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44- Atout CHIEN.fr Atout CHIEN.fr - 45 RENCONTRE / Propos recueillis par Valérie Cochet - Photos d’Harry Benhaiem Comment éduquer son chien dans le sens du poil ? Atout Chien : « Nos plus fidèles compa- gnons évoluent dans une société de plus en plus intolérante à leur égard et qui, trop souvent, n’admet d’eux que docilité et sou- mission. », peut-on lire sur la quatrième de couverture de votre livre. Pouvez-vous ar- gumenter ce propos ? N’était-ce pas déjà le cas il y a quelques années ? Nicolas Cornier : Nous avons besoin au- jourd’hui que les chiens soient plus dociles car les contraintes liées à la vie moderne sont plus grandes. Nous avons moins de temps à leur consacrer et moins d’espaces pour les promener libres. Il n’est plus ques- tion de les laisser divaguer, ce n’est plus ac- cepté et nous avons peur de les perdre. Autre caractéristique de notre temps, nous voulons que « ça marche » tout de suite. Or un chien pour s’adapter a besoin d’appren- dre et donc de temps et de cohérence, que nous ne lui offrons plus. Nous sommes pres- sés et donc frustrés, nous exigeons de la do- cilité. Enfin, et plus généralement, nos chiens souffrent de ne pas se promener assez sou- vent en liberté, de rencontrer leurs congé- nères et d’apprendre à être bien sans nous. A.C. : Votre discipline, l’éducation canine, semble avoir actuellement le vent en poupe. Cela veut-il dire que nos chiens sont plus mal éduqués qu’auparavant, que leurs propriétaires sont plus sensibles sur cette question… ? N.C. : C’est une tendance, mais à peine deux chiens sur dix sont éduqués en France avec l’aide d’un amateur (en club) ou d’un pro- fessionnel. Le métier d’éducateur canin pro- fessionnel se développe surtout autour des demandes d’aide à la rééducation des chiens adultes. Les gens sollicitent un pro- fessionnel lorsqu’ils sont débordés car il est le plus apte à résoudre un problème com- portemental. De plus, les propriétaires de chiens subissent une pression forte : le chien ne doit pas déranger par ses aboiements, parce qu’il saute sur les gens ou qu’il fugue. Il y a plus d’exigences et pas forcément plus de temps et de savoir-faire. A.C. : Nous accueillons désormais nos chiens, toutes races confondues, dans nos maisons, dans nos appartements, ils font de plus en plus partie de notre famille… Considérez-vous qu’ils occupent au- jourd’hui la place qu’ils méritent ? N.C. : Il y a deux réponses à cette question. Tout d’abord, nous continuons à choisir un chien de compagnie sur des critères esthé- tiques, ce qui amène à choisir des chiens sé- lectionnés depuis toujours pour leur fonction (la garde, la conduite de trou- peaux, la chasse…). Permettre à ces chiens de s’adapter à notre environnement re- quiert une expertise que peu de gens pos- sèdent et cela se traduit par des situations délicates dès les premiers mois. Dans ce cas, la réponse est non, ils ne sont pas à leur place. Ensuite, il faut comprendre que le chien est un animal doué d’une très grande capacité d’adaptation. Cette qualité lui per- met très souvent de bien vivre parmi nous, malgré tout. Et même nos bévues anthro- pomorphiques et nos comportements “bé- béifiants“ ne parviennent pas à (trop) perturber nos chiens. A.C. : Pourquoi avez-vous personnellement choisi cette profession ? N.C. : Les chiens sont une passion d’enfant et leur éducation, une découverte. La réa- lité de ce métier est simple et variée. Il s’agit d’apprendre à l’autre à éduquer son chien. Il faut connaître et comprendre les chiens, savoir ce qui permet de les intégrer parmi nous et transmettre ce savoir à celui qui vit avec le chien. Les rencontres entre le chien et les humains sont uniques et nécessitent une certaine sensibilité. Pour moi, c’est une forme d’accomplissement. A.C. : Qu’est-ce qui vous attire autant chez les chiens ? N.C. : Tout d’abord, la