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COMMUNICATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLE Sélection d’articles présentés lors de la 9 ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement

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La Communication pour le Développement doit à la fois permettre un meilleur dialogue et une participation et un partage des connaissances et de l’information entre les peuples et les institutions. La 9ème Table ronde (Rome, septembre 2004), s’est intéressée à la “Communication et au développement durable” en abordant les trois principales thématiques suivantes, liées entre elles mais aussi centrales pour cette problématique: la communication dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation; la communication pour la gestion des ressources naturelles; et la communication pour les groupes isolés et marginalisés. Les différents textes présentés dans cet ouvrage offrent des vues et des perspectives qui contribuent à la réflexion sur ces thématiques.

COMMUNICATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLESélection d’articles présentés lors de la 9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement

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COMMUNICATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLESélection d’articles présentés lors de la 9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement

ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE

Rome, 2007

Division de la recherche et de la vulgarisationDépartement de la gestion des ressources naturelles et de l’environnement

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Les appellations employées dans ce produit d’information et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) aucune prise de position quant au statut juridique ou au stade de développement des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. La mention de sociétés déterminées ou de produits de fabricants, qu’ils soient ou non brevetés, n’entraîne, de la part de la FAO, aucune approbation ou recommandation desdits produits de préférence à d’autres de nature analogue qui ne sont pas cités.

ISBN 978-92-5-205883-0

Tous droits réservés. Les informations contenues dans ce produit d’information peuvent être reproduites ou diffusées à des fins éducatives et non commerciales sans autorisation préalable du détenteur des droits d’auteur à condition que la source des informations soit clairement indiquée. Ces informations ne peuvent toutefois pas être reproduites pour la revente ou d’autres fins commerciales sans l’autorisation écrite du détenteur des droits d’auteur. Les demandes d’autorisation devront être adressées au:Chef de la Sous-division des politiques et de l’appui en matière de publications électroniquesDivision de la communication, FAO Viale delle Terme di Caracalla, 00153 Rome, Italie ou, par courrier électronique, à: [email protected]

© FAO 2007

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Table des matières

Présentation vAvant-propos vi

Communication et développement durable par Jan Servaes & Patchanee Malikhao 1Introduction 1

1. Panorama de la contribution de la communication pour le développement au

développement durable 1

2. Les différentes définitions et les perspectives du développement durable 5

3. Les tendances actuelles, les défis et les priorités 8

4. Mondialisation et localisation : penser au-delà des médias 11

5. Le développement durable au niveau communautaire 13

6. Priorités des organisations et des praticiens de la communication en matière

de développement durable 16

7. Les stratégies de communication pour la mise en oeuvre du développement

durable 17

8. Saisir les opportunités offertes par les TIC pour réaliser les objectifs de

développement du millénaire (2015) 19

9. En guise de conclusion : “adapter les sociétés de l’information aux besoins

Humains” 20

Références bibliographiques 23

Annexe 25

Le contexte de la communication pour le développement en 2004 par James Deane 43Introduction 44

1. Le contexte du développement 44

2. L’environnement des médias et de la communication 50

3. Un financement contradictoire. 59

4. Conclusion: faire face aux nouvelles urgences 61

La Communication pour le développement dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation par Niels Röling 63Préambule 63

Introduction 63

1. Trois discours imbriqués mais incontournables 68

2. Exploration du contexte de l’innovation agricole en Afrique de l’Ouest 73

3. Faut-il atrophier la communication pour le développement relative à

la recherche, à la vulgarisation et à l’éducation? 77

4. Conclusion 82

Références bibliographiques 82

Annexe: propositions à discuter 86

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Faciliter le dialogue, l’apprentissage et la participation en gestion des ressources naturelles par Guy Bessette 89Avant-propos

1. Lutte contre la pauvreté, sécurité alimentaire et durabilité de

l’environnement : la contribution de la communication partecipative 90

2. De la diffusion d’information à la participation communautaire 91

3. Le praticien de la GRN comme intervenant en communication et facilitateur 94

4. Appui de la GRN par des stratégies et des outils de communication 100

5. Influencer ou appuyer la mise en oeuvre des politiques de GRN 105

6. Le renforcement des compétences 108

7. Aspects institutionnels 111

8. Perspectives régionales 112

Conclusion 113

Bibliographie 114

La Communication pour les groupes isolés et marginalisés. Lier l’ancien et le nouveau par Silvia Balit 117Synthèse 117

1. Mise en place 118

2. Quelques leçons à tirer de l’expérience 123

3. Médias et approches 127

4. Conclusions 136

Références bibliographiques 142

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Présentation

La 9ème Table ronde organisée par les Nations Unies sur la Communication pour le Développement (Cpd), s’est intéressée à l’utilisation de la communication pour le développement durable. Cet ouvrage présente différents articles utilisés comme documents de référence lors de la Table ronde:

L’article “Communication et développement durable”, préparé par Jan Servaes et Patchanee Malikhao présente l’évolution de la théorie et des pratiques de Communication pour le Développement appliquées au développement durable.

Dans l’article “Le contexte de la communication pour le développement”, James Dean décrit les nouvelles tendances et les défis qui se posent dans le domaine de la Cpd pour la mise en œuvre des Objectif de développement du Millénaire.

Le document “Communication pour le développement dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation”, écrit par Niels Röling, offre une bonne réflexion sur le rôle de la Cpd pour accroître les systèmes d’innovation en agriculture et pour soutenir la recherche et les institutions responsables de la vulgarisation.

L’article “Faciliter le dialogue, l’apprentissage et la participation en gestion des ressources naturelles”, de Guy Bessette, explore le rôle clé des approches participatives de communication et des méthodes de gestion durable des ressources naturelles.

Dans son article “La communication pour les groupes isolés et marginalisés. Lier l’ancien et le nouveau”, Silvia Balit présente une méthode de Cpd permettant de répondre aux problèmes d’équité en fournissant une série de recommandations concrètes pour l’intégration des initiatives de développement à différents niveaux.

Nous remercions spécialement les auteurs pour leurs contributions de même que Mario Acunzo, spécialiste de la Communication pour le développement de la FAO, qui a supervisé la préparation de cette publication.

Pour de plus amples informations sur cette publication, veuillez contacter: [email protected]

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Avant-Propos

La Communication pour le Développement concerne le dialogue, la participation et le partage des connaissances et des informations entre les peuples et les institutions. Elle prend en compte les besoins et les capacités de tous les acteurs dans le processus de développement. L’importance de la communication pour le développement dans ses efforts pour atteindre les Objectifs de développement du Millénaire, en particulier ceux relatifs au développement durable, sont devenus très importants pour les organisations internationales, les gouvernements et les ONGs.

La Table ronde inter-agences des Nations Unies sur la Communication pour le Développement est un forum informel organisé tous les deux ans sous la direction de l’UNESCO pour les agences des Nations Unies, les donateurs et les acteurs sur le terrain dans le but de partager et de présenter les progrès accomplis, d’harmoniser les approches et de développer des accords de partenariats sur le terrain. La 9ème Table ronde des Nations Unies qui s’est tenue à Rome en septembre 2004 a été organisée par la FAO en collaboration avec l’UNESCO, la Banque mondiale, le CTA, le CRDI, le gouvernement italien et a rassemblé 150 participants. La Table ronde dont le thème était: “La communication et le développement durable” a abordé trois thématiques, toutes liées entre elles et particulièrement centrales pour le développement durable: la communication dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation; la communication pour la gestion des ressources naturelles; et la communication pour les groupes isolés et marginalisés. Les articles présentés dans cet ouvrage ont constitué des documents de base des sessions de travail des Tables rondes, offrant des vues et perspectives qui ont grandement contribué à ses résultats.

La 9ème Table ronde des Nations Unies a constitué un évènement qui a fait avancer la communication pour le développement dans ses efforts pour répondre aux défis du 21ème siècle grâce à une plus forte collaboration et une mise en réseau des agences des NU et des institutions partenaires. Elle a réaffirmé que la Communication pour le Développement est une bonne approche pour répondre aux besoins des populations et au développement des institutions en faisant la promotion des connaissances, de l’information et de la participation de manière intégrée.

Nous espérons que les articles présentés dans cette publication constitueront une source d’inspiration pour encourager réflexion et mises en pratique de la communication liée aux objectifs de développement du Millénaire sur le développement durable.

