en-core le mépris des gouver-nants envers la population.Des gouvernants : certes« élus » mais mis en place parles lobbys capitalistes pourmieux servir les intérêts deleurs maîtres et notammentceux des trusts pharmaceu-tiques. Si l'Hôpital répondtant bien que mal aux exi-gences d'un besoin de Santédes populations, s'il répondtant bien que mal au quoti-dien « habituel », c'est parl'engagement de ceux et cellesqui le portent : les personnels.Il va de soi que dans l'état ac-tuel du service de Santé pu-blic, la charge qu'imputel'arrivée du coronavirus nepourra se faire qu'au détri-ment des populations les plusprécaires, les plus éloignéesd'un besoin de soins. Cetteépidémie ne frappera pas dela même façon la classe aisée,

ÉTAT DE GUERREET MILITARISATION

Le 26 février, Olivier Véran, le nouveau ministre de la Santé,déclarait sans complexe : « il n'y a pas d'épidémie en France,nous faisons face à des cas de patients isolés ». Pourtant le len-demain matin lors d'une visite « surprise » pour les personnelsde l'hôpital Pitié Salpêtrière à Paris, son patron le Président Ma-cron déclarait : « On a devant nous une crise, une épidémie quiarrive. Cela suppose de s'organiser et de l'affronter au mieux ».

1/ L'OMS ne dé-clarera la pandé-mie que le11mars 20202/ F. Bricaireprofesseur et in-fectiologue .. ;voir BFM TV etautres ...

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et ceux qui comptent leurssous pour se faire soigner. Demême à l'hôpital, le manquede moyens, de personnels etde lits se traduira par ledéshabillage de services pourrenforcer ceux qui sont auxavants postes contre l'épidé-mie.

On mesure encore plusaujourd'hui, le mépris et l'ar-rogance des technocrates« comptables » contre les per-sonnels, les travailleurs et lapopulation en général. Là oùles personnels en lutte an-nonçaient la catastrophe àvenir, gouvernements, mi-nistres et consort, dans undéni de réalité ne voyaientque « problèmes d'organisa-tion » et économies. Les pro-fits capitalistes passaientavant la santé et le bien- êtrede la population. E. Macronpeut essayer de trouver desboucs émissaires dans l'héri-tage de cette situation, son ir-responsabilité à continuer lapolitique d'austérité de sesprédécesseurs n'a fait quel'aggraver encore plus.

Le seul plan qu'a pu pré-senter à ce jour le gouverne-ment en panique était degagner du temps, et par sonshow télévisé, illusionner lesfrançais sur sa capacité à agircontre la propagation duvirus.

Macron passe à la télé

Jeudi 12 mars, 20 heures,l'heure se veut grave. Dansl'adresse à la nation le prési-dent se veut solennel. « Ceque révèle cette pandémie,c'est que la Santé gratuitesans condition de revenu, deparcours ou de profession,notre état providence, ne sontpas un coût ou des chargesmais des biens précieux, desatouts indispensables.. /.. ilest des biens et des servicesqui doivent être placés en de-hors des lois du marché... ».Mais alors qu'a fait sa mi-nistre de la Santé A. Buzyndurant les deux années deson quinquennat ? Dans unarticle du 17 octobre dernier,Le Parisien révélait : « Sur les3036 établissements de soinsrecensés, 17 500 lits ont étéfermés en six ans. Entre 2017et 2018, 4 172 lits ont encoredisparu. Par contre, les cli-niques « lucratives » ont créé

en cinq ans 2 953 lits de jour,soit 3 fois plus que le servicepublic... ». Dans son allocu-tion, le président interroge« le modèle de développe-ment dans lequel s'est en-gagé notre monde... » Maisalors, pourquoi, son ministrede l'intérieur a-t-il répriméavec fermeté et extrême vio-lence le mouvement des Gi-lets Jaunes qui nedemandaient que plus de jus-tice sociale et de démocratie ?Pourquoi a-t-il engagé lacasse de l'assurance chômageet celle des retraites qui ne fe-ront que précariser encoreplus les plus démunis ? In-croyable « révélation »,« conversion » de sa part encette veille électorale des mu-nicipales alors que, durantses deux années de prési-dence, notre ex-banquier-président a fait des milliardsde cadeaux fiscaux au patro-nat et à ses riches amis.OXFAM (3) affirme que lesmilliardaires français ne sesont « jamais aussi bien por-tés ». L'hexagone compte 4fois plus de milliardairesqu'après la crise de 2008. Leurfortune a connu une haussede 34% depuis la fin 2018, soit69 milliards d'euros. LaFrance compte 41 milliar-daires et 9,8 millions depauvres. Et, l'ONG de citerl'exemple du PDG de Sa-nofi (4) qui a gagné plus de343 fois le salaire moyend'une aide soignante chargéed'administrer les produits desa marque à des patients.

Voilà la réalité de l'hypo-crisie macronienne, de la dé-magogie politicienne, quimasque à peine l'ambition del'ex banquier de se représen-ter à la présidentielle de 2022.Quel cynisme, alors que lespersonnels hospitaliers, mé-decins et même chefs de ser-vices n'ont eu de cesse de lemettre en garde contre sa po-litique de casse du service pu-blic de Santé !

Est-il pour autant pire qued'autres politiciens ? Rappe-lons-nous : son prédécesseurà l’Élysée, F. Hollande, avait luiaussi solennellement dé-claré : « Mon adversaire, c'estle monde de la finance ! ».Nous avons pu voir, au coursde son quinquennat, avecquelles vigueur et pugnacité ill'a combattu et avec quellehargne sa ministre de « laSanté et des solidarités », Ma-risol Touraine, s'est acharnéecontre l'hôpital public.

C'est avec la même gravitéque le président répondra auRassemblement National etautres xénophobes qui de-mandent la fermeture desfrontières. Le Président meten garde contre le « repli na-tionaliste ». Coordonner, co-opérer, unir nos forces...« c'est essentiel et j'y veille-rais » martèle-t-il. Mensongeou vœu pieux. Dans ce do-maine politique, le virus metà nu la fameuse solidarité eu-ropéenne. C'est l'égoïsme na-tional qui a d'emblée prévalu.La France de Macron a réqui-sitionné tous ses stocks mé-dicaux en urgence (et quis’avéreront insuffisants) tan-dis qu'A. Merkel, en Alle-magne, bloquait et interdisaitles exportations de fourni-tures médicales alors quel'Italie devenait l'épicentre dela maladie. Comme lors del'acceptation des migrantshier, les frontières nationalessont aussitôt réapparues etrefermées. Via l'épidémie,l'Italie a subi la même sortede rejet et d'abandon que laGrèce voici une décennieconcernant sa dette. Et si leprésident évoque la ferme-ture des frontières exté-rieures de l’Europe, c'est pourfaire oublier que les bourgeoi-sies de chaque pays ont déjàérigé les leurs en espérantainsi limiter les dégâts écono-miques de leur Capital natio-nal propre.

Dans son allocution, nerestait plus au Président qu'àse présenter en rassembleurdes français et des françaisesdans une union nationaledéjà acceptée par tous leschefs de partis et leaders syn-dicaux. Tel J Luc Mélenchon :« L'heure n'est pas à la polé-mique mais à la solidarité, àla cohésion », ou L.Berger dela CFDT : « C'est un momentoù il va falloir faire un peuconfiance. Pour l'instant c'estbien géré, c'est bien géré parle ministre de la santé... » Aumoment où les bourses dé-gringolent comme jamais,que l'économie en surchauffetourne au ralenti, il est debonne guerre (de classe) quela bourgeoisie resserre lesrangs, oublie ses querelles etfasse bloc contre la colère etles révoltes ouvrières.

Face à l'épidémie qui sepropage, c'est le samedi deveille électorale que le gou-vernement décide d'appli-quer le plan de préventioncontre le virus dit « de stade3 ». 5 424 cas recensés et 124décès sont confirmés à cejour. La communication dugouvernement se veut alar-miste. Il nous dit craindre unscénario à l'italienne. Nousrassure : nous ne sommes pasdans la même situation.D'ailleurs, après un conseil de« défense », le pouvoir s'en-toure d'un conseil « scienti-fique », qui n’existe quedepuis le 11 mars. C'est plussérieux en matière de Santépublique pour prendre desmesures de confinement etautres précautions qui freine-raient la propagation duvirus. Mais quel crédit accor-der à des scientifiques quiparcourent les arcanes dupouvoir ? Et qu'en est-il deleur avis à maintenir les élec-tions ? Pourquoi, alors, cettecacophonie ministériellequand, le matin, le ministrede l'éducation nationale nous

coronavirus

3/ Oxfam ; Orga-nisation Non

Gouvernementale.Voir son rapport2020 sur les in-

égalités 4/ Sanofi : trustpharmaceutiquefrançais. 3° rang

mondial...

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coronavirus

courant alternatif - n° 299 - avril 20206

explique à la radio uneconduite à tenir et que, le soir,son président s'adressant à lanation le contredit ? Le matin,le ministre ne circonscrit queles lieux scolaires infectés et lesoir, à la télé, son patron fermecrèches lycées et universités.Et, pour masquer ces incohé-rences du pouvoir sur les me-sures à suivre, E. Philippe et E.Macron fustigent les français« irresponsables » pour le nonrespect des consignes et pourleur « indiscipline » à suivre lesrègles fixées par le conseilscientifique qui murmure àl'oreille du président, nous dit-on.

Macron s'en va en guerre

Lundi 16 mars, 20H 00,l'heure est grave. Le président,nous informe que nous en-trons en guerre contre un en-nemi invisible : le Covid-19.Décision grave s'il en est, maisprise après avis du « conseilscientifique ». Pour plus de sé-rieux et crédibilité, le présidentle répétera 6 fois. Ben oui !n'est pas De Gaulle qui veut.Ainsi après nous avoirconseillé de continuer « àvivre », aller au théâtre, déam-buler sur les Champs-Élyséeavec bain de foule, et avoir in-cité à aller voter, voilà notrechef de guerre fustigeant l'ir-responsabilité de la populationqui fréquente bars, restau-rants, parcs et, pour les pari-siens, les quais de la Seine. Enfait, notre chef de guerre na-vigue toujours à vue maisabrité derrière le conseil scien-

tifique. Nous sommes enguerre ! Mais les mesures qu'ilannonce restent floues. Nousaurions compris une aide mas-sive : pour le système de Santé,pour les personnels des hôpi-taux qu'il ne cesse d’honorer,pour des EHPAD, pour desaides à domicile et autres sala-rié.es sans protection. La ré-quisition d'entreprises pourvenir en aide aux besoins né-cessaires pour lutter efficace-ment contre le virus etc... Or, iln'en est rien sinon l'annonced'un hôpital de campagne duservice de Santé des arméesdéployé en Alsace et un« confinement » dont il neparle pas. Il laissera ce soin àson ministre de l'intérieur. Puisquitte à limiter nos déplace-ments pour conjurer la propa-gation du virus, pourquoi nepas avoir arrêté les entreprises(foyers d'infections) d'inutilitépublique ? Une telle décisioncontrariait-elle le patronat et lecapital français ? Ce que pré-cise, au journal Le Parisien, B.Retailleau (L.R) : « ...il faut pré-server notre appareil de pro-duction car si aujourd'hui desentreprises font faillite, nousallons perdre des compé-tences ; l’État payera car il fautcoûte que coûte préservernotre tissu économique ». Etl'État « version macron » c'estune garantie de 300 milliardsd'euros de prêts bancaires etautres exonérations à venir.Pendant que le gouvernementsalue le dévouement et le ci-visme des personnels de laSanté, ce qui ne lui coûte pasgrand chose, il octroie sans re-chigner des milliards d'eurosdont on ignorait l’existence.Les gouvernements successifsne martelaient-ils pas tous queles caisses de l’État étaientvides ! Quand à Renault, Peu-geot... qui ferment, ce n'estpoint par civisme mais parceque les commandes de véhi-cule chutent, que les ventesbaissent ou que leurs salariéssont affectés par le virus. Deplus ces entreprises ont l’assu-rance que l’État, une fois en-core, prendra en charge lesdépenses occasionnées par« l'épidémie ». Pour les tra-vailleurs mis sur la touche, 84% de leur salaire est promis.Soit une perte de 16%. Quandaux les précaires ou autres,qu'ils, elles, s'estiment heu-reux d'avoir survécu au« covid-19. Et pour tous lescontrevenants aux règles duconfinement : la répression par

des amendes. A défaut d'avoirprévu, le gouvernement im-pose par la menace et réprime.Et si nombre de personnes ontpu s'évader des villes pour seconfiner à la campagne en fa-mille ou chez des amis, qu'enest-il des prolétaires qui n'ontque leur appartement souventexigu voir insalubre dans le-quel ils s'entassent, vu le prixdes loyers ? Qu'en est-il pources personnes logées en foyers,en hôtels ou restées à la rue ouen squats ? Qu'en sera t-il dansles prisons ? Qu'en est-il desfamilles qui ne disposent pasd'outils numériques...? Ladouble peine. A la misère quo-tidienne vient s'ajouter l'enfer-mement au nom de la luttecontre le covid-19. Il est vraique la bourgeoisie a autrechose à faire que de se préoc-cuper de ces prolétaires.

Macron et la bourgeoisie :

l'union

Le président fait le choixderrière la lutte contre le virusde défendre sa classe. Cettebourgeoisie parasitaire quis'accapare les richesses pro-duites par les travailleurs et lesprolétaires.

Suite aux dernières ré-voltes sociales et devant lesdifficultés des « partenaires »sociaux à encadrer les prolé-taires exaspérés, la bourgeoisiederrière le président, dans uneunion de circonstance, accen-tue, par un « confinement » demasse, la militarisation de lasociété. Bien sûr épidémieoblige, des mesures sanitairessont prises, mais pour se pro-téger eux mêmes d'abord. Puisil faut bien préserver un mini-mum les forces productives.

De tout temps, l'objectifprioritaire des bourgeoisies, enFrance ou dans les autres pays,n'a jamais été la Santé, le bien-être des peuples. Jamais les dé-couvertes et les progrès dessciences n'ont été au servicedes travailleurs ou des popula-tions. Quand elles les parta-geaient, les divulguaient, ellesne servaient que leurs intérêtspropres et dans l'unique but de« domination, exploitation etprofits ». Le « bien-être », cesont les travailleurs qui l'ontarraché au cours de luttes par-fois sanglantes payées au prixfort.

L'objectif prioritaire du ca-pital n'est pas la défense de laSanté publique mais la défensede son ordre économique encrise profonde aujourd'hui ettélescopé par un virus. Ce grainde sable qui vient enrayer lamachine. C'est pour se préser-ver des soubresauts d'un pro-létariat qui reprend confianceen lui par ses luttes auto-nomes, en dehors ou contre lespoliticiens et les bureaucrates,que sont décrétés dans tous lespays l'enfermement, la milita-risation « sanitaire ». Au nomde « notre » sécurité sanitaire,pourront être tracées deszones rouges de confinementoù seules les forces de policeset l'armée auront le droit decirculer, contrôler et veiller à ceque personne n'en échappe.Sous prétexte d'épidémie (quiest une réalité), la bourgeoisiefrançaise prend le pas derrièrel'Italie pour tester ce qua-drillage national. Dans ce sensl'Italie, « pays démocratique »,a ouvert la voie par le coupd'état sanitaire opéré par legouvernement. Quant à laChine bureaucratique, elle ins-pire déjà par ses méthodes glo-bales de surveillanceélectronique.

Ici ou là, à « Web help » (5) àCaen, ou à la poste, ou chezAmazon, des travailleurs s'in-dignent, refusent et revendi-quent contre les patrons qui neprennent aucune mesure pourgarantir leur sécurité face à lapropagation de l'épidémie.C'est cet ennemi intérieur queveut museler la bourgeoisiepar son confinement sanitaire.

Toutefois pour compléterune réelle union sacrée autourdu capital national et affronterses adversaires économiquesdans la guerre qui se dérouleentre blocs impérialistes, lagrande bourgeoisie doit ras-sembler derrière elle la petitebourgeoisie, qu'elle a précari-sée ainsi qu'une fraction duprolétariat. Or, pour élargir (etenrôler dans) cette union na-tionale, le président et songouvernement doivent dé-montrer leur capacité à jugulerl'épidémie et protéger tantbien que mal la population.

Aujourd'hui le calmesemble régner mais nul nepeut prédire pour combien detemps...

MZ Caen 18 03 2020

5/ Webhelp :Un centred'appel em-ployant unequarantainede personne.

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coronavirus

7courant alternatif - n° 299 - avril 2020

Evidemment, le côtééconomique ne devraitpas être ce qui nous inté-resse le plus dans cette af-faire. Evidemment aussi,cet article est daté et pé-rissable. Les consé-quences ne seront pas lesmêmes suivant la durée,l'intensité et l'étenduegéographique du confine-ment. Parce qu'il n'y apas besoin d'avoir faitd'études pour se douterque quand l'économie està l'arrêt, ça n'est pas ter-rible pour la croissance…

Au début, on a juste parlédes répercussions écono-miques de la mise à l'arrêt dela région de Wuhan. Certes, lamondialisation est avancée,mais de là à ce que la produc-tion d'une seule région bloquetout.... Le problème, c'est quepour savoir vraiment les ré-percussions, il faudrait desétudes relativement com-plètes des imbrications inter-

nationales des processus deproduction, ce qui à maconnaissance n'existe pas. Etdu coup, il est difficile de fairela part entre les déclarationsalarmistes, les outils de guerrecommerciale, les opportunitésde profit supplémentaire oud'aides, et la réalité. Bon, aumoment où j'écris ces lignes,d'après la télé, le confinementconcerne un milliard de per-sonnes. Là, forcément, ça vaentraîner une récession. Degrande ampleur le temps queça dure bien sûr. Ensuite ? Jene sais pas. Il peut y avoir unereprise foudroyante de la pro-duction.

Puis les bourses ont dé-vissé. Le contraire aurait étésurprenant. Tout le monde(enfin tous ceux qui savent)sait qu'on est à la veille d'unecrise financière, on ne saitjuste pas quand elle éclatera.Et tout le monde sait (enfin,les mêmes) qu'après avoirclaironné qu'on allait voir cequ'on allait voir, les gouverne-ments n'ont rien règlementéni sanctionné, ils ont justedonné de l'argent aux sociétésfinancières. Donc, si ça reé-

clate, ça sera reparti comme lafois précédente, mais plutôten pire. Sur ce fond d'inquié-tude là, n'importe quelle nou-velle est susceptible de fairepartir la spéculation à labaisse. La preuve, un des mo-tifs était la baisse du coût dupétrole. Normalement, c'estune bonne nouvelle pour l'in-dustrie !

Une chose est par contrenettement plus surprenante.Nous n'avons pas assez demasques, de gel désinfectantet de tests de dépistage. La7ème puissance mondiale in-capable de produire ceschoses simples en grandequantité ? Les bras m'en tom-bent. Macron a annoncé qu'onétait en guerre. Sauf qu'en casde guerre, les entreprises sontimmédiatement réquisition-nées pour produire de l'arme-ment, des uniformes et duravitaillement. Donc, de deuxchoses l'une. Ou la guerre estune guerre contre le peuple etabsolument pas contre levirus, ou on n'a plus qu'à sup-plier la Corée (11ème puis-sance mondiale), qui elle a sudépister massivement sa po-

pulation, de bien vouloir nousaccepter comme colonie... Plu-sieurs medias ont dénoncé lescandale de la suppressiondes stocks de masques, etc.Mais tout ça n'explique pasqu'on n'aie pas été capablesde lancer cette production im-médiatement. Et trouver denouveaux fournisseurs dematières premières ou pro-duits intermédiaires, quandça rapporte, les entreprises yarrivent très bien.

Et là, je m'éloigne de l'éco-nomie, mais on a quandmême un peu le sentimentd'un gouvernement d'inca-pables qui se rattrape sur lagestion policière pour mas-quer son incapacité. Parce quedans le genre demi mesures...Oui,la Chine a arrêté l'épidé-mie grâce au confinement.Mais en France, il n'y a pas deconfinement, puisque les sa-lariés doivent travailler et quele droit de retrait est une véri-table bagarre. La Chine a toutarrêté sauf ce qui était absolu-ment nécessaire. Confiner lapopulation et poursuivrel'économie, sans protectiondes salariés bien sûr, c'est ag-

Une fois n’est pas coutume, nousmettons un appel venu d’unautre pays dans les premières

pages de Courant Alternatif. Il noussemble important, alors qu’en Franceaussi (presque) tous les droits sont sus-pendus, en particulier au niveau du tra-vail, qu’il y ait des réactions.Malheureusement, nous sommes loind’avoir un mouvement capable de por-ter un tel appel.

L’appel de 400 travailleurs de la santé : noussommes malades par milliers, nous ne pouvonsfaire grève, le 25 mars fais-la toi #faisgrèvepour-moi

400 infirmiers de toute l’Italie ont lancé unappel à participer à la grève générale nationale dé-cidée par l’Union syndicale de base le 25 marspour obliger le gouvernement à fermer les usineset bureaux ne concernant pas des services essen-tiels.

Les infirmiers, qui participeront symbolique-ment par une minute de grève, écrivent dans cetappel : « Nous, travailleuses et travailleurs de lasanté, avons été livrés à nous-mêmes en premièreligne pour combattre le danger sanitaire. En l’ab-sence de tout dispositif de sécurité adéquat et nepouvant passer de test sans présenter des symp-tômes de contagion, nous sommes tombés ma-lades par milliers, et en train de devenirparadoxalement nous-mêmes une source decontagion.

» Tous les droits ont été suspendus, poursuitl’appel : jours de repos, fériés, vacances, grève.Nous sommes des héros ou des anges quand noussubissons en silence, mais menacés de mesuresde rétorsion et de licenciement si nous essayonsde lever la tête ou de quitter la ligne de feu.

» Le covid-19 met en lumière le démantèle-ment du service sanitaire national, continuent lesinfirmiers, et l’évidente incapacité à gérer la santépublique montrée par les politiques, qui depuisdes années ont fait passer le profit de quelques-uns avant la santé de tous. » Ce n’est pas un ha-sard si, même devant le danger actuel, la réponsepour alléger les services épuisants dus à la ca-rence en personnel est de faire appel aux em-

ployés précaires et aux retraités plutôt que d’em-baucher les personnes admises aux examens déjàpassés.

Les infirmiers soulignent l’importance de l’ar-rêt de toutes les activités productives non essen-tielles, qui est la raison de cette proclamation dela grève générale, afin que des millions de tra-vailleurs ne soient plus contraints de s’agglutinerdans les moyens de transport pour assurer lamarche des entreprises, journaux, supermarchés,bureaux, sans que soient respectées les plus élé-mentaires règles de sécurité, et en favorisant ainsila diffusion de l’épidémie.

« La grève, c’est maintenant !, conclut l’ap-pel. La santé et la sécurité avant tout ! Si notrepropre grève sera symbolique – une minute à tourde rôle pour le personnel en service entre 13 h 30et 14 h 30 –, nous vous demandons de faire grève.De la faire très nombreux, de la faire pour nousaussi. Nous ne voulons être ni des anges ni deshéros, nous sommes des travailleurs de lasanté. »

#faisgrèvepourmoi #moijenepeuxpaslafaire Mis sur le site de l’Union syndicale de base

(USB) le 22 mars 2020

Un exemple d’Italie dont il faudrait s’inspirer

LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUESDU COVID-19 ?

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coronavirus

courant alternatif - n° 299 - avril 20208

graver l'épidémie. Doncon va y rester un mo-ment, confiné(e)s. Et il ya beaucoup d'ouvrier(e)set d'employé(e)s qui vonttomber malades. De cepoint de vue, la polé-mique entre la fédéra-tion patronale dubâtiment et le gouverne-ment est proprementahurissante.

Et quand on regardeles mesures « sani-taires »... Je passe sur lasuppression des congéspayés sûrement déjàanalysée ailleurs dans lejournal, la situation dansles camps et les prisons,l'absence de mesures enfaveur des sdf, des mallogés, la situation desprécaires... Comme tou-jours, ce sont toujoursles mêmes qui trinquent.

Mais bonjour le coup demain au grand capital.Les marchés en plein air,c'est dangereux, mais leshypermarchés confinés,là, l'atmosphère estsaine... Fermer tous lescommerces non alimen-taires sauf les hypermar-chés revient à leurattribuer toute la clien-tèle des objets néces-saires au quotidien maisnon alimentaires. Visi-blement, plusieurs PMEsont sur le pied de guerrepour répondre aux com-mandes de masques etde tout ce qui est vital etqu'elles peuvent fabri-quer. Mais l'état ne vapas s'abaisser à faire descommandes aux petitesboîtes... Plutôt laissermourir le personnel soi-gnant.

Bref, économique-ment, tout ça ne m'appa-raît pas très cohérent. Etje sais bien que notregouvernement est un fi-dèle serviteur de la bour-geoisie, mais larationalité ne me sautepas aux yeux, sauf si onmobilise les outils de lasociologie sur les aveu-glements de l'élite. Peut-être y verra-t-on plusclair un peu plus tard...

Mais que les pré-caires se consolent dufond de leur galère qui vaen s'empirant, le bilancarbone de la planète esten train de sacréments'améliorer...

Sylvie, le 24 mars 2020

Courant alternatifn’est pas diffusé en kiosques

L’abonnement est vital pour qu’il continue de paraître

10 numéros + les hors-séries : 30 euros

En ces temps de confinement, la réalisation de ce numéro 299 de Courant Al-ternatif nous a occasionné quelques soucis. Pas au niveau de la commission jour-nal qui a eu lieu avant le confinement, ni au niveau de la rédaction puisque notredispersion nous a fait expérimenter le télétravail depuis longtemps. D'ailleurs lacommission journal pour préparer le numéro de mai qui devait se tenir à Boulogne-sur-Mer a pris la forme d'une audio conférence qui servira de base à nos camaradesdu Nord pour la réalisation de ce numéro 300. Le confinement ne doit pas nousamener subrepticement vers la centralisation !

En revanche, ce numéro 299 ne sera pas dans les librairies ni diffusé de ma-nière militante. Nous ne savons même pas, au moment où nous terminons sa réa-lisation, si il pourra être diffusé en version papier aux abonnés : pénurie de papierchez notre imprimeur, incertitudes sur la prise en charge et la diffusion par LaPoste. Dans ce cas les abonnés verront leur abonnement prolongé d'autant.

Il sera en tout cas publié sur notre site Internet intégralement eten couleurs ! La maquette en PDF et chaque article en lecture directe.

Toutes ces difficultés ont un coût et pour repartir de plus belle, n'attendez pasla fin du confinement, abonnez-vous, réabonnez-vous, c'est possible en ligne surle site de l'OCL : http://www.oclibertaire.lautre.net/

Courant alternatifintégralement (et gratuitement) en ligne :

http://www.oclibertaire.lautre.net/

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municipales

9courant alternatif - n° 299 - avril 2020

QUELQUES DONNÉES CHIFFRÉES

Début 2019, la France comptait 34.966communes soit environ 1.800 de moinsque lors du précédent scrutin municipalen 2014 (-5%), en raison des fusions decommunes encouragées par les pouvoirspublics. Sur ce total, plus de 30.000 comp-tent moins de 3.500 habitants. Un seuilqui désigne habituellement les «com-munes rurales», même si une faible pro-portion d’entre elles peuvent être situéesen milieu urbain. 42 communes fran-çaises ont plus de 100.000 habitants.

En mars 2020, il y avait 500 000conseillers municipaux à élire. Il était de520 000 voici 6 ans. Leur nombre varieégalement en fonction de l’importancede la commune : de 7 conseillers pourcelles de moins de 100 habitants à 69pour celles de plus de 300.000.

Selon les chiffres communiqués lundi2 mars par le ministère de l’intérieur, lenombre de candidats au premier tours’élevait à 902 465. Ils étaient 926 068en 2014 à se présenter sur la ligne de dé-part mais cette légère baisse de 2,5 % estd’abord imputable à la diminution dunombre de communes.

Sans que beaucoup de « citoyens » necomprennent les enjeux, les électeurs éli-ront en même temps quelque 67.000conseillers intercommunaux avec un sys-tème de scrutin dit «fléché» pour gérer les1.259 communautés de communes, d’ag-glomérations, métropoles et intercom-munalités que compte le pays.

L’INTERCOMMUNALITÉ

Depuis 2014, avec la mise en place del’élection au suffrage direct dit « fléché »dans les communes de 1 000 habitants etplus, plus de 4 électeurs sur cinq sontconduits à désigner leurs représentantsau sein des conseils intercommunaux oumétropolitains. Les bulletins de vote pré-sentent à cet effet une double liste quisont quasiment toujours les mêmes. Pourles communes de moins de 1 000 habi-tants, le bulletin de vote ne comporte quela liste des candidats aux municipales,les élus intercommunaux étant désignésau sein des conseils municipaux. Chaquecommune dispose au moins d’un siège etaucune ne peut disposer de plus de lamoitié des sièges du conseil intercom-munal.

A noter, que comme pour le nombrede communes, le nombre d’établisse-ments publics de coopération intercom-munale (EPCI) a baissé très fortement :900 depuis 2014, quant au nombre d’élusintercommunaux, il a baissé de 17%.

Le champ d’intervention des inter-communales s’est fortement étendu de-puis leur création. Le développementéconomique et l’aménagement de l’es-pace relèvent de leurs compétences obli-gatoires. Elles exercent aussi leurscompétences dans la gestion de l’envi-ronnement dont le traitement des dé-chets, le logement, les transports locaux,le suivi de l’action sociale, le tourisme oula voirie. Ces intercommunales prennentaussi en charge de plus en plus la gestiondes grandes infrastructures culturelles etsportives (salles de spectacle, stades, pis-cines, patinoires, …).

Que reste-t-il aux conseils munici-paux ? Ce cadre normatif ne favorise pasles démarches de démocratie dite parti-cipative car ce sont des zones de pouvoirvidées démocratiquement, même dans lecadre de leur démocratie représentative.

LE 1ER TOUR DU 15 MARS 2020

Ce 15 mars, à 0 heure, tous les restau-rants, bars, tous les lieux de vie culturelle,sociale, associative étaient fermésquelques heures avant l’ouverture detous les bureaux de vote bien équipés engel hydroalcoolique ! Le vote était doncau-dessus des conditions de sécurité quel’Etat allait imposer aux habitants dès lesbureaux de vote fermés, ce qui va natu-rellement augmenter le pourcentaged’abstentionnistes.

