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Commémoration de la libération des camps d’officiers prisonniers Avril 1945 Association Mémoire et Avenir – Chapelle Française de SOEST 21 octobre 2006 Journée des OFLAG

Commémoration de la libération des camps d’officiers ...memoireetavenir.fr/actus/A5_21octobre 2006_5.pdf · Professeur Hélène Miard-Delacroix (Professeur des Universités, Études

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Commémoration de la libération des campsd’officiers prisonniers

Avril 1945

Association Mémoire et Avenir – Chapelle Française de SOEST

21 octobre 2006Journée des OFLAG

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PROGRAMME

10 h : Messe en la Cathédrale Saint-Louis-des-Invalides

11h 30 - 13 h : Réunion dans la Salle des Rencontres (Institution Nationale desInvalides)

- Accueil

- Projection du film Sous le Manteau, tournéclandestinement à l'OFLAG XVIIA

- Témoignage de Monsieur Marc Vignolles(ancien prisonnier de l'OFLAG IVD)

- Témoignage de Monsieur Georges Grzybowski(ancien prisonnier de l'ASPILAG IA)

- Conférence : De la mémoire des témoins à lamémoire collective. Professeur Hélène Miard-Delacroix (Professeur des Universités, ÉtudesGermaniques, École Normale SupérieureLettres et Sciences Humaines à Lyon)

- Allocution de Madame Barbara Köster (Pré-sidente de la délégation allemande et du GFK)

- Allocution de Monsieur H.W. Beuth (Ministreplénipotentiaire de l'Ambassade d'Allemagneen France)

- Allocution du Général Marcel Guérin (Président de l'Association Mémoire etAvenir – Chapelle Française de Soest)

- Allocution de clôture de Madame Dominique Delpeuch (Cabinet du Ministredes Anciens Combattants)

13 h : Ouverture du Buffet et visite de l'exposition (dessins, photos, poèmes, textes,témoignages, objets provenant de nombreux OFLAG, …)

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Mon Général, Madame la représentantede Monsieur le Ministre des Anciens combat-tants, Monsieur le Ministre Plénipotentiairede l’Ambassadeur d’Allemagne en France,Mesdames, Messieurs,

Ancien de l’Oflag IVD, jevoudrais, tout d’abord, vousremercier, Mon Général,d’avoir en créant votre nou-velle association «Mémoire etAvenir – Chapelle Françaisede Soest» décidé d’accueillirparmi vous les derniers repré-sentants de tous les Oflag, oùdes milliers de nos frèresd’arme, après une cuisantedéfaite, ont dû pendant 5 ans,dans une ambiance hostile,isolés du reste du monde,attendre la venue de leurs libé-rateurs.

Mais aussi, oubliant les antagonismespassés, en union avec une association locale,d’essayer de faire du site de Soest, un centreculturel où en particulier les jeunes généra-tions allemandes et françaises, connaissantnotre histoire, puissent s’y rencontrer pourdialoguer et débattre fraternellement afin deconstruire en commun un avenir serein. Cefaisant, voici que votre remarquable chapelleest ainsi devenue le symbole de ces lieux deprière où, dans tous les camps, une très largemajorité d’entre nous venaient rechercherespoir et réconfort. Merci enfin d’avoir choisi,pour cette première cérémonie d’accueil desvétérans de la captivité, de leurs familles etde leurs amis, ce haut lieu témoin privilégiéde notre Histoire.

Permettez-moi, pour terminer, de remer-cier très chaleureusement votre fille,Madame Marie Mayer, secrétaire général devotre association, pour la simplicité et la gen-tillesse qu’elle apporte toujours dans tous les

contacts que l’on peut avoiravec elle.

Voici le témoignage que jevoudrais vous donner de mes5 ans de captivité

Après avoir combattu prèsde Namur, avec la 12ème divi-sion d’Infanterie motorisée,j’ai été fait prisonnier, à mongrand étonnement, en allantau repos dans un village situédans la forêt de Mormal, auxenvirons de Bavay. Rapide-ment regroupé avec desmilliers d’autres prisonniersaprès plusieurs jours demarche, nous avons été

dirigés, en chemin de fer, vers un centre deregroupement près de Leipzig.

Voyage éprouvant effectué à 70 dans deswagons de marchandises où pendant deuxjours et une nuit nous crevions de fatigue,d’inconfort et de soif.

Dans ce centre, les officiers ont été séparésdes hommes de troupe puis conduits versleurs Oflag définitifs, en ce qui me concernel’Oflag IVD en Haute-Silésie.

Le camp situé aux environs de la villed’Hoyerswerda s’étendait sur plusieurs hec-tares, loin des habitations à la lisière d’un bois.

Une quadruple rangée de barbelés de 3 à4 mètres de haut, des miradors avec gardien,mitrailleuse et projecteur ainsi que des

Conférence de M. Marc VIGNOLLES

Chef de Batai l lon HonoraireAncien prisonnier à l’Oflag IVD (Hoyeswerda, Haute-Silésie)

patrouilles avec chiens en assuraient leslimites et la garde.

Dans ce cadre, dès mon arrivée, avec desmilliers de compagnons d’infortune, nousfûmes répartis dans une quarantaine de solidesbaraques en bois où pendant 5 ans, nousavons impatiemment attendu notre libération.

Dès le début, deux épreuves s’imposèrentà nous : l’appel et la nourriture. Journelle-ment, quel que soit le temps, regroupés à l’ex-térieur pendant une heure ou plus, suivantl’humeur de l’officier qui commandait lecamp, on nous comptait, on nous recomptaitpour s’assurer qu’aucun d’entre nous «nes’était fait la belle».

Mais le problème majeur était la nourri-ture. Celle-ci comportait deux parties : lemenu gracieusement offert par nos geôlierset les colis que nous expédiaient nos parentset amis. Le menu comprenait le matin un bolde lait de soja, puis au déjeuner, une soupeclaire, très claire, accompagnée pour le restede la journée d’une tranche de pain et de septou huit pommes de terre. Heureusement lescolis, pas suffisamment nombreux à notre gré,nous permettaient cependant de moins souf-frir de la faim.

Dans ces conditions, il convenait surtoutde ménager ses forces. Aussi la marche,plusieurs tours du camp avec des camarades,constituait-elle l’essentiel de nos effortsphysiques.