Isabel AlvarezDirectrice Division de la Recherche et de la Vulgarisation

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Communication et développement durable

Jan Servaes & Patchanee Malikhao

INTRODUCTIONTous les acteurs associés à l’analyse et la mise en place de ce que l’on appelé «la communication pour le développement’ seraient probablement d’accord sur l’idée que la communication est essentiellement le partage du savoir destiné à atteindre un consensus pour l’action, en prenant en compte les intérêts, les besoins et les capacités de tous ceux qui sont concernés. Il s’agit donc d’un progrès social. Les médias de communication sont des outils essentiels pour réaliser ce processus, mais leur utilisation ne constitue pas un but en soi – la communication interpersonnelle ayant également un rôle fondamental à jouer.

Ce document se compose d’une série de synthèses portant sur : • la contribution de la communication pour le développement au développement

durable ; • les définitions du développement durable vu de ‘l’Ouest’ et de ‘l’Est’ ; • les tendances, défis et opportunités actuels ; • le débat en cours sur la mondialisation et la localisation et ses conséquences pour

la recherche en matière de communication pour le développement durable ; • le développement rural au niveau communautaire ;• les thèmes prioritaires des organisations et des praticiens de communication, en

rapport avec le développement durable ; • les défis actuels en matière de politique et de recherche sur la communication

pour le développement durable ; • les conséquences possibles de la communication pour le développement sur les

objectifs de développement du millénaire, arrêtés par le sommet mondial sur le développement durable (Johannesburg, 2001) et le sommet mondial sur la société de l’information (Genève, 2003).

1. PANORAMA DE LA CONTRIBUTION DE LA COMMUNICATION POUR LE DÉVELOPPEMENT AU DÉVELOPPEMENT DURABLELe consensus de base sur la communication pour le développement évoqué ci-dessus a été interprété et appliqué de diverses façons tout au long du siècle dernier, au niveau théorique comme à ceux de la recherche, de la politique, de la planification et de la mise en œuvre. Diverses perspectives se présentent.

1.1. Origines différentes, perspectives différentes1. Au cours de la période 1958-1986, la communication pour le développement

a été accueillie avec enthousiasme et optimisme : «La communication a été un élément essentiel dans les projets occidentaux destinés à assurer le développement du tiers monde. Au cours de la décennie et demie qui a suivi l’importante étude de Lerner (1958) sur la communication et le développement au Moyen orient, les chercheurs en communication ont affirmé que l’introduction des médias et de certains types d’information éducative, politique et économique dans un système social pouvait conduire les individus et les sociétés, de la tradition vers

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Communication et développement durable - Jan Servaes & Patchanee Malikhao2

la modernité. Conçus pour agir directement et puissamment sur les auditoires du tiers monde, les médias ont été perçus comme des multiplicateurs magiques, capables d’accélérer et de magnifier les bénéfices du développement. « (Fair, 1989).

Trois directions sont suggérées pour les recherches à venir : (a) réexaminer la pertinence des contenus, (b) organiser davantage de programmes de recherches comparatives, et (c) organiser davantage de programmes de recherches au niveau politique.

2. Au cours de la période 1987-1996, le modèle de modernisation proposé par Lerner a complètement disparu. A l’inverse, le cadre théorique le plus souvent mobilisé est celui du développement participatif, une orientation post-moderne optimiste, aux antipodes de la vision de Lerner, pour qui les moyens de communication de masse devaient jouer un rôle de communication pyramidale dans les changements sociaux. Le modèle de flux en deux phases, élaboré par les théoriciens de la modernisation, a également disparu du champ de la recherche.

3. Au cours de ces deux périodes on a avancé des théories ou des approches comme les écarts de savoirs, les influences indirectes ou les gratifications par l’usage. Toutefois, dans les années 1987-96, la recherche apparaît plus diversifiée sur le plan théorique, par rapport à ce qui a été publié entre 1958 et 1986.

Dans l’étude portant sur la période 1987-1996, un élément de suggestion récurrent concernait «le besoin de conduire plus de recherches dans le champ politique, y compris l’analyse institutionnelle et le développement de la coordination inter agences». Puis est apparu par le besoin de découvrir et de développer des modèles de communication indigène par le biais de la recherche participative (Fair & Shah, 1997:19). C’est pourquoi, presque personne n’oserait plus, aujourd’hui, faire les déclarations optimistes que l’on entendait dans un passé récent.

Toutefois, l’hypothèse implicite sur laquelle le paradigme actuel sur lequel s’appuie ce que l’on appelle la modernisation, persiste encore et continue à influencer le discours des principaux acteurs de la communication pour le développement en matière de politique et de planification, sur le plan théorique comme au niveau du terrain.

1.2. De la modernisation à la multiplicité à travers la dépendance 1. Après la seconde guerre mondiale, la fondation des Nations unies a stimulé les

relations entre les Etats souverains, s’agissant notamment des pays de l’Atlantique nord et des pays en développement, y compris les nouveaux Etats émergeant d’un passé colonial. Pendant la période de la guerre froide, les super puissances – Etats-Unis et Union soviétique – ont essayé de d’élargir leurs intérêts dans les pays en développement. En fait, les USA définissaient les changements sociaux et le développement comme une reproduction de leur propre système politico-économique, ce qui permettait d’ouvrir la voie à leurs grandes compagnies transnationales. Dans le même temps, les pays en développement considéraient ‘l’état de prospérité’ des Nations de l’Atlantique Nord comme l’objectif suprême du développement. Ces pays étaient attirés par le transfert des nouvelles technologies et le modèle d’un Etat centralisé avec une planification économique rigoureuse et des bureaucraties centralisées pour l’agriculture, l’éducation, ce qu’ils considéraient comme les stratégies les plus efficaces pour rattraper le niveau des pays industrialisés.

Cette vision, principalement orientée sur une économie endogène et évolutionniste, a finalement débouché sur la théorie de la modernisation et de la croissance. Le développement y est perçu comme un processus unilinéaire et évolutionniste qui

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 3

aborde l’état de sous-développement en termes de différences quantitatives entre ce que l’on appelle les pays riches et les pays pauvres d’un côté et les sociétés traditionnelles et les sociétés modernes de l’autre.

2. Cette perspective euro (ou ethno) centriste du développement, qui est apparue au milieu des années 60, a été remise en cause par les chercheurs sociaux d’Amérique latine, ce qui a donné naissance à une théorie qui abordait le concept de dépendance et de sous-développement. Les ‘dependentistas’ étaient surtout préoccupés par les effets de la dépendance sur les pays de la périphérie, mais leur analyse montrait de façon implicite l’idée selon laquelle le développement et le sous-développement devaient être analysés dans le contexte du système mondial.

Ce paradigme de la dépendance a joué un rôle important dans le mouvement pour un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication qui a duré de la fin des années 1960 jusqu’au début des années 1980. A cette époque, les nouveaux Etats d’Afrique, d’Asie et le succès des mouvements socialistes et populaires à Cuba, en Chine, au Chili et dans d’autres pays ont inspiré les objectifs d’autodétermination politique, économique et culturelle dans la communauté internationale des nations. Ces nouvelles nations ont partagé un idéal d’indépendance face aux super puissances et ont organisé le mouvement des nations non alignées. Le mouvement des non-alignés envisageait le développement comme une lutte politique.

3. Depuis que la démarcation entre le premier, le second et le troisième monde et que le clivage entre centre et périphérie ont été effectués, la nécessité d’un nouveau concept de développement, basé sur l’identité culturelle et la multi dimensionnalité, est apparue. Le monde ‘globalisé’ d’aujourd’hui ainsi que ses entités régionales et nationales distinctes, sont confrontés à des crises à facettes multiples. Au-delà de la crise économique et financière évidente, apparaissent des crises sociales, idéologiques, morales, politiques, ethniques, écologiques et sécuritaires. En d’autres termes, les points de vue antérieurs sur la dépendance sont devenus difficiles à maintenir en raison de l’interdépendance croissante entre les régions, les nations et des communautés, dans notre monde globalisé.