Le taux d’abstention va atteindre55,36%. Mais il faut noter que ce constats’inscrit dans une hausse tendancielle del’abstention aux municipales. En effet, en1983 elle était de 21,5% et en 2014 de36,5%.

Question programme des candidats :Pas grand-chose à dire, malheureuse-ment ! Pour être dans le cours actuel del’histoire… beaucoup d’écologie, biensouvent au ras des pâquerettes mais c’estun bon créneau : Moins de voiture enville, plus de vélos, mais très peu de pro-positions de transports gratuits. Beau-coup aussi de sécuritaire avec plus depolice municipale, de vidéosurveillance…le tout emballé dans un « citoyennisme »à toutes les sauces.

Questions résultats de ce 1er tour,mon seul espoir, même si je ne votaistoujours pas, était que la LREM prenneune bonne claque. La claque fut monu-mentale. Ce parti qui a quasiment toutesles rênes du pouvoir de l’Etat, n’aura trèscertainement au second tour qu’unepaire de maires dans les 50 plus grandesvilles de France. En à peine 3 ans, LREMoccupe la même place que le Centre dansl’échiquier politicien des années 80. Dans

la plupart des villes, elle occupe la 3ème ou4ème place ! Poutou (NPA, LFI) a bien faillibattre à Bordeaux le candidat LREM, Tho-mas Cazenave, haut fonctionnaire trèsproche de Macron. A Reims, l’avocatChemla qui a fait des pieds et des mainspour obtenir en 2017 l’investiture LREM,doit regretter aujourd’hui d’avoir obtenucette étiquette : 3,29% des votants et 1%des inscrits. A Limoges la claque revientau secrétaire d’Etat aux transports, uncertain JB Djebbari dont la liste obtient7,65% des votants soit 2,8 % des inscrits.Le tableau serait complet si au secondtour un certain Edouard Philippe se fai-sait battre par un communiste au Havre.

Notons que LREM avait l’objectif d’ob-tenir 10 000 conseillers municipaux, cequi est très faible comme projet d’im-plantation locale, et qu’elle n’est pas dutout sûr de l’atteindre au soir du secondtour.

« UN RAZ-DE-MARÉE DE LISTESPARTICIPATIVES

SE PRÉPARE » (1) ???

Apparemment, il y en a eu un certainnombre. Le site du collectif « Action com-mune » en a recensé 384, ce qui repré-sente 11748 candidat.e.s. Mais c’est àrelativiser car cela ne représente que1,3% des 902 000 prétendant.e.s à cettemunicipale 2020. 32% de ces listes étaientsoutenues par au moins un parti poli-tique, de gauche dans la totalité des cas.93% de ces listes ont déclaré avoir écritleur programme avec des habitant.e.smais, en cas de victoire, moins d’une listesur 2 déclare vouloir soumettre ses déci-sions aux habitants de leur communedans des assemblées ouvertes. La parti-cipation a ses limites !

Leur démocratie, elle aussi, est bien malade

(1) titre d’unarticle du

site repor-terre

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municipales

courant alternatif - n° 299 - avril 202010

En regardant de près ces listes, il y ades constats étonnants. A Poitiers, parexemple, 2 listes participatives s’af-frontaient. Une « Poitiers collectif » afait 23%, l’autre « Osons 2020 » a obtenumoins de 10%. Ces 2 listes étaient éti-quetées « Liste Divers Gauche ». Deplus, je n’ai pas trouvé de listes partici-patives ayant gagné ces élections alorsque quasiment les 2/3 d’entre elles es-timaient pouvoir le faire.

C’est le ministre de l’intérieur quiimpose l’étiquetage sur l’échiquier po-litique des listes. C’est ainsi que 10listes étaient étiquetées « GiletsJaune ». On ne peut que constater quece mouvement n’est pas tombé dansl’électoralisme… Parmi ces 10 listes,une a retenu particulièrement notre at-tention : Celle de Commercy (Meuse).Les GJ de Commercy avaient organiséla première assemblée des assemblées(ADA) fin janvier 2019. Après une scis-sion de ce mouvement à Commercy, 1an après, une partie de ce mouvementet d’autres personnes organisaient « lacommune des communes » afin deconstruire un réseau communalistes’affirmant comme étant émancipa-teur et révolutionnaire. Il s’agissaitpour eux de faire naître en France lemunicipalisme libertaire théorisé parMurray Bookchin. Pour ce faire, cegroupe de Commercy avait pris contactavec Janet Biehl qui fut la compagne etplus proche collaboratrice de MurrayBookchin et qui enverra un message desympathie et de soutien à cette assem-blée. « La Commune des communes »a eu un certain succès « participatif »(150 personnes environ d’une trentainede lieux différents devant se lancerdans l’aventure) qui a fourmillé d’idées.Mais, si l’ont en croit l’article d’AnnickStevens (Le Monde Libertaire de mars2020) « il y avait 2 tendances assezmarquées, à peu près égales en nom-bre de personnes. D’un côté, les ten-ants d’un communalismerévolutionnaire, dont la visée est deremplacer l’Etat par une confédérationde communes, et l’économie capital-iste par une production collective axéesur les besoins et en harmonie avectout le vivant. De l’autre, ceux quivoient le municipalisme comme uneouverture des institutions actuelles àune large participation citoyenne et àleur réforme sur les plans éthique etécologique. »

Sur Commercy, cette démarche aabouti à la présentation d’une « listecitoyenne : vivons et décidons en-semble » qui a recueilli 9,76% des voix !

LA RÉALITÉ NOUS PÈTEÀ LA GUEULE

Le pouvoir municipal, le maire, sesadjoints et son conseil, constituent lapremière marche de l’édifice organiquede l’Etat. En France, c’est la structure de

base qui a permis à l’Etat nation d’as-seoir et d’étendre son pouvoir dans lesmoindres recoins de son territoire. La «mairie » n’a pas pour seule fonctiond’établir un budget concernant le quo-tidien de la commune, ses projetsd’aménagement de son territoire, sesprojets à caractère social, économique,culturel … Cela a toujours été le lieu derecensement de la population pourl’Etat qui lui a toujours servi et lui sertencore pour d’éventuelles mobilisa-tions à vocations militaires ou civiles.

La « mairie » a une fonction decontrôle social importante, indispen-sable à l’Etat et c’est ainsi, pour neprendre qu’un exemple, que nombrede secrétaires de mairies servent (etdans certains cas sont même appoin-tés pour) d’indicateurs de gendarmerieou de police… Ce contrôle social via lamunicipalité revêt bien d’autres as-pects concernant tous les services del’Etat qu’ils soient donneurs éventuelsde subsides (comme la CAF) ou unefonction de contrôle des va et vient despopulations (immigration, « gens duvoyage », marginaux).

La mairie a de plus en plus de fonc-tions répressives, sécuritaires. Dans lespetites et moyennes communes, c’estsouvent le conseil municipal qui a misen place le système de « voisins vigi-lants ». Dans les plus grandes, elles doi-vent gérer la police municipale et lessystèmes de vidéosurveillance.

Le Conseil municipal peut fonc-tionner formellement comme il l’en-tend en respectant le fait qu’il doit seréunir au moins trois fois par an. Ilpeut, pourquoi pas, organiser des as-semblées générales de ses citoyens, desassemblées par quartier ; fonctionner,pourquoi pas mais là c’est beaucoupplus rare, suivant des principes prochesde la « démocratie directe ». Et alors !!!

Chaque délibération part à la Pré-fecture pour un contrôle et si des déci-sions communales allant dans le sensopposé de l’Etat sont prises, la Préfec-ture a le pouvoir de les annuler, de lesdifférer (la Préfecture peut refuser unbudget municipal). N’oublions pas nonplus qu’un simple citoyen, donc en par-ticulier un notable-citoyen bien in-formé, peut saisir le Conseil d’Etat afind’annuler une décision du Conseil mu-nicipal non conforme aux lois de la Ré-publique (et à ses propres intérêts…).

Quand par exemple, et cela arrive

très souvent, un Maire refuse d’organi-ser dans sa commune des élections ré-gionales, nationales, la Préfecture tentetoujours de les organiser à sa place et lemaire est sanctionné par une mise àpied de plusieurs mois. Quand cela vatrop loin, le maire et son conseil peu-vent être, par L’Etat, tout simplementdémissionnés de force, et si lors denouvelles élections municipales per-sonne ne se présente… et bien la com-mune est mise sous tutelle et est géréepar des fonctionnaires de la Préfecture.

Maintenant, concernant toutes lesinfrastructures dépendantes de l’Etat(routes nationales, autoroutes, TGV...),l’avis d’un conseil municipal n’est quepurement consultatif. Il en va de mêmepour l’implantation de centrales nu-cléaires, de sites d’enfouissement dedéchets nucléaires, etc.… Dans ce cas,bien sûr, pour asseoir ce type de projetsans que la population ne mobilisecontre, il est important pour l’Etatd’avoir dans sa poche les élus locaux.Pour ce faire, il les achète d’une ma-nière ou d’une autre. S’il n’y arrive pas,il a les moyens institutionnels de s’enpasser. Mais les élus ont localementdans notre démocratie représentative(qui est bien imprégnée dans les es-prits des électeurs même si une cer-taine crise se développe), un certainpouvoir sur leur électorat, d’autantplus fort qu’il est de proximité. Tousceux et toutes celles qui ont participéactivement à des luttes locales savent àquel point les élus peuvent être les élé-ments déterminants dont nous nouspasserions bien dans maintes situa-tions !

IL NE FAUT PASSE CACHER LA FACE

Le « municipalisme libertaire » pourreprendre l’expression de MurrayBookchin n’est pas compatible avec les« institutions de la République »comme on dit ! Il est même incompa-tible, tant au niveau de la forme de dé-mocratie qu’au niveau du contenu desdécisions prises collectivement. Deplus, comme nous l’avons vu plus haut,l’intercommunalité qui implique aussil’agrandissement du territoire à gérerne laisse plus aucune place au com-munalisme.

Denis OCL REIMS

LES CAMARADES DU

GROUPE DE BOU-LOGNE-SUR-MER ontproduit une trèsintéressante analyse des enjeuxdes municipales au niveau nationalet local.Vous pouvez la liresur le site del’OCL :https://ocliber-taire.lautre.net/spip.php?article2370,et sur celui de LaMouette Enragée :https://lamouet-teenragee.no-blogs.org/post/2020/03/07/munici-pales-2020-a-bou-logne-sur-mer

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mouvements sociaux

11courant alternatif - n° 299 - avril 2020

Constats locaux

Ce constat partait de la situation na-zairienne : Malgré une intersyndicaleCGT, FO, FSU, Solidaires dynamique quiavait conduit au succès initial du 5 dé-cembre, la grève reconductible n’étaitpas au rendez-vous. En tout cas pas endehors des services publics (hôpital, ter-ritoriaux, éducation, SNCF). Pourtant àcompter du 5 décembre, l’intersyndicaleavait adopté un fonctionnement en AGinterprofessionnelle ouverte aux sec-teurs en lutte, élargissant son audienceaux non-syndiqués aux premiers rangsdesquels des Gilets jaunes, et l’on pou-vait croire à un élargissement de la dy-namique de grève.

• Premier constat, les deux masto-dontes économiques locaux, Airbus etLes Chantiers de l’Atlantique n’ont aaucun moment été réellement touchéspar la vague de grève, certainesconsignes circulant même de ne pas ap-procher les deux boites pour ne pasmettre à mal les équipes syndicales àl’œuvre à l’intérieur (FO pour l’aéro, CGTpour la navale).

• Second constat, le transport rou-tier, incontournable pour la logistiqueindustrielle et portuaire n’a pas suivi les

appels aux blocages malgré la dyna-mique initiée par la SNCF. Certainschauffeurs (FO) sont immédiatementpartis en grève reconductible d’une se-maine dès le 9 décembre, pour rentreraussitôt comme personne ne suivait...

• Troisième constat, si les dockers ettravailleurs portuaires ont réussi leursopérations « 3 jours Port mort » plu-sieurs semaines de suite, les renforts del’interpro n’étaient pas les bienvenussur les piquets entre Donges et Saint-Nazaire. La CGT Ports et docks négociaitdur sur les accords de pénibilité spéci-fiques à la branche, et il n’était pas demise de se battre « tous ensemble »contre la réforme globale...

• Quatrième constat : Solidaires im-planté dans l’éducation et un peu àl’hosto, et la FSU uniquement canton-née à l’éducation nationale ont aussisurfé sur des dynamiques spécifiques àla santé et à l’école, ravivées par cettequestion des retraites, in fine assez ca-tégorielles, même si les enjeux de lasanté et de l’éducation sont présentéscomme concernant l’ensemble de la so-ciété.

On peut ainsi considérer que, cemouvement en lutte sur une questionde société intéressant directement le

mode d’organisation du salariat, n’estpas parvenu à s’affirmer comme mou-vement de classe, mais comme une ad-dition de mouvements catégoriels.Pourquoi ?

Il ne s’agit pas d’instruire un nou-veau procès sur l’incompétence syndi-cale ou sur la trahison des directionsbureaucratiques, mais d’essayer de ré-fléchir à ce qui bloque en termes de mo-bilisation pour entraîner de véritablesrapports de forces sur le terrain de l’af-frontement capital-travail, et pas seule-ment des mouvements d’opinions,aussi massifs soient-ils. Aucune dyna-mique locale n’a été en mesure de pro-poser une alternative à la stratégie decette interpro nazairienne, dont on nepeut que reconnaître les efforts mili-tants pour mobiliser massivement. Leproblème est donc certainement plusprofond que l’habituelle critique dusyndicalisme, surtout dans une périodede renouveau des luttes depuis 2016(voir les articles signés OCL Ile deFrance dans CA n°298 de mars 2020).

Les réponses sont sans doute à re-chercher du côté de la structure declasses de la société, dans la difficultédu salariat à se percevoir dans uneunité d’intérêts, et non pas dans unemultitude de particularités. Pourtant, onnous annonçait depuis 1 an que le mou-vement des Gilets jaunes avait redéfiniles nouveaux contours d’une identité declasse, mais l’articulation Gilets-jaunes/ syndicalistes / personnes mobiliséesreste encore à construire. Il faudra dutemps et des luttes communes pourtranscender les barrières catégorielles etretrouver une conscience de classe suf-fisamment forte pour unifier les tac-tiques et les stratégies.

Débats globaux

Ces questions traversent des cerclesmilitants très divers, mais tous peinentà trouver des pistes de réponsesconvaincantes. Quelques exemples :

Les CSR (1) expliquent ces difficultéspar une carence du travail militant d’en-treprise, une multiplication injustifiéedes structures syndicales porteuse dedivisions et un éloignement de la stra-tégie initiale de la CGT. Tous ces argu-ments sont recevables, mais l’appel auprolétariat à « rompre avec les loisirsmarchands ou affinitaires pour produiredes révoltes autres que ponctuelles »risque de rester vain.

Syndicalisme, mouvement social et rapport de forces

Digressions autour du mouvement sur les retraitesDans Courant alternatif de février un petit texte sur la mobi-

lisation nazairienne contre la réforme des retraites évoquait lacrise du syndicalisme qui favoriserait le repli corporatiste au seindes confédérations, les manifestations rituelles et incantatoires,sans permettre de rapport de forces conséquent et nous éloignantd’une dynamique anticapitaliste nécessaire. Tentative de déve-loppement.

(1) Comités syndica-listes révolutionnaires,

cf« Mouvement desretraites comment re-

bondir ? », surwww.syndicaliste.com

contre la réforme des retraites

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Le mythe de la grève générale resteancré comme la seule stratégie opé-rante pour le mouvement social. LeMonde Diplomatique de mars y consacreun article « La grève malgré tous les obs-tacles », et tente de disséquer les raisonsd’une grève générale inaccessible de-puis 2003. La faiblesse de la syndicalisa-tion, la décrue des implantationssyndicales (qui bien souvent se limitentà un délégué pour participer aux ins-tances et non pour faire du syndica-lisme), la réduction des temps dedélégation suite aux ordonnances Ma-cron de 2017 y sont exposées. Toutcomme les modifications du salariat,toujours plus précarisé et isolé, les dé-localisations de la production et les CDI-sations des salariés qui nuisent à lapossibilité comme à l’efficacité de lagrève. Sans parler de la culpabilisationdans les services publics, du surendet-tement des ménages, et de la répressionféroce des mobilisations de rue qui ju-gulent aussi les velléités d’action collec-tive. Il ne resterait dès lors, pour unmouvement social devenu idéologiqueet politique dans sa confrontation avecle gouvernement, qu’à livrer des alter-natives au projet de loi contesté, pourles inscrire dans une logique de repré-sentation politique. Ce qui correspondassez à la ligne de gauche institution-nelle du mensuel conduit par Serge Ha-limi.

Dans une certaine mesure, cettetranscription électoraliste d’une luttesociale est tentée par quelques groupesde Gilets Jaunes qui ont souhaité péren-niser leur expérience locale via de nou-velles formes de municipalisme àl’occasion des élections municipale. (2)

Temps Critiques condamne ferme-ment cette évolution « qui est le signed’une société qui ne voit plus ou ne croitplus à une perspective de sortie ou dedépassement du capitalisme » à l’occa-sion d’un bilan « Luttes et syndicats, unmarché de dupes » (3) étayé sur une his-

toire de la social-démocratisation dusyndicalisme français depuis 1968. Ainsiselon ces camarades, l’explication dumanque de combativité syndicale seraitliée à un recentrage des syndicats sur ladéfense exclusive de la valeur de laforce de travail, qui implique d’éviter« la casse du service public et de l’outilde travail » pour ne pas se mettre à dosl’opinion publique. Alors que pourtantla période appelle à une confrontationdirecte à l’Etat, centrée sur la rue, ainsique nous l’avaient montré les Giletsjaunes. Les arguments se tiennent,l’analyse est séduisante, mais les luttesde ces dernières années nous montrentaussi que la confrontation directe sur leterrain consacre la toute puissance mi-litaire de l’Etat, y compris dans des casde victoires comme à Notre Dame desLandes, et que bien peu de personnessont prêtes à un affrontement suici-daire. Temps Critiques le sait bien et nepeut qu’inciter à ne pas remettre enselle les logiques parlementaristes et ré-publicaines à travers une condamnationdu 49.3 sans autre finalité.

Lockout viral ?

Depuis de longues années, les mo-dalités de la lutte et l’efficience de lagrève se discutent et se rediscutent àchaque mouvement dans les syndicats,avec les syndiqués, avec les camaradesde travail, ou au bistrot. L’impressiond’impuissance est réelle, et vérifiée si lagrève reste cantonnée à des secteursrestreints alors qu’elle porte sur une re-vendication globale. Pour espérer ga-gner, elle doit s’accompagner demobilisations de rue qui débordent lecadre légal de la revendication. C’est laleçon principale il me semble du cyclede luttes commencé depuis le krachbousier de 2008.

La question est donc aussi : jusqu’oùun mouvement est prêt à s’affranchir dela légalité, pour s’exposer, prendre desrisques, et bien souvent des coups. Et desavoir si des fragments de la sociétésont en mesure de s’engager sur cettevoie. Que sommes nous prêtEs à mettreen jeu et qu’avons-nous à perdre ? Cecis’apprécie aussi à l’aune du pouvoir etde sa force. A ce propos le texte de TempsCritiques soulève un point intéressant :« Contrairement à ce que beaucoupcroient, qui confondent autoritarisme etautorité, nous avons affaire à un pou-voir faible (...) dont le présupposé estque la négociation est un acte de fai-blesse qui l’affaiblirait encore davan-tage ...) »

Ces considérations m’en ont rappeléd’autres : « Aucune révolution, si large-ment qu’elle ait ouvert ses portes auxmasses et aux miséreux – les malheu-reux, les misérables, les damnés de la terre,comme les désigne la grande rhétoriquede la Révolution française-, ne fut ja-

mais lancée par eux. Et aucune révolu-tion ne fut jamais le résultat de conspi-rations, de sociétés secrètes ou de partisouvertement révolutionnaires. De façongénérale, aucune révolution n’est mêmepossible là où l’autorité du corps poli-tique est intacte, ce qui dans le mondemoderne signifie là où l’on peut être as-suré que les forces armées obéissentaux autorités civiles. Les révolutions nesont pas des réponses nécessaires, maisdes réponses possibles à la dépositiond’un monarque, elles ne sont pas lacause mais bien la conséquence de lachute de l’autorité politique. Partout oùces processus de désintégration ont puse développer sans entraves, en généralsur une période prolongée, une révolu-tion peut survenir à la condition qu’ilexiste une fraction suffisante du peuplequi soit prête pour un effondrement durégime et qui soit disposée à assumer lepouvoir. Les révolutions semblent tou-jours réussir avec une facilité déconcer-tante à leur stade initial : la raison en estque ceux qui sont censés « faire » les ré-volutions ne « s’emparent » pas du pou-voir, mais plutôt le ramasse quand iltraîne dans la rue. » (4)

Il semble bien que les dernières me-sures gouvernementales et l’Etat d’ur-gence sanitaire, derrière la façademartiale, les injonctions à l’union natio-nale et les menaces répressives, soientle signe d’un pouvoir aux abois pour salégitimité, si ce n’est à l’agonie pour sacrédibilité politique.

Ultime paradoxe, c’est pourtant desassemblées de base qu’avait surgit lemot d’ordre d’un lockout général del’économie à partir du 16 mars : « Noussoumettons également au débat la pré-paration d’une semaine noire de grèvegénérale, avec départ simultané de lagrève reconductible dans un maximumde secteurs, avec comme objectif l’ex-tension et la généralisation de la grève.La semaine du 16 mars serait une occa-sion propice (5) ». Ce que le mouvementsocial et syndical aurait eu bien de lapeine à faire, l’Etat l’a réalisé de sonpropre chef, prétendant suspendre dansle même temps nombre de griefs, et an-nonçant un changement de cap à l’oréede la fin de crise, si l’on voulait bien lesuivre.

Le confinement sera-t-il l’étouffoirdes velléités combatives, ou la chambred’incubation des prises de consciencerebelles ? Il y aura sans doute un peu detout cela. Cependant, nous n’avonsd’autre choix que nous préparer à l’ef-fondrement du régime et à assumer lepouvoir. C’est à dire à identifier qui serace nous « fraction suffisante » et à pen-ser ce que pourra être ce pouvoir. Nousvoilà bien avancés.

Philippe, Saint-Nazaire, 22 mars 2020

mouvements sociaux

courant alternatif - n° 299 - avril 202012

(2) Voir par ailleursdans ce numéro l’ar-ticle consacré aumunicipalisme

(3) http://tempscri-tiques.free.fr/

(4) Hannah Arendt,La liberté d’être libre(les conditions et lasignification de la ré-volution), Payot,2019 (texte inéditd’une conférence es-timée à 1966-1967).

(5) cf : https://paris-luttes.info/appel-de-la-coordination-nationale-13487 ou Appel« Le 16 mars onstoppe tout » cfhttps://blogs.media-part.fr/jean-marc-b/blog/220220/semaine-noire-partir-du-16-mars-stoppe-tout

contre la réforme des retraites

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13courant alternatif - n° 299 - avril 2020

mouvements sociaux

contre la réforme des retraites

Rien d'intéressant à signaler à proposde la lutte contre la réforme des re-traites en Pays Basque.

La dernière manifestation, réussie, aeu lieu le 20 février à Bayonne, réunissantplus de 2000 personnes. Et alors que cer-tains ultra-optimistes prédisaient un em-brasement dès que le gouvernementdégainerait le 49/3 pour empêcher la pour-suite des débats au Parlement, ce fut aucontraire l'extinction de toute réelle dyna-mique à laquelle on a assisté le 29 février.

Les assemblées générales interpro quiavaient ponctué les journées de grève etde manifestation depuis décembre étaientdésertées depuis un mois, boudées par lessyndicats, et sans force suffisante pour ou-vrir des perspectives de façon autonome.

Le renvoi par l'intersyndicale hexago-nale d'une grève d'ampleur à la date du 31mars est apparue à tous.tes comme unevolonté claire d'enterrer toute action col-lective et massive.

Seuls sursauts, le 2 mars, en guise de

protestation suite au 49/3 : une occupa-tion par quelques membres du syndicatLAB (syndicat des travailleurs abertzale)du bureau d'une députée Modem des Py-rénées-Atlantiques, à Anglet ; occupationsymbolique, suivie au bout de 8 heurespar une évacuation par la police. Et lemême jour, en fin de journée, un rassem-blement tout aussi symbolique appelépar la CGT, FO, LAB et Solidaires devant lasous-préfecture de Bayonne, réunissanttant bien que mal 200 personnes environ.

En Pays Basque intérieur (rural), la vo-lonté de maintenir un lien entre per-sonnes mobilisées contre le massacre desretraites et, actives plus généralement surle terrain social, a continué à se manifes-ter par l'organisation d'un rassemblementhebdomadaire, devant la place du marchéde Saint-Palais, avec banderole et tracts ;avec pour objectif de susciter rencontreset échanges avec les passant.es. La projec-tion publique du film "La Sociale" de GillesPerret, le 10 mars, a renforcé ce besoin de

se retrouver et de débattre. De là est néel'envie de poursuivre cette dynamique etde provoquer d'autres moments de cetype, autour d'une vidéo, d'un film, d'uneconférence. Pour que les temps de luttepartagée se prolongent, pour instituer uneforme de permanence en vue de mobilisa-tions à venir.

Mais l'épidémie de coronavirus et lesprécautions de distanciation, puis deconfinement, dont elle s'accompagne defaçon de plus en plus drastique, a eu rai-son, dès le 16 mars, de ces sympathiquesprojets de rassemblements et d'échangeslarges ... du moins pour un bon moment.

Le 18 mars

Eric, cheminot à Mantes-la-Jolie et délégué SUD Rail,déjà interviewé dans CourantAlternatif (n° 294), raconte lastratégie de la direction de laSNCF à la suite de la grèvehistorique de l’hiver 2019-2020.

En période de grève, vu l’efforteffectué par les grévistes, lestensions ne sont pas rares

avec les « jaunes », non-grévistesqui veulent bien profiter d’éven-tuelles victoires, mais sans perdreun centime, bien entendu.

Cette année, avec une grèvehistorique de près de 60 jours pourbeaucoup, la direction a égalementeu une démarche inédite : uneprime a été versée aux non-gré-vistes.

La nouveauté n’est pas la primeelle-même puisque déjà en 1995,une prime avait été attribuée auxjaunes, et en 2016, sur certains sec-teurs, un « diplôme de non-gré-viste » avait été distribué. Non,c’est plutôt la somme, pouvantmonter jusqu’à 1500€, qui est in-édite !

Une somme conséquente quiinstitutionnalise officiellementl’adage « diviser pour mieux ré-gner ».

Certes, cette pratique est illé-gale, puisque la loi interdit la dis-crimination pour faits de grève, ouau moins à la marge, car une en-treprise doit justifier d’une réellesurcharge de travail pour une telledémarche.

Mais la SNCF prend le risquecar il est, bien entendu, difficile defaire la preuve du contraire.

Ce mépris de la loi est révéla-teur de la volonté généralisée demettre les travailleurs à genoux.Elle s’inscrit parfaitement dans lapropension gouvernementale et« médéfienne » à sanctionner lessyndicalistes et les rebelles au« progrès » ultralibéral ! Et quandc’est l’Etat qui se comporte ainsi (la

SNCF est encore une entreprise pu-blique et n’agit pas de la sorte sansune volonté politique), on ne peutque craindre la situation dans leprivé !

De manière plus générale et as-sumée, cela s’inscrit égalementdans une volonté d’attaquer latransparence de la rémunérationdans les entreprises publiques.

En effet, le déroulement de car-rière, plutôt égalitaire et connu detous, des agents au statut, crée dessolidarités dans les collectifs detravail qui vont à l’encontre du « di-viser pour mieux régner ». C’est in-acceptable pour la nouvellepolitique d’entreprise qui promeutune rémunération « au mérite »,qui elle, bien sûr, instaure une opa-cité qui facilite l’explosion du col-lectif, individualise, divise,

provoque la suspicion et la jalousieentre collègues.

Les primes se multiplient dites« d’objectif », en réalité au faciès,totalement arbitraires et dérogeantaux règles d’attribution, mais, bienentendu, n’oubliant jamais de dis-criminer les militants syndicaux,agents ayant eu des arrêts mala-dies, fortes têtes, grévistes, etc.

D’ailleurs, pour éviter lesbourdes, l’entreprise incite l’enca-drement à établir des fichiers (illé-gaux bien entendu) dont leleitmotiv est de répertorier les gré-vistes, syndiqués, etc. Voir les fi-chiers illégaux de Saint-Lazarenotamment, dont plusieurs ontémergé dans la presse.

Certains collectifs ont le bon ré-flexe : il y a quelques années,l’équipe des agents des postes d’ai-guillage du secteur de Mantes sesont donné rendez-vous, dans lebureau de leur chef, et sous sesyeux, ont mis l’argent correspon-dant à chaque prime sur la table etl’ont redistribué entre eux à partségales… Contre le « diviser pourmieux régner », une seule réponse :l’unité pour mieux résister !

Éric, cheminot de Mantes-la-Jolie,21/03/2020

PAYS BASQUE

L'EXTINCTION PROGRESSIVEDU MOUVEMENT JUSQU'À SON ARRÊT... TEMPORAIRE ?

EXACERBER LES TENSIONS ENTRE GRÉVISTES ET NON-GRÉVISTES,LE JEU PRÉFÉRÉ DE LA DIRECTION SNCF !

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mouvements sociaux

courant alternatif - n° 299 - avril 202014

En Soule, sur le thème«Emazte borrokak Süsta ! En-courageons les luttes desfemmes», un rassemblementa été appelé sur la place de

Mauléon par le groupe "Xiberoko Femi-nistak -Féministes de Soule". Une bande-role géante avait été accrochée à lamuraille du château-fort qui domine lapetite ville (2 800 habitants) ; il y a euprise de parole (cf. encart 1), chants delutte en basque, castillan, français, im-provisation versifiée, et lecture de plu-sieurs textes-témoignages écrits par lesmilitantes du Collectif. Un groupe de mu-sicien.nes pratiquant la batucada a ac-compagné les manifestant.es, animantjoyeusement la place et les rues de laville. Puis repas partagé et concert dansun bar associatif ont terminé la journée.