Mais parallèlement, surtout les deux pre-mières années, compte-tenu des avancées vic-torieuses de l’armée allemande, il convenaitaussi de soutenir notre moral.

D’où la nécessité de s’investir dans desoccupations nous permettant d’oublier, pourun temps, que nous étions esclaves.

Lecture, conférences, prières, étude de lalangue allemande, concerts, bridge, etc.

Pour ma part, j’avais choisi le scoutisme,le théâtre et les réunions avec les anciens desArts et Métiers.

A cela s’ajoutait pour tous le désir d’éva-sion. Evasions difficiles à réaliser, soit en creu-sant des tunnels, soit en modifiant nos uni-formes pour les rendre à peu près semblablesaux tenues allemandes et franchir ainsi lesportes du camp, ouvertes par des gardiensabusés.

Pendant notre séjour à Hoyerswerda,quelques événements vinrent rompre notrequotidien :

· La visite d’un aveugle, Monsieur Scapini,ministre des prisonniers du gouverne-ment du Maréchal Pétain

· La venue du chef des autonomistesbretons, architecte français condamné àmort avant la guerre, venu vainementrecruter des adeptes pour donner sonindépendance à la Bretagne

· La demande faite par les autorités alle-mandes de réunir tous les officiers juifspour une destination inconnue.Demande vigoureusement refusée parl’ensemble des prisonniers qui se soldauniquement par le regroupement de cesofficiers dans une même baraque.

· Vers 1943, devant le besoin de l’industrieallemande de techniciens hautementqualifiés, la demande faite à certains denous, sans grand succès d’ailleurs, dequitter le camp pour devenir travailleurslibres, nourris et payés comme leurshomologues allemands.

A partir de cette époque, grâce à la lectured’un quotidien local et à la possession d’unappareil radio clandestin, nous avons comprisque l’espoir de victoire avait changé de camp.

Ce qui se confirma au mois de février 1945où l’on nous fit savoir que le camp allait êtredissous et que nous allions repartir versl’Ouest. Effectivement, le 18 de ce mois, 420d’entre nous quittèrent le camp effectuant en10 jours une marche de 170 km, les menantdans la salle des fêtes du petit village de Burgs-taedt, situé au Nord-Ouest de Chemnitz.

4 Association Mémoire et Avenir – Chapelle française de SOEST

Dans cette salle, couchés sur la paille, man-quant de nourriture, avec des lavabos et dessanitaires en nombre insuffisants, la vie devintrapidement insupportable. L’œdème famé-lique fit son apparition.

Heureusement, le 14 avril, les chars amé-ricains vinrent nous délivrer. A partir de cejour, la faim fut apaisée et après quelquesjours de repos, en camions, nous fûmestransportés à Gera, puis dans une caserned’Erfurt où nous apprîmes que le 8 mai 1945,l’armistice avait été signée.

Le rapatriement vers la France se fit entrain, un premier convoi comprenant dessapeurs du Génie, capables en cas de besoinde rajuster les voies et un deuxième convoiqui le suivait, composé de wagons de mar-chandises emportant des milliers d’entrenous, tous grades confondus.

Arrivés à la frontière française, en direc-tion de Longuyon, la Marseillaise jaillit de noscœurs infiniment heureux. Tout au long duparcours, dans chaque village, à notrepassage, les cloches sonnaient et les habitants

arrivaient, nous offrant des gâteaux, des fruits,de la confiture, etc. Nous pleurions tous.

A Longuyon, une équipe efficace prenaitnos noms, nos affectations, les adresses de nosfamilles d’accueil, puis composait les trainsdevant nous amener à destination. Le 15 mai,vers 22 heures, nous arrivions en gare de Bor-deaux puis étions dirigés vers un cantonne-ment pour y passer la nuit.

A la sortie de la gare, des centaines deBordelais nous attendaient, applaudissant ànotre passage, ce qui nous alla droit au cœur.Le lendemain, j’arrivais enfin en gare deLangon, terme de mon périple où m’atten-daient mes parents, les larmes plein les yeux.

Après quelques jours de repos, j’ai dû meprésenter à Bordeaux aux autorités militairespour qu’elles évaluent mon état. Constat :asthénie, amaigrissement (j’avais perdu 20 à25 kg). Décision : 2 mois et demi de conva-lescence. Au cours d’une deuxième visite decontrôle, me fut remis un bon à présenter auservice compétent qui, après visa, me donnaitdroit à l’obtention d’un costume gratuit.

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La personne chargée d’apposer son visa,en faisant son travail, ne put s’empêcher deme dire : «Vous, vous avez de la veine !».Devant mon étonnement, il précisa :«Pendant 5 ans, derrière les barbelés, vousn’avez pas usé vos costumes, tandis que nous,nous avons tout usé et aujourd’hui, nousn’avons droit à rien». Cette logique me laisseencore pantois.

Incorporé à 23 ans, le 1er octobre 1937 au38ème régiment de Transmission de Montar-gis, je fus libéré de mes obligations militairesà Bordeaux le 15 août 1945.

Je voudrais terminer mon témoignage envous donnant lecture de ce qu’un de ses lec-teurs écrivait au Figaro, à l’occasion du 60ème

anniversaire de la fin des hostilités, intituléLes oubliés de la guerre :

«Il est pourtant un grand nombre de vic-times de ce temps, dont personne ne parle

jamais et qui paraissent complètementoubliées : les 1 900 000 prisonniers de guerredont une grande partie est restée près de5 ans en Allemagne, enfermés derrière desbarbelés et notamment les officiers et ceuxdes sous-officiers qui refusèrent d’aller tra-vailler en «commandos»… Dans ces«oubliés», on peut penser notamment auxappelés des classes 34-36 qui sont restés pra-tiquement sous l’uniforme durant 9 à 10années et qui ont ainsi perdu les meilleuresannées de leur jeunesse, celles durant les-quelles la vie se construit, tant sur le planfamilial que professionnel. Parmi les victimesde cette guerre, on pourra, peut-être un jour,dire qu’il furent les «oubliés» d’un pays quiles avait pourtant conduits là où ils furentmenés.»

Je vous remercie.