La critique des deux paradigmes évoqués ci-dessus, notamment celui de l’approche par la dépendance, a fait émerger un nouveau point de vue sur le développement et les changements sociaux. Le point de départ commun est l’analyse des changements dans une perspective ascendante, ‘du bas vers le haut’, en se fondant sur l’auto développement des communautés locales. Le postulat de base consiste à considérer qu’aucun pays ou communauté ne fonctionne de façon totalement autonome et totalement autosuffisante et le développement d’aucun pays n’est déterminé par des facteurs extérieurs. D’une façon ou d’une autre, chaque société est dépendante, en forme comme en échelle. Il a donc été nécessaire de rechercher un cadre qui permette d’étudier séparément les pays du centre et ceux de la périphérie, tout en analysant leur relations mutuelles, au niveau mondial, national et local.

Le contenu du développement est également devenu un sujet d’intérêt, ce qui suppose une approche plus normative. D’autres questions se sont posées sur le concept même de ‘développement’ : les pays ‘développés’ le sont-ils réellement, les progrès qu’ils accomplissent sont-ils durables ou souhaitables? Ce questionnement a favorisé une multiplicité d’approches basées sur le contexte du développement, les besoins de base véritables et l’émancipation des secteurs les plus opprimés de diverses sociétés à

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différents niveaux. Un élément méthodologique important consiste à considérer que les changements doivent être structurels et intervenir à de multiples niveaux.

1.3. De la diffusion à la communication participative1. La typologie générale, exposée ci-dessus, sur ce que l’on désigne comme les

paradigmes du développement (pour plus d’informations voir Servaes 1999) se retrouve aussi dans la communication et la culture. Dans le contexte du développement, les médias de communication sont généralement utilisés pour la dissémination de messages qui poussent l’audience à apporter son soutien aux projets orientés sur le développement. Bien que les stratégies de développement des pays en développement divergent considérablement, les modèles habituellement mis en œuvre pour la radio, la télévision et la presse ont été généralement semblables : informer la population sur les projets, illustrer les avantages de ces projets et inciter à les soutenir. Un exemple typique de cette stratégie peut être trouvé dans le domaine de la planification familiale, où des outils de communication comme les affiches, les brochures, la radio et la télévision visent à persuader l’audience d’accepter les méthodes de contrôle des naissances. Des stratégies similaires sont utilisées pour les campagnes de santé, de nutrition, les projets agricoles, l’éducation etc.

Dans ce modèle, on considère que le processus de communication se fonde sur des messages allant d’un émetteur vers un récepteur. Cette vision hiérarchique de la communication est illustrée par le schéma classique de Lasswell : ‘qui dit quoi, à travers quels canaux, à qui et avec quels effets?’, et renvoie aux recherches (principalement américaines) sur les campagnes et la diffusion à la fin des années 1940 et 1950.

C’est le chercheur américain Everett Rogers (1983) qui a introduit la théorie de la diffusion dans le contexte du développement. Ici, la modernisation est considérée comme un processus de diffusion qui permet aux individus de passer d’un mode de vie traditionnel à un mode de vie différent, plus développé sur le plan technologique et plus adapté aux changements rapides. Travaillant principalement dans le domaine de la recherche sociologique sur les sociétés agraires, Rogers a insisté sur le processus d’adoption et de diffusion des innovations culturelles. Cette approche concerne donc le processus de diffusion et d’adoption d’innovations d’une façon bien plus systématique et planifiée. Les médias de communication de masse jouent un rôle important pour sensibiliser le public sur les nouvelles possibilités et pratiques, mais c’est la communication interpersonnelle qui est considérée comme la plus efficace au niveau des décisions d’adopter ou non ces innovations. En conséquence, sur cette ligne de pensée, on peut conclure que les moyens de communication de masse sont sans doute moins efficaces que l’influence personnelle pour influencer directement le comportement social.

Les perspectives plus récentes sur la communication pour le développement avancent que ce modèle n’offre qu’une d’une vision limitée de la communication pour le développement, car il est vertical, se limite à une seule voie de communication et que l’on sait que le développement ne s’accélérera qu’avec un engagement actif dans le processus de la communication lui-même. La recherche a montré que même si des groupes, dans le public, pouvaient obtenir des informations de sources impersonnelles comme la radio et la télévision, cette information avait relativement peu d’effets sur les changements de comportements. Et le développement s’appuie pourtant sur ce type de changements. D’autres recherches ont permis de conclure que l’on obtient davantage de résultats avec les contacts interpersonnels et les techniques de communication de masse basés sur les contacts interpersonnels. Dès le début du processus, avant même que la population ne soit en mesure de discuter et de résoudre ses problèmes, il faut lui

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proposer une information sur les faits et cette information est apportée par les médias, au niveau national, régional et local. Au cours de cette même phase, si les médias sont suffisamment accessibles, le public peut faire connaître ses besoins d’information.

Les théories de communication comme ‘la diffusion des innovations’, ‘l’interactivité des flux’ ou les approches de ‘vulgarisation’ s’inscrivent dans la théorie de la modernisation exposée ci-dessus. Le caractère élitiste, vertical ou orienté du sommet vers la base de ce modèle de diffusion est évident.

2. Le modèle participatif, quant à lui, intègre les concepts dans le cadre de la multiplicité. Il souligne l’importance de l’identité culturelle des communautés locales, de la démocratisation et de la participation à tous les niveaux – international, national, local et individuel. Il conduit à des stratégies largement orientées sur les ‘récepteurs’ traditionnels. Paulo Freire (1983:76) considère cela comme le droit de tout peuple à s’exprimer individuellement et collectivement : « il ne s’agit pas du privilège de quelques personnes, mais du droit de tout homme (et de toute femme) à s’exprimer. En conséquence personne ne peut dire une vérité tout seul – pas plus qu’il ne peut la dire à la place de quelqu’un d’autre, de façon normative, en volant aux autres leur parole».

Dans tout processus de prise de décision dans le processus de développement, la participation est essentielle pour partager l’information, le savoir, la responsabilité, l’engagement et pour adopter une attitude juste face aux projets de développement.

Toutefois, la commission internationale pour l’étude des problèmes de communication, présidée par le regretté Sean MacBride affirmait : «il faut une nouvelle attitude pour dépasser la pensée stéréotypée et mieux accepter la diversité et la pluralité, dans le plus grand respect de la dignité et de l’égalité de populations vivant dans des conditions différentes et se comportant de différentes façons»(MacBride, 1980:254).Ce modèle insiste sur la collaboration réciproque à tous les niveaux de participation.

Ces nouvelles approches affirment également que le point de départ se situe au niveau de la communauté. C’est là que les problèmes des conditions de vie sont débattus et que les interactions avec d’autres communautés sont vie sont entreprises. La forme de participation la plus développée est l’autogestion. Ce principe suppose le droit à la participation à la planification et à la production du contenu des médias. Toutefois, tout le monde ne souhaite pas ou ne peut pas être associé à leur mise en œuvre pratique. Ce qui est plus important, c’est que la participation soit possible au niveau des prises de décision concernant les sujets abordés dans les messages et sur les procédures de sélection. Un des principaux obstacles à la décision d’adopter une stratégie participative est que cela effraie les hiérarchies en place. Toutefois, la participation ne suppose pas que l’on donne plus de place aux spécialistes du développement, aux planificateurs et aux leaders institutionnels. Cela signifie seulement que les points de vue des groupes locaux de la population sont pris en considération avant que les ressources destinées au projet de développement ne soient allouées et réparties et que les suggestions de changement politiques ne soient proposés.

2. LES DIFFÉRENTES DÉFINITIONS ET LES PERSPECTIVES DU DÉVELOPPEMENT DURABLE Au-delà des distinctions de base développées ci-dessus sur les trois perspectives historiques du développement (1.2) et des deux modèles de communication pour le développement (1.3), les différentes approches du développement durable sont également en débat. Au moins deux approches opposées méritent d’être mentionnées

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une perspective ‘occidentale’ représentée par la Commission Bruntland et une perspective ‘orientale’ bouddhiste comme celle présentée par le philosophe et moine thaïlandais Phra Dhammapidhok. Une question mérite toutefois d’être soulevée : y a t il un point de rencontre entre ces approches?

2.1. Une perspective ‘occidentale’ : la Commission Bruntland En 1987, la Commission mondiale pour l’environnement et le développement (CMED), également connue comme la Commission Bruntland définissait le développement durable comme «le développement qui satisfait les besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des futures générations à satisfaire leurs propres besoins» (Elliott, 1994: 4).