rencontre entre le chien et l’humain est incroyable. Le lien que l’on peut établir est unique dans l’histoire de l’humanité. Il partage littéralement notre vie et sa présence est source d’apaise- ment et de joie. Les chiens me font rire et j’admire leur « côté animal » qui court, creuse, renifle et chasse. Ils m’ont appris à mieux communiquer et à mieux me connaî- tre. Enfin, certains chiens ont un regard étrangement profond. A.C. : Dans votre biographie, on apprend que vous avez appris votre métier à San- Francisco et que votre rencontre avec Ian Dunbar a été déterminante. Pouvez-vous nous présenter cet homme et nous parler de sa méthode ? N.C. : Je ne crois pas aux méthodes person- nalisées mais à l’apport de chacun. Ian Dun- bar est tout d’abord un scientifique qui, par une démarche pédagogique intelligente et une grande empathie, a rendu l’éducation du chien facile, agréable et efficace. Il favo- rise l’apparition du bon comportement et récompense le chien pour cela. Pour les comportements indésirables, il propose de les contrarier dès qu’ils apparaissent, quitte à les provoquer. Il considère que l’éducation très précoce du chien permet d’éviter l’ap- parition de problèmes majeurs ensuite – prévenir plutôt que guérir. Cela paraît lo- gique mais peu le font. J’ai eu beaucoup de chance de le rencontrer. A.C. : Cette méthode positive est-elle au- jourd’hui appliquée par tous les éducateurs? Avec quelles méthodes cohabitent-elles ? N.C. : Elle n’est pas assez répandue et pas toujours bien appliquée. Certains confon- dent « positif » et « gentillesse », d’autres re- vendiquent cette approche mais sans en avoir le savoir-faire et contraignent l’ani- mal. Parmi les plus jeunes éducateurs, nom- breux sont ceux qui semblent enclins à éduquer les chiens avec une approche basée sur une connaissance du chien et un respect pour son intégrité. A.C. : Qui sont Loulou, Gus et Bella ? En quoi vous aident-ils dans votre activité ? N.C. : Loulou n’est plus là hélas. J’ai toujours trois chiens, le dernier étant Gino, un Mala- mute. Ce sont à la fois mes chiens de com- pagnie, mes copains, mais également des chiens d’éducateur. Plus précisément, ils sont ma « vitrine », le résultat de mon savoir- faire. Par leur comportement lors des ren- contres avec les chiens de mes clients, ils me permettent également de comprendre ra- pidement qui est l’autre chien, d’en faire une lecture comportementale fiable. Enfin, ils régulent certains comportements gê- nants comme l’immaturité et l’agressivité. Je ne pourrais pas être un bon éducateur sans eux. A.C. : Dans votre structure Le chien assis, si- tuée en Basse Normandie, vous vous occu- pez bien évidemment des chiens, mais vous appliquez, dites-vous, une pédagogie per- sonnalisée pour chaque propriétaire. En quoi cela consiste-t-il ? N.C. : Je pense que la nécessité de s’adapter à chaque binôme chien/humain correspond à la réalité de tout éducateur canin. L’édu- cation canine n’est pas une suite d’exercices d’obéissance ou un programme figé que l’on appliquerait à chaque fois. Il faut être sensible et comprendre les attentes et les capacités de chacun, puis proposer des so- lutions adaptées, accompagner plus long- temps si nécessaire. Sortir le chien pendant un temps de son contexte habituel est un autre exemple. Nicolas Cornier Éducateur canin professionnel, passionné par les chiens depuis toujours, Nicolas Cornier exerce son métier avec dynamisme et enthousiasme et communique aussi bien avec les maîtres qu’avec leurs chiens. Grâce à une méthode positive, il aide à passer de la théorie à la pratique, pour intégrer le chien, agréablement et efficacement, dans notre environnement, pour mieux le connaître et l’accompagner par une relation équilibrée et durable. Son livre « Comment éduquer son chien dans le sens du poil » en est le reflet. Atout Chien N°316 C3_Mise en page 1 20/09/12 14:35 Page44

