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7 actualités Actualités pharmaceutiques n° 473 Avril 2008 P lusieurs pays dans lesquels était utilisée l’hormone de crois- sance hypophysaire pour trai- ter différents troubles rares ont dû déplorer des victimes, du fait de la contamination de ces hormones par le prion respon- sable de la maladie de Creutz- feldt-Jakob. Pourtant, aucun État n’a enregistré autant de décès que la France : notre pays compte en effet à lui seul plus de la moitié (58 %) des cas recensés dans le monde. Comment s’explique cette dif- férence entre l’hexagone et des pays comme les États-Unis et la Grande-Bretagne ? Tout a continué comme avant Tout s’est joué au printemps 1985, se sont souvenues, ce vendredi 14 mars dernier, les sept personnes qui compa- raissent depuis le début du mois de février devant le tri- bunal correctionnel de Paris. Le 25 avril 1985, « on commen- çait tranquillement à étudier les dossiers quand la séance est interrompue par un télégramme de Kabi convoquant à Copen- hague pour le dimanche pro- chain les utilisateurs d’hormo- nes de croissance » a raconté le professeur Jean-Claude Job. Cette réunion extraordinaire suit la récente interdiction par les autorités américaines des hor- mones de croissance extracti- ves fabriquées par l’entreprise danoise. À l’issue de la réunion qui se déroule deux jours plus tard, les responsables Français de l’extraction et de la mise au point des hormones de crois- sance restent dubitatifs quant aux risques réels existant en France et quant à la sincé- rité de la communication de Kabi. Henri Cerceau, directeur à l’époque de la pharmacie centrale des hôpitaux, avait ainsi suspecté « un magni- fique coup de marketing de Kabi pour lancer son hormone de synthèse ». Surtout, les diri- geants de France Hypophyse ou du laboratoire Uria de l’Ins- titut Pasteur veulent croire que leurs méthodes d’extraction diffèrent de celles employées aux États-Unis où viennent d’être déplorés les premiers décès liés à l’hormone de croissance. Interrogé sur ce point, Jacques Dangoumeau, directeur de la pharmacie au ministère de la Santé, les conforte fortement dans leur position. Il écrit que « la qualité du système français (...) justifie de ne pas interrompre le très remarquable travail réalisé par France Hypophyse ». Jacques Dangoumeau commente son attitude de l’époque : « Ils voulaient entendre qu’ils tra- vaillaient bien. Cela ne mange pas de pain » estime-t-il. Autosatisfaction meurtrière Ainsi, en France, à la différence de ce qui prévaut aux États- Unis et en Grande-Bretagne dès 1985, l’extraction d’hor- mone de croissance hypo- physaire se poursuit, jusqu’en 1988. Des mesures de pré- caution sont prises, telles que l’introduction de l’urée dans le processus de purification, mais les anciens lots, qui n’avaient pas bénéficié de cette mesure et qui avaient été obtenus en dépit de la transgression de nombreuses règles de sécurité, sont écoulés. Quinze ans plus tard, la France compte 111 jeunes victimes de l’hormone de croissance, bien plus qu’outre-Atlantique, où les méthodes d’extraction étaient considérées par Fernand Dray chef d’Uria comme « anciennes » et « vraiment impures ». Aurélie Haroche © jim.fr Creutzfeldt-Jakob Comment la France s’est-elle crue supérieure aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne ? Quelques familles de victime et Jeanne Goerrian, la présidente de l’Association des victimes de l’hormone de croissance (au centre) lors de la première journée du procès de l’affaire de l’hormone de croissance, le 6 février 2008. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les taux de tuberculose à bacilles multirésis- tants (tuberculose MR) n’ont jamais été aussi élevés. L’OMS estime ainsi à près d’un demi-million de nouveaux cas de tuberculose MR chaque année dans le monde, soit 5 % environ du nombre total de nouveaux cas de tuberculose qui est de 9 millions. Les pays de l’ex-URSS et la Chine enregistrent les taux les plus importants. Ainsi, Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, détient la proportion record de tuberculose multirésistante, soit 22,3 % des cas de tuberculose recensés. Cette proportion atteint 19,4 % en Moldavie et 16 % dans la région de Donetsk (Ukraine). Cependant, l’ampleur du phénomène est encore mal cernée en Afrique, région où l’incidence de la tuberculose est la plus élevée. Les experts de l’OMS sont désormais convaincus que près de 27 000 malades sont victimes chaque année d’une infection par un bacille tuberculeux “ultrarésistant” natu- rellement invincible par la totalité des antibiotiques antituberculeux connus. Noémie Legendre © sylvae.com Source Organisation mondiale de la santé : www.who.int/fr La tuberculose fait de la résistance © Sipa/Florence Durand © BSIP/Cavallini James

Comment la France s’est-elle crue supérieure aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne ?