Les questions essentielles et les conditions nécessaires pour le développement durable identifiées par la CMED sont les suivantes :

• Population et développement;• sécurité alimentaire ;• espèces et écosystèmes ;• énergie ; • industrie ; et • le défi urbain. .

La poursuite de ce type de développement durable suppose l’existence : • d'un système politique qui assure une véritable participation des citoyens aux

prises de décisions ; • d'un système économique capable de réduire les tensions liées à un développement

non harmonieux ;• d'un système de production qui respecte les obligations de protéger la base

écologique du développement ; • d'un système technologique qui autorise des modèles durables en matière de

commerce et de finances ; • d'un système administratif souple et capable de s’auto corriger ; • d'un système de communication qui permette d’organiser ce modèle et de le faire

accepter par tous les acteurs concernés, à tous les niveaux de la société.

2.2. Une perspective ‘orientale’ : Phra DhammapidhokPhra Dhammapidhok (Payutto, 1998), célèbre moine et philosophe bouddhiste, souligne que dans le développement durable défini par l’occident, il manque d’une dimension humaine. Il affirme que l’idéologie occidentale insiste trop sur la ‘concurrence’ ; d’où le concept ‘de compromission’ utilisé dans la définition de la CMED citée ci-dessus. Compromettre signifie amoindrir les besoins de toutes les parties. Si l’autre partie n’accepte pas le compromis, vous devrez compromettre vos propres besoins et cela conduira à de la frustration. Le développement ne sera pas durable si les populations ne sont pas satisfaites.

Il est donc parvenu à la conclusion que la perception de la durabilité et le chemin qu’elle propose d’emprunter conduisent le développement à un cul-de-sac.

D’un point de vue bouddhiste, la durabilité renvoie à l’écologie, l’économie et la capacité d’évoluer. Ce concept de ‘capacité d’évolution’ signifie que les êtres humains disposent d’un potentiel d’évolution qui leur permet de devenir des personnes moins égoïstes. La mission centrale du développement durable est d’encourager et de convaincre les êtres humains à vivre en harmonie avec leur environnement et non à le contrôler et à le détruire. Si les humains ont été correctement socialisés, ils exprimeront une attitude correcte face à la nature et à l’environnement et agiront en conséquence. Il affirme que :

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 7

“Un système de relation correcte de l’espèce humaine développée est l’acceptation du fait que les êtres humains font partie de la nature et de son écologie. Les êtres humains devraient se développer pour acquérir une meilleure capacité à aider leurs autres espèces soeurs dans le domaine de la nature ; à vivre d’une façon harmonieuse et à ralentir les exploitations afin de contribuer à un monde meilleur.» (Payutto, 1998: 189)

Cette approche holistique de l’humanité renvoie à trois dimensions du développement culturel :

• Les comportements et styles de vie qui ne menacent pas la nature ; • Les esprits en harmonie avec l’éthique(orientale), la stabilité, la motivation etc.

afin de considérer les autres créatures comme des compagnons ; • La sagesse, qui comprend le savoir et la compréhension, l’attitude, les normes et

valeurs qui permettent de vivre en harmonie avec la nature.

2.3. L’interdépendance comme point de départ?Il peut être pertinent de souligner que la perspective développée ci-dessus n’est pas ‘uniquement’ orientale, car elle a été également promue dans d’autres parties du monde. Par exemple, à la fin des années 1970, la Fondation Dag Hammarskjöld a soutenu trois fondations pour ‘un autre développement’ ou ‘un développement durable’ : (a) un autre développement’ vise la satisfaction des besoins, en commençant par l’éradication de la pauvreté ; (b) un autre développement est endogène et indépendant ; et (c) un autre développement est en harmonie avec l’écologie physique et culturelle.

Plus récemment, la Commission mondiale pour la culture et le développement, présidée par Javier Pérez de Cuellar (1995), a travaillé sur des hypothèses similaires. Elle a affirmé que le développement séparé de son contexte humain ou culturel est une croissance sans âme. Cela signifie que la culture ne peut pas être réduite à une position subsidiaire ou à un simple facteur de croissance économique. Le rapport de la commission poursuit en affirmant : «les gouvernements ne peuvent pas déterminer la culture d’un peuple ; c’est au contraire cette culture qui les détermine partiellement eux-mêmes»(De Cuéllar, 1995:15).

Le principe de base devrait être «d’inciter à respecter toutes les cultures dont les valeurs sont tolérantes aux autres. Le respect va au-delà de la tolérance et implique une attitude positive vers les autres peuples et une célébration de leur culture. La paix sociale est nécessaire pour le développement humain ; mais elle suppose aussi que les différences entre les cultures ne soient pas considérées comme quelque chose d’étrange, d’inacceptable ou d’odieux, mais comme une expérience sur les façons de vivre ensemble qui permette de tirer des leçons et des informations pour tous»(De Cuéllar, 1995:25).

Il ne s’agit plus ici seulement d’attitudes, mais aussi de pouvoir. Les responsables politiques ne peuvent pas légiférer sur le respect, pas plus qu’ils ne peuvent forcer leurs populations à se comporter de façon respectueuse. Mais ils peuvent intégrer la liberté culturelle comme un des piliers sur lesquels se fonde l’Etat. La liberté culturelle est un concept bien particulier. Elle diffère de bien d’autres formes de liberté dans toute une série d’aspects. Premièrement de nombreuses conceptions de la liberté renvoient à l’individu. La liberté culturelle, à l’inverse, est une liberté collective. C’est la condition qui permet à la liberté individuelle de s’épanouir. Deuxièmement, la liberté culturelle, bien interprétée, est une garantie pour la liberté tout court. Elle protège non seulement la collectivité, mais aussi les droits de chacun des individus qui la composent. Troisièmement, la liberté culturelle, en protégeant des modes de vie alternatifs, encourage la créativité, l’expérimentation et la diversité, qui sont les valeurs essentielles du développement humain. Enfin, la liberté est un élément central de la culture, en particulier la liberté de décider les valeurs que nous voulons porter et les

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vies que nous voulons vivre. « Un des besoins essentiels, c’est d’être libres de définir nos besoins essentiels.» (De Cuéllar, 1995:26).

En conséquence – et contrairement à l’approche plus économique et politique des perspectives traditionnelles sur le développement durable – l’idée centrale des approches alternatives plus centrées sur la culture est qu’il n’y a pas de modèle universel de développement qui conduise à la durabilité à tous les niveaux de la société et dans le monde, que le développement est un processus intégral, multidimensionnel et dialectique qui peut être différent d’une société à l’autre, d’une communauté à l’autre, d’un contexte à l’autre.

En d’autres termes, chaque société – et chaque communauté – doivent tenter d’inventer leur propre stratégie vers le développement durable. Cela suppose que la question du développement soit considérée comme une question relative et qu’aucune société ne puisse se prétendre ‘développée’ à tous les égards. Nous pensons donc que la portée et le niveau d’interdépendance doivent être étudiés en relation avec le contenu du concept de développement. Lorsqu’on ne parvient pas à réconcilier la croissance économique et la justice sociale, on doit tenter d’approcher les problèmes de liberté et de justice à partir des relations de tensions entre les individus et la société et les limites de la croissance et de la durabilité sont vus comme inhérents à l’interaction entre la société et son écologie physique et culturelle.

A ce stade, il faut mentionner le projet dit du Consensus de Copenhague . Bien que centré sur les perspectives économiques et dominé par des chercheurs (dont certains lauréats du prix Nobel), le panel d’experts a évalué un grand nombre de recommandations relatives au développement, extraits de déclarations des agences des Nations unies, et identifié dix défis majeurs pour l’avenir :

• les conflits civils ;• les changements climatiques ; • les maladies transmissibles ;• l'éducation ;• la stabilité financière ;• la gouvernance ;• la faim et la malnutrition ;• les migrations ;• la réforme du commerce ;• l'eau et l'assainissement.

Le principal défi identifié par ce panel était la lutte contre le VIH/SIDA. Pour plus de détails voir une série de rapports publiés dans The Economist, avril-juin

2004 ; ou connectez-vous sur le site www.copenhagenconsensus.com.