6 Association Mémoire et Avenir – Chapelle française de SOEST

Madame la représentante de Monsieur leMinistre des Anciens combattants, Monsieurle représentant de Monsieur l’Ambassadeurd’Allemagne en France, Mesdames, Mes-sieurs,

Il faut d’abord féliciteret remercier les fonda-teurs de Mémoire et AvenirChapelle Française de Soest(Monsieur le GénéralGuérin et sa fille, MadameMarie Mayer, animatriceardente et efficace de cettejournée) et aussi tous nosamis allemands, initia-teurs à l’origine de ce ras-semblement autour deSoest et notammentMadame la Présidente dela délégation allemande,ici présente.

En servant la Mémoire,vous servez la vérité !

La mémoire, de quoi s’agit-il ? 2 millionsd’hommes, peut-être 80 000 officiers dont2 000 aspirants, prisonniers de guerre, c’est àdire 2 millions de familles françaises attein-tes… ce n’était pas rien. Ils n’auraient pas dûpasser inaperçus dans l’opinion et dans l’his-toire ! Leur survie (et comment), leurs réac-tions pendant 5 ans, portant témoignage,méritent d’être conservées : témoignage defidélité à notre pays, à notre armée, nosvaleurs, notre culture. L’association y contri-bue.

La vérité, maintenant, qu’est-ce que c’est ?1ère vérité, la vérité sur nous, qui témoi-

gnons aujourd’hui. C’est que le plus grandnombre n’ont pas été «faits» prisonniers aucombat, mais «déclarés» «prisonniers de

guerre» par la conventiond’armistice de juin 1940.Autrement dit, furentlivrés en otages tous lesmilitaires se trouvant le 26juin au nord de la ligne dedémarcation !

2ème vérité, il faut affir-mer qu’ils avaient com-battu, que l’armée fran-çaise ne s’est pas sauvéesans se battre et souventavec héroïsme, contraire-ment aux calomnies troprépandues depuis 1940 àl’étranger et même danscertains de nos propresmanuels scolaires. Nous

avons eu 100 000 à 110 000 morts en un moiset l’armée adverse a perdu plus de soldatspour parvenir à la Loire en six semaines queplus tard, en 6 mois, pour atteindre les fau-bourgs de Léningrad et de Moscou (lisez àcet égard l’admirable livre «Comme deslions» de l’historien très indépendant Domi-nique Lormier, édité chez Calmann-Lévy quia dépouillé les archives des armées alleman-des pour nous réhabiliter).

3ème vérité, si le silence s’est abattu surnotre sort et celui de l’armée française de1940 après notre effondrement, c’est qu’àpartir de là, d’énormes événements n’ontcessé de se produire dans le monde pendant

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Conférence de Mr Georges GRZYBOWSKI

Capitaine de réserve Honoraire (ABC)Ancien aspirant prisonnier à l’ASPILAG IA de Stablack (Prusse Orientale)

5 ans : échec de l’aviation allemande surl’Angleterre durant l’été 1940, entrée enguerre de la Russie en 1942, Rommel enAfrique, Pearl Harbor et l’anéantissement dela flotte américaine provoquant l’entrée enguerre des US, Stalingrad, le débarquement,la libération, la découverte des camps et dela Shoah, Nuremberg …

D’autre part les vainqueurs ont eu besoinde tourner l’attention et l’intérêt sur leursmérites et sur l’avenir. Les absents ont tou-jours tort et l’oubli s’est étendu sur nous.Alors oui, aujourd’hui : Bravo et Merci !

Comment avons nous vécu ces cinqannées ?

1ère préoccupation : récupérer, respirer,réfléchir

Récupérer : un immense besoin de repospour nos corps épuisés par l’alternance descombats et des marches et une retraite quipour beaucoup fut plus longue que celle deCharleroi en 1914.

Respirer : Se reprendre en main après labousculade mentale, la longue et constanteconcomitance de l’énergie et du désespoir.

Réfléchir : «Mais qu’est-ce qui nous estarrivé ? » et chacun racontant aux autres sacampagne et des généraux déjà faisaient desconférences, après lesquelles on débattaitsans fin.

2ème préoccupation : Survivre … et d’abordmanger

Boire, on l’avait pu, habitations, fontaines,parfois ruisseaux (!). Mais la nourriture nousavait beaucoup manqué, nous repliant àcontre-courant d’une intendance de plus enplus débordée et souvent détruite sur lesroutes. Avec des centaines de milliers de pri-sonniers, les Allemands n’ont pas pu faire faceaux besoins minimum avant de longs jours.L’amaigrissement déjà résultant de la campa-gne et de la retraite s’était aggravé. Le sujetdevenait obsessionnel pour nous et surtoutles plus jeunes. Certains débrouillards eurent

de curieux systèmes D. Moi-même, je me suissouvent nourri le soir d’une grosse salade depissenlits cueillis au pied des baraques et 20fois lavés, conservant ainsi la moitié de monpain pour le lendemain matin.

L’installation dans les camps normalisa unrégime à base de pain en qualité et quantitévariables et de soupe aux rutabagas. Peu àpeu, on fit des échanges, les plus affaméssacrifiant cigarettes et biscuits de la CroixRouge (quand ils arrivèrent !). Des marchésnoirs par de mystérieux réseaux s’instaurèrentjusqu’à ce que soit institutionnalisée l’arrivéerégulière des colis de vivres familiaux qui lit-téralement sauvèrent souvent nos santés.

3ème préoccupation : se regrouperOn rechercha dans le camp des camara-

des de la même unité, de même arme, demême région ou camarades d’études. On semit à plusieurs en «popotes» pour partagerl’ordinaire et ses éventuelles améliorations.On créa des groupes, cercles d’études ouautres activités.