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RENCONTRE / Propos recueillis par Valérie Cochet - Photos d’Harry Benhaiem

Comment éduquer son chiendans le sens du poil ?

Atout Chien : « Nos plus fidèles compa-gnons évoluent dans une société de plus enplus intolérante à leur égard et qui, tropsouvent, n’admet d’eux que docilité et sou-mission. », peut-on lire sur la quatrième decouverture de votre livre. Pouvez-vous ar-gumenter ce propos ? N’était-ce pas déjà lecas il y a quelques années ?Nicolas Cornier : Nous avons besoin au-jourd’hui que les chiens soient plus docilescar les contraintes liées à la vie modernesont plus grandes. Nous avons moins detemps à leur consacrer et moins d’espacespour les promener libres. Il n’est plus ques-tion de les laisser divaguer, ce n’est plus ac-cepté et nous avons peur de les perdre.Autre caractéristique de notre temps, nousvoulons que « ça marche » tout de suite. Orun chien pour s’adapter a besoin d’appren-dre et donc de temps et de cohérence, quenous ne lui offrons plus. Nous sommes pres-sés et donc frustrés, nous exigeons de la do-cilité.

Enfin, et plus généralement, nos chienssouffrent de ne pas se promener assez sou-vent en liberté, de rencontrer leurs congé-nères et d’apprendre à être bien sans nous.

A.C. : Votre discipline, l’éducation canine,semble avoir actuellement le vent enpoupe. Cela veut-il dire que nos chiens sontplus mal éduqués qu’auparavant, que leurspropriétaires sont plus sensibles sur cettequestion… ?N.C. :C’est une tendance, mais à peine deuxchiens sur dix sont éduqués en France avecl’aide d’un amateur (en club) ou d’un pro-fessionnel. Le métier d’éducateur canin pro-fessionnel se développe surtout autour desdemandes d’aide à la rééducation deschiens adultes. Les gens sollicitent un pro-fessionnel lorsqu’ils sont débordés car il estle plus apte à résoudre un problème com-portemental. De plus, les propriétaires dechiens subissent une pression forte : le chienne doit pas déranger par ses aboiements,parce qu’il saute sur les gens ou qu’il fugue.Il y a plus d’exigences et pas forcément plusde temps et de savoir-faire.

A.C. : Nous accueillons désormais noschiens, toutes races confondues, dans nosmaisons, dans nos appartements, ils fontde plus en plus partie de notre famille…Considérez-vous qu’ils occupent au-jourd’hui la place qu’ils méritent ?N.C. : Il y a deux réponses à cette question.Tout d’abord, nous continuons à choisir unchien de compagnie sur des critères esthé-tiques, ce qui amène à choisir des chiens sé-lectionnés depuis toujours pour leurfonction (la garde, la conduite de trou-peaux, la chasse…). Permettre à ces chiensde s’adapter à notre environnement re-quiert une expertise que peu de gens pos-sèdent et cela se traduit par des situationsdélicates dès les premiers mois. Dans ce cas,la réponse est non, ils ne sont pas à leurplace. Ensuite, il faut comprendre que lechien est un animal doué d’une très grandecapacité d’adaptation. Cette qualité lui per-met très souvent de bien vivre parmi nous,malgré tout. Et même nos bévues anthro-pomorphiques et nos comportements “bé-béifiants“ ne parviennent pas à (trop)perturber nos chiens.

A.C. : Pourquoi avez-vous personnellementchoisi cette profession ?N.C. : Les chiens sont une passion d’enfantet leur éducation, une découverte. La réa-lité de ce métier est simple et variée. Il s’agitd’apprendre à l’autre à éduquer son chien.Il faut connaître et comprendre les chiens,savoir ce qui permet de les intégrer parminous et transmettre ce savoir à celui qui vitavec le chien. Les rencontres entre le chienet les humains sont uniques et nécessitentune certaine sensibilité. Pour moi, c’est uneforme d’accomplissement.

A.C. : Qu’est-ce qui vous attire autant chezles chiens ?N.C. : Tout d’abord, la rencontre entre lechien et l’humain est incroyable. Le lien quel’on peut établir est unique dans l’histoirede l’humanité. Il partage littéralementnotre vie et sa présence est source d’apaise-ment et de joie. Les chiens me font rire etj’admire leur « côté animal » qui court,creuse, renifle et chasse. Ils m’ont appris àmieux communiquer et à mieux me connaî-tre. Enfin, certains chiens ont un regardétrangement profond.