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Actualités pharmaceutiques • n° 473 • Avril 2008

Plusieurs pays dans lesquels était utilisée l’hormone de crois-

sance hypophysaire pour trai-ter différents troubles rares ont dû déplorer des victimes, du fait de la contamination de ces hormones par le prion respon-sable de la maladie de Creutz-feldt-Jakob. Pourtant, aucun État n’a enregistré autant de décès que la France : notre pays compte en effet à lui seul plus de la moitié (58 %) des cas recensés dans le monde. Comment s’explique cette dif-férence entre l’hexagone et des pays comme les États-Unis et la Grande-Bretagne ?

Tout a continué comme avantTout s’est joué au printemps 1985, se sont souvenues, ce vendredi 14 mars dernier, les sept personnes qui compa-raissent depuis le début du mois de février devant le tri-bunal correctionnel de Paris. Le 25 avril 1985, « on commen-çait tranquillement à étudier les dossiers quand la séance est interrompue par un télégramme de Kabi convoquant à Copen-hague pour le dimanche pro-chain les utilisateurs d’hormo-nes de croissance » a raconté le professeur Jean-Claude Job. Cette réunion extraordinaire suit la récente interdiction par les autorités américaines des hor-mones de croissance extracti-ves fabriquées par l’entreprise danoise.À l’issue de la réunion qui se déroule deux jours plus tard, les responsables Français de l’extraction et de la mise au point des hormones de crois-

sance restent dubitatifs quant aux risques réels existant en France et quant à la sincé-rité de la communication de Kabi. Henri Cerceau, directeur à l’époque de la pharmacie centrale des hôpitaux, avait ainsi suspecté « un magni-fique coup de marketing de Kabi pour lancer son hormone de synthèse ». Surtout, les diri-geants de France Hypophyse ou du laboratoire Uria de l’Ins-titut Pasteur veulent croire que leurs méthodes d’extraction diffèrent de celles employées aux États-Unis où viennent d’être déplorés les premiers décès liés à l’hormone de croissance. Interrogé sur ce point, Jacques Dangoumeau, directeur de la pharmacie au ministère de la Santé, les conforte fortement dans leur position. Il écrit que « la qualité du système français (...) justifie de ne pas interrompre le très remarquable travail réalisé par France Hypophyse ». Jacques Dangoumeau commente son attitude de l’époque : « Ils voulaient entendre qu’ils tra-

vaillaient bien. Cela ne mange pas de pain » estime-t-il.

Autosatisfaction meurtrièreAinsi, en France, à la différence de ce qui prévaut aux États-Unis et en Grande-Bretagne dès 1985, l’extraction d’hor-mone de croissance hypo-physaire se poursuit, jusqu’en 1988. Des mesures de pré-caution sont prises, telles que l’introduction de l’urée dans le processus de purification, mais les anciens lots, qui n’avaient pas bénéficié de cette mesure et qui avaient été obtenus en dépit de la transgression de nombreuses règles de sécurité, sont écoulés.Quinze ans plus tard, la France compte 111 jeunes victimes de l’hormone de croissance, bien plus qu’outre-Atlantique, où les méthodes d’extraction étaient considérées par Fernand Dray chef d’Uria comme « anciennes » et « vraiment impures ». �

Aurélie Haroche

© jim.fr

Creutzfeldt-Jakob

Comment la France s’est-elle crue supérieure

aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne ?

Quelques familles de victime et Jeanne Goerrian, la présidente de l’Association des victimes de l’hormone de croissance (au centre) lors de la première journée du procès de l’affaire de l’hormone de croissance, le 6 février 2008.

Selon un rapport de l’Organisation

mondiale de la santé (OMS), les taux

de tuberculose à bacilles multirésis-

tants (tuberculose MR) n’ont jamais

été aussi élevés.

L’OMS estime ainsi à près d’un

demi-million de nouveaux cas de

tuberculose MR chaque année dans

le monde, soit 5 % environ du nombre

total de nouveaux cas de tuberculose

qui est de 9 millions.

Les pays de l’ex-URSS et la Chine

enregistrent les taux les plus

importants. Ainsi, Bakou, capitale de

l’Azerbaïdjan, détient la proportion

record de tuberculose multirésistante,

soit 22,3 % des cas de tuberculose

recensés. Cette proportion atteint

19,4 % en Moldavie et 16 % dans la

région de Donetsk (Ukraine).

Cependant, l’ampleur du phénomène

est encore mal cernée en Afrique,

région où l’incidence de la tuberculose

est la plus élevée.

Les experts de l’OMS sont désormais

convaincus que près de 27 000

malades sont victimes chaque

année d’une infection par un bacille

tuberculeux “ultrarésistant” natu-

rellement invincible par la totalité

des antibiotiques antituberculeux

connus. �

Noémie Legendre

© sylvae.com

SourceOrganisation mondiale de la santé :

www.who.int/fr

La tuberculose fait de la résistance

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