4ème préoccupation : s’entretenir … le corpset l’esprit

La gymnastique devint pratique couranteet, plus tard, quand les moyens et la nourri-ture le permirent, les sports. Les conférencesse multiplièrent et l’on créa des universités.Beaucoup se remirent très sérieusement auxétudes et purent en rentrant faire valoriserleurs nouveaux acquis (pour ma part, je puspasser avec succès un DES d’économie poli-tique à Paris-Panthéon trois jours après monretour, me donnant un regain de courage pourpréparer à 30 ans le 2ème DES et soutenir unethèse de Doctorat en droit). S’entretenir, cefut aussi multiplier les lectures, la Franceenvoyant beaucoup de livres, et pas seulementdes romans policiers. On a lu, on a méditédans les camps, on a dialogué aussi au coursd’interminables marches à pied le long dubarbelé (triple réseau de 3 m de haut), pro-menades amicales au cours desquelles on

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refaisait le monde ou on discutait des sujetsmajeurs de la philosophie. La religion aussifut très présente, réconfort pour beaucoup,découverte pour certains, occasion de ren-contre, de coude à coude chaleureux pour leplus grand nombre dont la vie intérieure futintense pendant ces cinq années.

5ème préoccupation : se relier aux nôtres età la France

Ecrire et garder le contact. Avec une lettreet deux cartes par mois mais les informationss’échangeaient, avec parfois de touchantesastuces codées à cause de la censure, les affec-tions se maintenant (ou parfois hélas ! se rom-paient car 5 ans, …. C’est long !)

6ème préoccupation : tenir le coup morale-ment

Garder le moral, et pour cela le sport,l’étude et les réunions de groupe furent desadjuvants. Souvent soutenir le moral desautres. Car quelques uns lâchaient prise,surtout en 42-43 avec la prolongation del’épreuve. Il y eut relativement peu de«dépressions nerveuses», l’atmosphère deschambrées, restée un peu militaire, mainte-nant une jovialité de surface voulue, parfoisun peu artificielle, mais cassant l’isolementdans la morosité. Il y eut tout de même degrosses épreuves pour certains, familiales ouprofessionnelles. Dans ces cas, les camarade-ries de popote s’efforçaient au soutien del’ami soucieux ou blessé. Pendant ce temps,les autres en France prenaient les situationset épousaient les filles …

Quelles leçons tirer de ce rapide résumé ?En voici quelques unes :Les anciens prisonniers de 40/45 ont plutôt

été un facteur de rapprochement avecl’Allemagne

Une fois de plus, on a pu vérifier que c’estsouvent de l’épreuve que naît la solidarité.Un peuple riche devient forcément indivi-dualiste.

La nature humaine sait faire preuve d’uneextraordinaire faculté d’adaptation auxsituations les plus diverses et les plusimprévues pour chacun. La volonté de vie, leressort des valeurs semées en chacun sontvraiment des FORCES.Il ne faut pas grand chose pour vivre

· On peut vivre 5 ans avec des rationsd’entretien

· On peut vivre 5 ans avec la même vareuse,la même culotte, le même manteau

· On peut vivre 5 ans avec une gamelle enfer, une seule cuillère et un quart demême métal

· Oui, on a pu tout ça …. Et rester dignes !

ConclusionSi, dit-on, tout finit en France par des chan-

sons, terminons par une plaisanterie : si l’onaccepte la calomnie d’une armée qui se seraitsauvée, ceux qui ont été pris ont couru moinsvite … C’est que nous étions les meilleurs !

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Madame la représentante du Ministredélégué aux Anciens Combattants, Monsieurle Ministre Plénipotentiaire, Général, Mes-dames et Messieurs,

Tout d’abord je vous remercie de m’avoirinvitée : ce n’est pas la première fois que jeviens parler devant cette association et j’ensuis heureuse.

Vous m’avez invitée en ma qualité d’u-niversitaire et c’est une position toujours trèsconfortable, surtout quand on s’intéresse àl’histoire et à la science politique parce qu’onpeut toujours bien mieux tout expliquer aprèscoup. J’interviens surtout très volontiersdevant vous, les témoins, que j’écoute avecintérêt car ils ont des choses à raconter qu’unhistorien ne pourra jamais rendre aussi bien.

Pourquoi dois-je parler ici ? Pour que nousessayions ensemble d’identifier des repèresafin de comprendre le passage du souvenirdes acteurs, la mémoire des témoins, à lamémoire collective.

Les témoins, les acteurs ont ce qu’onappelle une mémoire vivante : chaque annéevous vous retrouvez… La mémoire des sur-vivants parmi des centaines de milliers de pri-sonniers est faite de l’expérience traumati-sante de la captivité et comme l’ont montréles témoignages, de la découverte de la soli-darité humaine et de ses ressources.

Le défi, c’est de passer de la somme de cessouvenirs individuels à la mémoire d’ungroupe qui existe et à la mémoire d’un groupequi a priori n’a rien à voir avec cette histoire.

Ce qu’on appelle la mémoire collective,c’est un processus d’intégration des événe-ments et surtout de leur signification. Il s’agitde comprendre et d’interpréter ce qu’est lamémoire collective des groupes, groupe destémoins, des acteurs, de leurs familles et leursdescendants et de l’ensemble de la popula-tion. J’allais dire de la nation française maispuisque nous sommes en affaires franco-alle-mandes, alors de nous tous, Européens.

Cela a été évoqué, il y a de nombreuses dif-ficultés à la transmission de la mémoire col-lective. Je vais essayer de vous dire, de façonun petit peu ordonnée, quelles peuvent êtreces difficultés.

D’abord, il faut savoir le dire, il y a uneforme de concurrence des souffrances.

Il est difficile de comparer, si affreusesqu’aient pu être les conditions de captivité,la souffrance, celle de tel captif ou de tel autreet celle des déportés, y compris dans les

Contr ibut ion du professeur Hélène Miard-Delacroix

Professeur des Universités, Etudes Germaniques, Ecole Normale SupérieureLettres et Sciences Humaines à Lyon

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camps de la mort. C’est un problème qu’ilfaut savoir regarder en face et, avec le reculdu temps, être capable de dire que ces souf-frances existent, ont existé en parallèle et qu’iln’y a pas de concurrence. Parler des unes neretire rien à la réalité des autres.

Le deuxième obstacle, ou plutôt ladeuxième explication de la difficulté à trans-mettre votre mémoire, c’est que la mémoire«collective» est aujourd’hui apaisée quant àla défaite mais que l’on a tourné la page. Bon,la France a perdu et l’on s’en accommode.On peut passer à autre chose, même si celademeure pour vous. Vous avez parlé deparoles scandaleuses en évoquant les dis-cours sur la défaite : la perception de l’hu-miliation d’une défaite et la captivité de nom-breux militaires officiers et hommes detroupe ont fait partie des événements quipassent par pertes et profits dans la mémoirequi est sélective. Il y en a toujours et l’onassiste à une espèce de hiérarchisation.