LE GROUPE XIBEROKO FEMINISTAK

Ce 8 mars 2020 était le premier ras-semblement féministe en Soule et la pre-mière apparition publique du groupeXiberoko Feministak. Sa volonté : célé-brer le rôle historique des femmes dansles luttes au niveau international, inves-tir l'espace public, être visible, offrir unmoment fort dans un contexte où lesfemmes font entendre puissamment leur

voix et leur révolte contre le patriarcat àtravers le monde. Dans un contexte aussioù il s'agit de s'opposer à la montéed'idéologies réactionnaires qui remettenten cause des "conquis" féministes. C'estle cas des groupuscules de prières inter-venant en pleine rue à Bayonne contre ledroit à l'avortement, avec la bénédictionde l'évêque local ; le cas aussi de l'instal-lation d'intégristes catholiques en PaysBasque et, en particulier, en Soule (écolede filles de Domezain, tenue par des reli-gieuses Dominicaines, école-lycée de gar-çons installée à Etcharry par lesintégristes de la Fraternité SacerdotaleSaint Pie X).

Le groupe Xiberoko Feministak se ré-unit depuis un an, à raison d'une fois parmois. S'y retrouvent une quinzaine defemmes de 25 à 70 ans, générationsconfondues.

L'idée de départ était de pouvoir seretrouver et échanger, sans objectif préciset de façon assez informelle, de faireémerger les attentes, les envies, les dé-bats, de prendre le temps de se définirensemble.

C'est au fur et à mesure des échangesque sont venus le besoin et l'envie deconstituer un groupe entre femmes detous âges, de parcours différents. Le fait

que dans le groupe sont rassemblées plu-sieurs générations apporte la richesse denombreuses expériences : les jeunes cô-toient celles qui ont connu les luttes fé-ministes des années 70.

Le choix a été celui de la non mixité,du moins dans un premier temps. Ceciafin de parler plus librement, en créantun espace qui permette les échanges depratiques de vie, d'expériences, même in-times. L'espace intime est politique. De lamême façon, parfois, corps et esprit ontbesoin d’intimité genrée. Il existe beau-coup de lieux non mixtes : les espacesqui portent la marque de la dominationmasculine (cours de récré, terrains desport, rue...) ou des conventions sociales(W-C, piscine...).

Outre ces échanges de témoignages,se mènent des discussions à propos del'actualité et autour de livres, d'articles,de documentaires.

UN FÉMINISME LIÉ AUXLUTTES SOCIALES ET POLITIQUES

Cependant, dès le départ, le groupene s'est pas défini comme un cercle deparole, mais s'est revendiqué d'un fémi-nisme engagé, lié aux autres luttes so-ciales et politiques. Le terme même deféminisme a été assez longuement dé-battu dans le groupe ; pour certaines, en

lutte des femmes

Le 8 mars des féministes en Soule(Pays basque Nord)

En Pays Basque Nord, plusieurs groupes féministesexistent : dans la province du Labourd, à Bayonne, à Hen-daye, à Ascain, à Itxassou ; en Basse-Navarre à SaintEtienne de Baigorri ; et en Soule, à Mauléon. Ces groupes,actifs tout au long de l'année, l'ont été aussi en interve-nant publiquement le 8 mars, lors de la journée interna-tionale des droits des femmes.

Groupe féministed'hommes

En même temps que se créait legroupe femmes en Soule, s'est consti-tué un groupe féministe d'hommes,non mixte, portant le nom de GizHo-nak *. Des réunions régulières, làaussi, pour comprendre les méca-nismes sociaux qui génèrent lesexisme (école, famille, société), pourenvisager comment agir contre la so-ciété de domination patriarcale, etcontre ce qui l'entretient et la perpétue.

Tract distribué le 8 mars :

Brisons les chaînes desstéréotypes machistesMachisme, Patriarcat, Misogy-nie, Phallocratie, Sexisme, An-

drocentrisme, Virilisme...

Ces attitudes bien trop souvent ré-pandues parmi les hommes consistentà tenter de rendre naturelle et accep-table une situation d'inégalité sociale

que les femmes subissent Nous pen-sons qu'en réalité femmes et hommesont, ensemble, à gagner à rompre aveccette logique. Elle nous oblige sanscesse, pour justifier des avantages nonmérités, à revendiquer une supérioritémensongère, fictive, inexistante.

Et du coup, de quoi avons-nousl'air ? D'ânes ? De Blaireaux ? Deporcs ? - Certainement pas de petitspoussins mignons ! Ni de puissants bé-liers !

Ce rôle viril machiste, nous pen-sons qu'il faut arriver à s'en défaire. Et

pas seulement en faisant la cuisine oula vaisselle de temps en temps...

En plus d'être une question socialeet politique cruciale, c'est aussi unequestion d'amour-propre et d'estime desoi. On ne devient pas quelqu'un enabaissant les autres, être un hommen'implique pas de dominer les femmes.

Arrêtons de nous ridiculiser ! Ycompris à nos propres yeux !

* Il y a un jeu de mots : Gizonakveut dire "Hommes", en languebasque ; Honak signifie "Bons"

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mouvements sociaux

15courant alternatif - n° 299 - avril 2020

général les plus jeunes, il était chargénégativement, pour d'autres c'est unmot politique, revendicatif et comba-tif. Ce mot, qui a été dévalorisé dansle monde politique et médiatique, legroupe a fini par se l'approprier pours'appeler "Féministes de Soule".

Divers thèmes ont été abordéscette année, entre autres :

- le sexisme de basse intensité, la-tent, quotidien, fait de remarques, degestes déplacés, cherchant à infério-riser ; un sexisme quasiment bana-lisé, pas anecdotique du tout, et quimet en évidence un système patriar-cal dominant.

- les femmes dans l'espace public,leur liberté de circuler amputée ; lesagressions qu'elles subissent.

- l'importance et le poids ducontrôle social sur les femmes dansle milieu rural : sexualité épiée, modede vie décrié quand on ne rentre pasdans la norme, quand on n'a pasd'enfant ... Contrôle et emprise quipeuvent être d'ailleurs portés et re-produits par des femmes elles-mêmes.

- le contrôle des corps féminins.- les violences physiques et psy-

chologiques. Le nombre de femmesqui meurent sous les coupsd'hommes est éloquent, sans comp-ter les suicides suite à des violencesainsi que les conséquences socialeset sur la santé, les enfants...

- les luttes des femmes, partie in-tégrante des luttes de classe, antica-pitalistes, antifascistes, anti-impérialistes. Les luttes féministes,en tant que luttes universelles et ré-volutionnaires, ne sont pas séparéesdes autres luttes et elles doivent êtremenées femmes et hommes en-semble.

Si la priorité de Xiberoko Femi-nistak a été de se constituer engroupe et de prendre le temps de sedéfinir, un objectif à venir est d'en-trer en relation avec les autresgroupes femmes du Pays Basque,nord et sud. Et également de faire desréunions communes avec le groupeGizHonak (encart), qui a participé àl'organisation de la journée du 8mars.

Pays Basque, le 22 marsavec l'aide de Johanne

lutte des femmes

Le 8 mars n'est pas la journéedes femmes ou, pire, de lafemme, mais bien celles des

luttes des femmes du peuple, dansle monde entier.

Face aux violences multiples decette société qui nous étouffe, c'estpartout, dans l’espace privé, dans larue, au travail, lors de débats et enlutte, que femmes et hommes de-vons-nous battre quotidiennementcontre la structure sociale du pa-triarcat, dans une perspective in-ternationaliste et anti-impérialiste.

Ouvrières, intermittentes duspectacle, travailleuses du sexe,paysannes, travailleuses sociales,femmes migrantes, femmes giletsjaunes, nous sommes une interna-tionale féministe prolétaire.

Nous pensons que la luttecontre le patriarcat doit se faire demanière large et s’ancrer dans lesmouvements sociaux.

Premières victimes des emploisprécaires, nous sommes entreautres solidaires des luttes contrela réforme de la retraite, et des ac-tions organisées localement. Demême, nous serons nombreux.sesà rejoindre les manifestations du1er mai à Mauléon comme ailleurs,pour dénoncer la surexploitationcapitaliste qui détruit notre santé,notre dignité, nos relations hu-maines.

La lutte de classe, les luttes an-tifascistes et de libérations natio-nales se mènent indéniablement decœur avec les luttes féministes ettransgenre. Nous refusons de dis-socier ces combats, que l’on doitpoursuivre conjointement.

Notre soutien aux femmes enlutte à travers le monde est total.Pour ce 8 mars, toutes nos penséesvont vers vous, femmes du Kurdis-tan, du Chiapas et de Palestine,

femmes de tous pays, car « vous nepouvez pas libérer la terre sans li-bérer aussi les femmes ».

Les violences physiques, psy-chologiques et les comportementssexistes parsèment notre quotidiende femme souvent renforcés par laviolence patriarcale des institutionsjudiciaires et policières.

Le corps des femmes, quand iln’est pas l’objet d’une exploitationcommerciale et d’aliénation est unenjeu d’emprise sociale, mêmedans les milieux les plus émanci-pés.

Nous observons en IEH (PaysBasque nord), comme ailleurs, unemontée d’idéologies réactionnairesqui remettent en cause les acquisdes luttes féministes, en investis-sant de manière décomplexée etstéréotypée les places publiques,avec parfois la complicité des auto-rités locales : prières à Baiona pardes groupuscules anti-IVG, écoleprivée intégriste à Etcharry.

C’est par la solidarité et l’auto-organisation de nos luttes que nousparviendrons, femmes et hommes,à gagner ce qui nous revient dedroit : l’égalité, l’autonomie, la li-berté et la dignité. La lutte fémi-niste est une lutte universelle,révolutionnaire, tout est à refaire :la famille, l’éducation, la culture,l’amour, la sexualité, le travail, lapolitique…

Ce combat sera long mais il nedoit pas être délaissé, car le pa-triarcat détruit des vies, tue desfemmes, et les soumet à une ex-ploitation totale de leur travail et deleur corps. Chaque minute quipasse sous ce système est une mi-nute gâchée. Alors unissons-nouset battons-nous !

Vive la lutte féministe

8 mars à Limoges

Malgré la bruine, cette dernière manif avant le confinement a étéassez dynamique, bien dans la continuité des manifs contre laréforme des retraites par la diversité des personnes présentes.

En ce dimanche après-midi, on s’est retrouvé à quelques centaines de-vant la préfecture à 15h40. Rappelons que 15h40 c’est l’heure à laquelleles femmes devraient s’arrêter de travailler pour ne pas le faire gratui-tement.

Après les prises de parole et une première flash mob des Rosies, lamanif a parcouru les rues de Limoges, pas encore désertes selon un iti-néraire assez inhabituel... Les chorales révolutionnaires ont pousséquelques chansons et nous sommes arrivés à notre destination : le com-missariat.

J’ignore si cette destination était prévue dès le départ, mais en toutcas c’était une bonne réponse après les violences policières contre lamanifestation féministe parisienne de la veille.

Après de nouvelles prises de paroles, la manif s’est achevée sur leparvis du commissariat par de nouvelles flash mob sur l’air de « A causede Macron ! » et de « El violador eres tu ! » créé par les femmes chi-liennes.

Alain

Xiberoko feministak, le 8 mars 2020

Banderole géante au château de Mauléon

Ue partie du rassemblement

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courant alternatif - n° 299 - avril 202016

mouvements sociaux

Nous avons relaté dans lenuméro 290 de Courant Alter-natif (mai 2019) la lutte autourdu droit au logement des mi-grants de Limoges menée avec lesoutien du collectif Chabatzd’entrar (Finissez d’entrer).Nous y décrivions comments’est créé ce collectif à l’automne2016, ses actions, ainsi que lesquat de migrants dans les lo-caux de l’ancien Centre Régionalde Documentation pédagogique(CRDP) de Limoges, depuis le 11mai 2018. Notre article s’arrê-tait sur la menace d’expulsion etpromettait une suite que voicienfin.

D’un squat à l’autreOccupant.es, sympathisant.es, mili-

tant.es, continueront à se faire entendretant que les pouvoirs publics ne pren-dront pas des décisions pérennes, avecdes partenaires sociaux, afin de répondreaux besoins des personnes migrantes.

Le collectif Chabatz d’entrar, avecl’appui de la Cimade, a donc organiséune manifestation anti Dublin III etcontre l’expulsion de l’ex-CRDP ce sa-medi 25 mai, devant la préfecture. Aprèsun rappel du contenu des lois Dublin IIIet de la situation de l’ex-CRDP, une cho-régraphie évoquant la violence des trai-tements réservés aux migrants adémarré, aspirant une part croissante dela foule.

Puis un cortège s’est formé pour serendre devant la mairie de Limoges auson des percussions. Après quelquestours sur la place de la mairie, le cortègeemprunte la rue du Pont Saint-Martial,un itinéraire inédit qui laisse la policecirconspecte... En bas de la rue, plusieursvoitures de police barrent l’accès au bou-levard du quai Saint-Martial. Brusque-ment le cortège s’arrête, plusieursmanifestants forment une chaîne, uneprise de parole est faite rapidement pourannoncer l’ouverture d’un nouveau lieu,déjà occupé depuis plus de 48 heures !

Toute le monde est invité à entrerdans ce lieu dont les grilles s’ouvrent,laissant place aux occupants qui exul-tent de voir plusieurs dizaines de per-

sonnes entrer dans la cour au son despercussions ! La grille est ensuite ferméeavec un cadenas pour éviter toute entréeintempestive des policiers qui, de toutefaçon, n’ont pas tout compris et consta-tent la fin de la déambulation.

Ce nouveau squat, dans des locauxindustriels très délabrés nécessitera pasmal d’aide pour son aménagement etprendra le nom du 4 bis avenue de la Ré-volution, puisqu’il a également une en-trée sur cette artère passante ducentre-ville.

L’évacuation de l’ex-CRDP :une demi-victoire

Finalement c’est le 12 juin 2019 à7h30 du matin que les locaux de l’ex-CRDP occupé depuis plus d’un an sontévacués par la police. Une propositiond’hébergement provisoire est faite auxoccupants dans un ancien Ehpad à Saint-Junien (35 Km de Limoges), réquisitionnéà l’occasion. Une cinquantaine d’entreeux acceptent, surtout ceux ayant un es-poir de régularisation. Conformément àl’engagement pris par la Préfecture, cetteévacuation se fait sans violence ni arres-tation. Les personnes sans espoir de ré-gularisation à ce moment s’étaient déjàinstallées au 4bis. Un car, affrété à l’oc-

casion, emmène les familles volontairesen deux voyages. La Croix-rouge et uncollectif local se mobilisent dans cetteville rouge pour aider matériellement àleur installation.

Le préfet respectera ses engagements: organisation des transports pour queles enfants finissent l’année scolairesans changer d’établissement, et surtoutdélivrance d’un récépissé de 3 mois oude 6 mois, pour la plupart avec autorisa-tion de travail. Évidemment, vu le coûtfiscal demandé pour les titres de séjour,il sera nécessaire de faire appel à desdons au travers d’un « Pot commun »pour aider ces personnes sans ressourcesà réunir les sommes demandées.

Ce n’est cependant qu’une victoire endemi-teinte, due à l’activisme du collec-tif et au bon vouloir d’un préfet ayantjugé nécessaire de faire jouer son pou-voir discrétionnaire pour régulariserquelques familles. Par contre, il n’étaitpas question pour lui de régulariser lescélibataires. Ceux-ci sont donc venu re-joindre les premières personnes instal-lées au 4bis. Le problème du manqued’hébergements d’urgence sur Limogesn’est toujours pas résolu et de nouvellesfamilles ont rejoint le nouveau squatdans les mois qui ont suivi.

luttes de migrants

Migrant.es, réfugié.es à la rue ?Toujours ni expulsion ni exclusion !

LIMOGES :SQUAT

CHABAZ

D’ENTRAR

Les photos qui illustrent ce dossier ne proviennent pas de Limoges. Le 21mars devait se dérouler à Paris une marche des solidarité qui à dû être annu-lée pour cause de confinement. Malgré cela, des militant.e.s se sont mobi-lisé.e.s pour protester à la fois contre le sort infligé aux migrants et contre leconfinement. Ces photos ont été prise à l'Opéra (lieu prévu de départ de lamanif) ainsi que dans le 20e et à Montreuil.

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courant alternatif - n° 299 - avril 2020 17courant alternatif - n° 299 - avril 2020

mouvements sociaux

Les pressions policières et judiciaires

Les locaux occupés au 4bis avenue dela Révolution sont des anciens locaux deEDF-GDF, revendus par Engie à Vinci etSpeed Rehab pour un projet de réhabili-tation pas encore très défini. En réa!lité,Speed Rehab -filiale du groupe de gestionBrownfield- est une entreprise spéciali-sée dans le portage temporaire de locauxle temps de la dépollution pour lecompte de l’acheteur final (dans ce cas,Vinci). Même si le projet est à long terme,cela n’empêche pas ces entreprises defaire tout leur possible pour faire déga-ger les occupants.

Alors que ceux-ci commençaient às’organiser et trouver un peu de sérénité,le 11 juillet à 8h45, une vingtaine de po-liciers et agents de la BAC, accompa-gnant, à sa demande, un huissiermandaté par Vinci, a fait irruption dansle site. Ils ont systématiquementcontrôlé les identités, pris en photo lespapiers présentés et les personnes. Faceaux portes fermées à clef, ils les ont frac-turées, sans égards pour les enfants, té-moins de leur brutalité, ni pour certainsadultes, également traumatisés.

Le 9 août, les habitants dont l’identitéa été relevée se voient remettre une assi-gnation en référé aux fins d’expulsiond’occupant sans droit ni titre. C’est l’an-goisse pour tous les habitants dont lenombre s’élève à ce moment à 90 adultesdont une vingtaine d’enfants.

Dès la rentrée, les manifestations desoutien reprennent : tout d’abord le sa-medi 7 septembre, le procès étant dansun premier temps fixé au lundi 9, puis lesamedi 5 octobre puisque le procès estrepoussé au vendredi 11. Ces manifesta-tions très animées ont été le prélude à unprocès très intéressant.

Un procès et un jugement étonnants

Le procès pour expulsion d’une qua-rantaine d’occupant.e.s (ceux qui avaientété identifiés lors de la « visite » del’huissier) s’est donc tenu le 11 octobre.La petite salle d’audience a été vite rem-plie par une quarantaine de personnes.Dehors devant le tribunal, une autre cin-quantaine de personnes étaient rassem-blées, occupantes, occupants et soutiende Chabatz d’Entrar et de la Cantoche.L’entreprise Speed Rehab, propriétairedes lieux depuis janvier 2019, demandeune expulsion en urgence pour pouvoirfaire de cet espace un écoquartier, et pour« préserver la santé des personnes ».Selon l’avocat de Speed Rehab, le site estsi pollué qu’il faut expulser les occu-pants, en somme pour leur bien. Cet avo-cat a fait un parallèle étrange et cynique: « il y a des gens à Rouen qui se battentcontre la pollution... et ici, vous vous bat-tez pour occuper un endroit pollué ! ».L’urgence est telle que l’avocat de l’en-treprise se trompe en parlant des projets

sur le bâtiment d’à côté qui appartient àLimoges habitat et qui n’est pas occupé.

Pour la défense, une première avo-cate (choisie par un seul des occupants)a demandé à la présidente du tribunal sijamais elle ne déboutait pas le proprié-taire, à assortir l’obligation de quitter leslieux de délais suffisants pour que le dé-ménagement ne soit pas trop brutal.L’avocate de plusieurs dizaines desautres accusé.e.s, plus offensive, a en-suite parlé de la grande absente : la pré-fecture. Si l’expulsion est décidée, enpratique, ce serait bien la police, surordre de la préfecture, qui la mettrait enœuvre. Selon elle, « Les squats, ça ar-range bien tout le monde », et notam-ment

La défense a réfuté l’urgence qu’il yaurait à évacuer le site, en rappelant qu’ily a trois ans un événement public a étéorganisé sur place sans que la pollutionne semble poser problème (« La LimogesRecycling Party », partenariat entrel’Université de Limoges, Ademe, Engie etLimoges Métropole). Des étudiantsétaient invités à un concert unique surun «lieu insolite» : une «friche urbaine».

La juge et son assesseuse ont eu l’aird’écouter tout cela avec attention et an-noncé que leur décision sera rendue le 29octobre à 14 heures, 2 jours avant la trêve

hivernale. Finalement, dans leur juge-ment, elles ne retiennent pas l’accusa-tion de voie de fait, font valoir que «l’urgence et le dommage imminent nesont pas caractérisés » Elles soulignentque et prononcent quand même l’ex-pulsion mais en accordant un délai... jus-qu’au 15 juillet 2020 !

Ce large délai n’a pas empêché SpeedRehab d’envoyer de 18 février des pelle-teuses faire quelques trous dans le solpour vérifier le niveau de pollution. Ilsont juste eu le temps de faire trois trousavant que des militants interviennent.Après discussion avec les ingénieurs,ceux-ci ont pris conscience du cadredans lequel ils travaillaient : à proximitéd’un bâtiment d’habitation, dont une di-zaine de fenêtres donnent sur le chan-tier, dont l’isolation et l’étanchéité sontprécaires, certaines portes étant de

simples couvertures. Ils ont choisi de nepas travailler dans ces conditions, et sontpartis en fin de matinée. Speed Rehab atenté de les obliger à revenir travailler lelendemain mais la société mandatée adécidé, à juste titre, que ce n’était pas àelle d’être au premier plan de ce conflit.De plus, après prélèvements, la pelle-teuse se contentait de reboucher et detasser la terre, l’excédent étant mis entas dans un coin, laissant cette terre ànue soumise aux intempéries.

Le 4bis, squat vivant et solidaritéLe problème de l’hébergement d’ur-

gence n’est pas résolu par l’octroi d’undélai pour continuer d’occuper des lo-caux précaires pendant quelques mois.Cependant la vie continue de s’y organi-ser. Les associations et les individus soli-daires continuent d’apporter leur soutienmatériel, administratif, éducatif, etmoral, avec les difficultés et les contra-dictions que cela comporte (Voir l’articleRéflexions d’une militante de Chabatzd’entrar)

Des chantiers ont eu lieu pour cer-tains aménagements, en particulier l’iso-lation des tuyaux d’eau à l’arrivée del’hiver. Avec la participation de l’associa-tion Chabatz d’entrar, d’un groupe dejeunes français occupant une partie deslocaux et d’autres bénévoles, des anima-tions se déroulent régulièrement dansles locaux : projection de films, concerts,bal folk...

Quasiment depuis les débuts dusquat du 4 bis, tous les mercredis soirs,c’est la « Cantoche », cuisine en com-mun avec des résidents pour un repas àprix libre pour les invités extérieurs ensoutien aux résidents. A prix libre biensûr. La Cantoche a assuré aussi la res-tauration d’autres manifestations :soupe devant la gare le 18 décembre(journée internationale des migrants),lors du concert organisé le 25 janvier ensoutien aux cheminots.

En plus du soutien à la vie du squat,le collectif Chabatz d’entrar continued’organiser des manifestations, que cesoit pour la prise en compte du besoind’hébergement ou sur d’autres théma-tiques. Par exemple, le 20 novembre, lorsde la journée internationale des droits del’enfant, le collectif et les jeunes mi-grants concernés ont manifesté devantle CHU pour protester contre les tests os-seux.

Évidemment le confinement met enpartie en difficulté cette organisation etla vie quotidienne de ce squat, mais auniveau de l’aide alimentaire, il continued’être approvisionné et des contacts sontmaintenus.

Alain, Limoges, le 22 marsen partie à l’aide des textes

publiés sur La BoguePour suivre cette lutte (et les autres) en

Limousin : https://labogue.info

luttes de migrants

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mouvements sociaux

courant alternatif - n° 299 - avril 202018

ls/elles ne venaient pas soutenir les160 médecins et internes du CHUgrévistes qui, une semaine avant, ré-pondaient à l’appel du mot d’ordrenational réclamant des moyens sup-

plémentaires pour « sauver l’hôpital pu-blic ».

Ils/elles ne souffraient pas de burn-out(du moins pas encore) comme le décriventLibération et La Chronique d’Amnesty Inter-national dans leurs articles aux titres res-pectifs : Migrants quand les bénévoles setuent à l’attache et Le burn-out des bénévoles.

Ils/elles ne venaient pas pour être dé-pisté.e.s ; le Coronavirus (Covid-19)n’avait pas encore fait son apparition.

Alors pourquoi cet attroupement de-vant l’entrée du CHU ?

Pour dénoncer la pratique des tests os-seux sur des jeunes mineurs migrants .

Tout enfant qui est temporairement ou dé-finitivement privé de son milieu familial, ouqui dans son propre intérêt ne peut être laissédans ce milieu, a droit à une protection et uneaide spéciale de l’État ». C’est-à-dire uneaide éducative, sanitaire, alimentaire et untoit.

Sauf que pour les adolescent.e.s quel’on nomme, depuis 2016, mineurs non ac-

compagnés (MNA), ex mineurs isolésétrangers (MIE), qui viennent de Guinée,d’Afghanistan, du Mali, du Bangladesh, duTchad, de Côte d’Ivoire,… la protection etles aides de l’État ne sont pas si simples àobtenir. « Ainsi, le droit commun de la pro-tection de l’enfance est écorné par un disposi-tif spécifique aux enfants isolés étrangers,organisant une évaluation a priori de leur mi-norité et de leur isolement, et reléguant l’inter-vention de la justice à un second temps ».Dans la plupart des départements, cetteétape d’évaluation de la minorité sert enréalité de variable d’ajustement : sansmême parler des pratiques illégales derefus d’y procéder, de nombreux enfantssont aujourd’hui privés de toute prise encharge, sur la seule base d’un entretien etd’examens contestables qui ont conclu àleur majorité.

Pour être pris en charge par l’Aide so-ciale à l’enfance (ASE), les jeunes doiventprouver qu’ils sont bien mineurs par leurrécit, en produisant des documentsd’identité... L’article 388 du Code civil per-met à la justice de demander en plus destests d’âge osseux. C’est bien connu lesjeunes mentent, même que « Mentir àl’adolescence, c’est presque un comporte-ment normal ! Les adolescents doivent seconstruire un chemin bien spécifique et,souvent, ce chemin est un peu différent decelui que leurs parents projettent, rêvent,souhaitent pour eux » dixit un psycho-logue dans une revue. Alors, quand enplus ils sont étrangers… C’est pourquoi leconseil départemental de la Haute-Viennes’évertue à prouver que ces jeunes sontmajeurs. Du moins, ils prennent des gants(par les temps qui courent, ça vaut mieux)en écrivant : les documents présentés neconfirment la minorité.

Mody à LimogesLes cinq premiers jours suivant son

arrivée, un jeune, appelons le Mody, doitêtre mis à l’abri. Pour cela, il se rend auConseil départemental (CD), rue FrançoisChénieux à Limoges, qui va le diriger versune structure d’accueil, ou lui trouver unechambre d’hôtel. Pour qu’il puisse senourrir, le CD l’inscrit directement à laBonne assiette (restaurant social) et il de-vrait percevoir la somme de 60 euros parmois pour tous ses autres frais. Très rapi-dement, Mody reçoit une convocation duCD et là, la machine infernale, celle del’évaluation, se met en branle : vous avezdit mineur ? Comme c’est bizarre, va fal-loir le prouver ! Prouver que vous êtesisolé ! Prouver que vous êtes en danger !

Lors du premier entretien de l’évalua-tion, il est demandé à Mody de fournir sespapiers d’état civil. S’il les a perdus, il vadevoir les faire venir de son pays. Il lui estégalement demandé de raconter son his-toire et de décrire son parcours jusqu’àson arrivée en France. Les obstacles com-mencent : le récit est trop fabriqué ou pasassez précis, l’authenticité des papiers estsouvent remise en cause... Pour être cer-tain que derrière un mineur ne se cachepas un majeur, le CD interpelle le Tribunal

de grande instance (TGI) afin que celui-cidemande à Mody, via le CD, d’aller passerles tests osseux. Sur Limoges, depuis sep-tembre 2019, la pratique de ces tests estdevenue quasi systématique.

Mody reçoit un deuxième courrier duCD stipulant : « au regard de l’évaluationmenée par le Département visant à établirvotre minorité et votre isolement, j’ai le regretde vous informer que votre minorité n’est pasétablie ». Ainsi, des enfants, parcequ’étrangers, sont écartés du dispositif dela protection de l’enfance, et basculent, dujour au lendemain, dans le régime du« droit » des étrangers.

Du coup si Mody était hébergé, il se re-trouve direct à la rue. Certains sontcontraints d’abandonner leurs études. Ce-rise sur le gâteau, il leur est remis unefeuille d’information indiquant « vouspouvez faire appel à divers réseauxd’aide : le 115 – le centre de jour (SIAO) –demander un titre de séjour à la préfec-ture... » Super ! Sauf que Mody, préten-dument pas mineur, possède des papiersdont la date de naissance dit l’inverse etil s’obstine à déclarer qu’il est mineur.Quid de ces réseaux d’aide qui n’accep-tent que les majeurs = LA RUE durant les2, 3 ans qui les séparent de leur majorité.

C’est pourquoi les bénévoles et les mi-litant.e.s du collectif Chabatz d’entrar sebattent contre cette machine broyeused’avenir et que nous les retrouvons un 20novembre, devant l’entrée du CHU, bran-dissant des pancartes avec les jeunes mi-neurs « NON AUX TESTS OSSEUX ! »,« STOP À LA CRIMINALISATION DESJEUNES MIGRANTS ! » .

Genèse du groupe de soutien aux jeunes mineurs (non) accompagnés

Début 2017, un petit groupe de per-sonnes, au sein du collectif Chabatz d’en-trar, se constitue pour répondre à lademande de jeunes adultes migrants, ar-rivés sur Limoges lors du démantèlementde la jungle de Calais et qui souhaitent ap-prendre très vite le français. Ils sont prisen charge par le Centre d’accueil etd’orientation (CAO) installé dans des lo-caux de l’Agence pour la formation pro-fessionnelle des adultes (AFPA), rue deBabylone à Limoges. Les responsables dece CAO ne voyant pas d’un bon œil un col-lectif intervenir dans « leurs affaires », legroupe ne pourra se mettre en place et semet en sommeil.