3.6 LES TENDANCES ACTUELLES, LES DÉFIS ET LES PRIORITÉS Pour examiner les perspectives évoquées ci-dessus à un niveau plus concret, nous analyserons une certain nombre de changements – perçus dans le champ de la communication pour le développement durable – et qui pourraient avoir de considérables conséquences sur la politique et la planification de la communication :

3.1. Une compréhension plus approfondie de la nature de la communication elle-même La perspective de la communication a changé. Comme nous l’avons exposé plus haut, les premiers modèles des années 50 et 60 percevaient le processus de communication comme un simple message allant d’un émetteur à un récepteur (c’est le schéma classique S-M-R de Lasswell). L’accent était principalement mis sur l’émetteur et le média. Depuis, certaines tensions ont conduit à la liberté de la presse, à la suppression

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 9

de la censure etc. et depuis les années 70, c’est surtout sur le récepteur – et sur le message – que se centre désormais la communication.

L’accent, est aujourd’hui davantage mis sur le processus de communication (c’est à dire sur l’échange de sens) et sur l’importance de ce processus (c’est à dire les relations sociales créées par la communication et les institutions sociales), ainsi que sur le contexte qui résulte de ces relations).

‘Une autre’ communication «met en avant la multiplicité, la proximité, la localisation, la désinstitutionalisation, l’interchangeabilité des rôles des émetteurs et des récepteurs (et) l’horizontalité des liens de communication à tous les niveaux de la société» (McQuail, 1983:97). En conséquence, l’orientation a évolué du ‘communicateur’ vers ‘le récepteur’ avec un accent mis sur la recherche de sens plus que sur l’information transmise.

3.2. Une nouvelle acception de la communication comme processus interactif Cette évolution nous permet de sortir de l’attente de la création d’un besoin pour diffuser une information, pour aller vers la diffusion de l’information en réponse à un besoin existant. L’accent est davantage mis sur l’échange d’informations que sur la persuasion liée à un modèle de diffusion.

La vision ‘oligarchique’ précédente de la communication impliquait que la liberté de l’information ne fonctionnât que dans un seul sens, du niveau supérieur au niveau inférieur, du centre à la périphérie, d’une institution à un individu, d’une nation riche en moyens de communication à une nation pauvre dans ce domaine etc. Aujourd’hui, la nature interactive de la communication est de plus en plus reconnue. Elle est fondamentalement perçue comme allant dans les deux sens et pas dans un seul et comme étant plus interactive que linéaire.

3.3. Une nouvelle acception de la cultureLa question culturelle est devenue centrale dans le débat sur la communication pour le développement. La culture n’est pas seulement l’environnement visible, non naturel d’une personne, mais aussi son contexte normatif. En conséquence nous sommes passés d’une approche traditionnellement mécanique, qui insistait sur les critères économiques et matériels, à des appréciations multiples de perspectives globales et complexes (voir également le chapitre 4).

3.4. La tendance vers une démocratie participative La fin de l’ère coloniale a vu l’émergence de nombreux Etats indépendants et l’expansion de principes démocratiques, même si cela est souvent resté au niveau verbal. Bien qu’ignorée en pratique, la démocratie est honorée en théorie. Les gouvernements et/ou les intérêts privés contrôlent toujours les médias mondiaux de communication mais ils sont plus attentifs qu’avant aux idéaux démocratiques. Par ailleurs, les niveaux d’alphabétisation ont augmenté dans la même période et l’on a observé une remarquable capacité des populations à se saisir des technologies de communication et à les utiliser. En conséquence, de plus en plus de personnes peuvent utiliser les medias de communication et ne peuvent plus se voir refuser l’accès et la participation à des processus de communication, sous prétexte de manque de compétences en termes de communication ou en termes technique.

3.5. Reconnaissance du déséquilibre en ressources de communication et de la fracture numériqueLa disparité des ressources de communication entre différentes parties du monde est de plus en plus considérée comme un facteur de problèmes. Au fur et à mesure que les

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nations du centre développent leurs ressources, l’écart entre le centre et la périphérie se creuse. L’appel à une distribution plus égalitaire et équilibrée des ressources de communication ne peut être discuté qu’en termes de pouvoir aux niveaux local, national et international. Les élites locales ont tenté de contrôler les canaux modernes de communication – presse, radiodiffusion, éducation et bureaucratie – mais ils ne peuvent plus, désormais, contrôler de tous les réseaux de communication d’une société donnée. De la même façon, le contrôle des moyens de communication de masse n’assure pas le soutien des forces de contrôle, pas plus qu’il ne permet de mobiliser autour des objectifs de ces élites ou de réprimer efficacement l’opposition.

Alors que certains font observer que grâce aux NTIC, notamment Internet et le www, il faut reposer la question de la fracture numérique, d’autres restent sceptiques et moins optimistes.

3.6. Croissance de la mondialisation et de l’hybridation culturelle Les flux internationaux de communication sont devenus les principaux vecteurs de la mondialisation culturelle. Et c’est sans doute pour cela qu’il faut trouver une nouvelle formulation de la liberté de communiquer et qu’il est nécessaire de bâtir des politiques de communication et de planification plus réalistes. Cette hybridation culturelle peut s’installer sans relations perceptibles de dépendance (voir aussi le chapitre 4).

3.7. Une nouvelle définition de ce qui se passe à l’intérieur (au sein des frontières) de la nation étatNous devons admettre le fait que les facteurs ‘internes’ et ‘externes’ qui freinent le développement n’existent pas indépendamment les uns des autres. Il faut donc, pour développer une stratégie spécifique, bien comprendre le type de relations de classes de toute formation sociale périphérique et la façon dont ces structures d’articulent avec le Centre, d’une part, et avec les classes productives du tiers monde d’autre part. Pour écarter les classes dirigeantes des pays du Tiers monde, par exemple, et les transformer en simples marionnettes dont les intérêts coïncident toujours mécaniquement avec ceux du Centre, il faut ignorer de fait la réalité très complexe de ces relations. La nature très inégale et contradictoire du processus capitaliste de développement produit nécessairement des relations en évolution constante.

3.8. Reconnaissance de ‘l’impact’ des technologies de la communicationQuelques systèmes de communication (comme l’enregistrement audio et vidéo, la copie, la radiodiffusion et particulièrement l’Internet) sont devenus si peu coûteux et si simples qu’il n’y a plus lieu d’assurer leur régulation ni leur contrôle. Mais, d’autres systèmes (comme par exemple les satellites, la télédétection ou les transferts de données transfrontalières) restent très coûteux. Ils sont hors de portée des petits pays et peuvent ne pas s’adapter aux contextes locaux.

3.9. Des sociétés de l’information aux sociétés du savoir L’information est reconnue comme le secteur de plus forte croissance dans les sociétés, notamment dans les économies industrielles avancées. Ses trois composantes – informatique, télécommunications et radiodiffusion – ont historiquement évolué comme trois secteurs séparés, mais aujourd’hui, avec la numérisation, ces trois secteurs convergent.

Tout au long de la dernière décennie, une transition s’est opérée vers une technologie qui privilégiait les définitions socioéconomiques et culturelles de la société de l’Information. Le termes de sociétés du savoir (au pluriel car il existe plusieurs itinéraires possibles) constitue une formule qui montre que les technologies de l’information et de la communication évoluent d’un statut de ‘véhicules’ du changement vers

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une nouvelle perspective où elles sont perçues comme des outils qui permettent de combiner l’information auxquelles elles permettent l’accès avec le potentiel de création et de savoir intégré dans l’humanité : «ces technologies ne transforment pas, par elles-mêmes, les sociétés, ce sont les populations qui le font, dans leur contexte social, économique et technologique» (Mansell & When, 1998: 12).

Le véritable savoir est plus que de l’information. Il contient la possibilité d’interpréter l’information et une série de choses intangibles comme le savoir tacite lié à l’expérience, qui n’est pas toujours bien articulé, mais qui sous-tend bien souvent les compétences organisationnelles collectives. Le savoir, c’est le sens que la population donne à l’information. Dans les sociétés, le savoir n’est ni objectif, ni statique, il est toujours en évolution et imprègne les valeurs et les réalités de ceux qui le possèdent.