Mais il y a une explication quand mêmepositive au fait de la difficulté de transmettrecette mémoire : c’est tout simplement le rap-prochement franco-allemand, le processusd’apaisement par la paix. Il a une dimensioncurative, par le contact, par la confrontationet par l’échange aussi et les efforts pour faire«ensemble». La chapelle de Soest conservéepar nos amis allemands en est un exemple.

Dans ce rapprochement franco-allemand,on a toujours envie de dire : «mais pourquoirappeler les choses désagréables ? », commesi le souvenir des captifs pouvait s’effacer.

J’ai parlé de la concurrence des souffran-ces, il y a aussi la concurrence des mémoires,l’histoire des lieux et le nombre des intéres-sés. Prenons l’exemple du camp de Soest quia été occupé, successivement, par 5 000captifs français, puis par d’autres malheu-reux, expulsés de l’est, des anciennes régionsde l’est de l’Allemagne, venant de Silésienotamment. On a là affaire au problème par-ticulier d’une mémoire très particulière des

expulsés allemands pour lesquels il a étéquestion d’une mémoire «empêchée», avecla difficulté de s’intégrer en se fondant et, enparallèle, une très grande activité dans latransmission de la mémoire aux familles. Sedisent aujourd’hui en Allemagne «expulsés»des gens qui sont nés bien après l’épreuvemais qui ont acquis cette mémoire transmise.

Pour soi, on sait que la transmission estnécessaire. La transmission de vos souvenirs,de cette mémoire, est nécessaire. C’estMaurice Halbwachs qui a évoqué l’aspectsocial de la mémoire, c’est-à-dire la liaisonindissociable entre la mémoire d’un groupeet l’existence du groupe qui porte cettemémoire. La mémoire disparaissant, legroupe disparaîtrait. Le groupe des acteurs,le groupe des témoins, le temps passant,devient un autre groupe, peut devenir legroupe des descendants, et recueillir cettemémoire.

La transmission de cette mémoire passepar ce qu’on appelle dans la recherche lamémoire «communicative». C’est JanAssman qui a formulé ce terme, traduisantque la transmission se fait par le biais de lacommunication quotidienne.

C’est ainsi que la transmission de lamémoire de la captivité en Allemagne a déjàfonctionné, qu’elle a pu se transmettre par lacommunication quotidienne et par lamémoire trans-générationnelle, avec ce quel’on raconte à ses enfants. C’est pourquoi lessouvenirs exposés ici sont si importants parcequ’ils permettent de donner l’impression auxdescendants d’avoir eux-mêmes vécu ceschoses.

Et puis enfin, il y a cette fameuse mémoire«collective» qu’on peut appeler aussimémoire «culturelle». Comment faire pourque la mémoire des Oflag entre dans lamémoire collective de la France et des Euro-péens ? Là, pas de détour possible. Je croisque la dernière fois que j’ai parlé de mémoiredevant vous, j’ai déjà parlé de Paul Ricoeur.

C’est un philosophe qui a beaucoup réfléchià la transmission de la mémoire et nous aidebeaucoup avec la façon dont il a défini l’é-nigme de la mémoire : le mystère de la pré-sence d’une chose absente, cette chose étant,en plus, une chose du passé.

Ricoeur a souligné que l’effort du retoursur le passé se fait toujours à partir du présent.Il faut que vous en soyez conscients, la trans-mission de la mémoire est toujours unereconstruction : c’est notre présence aujour-d’hui qui a besoin de reconstruire ce passépour le dire. Et en cela, le présent constitueune sorte de filtre, d’écluse, et c’est ainsi que,dans le choix du passé qui est décrit dans leslivres d’histoire, l’écluse a fonctionné et on neparlera pas du reste. Il faut donc, si l’on estimequ’on a le devoir de transmettre, permettrequ’une écluse laisse passer cette mémoire-là.Parce que les choix que l’on fait de son passérévèlent l’image que le groupe se fait de lui-même, que ce soit le groupe de Soest, ou legroupe Europe.

Cette image est fixée dans ce qu’on appelledes lieux de mémoire, bien décrits par l’his-torien Pierre Nora dont le concept a été reprisen allemand. Un lieu de mémoire est davan-tage qu’un lieu ; un lieu de mémoire, ce n’estpas seulement un endroit. la chapelle de Soestest un endroit, mais pour que la chapelle deSoest devienne un lieu de mémoire, il fautque se cristallisent sur ce lieu des notions, desvaleurs, qui peuvent se détacher de lui.

Ce ne sont pas obligatoirement des lieux,simplement ce sont des espaces investis parune mémoire. Les «Oflag» peuvent devenirun lieu de mémoire. Pour cela, il faut souli-gner, comme on le fait aujourd’hui, les enjeuxidentitaires et politiques de cette mémoire.

Nous travaillons ensemble à l’histoire queles Français et les Allemands se donnentensemble. Vous savez, le franco-allemand,vous l’avez évoqué, c’est d’abord l’expériencede la souffrance infligée et de la souffrancesubie, et parler ensemble de la souffranceinfligée et de la souffrance subie, c’est ainsila compréhension de l’autre, l’intelligence del’autre. J’ai beaucoup aimé qu’ait été souli-gné le fait qu’il y a eu tant de prisonniers ettant de morts français en quelques mois, maisque dans la même période, il y a eu tant demorts allemands : c’est ce mode de fonction-nement qui permet la construction et l’intel-ligence de l’autre, et, pour ce qui est dufranco-allemand, la volonté de construire encommun.

Nous avons ici les allemands de la chapellede Soest, avec notamment l’atelier historiquede la Chapelle de Soest (G F K ) : c’est unsigne très fort qu’il faut soutenir pour fairerentrer cette mémoire dans la mémoire col-lective. Mais je n’ai pas beaucoup d’inquié-tude, je pense que cette mémoire sera trans-mise à nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants.

Je vous remercie.

