Commentaire de texte : extrait d'une lettre à Schuller de ... · PDF fileCommentaire de texte : extrait d'une lettre à Schuller de Spinoza Depuis l'Antiquité, l'homme revendique

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  • Commentaire de texte : extrait d'une lettre Schuller de Spinoza

    Depuis l'Antiquit, l'homme revendique sa libert et se bat pour la conqurir. Cette

    notion de libert, si difficile dfinir, est d'autant plus floue que chacun d'entre nous

    possde souvent sa propre reprsentation. Notre socit contemporaine se dclarant

    dmocratique, donc fonde sur une telle notion, peut nous amener penser que la libert

    tend tre acquise par l'ensemble des individus. Or, si l'homme a le sentiment de la libert

    et s'il agit comme s'il tait libre, l'est-il rellement ?

    Selon le philosophe Spinoza, la libert telle que la conoit l'homme n'est qu'une illusion;

    elle n'est que la simple marque de son ignorance des causes qui le dterminent.

    Dans un premier temps, l'auteur expose le principe d'un dterminisme universel qui

    rgirait tout objet de notre monde. Puis, il affirme que n'ayant pas conscience de cet ordre

    gnral, l'homme a le sentiment illusoire d'tre libre, sentiment d'autant plus difficile

    surmonter qu'il est instinctif.

    Avant d'aborder proprement parler la question de la libert, Spinoza commence par

    dfinir le principe du dterminisme. l'image des stociens, il affirme que tout ce qui se

    produit dans le monde a une cause et est rgi par des lois rigoureuses et externes. La pierre

    qui roule a ncessairement reu l'origine une certaine force qui l'a pousse. La

    "permanence de son mouvement" n'est donc que la raction une action externe,

    "l'impulsion" de dpart. Elle est donc dfinie par des "causes externes", et apparat alors

    comme une contrainte. Sans facteurs extrieurs, sans cette impulsion, le mouvement

    n'existe pas. La pierre n'a donc aucun pouvoir sur son action. Par le principe du

    dterminisme, rien ni personne ne serait matre de ses actions puisque celles-ci obissent

    de quelconques "causes externes". Spinoza insiste normment sur cette extriorit. Il faut

    en effet bien comprendre que les causes dont il parle sont bien indpendantes de toute

    volont interne, donc de toute influence. Ainsi, on ne peut en aucun cas agir selon sa propre

    volont. L'auteur sous-entend donc ici, ds le dpart, que l'esprance, la volont n'affectent

    en rien la ralisation de certaines actions. Tout "objet singulier" (cela inclu l'homme) se

    retrouve donc esclave d'un systme sur lequel il n'a aucun contrle.

    Le dterminisme se dfinirait donc comme la relation ncessaire entre une cause et son

    effet. Or, l'auteur affirme que l'homme n'a pas conscience de l'existence des causes qui le

    dterminent. l'image de cette pierre qui penserait que son mouvement n'est que le rsultat

    de sa volont, et qui n'aurait pas conscience de "l'impulsion des causes externes"; l'homme

    a l'illusion d'tre matre de ses actions. Selon Spinoza, il ne serait que le simple maillon

    d'une chane cre par une relation de causalit. Mais l'homme est aveugle ce systme. Il

    n'est conscient que de ses dsirs et nglige de ce fait l'impulsion qui les dtermine. Il

    s'imagine donc tre le maillon originel de la chane, la source d'une srie d'actions et de

  • phnomnes que lui seul pourrait engendrer. Cela amne donc un sentiment de contrle et

    de matrise illusoire qui dfinit d'aprs le philosophe "la libert humaine". L'Homme

    cherche donc assouvir ses dsirs, et non les comprendre. Le carcan de contraintes et de

    dterminations qui l'oblige faire une quelconque action n'existe donc pas ses yeux, et en

    un certain sens, il ne veut pas qu'il existe. En effet, ce systme de causes externes peut

    apparatre dur, puisque tyrannique puisqu'il n'accepte aucune drogation et oblige l'homme

    une soumission totale. Celui-ci apparat donc au niveau de tout autre objet singulier. Il

