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Comment surveiller en 2014 les immunotolérants au virus de l’hépatite B et les porteurs inactifs de l’antigène HBs ? Xavier Causse CHR La Source, service d’hépatogastro-entérologie et d’oncologie digestive, 14, avenue de l’Hôpital, CS 86709, 45067 Orléans cedex 2, France [email protected] Disponible sur internet le : 12 décembre 2013 How to monitor today HBV immunotolerant patients and inactive chronic HBV carriers? Si les progrès thérapeutiques en cours dans la prise en charge de l’hépatite C permettent d’espérer une éradication de cette pathologie dans la ou les décennies à venir, le génie évolutif du virus de l’hépatite B (VHB) et sa facilité à intégrer son génome dans celui des hépatocytes infectés n’offrent pas les mêmes perspectives. Nous aurons à gérer d’autant plus longtemps les problèmes liés au portage chronique du VHB que, d’une part, la couverture vaccinale en France continue à souffrir de la méfiance d’une partie de la population vis-à-vis des vaccins et que, d’autre part, l’incidence du VHB dans la population métropolitaine continue à croître [1]. L’amélioration constante des outils biologiques, en termes de seuil de détection et de fiabilité, a permis en quelques années de passer de la notion de porteur sain de l’antigène HBs (Ag HBs), à celui de porteur asymptomatique puis de porteur inactif. Quand on définit les porteurs inactifs avec suffisamment de rigueur (surveillance d’au minimum un an avec transaminases ALT constamment normales, absence d’Ag HBe sérique et présence d’anticorps anti-HBe, charge virale constamment faible < 20 000 ou mieux < 2 000 UI/mL) [2], le risque de développement de carcinome hépatocellulaire (CHC) dans cette population est apparu, en Occident, très peu différent de celui de la population générale [3]. Le principal problème pour ces porteurs inactifs de l’Ag HBs est donc le risque de réactivation virale au cours ou au décours d’une chimiothérapie ou d’un traitement immunosuppresseur. L’enquête conduite par les internistes (21 % de réponses parmi les 1350 sondés) estimait qu’un dépistage du VHB était réalisé chez 44 % des patients recevant des corticoïdes, 68 % de ceux recevant d’autres immunosuppresseurs et 76 % de ceux traités par biothérapie [4]. Un travail d’information doit donc être poursuivi pour augmenter ce dépistage et éviter les réactivations virales dont l’issue peut être dramatique. Les « immunotolérants » (transaminases constamment normales, présence sérique de l’Ag HBs et de l’Ag HBe, charge virale très élevée > 7 log d’UI/mL), relativement peu nombreux en France Presse Med. 2014; 43: 34 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com 3 Éditorial tome 43 > n81 > janvier 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.018

Comment surveiller en 2014 les immunotolérants au virus de l’hépatite B et les porteurs inactifs de l’antigène HBs ?

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Page 1: Comment surveiller en 2014 les immunotolérants au virus de l’hépatite B et les porteurs inactifs de l’antigène HBs ?

Presse Med. 2014; 43: 3–4� 2013 Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

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Disponible sur internet le :12 décembre 2013

Édit

or

tome 43 > n81 > janvier 2014http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.07.018

Comment surveiller en 2014 lesimmunotolérants au virus de l’hépatite B etles porteurs inactifs de l’antigène HBs ?

Xavier Causse

CHR La Source, service d’hépatogastro-entérologie et d’oncologie digestive,14, avenue de l’Hôpital, CS 86709, 45067 Orléans cedex 2, France

[email protected]

How to monitor today HBV immunotolerant patients and inactive chronic

HBVcarriers?