12 Association Mémoire et Avenir – Chapelle française de SOEST

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Cher Marcel, Chers amis de la ChapelleFrançaise de Soest, Mesdames, Messieurs,

Bonjour !

La délégation de Soest etmoi-même sommes heureuxd’être parmi vous à l’occasionde la Journée 2006 des Oflags.

Nous sommes impatientsde connaître les nouveautésdont vous allez nous parler. Denotre côté, nous sommes éga-lement contents de vousdonner de bonnes nouvelles deSoest.

Cela fait 9 ans que nousnous efforçons de faire connaî-tre et de faire vivre la Chapellefrançaise. Nous avons puobtenir des subventions afin depouvoir réaliser un muséedont 3 salles sont consacrées à la fuite et ladispersion en souvenir des Silésiens quiséjournèrent en 1946 à la caserne. Dans lesprochains mois, deux salles seront installéespar des professionnels de Cologne sur lethème «prisonniers français Oflag VIA».d’autres salles seront aménagées.

A ce titre, nous avons naturellementbesoin de votre aide pour pouvoir recueillirdes témoignages, documents ou archivesémanant des personnes ayant séjourné àl’Oflag VIA de Soest à cette époque.

Les travaux de rénovation du bloc III ontété entrepris par une société d’artisans chô-

meurs. Notre association a effectué de grosinvestissements financiers pour la réalisationde ce projet. Nous sommes satisfaits du résul-

tat, le bloc III devient petit àpetit un vrai musée.

En coopération avec lesmonuments historiques deMunster, une jeune étudiantede l’université de Cologne varédiger une thèse concernantles peintures et les fresques dela Chapelle. Son mémoire nousaidera à engager dans l’avenirla restauration des peintures.

Mesdames et Messieurs,cher Marcel, vous pouvez cons-tater que nous avons parcouruune partie du chemin, non sansdifficulté, concernant la Cha-pelle Française de Soest, et dubloc III de la caserne Adam,

pour en faire un lieu de souvenir, de mémoireet de rencontre.

Une grande partie du chemin reste néan-moins devant nous afin que notre projetcommun, de faire vivre et de développer celieu, se réalise pleinement. A cet effet et pourla poursuite du projet, nous avons besoin devotre aide à travers la fourniture de docu-ments permettant de développer et d’enrichirce lieu de mémoire, en somme de faire vivrece passé commun historique franco-alle-mand.

Je vous remercie.

Barbara Köster , Présidente du GFK (traduct ion de J .C. Kl ing)

Présidente de la délégation allemande et du GFK

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Mon Général, Mesdames, Mes-sieurs, liebe deutsche Freunde derGeschichtswerkstatt FranzösischeKapelle in Soest,

Je voudrais vous dire troischoses : d’abord, je suis honoré, jesuis ému et je suis optimiste.

Je suis honoré d’avoir été invitépar vous, de faire partie de cettefamille devenue famille franco-allemande qui s’occupe de la Cha-pelle de Soest et s’intéresse à la Mémoire dela génération de vos proches, de vos parents,et de vous-mêmes.

J’en viens au deuxième point : je suis ému.Je suis ému devant ces témoignages auxquels

je viens d’assister, c’était vraimenttrès important pour moi de pouvoirvoir, revivre et partager vos souve-nirs.

Et je suis optimiste, après ce queje viens d’entendre lors du brillantexposé du professeur Miard-Dela-croix, et je suis optimiste aussi àcause des nouvelles fraîches quiviennent de mes compatriotes deSoest : je crois que ce que le pro-fesseur Miard-Delacroix nous a

exposé en théorie est en train de se réaliser.Nous sommes sur la bonne voie pour créerune mémoire partagée.

Je vous remercie encore une fois dem’avoir invité et de m’avoir donné l’occasiond’être parmi vous aujourd’hui.

Madame la représentante du MinistreDélégué aux Anciens Combattants,

Monsieur le Ministre Plénipotentiaire del’Ambassade d’Allemagne en France,

Madame la Directrice des Affaires cultu-relles et éducatives à la Direction de laMémoire, du Patrimoine et des Archives,

Mes Chers Amis,Je ne peux pas faire mieux pour débuter

mon discours que de vous donner lecture dela lettre de Madame Alliot-Marie, Ministre

de la DéfenseParis, le 3 août 2006,Monsieur le Président,Vous m’avez récemment fait part de votre

souhait de voir la journée des Oflag qui sedéroulera le 21 octobre prochain, placée sousmon haut patronage.

Il m’est agréable de vous informer que c’estbien volontiers que j’accepte que cette journéedu souvenir qui, pour la première fois, réuniraà une même date tous les anciens officiers qui

Allocut ion de Monsieur H.W. Beuth

Ministre plénipotentiaire de l'Ambassade d'Allemagne en France

Allocut ion du Général Marcel Guérin

Président de l'Association Mémoire et Avenir Chapelle Française de Soest

ont été prisonniers en Allemagne pendant laseconde guerre mondiale, soit placée sous monpatronage.

Je vous prie d’agréer, monsieur le Président,l’assurance de ma considération distinguée.

Au cours des présentations auxquellesnous venons d’assister, j’ai revécu avecémotion bien des souvenirs. Je me suisreconnu dans le film qui a été projeté, je mesuis associé aux évocations que mescamarades de captivité ont exprimées et auxtémoignages qui sont exposés sur les murs decette salle.

Je voudrais maintenant insister sur unaspect essentiel de la vie que tous, nous avonsmenée dans ce monde étrange qui a été lenôtre pendant de longues années : c’est lasolidarité à toute épreuve qui nous unissaitet le rôle qu’ont joué pour la maintenircertains de nos camarades. Leurs éminentescompétences, leur autorité morale et leurstalents exceptionnels ont assuré la cohérenceet la persistance de l’espoir dans ces circons-tances difficiles.

Je regrette de ne pouvoir citer aujourd’-hui que des souvenirs personnels qui se rap-

portent à l’Oflag VIA, bien que des exemplesanalogues puissent être trouvés dans chacundes autres camps.