Le sens n’est pas quelque chose qui est donné à la population, la population le crée et l’interprète elle-même. Si le savoir doit être utilisé pour aider les gens, il doit être interprété et évalué par ceux qu’il est supposé aider. Cela implique que les gens aient accès à l’information sur les questions qui concernent leur existence, ainsi que la capacité d’apporter leurs propres contributions aux processus de décision politique. Comprendre le contexte dans lequel le savoir évolue – facteurs de contrôle, sélection, objectifs, pouvoir et capacité – est essentiel pour comprendre comment les sociétés peuvent mieux s’armer pour apprendre, générer des savoirs et les utiliser pour l’action.

3.10. Une nouvelle approche de l’intégration des divers moyens de communication Les mass médias modernes, les réseaux alternatifs ou parallèles de médias populaires et les canaux de communication interpersonnelle ne s’excluent pas les uns les autres par définition. Contrairement aux croyances des théoriciens de la diffusion, ils sont plus efficaces s’ils sont utilisés de façon appropriée, dans une combinatoire qui prenne en compte les besoins et les contraintes du contexte local. Les médias modernes, qui ont été mécaniquement transplantés de l’extérieur vers les sociétés du tiers-monde, montrent des taux de pénétration divers et limités. Ils sont rarement vraiment intégrés dans des structures institutionnelles comme c’est le cas dans les sociétés occidentales. Mais ils peuvent être efficacement combinés avec les autres médias, si l’apport spécifique de chacun d’entre eux est exploité de façon optimale et si les limites des médias de communication sont reconnues.

3.11. La reconnaissance de structures de communication dualistes ou parallèles Les gouvernements ou les dirigeants ne sont désormais plus en mesure de faire fonctionner efficacement, de contrôler, de censurer tous les réseaux de communication en même temps, dans une société donnée, ni même de jouer le rôle de portail. Les réseaux alternatifs et parallèle, qui peuvent ne pas être toujours actifs, fonctionnent souvent à travers des structures politiques, socioculturelles ou de classes, ou peuvent s’appuyer sur des canaux laïques, culturels, artistiques ou populaires. Ces réseaux sont hautement participatifs, présentent des taux élevés de crédibilité et offrent une solide intégration naturelle avec d’autres institutions profondément enracinées dans une société donnée.

4. MONDIALISATION ET LOCALISATION : PENSER AU-DELÀ DES MEDIAS1. Les débats sur la mondialisation et la localisation ont remis en cause les anciennes

façons de penser sur le développement durable. Dans Lies et Servaes (2000), nous avons adopté une approche convergente et intégrée pour étudier les relations complexes et embrouillées entre la mondialisation, les changements sociaux, la consommation et l’identité. Une telle approche devrait permettre de faire

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converger les problèmes vers des carrefours ou des points nodaux. Les chercheurs sont alors débarrassés de la tâche de l’étude de processus linéaires dans leur totalité , comme par exemple la production et la consommation de produits mondiaux et leur pertinence dans une perspective de durabilité et ils peuvent, à l’inverse, se concentrer sur les points nodaux où les processus interagissent.

De nombreux points nodaux de ce type ont été identifiés, notamment la production, la régulation, la représentation, la consommation, l’action et les points locaux de pénétration des flux de communication. L’approche par les points nodaux permet de souligner la richesse de la mondialisation comme secteur de recherche et de décision politique. Toutefois, il est également important de noter que toutes ces dimensions reposent sur certains principes axiaux. Ils mettent en évidence des éléments importants de l’industrie culturelle mondiale qui convergent à divers points et qui pourraient considérablement gêner le développement durable, voire s’y opposer.

Cet argument a été ultérieurement développé dans Lie (2003). Dans cette ère de mondialisation de la communication, la culture reste un facteur important (comme nous l’avons souligné dans 3.3 et 3.6, ci-dessus), qui peut faciliter l’exportation des industries culturelles nationales ou locales, ou empêcher une croissance trop forte des médias mondiaux. Même si médias mondiaux renforcent leur emprise, en termes de couverture, leur taille diminue de façon significative si on les analyse en termes de taux d’audience et ‘d’impact’. Dans de nombreuses régions du monde, le développement le plus important de l’industrie de la communication ne s’est pas caractérisé par une domination croissante des medias mondiaux, mais par l’émergence de marchés propres aux médias culturels et linguistiques (principalement la télévision). Dans la mesure où l’influence de la télévision transnationale tend à rester plutôt superficielle au niveau culturel, aucun concept de culture globale ou d’identité globale n’a été encouragé.

2. Comme l’ont indiqué Stuart Hall (1997) et ses collègues de la London Open University, c’est dans la nature humaine que de rechercher une lieu où chacun ressent son appartenance ; toutefois, c’est peut-être aussi dans la nature humaine de rechercher à atteindre cet étrange monde inconnu, loin de sa sphère. Les publics pourraient préférer des programmes locaux, mais ce n’est pas seulement ces programmes qu’ils regardent. Alors que certains programmes nationaux sont populaires en raison de leurs caractéristiques culturelles marquées, d’autres peuvent obtenir le même succès en encourageant des valeurs étrangères. C’est la nature capitalistique de l’industrie qui a rendu les productions américaines disponibles partout. Mais cette caractéristique capitaliste n’est pas parvenue à les faire accepter partout.

Il est donc toujours difficile de savoir si la communication a aidé à trouver «un

espace» – comme le suggère Featherstone (1990) – où les cultures se rencontrent et se confrontent ou si elle a, en réalité, renforcé le contexte culturel dans lequel les individus trouvent «l’espace spécifique» auquel ils sont attachés. Une analyse plus précise montrera peut-être qu’ici encore, les médias de communication constituent une arme à double tranchant ; et savoir lequel des deux rôles devient prédominant sera extrêmement variable, d’un contexte à l’autre.

Le danger, ici, c’est de traiter la culture et le langage comme de nouveaux éléments de pouvoir, renforçant certains facteurs dans les études de communication et réduisant donc l’importance des autres. En fait, aucun facteur isolé, ni aucun groupe de facteurs ne peut décrire complètement ce qui est arrivé, ce qui arrive ou ce qui arrivera. Le contexte de la mondialisation peut être inadéquat pour décrire le processus actuel de changement, mais la localisation ni la régionalisation ne pourraient pas non plus le

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faire. Et comme les coproductions brouillent encore un peu plus les distinctions entre le global et le local, il est important de noter que si ces dialectiques apparaissent comme théoriquement opposées, elle ne le sont pas nécessairement dans la réalité.

3. En résumé, Rico Lie (2003) a présenté les arguments suivants pour plaider en faveur d’un changement dans les domaines de la recherche et de la décision politique : (1) Interdisciplinarité: En raison de la complexité des sociétés et des cultures,

notamment dans la perspective d’un ‘système mondial’, l’avenir des sciences sociales semble reposer sur l’interdisciplinarité. La théorie sur l’impact de la culture sur la mondialisation et la localisation est devenue un champ d’études universitaires véritablement interdisciplinaire. Les marxistes, les anthropologues, les philosophes, les chercheurs en sciences politiques, les historiens, les sociologues, les spécialistes en communication et les chercheurs dans le domaine des études culturelles tentent d’intégrer ce champ de travail. Ce sont ces tentatives rassemblées qui peuvent apporter des perspectives fructueuses et éclairer d’un nouveau jour les problèmes anciens et émergents.

(2)Le pouvoir de la culture en termes d’homogénéité et de diversité : la culture a longtemps été considérée seulement comme un contexte ; mais, de plus en plus, la culture devient texte. Dans le même temps, tout se passe comme si la culture était aussi le concept qui constitue l’intérêt commun des différentes disciplines et à ce titre, elle est responsable de l’interdisciplinarité. Robertson (1992) a formulé cet intérêt croissant pour la culture en utilisant l’expression de ‘tournant culturel’.

(3) Une nouvelle forme de modernisation? : la mondialisation représente une nouvelle forme de modernisation qui ne signifie plus systématiquement occidentalisation. Cependant, elle s’inscrit encore dans une perspective linéaire et définit un état final de l’ordre du monde. Toutefois, bien que le processus soit moins orienté vers l’Amérique, il ne change pas fondamentalement l’idée que le monde se trouve dans un état final moderne déterminé par des forces extérieures.