Juin 2017, le CD cherche à joindre despersonnes qui donneraient des cours defrançais à des jeunes mineurs. La Maisondes droits de l’homme (MDH) fait suivre cetterequête auprès du collectif Chabatz. Larencontre entre des salariés du CD et deuxmembres du collectif n’aura pas de suite,car il semblerait que le collectif gêne auxentournures les responsables du CD (il se-rait trop politisé…). Nos deux interlocu-trices prennent le mors aux dents : « Onse passera de l’aval du CD ». Elles rédigentun mot annonçant l’ouverture de cours defrançais. Elles le distribuent à l’heure du

luttes de migrants

RÉFLEXIONSD’UNE MILITANTEDE CHABATZD’ENTRARLe mercredi 20 novembre 2019 des bénévoles,

des militants du collectif Chabatz d’entrar setrouvaient devant l’entrée du centre hospitalieruniversitaire Dupuytren 1 de Limoges.

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déjeuner à la Bonne assiette (restaurant so-cial). Le bouche à oreille fait son œuvre ettrès vite des jeunes viennent les rejoindre,trop contents d’avoir des cours de fran-çais, des contacts extérieurs. Dans un pre-mier temps, les cours se dérouleront rueChamplain, dans un local prêté par laLibre pensée. La spirale chronophage« aide aux jeunes mineurs » est amorcée.

Un travail social en cours de français

Depuis septembre 2018 c’est la Maisondu Peuple qui met à disposition deuxsalles. Le jeudi, s’y retrouvent quatrefemmes du collectif Chabatz d’entrar, don-nant des cours de français, pour six àquinze jeunes. Elles sont les premières àpouvoir témoigner des difficultés rencon-trées par ces jeunes. Leur intervention nese limite pas aux cours, elles les réconfor-tent, filent 2 € à ceux qui n’ont pas en-core, ou plus du tout de prise en charge,pour avoir un repas chaud à la Bonne as-siette. Certaines en hébergent le temps detrouver des solutions et, surtout, elles lesorientent vers des avocats (recours contrela décision du juge ne reconnaissant pasleur minorité) et les accompagnent dansleurs diverses démarches (santé, scolarité,activités bénévoles...). L’avocat saisit, parun courrier, le juge des enfants. Sur cinqjeunes concernés, courant 2019, quatreont pu faire reconnaître leur minorité etdonc ont été repris en charge par le CD.Pour autant leur galère n’est pas finie. Lesjeunes mineurs quand ils arrivent, ilsn’ont pas tout leur temps devant eux, lesplus jeunes en général ont 14 ans et ici, ilsont 16 ans. Donc deux ans, puisqu’ils nesont pris en charge que jusqu’à leur ma-jorité, c’est vite passé : le temps de faireles démarches, les recours, les prises encharge et pas juste un hébergement. Cequ’ils veulent c’est faire des études et làc’est de nouveau la merde, parce que l’an-née scolaire est entamée, il faut attendrel’année suivante, or là si tu as 18 ans encours d’année tu dois dégager. Le collectifAdopte un jeune.com, créé en 2014, re-groupant parfois des centaines de tra-vailleurs sociaux, s’est bagarré contre unedélibération départementale de la Haute-Vienne qui jetait à la rue tous les jeunesde l’ASE, à 18 ans, qui n’avaient pas aumoins trois ans continu de prise en chargeà l’ASE. Le collectif a perdu, ils ont menéd’autres luttes mais toujours sans rien ob-tenir.

Quand trop faire à la place de... peut devenir un piège

Je fais partie du collectif Chabatz d’en-trar, mais n’interviens pas dans ce petitgroupe d’accompagnement des jeunesmineurs. Ce qui me permet d’avoir un re-gard plus distancié, plus critique sur « lespièges de ce type d’action ». Je n’ai pas latête dans le guidon, je n’entends pas di-rectement ces jeunes raconter leurscraintes, leurs espoirs, leurs décourage-ments, la ribambelle d’emmerdes qu’ilstrimballent depuis des mois, voire des an-

nées... C’est difficile face à un jeune quite fait confiance et qui te dit qu’il s’est re-trouvé du jour au lendemain à dormirdans la rue, parce que le matin même illui a été signifié de partir de sa chambred’hôtel, car il n’est pas reconnu mineur,qu’il a faim, qu’il a peur, qu’il… de lui direen partant après les cours : « Bon, ben à lasemaine prochaine » et de savoir qu’il va en-core passer une nuit dehors.

Du coup, tu héberges, puis tu accom-pagnes pour les démarches administra-tives, les rendez-vous à l’hôpital, chezl’avocate, etc. Tu fais les tâches d’un tra-vailleur social avec les moyens du bord,pas payé, pas encadré. Tu tiens un mois,deux mois, au bout de six mois, ou plus,tu t’aperçois que tu es en train de tirer lalangue, que ça déborde, tu as envie de lâ-cher, mais c’est trop tard, tu es prise dansla spirale.

C’est ce qui était en train de se passerjuste avant la crise avec le Coronavirus(Covid-19) pour certaines copines de cegroupe d’aide. Pour deux raisons. La pre-mière, elles ne sont pas assez nombreusespour l’ensemble de ces jeunes. La se-conde, c’est que le collectif Chabatz a beaufaire des manifestations, interpeller lespouvoirs publics, rien ne bouge et nous nesommes pas non plus si nombreux à pou-voir réfléchir, mettre en place des straté-gies autres que de « l’humanitaire ». Lestravailleurs sociaux eux-mêmes souffrentde toutes ces situations que ce soit pourles jeunes ou les adultes. Avec tous les dis-positifs régressifs, répressifs concernantle droit des migrants qui sont en place,c’est de plus en plus galère. Certains (tra-vailleurs sociaux) font appellent à nouscomme si on pouvait faire des miracles, ilsont besoin de leur petite bulle d’espoir.Mais si par malheur, le collectif Chabatzd’entrar veut mettre ces problèmes sur leplan politique. Plouf, plus personne nemoufte, ils font le dos rond face à leursresponsables au sein de leur structure. Jeme souviens, au squat de l’ex-CRDP,quand une copine avait de pas trop mau-vais contacts avec une personne du CD,cette dernière nous appelait au secourspour prendre un jeune mineur le tempsde lui trouver une place. Le CD ne pouvaitrépondre immédiatement pour sa prise encharge, notamment sur l’hébergement. Ducoup une sorte de contrat de confiances’était installé : le jeune restait quelquesjours au squat et ensuite il était pris encharge par l’Aide sociale à l’enfance. Il y aeu sept ou huit gamins qui sont passésdans ce squat. Bien évidemment, cesjeunes restaient en contact avec les béné-voles du squat et c’est ainsi que nousavons su, que mis à part l’hébergement(souvent en chambre d’hôtel), il n’y avaitpas beaucoup de suivi social, pas de coursde français. Les jeunes se retrouvaientcertes avec un toit sur la tête, mais isoléset ils ne faisaient rien de leur journée. Au-jourd’hui avec le CD c’est statu quo.

À force de vouloir tout faire, tu faissurtout de l’humanitaire et ça se com-prend. Mais le temps passe et rien

n’avance sur le plan politique, sur les vraisproblèmes. C’est-à-dire : faire bouger lesinstitutions et les travailleurs sociaux. Par-fois je me dis, et si on ne faisait plus rien,si on laissait les gens dehors, si on es-sayait plus de trouver des solutions debout de chandelles (certes humaines) etsi… sauf que le Coronavirus (Covid-19) estlà… et que nous sommes tous bloqués. Denouveau, c’est les filles les plus réactives.Elles ne baissent pas les bras face à cettenouvelle difficulté. Elles appellent lesjeunes, se démerdent pour continuer lescours avec WhatsApp…

La campagne contre les tests osseux,démarrée en novembre, est en stand-by.D’autres départements français n’ont plusrecours à ces tests, tout comme leRoyaume-Uni (depuis 10 ans), rejoint parl’Espagne. Nous allions interpeller, desmédecins, des avocats, tous les conseillersmunicipaux, des personnes publiques…pour que cesse cette pratique d’un autreâge et entamer une réflexion politiqueglobale sur cette question de non prise encharge par le CD des jeunes mineurs nonaccompagnés.

Certaines personnes étaient mêmeprêtes à aller dormir au CD, puisque c’estlui le donneur d’ordre.

Lundi 23 mars, nous sommes tous des confinés

15 jeunes « déclarés non mineurs »sont à la rue ou du moins hébergés chezdes bénévoles.

Ci-dessous le texte du mail relatantune conversation téléphonique d’une co-pine de Chabatz avec un responsable duConseil départemental ce 23 mars :

« les MNA sont à l’abri à l’hôtel avecune attestation pour se rendre à la Bonneassiette.

Les cours de français ne sont pas prio-ritaires, seul l’aspect sanitaire l’est.

Je fais part à M. G du fait que certainsn’avaient plus de produits d’hygiène etque nous nous en étions occupé.

Réponse : il prend note et me dit qu’ily a un coup de fil quotidien à chaque hôtelchargé de signaler toute difficulté.

Pour les 15 jeunes à la rue (parce qu’ilsvenaient d’être déclarés non mineur), il nepeut donner qu’une réponse administra-tive, ils ne relèvent plus de l’ASE.

Je lui rappelle que nous avions de-mandé, avant la crise sanitaire, qu’ilssoient maintenus à l’abri le temps du re-cours. Il pense que c’est un vrai souci, luiou le CD? Suite à ma demande suivante, ilme certifie que tous les jeunes serontmaintenus à l’abri le temps du confine-ment, arrêt des évaluations (décisionactée)

Je l’interroge sur de possibles nou-velles arrivées, il n’y en a pas eues maisdit que si c’était le cas, les jeunes concer-nés seraient pris en charge dans lesmêmes conditions que précitées. A cettedernière précision, je me pose la question: l’accès au Conseil départemental est-ilouvert ?

Sylvie

mouvements sociaux

19courant alternatif - n° 299 - avril 2020

luttes de migrants

Aujourd’hui,au squat du 4

bis avenue de laRévolution, il n’ya pas de jeunesmineurs héber-gés. La capacitéd’hébergement

de ce squat a ététrès vite atteinte(90 personnesdont une ving-

taine d’enfants).Depuis sep-tembre des

cours de fran-çais s’y dérou-lent (heu ! s’ydéroulaient).

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La France redevient le troisième exportateur mondial d’armement

Selon les chiffres donnés par l’Institut international de re-cherche pour la paix de Stockholm (Sipri), la France a re-présenté 7,9 % des exportations de missiles, avions de

chasse et navires de guerre sur la période allant de 2015 à 2019 :un record depuis 1990. Elle occupe désormais la troisième placedu marché mondial des ventes d’armement derrière les Etats-Unis (36 % du marché) et la Russie (21 %), alors qu’elle était cin-quième lors des cinq années précédentes.Les ventes d’armement tricolore ont grimpé de 72 % par rap-

port à la période comprise entre 2010 et 2014, pendant laquellela part de marché de la France atteignait 4,8 %. Ce bond specta-culaire reflète les succès commerciaux de Dassault Aviation enEgypte et en Inde pour le Rafale ou encore ceux de Naval Groupau Brésil et en Inde pour des sous-marins, en Egypte, en Malai-sie et aux Emirats arabes unis pour des frégates. Le commercemondial des armes majeures se porte bien, avec une croissancede 5,5 % entre les deux périodes 2015-2019 et 2010-2014. Unelarge partie de cette progression provient des flux d’armes versle Moyen-Orient (+ 61 %), région qui absorbe 35 % des importa-tions mondiales du secteur. Premier pays importateur mondial,l’Arabie saoudite a augmenté à elle seule de 130 % ses achats.Les 3 principaux clients de la France sont l’Egypte, le Qatar et

l’Inde. Compte tenu des commandes déjà engrangées, « les exporta-

tions françaises vont continuer à se situer à un niveau relativementhaut au moins sur les cinq prochaines années », pronostique le Sipri.

Source : Lemonde.fr

courant alternatif - n° 299 - avril 2020

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chroniquesdu contrôle

et de la répression

Comment faire disparaître les vidéosmontrant des violences policières ?

Le 23 décembre2008, le minis-tère de l’inté-

rieur mettait engarde l’ensembledes policiers, dansune circulaire quisert encore de réfé-rence : « La libertéd ’ i n f o rm a t i o n ,qu’elle soit le fait dela presse ou d’unsimple particulier,prime. Les policiersne peuvent s’oppo-ser à l’enregistre-ment de leur imagelorsqu’ils effectuentune mission. Il estexclu d’interpellerpour cette raison lapersonne effectuantl’enregistrement, delui retirer son maté-riel ou de détruirel’enregistrement ouson support. »E v i d emm e n t ,

quasiment tous lessyndicats de flicscontestent vigou-reusement la réalitéque montrent les vi-déos, dès lors

qu’elles mettent encause l’un des leurs.Dans un courrier du5 novembre 2018adressé au ministrede l’intérieur Chris-tophe Castaner, lesyndicat de policeAlliance demandequ’il soit interdit defilmer les policiers.Selon le syndicat, «au-delà de la ques-tion du droit àl’image des poli-ciers, l’enjeu est leursécurité », la diffu-sion de vidéos surles réseaux sociauxles exposant à « êtrereconnus et à être,eux-mêmes ou leurfamille, victimes dereprésailles ».Dans leur sillage,

le ministre Chris-tophe Castaner en-visage lui aussi decontrôler la diffu-sion des vidéos.Selon des informa-tions recueillies parMediapart auprès dela Direction générale

de la police natio-nale (DGPN), uneétude sur des « évo-lutions juridiques »est actuellementmenée pour rendrenotamment obliga-toire le floutage detous les agentslorsque des vidéosles montrant en ac-tion sont diffuséssur les réseaux so-ciaux. Notons tout de

même que mêmefilmés les flics n’ontjamais changé leurcomportement de-puis 2008, on peutmême affirmer quedepuis le mouve-ment social contrela loi travail de 2016il s’est aggravé. Ilfaut dire qu’ils sontde plus en plus cou-verts par leur hiérar-chie, la classepolitique et l’appa-reil judiciaire.

Source : Mediapart

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Avec « GendNotes » le fichage exercépar la gendarmerie se modernise

Un décret adopté le 20février par le Premierministre, Edouard Phi-

lippe et le ministre de l’inté-rieur, Christophe Castaner,autorise l’usage d’une « appli-cation mobile de prise denotes » par les militaires de lagendarmerie nationale. Appe-lée GendNotes, elle est inté-grée aux smartphones ettablettes Neogend qu’utilisentdéjà les gendarmes.Cette application sera utili-

sée « à l’occasion d’actions deprévention, d’investigationsou d’interventions néces-saires à l’exercice des mis-sions de police judiciaire etadministrative ». Elle est pré-sentée par le Pouvoir commeétant une simple modernisa-tion : fini les notes prises austylo par les gendarmes surun calepin, place aux réseauxinformatisés !Sur l’application, divers

champs permettent de rensei-gner des données, telles quel’identité de la personne, desphotographies, une adresse,un numéro de téléphone, ouencore l’identification du vé-hicule. Comme le précise ledécret autorisant ce « traite-ment automatisé de donnéesà caractère personnel », la pla-teforme dispose aussi dezones de commentaires libres.Les gendarmes pourront yrenseigner « en cas de néces-sité absolue », des informa-tions relatives à « l’origineraciale ou ethnique, aux opi-nions politiques, philoso-phiques ou religieuses, àl’appartenance syndicale, à lasanté ou à la vie sexuelle oul’orientation sexuelle ». Re-marquons déjà que ce sont lesmilitaires qui décident ou nonde cette « nécessité absolue »du recueil ou non de telle outelle info. D’après la Quadrature du

Net : « Comme l’explique laCNIL, ces photos et informa-tions sont au moins trans-mises au LRPGN (le logiciel derédaction des PV de la gen-darmerie), qui les transmet à

son tour au TAJ (traitementdes antécédents judiciaires) siles gendarmes décident d’ou-vrir une procédure. Dans cecas, les informations serontconservées dans le TAJ pen-dant 20 ans, accessibles partoute la police et la gendar-merie et les photos pourrontêtre utilisées ultérieurementpar un système de reconnais-sance faciale pour identifierdes personnes (si l’applicationGendNotes n’intègre pas delogiciel de reconnaissance fa-ciale, elle facilite le transfertdes photos vers le TAJ qui, lui,l’organise).Par exemple, lors d’une ma-

nifestation ou d’un contrôleroutier, les gendarmes pour-ront, lors d’une fouille, d’uncontrôle d’identité ou autreinteraction avec une personnequ’ils jugent suspecte, inscrireune identité et/ou une photo,avec si besoin plus d’informa-tions, au sein de cette applica-tion. Si les gendarmesdécident ensuite d’ouvrir uneprocédure, ces informationsseront inscrites au TAJ. »« GendNotes » va nourrir

d’autres fichiers, des servicesde renseignements parexemple, et peut servir à desfins de surveillance politique.Les conséquences d’un tel

dévoiement sont considéra-blement aggravées par l’auto-matisation de cesenregistrements et échangesd’informations. Jusqu’alors, lerisque de surveillance poli-tique était mécaniquement li-mité par la dépendance aupapier. Cette limite matérielledisparaît aujourd’hui. Les fi-chiers se multiplient et on au-tomatise les facilitésd’échanges entre ces diffé-rents fichiers en démultipliantà chaque fois les possibilitésd’abus. La Ligue des Droits de

l’Homme a décidé de déposerun recours en justice contre lefichier GendNotes. A suivre !

Sources :La Quadrature du Net

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Big BrotherVers une nouvelle loi renforçant

la sécurité intérieure

Vers une nouvelle loi ren-forçant la sécurité inté-rieure. Après deux ans

d’expérimentation, la mise enœuvre de la loi renforçant la sé-curité intérieure et la luttecontre le terrorisme (SILT, voirCA 298), qui transpose temporai-rement plusieurs mesures del’état d’urgence dans le droitcommun, a fini par séduire lessénateurs, à tel point qu’ils veu-lent y ajouter 2 louches :- Elargir les pouvoirs de fer-

meture administrative des lieux

présentant des risques detrouble à l’ordre public. Les lieuxde culte ne seraient plus lesseuls lieux pouvant être fermés.S’y ajouteraient des librairies,des centres sociaux ou des sallesde sport…- Création d’une nouvelle me-

sure judiciaire de surveillancepour les personnes condamnéespour des faits de terrorismedans l’objectif de les suivreaprès leur sortie de prison. Asuivre Source : le-monde.fr

Répression inouïe des lycéens en luttecontre la loi Blanquer

En janvier et février, des ly-céens et des profs se sontmobilisés contre la tenue

des premières épreuves dite «E3C » du nouveau bac local.Comme seule réponse, ils etelles ont eu droit à une répres-sion terrible. Face aux élèves,les proviseurs, appuyés par desresponsables académiques,n’ont hésité devant aucunmoyen : intimidations, me-naces, ils ont filmé les blocus,fouillé les réseaux sociauxpour identifier des élèves etensuite les sanctionner en pro-nonçant des exclusions ou desconseils de discipline simple-ment pour avoir pris part à unmouvement collectif ; certainsn’ont pas hésité à porterplainte contre des élèves ou àfaire appel aux EMS (milicesrectorales créées en 2010) et/ou à la police. Pendant ce mouvement, des

élèves ont été interpellés, pla-cés en garde-à-vue (une cin-quantaine en Ile de France)parfois toute une nuit sans au-cune communication avecleurs parents (comme les 3 ly-céens mineurs du lycée Ravel àParis), parfois arrêtés préventi-vement chez eux à 6 heures dumatin (comme à Gagny et àGrenoble) ou prélevés dansleur salle de classe, en pleincours. Sur certains lycées, lesforces de police ont contraintles élèves à rentrer pour passerles épreuves, procédant à desfouilles de sac et visant lesconvocations. Certains flicsétaient présents à l’intérieurde l’établissement où lesélèves ont parfois été enfermésune journée entière pour pas-ser 4 épreuves déjeunant d’unrepas froid (comme à Rennes).

Source : resistons.l’autre.net

Le Parlement français ne veut toujours rien savoir !

Vies Volées sous la torture de la police

Le collectif Vies Volées, constitué par les proches de La-mine Dieng, mort des suites d’un plaquage ventral le 17juin 2007, se bat depuis plusieurs années pour l’inter-

diction définitive de ces pratiques de tortures, rejoint dansce combat par de nombreuses familles de personnes mortesdes suites de l’utilisation de ces “gestes d’intervention”. Dansses publications, le collectif Vies Volées dresse une liste nonexhaustive des victimes : Depuis 1990, au moins 25 per-sonnes sont décédées lors d’une intervention des forces del’ordre après l’utilisation de ces techniques dites “non-lé-tales”.En 2007, Lamine Dieng, 28 ans, décède après été immobi-

lisé par plaquage ventral avec les mains menottées, les piedssanglés, et 4 policiers faisant pression sur son corps. L’au-topsie conclut à une mort par asphyxie. Un non-lieu défini-tif est prononcé en 2017. La famille a saisi la Cour Européennedes Droits de l’Homme.En 2008, Abdelhakim Ajimi, 22 ans, meurt suite à son im-

mobilisation par deux policiers qui le menottent aux piedset aux mains et font pression sur sa poitrine et sa nuque.L’autopsie conclut à une mort par “asphyxie mécanique lenteavec privation prolongée d’oxygène”. En 2013, deux policiersde la BAC sont condamnés à 18 et 24 mois de prison avec sur-sis, et un policier municipal à six mois avec sursis.En 2009, Ali Ziri, 69 ans, meurt après avoir été maintenu en

position de pliage dans un fourgon de police. L’autopsie ré-vèle l’existence de 27 hématomes sur le corps d’Ali Ziri, etconclut à un décès dû à un arrêt cardio-circulatoire générépar “suffocation et appui postérieur dorsal”. Un non-lieu dé-finitif est prononcé en 2014. Le 19 juin 2018, la Cour Euro-péenne des Droits de l’Homme a reconnu la responsabilitéde la France pour négligences.En 2009, Mohamed Boukourou, 41 ans, meurt lors d’une in-

terpellation durant laquelle il est maintenu sur le ventre, me-notté, avec trois policiers debout pesant de tout leur poidssur les différentes parties de son corps. Un non-lieu a été pro-noncé en 2013, mais la Cour Européenne des Droits del’Homme a condamné la France dans cette affaire pour trai-tement inhumain et dégradant. En 2011, Serge Partouche, un homme de 28 ans atteint

d’autisme, décède lors d’une interpellation après avoir étéplaqué au sol avec un policier à genoux sur son dos. En 2014,trois policiers sont condamnés pour homicide involontaire àsix mois de prison avec sursis.En 2012, Abdelilah El Jabri, 25 ans, meurt après avoir été

plaqué au sol par 4 agents de la BAC lors d’un contrôle. Uneenquête est encore en cours.En 2014, Abdelhak Goradia, 51 ans, décède lors d’une pro-

cédure de reconduite à la frontière dans un fourgon de police.L’autopsie pointe une “asphyxie par régurgitation gastrique”.Une information a été ouverte pour homicide involontaire.En 2015, Amadou Koumé, 33 ans, meurt après avoir subi

une clé d’étranglement lors d’une interpellation. L’autopsierévèle qu’il est mort d’un «œdème pulmonaire survenu dansun contexte d’asphyxie et de traumatismes facial et cervi-cal». L’agent de la BAC qui a fait la clé d’étranglement est misen examen pour violences volontaires ayant causé la mortsans intention de la donner.En 2016, Adama Traoré meurt le jour de ses 24 ans après

avoir subi un plaquage ventral lors duquel il a pris le poids detrois gendarmes sur lui. Deux autopsies révèlent qu’il estmort d’un “syndrome asphyxique”. Une instruction a été ou-verte.Cédric Chouviat vient de s’ajouter le 3 janvier 2020 à cette

macabre liste. Il a subi une clé d’étranglement peu après avoircommencé à filmer les flics. Cette clé fut suivi d’un placageventral.

Source : desarmons-les

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La France a déjà été condamnée à trois reprises par la Cour Eu-ropéenne des Droits de l’Homme pour l’utilisation des tech-niques létales d’immobilisation que sont le décubitus ventral et

le pliage ventral. Rappelons que le décubitus ventral consiste à pla-quer fermement une personne sur le sol et à la maintenir dans cetteposition à l’aide d’une pression importante sur le thorax. Quant aupliage ventral, il consiste à replier la personne sur elle-même, letorse posé sur les genoux, et à la maintenir fermement dans cetteposition. Et pourtant, par un arrêt datant du 9 octobre 2007, la CourEuropéenne des Droits de l’Homme déplorait « qu’aucune directiveprécise n’a été prise par les autorités françaises à l’égard de ces tech-niques d’immobilisation potentiellement létales ». Plus de 12 ans après, le 4 mars 2020, la commission des lois de

l’assemblée nationale française a rejeté la proposition de loi dépo-sée par La France Insoumise visant l’interdiction des techniquesd’immobilisation létales. Source : francoisruffin.fr

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22 courant alternatif - n° 299 - avril 2020courant alternatif - n° 299 - avril 2020

GRÈVE DES SANS-PAPIERSTRAVAILLANT POUR LE GROUPE

LE MONDE

Depuis fin février, une cinquantaine detravailleurs sans-papiers (des Sénéga-lais, des Guinéens mais surtout des Ma-

liens) tiennent un piquet de grève devant lesnouveaux locaux du groupe Le Monde - avec lesrédactions du Monde mais aussi l'Obs, le Huf-fington Post ou encore Courrier International.Ils sont soutenus et encadrés par le syndicatCNT-SO qui n'est pas à son coup d'essai puis-qu'il était déjà à la manœuvre dans la grève vic-torieuse de 111 jours lancée par les femmes deménage et plongeurs de l’hôtel Holiday IN de Cli-chy. Les grévistes sont aussi rejoints par dessans-papiers travaillant sur des chantiers envi-ronnants en Seine-Saint-Denis. Au cœur de lalutte, la dénonciation des conditions de travailpuisque le groupe Golden Clean qui se chargedu nettoyage ne paie que 40 euros la journée etla nuit ! Seulement 5 euros l'heure supplémen-taire et enfin un manque d'équipements de pro-tection, le tout sans contrat de travail …. Onrentre alors dans la bataille juridique car la loifrançaise prévoit que si on a travaillé sanscontrat de travail alors l'employeur reconnucoupable est obligé de fournir un CDI à tempsplein. S'ajoute pour les travailleurs sans-pa-piers, la possibilité de demander une régulari-sation via la fourniture d'un formulaire Cerfa(on en avait déjà parlé dans les précédentes ru-briques). Face à la mobilisation, un protocole de« sortie de crise » est rapidement trouvé maispour l'instant, il n'est pas respecté notamment

par Golden Clean qui semble complètement àl'ouest dans la paperasse. La responsabilité seporte aussi sur le groupe Eiffage qui a fait appelà ce sous traitant, sûrement en connaissance decause. Pour cette multinationale de 70 000 em-ployés, les procédures de régularisation devraitêtre plus aisées mais là encore, blocage, chacunse rejette la responsabilité. Côté journalistes no-tamment ceux de Télérama, un soutien a lieuavec des personnes présentes lors des Ags etune remontée dans les instances. Reste queseule la lutte paie comme celle récente des tra-vailleurs sans-papiers de l’Ibis Batignolles ou del’Holiday Inn de Clichy.

Source : Rapport de force

COINCÉS DANS L'ÉTAU TURCET EUROPÉEN,

MISÈRE DES FRONTIÈRES !

Fin février, avec l'attaque Assad/Russie dela région d'Idlib en Syrie contrôlée par desrebelles majoritairement islamistes et sou-

tenus par la Turquie, Erdogan rejoue le coup dela pression migratoire sur les frontières de l'UEpour obtenir un soutien politique de celle-ci oudu moins une neutralité bienveillante. Paraly-sée par cette menace – rappelons, en mars 2016,l'accord entre UE qui donne de la thune et laTurquie qui gère les millions de réfugiés notam-ment syriens - l'UE calme le jeu diplomatique etdans la politique du « en même temps » conti-nue de verrouiller ses frontières et ici plus par-ticulièrement celles de Grèce où la situationmigratoire est déjà très tendue (voir CA n°298).

Depuis un mois donc, plusieurs milliers de per-sonnes attendent toujours devant les frontièresgrecques. Chaque jour, des centaines de per-sonnes tentent le passage, notamment au ni-veau du fleuve Evros. Ils sont repoussés par desgaz lacrymogènes, des canons à eau et desballes en plastique. Détail en plus, les policiersgrecs utilisent des ventilateurs géants pourpousser la lacrymo vers la frontière... enfin de-puis le 13 mars, une barrière avec des blocs debéton de 1,5m de haut.

Le gouvernement grec dirigé par le partiNouvelle Démocratie (droite – mais nous nenous trompons pas, Syriza menait aussi une po-litique anti-migrants) a profité de cette situationpour réclamer des moyens supplémentaires àl'UE pour fermer sa frontière et aussi pour res-serrer son électorat notamment en chassent desvoix à l’extrême droite. Au niveau européen toutd'abord, Ursula von der Leyen (présidente de lacommission européenne) et Charles Michel (pré-sident du Conseil européen) se sont rendus surplace pour annoncer une aide supplémentairede 700 millions d’euros pour renforcer lecontrôle des frontières et une force supplémen-taire de 1 500 gardes-frontières Frontex. Dans lemême temps, des sortes de milices d'extrêmedroite se sont constituées pour faire la chasseaux migrants mais aussi aux journalistes et auxgauchistes. Finalement, les partis au pouvoiraussi bien grecs que turcs se servent des mi-grants comme argument politique et électoral.Rien de neuf, mais quid de la réaction à avoir, entant qu'opposant bien sûr, face à cette montéedu fascisme. Voici quelques mots du commu-niste-anarchiste Luigi Fabbri en 1921 : « Lalutte contre le fascisme ne peut être menée effi-cacement que si elle frappe les institutions poli-tiques et économiques dont il est une émanationet dont il tire sa subsistance. De plus, les révo-lutionnaires qui visent à faire tomber le capita-lisme et l’État, s’ils se laissaient entraîner par lefascisme comme un éclair détourné par le para-tonnerre, et s’ils consacraient tous leurs effortset s’épuisaient à la seule lutte contre le fascisme,feraient le jeu des institutions mêmes qu’ils vou-draient voir détruites. En se servant des fas-cistes comme d’un croque-mitaine, l’Étatcapitaliste réussirait non seulement à se proté-ger et à se faciliter la vie, mais aussi à persua-der une partie du prolétariat de travailler encoopération avec lui et de prendre sa part du gâ-teau. »

Source : RFI et traduction d'un texte dugroupe Antithesi qui reprend la citation finale.