Je voudrais évoquer d’abord le souvenirde Charles Merveilleux du Vignaux qui vientde nous quitter à l’âge de 99 ans. Son autoritémorale était unanimement respectée et jesuis fier d’avoir été l’un onze privilégiés quiont partagé sa chambre. A l’issue de sacarrière, il a été à la charnière entre la 4ème etla 5ème République puisque c’est lui qui atransmis au Général de Gaulle les proposi-tions du Président Coty relatives à laprocédure de passation des pouvoirs.

Une grande place doit également êtredonnée au souvenir de Guillaume Gillet qui,avec son condisciple René Coulon, nous alaissé la Chapelle. D’une certaine manière,c’est cette chapelle qui nous unit.

Je suis heureux de saluer ici Madame RoseGillet et son neveu, Monsieur Jean BaptisteGillet, Directeur des Affaires Financières auMinistère de la Défense.

Si la carte des Saints de France, œuvre deRené Coulon, affirme non sans humour,l’identité française, d’autres documentsexposés ici montrent que la résistance auxpropagandes conjuguées des Nazi et de Vichys’exprimait fermement.

A cet aspect important de notre vie s’at-tache notamment le souvenir de Jean Legaretde qui j’évoque avec amitié le souvenir, tandisque son fils, Jean-François, maire du 1er arron-dissement de Paris, empêché, se propose denous rejoindre tout à l’heure.

Le théâtre dans tous les camps a été untrès bon moyen pour nous aider à garder lemoral et il en reste de nombreuses tracesdont certaines sont exposées sur ces murs.La poésie a été aussi pour beaucoupd’entre nous un moyen d’évasion. Cetteexposition en témoigne.

Mais, de la musique, pourtant vitale, il nereste rien. Je sais qu’elle a été très présente

21 Octobre 2006 Journée des OFLAG 15

dans tous les camps. A Soest, nous avons eula chance de compter parmi nous un artisteexceptionnel, Sully Ledermann, dont lesconcerts, en soliste ou avec l’orchestre qu’ildirigeait étaient chaque fois un événement.Polytechnicien, possédant une vaste culturescientifique, littéraire et artistique, sa tropcourte carrière laisse une trace toujoursvivante.

Merci à Madame Anne Ledermann, à safille Alice et à son petit-fils Sully, d’êtreaujourd’hui parmi nous.

Les sciences et la philosophie ont aussitenu une grande place dans cette commu-nauté culturelle que constituait les camps,grâce à d’éminentes personnalités.

Je tiens à évoquer ici dans ce cadre lamémoire de Pierre Costabel. Normalien,agrégé de mathématiques, il a professé àSoest un cours de «taupe» dont le texte quia été conservé, annonçait déjà une carrièred’historien de la philosophie des sciences. Ils’est fait prêtre aussitôt après la libération etest entré à l’Oratoire de France. Il a alorsenseigné à l’Ecole des Hautes Etudes etacquis une réputation mondiale.

Je tiens à saluer ici le Père Cadoux, Direc-teur de l’Oratoire et la nièce de Pierre Costa-bel, le Professeur Geneviève Gobillot, quisont avec nous aujourd’hui.

Si incomplet qu’il soit, j’arrête ici l’hom-mage que je voulais rendre à quelquesgrandes figures de notre histoire de la capti-vité. J’espère que nous pourrons longtempsconserver et compléter cette mémoire, d’unepart dans le musée virtuel que nous sommesen train de créer, dont cette exposition n’estqu’un aperçu et, d’autre part, à Soest, dansles bâtiments qui entourent la Chapelle.

Quant à l’avenir, j’espère d’abord que l’a-bondante documentation inédite que nousrassemblons intéressera les historiens etqu’ainsi une image authentique de «notre his-toire» sera conservée.

Je souhaite aussi que cette histoire, ainsirestituée, soit accessible à la jeunesse fran-çaise et allemande.

Ce vœu ne se réalisera pas, c’est évident,sans le soutien des Gouvernements allemandet français ainsi que de partenariats privés.

Les présences aujourd’hui d’une impor-tante délégation du GFK, de sa présidenteactuelle, Madame Barbara Köster, deMadame Gisela Rögge sous l’impulsion dequi le GFK a été créé, de Monsieur Beuth,Ministre plénipotentiaire de l’Ambassaded’Allemagne en France et de Madame Del-peuch représentant le Ministre Délégué auxAnciens Combattants me donnent confiance.

Le Camp de Soest et le musée virtueldeviendront ainsi des Lieux de Rencontrepour les jeunes allemands et français où,ensemble, ils pourront réfléchir sur leur his-toire et prendre conscience de la commu-nauté de leurs destins

Le Président remercieMesdames Alice Ledermann et Sonia

Kair,Messieurs Fawzi Bénachera et Vincent

Mettauerqui ont apporté une contribution particu-

lèrement précieuse à l’organisation de laréunion et de l’exposition qui a été présen-tée à cette occasion,

ainsi queMadame MarieHenriette de Bodard,Madame Jacqueline DecotéMonsieur Michel RacletetMadame Marie MayerMembres du Conseil d’Administration qui

se sont particulièrement impliqués dans l’or-ganisation de la Journée.

16 Association Mémoire et Avenir – Chapelle française de SOEST

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Monsieur le Président,Général, Monsieur le Ministreplénipotentiaire de l’Ambassaded’Allemagne, Madame la Direc-trice des Affaires Culturelles etEducatives de la Direction de laMémoire du Patrimoine et desArchives du Ministère de laDéfense, Messieurs les Officiers,Madames et Messieurs les Prési-dents, Mesdames, Messieurs,

Retenu par des obligationsantérieures, Monsieur HamlaouiMekachera, ministre délégué auxanciens combattants ne pouvaitêtre parmi nous ce matin, il m’achargé de le représenter et pourmoi c’est un plaisir.

Il m’a chargé également de vous assurerdu fait qu’il s’associait pleinement à votremanifestation.

Comme Madame Michèle Alliot-Marie,ministre de la Défense, qui a souhaité quecette journée soit placée sous son patronage,il se réjouit que pour la première fois, tousles anciens officiers qui ont été prisonniersen Allemagne pendant la seconde guerremondiale soient réunis pour cette journée dusouvenir.

Sachez que je ferai part à M. le Ministrede la grande qualité de vos travaux et ducombat pour la mémoire que vous continuezde mener.