A.C. : Dans votre biographie, on apprendque vous avez appris votre métier à San-Francisco et que votre rencontre avec IanDunbar a été déterminante. Pouvez-vousnous présenter cet homme et nous parlerde sa méthode ?N.C. : Je ne crois pas aux méthodes person-nalisées mais à l’apport de chacun. Ian Dun-bar est tout d’abord un scientifique qui, parune démarche pédagogique intelligente etune grande empathie, a rendu l’éducation

du chien facile, agréable et efficace. Il favo-rise l’apparition du bon comportement etrécompense le chien pour cela. Pour lescomportements indésirables, il propose deles contrarier dès qu’ils apparaissent, quitteà les provoquer. Il considère que l’éducationtrès précoce du chien permet d’éviter l’ap-parition de problèmes majeurs ensuite –prévenir plutôt que guérir. Cela paraît lo-gique mais peu le font. J’ai eu beaucoup dechance de le rencontrer.

A.C. : Cette méthode positive est-elle au-jourd’hui appliquée par tous les éducateurs?Avec quelles méthodes cohabitent-elles ?N.C. : Elle n’est pas assez répandue et pastoujours bien appliquée. Certains confon-dent « positif » et « gentillesse », d’autres re-vendiquent cette approche mais sans en

avoir le savoir-faire et contraignent l’ani-mal. Parmi les plus jeunes éducateurs, nom-breux sont ceux qui semblent enclins àéduquer les chiens avec une approchebasée sur une connaissance du chien et unrespect pour son intégrité.

A.C. : Qui sont Loulou, Gus et Bella ? En quoivous aident-ils dans votre activité ?N.C. : Loulou n’est plus là hélas. J’ai toujourstrois chiens, le dernier étant Gino, un Mala-mute. Ce sont à la fois mes chiens de com-pagnie, mes copains, mais également deschiens d’éducateur. Plus précisément, ilssont ma « vitrine », le résultat de mon savoir-faire. Par leur comportement lors des ren-contres avec les chiens de mes clients, ils mepermettent également de comprendre ra-pidement qui est l’autre chien, d’en faireune lecture comportementale fiable. Enfin,ils régulent certains comportements gê-nants comme l’immaturité et l’agressivité.Je ne pourrais pas être un bon éducateursans eux.

A.C. : Dans votre structure Le chien assis, si-tuée en Basse Normandie, vous vous occu-pez bien évidemment des chiens, mais vousappliquez, dites-vous, une pédagogie per-sonnalisée pour chaque propriétaire. Enquoi cela consiste-t-il ?N.C. : Je pense que la nécessité de s’adapterà chaque binôme chien/humain correspondà la réalité de tout éducateur canin. L’édu-cation canine n’est pas une suite d’exercicesd’obéissance ou un programme figé quel’on appliquerait à chaque fois. Il faut êtresensible et comprendre les attentes et lescapacités de chacun, puis proposer des so-lutions adaptées, accompagner plus long-temps si nécessaire. Sortir le chien pendantun temps de son contexte habituel est unautre exemple.

Nicolas Cornier

Éducateur canin professionnel,passionné par les chiens depuistoujours, Nicolas Cornier exerce sonmétier avec dynamisme etenthousiasme et communique aussibien avec les maîtres qu’avec leurschiens. Grâce à une méthodepositive, il aide à passer de lathéorie à la pratique, pour intégrer lechien, agréablement et efficacement,dans notre environnement, pourmieux le connaître et l’accompagnerpar une relation équilibrée et durable.Son livre « Comment éduquerson chien dans le sens du poil »en est le reflet.

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A.C. : Qu’est-ce qui vous semble aujourd’huile plus difficile à gérer par les maîtres ?N.C. :De toute évidence, le niveau d’activitéde leur chien, souvent décalé avec ce qu’ilspeuvent lui offrir. Vient ensuite l’apprentis-sage des interdits qui mettent quelquefoisen péril la vie du chien. Je pense au chiendans la rue ou en liberté dans la nature.Enfin, tous les comportements liés à l’ex-pression des frustrations des chiens quin’ont pas appris l’ennui et la solitude : ladestruction et les aboiements. Cela se ré-sume à une relative méconnaissance des be-soins du chien et à une difficulté àcommuniquer avec lui.