Sans frontièreSCette rubrique souhaite faire un tour d’horizon mensuel de ce qui se passeau sujet des sans-papiers, des migrants, des réfugiés en France et ailleurs. L’ob-jectif est double : celui d’informer sur les diverses situations migratoires, laplupart du temps dramatiques mais au delà de cet aspect humanitaire, il s’agitaussi et surtout d’évoquer les luttes en cours et de tenter de faire ressortir desleviers qui peuvent réinstaurer un rapport de force avec un État et consorts(partis, médias,opinion publique) de plus en plus xénophobes.

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courant alternatif - n° 299 - avril 2020 23

LUTTE DANS LES CRA FACE AU CONFINEMENT

Partout en France au lendemain des an-nonces de confinement, le 16 mars der-nier, des révoltes et des grèves de la faim

ont eu lieu pour demander de sortir de ces trouscomme à Lille, Lyon, Vincennes et Mesnil-Ame-lot. Juridiquement, des décisions de remise deliberté générale sont adoptés par quelques JLD(juge des libertés et de la détention) partant dudouble constat que les frontières européennesétant fermées il n'y a plus de renvoi possible etaussi que le risque de contamination appelé àla libération. Mais cela dépend de l’arbitraire duJLD or beaucoup ont refusé des libérations. S'ensuit des batailles juridiques en appel avec par-fois des confirmations d'enfermement comme àCalais. C'est du grand délire, la justice de classereste arbitraire et criminelle.

Pour les personnes enfermées, les conditionsse dégradent très rapidement. Plus de droit devisite, les associations d'accompagnement typeCimade ainsi que les agents de l'OFII (des fonc-tionnaires d'état qui gèrent l'enfermement) sontpartis ainsi que les personnes qui nettoient leslocaux. Il ne reste plus que les flics et une veillemédicale mais très réduite ! Voici quelques si-tuations particulières (en date du 20 mars). AuCRA de Coquelles, près de Calais, une semaineaprès l'annonce du confinement, des personnesétaient toujours enfermées. Une dizaine de re-tenus ont entamé une grève de la faim, uneperte de connaissance après 48h de non-ali-mentation tandis que les autres ont été forcé des'alimenter sous pression de ne pas avoir accèsà des médicaments ! La préfecture du Pas deCalais fait appel des décisions de libérationsprises par le JLD et gagne selon l'avis de la courd'appel de Douai qui qualifie le CRA « d'espacede confinement »adapté à la crise sanitaire ac-tuelle. Enfin, il y a encore eu quelques renvois ;1 algérien et 1 congolais ont été renvoyés dansleur pays d'origine. Au CRA de Bordeaux, ils ontendormi tout le monde en disant que le CRAétait fermé suite au décision de remise en li-berté. Certes les retenus bordelais sont sortismais la préfecture y enferme maintenant les re-tenus du CRA d'Hendaye mais aussi des tau-lards de Mont-de-Marsan ou de Pau. La décisiondu JLD d'Hendaye est portée en appel.

Source : Passeurs d'hospitalités, France 3régions, collectifs de lutte

DES MIGRANTS CONFINÉS DEHORS !ET DEDANS, UNE SITUATION TOUT

AUSSI HORRIBLE

On se doute que les personnes le plus tou-chées par la crise sanitaire sont les per-sonnes dehors et particulièrement les

migrants. A Calais, la préfecture parle d’uneprocédure de détection et d’orientation des cassuspects vers des centres de « desserrement »,mais uniquement chez les personnes présentantdéjà des symptômes. Or on sait que les conta-gions se font surtout pendant le période d'in-cubation et pendant ce temps là, les personnessont dehors. Aussi, les accès au accueil de joursont fermés, plus de possibilité de recharger sontéléphone par exemple. A Aubervilliers, un cam-pement de fortune vient d'être expulsé et lespersonnes relogées dans des gymnases avec desdistances de sécurité mais on doute de l'effica-cité de ces mesures tant les personnes serontnombreuses. Pareil situation dans les squats oùla promiscuité faut partie du quotidien. La si-tuation est aussi tendue dans les hébergementsd'urgence, notamment les CADA pour les de-mandeurs d'asile. Pareil pour les foyers de tra-vailleurs. A chaque fois, des remontées sontfaites sur le manque de matériel (savon, gel,masque, etc) et dans ces lieux de promiscuité, leconfinement va être horrible.

Face à cette situation sanitaire grave et alorsque l’État sort ses beaux discours sur le servicepublic de santé, rappelons que depuis quelquesmois, ce dernier a aligné le délai de carence d'ac-cès au soin à trois mois pour les demandeursd'asile (via la PUMA, protection universelle ma-ladie, ex CMU) sur la carence des sans-papiersvia l'AME (aide médicale d'Etat). Avant la crisedu coronavirus, l'académie de médecine avaitalerté sur cette situation sachant que les mi-grants sont, d'après le rapport, 6 fois plus ex-posés à des troubles de santé notammentmentaux. Aussi 1 migrant sur 2 ne ferait pasappel à l'AME car démarche trop compliquée.Elle est loin la fraude généralisée qui avaitpoussé le gouvernement à prendre ses mesures.Et aujourd'hui, les plus fragiles paient les sai-gnées budgétaires dans la santé. A la fin de ceconfinement, les leçons devront être tirées et les

luttes devront être fortes pour réclamer desmoyens d'existence digne sans condition de na-tionalité.

Source : Passeurs d'hospitalité, Le Monde

A MAYOTTE, DES JEUNESSE RÉVOLTENT

CONTRE LES EXPULSIONS

C'est le département français qui expulsele plus avec une course aux chiffres cardes expulsions quotidiennes ! En 2019, il

y a eu 27 500 expulsions vers les Comores, îlesvoisines d'où viennent la plupart des migrants.Le rythme en 2020 reste le même mais suscitede plus en plus de tensions de la part de jeunesqui ne sont pas expulsables contrairement àleurs parents. Mayotte compterait plus de 5 400enfants seuls vivant dans la plus grande préca-rité. Pas de logement décent et la moitié ne vapas à l'école alors que selon les statistiques of-ficiels 61 % d'entre eux ont entre 6 et 16 ans etprès de la moitié (44%) sont de nationalité fran-çaise via le droit du sol. Ainsi début mars, desaffrontements très violents ont eu lieu : lycéesassiégés, bus caillassés, barrages routiers, etc.Comme c'est le cas dans les territoires d'outremer, aucun mots en métropole et une violencepolicière bien plus forte ! Le préfet a pris desmesures d'urgence : les bus scolaires seront es-cortés par les gendarmes, les établissementsplacés sous surveillance de la gendarmerie etdes points de contrôle seront installés la nuitsur des axes routiers. Mais cela ne change rienà la situation extrêmement tendue sur l'île. De-puis 2018 et un grand mouvement contre l'in-sécurité mené par les « nationaux » de l'île, lasituation se clive. Des brigades de vigilance ci-toyenne sont mis en palce avec plus de 600 bé-névoles qui s'apparente à une milice pour «pacifier » l'île.

Source : Streetpress

Sans frontièreS

Jeunes à Mayotte

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24 courant alternatif - n° 299 - avril 2020

Jeux Olympiques radioactifs de Tokyo et négationnisme

nucléocrate

9 ans après la fusion du coeur de 3 des réac-teurs de la centrale de Fukushima, le gouverne-ment de ultra-nationaliste japonais japonais seprépare aux Jeux olympiques de Tokyo de juillet2020.

Fin février 2020 le « Collectif contre les JOradioactifs de Tokyo » organisait une série d’ac-tions et de réunions en Europe. Leur but étaitd’obtenir l’annulation des JO de Tokyo, ces« jeux de la reconstruction » selon le gouverne-ment de droite-droite de Shinzo Abe.

Des manifestations et des réunions pu-bliques se sont déroulées à Lausanne (devant lesiège du CIO), Lyon et Paris avec le docteur Ju-nichi Ōnuma(1) coordonnateur du site indépen-dant de mesures radioactives « le Site desdonnées pour tous » qui documente la pollutionradioactive de l’ensemble de l’archipel nipponsuite à Fukushima.(2)

Preuve du désintérêt militant sur ces ques-tions (l’empoisonnement nucléaire et l’aliéna-tion sportive) une quarantaine de personnes aumaximum avait fait le déplacement à Lyon.

Pourtant, on en appris de belles à cette oc-casion. L’étude montre qu’à partir la zone d’ex-plosion le panache radioactif de césium 134 et137, porté par les vents a gravement irradié auNord les préfectures de Miyagi et de Yamagata etau Sud celles de Ibaraki, Tochigi, Gunma, Iba-raki, Saitama et Tokyo (radioactivité anormaledans la baie de Tokyo, là où les compétitions detriathlon auront lieu).

Les autorités n’ont jamais informé les popu-lations et refusent toujours d’effectuer lemoindre prélèvement. Du point de vue sanitaire,certaines de ces zones devraient rester inhabi-tées pour au moins 100 ans, mais comme il nes’est officiellement rien passé...

Dans la Préfecture de Fukushima, les zonescontaminées vidées de leur population (150 000personnes) ont été ré-ouvertes au retour forcédes populations (par arrêt des aides au logementet des aides financières aux exilés). En réalité, le« taux de réinstallation des anciens résidents estinférieur à 10 % et les villes sont devenues desdortoirs pour les travailleurs du déclassementnucléaire. » (3)

Plus d’un million d’habitants de zonesproches et fortement contaminées n’ont ni étéinformés, ni évacués, ni protégés et pour les« jeunes enfants bénéficiant d’examens médi-caux, le cancer de la thyroïde a été diagnostiquésur 230 enfants », alors que le ratio normal estde 1 par million. Sans compter les maladies car-diaques, les dermatites, des cancers des os, desvoies biliaires et des leucémies.

Dans la Préfecture, la dose maximale admis-sible de radioactivité, fixée par l’AIEA à 1 milliSevert par an a miraculeusement été remontée à20 mSv/an ce qui est la dose maximale d’un tra-vailleur du nucléaire et l’AIEA a décidé (selonl’intervenant de la CRIIRAD présent) que cettedose deviendrait la norme en zone contaminéehabitée.

La situation à Fukushima est tellement« sous contrôle » que plusieurs centaines detonnes d’eau sont nécessaires pour continuer àrefroidir quotidiennement la fournaise nucléaire.L’eau radioactive est en partie récupérée et trai-

tée selon un procédé mis au point et vendu parAreva, mais il est impossible d’en éliminer le tri-tium. Un projet de tout balancer dans le Paci-fique a finalement échoué devant l’oppositiondes pêcheurs, mais patience…

Lors du dernier typhon d’octobre 2019, les« fortes précipitations ont lessivé les sols et lesvents violents ont soulevé la poussière trans-portant les radio-éléments au gré des courantsmarins et des rafales... » répandant la radioacti-vité toujours plus loin.

Les déchets solides de la décontaminationreprésentent 14 millions de tonnes. Ils étaiententreposés en plein air, un peu partout, n’im-porte comment sur 150 000 sites. Ils sont entrain d’être regroupés sur un seul « lieu tempo-raire de stockage » à Okuma. Coût : 13 milliardsd’€. Selon le journal Asahi Shimbu, la sécuritéest assurée car selon un fonctionnaire du Mi-nistère de l’Environnement « Nous avons misdeux couches de draps sous les sacs et sur lescôtés, dont l’une absorbe les particules de cé-sium radioactif. Même si le drap supérieur se

casse, ça évite la contamination des nappesphréatiques. »

La gestion de ces déchets a permis un su-perbe tour de passe-passe réglementaire. Danstoute installation nucléaire japonaise, dès qu’undéchet affiche plus de 100 becquerels/kg, il doitêtre stocké, traité voire retraité dans une instal-lation adaptée.

Miracle à Fukushima : les déchets de Fuku-shima et eux seuls, affichant jusqu’à 8000 Bq/kgsont considérés comme des déchets normaux, àéliminer dans les incinérateurs ou à réutiliser(remblais, brise-lames, routes..).

Dernière nouveauté nucléaire, les boules decésium.

Le césium est assez soluble dans l’eau ce quifait qu’une fois ingéré il est facilement éliminé.Par contre, les chercheurs ont découvert avecFukushima, l’existence de microparticules demétaux et de verre contenant du césium. Cesmicro-boules crées par la vaporisation des mé-taux de la centrale, entrent dans les organismes,s’y fixent et les contaminent pendant longtempscar elles ne sont pas solubles dans l’eau.

La complicité de l’internationale nucléocratedans le gestion du désastre est totale : AIEA(dont la devise est « l’atome pour la paix et le dé-veloppement »), l’UNSCAR (Comité scientifiquedes Nations unies pour l'étude des effets desrayonnements ionisants), ETHOS (ce programme

européen officiellement destiné à la « réhabilita-tion des conditions de vie dans les territoirescontaminés par l'accident de Tchernobyl en Bié-lorussie », roule pour le lobby nucléaire fran-çais), l’OMS ( qui n’a « aucune compétence enmatière de suivi sanitaire des accidents nu-cléaires et en dissimule les effets mortifères…puisque 80 % de son financement dépend désor-mais de contributions volontaires… des pays nu-cléarisés, de la fondation Bill et Melinda Gateset des fondations pharmaceutiques. » (1)

Et les JO dans tout ça ? L’avidité financièreet les pratiques mafieuses sont les mamelles duCIO. Avec l’État japonais ils s’est livré à une vé-ritable blitzkrieg pour imposer les JO « de la re-construction » aux populations. Avec un certainsuccès au vu des faibles oppositions rencontréesà l’étranger

Mais, tel Zorro surgissant de la nuit, Coro-navirus a marqué la fin des JO à la pointe del’épée. Ceux-ci viennent d’être reportés à 2021,pour le moment…

La ta-que-tique du gendarme

Nous sommes envahis d'informations sur leméchant virus empêcheur de continuer à vivrecomme avant en rond… Pour ce qui est de la res-triction des libertés et des risques sociaux etéconomiques que cette expérimentation gran-deur nature (état d’urgence, confinement) nousfait courir, nous (et d’autres) aurons l’occasiond’y revenir.

À propos de contrôle, le virus se charge derappeler aux grands géants bipèdes leur vanité àmaitriser en toutes circonstances le Vivant !

Du point de vue « vertement écolo », il peutêtre utile de lister les croisements entre pandé-mie et gestion de l'environnement : liens avec ladéforestation et la destruction d’écosystèmes,extension des monocultures qui contribuent àfaçonner un monde propice à la diffusion de cetype de virus, marchandisation des animaux vi-vants qui crée des foyers de contagion, contri-bution de la pollution de l'air qui devient uneautoroute pour la propagation du virus (l'une despossibles explications pour la progression fou-droyante dans le nord de l'Italie et les grand scentres urbains), mondialisation et généralisa-tion d'un tourisme effréné… En attendant, bienobligé de constater qu'on entend mieux les oi-seaux et que l'air sent meilleur et que les cen-trales nucléaires fonctionnent au ralenti.

Enfin, face à la déclaration « Les grands-pa-rents devraient être prêts à mourir pour sauverl'économie pour leurs petits-enfants. » du Lieu-tenant-gouverneur du Texas, Dan Patrick, véri-table manifeste du cannibalisme capitaliste, pasde pitié !

Freux et Eugene the Jeep

1- Biologiste moléculaire, opposant pendant 17 ans auprojet d’exposition universelle de Nagoya

2- Citizen’s radiation date map of Japan. Digest edition.Collectif. 2019. Disponible sur https://minnanods.net

3- Dossier de presse. Rassemblement devant le CIO deLausanne le 26 février 2020

4- L’invisibilité sociale de ce que procurent les femmesaprès un accident nucléaire. Françoise Bloch. In Dos-sier de presse(6) Le gouvernement a créé une cellulemilitaire pour surveiller les opposants à l’agro-indus-trie. Une alliance d’écologistes, de paysans, d’associa-tions environnementales, de médecins, etc. Reporterre,05/01/2020

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Il semblerait qu’un début decontestation se fasse jour, dansplusieurs endroits du monde,contre le déploiement de la dite« 5ème génération » de télépho-nie mobile, ou « 5G ». Il est vraique nombre de connaisseurs ti-rent la sonnette d’alarme depuisque celle-ci a été annoncée àgrands renforts de propagande,pour les catastrophes qu’ellepourrait apporter (ou plutôt, ap-portera avec certitude). Stopperle déploiement de la 5G sembledonc une évidence, mais pour-quoi s’arrêter en chemin ? Étei-gnons les téléphones mobiles,débranchons les antennes !

Cela fera bientôt un quart desiècle que la téléphonie mo-bile a envahi nos vies Si audépart seuls les pays richesétaient touchés, ce fléau a

rapidement envahi le monde entier. Il estdifficile d’avoir des données claires etprécises sur le sujet car les chiffres semélangent un peu ; et le flou est sansdoute entretenu dans le but de nousconvaincre que « tout le monde a un por-table aujourd’hui ». Mais on sait qu’il y aen France quasiment un téléphone por-table par habitant (bébés inclus !). En réa-lité, environ 95 % des adultes enpossèdent au moins un, ce qui permet deconclure qu’un individu sur 20 arrive às’en passer. Mais d’autres en possèdentdonc plusieurs… serons-nous bientôt àl’image des pays pétroliers du Golfe chezlesquels on compte déjà deux portablespar habitant, en moyenne ? Espérons quenon ! A l’échelle mondiale, déjà plus decinq milliards d’individus possèdent untéléphone mobile, et cela va en augmen-tant : les pays dits en développements’équipent de plus en plus.

Les effets « sociaux » de la téléphoniemobile sont à la fois connus de tous, etdélicats à affirmer sans nuances. Toutgrand bouleversement dans la consom-mation de masse a bien sûr des effets surle corps social : télévision, voiture, télé-phone (fixe), internet, train, etc, ont pro-duit leur lots de bouleversement dans lesrapports humains. Mais ces change-ments sont aussi en lien avec les évolu-tions sociales, et se mélangent les uns

aux autres. Par exemple, il semble acquisque le téléphone mobile favorise le replisur soi ; mais on peut tout aussi bien re-marquer que le succès du portable est dûaux progrès de l’individualisme car ilpermet -au moins illusoirement- de res-ter en contact facilement avec d’autrespersonnes dans un monde où noussommes de plus en plus atomisés. Nousn’allons donc pas parler ici des aspectsdits « sociaux », mais étudier les aspects(très) néfastes de la téléphonie mobilesur les humains (et sur le vivant !), afinde faire le lien avec la 5G et les opposi-tions qui commence à apparaître contrecelle-ci.

LES MICRO-ONDES ÇA CHAUFFE...

La téléphonie mobile, ainsi qued’autres technologies, utilisent desmicro-ondes. Contrairement à ce queleur nom semble indiquer, ce sont desondes centimétriques ou millimétriques(les ondes de taille micrométrique sontles infrarouges). De ce fait, elles font par-tie des ondes radio au sens large et nesemblent pas à priori dangereuses, aucontraire des ondes de forte énergiecomme les ultra-violets ou les rayons X.Les micro-ondes sont des rayonnementsdits « non-ionisants », et sont donc clas-sés dans cette catégorie, ce qui signifieentre autres qu’elles ne peuvent pas dé-truire des liaisons moléculaires dans lescellules. C’est vrai … mais les chosessont plus complexes que ça dans les or-ganismes vivants, comme on le verraplus loin. Les ondes radios, de plus enplus utilisées après à la seconde guerre

mondiale, sont dangereuses car à fortepuissance elles chauffent les matièresbiologiques : c’est pour ça qu’on a in-venté le four à micro-onde [1]. Les radars,et d’autres types d’antennes, ont occa-sionné de graves brûlures, parfois mor-telles, à ceux qui se sont retrouvés dansleurs faisceaux d’émission. Ce problèmeest donc bien connu, et normalementpris en compte dans les installations uti-lisant des ondes radio, mais qu’en est-illorsque ces ondes sont trop faibles pournous chauffer les oreilles de façon signi-ficative ?

On notera au passage que lorsque lestéléphones portables ont commencé à serépandre dans le grand public, de soi-di-sant étude sanitaires ont été effectuéesafin de mesurer les élévations de tempé-rature du corps humain autour du télé-phone. Elles n’ont rien montré de grave,tout au plus les utilisateurs avaientl’oreille un peu rouge, mais sans consé-quence apparente. Mais cela a permisaux industriels de focaliser l’attentionsur ce point (le réchauffement dû auxrayonnements) pour détourner l’atten-tion des phénomènes dits « non ther-miques ».

ÇA PERTURBE LES MOLÉCULES DU VIVANT...

Et pourtant, les effets néfastes durayonnement micro-onde ont été prou-vés dès la fin des années 50, lorsque desaltérations chromosomiques on pu êtremises en évidence. Les effets sur les êtreshumains des ondes électromagnétiques(dont les micro-ondes) ont semble-t-ilété beaucoup étudiés aux Etats-Unis et

science et société

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Contre la 5G ... et tous les téléphones portables !

Antennerelais detéléphonemobile envoie dedéguise-ment

1. Qui est unebelle connerie, carnon seulement il

ne cuit pas lesaliments commele ferait une cha-leur « normale »,mais en plus lesmolécules d’eauchauffées conti-nuent de se dé-

exciter plusieursminutes après lasortie du four etré-émettent des

micro-ondes dansnotre organisme.

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en URSS dans les années 50 et 60, maisune grande partie de ces études, effec-tuées par divers services plus ou moinssecrets des Etats, est restée confiden-tielle ; notamment dans les effets immé-diats de perturbation de l’état psychiquedes individus. Ceci a pu donner naissancepar la suite aux affirmations quelque peuexagérées comme quoi on pourrait« contrôler les esprits » à distance, par sa-tellite par exemple. Certes la CIA a réussià « parler dans la tête des gens » avec desondes basses fréquences, mais ce qu’ilest généralement possible de produire -avec des antennes adaptées- est plutôtde l’ordre d’une grosse migraine. Parfoisces études, couplées à d’autres, ont per-mis la mise en place de normes assezrestrictives : il en fut ainsi en ex-URSSpour la mise en place des lignes à hautetension, dont on sait qu’elles ont desconséquences négatives sur la santé. Evi-demment, les règles édictées n’ont étérespectées que dans la mesure où ellesn’entravaient pas le développement éco-nomique voulu par le plan quinquennal.(On remarquera que, que de ce point devue, il n’y a pas de différence notableavec la façon de faire occidentale, pourlaquelle les normes de pollution ne sontrespectées que lorsque ça ne coûte pas -trop- cher aux patrons ; beaucoup d’en-treprises préfèrent payer des amendes-d’un montant dérisoires- plutôt que defaire un effort quelconque). Il est à noterque les effets des lignes à hautes tension,dénoncés depuis bien longtemps par lesriverains et quelques spécialistes non in-féodés aux institutions, étaient aussi

confirmés par des travaux français nonrendus publics, mais ces résultats onttoujours été niés.

Au cours des années 70, plusieursétudes se sont intéressées aux effets bio-logiques des micro-ondes et ont démon-tré de façon concluante que celles-ci ontdes effets génotoxiques, c’est à direqu’elles perturbent ou endommagentl’ADN des cellules (du noyau et/ou desmitochondries). Cela peut donc générerdes cancers ou d’autres maladies.Lorsque la téléphonie mobile a été déve-loppée puis mise sur le marché dans lesannées 80 et 90, les effets délétères decette technologie étaient donc bien éta-blis. Pourtant, tout le monde -c’est à diretoutes les institutions responsables de lasanté publique dans le monde- a faitsemblant de ne pas savoir (ou était igno-rant sur le sujet, mais n’a pas vraimentcherché à se renseigner). Comme pourtoute les autres « innovations », on fait dufric d’abord, et on se pose les questionsaprès. Et les normes en vigueur àl’époque pour les ondes autorisaient àpeu près tout et n’importe quoi (de mé-moire ça n’a pas beaucoup changé de-puis…).

ET ÇA ENDOMMAGE NOS CERVEAUX !

Mais dès le début des années 2000,des chercheurs et des médecins tirent lasonnette d’alarme. Le nombre de cancersau niveau de la tête (et notamment de lapartie du cerveau proche de l’oreille) aug-mente fortement, même si au total ilsrestent bien moins nombreux que lescancers déjà très répandus. Sans sur-prise, personne ne sait pourquoi « offi-ciellement »… De plus en plus depathologies diverses sont constatéeschez les utilisateurs de téléphones por-tables et les riverains d’antennes relais :nausées, perte de mémoire et de concen-tration, saignements de nez réguliers, in-somnies, et d’autres moins évidentestelles des perturbations de l’activité céré-brale ou de la pression artérielle ; enfinune corrélation entre l’augmentation descancers et leucémies et la proximité desantennes relais est établie par plusieursétudes.

Enfin, et c’est sans doute un élémentparticulièrement grave, les ondes du té-léphone portable désagrègent la barrièrehémato-encéphalique. Celle-ci est situéeentre le cerveau et les vaisseaux sanguinsqui l’irriguent, et sert à filtrer ce qui vaaller dans les neurones afin de ne laisserpasser que le nécessaire. Le sang véhiculeen effet un grand nombre de moléculesdifférentes dont certaines sont toxiquespour le cerveau. Cette barrière très im-portante met environ deux heures à serégénérer, alors que le temps mis pourl’abîmer serait de l’ordre de 45 secondes(il est difficile de trouver des donnéesprécises à ce sujet, mais en tout cas uneminute au maximum). On comprendsdès lors qu’il aurait fallu, dès les débuts

de la téléphonie mobile, indiquer sur lesportables quelque chose comme « pasplus d’une minute ; respecter un inter-valle de deux heures entre chaque utili-sation » mais cela aurait ruiné lesopérateurs… Ceci a été redécouvert, ouplutôt réétudié, autour des années 2000mais était déjà connu : dans les années80 cet effet était étudié dans les tests suranimaux pour étudier la toxicité de mo-lécules nouvelles sur le cerveau ! La des-truction de la barrière hémato-encéphalique est un des éléments quipermet aussi de comprendre ce que l’onappelle la toxicité synergique [2] liée auxmicro-ondes : il a été constaté que les ef-fets toxiques des métaux lourds notam-ment étaient renforcés par les ondes detéléphonie.

DES LUTTES ÉPARSES ET PEU SUIVIES

De nombreux appels ont été lancéspar des médecins et chercheurs pour de-mander une modification drastique desnormes en vigueur (à défaut hélas de de-mander un arrêt de la téléphonie mobile,qui apparaît non seulement irréaliste vul’engouement général pour le portable,mais aussi incompatible avec la « liberté »du consommateur). Des luttes locales ontaussi lieu contre l’installation d’antennesrelais, ou pour protester contres cellesqui étaient mises en place et dont les ef-fets délétères se faisaient sentir. Mais leurcaractère très minoritaire et isolé n’a paspermis de ralentir l’invasion de la télé-phonie mobile, et les « victoires » parfoisobtenues consisteront généralement àdéplacer l’antenne qui sera installée unpeu plus loin. Les matraques des gen-darme ont eu raison des fortes têtes, et lerefus quasi-général de critiquer la télé-phonie mobile en tant que telle a limitéla lutte au terrain des normes sanitaires(mais sans force sociale pour arriver à lesfaire évoluer), ou au syndrome du« NIMBY » (« pas dans mon jardin », enanglais), amenant les antennes à être ins-tallées un peu plus loin ou à se faire plusdiscrètes. Voici un exemple parmi tantd’autres de victoire en trompe l’œil : uneantenne est placée au dessus d’une ca-serne de pompiers au Canada ; très viteles pompiers souffrent de maux tels quesaignements, troubles du sommeil et dela concentration, etc (la liste est longue) ;une lutte des pompiers avec les riverainsaboutira au déplacement de l’antenne,car les institutions comprennent bienl’importance d’avoir des pompiers enbonne santé, mais l’antenne sera dépla-cée sur le toit d’une école !

Ceci étant dit, l’envahissement des« nouvelles technologies » et le flicage as-socié étant de plus en plus visible, il sem-blerait que les actions de sabotage contreles antennes relais se multiplient Noussaluons ici les initiatives d’action directe,qui certes sans obtenir les effets que peu-vent avoir les mobilisations d’envergure(mais les actions « de masse » ne sont pas

2. La toxicité sy-nergique est lefait que deux poi-sons se renforcentlorsqu’ils sontprésents en-semble dans l’or-ganisme. Parexemple, le plombest toxique pourune certainequantité A etl’aluminium pourune quantité B. Sion prend un mé-lange de plomb etd’aluminium pourempoisonnerquelqu’un, onpourrait penserque prendre unemoitié de A et unemoitié de B amè-nerait à un résul-tat similaire. Ehbien non ! Il suffitde prendre uncentième de laquantité A+Bpour avoir lemême niveau detoxicité. Autantdire que lesétudes de toxicité,lorsqu’elle ne sontpas simplementignorées, minimi-sent fortement lesdégâts de l’empoi-sonnement géné-ralisé de la vie.

Antenne relais de téléphone mobile partiellement déguisée

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forcément plus efficaces !), contribuent àla lutte de façon politiquement trèsclaire : en détruisant ce qui nous détruit.

ETUDES TRUQUÉES, RAPPORTS BIAISÉS : LESMENSONGES DE L’INDUSTRIE...

Les industriels de la téléphonie mo-bile ont effectué de nombreuses étudesafin de « démontrer » l’innocuité de leurcamelote, généralement en finançant desinstitutions publiques de façon discrète,mais en faisant en sorte que les résultatsleurs soient favorables. Et comme les ins-titutions de recherche ont toujours be-soin d’argent, il s’est trouvé beaucoup degens prêts à « jouer le jeu » et aboutir àdes résultats décidés à l’avance. Il seraitvain de prétendre ici être exhaustif, jevais juste illustrer un peu.