L’exposition qui nous est présentée, lefilm que nous avons vu, les témoignagesémouvants que nous avons écoutés, ainsique la contribution du Professeur Miard-Delacroix, sont la preuve que cette mémoire

mérite d’être perpétuée et que lesort des prisonniers de guerredoit faire partie intégrante de notremémoire collective comme l’asouligné Mme Miard-Delacroix.

Et je salue votre travail,Général Guérin, ainsi que celuide l’ensemble des membres devotre association dont tout parti-culièrement votre fille Marie qui,la première, est venue me voir eta pris contact avec moi, je croisqu’il faut vraiment lui rendrehommage.

Votre association Mémoire etAvenir, dont le nom est suffisam-

ment évocateur, parce qu’il est impératif,Mme Miard-Delacroix en a parlé et jesouhaite revenir sur ce thème, que lesnouvelles générations connaissent le sort desprisonniers de guerre, connaissent le sort desofficiers, et sachent que pour vous et tousceux que vous représentez, la captivité n’a pasété la «vie de château» comme certains l’ontprétendu.

Mesdames et Messieurs, en 1940, au termede combats d’une intensité injustementoubliée, dont Ms. Grzybowski et Vignollesont témoigné tout à l’heure, malgré uncourage et une ardeur magnifiques, près de2 millions de combattants français prirent lechemin de la captivité.

Ce n’est qu’au printemps de 1945, cinqannées plus tard, que cette cruelle épreuveprit fin. Une épreuve bouleversante pour deshommes qui ont combattu loyalement, etsouvent fort héroïquement face à un enneminettement supérieur. Des souffrances parta-

Allocut ion de c lôture de Madame Dominique Delpeuch

Cabinet du Ministre des Anciens Combattantsreprésentant M. Hamlaoui Mekachera, Ministre Délégué aux Anciens Combattants

gées également par leur famille et leursproches, eux-mêmes contraints d’affronter ledrame de l’occupation sans fils, sans mari ousans père, une épreuve où la nation touteentière a été profondément marquée par l’é-loignement de tant de ses enfants.

Dans les «Oflag», les officiers semontrèrent dignes de la France. Surmontantle traumatisme de la situation, malgré lesrisques encourus, beaucoup tentèrent des’évader. Quelques uns y parvinrent. Au prixde leur courage et de leur sens de l’honneur,d’autres connurent les terrifiantes conditionsde détention des camps de représailles desinistre mémoire.

Tous, indéfectiblement fidèles à la France,tous demeurèrent patriotes et apportèrentautant que possible leur concours à la luttede chaque instant contre l’ennemi. Eloignésde leurs compatriotes alors que près de100 000 de leurs frères d’armes étaienttombés au champ d’honneur, et plus de250 000 avaient été blessés, les prisonniers deguerre peuvent être fiers de porter haut lesvaleurs de la France.

Aujourd’hui, au nom du Gouvernement,je souhaite à mon tour vous rendre hommageet vous assurer de toute notre gratitude.

Unis au combat et dans l’adversité, vousêtes restés unis pour défendre votre histoireet promouvoir les principes de paix et desolidarité.

Je le répète, votre histoire doit êtretransmise aux plus jeunes. Sur le terrain de latransmission de la mémoire, l’Etat poursuitrésolument son action et compte vous y aider.

Le programme du Haut Conseil de lamémoire combattante avait inscrit dans leprogramme commémoratif pour 2005, lacommémoration du retour des prisonniersde guerre. C’est ainsi que le 8 mai 2005, pourle 60ème anniversaire de la victoire sur leIIIème Reich, devant l’ancienne gare d’Orsayà Paris, la République a commémoré

solennellement le retour des prisonniers deguerre.

En ces circonstances exceptionnelles etémouvantes, dans le discours du PremierMinistre était rappelé qu’après leur retour,nombreux et solidaires, les prisonniers deguerre surent constituer des forces politiquesimportantes, des mouvements associatifspuissants. Ils ont imprégné le mouvement desidées et l’action de la République de leurhumanisme, de leur attachement à la dignitédes peuples et à la fraternité entre les peuples.

Le 3 juin 2005 également, un hommagenational a été rendu aux prisonniers de guerreà la nécropole nationale de Pettonville enMeurthe et Moselle, cérémonie égalementempreinte d’émotion.

Enfin, toujours en 2005, votre associationavait organisé une manifestation exception-nelle, dont le caractère exemplaire a étésouligné dans le rapport de la mémoirecombattante du 10 novembre 2005, au coursde laquelle fut commémorée en 1945 lalibération des 15 camps d’officiers françaisprisonniers, cérémonie qui a eu lieu le 6 avril2005 à Soest et qui s’est déroulée dans uneambiance d’émotion unanime et a réuni unpublic nombreux.

S’il est une expérience de mémoirepartagée qui mérite d’être citée en exemple,c’est bien celle-ci, ainsi que la manifestationd’aujourd’hui, pour laquelle je souhaite ànouveau saluer la présence de nos amisallemands.

Le ministre m’a chargée de vous en remer-cier et de vous en féliciter. Vous le savez, lamémoire partagée est un des thèmes chers àla France, elle mérite d’être développée. L’or-ganisation des premières rencontres interna-tionales sur la mémoire partagée participe decette volonté. Pour la première fois, à l’initia-tive de la France, 24 pays se réuniront à Parisles 28 et 29 octobre prochains à l’Unesco. Latransmission de la mémoire vers les jeunes,

18 Association Mémoire et Avenir – Chapelle française de SOEST

21 Octobre 2006 Journée des OFLAG 19

ainsi que la reconnaissance due aux ancienscombattants, seront au cœur des travaux decette importante manifestation.

Le ministre sait pouvoir compter sur votreengagement sur cette voie et l’organisationde la manifestation d’aujourd’hui en est lapreuve.

Mesdames et Messieurs, pour leurvaillance pendant la campagne de France,

pour leur dignité pendant leur captivité etpour leur engagement civique après laguerre, les officiers prisonniers de la guerrede 40 méritent l’hommage que vous leurrendez aujourd’hui.

Encore une fois, je vous félicite de cetteinitiative.

Mémoire et Avenir – Chapelle Française de Soest37 rue de Chézy, 92200 – Neuilly/Seine