A.C. : Selon vous, tous les chiens peuvent-ils être éduqués ? La race est-elle détermi-nante à ce sujet ?N.C. : J’appelle cela le « péché originel » : sefaire plaisir en adoptant un chien dontl’éducation sera difficile car il n’est pas des-tiné à devenir un chien de compagnie. Danstous les cas, il faut adopter en connaissancede cause afin d’adapter l’éducation duchien. C’est dommage, car souvent l’éduca-tion du chien consiste alors à inhiber lescomportements favorisés par la sélection ar-tificielle : le Border est trop actif et le Beagletrop têtu ! C’est pourtant leur qualité pre-mière. Bien sûr, dans la plupart des cas, etavec l’aide d’un professionnel compétent,l’éducation favorise les comportements quià la fois respectent les besoins du chien etles exigences de l’humain.

A.C. : Vous exercez votre métier en étroitecollaboration avec le docteur-vétérinaireThierry Bedossa et vous animez notam-ment des séminaires pratiques traitant de

partagées par notre plus fidèle compagnonet influent sur tous ses comportements »,pouvez-vous nous éclairer sur ce qu’a vouludire le Docteur-vétérinaire Thierry Bedossadans votre préface à ce sujet ?N.C. : Le chien est un animal sensible et ils’imprègne de son environnement proche.Il ne ment jamais et nous renvoie immédia-tement le message que nous lui proposons.Si nous sommes cohérents et apaisés, il seradétendu et en bien-être (même dans lacontrariété), si notre comportement est am-bigu ou contradictoire, il se crispera.

A.C. : Dès les premières pages, vous évo-quez un paradoxe : la tolérance dont lemaître doit faire preuve face aux « bêtises»de son chiot et la nécessité de favoriser sespremiers apprentissages. Quels sont les« risques » encourus lors des premières se-maines du chiot si le maître n’applique pasla bonne méthode ? Peut-on facilement rat-traper les choses ?N.C. : C’est capital : la capacité du chien à sestructurer se concentre sur les tout premiersmois de sa vie. L’apprentissage de la soli-tude, de l’ennui entre autres doit se fairedès les premiers jours. Parallèlement, il doitvite découvrir son nouvel environnementau sens le plus large possible. C’est irrespon-sable d’attendre car l’adaptabilité du chienn’est pas sans limites et certains ne parvien-dront jamais à bien vivre toutes les frustra-tions que nous leur imposerons.

A.C. : Vous dites « L’adoption de mon chien,moment heureux pour moi, est une vérita-ble déchirure, un réel traumatisme pourlui». En quoi est-ce si traumatisant ?N.C. : Le chiot n’a connu que sa mère, sa fra-

l’école du chiot et des comportements gê-nants. Vous intervenez dans des centres deformation. Pouvez-vous nous en parler ?N.C. : Thierry Bedossa m’a beaucoup appris,notamment sur le respect indispensable desbesoins fondamentaux du chien. Ensemble,nous proposons une complémentarité effi-cace et appréciée je crois, par les gens quinous sollicitent. Nous sommes intervenusdans le cadre de la Société Centrale Canineafin de promouvoir l’école du chiot et lagestion des comportements gênants. Au-jourd’hui, nous collaborons lors de confé-rences sur des sujets divers et bientôt auprèsdes étudiants vétérinaires. Nous interve-nons également dans les Centres de Forma-tion Professionnelle et de PromotionAgricole qui proposent le Diplôme d’Étatd’Éducateur Canin Professionnel. Depuiscette année, j’ai le plaisir d’assurer la forma-tion à Sées, en Normandie, et j’invite leséducateurs « en devenir » à rejoindre cetteformation.