Les entreprises de téléphonie mobileont donc lancé des études épidémiolo-giques pour analyser les effets du por-table sur les utilisateurs. Par exemple,pour étudier si une exposition prolongéedu téléphone est néfaste. Pour ce faire ilssont comparé une utilisation de courtedurée -à priori considérée peu dange-reuse- avec une utilisation de longuedurée (c’est à dire pour laquelle des effetsseraient éventuellement attendus). Or, sila « courte durée » retenue pour l’étudeest de 10 secondes, la « longue durée » estde 30 secondes ! Et cette étude est finan-cée par les entreprises qui facturent lesappels, donc qui savent que les conver-sation peuvent durer quelques heureschez les plus accros… On voit bien ici quel’étude a été conçue pour ne rien trouver.

Par ailleurs, le fait que les nom-breuses études financées par les opéra-teurs aboutissent à des conclusionsnégatives pour les risques sur la santé apermis de « noyer le poisson » et contre-carrer les résultats effectués par deschercheurs indépendants du lobby sansfil. Lors de l’analyse de cohortes d’étudespar les institutions étatiques ou interna-tionales, il était facile de mettre en avantles études ne prouvant rien afin de tou-jours conclure que rien n’était démontré.En outre, les représentants des indus-triels sont bien présents dans ces institu-tions, ce qui leur permettait de dénigrerles études indépendantes ou de minimi-ser leurs résultats. Parfois des études ontété conduites de façon étrange : parexemple, l’étude européenne interphone,dont la publication a été retardée de plu-sieurs années, n’a pas pris en compte lesplus gros utilisateurs de téléphone mo-bile. En outre, elle montre des liens sta-tistiques entre tumeurs cérébrales etutilisation du portable, mais trouve queses résultats « empêchent d’établir uneinterprétation causale ».

LA COLLUSION DES POUVOIRS PUBLICS...

Mais il serait faux de penser que cesinstitutions sont neutres et impartiales :

elles servent à la bonne marche du capi-talisme, et en sont généralement bienconscientes. Ainsi il y a une dizaine d’an-née l’OMS (organisation mondiale de lasanté), qui est noyautée par l’industriepharmaceutique, a effectué une trèsgrosse compilation d’études de divers ho-rizons. La personne (une sommité médi-cale) choisie pour rédiger la conclusion aanalysé les données présentées, et en adéduit la dangerosité de la téléphoniemobile. Mais sa conclusion n’a pas plucar elle n’était pas conforme à ce qui étaitattendu (du type « on ne peut pasconclure », « il n’y a pas de dangerprouvé »), et après un dialogue de sourdcet individu a fini par claquer la porte,pour être remplacé par un confrère plusconciliant… Enfin en 2011 l’OMS et leCIRC -centre international de recherchesur le cancer- ont fini par classer lesrayonnements électromagnétiques hy-perfréquences (donc en particulier lesmicro-ondes) en « peut-être cancérigènespour l’homme ». Ce qui ne veut pas diregrand-chose, et le permet de continuercomme avant la pollution aux ondes. Atitre de comparaison, on avait assezd’élément au début des années 2000(donc dix ans plus tôt !) pour classer lesmicro-ondes comme « cancérogène pro-bable » si on compare par exemple avecce qui s’est passé au début des années1980 pour le benzène, dont la toxicité estaujourd’hui reconnue.

Autre exemple : en 2008, alors qu’unevingtaine de cancérologues lancent unappel pour alerter la population sur lesdangers du portable, l’académie de mé-decine s’insurge et les accuse de « dra-matiser ». Le passif de cette académieinféodée aux pouvoirs politiques et éco-nomiques est connu, et il est clair que lasanté des êtres humains est le dernier deses soucis. Mais on se rappellera avec in-térêt que l’année précédente, une étudesuédoise confirmait le lien entre uneforte utilisation du portable et l’appari-tion de tumeurs cérébrales.

LES ETATS NOUS/SE PROTÈGENT

Enfin, lorsqu’en France des études ef-fectuées par des laboratoires publics ontdémontré le caractère génotoxique desmicro-ondes sur le vivant, l’administra-tion a fait fermer -dans le courant de l’an-née 2008- les laboratoires qui menaientces études (à Clermont-Ferrand, Rouen etBordeaux). Il et vrai que l’État, dans notresociété bourgeoise, est toujours du côtédes entreprises et défend coûte que coûtel’activité économique face au bien-êtredes individus. Mais il est aussi vraiqu’une technologie qui permet de pisterses sujets au quotidien intéresse beau-coup ceux qui nous gouvernent. En plus,très vite sont arrivées des lois « anti-ter-roristes » pour tirer parti du téléphoneportable : archivage de qui parle avec qui,écoutes massives facilitées, possibilité delocaliser facilement les gens « en temps

réel », et n’oublions pas que depuis ledébut de ce siècle, toutes les conversa-tions sur portables sont enregistrées etstockées pour une durée de six mois. Quia vérifié si elles étaient bien effacées aubout d’un certain temps ?

Pour résumer, on pourrait faire un pa-rallèle avec ce que disait un certain Lé-nine il y a un siècle environ : « lescapitalistes nous vendront la corde pourles pendre ». Aujourd’hui les patrons ven-dent des portables, leur expropriation nesemble pas à l’ordre du jour et les clientsde la téléphonie mobile payent pour êtreespionnés au quotidien dans leurs dépla-cements, leurs échanges, leurs relations,etc !

ET CHEZ LES ANIMAUX ?

Lors de l’installation d’antennes re-lais, il a parfois été constaté que les ani-maux changeaient de comportement,voir tombaient malade plus facilement.Des études ont permis de mettre en évi-dence les dégâts causés par les micro-ondes sur les fœtus (des malformationont été observées de façon ponctuelledans des fermes très proches d’antennesrelais). Les oiseaux sont désorientés etleur reproduction est altérée par la pré-sence des installations de téléphonie mo-bile. Enfin, il semblerai que ce soit lesinsectes qui souffrent le plus, carnombres d’études ont montré que leurvie était très perturbée par les ondes deportable (en termes d’orientation, de re-production, de résistance aux maladies,etc). Notamment des liens ont été faitsentre les antennes relais et les mortsmassives d’abeille ; mais si la téléphoniemobile a visiblement un rôle dans la dis-parition des abeilles, il ne faut pas mini-miser non plus le rôle des produitsphytosanitaires et de la pollution am-biante. Enfin les arbres directement si-tués dans les faisceaux d’émission despremières antennes relais (donc liées à lapremière génération de portables) peu-vent perdre leurs feuilles et tomber ma-lades.

DES ÉVOLUTIONS AU FIL DES GÉNÉRATIONS

Lors des passages aux « générations »suivantes de téléphone portable, il y a eu

Antenne relais

de téléphonemobile «totale-ment»

déguisée

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un certain nombre évolutions. Sans pré-tendre en faire le tour, on peut en men-tionner quelques-unes. Les petitesantennes qui dépassaient du téléphoneont été rentrées à l’intérieur : les fabri-cants ont ainsi pu placer à côté une sortede « bouclier » métallique afin que lesondes n’aillent pas dans la tête de l’utili-sateur ; mais ce faisant elles sont réflé-chies de l’autre côté, ce qui n’est pasforcément très sympathique pour lespersonnes autour. De ce fait, l’irradiationreçue par le cerveau est devenue moinsforte. Par ailleurs les antennes des 3G et4G sont moins directionnelles, et plusnombreuses, donc parfois mieux répar-ties. Les phénomènes très visibles obser-vés au début, tels des arbres perdantleurs feuilles à proximité d’une antenne,ou des troubles de santé concentrés surun endroit, ne se sont pas à priori multi-pliés ; on peut dire que la pollution parles ondes est devenue plus diffuse, maisaussi plus générale. Ainsi nous baignonstous, ou presque, dans une « fumée élec-tromagnétique ». Il semblerait que beau-coup de gens soient plus fatigués, laconcentration baisse ainsi que les capa-cités cognitives de la population en gé-néral, mais parce que cet état de fait esttrès étendu, il est justement difficile àconfirmer au-delà des observations sub-jectives. D’autant plus que si notre mé-moire s’altère de façon difficilementperceptible, il sera également plus com-pliqué de se rendre compte d’une dimi-nution légère de nos facultés. Dans lemême temps, les « fonctionnalités » duportable augmentent en parallèle des ca-pacités de transmission de données. Lebidule qui devait servir à téléphoner sertmaintenant de console de jeu, de navi-gateur internet, d’aide-mémoire, de dis-positif de localisation, d’enregistreurvidéo, de mouchard de poche… [liste nonexhaustive !].

LA 5G, LA NOUVEAUTÉDE TOUS LES DANGERS

La cinquième génération continue ce« progrès », mais avec une accélérationcertaine. Depuis 10 ou 20 ans certainsilluminés rêvent de connecter sur inter-net non seulement les humains (via unemachine dédiée appelée ordinateur),mais aussi toutes les appareils électro-niques que nous rencontrons dans notrequotidien. Pour les simples profanes quenous sommes, connaître les états d’âmede la machine à laver n’a que peu d’in-térêt, et on serait surpris de recevoir une-mail de l’aspirateur avec des photos devacances. Mais ces sympathies objets,qui rendent parfois bien service, peuventvisiblement faire encore « plus » pournous en communiquant entre eux … etsurtout avec un réseau global. On n’ima-gine pas en effet le frigo demander à l’as-pirateur s’il se sent bien dans le cagibi ;en revanche, ils vont devoir assister les

humains déjà envahis de « prothèses »en tout genre pour effectuer toutessortes de chose à leur place, et en parti-culier l’activité cérébrale. Le frigo va com-mander les courses, ce qui évitera d’avoirà écrire une liste, et l’aspirateur se pas-sera tout seul. Derrière tout cela, c’est unprojet à la fois de dépendance aboutieenvers les machines, mais aussi de sur-veillance globale qui souhaiterais semettre en place.

La 5G, utilisant des fréquences plusélevées que ses consœurs, nous est ven-due comme permettant plus facilementla communication de objets entre eux(les débits numériques de la 3G et de la4G étant apparemment à peine suffi-sants pour les humains eux-mêmes ?).En plus de cela, la couverture réseau de-vrait être encore meilleure, etc. Mais poury arriver, et parce que ces ondes iront« moins loin », il va falloir installer desantennes quasiment à chaque coin derue, généralement dissimulées dans lemobilier urbain ; et plus encore, une mul-titude de satellite devrait être installéeen orbite basse (à quelques centaines dekm de la terre). Il est prévu à terme plus20 000 satellites, soit une dizaine de foisle nombre déjà présent : du pur délire !

Le fait que ces ondes soient plusénergétiques, et qu’elles soient « par-tout » fait craindre le pire à nombre demédecins et scientifiques. Le caractère« pulsé » de ces ondes les rendrait aussiplus dangereuses pour les organismes vi-vants, à commencer par les êtres hu-mains. Mais pas uniquement : ainsi lesfréquences utilisées par la 5G font grim-per la température corporelle des in-sectes, alors que celles utilisées par lesprécédentes générations n’avaient pascet effet (ce qui ne les empêchait pasdéjà de les déboussoler et perturber leuractivité !). D’autres ont aussi noté que lesfréquences de plusieurs gigahertz de la5G sont très proches de celles utiliséespar les armes « non-létales » de contrôledes foules de l’armée US. Ces armes sontdes sortes de canons à ondes qui provo-quent une très forte sensation de brûlureet donc un réflexe de dispersion très fort.

En on prévoit aussi des nuisancesplus inattendues. Les météorologues dumonde entier s’alarment du déploiementde la 5G, car les ondes utilisées vont faus-ser les observations effectuées par les sa-tellites météo. Les ondes millimétriquesde la 5G pourront en effet être confon-dues avec la présence d’humidité : lamétéo risque donc d’être bien moinsfiable, et la prévision des risques tellesque les inondations sera bien plus diffi-cile.

Ce qui est clair, c’est que comme tou-jours nous allons être les cobayes d’une« expérience » à l’échelle planétaire, quiva toucher non seulement l’humanitémais la quasi-totalité des êtres vivantssur terre. Et le mot « expérience » estfaible, car en réalité les effets nocifs de lapollution aux micro-onde sont déjà

connus ; il serait plus exact de dire quel’on va irradier la surface de la terre, sanségards pour la vie ! Rien de très nouveaupourrait-on dire, mais le fait qu’enquelques années toute la surface de laterre soit soit touchée n’est pas banal : onpeut risquer une comparaison avec la pé-riode des années 50-60, pendant laquelleles essais nucléaire atmosphériques ontprojeté de la radioactivité tout autour duglobe.

L’appel international pour stopper la5G énumère les arguments principauxcontre le déploiement de celle-ci. Pour leconsulter, on peut aller sur leur site [3] etchoisir dans la liste à gauche la languefrançaise (pour les francophones, la paged’accueil étant en anglais). Si cet appelpropose une pétition pour les institu-tions nationales et internationales, il estimportant de réaffirmer que seul unmouvement de lutte réel permettra decontrecarrer les plans des classes domi-nantes. Et à ce propos, que doit-on pen-ser du fait que les villes qui ont choisid’établir un moratoire sur la 5G sans sefaire rabrouer sont soit des paradis pourmilliardaires (Palm Beach aux USA) oudes lieux stratégiques (Bruxelles, oùsiège le quartier général de l’OTAN). Etlorsqu’un tel mouvement se mettra enmarche, pourquoi s’arrêter en chemin ?Stoppons la 5G, et arrêtons la téléphoniemobile !

Un individu mobile mais sans portable

Post-Scriptum : je n’ai pas parlé de la si-tuation des EHS (Electro Hyper Sensibles)dans cet article faute de temps, mais, prispour des fous pendant longtemps, ils ont eule mérite de servir de « témoins » (bien invo-lontaires) des ravages que la téléphonie mo-bile inflige sur nos cerveaux. Le déni de leurpathologie par une bonne partie des scienti-fiques et médecins est scandaleux, et nousrappelle une autre horreur du même genre...Qu’aurait-on dit si à la suite de Tchernobyldes groupes d’experts avaient décidé de nepas considérer les cancers et malformationscomme des conséquences de la radioactivité,mais comme des maladies ayant leur origine« dans la tête des gens » ? Réponse : c’est bience qu’on tenté de faire les programmesETHOS et CORE dans les zones contaminées,programmes liés évidemment aux lobbys nu-cléaires !

3. www.5gspaceap-peal.org/the-appeal

Pour aller plusloin :Il existe plu-sieurs associa-tions luttantcontre la télé-phonie mobile,nous donnonsici les liens versdeux d’entreelles qui ont uneimplantationnationale et desrubriques« sciences » bienfournies qui per-mettent de prou-ver que lesdangers du por-table ne sontpas des affabu-lations dignesd’un évadéd’asile :- PRIARTEM quia aujourd’hui20 ans d’exis-tence :www.priartem.fr- Robin desToits : www.ro-bindestoits.org

Antenne relais de téléphone mobile subtilement déguisée

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international

29

Acratie : Dans la conclusion du livre, en2019 donc, tu écrivais que c’était de paix quele nord de la Syrie avait besoin et que celle-cin’était pas à l’ordre du jour. Un an après, lasituation ne semble guère s’être améliorée.

Effectivement. Il est toujours risqué dese livrer à des conjectures quant à l’avenirde cette région, tant les événements arri-vent précipitamment. On pouvait deviner,en 2019, que l’invasion turque aurait lieu,qu’elle n’était qu’une question de temps.Mais les « garanties » américaines sem-blaient malgré tout assurer au nord de laSyrie quelques années de répit.

On se préparait à l’éventualité d’uneinvasion : des conseils militaires se prépa-raient à passer dans la guérilla, des tran-chées et tunnels étaient creusés un peupartout. On pouvait cependant croire queles menaces de l’été 2019 n’était qu’uncoup d’esbroufe de plus de la part d’Erdo-gan, qu’un accord finirait par être trouvé.Il n’en fut rien. Depuis, il va sans dire quela situation sur place a empiré : des mil-liers de réfugiés s’entassent dans descamps de fortune dans la région de TelTamir et de Hesekê. Le processus de net-toyage ethnique, éprouvé à Afrin, est ap-pliqué dans la région de Serekaniyê.

En bref, l’administration autonome està nouveau engagée dans une guerre in-certaine, coûteuse, et ne peut en consé-quence investir comme il faudrait dansdes secteurs ravagés (infrastructures mé-dicales, éducation, rénovation des routes,etc.).

Tu parlais des ennemis extérieurs…L’Etat turc est à l’affût de la première occa-sion pour réduire à néant cet « accident del’Histoire » que constitue la Rojava. Pourl’instant c’est donc plus les ennemis exté-rieurs que les ennemis intérieurs, l’ENSK (1)par exemple, qui constituent le vrai danger...

Les événements survenus après la pu-blication du livre font que le danger prin-cipal est en effet extérieur. Il s’agit de l’Etatturc, bien sûr, mais également du régimesyrien qui ne cesse de répéter que les ter-ritoires du nord de la Syrie doivent revenirsous le contrôle gouvernemental.

Quant à l’ENKS, il faut relever que laguerre lui a redonné une importance qu’ilne pouvait espérer. En tant que tel, il ne re-présente rien ou presque au Rojava. Lesnégociations actuellement en cours aveclui visent en fait le PDK irakien (2), quicontrôle le seul point d’entrée au Rojava.Une aide à l’administration autonomesemble être le sujet des discussions, maiscette aide n’ira pas sans contreparties po-litiques... Et l’ENKS peut donc espérer ob-tenir, grâce à la puissance du PDK irakien,une place ne correspondant en rien à soninfluence réelle au Rojava. On peut cepen-dant se réjouir qu’un accord soit enfintrouvé entre les deux partis. L’ENKS, entant que tel, ne représente donc pas undanger immédiat pour les acquis de la ré-volution. Mais la politique trouble du PDKirakien, véritable tuteur de l’ENKS, son at-titude et ses liens économiques étroitsavec la Turquie peuvent représenter unemenace.

On a du mal, depuis l’Europe, à se faireune idée précise des jeux d’alliance et des in-térêts des différents protagonistes : le régimede Bachar, les forces « démocratiques »,Daech, etc., pour les autochtones ; la Russie,l’UE, la France pour d’autres…

On a du mal à le faire pas seulementdepuis l’Europe… La situation du nord dela Syrie est, je crois, unique par sa com-plexité et l’enchevêtrement des alliancesmilitaires. Le processus décrit dans « LaValse des impérialismes » (chapitre I, p.11,de Plaidoyer pour le Rojava) se poursuit,inexorablement…

Les Etats-Unis ont permis à la Turquied’envahir le Rojava en annonçant qu’eux-mêmes se retiraient… tout en maintenantsur place une présence militaire (là où seconcentre le pétrole en Syrie, au cas oùl’administration serait tentée d’en re-vendre un peu trop au régime) et en conti-nuant à armer et entraîner les FSD (ouFDS), Forces démocratiques syriennes ?(pourtant en guerre contre la Turquie).

Une alliance militaire a été scellée avecle régime, mais elle ne diffère pas, si cen’est par son étendue, des accords mili-taires qui avaient déjà été conclus ponc-tuellement (comme à Manbij ou à Afrin).Cet accord ne préjuge d’ailleurs en riendes relations futures entre l’administra-tion autonome et le régime syrien… Lestroupes syriennes avaient été appelées enrenfort car, jusque-là, elles n’étaient pasprises pour cibles par les soldats turcs – cequi a changé depuis. C’est donc désormaisla Russie qui assure la « protection » de lazone, tout en accordant à la Turquie desconcessions symboliques, comme les pa-trouilles mixtes turco-russes.

En bref, les Etats-Unis se sont redé-ployés dans les zones pétrolifères pourdonner un « os à ronger » à son allié turc,et pour garder le contrôle d’une dessources de revenu essentielles du régimesyrien avant 2011. Dans l’idée, toujours, decontrecarrer l’influence de l’Iran, qui n’ajamais autant profité des effets de la poli-tique américaine dans la région.

La Russie assure une « protection » mi-litaire relative et incertaine face à la Tur-quie, tant que cela correspond à sesintérêts propres et à ceux du régime sy-rien. Les militaires russes sont présentsdans le Nord-Ouest, des zones tenues parles FSD. Il arrive cependant que ces mili-taires croisent la route des Américains etque des incidents, sans gravité jusqu’ici,aient lieu.

De son côté, l’administration auto-nome a élargi l’éventail de ses alliancesmilitaires, et s’est dégagée de l’empriseexclusive des Etats-Unis, pour tenter depréserver une existence précaire.

courant alternatif - n° 299 - avril 2020

Rojava

La guerre contre l’expérience sociale

1. Comité natio-nal kurde en

Syrie. Fondé en2011, il se veut

l’autorité su-prême du Kurdis-tan syrien, mais il

n’a joué qu’unrôle militaire mi-

neur au Rojava. Ilne reconnaît pasl’administration

autonome. Prochede l’opposition sy-

rienne, il estmembre de la

coalition natio-nale syrienne des

forces d’opposi-tion et révolution-

naires basée àIstanbul.

2. Parti démocra-tique du Kurdis-tan. Prônant unEtat kurde indé-pendant, c’est le

parti du clan Bar-zanî qui dirige le

GRK, le gouverne-ment autonome

du nord de l’Irak.A deux reprises, il

a lancé des at-taques, conjointe-

ment avecl’armée turque,

contre le PKKpour chasser cedernier d’Irak.

Entre nettoyage ethnique et volonté de destruction par la Turquiedu mouvement Kurde, le Rojava résiste militairement et politique-ment dans un contexte particulièrement compliqué. Nous avonsposé quelques questions sur la situation actuelle dans le Nord de laSyrie à B. Sores, auteur du livre Plaidoyer pour le Rojava, Ré-flexions d’un internationaliste sur les aléas d’une révolution,paru récemment aux Editions Acratie.

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courant alternatif - n° 299 - avril 202030

international

Dans le livre, tu écrivais qu’à terme laTurquie ne pouvait pas gagner la guerre.En es-tu toujours aussi sûr ?

Je ne me risquerai pas à jouer les Cas-sandre, mais je suis toujours convaincuque cette guerre n’est pas gagnable, àterme, par la Turquie.

Il s’agit d’une guerre globale de l’Etatturc contre les YPG (3), mais aussi contrele courant politique dont les YPG sontissus et, enfin, contre le fait nationalkurde. Il s’agit donc d’une invasion à longterme, débutée en 2016 et qui se poursuit.La dernière phase en date de l’invasion(2019) a concerné une bande de territoireréduite, et s’est faite dans des zones ma-joritairement arabes où la Turquie pouvaitespérer bénéficier de rancœurs intereth-niques qui sont une réalité. Mais hormisSerêkaniyê, qui était une ville mixtearabo-kurde, aucune ville à majorité kurden’a été prise par la Turquie – à l’exception,bien sûr, d’Afrin en 2018. Il y a une raisonà cela : la région d’Afrin est le théâtred’une guérilla résiliente contre l’occupantdont rien ne semble venir à bout. Si la Tur-quie se risque à envahir les territoires ma-joritairement kurdes, elle n’y trouveraaucun soutien. Même l’ENKS, qui avaitpourtant participé à l’administrationturque d’Afrin, s’est depuis amendé et acompris qu’il n’avait rien à gagner de laTurquie.

Les territoires à occuper seraient im-menses, et la supériorité de l’arméeturque, qui réside essentiellement dansses frappes aériennes et son artillerie, se-rait fortement limitée en milieu urbain. Aquoi il faut ajouter que la Turquie n’a pasles moyens de ses ambitions et qu’elle de-meure fortement dépendante de ses alliés,nonobstant ses coups de gueule démons-tratifs contre ces derniers.

Enfin, la politique militaire turque asurtout une visée interne : en conquérantquelques dizaines de kilomètres, Erdoganpeut agiter le chiffon de la grandeur otto-mane restaurée…

Si tout ne peut se résumer strictement àdes intérêts économiques, j’imagine que cesderniers sont quand même très prégnants.Mais là aussi on a du mal à s’y retrouver…

Les intérêts économiques ne font eneffet pas tout. Ceux qui prétendaient, en2012, expliquer la situation par les seulsprojets de gazoduc en Syrie ont depuisquelque peu perdu pied. Néanmoins, il estclair que ceux-ci ont un rôle moteur.

Le Rojava et le nord de la Syrie sont desterritoires pauvres et peu industrialisés,donc fortement dépendants de leurs voi-sins. Ce malgré des efforts pour accroîtrela production locale, ces dernières années.Les seules ressources estimables dont dis-pose l’administration autonome sont lescéréales (revendues principalement au ré-gime syrien) et les réserves de pétrole. LesFSD contrôleraient plus de 80 % des ré-serves avérées. Si, à l’échelle mondiale, ces

réserves représentent peu (et ne sont enrien comparables avec, par exemple, cellesde l’Irak), elles sont néanmoins une sourcede revenu dont les Etats-Unis veulent àtout prix priver le régime syrien. Ce qui ex-plique qu’ils rechignent tant à quitter laSyrie, tout en l’ayant annoncé à plusieursreprises et au grand dam de leur allié turc.Le nord de la Syrie a moins une impor-tance économique par ses ressourcespropres que par sa situation stratégique,au carrefour entre la Turquie, le reste de laSyrie et l’Irak, et dans le transit potentieldes énergies.

Le problème économique majeur duRojava, c’est d’être un territoire enclavé,qui plus est au sein d’entités hostiles. Il nedispose d’aucun accès à la mer et sa porteprincipale de ravitaillement est le poste-frontière de Sêmalka avec le Kurdistan ira-kien. Il existe d’autres routes via lesterritoires sous contrôle du régime, maisla production syrienne ne saurait rempla-cer les produits, turcs notamment, qui en-trent via Sêmalka.

L’autre problème pour le Rojava, c’estque les Américains font pression pour li-miter les ventes de pétrole au régime sy-rien, l’un des seuls clients disponiblesdans la région. Ce qui limite donc les re-venus de l’administration autonome…

En dehors du Rojava, où en est le mouve-ment kurde, du moins en Turquie ?

Sa situation est mauvaise, pour allervite. L’Etat turc dispose, depuis les purgesconsécutives au coup d’Etat manqué en2016 puis la réforme de la Constitution,d’un arsenal terrible pour écraser le mou-vement kurde. Le HDP, principale force po-litique kurde, a payé cher le soutien dont ilbénéficie et ses succès électoraux. Un rap-prochement avait été tenté avec les autrespartis d’opposition turcs, mais l’ententeentre les Kurdes, les kémalistes et les na-tionalistes turcs n’a pas résisté à l’invasiondu nord de la Syrie. Le HDP, seul parti d’en-vergure à avoir condamné celle-ci sans ré-serve, a vu ses rangs diminuer du fait desarrestations successives (il y en a eujusque chez les députés et les dirigeantsde ce parti).

La guérilla du PKK poursuit ses activi-tés au Kurdistan turc, aidée par d’autresorganisations révolutionnaires turques,mais les revers subis en 2016 et les des-tructions consécutives (des quartiers en-tiers habités par des Kurdes ont été raséspar l’armée turque) ont laissé un souvenirvivace.

Tu disais, au début de cet entretien, que laguerre était un obstacle au développement et

à la consolidation de l’expérience sociale quia vu le jour au Rojava. Cela est compréhen-sible : la guerre a toujours eu cet effet, onpourrait même dire qu’une de ses fonctionsest d’être un rempart contre les tentativesfaites par le peuple pour prendre du pouvoir.Pourtant, j’imagine mal que cet « accident del’Histoire » que constitue le Rojava puisse dis-paraître aussi aisément, et j’espère que destentatives visant à approfondir cette expé-rience existent encore.

Je l’imagine mal moi aussi. La guerre apour but de réduire à néant l’expériencesociale du Rojava, et l’on peut dire quecelui-ci est menacé en tant qu’entité poli-tique. Cependant, et c’est un paradoxe, laguerre et le fait que l’existence du Rojavane soit plus garantie ont aussi pour effetd’approfondir la révolution, à tout lemoins de limiter l’opportunisme de cer-tains. Rejoindre l’administration auto-nome aujourd’hui n’est plus aussi« confortable » que cela avait pu l’être et,surtout, cela ne garantit aucune « car-rière » à long terme.

La guerre d’invasion, la menace exis-tentielle, a ravivé une ferveur populairequi était largement retombée depuis 2011-2014. Cela avait déjà été le cas à Afrin, oùd’énormes manifestations populairesavaient eu lieu en réponse à l’invasion, etoù des civils s’empressaient de venir detous les coins du Rojava. Les YPG, quiétaient devenus au fil des ans une arméeprofessionnelle, ont depuis l’invasionturque renoué avec les traditions de laguérilla.

Certains de leurs membres ont pourhabitude de dire que la guerre est unechose simple en comparaison de la paix :l’ennemi y est clairement identifié et l’ob-jectif (vaincre) est clair. Mais préserver lesacquis de la révolution, approfondir celle-ci et, surtout, prémunir ses rangs des op-portunistes de tout poil est une autreaffaire.

Malgré tout, est-ce que le fonctionnementdémocratique « communaliste » mis en placedans la région autonome parvient encore àfonctionner ?

Le système continue à fonctionnermalgré les épreuves. En revanche, il est in-déniable qu’il a connu des difficultés. Pa-radoxalement, une fois de plus, ilsemblerait que ce soit en 2015-2018 qu’ils’est quelque peu « essoufflé ». Non quel’administration autonome n’ait plus étévue comme légitime – le fort taux de par-ticipation aux élections de 2017 prouve lecontraire. Mais une lassitude, ajoutée à lafin des garanties occidentales et à une si-

Rojava

3. Unités de dé-fense du peuple.Elles jouèrent unrôle majeur dansla défense du Ro-java et la des-truction deDaech. Cette mi-lice essentielle-ment kurdeaccueille desc o m b a t t a n t sarabes ; elle estdotée d’unebranche fémininedepuis 2013.

Manifestation à Kobane contre l’intervention militaire à Afrin

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tuation économique très difficile, avaitfait que l’élan populaire était un peu re-tombé, notamment vers les communes,que les mêmes personnes revenaient, quedes logiques de réseau se mettaient enplace, etc.