Si les progrès thérapeutiques en cours dans la prise en charge de l’hépatite C permettentd’espérer une éradication de cette pathologie dans la ou les décennies à venir, le génie évolutifdu virus de l’hépatite B (VHB) et sa facilité à intégrer son génome dans celui des hépatocytesinfectés n’offrent pas les mêmes perspectives. Nous aurons à gérer d’autant plus longtemps lesproblèmes liés au portage chronique du VHB que, d’une part, la couverture vaccinale en Francecontinue à souffrir de la méfiance d’une partie de la population vis-à-vis des vaccins et que,d’autre part, l’incidence du VHB dans la population métropolitaine continue à croître [1].L’amélioration constante des outils biologiques, en termes de seuil de détection et de fiabilité, apermis en quelques années de passer de la notion de porteur sain de l’antigène HBs (Ag HBs), àcelui de porteur asymptomatique puis de porteur inactif. Quand on définit les porteurs inactifsavec suffisamment de rigueur (surveillance d’au minimum un an avec transaminases ALTconstamment normales, absence d’Ag HBe sérique et présence d’anticorps anti-HBe, chargevirale constamment faible < 20 000 ou mieux < 2 000 UI/mL) [2], le risque de développementde carcinome hépatocellulaire (CHC) dans cette population est apparu, en Occident, très peudifférent de celui de la population générale [3]. Le principal problème pour ces porteurs inactifsde l’Ag HBs est donc le risque de réactivation virale au cours ou au décours d’une chimiothérapieou d’un traitement immunosuppresseur. L’enquête conduite par les internistes (21 % deréponses parmi les 1350 sondés) estimait qu’un dépistage du VHB était réalisé chez 44 %des patients recevant des corticoïdes, 68 % de ceux recevant d’autres immunosuppresseurs et76 % de ceux traités par biothérapie [4]. Un travail d’information doit donc être poursuivi pouraugmenter ce dépistage et éviter les réactivations virales dont l’issue peut être dramatique.Les « immunotolérants » (transaminases constamment normales, présence sérique de l’Ag HBs etde l’Ag HBe, charge virale très élevée > 7 log d’UI/mL), relativement peu nombreux en France

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métropolitaine, posent plusieurs problèmes. Des études asia-tiques, incluant un grand nombre de porteurs du VHB avec unsuivi de longue durée, ont permis d’associer le risque relatif dedévelopper un CHC à l’importance de la charge virale B et à ladurée d’exposition à cette charge virale élevée [5]. Ce risqueapparaissait aussi significativement augmenté quand exi-staient des antécédents familiaux de cirrhose hépatique oude CHC lié au VHB chez la mère, un frère ou une soeur du sujetconcerné [6].D’autres études, également asiatiques pour la plupart, ontmontré que la transmission materno-infantile du VHB pouvaitse produire, malgré une sérovaccination du nouveau-né bienconduite dans les 24 heures suivant l’accouchement, quand lamère avait une réplication virale très élevée (> 7 log d’UI/mL).Ces mêmes études montraient qu’un traitement antiviral desmères à risque (forte réplication virale) durant le troisièmetrimestre de la grossesse faisait chuter significativement cerisque de transmission [7].Les récentes recommandations de l’European Association for the

Study of the Liver (EASL) sont de surveiller les patients qui restentdurablement en situation d’« immunotolérance » au VHB tous les3 à 6 mois jusqu’à l’âge de 30 ans, au-delà est posée la placed’une biopsie hépatique ou d’un traitement [2].Faut-il surveiller plus fréquemment les patients originaires d’Asieou du Pacifique, souvent contaminés en période néonatale etgardant fréquemment une charge virale très élevée, comptetenu des données de l’étude REVEAL sur le risque de CHC [5] ?Faut-il, pour les adultes demeurant en situation d’immunotolé-rance, rapprocher la surveillance biologique, combiner l’utilisa-tion des marqueurs non invasifs de fibrose pour déceler uneaggravation de celle-ci ? Dans ce cas, lesquels, leur validationn’étant pas consensuelle pour surveiller les infections chroni-ques virales B ? La biopsie hépatique a-t-elle une place dans ceprofil d’immunotolérance ?Au-delà d’un certain âge (30 ans), et en cas d’antécédent aupremier degré de cirrhose ou de cancer à VHB, faut-il proposer

Références[1] INVS. www.invs.sante.fr/Dossiers-themati-

ques/Maladies-infectieuses/Hepatites-vira-les/Hepatite-B/Autres-donnees-epidemio-logiques. Accès le 30-10-2013.