    n'est ni plus ni moins qu'une pierre. Cela sous-entend donc que la socit contemporaine ne

    serait point le rsultat d'un combat men par toute une civilisation mais simplement le

    rsultat de lois universelles et immuables. Pour appuyer sa rflexion Spinoza donne

    plusieurs exemples qui peuvent apparatre banals. Il veut nous montrer que cette ignorance

    est commune tout tre et que nous pouvons en prendre conscience assez facilement, en

    observant l'attitude d'un "enfant" ou d'un "ivrogne". Mais le problme reste le mme : on

    prfre souvent fermer les yeux, de peur de dcouvrir une ralit trop brutale. Cette fausse

    libert serait somme toute un doux cocon o il fait bon vivre et qui garantit une vision

    logieuse de l'Homme. Mais, malheureusement, ce n'est qu'un mirage, une mascarade qui

    apparat comme la simple marque de l'ignorance des causes qui dterminent l'individu. (...)

    Pour le philosophe Spinoza, l'homme n'est donc pas libre s'il ignore sa dpendance

    l'gard de l'ordre gnral de la nature, qui est l'origine de toute action de notre monde.

    Ainsi, tout serait dtermin et rpondrait des rgles prcises et immuables. Toute action

    serait donc indpendante de notre volont. Une telle vision de la libert annule toute notion

    de responsabilit. En effet, un criminel qui commettrait un quelconque mfait ne saurait

    rpondre de ses actes puisqu'il ne ferait qu'obir des causes externes. Ainsi, l'homme serait

    irresponsable et aurait la possibilit de commettre le bien comme le mal selon que

    s'arrangent les lois dtermines. Une telle affirmation mettrait fortement mal tout notre

    systme moral et judiciaire, qui serait alors compltement illusoire.

    De plus, prtendre que tous les phnomnes de l'univers obissent des lois universelles

    et immuables impliquerait que notre monde soit soumis au Destin, que l'avenir soit dj

    trac. Ainsi, toutes les guerres, les pidmies, les catastrophes naturelles seraient le rsultat

    de causes externes sur lesquelles nous ne pouvons agir. quoi bon alors se battre pour

    enrayer de tels flaux ? quoi bon esprer les avoir un jour rduits nant, si nous ne

    sommes que des pantins condamns subir le systme ? On pourrait penser que l'Homme

    victime de l'extriorit ne peut tre libre. Or, dans ces conditions, la vritable libert

    consiste dans la connaissance, la reconnaissance et l'acceptation des dterminations. Elle

    consiste, comme le voulaient les stociens, se soumettre ce qui ne dpend pas de nous,

    la ncessit. En cela, cette vision peut s'opposer l'image habituelle que l'on peut se faire de

    la libert selon laquelle on est libre lorsqu'il y a absence de contraintes, de devoirs, donc de

    ncessit; lorsque l'on peut faire ce que l'on veut. Mais la volont tant nulle avec le

    dterminisme, cette image se rvle inexacte.

    Or, prtendre connatre les causes de chacun de nos dsirs serait quelque peu utopique.

    On peut avec le recul, ou avec un minimum d'analyse prendre conscience des causes de

  • certains de nos actes, mais une majeure partie d'entre eux apparat encore obscure, soit

    parce que notre inconscient nous interdit de le dcouvrir, soit parce que les limites de notre

    connaissance nous handicapent, soit encore par dcouragement face la tche de travail

    accomplir. Une part d'inconnu subsistera toujours et donc la libert peut tre conue comme

    l'tat idal (donc irralisable) de l'homme.

    Dans ce texte, Spinoza rejette la notion de libert telle que la conoivent les hommes, car

    elle n'est que la marque de leur ignorance des causes qui les dterminent. Les hommes sont

    aveugles : ils ont conscience de leurs dsirs sans connatre les causes qui les dterminent.

    Ainsi, la vritable libert consisterait dans la connaissance et la reconnaissance de nos

    dterminations. Or, cela apparat comme un idal. On peut donc alors se demander si la

    libert existe vraiment.