A.C. : Fort de votre expérience, vous avezdonc décidé d’écrire Comment éduquer sonchien dans le sens du poil ? Pouvez-vousnous présenter votre livre. À qui s’adresse-t-il ?N.C. : C’est une autre façon de partager mapassion et un certain état d’esprit face à laresponsabilité de l’éducation. Il s’adresse àtous les adoptants et à ceux qui veulentcommuniquer avec leur chien et lui appren-dre à vivre en harmonie, plutôt que de lefaire obéir.

A.C. : « Tout au long des chapitres de ce ma-gnifique ouvrage, Nicolas nous montre àquel point nos émotions de « maître » sont

trie et quelques humains avant d’êtreadopté. Il va alors quitter un environne-ment réconfortant sans pouvoir deviner lasuite. Il ne peut pas se projeter et compren-dre que l’humain va lui aussi lui proposer duréconfort.

A.C. : « Très vite, poursuivez-vous, il faut luiapprendre le détachement ». En quoi est-ceprimordial ?N.C. : Une fois le chiot apaisé, les premiersapprentissages permettent de le prépareraux contrariétés à venir. Rester seul alorsque l’humain part au travail et à l’école parexemple. Pour cela, il s’agit de lui apprendreà être bien sans l’humain, que ce derniersoit présent (mais pas dans le même espace)ou absent. C’est une grande responsabilitéet je sais que ce n’est pas facile d’ignorer lechiot qui vous sollicite ou vous suit partout.

A.C. : Pourquoi faut-il également lui ap-prendre la frustration ?N.C. : L’éducation consiste surtout à appren-dre au chien à renoncer à ce qu’il a envie defaire. Il s’agit donc de lui permettre de biengérer toute la frustration engendrée par cesrenoncements. Qu’il soit en bien-être le plussouvent possible.

A.C. : Vous écrivez même qu’il faut apprendreà le contrarier. En quoi est-ce nécessaire ?N.C. : Il est facile de motiver un chien maisplus difficile de le contrarier. Dès son arri-vée, nous devons pourtant être capable,sans émotions, de corriger toutes les « bê-tises » normales qu’il fera. Dans le cascontraire, nous dépenserons beaucoupd’énergie plus tard et la relation avec lechien s’en trouvera affectée.

A.C. : Au fil des pages, vous vanter les mé-rites du suivi naturel. Qu’est-ce que cela ap-porte dans la relation entre un maître etson chien ?N.C. : Il n’y a rien de plus apaisant que de sepromener avec son chien sans avoir à le gui-der verbalement. Cette confiance réci-proque se base sur le lien et le renforce.Avec le suivi naturel, c’est le chien qui s’in-quiète de savoir ce que fait et où va l’hu-main.

A.C. : Vous insistez également sur l’impor-tance des rituels. En quoi est-ce si important ?N.C. : Ils sont importants car ils donnent desrepères, renforcent le lien et rendent lechien joyeux. Il sait ce qu’il va se passer à lafin du repas, il nous fait confiance pour l’ap-peler et lui donner les croûtes de fromage.

A.C. : «L’obéissance, je vous cite, n’est pasuniquement une question de technique,mais nécessite un lien fort entre lui et moi».Pouvez-vous développer ?N.C. : Je devrais corriger cette phrase. Je necrois plus en l’obéissance entre le chien etl’humain car elle suggère la désobéissancequi n’est que la preuve d’un mauvais ap-prentissage ou d’une mauvaise communica-tion (ou même un mauvais scénario, cechien et cet humain ne sont pas faits pourse rencontrer !). Dans tous les cas, la respon-sabilité de bien apprendre et de bien com-muniquer incombe à l’humain.

A.C. : Enfin, vous affirmez « La confiancen’est pas une voie à sens unique, elle est ré-ciproque ». N’est-ce pas là, la clé de la réus-site de l’éducation de son chien ?N.C. : Elle est le fruit de l’éducation. Aprèsseulement quelques mois d’apprentissagesessentiels et d’un vécu constructif, il y a lavéritable rencontre entre le chien mature etl’humain, et alors, l’un et l’autre se connais-sent et se font confiance comme deux co-pains, ou trois, ou quatre…

« Comment éduquer son chien dans le sens dupoil ? », Nicolas Cornier Editions Cherche Midi128 pages, 16 euros. [email protected]

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