Ce phénomène était réel, on pouvaits’en rendre compte de façon palpable.Personne ne peut cependant l’estimerprécisément, car les études de terraincomplètes et sérieuses n’existent pas,pour le moment.

Mais là encore, l’invasion turque a re-donné un souffle nouveau aux com-munes, dans la mesure où tout le mondese sent à nouveau concerné parles prises de décision.

Le phénomène décrit plushaut pose une question, récur-rente, aux révolutionnaires : com-ment continuer à mobiliser, sur lelong terme, dans des processusdécisionnaires qui prennent dutemps ? Comment éviter que leslogiques de réseau et de copinagene parasitent les prises de déci-sion ?

J’aurais voulu aborder aussi laquestion palestinienne. Les derniersdéveloppements de cette dernière ont-ils un impact au Rojava, ou aucontraire paraissent-ils assez lointains ?

D’après mon expérience, la questionpalestinienne semble assez lointaine. Si lePKK est par son histoire lié aux mouve-ments palestiniens (ses premiers com-battants furent formés dans les camps dedivers mouvements, dont le FDLP (4)celui-ci s’en est progressivement distan-cié. Des liens ont été rompus lorsque lePKK a été prié de quitter le Liban, en 1998.Le PKK reproche au mouvement palesti-nien de s’être embourgeoisé, de s’être troplié aux Etats arabes pour en devenir uninstrument. Je passe sur le Hamas, qui estun repoussoir pour le PKK. La « dégéné-rescence » supposée du mouvement pa-lestinien est souvent citée comme uncontre-exemple à ne pas suivre par le PKKet ses mouvements alliés.

Cependant, on aurait tort de croireque le PKK serait, comme le prétendentles nationalistes turcs, à la botte d’Israëlet des sionistes. Le PKK considère explici-tement, dans ses publications, Israëlcomme un ennemi. Des liens subsistentmalgré tout avec la gauche palestinienne: lors du Congrès du HDP à Ankara en2018, Leyla Khaled se permit de condam-ner vertement l’invasion turque du can-ton d’Afrin. Une conférence des différentsmouvements socialistes du Moyen-Orienta été organisée en 2019 au Rojava. Enfin,certains Palestiniens réfugiés en Syrie ontrejoint les rangs des YPG.

Et les internationalistes, quelle est leursituation sur place, dans ce contexte ? Et,lorsqu’ils reviennent, y a-t-il des exemples derépression ?

Les internationalistes sont encore surplace ; beaucoup se sont battus contrel’armée turque à Serêkaniyê, et certains ysont tombés au combat… Si la fin de laguerre contre Daech avait amené les YPGà suspendre leur programme internatio-nal, l’invasion turque a provoqué la réac-tivation de celui-ci.

Les politiques répressives des diffé-rents Etats, détaillées dans le chapitre «Surveillance et répressions » du livre, ontévolué comme le laissait pressentir la si-tuation de ceux qui avaient combattu àAfrin. Le Royaume-Uni, par exemple, estl’un des pays les plus absurdement ré-

pressifs. Plusieurs volontaires s’y sont vuretirer leur passeport, certains y sont misen examen pour leurs liens supposés avecune « organisation terroriste ». Beaucoupsupportent mal d’être accueillis en pariasà leur retour.

Dans le cas de la France, « les services» ont opté pour la surveillance plutôt quepour la répression immédiate. Douchéspar la piteuse « affaire de Tarnac », jedoute qu’ils se risquent à un procès, àmoins d’être sûrs de disposer de preuvesaccablantes. Car, politiquement, il seraitpour le moins maladroit de faire condam-ner un internationaliste…

Certains sont approchés avant leurdépart, d’autres après leur retour. Cer-tains, hélas, se montrent réceptifs à la «bienveillance » du renseignement fran-çais. Celui-ci use de flatterie, quelquefoisde menaces, pour utiliser certains inter-nationalistes comme des sources d’infor-mation. Pour ceux qui ne sont pasconsidérés comme des sources poten-tielles, il est certain qu’une surveillancediscrète persiste à leur retour.

Nous pourrions terminer par la solida-rité. Les événements en France, mouvementdes gilets jaunes et grève contre le projet deréforme de la retraite, ont quelque peu misau second rang la solidarité internationale,en particulier celle vis-à-vis des Kurdes.Selon toi, qu’est-ce qu’il est souhaitable etpossible de faire ?

Il est vrai que le Rojava n’occupe plusqu’occasionnellement les médias, et l’at-tention des milieux militants. Mais jepense que cela est réjouissant. Je renvoie

à la citation de Riza Altun (un dirigeanthistorique du PKK), donnée en fin d’ou-vrage, selon laquelle le but des révolu-tionnaires européens, au-delà de lasolidarité internationale, est d’abord defaire la révolution dans leur pays. C’estdonc une bonne chose que les milieux mi-litants soient plus affairés à lutter chezeux qu’à s’occuper de mouvements so-ciaux dans d’autres parties du mondefaute de mieux.

Et c’est là le vrai sens de l’internatio-nalisme. Ce n’est pas de faire faire de «l’humanitaire rouge », mais d’apprendred’expériences révolutionnaires pour faire

la révolution chez soi. Quedes gilets jaunes se soient in-téressés à la révolution duRojava et au confédéralismedémocratique, pour nourrirleurs débats sur les formesd’organisation, est la plusbelle solidarité qu’ils aient putémoigner aux YPG.

Cependant, si l’on veutapprendre de la révolution duRojava, il faut étudier celle-citelle qu’elle fut vraiment, etnon à travers les discours for-tement idéalisés d’apologèteseuropéens, souvent aussibéats que mal informés. Pré-

tendre, par exemple, que la révolution duRojava aurait triomphé par son horizon-talité parfaite est un mensonge, et peutêtre lourd de conséquences si l’on en tirede mauvaises conclusions, en Europe,dans un mouvement social.

Ce qui peut être fait en Europe peutdonc se résumer comme suit. Fairemontre de plus de solidarité envers les or-ganisations kurdes, lors de manifesta-tions par exemple. Apprendre duprocessus révolutionnaire pour en tirerdes leçons pratiques dans nos mouve-ments sociaux et nos organisations en Eu-rope. Enfin, faire preuve de critiques et seméfier des « vendeurs » d’un Rojava fan-tasmé, qui jouissent hélas d’une audiencelarge dans les milieux militants.

Est-ce que tu aimerais ajouter quelquechose ?

J’aimerais ajouter une pensée pour lescamarades qui sont tombés au combat etdont la liste est, hélas, loin d’être close.J’invite à consulter le fichier des martyrs,accessible en ligne, et à se documentersur ceux qui sont tombés, Kurdes, Arabes,Turcs ou Européens. La guerre n’est pascette chose lointaine et abstraite, une suc-cession d’avancées et de retraites sur lacarte d’un pays lointain, c’est une réalitéhumaine à laquelle nous n’échapperonspas, en Europe. Les visages des martyrssont là pour nous rappeler la violence dela lutte révolutionnaire, et le prix à payerpour tout pas en avant, pour toute révo-lution.

20 mars 2020

international

31courant alternatif - n° 299 - avril 2020

Rojava

4. FDLP. Front dé-mocratique pourla libération de laPalestine. Scissiond’extrême gauchedu FPLP de G. Ha-bache dont la fi-gure la plusconnue est NayefH a w a t m e h .Membre de l’OLP,mais opposé àMahmoud Abbas.

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Jusqu’à la fin du siècle der-nier, il y avait en Italie, àRome en particulier, des ma-nifestations qui rassem-blaient 1 ou 2 millions de

personnes sur un thème central précis,politique ou syndical, et qui occupaientrégulièrement l’espace politique… Maisc’est fini aujourd’hui parce que la ba-taille contre les restructurations des en-treprises et pour la défense de l’emploia été perdue.

La défaite de la lutte menée, dansles années 1990 à la FIAT, contre la re-structuration de l’entreprise et les 40000 licenciements qui l’accompa-gnaient a en effet marqué la fin d’uncycle. Les syndicats ont ensuite acceptél’idée qu’il y avait une « communautéde destin » entre les ouvriers et l’usinedans laquelle ils travaillaient : ils ontcommencé à lier la condition des tra-vailleurs, et son amélioration, à labonne ou la mauvaise santé de l’usineou de l’industrie les employant. Cet étatd’esprit a complètement changé lesrapports avec le patronat, qui en a pro-fité pour imposer des conditions de tra-vail encore pires.

Il a modifié en profondeur l’organi-sation de la production grâce aux délo-calisations, la sous-traitance étantassurée à l’étranger (notamment enChine et à Taïwan) plutôt que par despetites entreprises italiennes. Ce chan-gement a laissé les salarié-e-s démunis.Toutes les conquêtes des années 1960 et1970 ont peu à peu été récupérées –qu’il s’agisse du régime des retraites oude la loi sur le statut des travailleursvotée en 1970.

Cette loi, arrachée par la lutte desannées 1968 et suivantes, avait assuréune protection aux salariés en matière

de santé et contre les licenciements, endonnant la possibilité de s’organisersyndicalement dans les entreprises, etpendant longtemps elle avait servi derempart contre les attaques patronalesvisant à éliminer cette protection. Elleexiste encore sur le papier, mais elle aété progressivement modifiée sur denombreux plans. Actuellement, que cesoit au niveau des horaires de travail,des conditions de sécurité ou en ma-tière de santé, on est revenu aux années1950 et, qui plus est, toutes les formesde travail précaire ont été légalisées, cequi empêche de faire grève contre laprécarité.

En acceptant l’idée d’une « commu-nauté de destin », les syndicats tradi-tionnels ont ainsi perdu peu à peu leurfonction historique de défense des tra-vailleurs ; cette fonction n’est plus as-sumée que par les syndicats de basemais, vu leur faiblesse numérique,ceux-ci ne peuvent le faire à la mêmeéchelle que dans les années 1970.

LE PAYSAGE SYNDICAL

Malgré tout, l’Italie compte encoreenviron 10 à 12 millions de syndiqué-e-s, ce qui correspond à près de la moitiédes salarié-e-s (3).

Côté syndicats traditionnels, 4 à 5millions d’adhérent-e-s sont à la CGIL(l’équivalent de la CGT en France) ; unpeu moins de 4 millions à la CISL (com-parable à la CFDT en France) ; 2 millionsà l’UIL (FO en France).

Pour compléter ce tableau, il fautpréciser qu’une grande partie des syn-diqués sont des retraité-e-s (presque lamoitié, à la CGIL) du fait des départsprématurés liés aux restructurations etde l’allongement de la durée de la vie.

international

courant alternatif - n° 299 - avril 202032

Italie

Un panorama politique et social

Au moment où les médias fran-çais ne parlent plus de l’Italie quesous l’angle du coronavirus, nousavons voulu faire un tour d’hori-zon de la situation générale, poli-tique et sociale, de ce pays. Lecontenu de cet article est pour l’es-sentiel tiré de l’interview d’un ca-marade anarchiste que nousavons réalisée fin février à Ra-guse. L’Italie ne connaissait alorsque quelques cas de personnescontaminées par le virus dans leNord, c’est pourquoi il n’en a pasété question. Membre de la rédaction du

mensuel Sicilia libertaria (voirl’encadré) et cheminot à la re-traite, Pippo est secrétaire provin-cial de la Confédération unitairede base (CUB) des transports deRaguse et militant actif dans lemouvement No MUOS (1), qui sebat pour la démilitarisation d’unedes principales bases américainesen Sicile (2).

Ce « journal anarchiste pour la libération sociale et l’internationalisme » est un men-suel dont le siège et la rédaction sont à Raguse (). A sa fondation en 1977, il avait pourspécificité de vouloir remettre en question les relations colonialistes entre l’Italie du Nordet la Sicile, celles-ci faisant partie d’un processus de développement capitaliste qui assi-gnait aux diverses régions des rôles différents mais reliés entre eux. Il était par consé-quent « critique à l’égard de toutes les explications politiques et économiques basées surl’industrialisation du Sud et sur son développement (capitaliste) censé être la conditionlui permettant de sortir de sa subordination économique et sociale au Nord ».

Dans un document publié en 1984, Projet de document programmatique pour l’in-tervention en Sicile, l’équipe rédactionnelle a essayé d’actualiser et de renforcer les basesthéoriques et stratégiques du journal, pour appuyer les pratiques dont il était un instru-ment, dans le but de « réaliser l’anarchie en Sicile ». « Avec la naissance, en 1997, de laFédération anarchiste sicilienne, avec laquelle nous marchons dans un soutien mutuelfraternel, a-t-elle écrit, un nouveau pas en avant a été franchi en termes stratégiques,confirmant la perspective de construire “une Sicile anarchiste dans un monde anar-chiste”. »

1. Nous revien-drons sur cettelutte dans unprochain nu-méro de CA.

2. Le 16 janvier,il a étécondamné à sixmois d’empri-sonnement pourdes faits concer-nant une initia-tive organiséepar No MUOS.

3. En France, aumaximum 10 %des salarié-e-ssont syndiqués.

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Ce sont souvent eux qui font tournerl’appareil syndical, et qui assurent parleurs cotisations la paie des employéset des dirigeants.

Les syndicats de base sont asseznombreux en Italie (voir l’encadré sur l’es-sor du syndicalisme alternatif). Parmi eux,les Cobas, la CUB et l’USB se distinguentpar leur présence continue, depuis desannées, et par leur emprise réelle surles mobilisations et dans les conflits so-ciaux ; mais leurs dynamiques de luttesont différentes :

• Les CobasCes « comités de base » sont nés

dans les années 1980 à partir de luttesmenées dans le secteur public (l’ensei-gnement et les transports surtout), surla constatation que les syndicats tradi-tionnels, bureaucratisés, ne permet-taient plus de conduire à des victoires.Ils se rapprochent cependant actuelle-ment, en ce qui concerne les moyens etl’organisation, du syndicalisme tradi-tionnel même si certains se situent àl’extrême gauche. La fédération de cescomités de base est une organisationcentralisée comme un parti politique, etelle a connu plusieurs scissions. Lescinq ou sept Cobas qui existent présen-tement sont très liés aux mouvementsde gauche, et organisent plus ou moins,au total, 500 000 travailleurs.

• La Confédération unitaire de baseLa CUB a été créée en 1991 par des

militants sortant du syndicat catho-lique CISL, de réseaux alternatifs delutte ou simplement de mouvementsde lutte. Il y avait en particulier là dessyndicalistes historiques de la région deMilan appartenant à la fédération desmétallurgistes de la CISL, qui était d’ex-trême gauche.

Cette confédération dans laquelleles fédérations locales ont beaucoup depouvoir compte environ 1 million d’ad-hérent-e-s ; elle est particulièrementprésente dans la métallurgie et d’autressecteurs industriels, dans les transports(aérien et ferroviaire), la grande distri-bution et la santé.

Les anarchistes s’y trouvent pour laplupart – davantage que dans l’USI, quiest plus spécifiquement anarcho-syndi-

caliste et implantée surtout dans lasanté, notamment à Milan. Quoique sedéfinissant comme un syndicat, l’USIn’a pas de réelle présence dans lemonde du travail.

Les militant-e-s d’extrême gauchese retrouvent quant à eux plutôt dansles divers Cobas, à l’USB ou dans la CUB,et développent souvent des luttes uni-taires soit sectorielles, soit générales.

Membre du Réseau européen dessyndicats alternatifs et de base et duRéseau syndical international de soli-darité et de lutte présent sur tous lescontinents, la CUB entretient des rela-tions internationales, en particulieravec la CGT espagnole et avec Solidaires(les SUD) en France, dont elle est prochepar la pratique et les idées. Beaucoupplus décentralisée que les Cobas, ellen’a pas de presse ni de radio fédérale,seulement des bulletins (comme celuides cheminots) et des sites Web de sec-tion.

• L’Union syndicale de baseL’USB, scission de la CUB, est très lé-

niniste.En adhérant à la CUB, ses militants,

qui étaient très présents dans le secteurpublic, à la Sécurité sociale et chez lespompiers, avaient essayé de la contrô-ler, mais n’y étant pas arrivés du fait deson organisation fédéraliste et auto-nome, ils ont fini par la quitter. L’USBreste très forte dans ces secteurs. Elle aenviron 350 000 adhérent-e-s et sonfonctionnement rigide rappelle celuides syndicats staliniens dans les an-nées 1950 ; ce n’est pas par hasardqu’elle a adhéré à la Fédération syndi-cale mondiale.

LE PAYSAGE POLITIQUE

Aux législatives de 2018, le Mouve-ment 5 Etoiles (M5S) de Beppe Grillo aobtenu 32 % des voix ; la coalition ditede centre droit, mais où figuraient laLigue de Matteo Salvini (extrêmedroite), Fratelli d’Italia (parti ouverte-ment fasciste) et Forza Italia de SilvioBerlusconi (conservateurs), 27 % ; la

coalition du centre gauche, menée parle Parti démocrate, 22 %.

Pour gouverner, le M5S s’est allié à…la Ligue qui, en remportant 18 % desvotes à elle seule, avait devancé ForzaItalia (14 %) ; cependant, les deux partisse sont ensuite opposés sur de nom-breux sujets, tandis que Salvini impo-sait sa ligne politique au gouvernement,en particulier concernant les migrant-e-s. Aux européennes de 2019, le rap-port de forces s’est inversé : la Ligue adépassé les 34 % des voix tandis que leM5S tombait à 17 %. Salvini a alors faitéclater la majorité gouvernementale enréclamant des élections anticipées et,pour le contrer, le M5S s’est allié… auPD.

• Le Parti démocrate et l’extrêmegauche

L’effondrement de la gauche dansun pays où elle fut une composante ma-jeure de la société, sur le plan culturelet politique, est lié à l’abandon de son« âme » et de sa culture par le Parti com-muniste (4). Le PCI s’est en effet uni, en2007, à l’aile gauche de la Démocratiechrétienne pour fonder un Parti démo-crate qui est un prolongement du« compromis historique » (5). Dans ceparti qui s’allie selon les circonstancesavec telle ou telle autre formation poli-tique, ses militant-e-s se sont retrouvésavec des personnes liées à une autreculture, celle de l’Eglise et de son action

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33courant alternatif - n° 299 - avril 2020

Italie

L’ESSOR DU SYNDICALISME ALTERNATIF

Le syndicalisme alternatif est devenu un phénomène impor-tant dans les années 1990 : les syndicats alternatifs qui existaientdéjà ont alors été renforcés par des gens sortant des syndicatstraditionnels et par d’autres venant de mouvements de lutte.

Les syndicats alternatifs portaient le nom de Rappresentanzedi base (RdB) ; et il y avait également l’USI (qui correspond à laCNT française et espagnole, et qui a grossi avant de connaître unecrise et des divisions au cours de cette décennie-là). Des luttes im-portantes se sont développées dans le secteur public : dans l’édu-cation, elles ont débouché sur les comités de base appelés Cobas; et, dans les chemins de fer, sur la création du COMU, qui orga-nise seulement les conducteurs mais qui a pesé d’un certainpoids. Dans le secteur privé, enfin, il s’est formé un syndicat al-ternatif chez les métallos : la FMLU.

Ces diverses dynamiques ont débouché sur la formation, en1991, de la CUB (Confédération unitaire de base) : celle-ci a ras-semblé les RdB, la FMLU et d’autres groupes, mais pas le regrou-pement né des comités de base de l’école et baptisé Unicobas.

Autour d’Alfa Romeo, il s’est créé un autre regroupement, leSLAI-Cobas, qui en 1994-1995 a scissionné : un groupe, appeléSIN-Cobas, est resté proche de Refondation communiste ; l’autreest critique par rapport à ce parti. Le SLAI-Cobas est un syndicat-parti (il a deux députés et touche donc de l’argent en tant qu’or-ganisation parlementaire) ; les SIN-Cobas sont plutôt dessyndicalistes classiques. De nos jours, la galaxie des Cobas secompose également de SI-Cobas, AL-Cobas, SOL-Cobas…

Enfin, dans le secteur public, une minorité de gauchistes desannées 1970-80 a quitté les syndicats corporatistes alternatifsexistant quand, à l’arrivée de la droite au gouvernement en 1994,ces derniers ont adopté des positions progouvernementales. Cetteminorité a donné naissance à la CNL, qui a eu un certain poidsdans le secteur public à Rome, mais qui n’existe plus.

(Ces informations sont tirées d’un texte de Cosimo Scarinziparu dans la revue Temps maudits en 2006.)

4. Ce parti a eu34 % de voix

aux législativesde 1976.

5. Pour que lePCI accède au

pouvoir, son lea-der Enrico Ber-

linguer acherché dans lesannées 1970 un

accord avec AldoMoro, chef de la

Démocratiechrétienne, mais

l’assassinat deMoro par les

Brigades rougesa interrompu cesnégociations en

1978.

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sociale dans les paroisses. Le PD a peu àpeu abandonné la stratégie d’implanta-tion territoriale qui était la force de lagauche pour développer une structurede terrain, fort peu militante et bureau-cratisée, qui pratique une politique-spectacle purement électorale.

Quant à l’extrême gauche, toutes lestentatives faites par ses petites organi-sations pour maintenir une histoire etdes valeurs de gauche ont échoué. Cespartis ont éclaté, ils se font la guerre etn’ont aucune influence sur la vie poli-tique. Rifondazione comunista a ainsipresque disparu. La liste d’extrêmegauche présentée aux législatives de2018, qui avait à sa tête quelqu’un ve-nant de cette formation et d’autres per-sonnes sorties du PD, n’a obtenu quequatre ou cinq élus ; et elle en a eu seu-lement deux aux régionales de 2019. Ac-tuellement, à gauche du PD il n’y a doncpresque plus de partis.

Seul Il Manifesto – « quotidien com-muniste » lancé par la journaliste Ros-sana Rossanda et d’autres dissident-e-sdu PCI en 1969 – maintient une traditionde gauche, car L’Unità, journal du PCI,s’est arrêté à la création du PD. Il Mani-festo est réalisé par une coopérative etvendu en kiosques (avec un tirage à29 000 exemplaires). Sa ligne politique,d’un gauchisme modéré, est autonome,mais il cherche une aide financière dessyndicats pour survivre…

• Le Mouvement 5 étoilesApparu en 2009, le M5S a assez vite

occupé le vide que le PCI avait laissé enabandonnant l’implantation militantequ’il avait sur tout le territoire (notam-ment grâce aux locaux de ses sections)et en se présentant officiellement, à tra-vers le PD, comme un parti bourgeois,celui des banquiers et des industriels. Sile M5S a pu remplir cet espace, c’estparce que, au début surtout, en se don-nant l’image d’un mouvement degauche, il a attiré jusqu’à des libertaires.

Le M5S utilisait des thèmes à lamode, comme l’écologie, et avait desmots très durs contre la « caste » poli-tique. Il était peu centralisé, et doncassez souple pour s’adapter à des ter-rains différents. Grillo accomplissait devrais performances en disant deschoses et en émettant des critiques trèsintéressantes contre le « système ». LeM5S a eu un beau succès mais, quand ils’est agi de dresser des listes pour lesélections, sa direction a eu beaucoup demal à trouver des candidat-e-s. Elle amis n’importe qui, et n’importe qui aété élu (y compris des personnes dedroite). Des gens qui n’avaient jamaispensé faire de la politique ont été éluesdéputé ou autres, et ça a été un désastreparce que rien n’avait été pensé ni pré-paré sur des bases politiques.

Le mouvement s’est depuis struc-turé en parti, même s’il n’en a pas lenom ; et sa direction, quoique peu vi-sible, est bien réelle. Elle contrôle l’ex-pression militante du M5S dans lesréseaux sociaux par le biais de la so-ciété Casaleggio. Cette société (6) décideainsi qui peut en être le candidat ou quidoit être exclu de ses listes électorales.C’est elle qui fixe la ligne politique etqui conserve toutes les informationsconcernant les militant-e-s. Le M5S estdonc tout le contraire d’un mouvementlibertaire.

• La Ligue et les partis ouvertementfascistes

Dans les années 1980 sont apparuesdans certaines régions du Nord (le Pié-mont, la Lombardie et la Vénétie) desligues qui posaient des revendicationsconcernant la langue ou la culture deces régions. Puis il y a eu le scandale du« tangentopoli » (en 1992, des magis-trats ont mis au jour un gigantesque

système de pots-de-vin entre des in-dustriels et la classe politique italienne,dans une opération appelée « mainspropres »). Tous les partis institution-nels ont été pointés par les médias, ilsont disparu ou changé de nom… et dece fait un vaste espace d’action poli-tique s’est ouvert pour la Ligue du Nord,née en 1989 de la fusion entre la Liguelombarde et la Ligue vénète.

La dénonciation des pratiques de laclasse politique en général a permis àcette formation de se développer, carelle se présentait comme pure et dure.Tandis que des gens de gauche cher-chaient un renouveau de la vie poli-tique dans le M5S, d’autres ont regardéplutôt de son côté. La Ligue du Nord estdevenue puissante d’abord dans cettepartie de l’Italie (jusqu’à la hauteur deBologne) en défendant des positionstrès violemment racistes à l’égard desMéridionaux (en particulier ceux quiimmigraient du sud de l’Italie vers leNord). Elle a créé un consensus sur labase de ce racisme.

Matteo Salvini, en arrivant à sa têteen 2013, l’a transformée en parti souve-rainiste et lui a donné une envergurenationale en la rebaptisant Ligue toutcourt (voir l’encadré sur le capitalisme ita-lien). Son racisme n’a plus tant été di-rigé contre les gens du sud de l’Italieque contre les migrant-e-s arrivant ouarrivés dans ce pays. Le parti s’est de cefait implanté dans le Sud, où l’absencede travail incite à partir en chercherdans le Nord ou à l’étranger.

Ce changement de perspective a ce-pendant créé quelques problèmes àl’intérieur de la Ligue, parce que lavieille garde nordiste n’a pas accepté lanouvelle orientation. D’autant que Sal-vini s’est approprié le parti : il est passéde la dénomination « Lega Norde » à «Lega per Salvini » (« Ligue pour Salvini »)lors des derniers scrutins, ce qui devraitprovoquer un jour ou l’autre une scis-sion en son sein.

A l’heure actuelle, s’il y a un dangerfasciste en Italie c’est du côté de laLigue qu’il se trouve : elle est plus àdroite, et plus dangereuse, par son lan-gage, ses actions et sa force que les for-mations officiellement fascistes (parexemple Fratelli d’Italia), numérique-ment faibles, et identifiées commetelles. Les violences contre les immigré-

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6. Elle est dirigée parle fils de GianrobertoCasaleggio, gouroudu M5S jusqu’à samort en 2016.

Italie

LE CAPITALISME ITALIEN

La Ligue a beaucoup de soutiens dans le secteur des moyennes entreprises, où règneune surexploitation des clandestins – en particulier dans le bâtiment. Mais le grand ca-pital lui préfère le Parti démocrate, car il a besoin de l’aide financière de l’Europe et rai-sonne de manière globale : il est plus que jamais international !

Salvini en est conscient : il sait que, pour gouverner, il faut être bien vu de l’Europeet du grand capital, aussi fait-il des efforts en ce sens. Mais il exprime des positions tropradicales et ne donne pas suffisamment de garanties concernant le développement inter-national du capital. Il a donc plus de mal à obtenir le consentement du grand patronatqu’un consensus populaire, en jouant sur des sentiments de frustration et des désillu-sions – beaucoup d’ouvriers qui votaient communiste votent maintenant pour la Ligue.

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e-s sont fréquemment le fait de ses mi-litants.

La Ligue est maintenant puissantedans le Sud aussi (mais toujours moinsque dans le Nord). Elle s’y est implantéeen tissant des liens avec Berlusconi etdes personnalités de la Démocratiechrétienne ou encore de la ’Ndrangheta(mafia calabraise). Les gens du Sud ontoublié le racisme que manifestaient sesmembres à leur égard (en encourageantpar exemple l’Etna, lorsqu’il était enéruption, par un : « Forza, Etna ! » – « Vas-y, Etna ! »).

• Forza ItaliaLors des régionales en Calabre de

janvier 2020, Berlusconi s’est beaucoupagité et il a montré qu’il avait encore unpeu de poids dans le Sud : son parti aobtenu 12 % des voix, et la coalitionmenée par le centre droit à laquelle ilparticipait l’a emporté. Mais FI ne pèseplus vraiment sur cette partie de l’échi-quier politique puisqu’elle est occupéepar la Ligue et les partis fascistes. Pasmal de ses militant-e-s sont d’ailleursdéjà passés à la Ligue, et Forza Italia dis-paraîtra donc sans doute à la mort deBerlusconi.

LES MOUVEMENTS SOCIAUX

• Les sardines, contre l’extrême droiteEn novembre 2019 a été lancé à Bo-

logne, sur les réseaux sociaux, un appelà occuper les places publiques disant : «Nous devons être dans la rue plus queles gens de la Ligue, et aussi serrés quedes sardines. » Le mouvement des sar-dines était né…

Au début, il est apparu comme uneexpérience intéressante parce qu’elle aremotivé beaucoup de personnes qui neparticipaient plus à aucune action poli-tique depuis longtemps, et qui refu-saient le choix entre le M5S et la Ligue.Ces personnes sont descendues dans larue de façon spontanée, en particulierpour dénoncer le racisme contre les mi-grants, ce qui était important à un mo-ment où c’était la Ligue qui occupait laplace publique.

Les premiers mois, dans toute l’Ita-lie, il y a eu une forte adhésion aux sar-dines. Mais leur mouvement n’a pasd’idéologie très précise, de positionscollectives bien nettes permettant des’organiser, et actuellement il contribuesurtout à récupérer l’abstentionnismede gauche, en incitant les gens qui nevotaient plus à recommencer à le faire,essentiellement au profit du Parti dé-mocrate. En effet, contrairement aux gi-lets jaunes de la France, qui ontquelques figures mais pas de représen-tants officiels, les sardines ont des re-présentants : les quatre jeunes (troishommes et une femme) qui ont eul’idée de cette mobilisation. Or, ils pas-

sent à la télé ou organisent des ré-unions au nom du mouvement tout endisant que celui-ci n’a pas de chef ; et,tout en affirmant n’adhérer à aucuneformation politique, ils recommandentd’aller voter contre la droite, donc pourle PD. C’est grâce aux sardines que ceparti a récemment emporté les régio-nales en Emilie-Romagne – la région laplus rouge d’Italie serait sans cela tom-bée aux mains de Salvini.