(4) Etats nations et cultures nationales : les états nations sont vus par la plupart des chercheurs, notamment les marxistes, comme les éléments de base d’un système mondial et comme les principaux acteurs du processus de mondialisation, mais cela est-il également vrai pour la mondialisation culturelle? Les thèses mondialistes impliquent-elles nécessairement que les cultures nationales soient les principaux éléments ou acteurs d’une ‘culture mondiale’? Les états nations et les cultures nationales sont-ils les points principaux de convergence et les principaux acteurs de la mondialisation?

(5) Lier le mondial et le local : la mondialisation et la localisation sont perçus comme des processus interconnectés et cela marque un changement radical de la réflexion sur le changement et le développement. Potentiellement, cela intègre le concept de dépendance mondiale, la théorie du système mondial et local, les racines, l’interprétation, la théorie de la participation et la recherche sur les changements sociaux.

5. LE DÉVELOPPEMENT DURABLE AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE Dans l’esprit de la nécessité – exprimée plus haut – de démarrer à l’échelle locale ou communautaire, nous voudrions présenter une approche intégrée intéressante

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Communication et développement durable - Jan Servaes & Patchanee Malikhao14

d’indépendance des communautés rurales, développée en Thaïlande et appelée TERMS (Sanyawiwat, 2003). TERMS signifie : Technologie, Economie, Ressources naturelles, Mentales et Socioculturelles.

Ce modèle est le fruit d’une recherche approfondie que le Conseil national de recherche de la Thaïlande a commandée à l’Institut des sciences et de la technologie. Plus de 50 chercheurs, provenant de structures gouvernementales, d’universités, du secteur privé, ainsi que les responsables communautaires de 5 villages (Khiriwong—Nakhornsrithammarat, Phodhisricharoen—Suphanburi, Takoh—Nakornrachasima, Nongsaeng—Mahasarakham et Thung-Yao—Lampoon), y ont été associés. Il leur a fallu plus de sept années pour parvenir à ce que l’on appelle désormais le Concept thaïlandais de développement communautaire.

Ce modèle considère l’indépendance d’une communauté comme l’un des objectifs du développement communautaire. L’indépendance d’une communauté peut être atteinte si les dimensions suivantes sont prises en compte :

1. les facteurs liés à la Technologie, l’ Economie, les Ressources naturelles, Mentales et Socioculturelles (TERMS) ;

2. un processus de développement et d’indépendance basé sur l’Equilibre, la Capacité et les Réseaux (ECR), ces trois facteurs contribuant à l’équilibre des facteurs TERMS et à la gestion communautaire ;

3. la Recherche Action Participative (RAP), comme processus dans lequel les animateurs et les villageois collaborent à travers le dialogue, la planification, l’évaluation ou la recherche, à tout moment ;

4. un processus de resocialisation et de conscientisation (en langue Thaï : Khit pen), qui conduit la population vers les valeurs thaï, l’identité thaï, la culture thaï, et la sagesse populaire pour bénéficier du mode de vie thaï.

5. la matrice fonctionnelle de ces facteurs est résumée dans le tableau suivant :

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 15

Ind

épen

dan

ce

Technologie Economie Ressources Mental Socio-culturel

Tech

no

log

ie

-appropriée à l’environnement rural -moderne et contrôlable

-recherche et développement organisés localement

-base de production

-facteurs de production -amélioration des compétences en termes de concurrence -base de développement des sociétés

-valorisation des ressources -protection de l’environnement -renforcement des ressources

-édification d’une conscience scientifique -amélioration de la qualité des ressources humaines en sciences et technologies

- base de développement social -équilibre des changements sociaux et des facteurs de stabilité sociale

-préservation de la stabilité et la solidarité sociales

Eco

no

mie

-choix des supports technologiques

-soutien des progrès technologiques

-soutien de l’indépendance technologique

-distribution de la technologie

-recherche d’une situation

d’équilibre -développement permanent continu

-capacité de concurrence avec l’étranger

-capacité à épargner et à investir -coopération dans la production et la commercialisation

-utilisation des ressources locales -valorisation des ressources

-utilisation efficace et équilibrée des ressources -renouvellement et recyclage

-création d’un esprit commercial

- conscience de la qualité de la vie - conscience d’une société juste

- conscience de l’épargne et de l’investissement appropriés

-création d’emplois et de revenus

- base de solidarité et d’équilibre social -création d’une économie stable et -intégration des profits économiques

Res

sou

rces

-base de développement technologique -multiplication de l’usage des technologies -création d’innovations technologiques

- base de production et d’esprit d’entreprise appropriés

-facteurs de production - base de développement durable

-écologie -ressources recyclables et renouvelables

- conscience de l’équilibre écologique - conscience du développement économique

-soutien de la qualité de la vie

-création de groupes sociaux

- protection et transmission des traditions et des valeurs culturelles - discipline des allocations de ressources

-base de solidarité sociale

Men

tal

- capacité à utiliser les technologies

- contrôler et assurer le suivi des technologies

-facteur de production main d’oeuvre -les entrepreneurs et les consommateurs savent comment économiser les produits -exploitation des opportunités économiques

-création d’organisations économiques

-compréhension et utilisation des ressources - protection des ressources

- renouvellement des ressources -apprendre à aimer la nature

-conscience de l’autonomie - organisation de l’information et de l’exploitation des connaissances

-développement des qualités

-interdiction de la boisson et des jeux

- assiduité

-conscience de son appartenance -participation aux activités sociales. -motivation au progrès -création d’organisations sociales -création d’un esprit unitaire

Soci

été

-évaluation des besoins en technologies

-soutien et développement des technologies appropriées

-définition des types et des formes de technologies

-création d’une demande pour les produits et services -création d’organisations sociales

-institution de valeurs et de normes pour l’indépendance économique

-administration de la production et la commercialisation

-partage et protection des ressources

-renouvellement des ressources

-protection de l’environnement, des communautés et des périphéries

-institution de l’ordre et de la discipline

-Maintien de la discipline et des règles sociales

- conscience unitaire - recherche de bénéfices sociaux

-niveau élevé de leadership -solidarité sociale

-organisations sociales

-actualisation de l’information et des connaissances

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6. PRIORITÉS DES ORGANISATIONS ET DES PRATICIENS DE LA COMMUNICATION EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLELa communication est devenue une composante importante des initiatives de développement dans les domaines de la santé, de la nutrition, de l’agriculture, de la planification familiale, de l’éducation et de l’économie communautaire.

6.1. Trois perspectives générales pour la communication pour le développement Une première perspective consiste à aborder la communication comme un processus, souvent perçu métaphoriquement comme le tissu de la société. Ce processus ne se réduit pas aux médias ou aux messages, mais interagit dans un réseau de relations sociales. Par extension, la réception, l’évaluation et l’exploitation des médias et des messages, quelle qu’en soit la source, sont aussi importants que les moyens de production et de transmission qui les ont produits et acheminés.

Une seconde perspective consiste à définir les médias de communication comme une combinatoire de communication de masse et de canaux interpersonnels, avec un impact et un renforcement mutuels. En d’autres termes, les médias de masse ne doivent pas être considérés comme isolés des autres canaux de communication.

On pourrait, par exemple, examiner le rôle et les avantages de la radio par rapport à Internet pour le développement et la démocratie. Les deux se caractérisent par leur interactivité. Pourtant si, comme on le pense généralement, l’amélioration de l’accès à l’information, l’éducation et le savoir constitue le meilleur stimulant pour le développement, le développement prioritaire d’Internet pourrait constituer le meilleur point d’accès à la structure mondiale du savoir. Toutefois, le danger, aujourd’hui reconnu par tous, est qu’un accès croissant au savoir requiert des infrastructures de télécommunication qui ne sont pas accessibles aux pauvres. En conséquence, la fracture numérique n’est pas une question de technologie ; elle renvoie plutôt au fossé qui se creuse entre le monde développé et le monde en développement et entre les ‘info-riches’ et les ‘info-pauvres’.

Même si les avantages d’Internet sont nombreux, sa dépendance par rapport à une infrastructure signifie qu’il n’est disponible que pour une élite. La radio est bien plus pénétrante, accessible et abordable. Combiner les deux pourrait être le moyen idéal de s’assurer que les avantages proposés par Internet soient plus largement partagés.

La troisième perspective pour la communication dans le processus de développement doit être considérée d’un point de vue intersectoriel et inter agences. Il ne s’agit pas de se limiter aux organismes d’information ou de diffusion et aux ministères, mais de s’élargir à tous les secteurs, sachant que la capacité à agir efficacement sur le développement et à le rendre durable dépend largement de la pertinence des mécanismes d’intégration et de coordination.