[2] European Association for the Study of theLiver. EASL clinical practice guidelines:management of chronic hepatitis B virusinfection. J Hepatol 2012;57:167-85.

[3] Fattovich G, Bortolotti F, Donato F. Naturalhistory of chronic hepatitis B: specialemphasis on disease progression and pro-gnostic factors. J Hepatol 2008;48:335-52.

[4] Terrier B, Pol S, Thibault V, Gottenberg JE,Cacoub P, GERMIVIC. Prise en charge du

risque de réactivationB chez les patients tpresseurs et immunocine interne : donnéeet proposition d’un acharge. Rev Med Inte

[5] Chen CJ, Yang HI, Su

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2006;295:65-73.[6] Yu MW, Chang HC, Li

Liu CJ et al. Familiacarcinoma among chrand their relatives2000;92:1159-64.

un traitement par anti-nucléosidique ou anti-nucléotidique àforte barrière de résistance ?L’enquête de pratique menée par l’Association nationale deshépatogastro-entérologues des hôpitaux généraux (ANGH) etle club de réflexion des cabinets et groupes d’hépatogastro-entérologie (CREGG), récemment communiquée aux journéesfrancophones d’hépato-gastro-entérologie et d’oncologiedigestive (JFHOD), a révélé que la grosse majorité des hépa-togastro-entérologues interrogés en 2012 identifiaient bien lesporteurs inactifs de l’Ag HBs. En revanche, les critères diag-nostiques des « immunotolérants » au VHB ne semblaientassimilés que par la moitié d’entre eux [8]. Un second ensei-gnement de cette enquête était de confirmer qu’une largemajorité des hépatogastro-entérologues pratiquaient le traite-ment préemptif des porteurs inactifs de l’Ag HBs avant chimio-thérapie ou traitement immunosuppresseur. Une majoritéd’entre eux avait également intégré l’intérêt de traiter lesfemmes enceintes fortement virémiques au troisième trimes-tre de grossesse. L’enquête montrait enfin une disparité cer-taine dans les rythmes de surveillance biologique etéchographique des porteurs inactifs de l’Ag HBs et des« immunotolérants » au VHB, laissant supposer un flou dansle choix des sujets à surveiller par échographie et le rythmesouhaitable de cette surveillance.Les résultats de l’enquête ANGH-CREGG soulignent qu’en amontdes discussions thérapeutiques, il est important de consacrerdes formations médicales continues à l’actualisation desconnaissances sur les porteurs de l’Ag HBs, en particulier les« immunotolérants » qui ont évolué ces dernières années.La cohorte HEPATHER qui a été récemment initiée en Francedevrait aider à répondre à certaines questions : comment mieuxidentifier les populations à risque de CHC, comment les sur-veiller, à quel moment traiter les « immunotolérants » ?

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J, JenStu

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Déclaration d’intérêts : orateur pour BMS, Gilead, Roche.

virus de l’hépatites par immunosup-ulateurs en méde-l’enquête REACTI-Bithme de prise en2012;33:4-12.

CL, You SL, Lu SNdy Group. JAMA

F, Lin SM, Lee SD, of hepatocellular

hepatitis B carriersNatl Cancer Inst

[7] Han GR, Cao MK, Zhao W, Jiang HX, WangCM, Bai SF et al. A prospective and open-label study for the efficacy and safety oftelbivudine in pregnancy for the preventionof perinatal transmission of hepatitis B virusinfection. J Hepatol 2011;55:1215-21.

[8] Causse X, Cadranel JF, Potier P, Denis J, RenouC, Hanslik B et al. Porteurs inactifs du VHB etimmunotolerants : enquete de pratique.JFHOD 2013, http://www.snfge.org/JFHOD2013/7101.html.

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