Par ailleurs, dans chaque régiond’Italie, des personnes représentent au-jourd’hui les sardines, qui sont dansune phase embryonnaire de structura-tion en parti. Leur principale revendica-tion est l’abolition des deux lois sur lasécurité faites par Salvini, et qui s’atta-quent à la fois à l’immigration et auxluttes sociales.

Ces lois ont modifié radicalement lasituation des migrants en détériorantleurs conditions d’accueil (quasi-im-possibilité d’obtenir un permis de sé-jour, le droit de travailler, d’apprendrel’italien ou d’être scolarisé…), condam-nant ainsi beaucoup d’entre eux à laclandestinité.

A Palerme, où la municipalité favo-rise depuis des années l’intégration desmigrants, soutient financièrement lesassociations leur venant en aide et ap-puie les comités antiracistes, un réseaude résistance et d’accueil des migrantssubsiste, mais ce n’est pas comme çaailleurs. En général et traditionnelle-ment, l’aide aux migrants est surtout lefait de l’Eglise en Italie, et avec ses deuxlois sécuritaires Salvini a coupé les sub-ventions à toutes les associations, me-naçant leur survie.

De plus, ces lois s’attaquent auxluttes sociales car elles ont changé lesdispositions du Code pénal. Là où avanton risquait une amende, pour avoir parexemple occupé la voie publique, onprend maintenant une peine de prison.Ces derniers mois, des étudiants quiavaient soutenu des grèves ouvrières enToscane ont ainsi été arrêtés et ont euà payer de lourdes amendes sur la basede ces lois.

Les sardines demandent l’abolitiondes « lois Salvini », mais ni le PD ni leM5S ne les écoutent. Quand le gouver-nement a fait ces lois, le PD alors dansl’opposition a voté contre ; à présentqu’il est au gouvernement, il ne veut niles abolir ni même les modifier. (Et tousles partis jouent en Italie la carte de lasécurité, lors des élections : le consen-sus se fait sur cette question et contreles migrant-e-s.) Si le mouvement dessardines conserve donc un peu d’auto-nomie par rapport au PD, avec des re-vendications plus à gauche que lessiennes, tout dépend maintenant de laproportion de gens qui iront voter mal-gré tout pour lui – contre la Ligue.

• Les luttes sur l’environnement…Le « compromis historique », en lais-

sant un grand vide sur le terrain social,a favorisé l’apparition du M5S et de laLigue, mais il a aussi permis la nais-sance de mouvements autonomes.L’Italie a ainsi connu, depuis vingt-cinqans, nombre de ces mouvements, quiont pu mener de grandes batailles po-pulaires parce qu’ils échappaient aucontrôle traditionnels des partis degauche. Leurs membres sont souventabstentionnistes, et si certains ontéprouvé de la sympathie pour Rifonda-zione communista ou pour le M5S, ilsne croient plus à présent ni à l’un ni àl’autre. Ils sont en général très jaloux deleur autonomie et défendent l’idéequ’aucun gouvernement ne peut êtreleur « ami » (comme l’exprime le sloganle plus diffusé, et celui qui rassemble leplus : « Non abbiamo governi amici ») ; ilsconsidèrent donc qu’il n’y a rien à at-tendre de ce côté-là.

Survolons-en quelque-uns :- No Tav, dans la vallée de Suse,

contre le projet de construction de lanouvelle ligne à grande vitesse Lyon-Turin. Ce mouvement qui existe depuistrente ans est l’exemple, la référence,pour toutes les autres luttes. Ses mili-tant-e-s ont espéré que le projet deligne à grande vitesse serait abandonnéavec l’accession au pouvoir du M5S, carcelui-ci laissait croire à cette possibilité(la direction du M5S a toujours joué à lafois avec la base populaire, le terrain so-cial, et avec les institutions et l’idée que,

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Italie

bien dirigées, celles-ci pouvaient per-mettre de gagner la bataille) ;

- d’autres luttes existent aussi contredes chantiers de ligne à grande vitesse(en Lombardie, en Toscane, dans leFrioul…) ;

- le mouvement contre l’accostagedes grands navires de croisière sur lesquais de Venise, et celui contre le Moseet le scandale du détournement desfonds consacrés à la sauvegarde de laville et de sa lagune ;

- la mobilisation en Sardaigne, assezancienne et à caractère antimilitariste,de paysans contre l’utilisation de ter-rains pour les exercices militaires ;

- No Muos, en Sicile, mouvementlancé il y a dix ans, et qui est le seul àavoir exprimé la nécessité de fermer lesbases militaires, en particulier améri-caines. Il a été fort entre 2012 et 2015, etpersiste même si la base américaine afini par être construite à Niscemi et estactive. Cette lutte est difficile à mener,dans la mesure où elle ne touche pas di-rectement la vie des gens ; mais lors-qu’on parle des effets des ondesélectromagnétiques sur la santé, et passeulement de la structure de guerre et demort que constitue la base, cela contri-bue à mobiliser…

Il existe en fait un peu partout en Ita-lie des comités apparus sur des ques-tions de pollution, contre des décharges,etc. Les gens s’auto-organisent et contac-tent ensuite d’autres comités pour se co-ordonner avec. Il y a par exemple eu,contre les forages pour trouver du pé-trole, un mouvement très fort qui estparti de la Basilicate et s’est étendu jus-qu’à la Sicile ; et il y a, dans les Pouillessurtout, le No TAP, contre le gazoduc ve-

nant du Kazakhstan, avec des manifes-tations et des actions de sabotage aux-quelles beaucoup d’anarchistesparticipent.

• … et les luttes dans les entreprisesA côté de ces mobilisations sur le ter-

rain environnemental, on trouve aujour-d’hui dans les entreprises des situationsassez chaudes, et qui ont pour certainesdes implications au niveau nationalparce qu’elles concernent des sociétésappartenant à des multinationales. Parexemple :

- La lutte dans et à propos de l’entre-prise Ilva, de Tarente

Un bras de fer oppose depuis presquedix ans une partie de la population de Ta-rente aux dirigeants de l’aciérie Ilva (au-jourd’hui aux mains d’Arcelor-Mittal),aux pouvoirs publics et aux forces del’ordre. Le mouvement réclame que soitmis fin à un « désastre environnemental» dans la ville la plus polluée d’Italie, enfermant ou en assainissant l’usinecomme l’ordonnait une juge dès 2012(voir CA 223, octobre 2012). Dans cettelutte, tous les syndicats sont présents.Mais alors que les syndicats officiels lut-tent pour la continuation et la défensedu travail (l’an dernier, les ouvriers del’entreprise ont voté majoritairementl’arrêt de la grève pour sauver l’emploi),les syndicats de base veulent qu’on re-fonde le processus de production, qu’onl’arrête pour redémarrer ensuite d’uneautre manière en prenant en compte lasauvegarde de la santé des gens. Il y adonc dans la même usine des positionssyndicales très différentes.

- La lutte à Alitalia, compagnie aé-rienne qui est en crise depuis longtemps,

avec des milliers de personnes en cassaintegrazione (c’est-à dire en court chô-mage technique). Alitalia a été privatisée: elle appartient à des industriels, desgens de la haute finance… qui ont dé-tourné pas mal d’argent pour eux. La so-ciété est donc presque en situation defaillite et cherche un partenaire (commeAir France) pour la sauver ; et l’objectifdu mouvement est de la faire renationa-liser, pourr qu’elle soit de nouveau unesociété d’Etat et qu’elle garantisse lesemplois comme auparavant. Les syndi-cats sont très forts dans cette compagnie(la CUB depuis longtemps, chez les pi-lotes, les contrôleurs aériens et le per-sonnel des aéroports en général), et lesluttes menées dans les transports sontcelles qui obtiennent le plus de publicité– c’est pourquoi il est important d’y êtreimplanté.

Enfin, il est fondamental, pour lesluttes actuelles, de suivre de près ce quise passe dans deux autres secteurs :

- La logistique (qui fait le pont entrela production et la distribution en gérantles opérations de stockage, le traitementet l’expédition des commandes, etc.), caril existe là une très grande exploitation,avec un travail précaire assuré souventpar des immigré-e-s, et beaucoup desous-traitance. Dans ce secteur, l’agita-tion sociale est forte et les syndicats debase sont bien implantés. Le principal,appelé SiCobas, est d’extrême gauche eta subi une répression avec des arresta-tions.

- L’ubérisation du travail, avec le dé-veloppement des plates-formes numé-riques et de l’auto-entreprenariat pourdes chauffeurs assurant le transport degens ou de marchandises. C’est une ca-tégorie de travailleurs difficile à organi-ser, mais depuis un an s’effectue unesyndicalisation des UBER. On a vu appa-raître des comités de lutte ; et des grèvestrès dures, à Turin et Milan, ont permisd’obtenir des résultats : une régularisa-tion des horaires et des salaires, et la re-connaissance pour des « travailleursindépendants » de leur statut de salariéd’une société.

Interview et mise en forme : OCL-Poitou

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Ces mobilisations présen-taient des caractéristiquesinédites pour le Libancomme le dépassement ducommunautarisme religieux

et la présence massive de femmes.Rapidement, fin octobre, le premier

ministre Saad Hariri et le gouvernementavaient dû démissionner, le présidentMichel Aoun refusant quant à lui opiniâ-trement de quitter le pouvoir.

Qu’en est-il aujourd’hui pour ce paysen faillite qui plus est soumis aux pres-sions des puissances régionales voi-sines ?

UN NOUVEAU GOUVERNEMENTQUI S’EST FAIT ATTENDRE....

Les négociations au sein des diffé-rents partis et entre les dirigeants desdifférentes factions religieuses ont dûêtre pugnaces. Le 19 décembre, unconsensus a mené à la nomination d’unnouveau premier ministre Hassan Diab,officiellement sans étiquette politique.Cet universitaire est en fait un ancienministre de l’éducation très proche deMikati (1).

Puis s’en est suivi encore un mois denégociation jusqu’au 21 janvier 2020pour obtenir un nouveau gouvernement.Ces 20 ministres présentés au peuplecomme des «experts indépendants» etdes technocrates ont en réalité pour laplupart des liens très étroits avec les par-tis traditionnels.

Ainsi le ministre des finances, GhaziWazni, est l’ancien conseiller du leaderdu parti Amal, Nabih Berri, président duParlement depuis 27 ans! Le ministre del’environnement et du développementadministratif, Damien Kattar, a été mi-nistre des Finances et de l’Économie etdu Commerce au sein du gouvernementde Nagib Mikati. Quant au ministre del’énergie, il était tout simplement l’ad-joint de son prédécesseur!

Au final, les membres du gouverne-ment font partie ou sont très proches de

l’alliance politique Hezbollah - Courantpatriotique libre (CPL) de Michel Aoun –Amal. Cela génère des inquiétudes ausein de la population quant à sa politiquefuture, probablement pro-Syrienne, pro-Bachar, pro-iranienne.

... féminisé...Avec 6 femmes, ce gouvernement est

proportionnellement beaucoup plus fé-minisé que les précédents. A noter qu’ac-tuellement au parlement, il n’y a que 6députées sur 128 ! Peut-être que le poidsdes femmes dans les mobilisations a euune influence sur ce point ? En effet, à lajustice, on a nommé une avocate, Marie-Claude Najm, qui avait pris part au sou-lèvement, réclamant avec la rue«l’indépendance de la justice». Autrespostes importants ceux de ministre de ladéfense et de vice-première ministre ontété attribués à une femme, Zeina AcarAdra.

… allégé...Ce gouvernement plus restreint que

d’ordinaire (le précédent comptait 30 mi-nistres) afin de réduire les coûts en pé-riode de crise, s’accompagne donc defusions. Leur logique échappant biensouvent à l’entendement: la culture avecl’agriculture, le tourisme avec la solida-rité, l’écologie avec les administrations.

... mais similaire !Grands absents de ce gouvernement:

le Mouvement du Futur de l’ancien pre-mier ministre Saad Hariri (sunnite), lesForces libanaises de Samir Geagea (ma-ronite) et les druzes représentés parWalid Jumblatt.

Mais, ce gouvernement se devait derespecter la répartition confessionnelle,par exemple avoir autant de chrétiensque de musulmans et autres conven-tions traditionnellement appliquées afinde maintenir la paix entre les 18 com-munautés religieuses du Liban. A partirde là, en l’absence de laïcité, les mi-nistres se retrouvent forcément prochesde tels ou tels partis religieux historiqueset tous ont au moins un pied dans le gou-vernement.

Ainsi, si le parti de Hariri n’est pas of-ficiellement représenté, le nouveau mi-nistre de l’économie Raoul Nehmé est unde ses proches. Celui-ci est le directeurgénéral exécutif de Bankmed, l’une desplus grandes banques du pays et filialede la banque de Saad Hariri ! Cette no-mination est l’une des plus déroutantepour les manifestants, qui présententdepuis des mois, le secteur bancairecomme responsable de la crise écono-mique.

On est encore bien loin de la fin dusystème clientéliste! Et malgré le tempspris pour créer se nouveau gouverne-ment, celui-ci reste un « réchauffé » desprécédents et ne répond pas aux attentesdes manifestants.

CATASTROPHE FINANCIÈRE

Lors du premier conseil des ministresle 23 janvier, le premier ministre HassanDiab a déclaré « Nous sommes face àune impasse financière, économique etsociale. En réalité, nous sommes face àune catastrophe ».

En effet, d’un point de vue écono-mique, la situation du Liban et donc deses habitants n’a fait qu’empirer: haussedes prix d’environ 45% pour les produitsde première nécessité, mais aussi licen-ciements, fermetures d’entreprises etbaisse des salaires. La population a ainside plus en plus de mal à se nourrir et le

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Liban

Un mouvement contrarié par la faillite, les ingérences

et le Covid-19Cet article fait suite à celui publié dans le CA de décembre n°295, nous invitons

fortement les lecteurs à s’y référer pour plus de contexte. Pour rappel, des mani-festations quasi-quotidiennes sans précédent ont eu lieu dans l’ensemble du Libandepuis le 17 octobre, pour réclamer la fin de la corruption des hommes politiqueset pour dénoncer les problèmes sociaux-économiques.

1) ancienpremier ministreet milliardaire li-

banais.

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nombre de SDF augmente chaque jour.La Banque Mondiale a estimé que la moi-tié de la population du Liban pourraitbientôt vivre sous le seuil de pauvreté.

Comme nous l’avions mentionnédans le précédent article, le Liban est l’undes pays les plus endetté au monde, sadette s’élève à 92 milliards de dollars, dé-passant ainsi les 170% de son PIB.

COMMENT LE LIBAN, « LA SUISSEDU MOYEN-ORIENT»,

S’EST RETROUVÉDANS UNE TELLE SITUATION ?

Depuis les années 70, le Liban ac-cueille de très nombreuses banques oùtous les puissants de la région viennentdéposer leur argent. Cela en faisait l’undes pays du Moyen-Orient les plusstables d’un point de vue financier. Ainsi,même malgré la crise économique mon-diale de 2008, les 54 banques du Libanont continué à enregistrer une activitérecord. En 2010, les dépôts privés dansles banques libanaises avaient atteints107, 2 milliards de dollars. Et c’est grâce àl’épargne des investisseurs étrangers quece pays qui n’a pas d’industrie pouvait semaintenir à flot.

Or, avec la guerre en Syrie et les prin-temps arabes de 2011, la fuite des capi-taux a débuté. Cela s’est mis en placetout doucement, en 2018, le gouverneurRiad Salameh se vantait encore que « lesdépôts dans les banques du pays dépas-sent 3 fois le PIB national et ce grâce auxdépôts des libanais de l’étranger qui re-présentent environ 7 milliards de dollarspar an soit 15% du PIB ».

Mais aujourd’hui avec l’afflux de mil-lions de réfugiés syriens et l’instabilitérégionale, la donne a changé pour lesbanques libanaises qui n’inspirent pusconfiance.

L’état a alors eu beau augmenter lestaux d’intérêt afin d’attirer les investis-

seurs, les retraits des dépôts ont conti-nué et cela n’a servi qu’à augmenter l’en-dettement de l’État.

La livre libanaise se déprécie de jouren jour face aux monnaies étrangères.Les entreprises (et les particuliers) en re-portant leurs réserves sur une deviseplus sures comme le dollars, ont conduità une pénurie de dollars dans lesbanques libanaises. Le fait de ne plusavoir de devises étrangères dans lesbanques, freine la capacité d’importationdu Liban et l’achat de matières pre-mières. Aujourd’hui, des limitations deretraits ont cours au sein des banquesencore ouvertes et les libanais n’ont plusaccès à leurs dépôts.

DÉPÔT DE BILAN POUR LE LIBAN

C’est ainsi qu’à deux jours del’échéance du remboursement des 1,2milliard de dollars en Eurobonds (bonsdu Trésor émis par l’Etat), le premier mi-nistre a annoncé, le 7 mars, que le Libanse retrouvait en défaut de paiement. Has-san Diab s’est justifié en invoquant le ni-veau « critique et dangereux » desréserves en devises de la banque centraleet la misère de la population « n’ayantmême plus les moyens de se payer dupain ».

C’est la première fois que cela arrivepour le Liban qui a pourtant connu descrises et des guerres. Pendant la guerrecivile de 1976 à 1991 ayant fait 200 millesvictimes et détruit le pays, ou plus ré-cemment en 2006 durant le conflit entreIsraël et le Hezbollah, le Liban a toujourshonoré ses dettes mais aujourd’hui, c’estla faillite.

Face à la banqueroute, le nouveaugouvernement s’est engagé à mettre enplace les réformes d’austérité exigées parle FMI et la banque mondiale en 2018. Unplan de réduction des dépenses pu-bliques à hauteur de 350 millions de dol-lars par an a également été proposé. Unprogramme de lutte contre la corruption

a été annoncé, il vise principalement àrécupérer les impôts auxquels les liba-nais arrivent à se soustraire. Gageonsqu’il concerne les libanais les plus aisés.Le secteur de l’électricité est aussi enligne de mire du gouvernement, il repré-sente des pertes financières énormespour le pays alors qu’il n’est même pasopérationnel. Cela car de nombreuxhommes d’affaires ou hommes poli-tiques se font beaucoup d’argent en pro-posant des solutions alternatives(générateurs de secours etc).

TRACTATIONS AVEC LE FMI

Ces mesures seront de toutes évi-dence insuffisantes, c’est pourquoi, parvoies de presse, le ministre des Financesa annoncé que le Liban demandait 4 à 5milliards de dollars de prêts bonifiéspour pouvoir acheter blé, médicamentset carburant. Le Liban souhaite négocierune restructuration de sa dette et obte-nir une aide financière internationaleavec le FMI ou l’Union européenne. Cer-taines estimations chiffrent à environ 25-30 milliards de dollars les besoins duLiban pour permettre la recapitalisation.

Nous pensons effectivement que leLiban n’aura pas d’autre choix que d’im-plorer l’aider du FMI. Cela aura desconséquences funestes pour le peuple li-banais car le prêt du FMI ne se fera qu’enéchange de la mise en place de mesuresd’austérité drastiques.

Mais cette option n’est même pascertaine car le nouveau gouvernementest très proche du Hezbollah et ses alliéspolitiques. D’une part le Hezbollah refusepour le moment d’entendre parler d’unaccord avec le FMI et donc les américains« le grand Satan » dénonçant une « misesous tutelle » du Liban s’il accepte cetteaide financière. D’autre part le FMI et lesaméricains, eux-mêmes risquent fort dene pas vouloir prêter à un allié de l’Iran !

LE CORONAVIRUS (OU LA FRANCE ?)FAIT RÉFLÉCHIR LE HEZBOLLAH

Suite à l’aggravation de l’épidémie deCovid-19 en Iran avec près de 1500 mortsmi-mars, le chef du Hezbollah, HassanNasrallah, a mis de l’eau dans son vin.Voyant la situation dégénérer pour sonallié l’Iran et conscient des difficultés duLiban à faire face à une crise sanitaire, ilenvisage la possibilité d’accepter l’aidefinancière du FMI. D’après «L’Orient-LeJour» l’Iran lui-même a appelé le FMI « àla responsabilité» et « de manière très ex-ceptionnelle » a demandé du soutien ences temps de pandémie. Il sembleraitd’après ce même journal (information re-prise par les Echos du 16 mars) que laFrance « aurait joué un rôle notoire enamont pour tenter de convaincre les res-

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Liban

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ponsables du parti de la pertinence durecours à l’aide du FMI ».

Ces déclarations dénotent face à l’at-titude du Hezbollah de ces dernières an-nées. Il y a par exemple, régulièrementdes manifestations orchestrées par leHezbollah au Liban pour protester contrel’ingérence des Etats-Unis. Des milliersde personnes se sont encore rassembléesle 24 novembre près de l’ambassadeaméricaine où ils ont brûlé des drapeauxaméricains et israéliens (leurs alliés) etdes photos de l’ancien ambassadeur Jef-frey Feltman. Les slogans entendusétaient « les États-Unis et Israël sont unemême chose », « Arretez d’interférerdans nos affaires, foutus impérialistesaméricains » etc

L’AXE RUSSIE-IRAN-SYRIEVERSUS ETATS-UNIS - ISRAËL

Le hezbollah semble considérer quel’ensemble des problèmes du Liban tirentleur origine des Etats-Unis. Le députéSheikh Naim Kassem interviewé parl’agence de presse britannique Reuters,indiquait même que « le premier obs-tacle à la formation d’un nouveau gou-vernement est l’Amérique, parce qu’elleveut un exécutif qui appuie ses intérêts,alors que nous voulons un exécutif quirespecte la volonté du peuple libanais.Nous avons des informations sur le faitque l’Amérique tente de créer des pro-blèmes de sécurité ». Le Hezbollah n’ap-porte jamais aucune preuve concrète deses dires mais une analyse de la situa-tion géopolitique au Moyen-Orient sug-gère que ces accusations d’ingérencessont loin d’être de simples théories com-plotistes.

En effet, Bashar al Assad et sa victoireen Syrie, la présence russe dans l’échi-quier du Moyen-Orient et le poids del’Iran, ne peuvent que faire sentir auxEtats-Unis leur perte d’influence danscette région du monde. La Russie est deplus aujourd’hui bien implantée en Syrieet zyeute vers le Liban pour poursuivreson influence dans la région. Ce petitpays permet en effet un débouché sur laméditerranée et les réserves d’hydrocar-bure en mer.

On peut donc raisonnablement sup-poser que cela ne doit pas plaire auxEtats-Unis de laisser la place à la Russiede Poutine. Enfin, n’oublions pas qu’ilssont les alliés d’Israël cible privilégié del’Iran et du Hezbollah.

Bien évidement les plaintes deschiites s’apparentent à l’hôpital qui semoque de la charité car l’ingérence del’Iran au Liban à travers son bras armé leHezbollah, n’est quant à elle plus à dé-montrer non plus. L’axe chiite quis’étend de Téhéran à Beyrouth en pas-sant par la Syrie est bien réel et ce depuis

les années 80. Rappelons que jusqu’en2005, Bashar al-Assad occupait militaire-ment le Liban. L’Iran et la Syrie s’immis-cent ainsi dans toutes les décisions dugouvernement libanais à travers les élusdu Hezbollah lequel permet également àl’Iran d’avoir une armée parallèle au seindu Liban et une frontière directe avec Is-raël.

Mais aujourd’hui avec les révoltes po-pulaires au Liban, en Irak et en Iran, l’axechiite est, si ce n’est menacé, au moinsperturbé et cela doit inquiéter l’Irand’avoir peut être laisser une brèche auxÉtats-Unis.

REGAIN DE MOBILISATIONET DE RÉPRESSION DÉBUT 2020

Après la présentation du nouveaugouvernement, les manifestations ontrepris de plus belle. Des affrontementsont eu lieu avec les forces de l’ordre no-tamment près du siège du Parlementmais dans l’ensemble du pays égale-ment. De nombreux blessés ont été dé-nombrés, on parle de plus de 500 blessésrien qu’à Beyrouth en quelques jours.

La plupart des manifestants refusentde s’avouer vaincu et espèrent encorevoir des « indépendants », non reliés auxpartis historiques au gouvernement.

Mais ce n’est pas la seule raison à cesursaut de violence dans la mobilisation.Le profil des manifestants a égalementun peu évolué. Les partisans de Haririévincé du gouvernement sont venus enmasse grossir les rangs contre ce gou-vernement aux mains de factions oppo-sées. Et la répression a été plus marquée.

Passé l’effet d’annonce et probable-ment à cause de la répression intensive,occasionnant des dizaines d’arrestationset de condamnations, le mouvements’est maintenu, mais sans blocage. Desmanifestions plan-plan hebdomadairesont été assurées, mais c’est surtout parle biais de réunions, débats et projectionssur des sujets politiques et sociaux queles gens se sont exprimés. Parmi les su-jets abordés, la question de l’accès àl’électricité arrive en premier plan. Il estcapital aussi bien pour les particuliersque pour l’industrialisation du pays. Pourle moment le débat tourne autour dupassage à l’énergie nucléaire ou à l’éner-gie renouvelable.

Depuis l’annonce du non paiementde sa dette, des manifestations ont éga-lement lieu devant le siège de la Banquecentrale du Liban à Beyrouth. Les mani-festants ont peur que des prélèvementssoient faits sur leurs comptes de dépôtset refusent de payer pour la mauvaisegestion des politiciens de ses dernièresdécennies. Ils ne se font par ailleurs pasd’illusions, d’après des propos recueillis

par la correspondante de Libération «même si le FMI aide le pays, l’argent fi-nira dans les mains des corrompus ».

UNE RÉVOLUTION AU FÉMININ

Le 8 mars, malgré l’annulation de lagrande marche à cause du coronavirus,une manifestation féministe a tout demême eu lieu à Beyrouth. Les femmes sesont montrées très actives dans la luttedepuis octobre, non seulement en des-cendant dans la rue, s’affrontant quand ille fallait avec la police, mais égalementen ouvrant le débat sur le patriarcat.

Le Liban a, en effet, été classé 145e sur153 pays concernant l’indice d’égalitédes sexes dans le « Rapport 2019 sur l’in-égalité entre les sexes » publié par leForum économique mondial. Lesfemmes doivent faire face aux inégalitésdans les lois mêmes du pays, elles nepeuvent par exemple pas transmettreleur nationalité à leurs enfants. Au ni-veau administratif, elles sont rattachéesau registre civil de leur père puis de leurmari. Et comme nous l’avions expliquédans le précédent article, chaque libanaisdépend du droit relatif à sa communautéreligieuse en ce qui concerne le mariage,les enfants, l’héritage etc. Non seulementcela génère une inégalité entre libanaismais comme ces lois se basent sur destextes religieux, ces lois sont encoremoins favorables aux femmes.

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Liban

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VISIBILITÉ DES MIGRANTESET DES LGBT

Les manifestations féministes des ses der-niers mois et du 8 mars ont été marquées parla présence de centaines de migrantes em-ployées de maison, réclamant elles aussi le res-pect de leurs droits et la fin du kafala. Le kafalase traduit par « garantir » ou « système du ga-rant ». Il organise la venue de jeune filled’Afrique noire et d’Asie afin qu’elles serventde domestiques aux libanais. Elles sont alorsplacées sous la tutelle de leur employeur, pourun salaire d’une centaine d’euros par mois (en-voyé directement à leur famille restée au pays)sans aucun jour de congés.

Dans certains cas extrêmes, mais pas sirares, elles n’ont pas le droit de sortir, sontsous-nourries, dorment sur le balcon, voiresont battues. Elles sont ainsi plus de 250 000travailleuses (gouvernantes, nounous, femmesde ménage, accompagnatrices de personnesâgées) dans cette situation au Liban car il s‘agitd’un système très bien organisé, géré par 400agences spécialisées. Celles-ci proposent auxfamilles libanaises de choisir leur domestiquesur catalogue et s’occupent ensuite de l’ache-minement, des papiers, du contrat. Comble du

racisme, le prix des employées dépend de leurorigine, les philippines étant les plus onéreusescar plus « blanches » et parlant l’anglais.

On a ainsi pu lire sur des pancartes, le slo-gan « Le virus, ce n’est pas le corona, mais lesystème de la kafala ». L’objectif de ses femmesest d’obtenir un statut garanti par le code dutravail et de pouvoir ainsi se syndiquer et avoirles mêmes droits que les autres travailleurs auLiban.Ce qui a également frappé cette année àl’occasion de la Journée internationale desfemmes a été la présence de nombreux dra-peaux LGBT et de slogans contre l’homopho-bie. Ainsi, le 8 mars, a été l’occasion deréclamer l’égalité des droits entre hommes etfemmes mais aussi de défendre les droits desLGBT dans ce pays où l’homosexualité est tou-jours considérée comme un crime(2).

LE CORONAVIRUS, UN COUP DUR POUR LEMOUVEMENT

Puis le covid-19 s’est répandu, en pleinecrise économique, alors que les hôpitaux man-quent d’équipements médicaux, le confine-ment a très vite été déclaré. Cela a mis entreparenthèse la mobilisation. Les gens promet-tent de ressortir dès que la crise sanitaire sera

passée, mais il n’est pas incohérent de penserque le mouvement aura perdu de son ampleur.Pour l’instant, à notre connaissance, peu dechoses sont faites sur les réseaux sociaux pourmaintenir les débats etc.

EN GUISE DE CONCLUSION

Si le peuple a su se montrer capable de dé-passer les clivages religieux, ce n’est pas le casdes puissants et des hommes politiques dupays. Ceux-ci continuent d’agir en fonction desintérêts de leur camp et dans ce contexte lesdécisions ne seront probablement pas prisesen fonction des besoins du peuple libanaismais en fonction des volontés d’expansion despays voisins ou plus lointains. Sur l’échiquiergéopolitique, le poids de la révolte populaire de2 millions de libanais semble dérisoire... àmoins qu’ils soient rejoints par les peuples despays voisins.

Elsa

international

courant alternatif - n° 299 - avril 202040

Liban

2) l’article 534 du codepénal punit d’un mois à un

an d’emprisonnement etjusqu’à 650 dollars

d’amende les relationsdites « contre-nature ».