6.2. Différences d’approche et de stratégies entre les agences des Nations unies, les gouvernements et les ONGDes différences d’approche en matière de communication pour le développement et d’utilisation des moyens de communication peuvent être relevées au niveau des agences des NU et des organisations gouvernementales et non gouvernementales. Quelques unes de ces approches peuvent être regroupées sous le titre général de modèle de diffusion, d’autres sous le titre de modèle participatif. Les principales peuvent être identifiées de la façon suivante :

• vulgarisation/diffusion des innovations comme une approche DevCom • développement des réseaux et de la documentation • les TIC pour le développement • le marketing social

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• l'Education par le jeu • la communication pour la santé • la mobilisation sociale • l'information, l'éducation et la communication (IEC) • le développement institutionnel • les Connaissances, attitudes et pratiques (CAP) • la communication au service du développement (DSC) • l'approche communautaire du VIH/SIDA • la participation communautaire

Ces approches sont plus précisément décrites en Annexe, avec un résumé des forces et faiblesses de chaque approche, du point de vue de la durabilité, à plusieurs niveaux. Une série d’études de cas est également proposée, à titre d’illustration.

7. LES STRATÉGIES DE COMMUNICATION POUR LA MISE EN OEUVRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE Conformément aux discussions de la 8ème Table ronde sur la communication pour le développement (Nicaragua, novembre 2001), les stratégies de communication pour la mise en œuvre du développement durable pourraient être identifiées à trois niveaux : (a) la communication pour les changements de comportement, (b) la communication de plaidoyer et (c) la communication pour le changement social. Nous préférons utiliser le terme de ‘communication pour le changement structurel et durable’ pour ce dernier aspect.

Pour chaque niveau, des perspectives différentes sur le rôle et la place de l’information et de la communication pour le développement durable peuvent être envisagées. En général, les choix suivants pourraient être discutés au cas par cas : communication interpersonnelle contre communication de masse, ‘nouveaux médias’ contre ‘anciens médias’ ; rôle et place des médias communautaires ; rôle et impact des TIC, etc.

7.1. La communication pour le changement des comportementsCette catégorie pourra être ultérieurement divisée en perspectives qui expliquent :

(1) le comportement individuel, (2) le comportement interpersonnel, (3) le comportement communautaire ou sociétal (Knapf, 2003; McKee et al., 2000

and 2003)

1. Le modèle Croyances en matière de santé (HBM) se base sur le postulat selon lequel les pensées et sentiments personnels d’un individu déterminent les actions qu’il entreprend. En conséquence, les comportements en matière de santé sont dominés par les signaux internes (perceptions ou croyances), ou par des signaux externes (réactions d’amis, campagnes médiatiques) qui déclenchent le besoin d’agir. Ce modèle pose l’hypothèse spécifique que le comportement de chaque individu est déterminé par plusieurs facteurs internes :(a)Croyance à une chance (ou un risque) de contracter une maladie ou

d’être directement affecté par un problème ou une maladie particulière (prédisposition perçue) ;

(b)conviction de la gravité d’un problème ou d’une maladie donnée (gravité perçue);

(c) croyance à l’efficacité d’une action pour réduire le risque ou la gravité (avantages perçus), en comparaison avec l’opinion sur les risques psychologiques tangibles ou les coûts de l’action proposée (obstacles perçus).

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Ce modèle explique également qu’avant de décider d’agir, les individus examinent si les avantages (aspects positifs) pèsent davantage ou non que les inconvénients (aspects négatifs), dans un comportement donné.

D’autres théories expliquent le comportement individuel. Il s’agit de la théorie de l’action raisonnée (TRA) et de la théorie du comportement personnel (TPB) (voir McKee et. al, 2000 & 2003 pour plus d’information).

2. D’autres cadres théoriques encore expliquent le comportement interpersonnel. Il s’agit de : la théorie cognitive sociale (SCT), le modèle d’expérience sociale (SEM), le réseau social et la théorie du soutien social.

La théorie du réseau social explique les mécanismes par lesquels les interactions sociales peuvent encourager ou inhiber les comportements individuels et collectifs. Cette théorie permet aux programmateurs de mieux analyser l’impact que les amis, les familles ou d’autres personnes d’importance auront sur les individus ou les groupes qu’ils cherchent à influencer.

La théorie du soutien social, quant à elle, renvoie au contenu de ces relations, c’est-à-dire à ce qui est partagé ou transmis durant différentes interactions. A ce titre le soutien proposé ou échangé au cours de ces relations interpersonnelles ou d’autres relations sociales peut être caractérisé en quatre types d’actions de soutien : le soutien émotionnel, le soutien instrumental, comme une aide ou un service concret, le soutien évaluatif, comme le feed-back ou la critique constructive et le soutien informationnel sous forme d’avis ou de suggestion etc. (voir McKee et. al, 2000 & 2003 pour plus de détails).

3.Le cadre théorique le plus connu, qui explique les comportements communautaires ou sociétaux est constitué par l’approche de diffusion des innovations (DOI) (Rogers, 1983). Il existe d’autres modèles, comme le Modèle conceptuel d’émancipation communautaire, (voir McKee et. al, 2000 & 2003 ou l’annexe pour plus de détails).

7.2. La communication de plaidoyerLa communication de plaidoyer est principalement destinée aux politiques et aux décideurs au niveau national et international. L’accent est mis sur la recherche du soutien des décideurs, en faisant l’hypothèse que s’ils sont convenablement ‘éclairés’ ou ‘mis sous pression’, ils seront plus réactifs aux changements sociétaux. Une définition générale du plaidoyer est formulée de la façon suivante :

«Le plaidoyer pour le développement est une combinaison d’actions sociales destinées à obtenir un engament politique, un soutien politique, un approbation sociale et un soutien systémique pour un objectif ou un programme spécifique. Il comporte la collecte et la structuration de l’information, sous forme d’argumentaire; la communication du dossier aux décideurs et à d’autres soutiens potentiels – y compris l’opinion publique – en utilisant divers canaux de communication de masse ou interpersonnels ; et la stimulation d’actions par les institutions sociales, les acteurs et les décideurs politiques en soutien à l’objectif ou au programme visé’ (Servaes, 1993).

Le plaidoyer est plus efficace lorsque des individus, des groupes et tous les secteurs de la société sont mobilisés. En conséquence, trois principales stratégies pour l’action peuvent être identifiés :

(a) Le plaidoyer : susciter un engagement politique pour des politiques de soutien et renforcer l’intérêt et la demande publique sur les questions de développement;

(b) Le soutien social : développer des alliances et des systèmes de soutien social qui encouragent les actions relatives au développement et les légitimement en tant que normes sociales ;

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(c) L’émancipation : apporter aux individus et aux groupes, le savoir, les valeurs et les compétences qui favorisent une action efficace en faveur du développement.

Pour plus d’informations, voir Fraser & Estrepo (1992 & 1998) et Servaes (1993 & 2000).

7.3. La communication pour le changement structurel et durableLa communication pour le changement des comportements et la communication de plaidoyer, bien qu’utiles en elles-mêmes, ne seront pas en mesure de créer un développement durable. Cela ne peut être obtenu qu’en combinant et en intégrant différents aspects de l’environnement plus large qui influence (et contraint) le changement structurel et durable. Ces aspects comprennent :

• Les facteurs structurels et conjoncturels (comme l'histoire, les migrations, les conflits);

• la politique et la juridiction ; • la fourniture de services ; • les systèmes d’éducation ; • les facteurs institutionnels et organisationnels (comme la bureaucratie, la

corruption); • les facteurs culturels (comme la religion, les normes et les valeurs) ; • les facteurs sociodémographiques (comme l’ethnicité, les classes) ;• les facteurs socio politiques ; • les facteurs socio économiques ; • l’environnement physique.

En résumé, divers modèles théoriques peuvent être mobilisés pour construire des stratégies de communication pour le développement durable. Toutefois, chaque cas et chaque contexte sont différents et aucune de ces théories ne s’est avérée totalement satisfaisante en matière de développement international. En conséquence, de nombreux praticiens combinent plusieurs théories ou élaborent leur propre cadre théorique.

8. SAISIR LES OPPORTUNITÉS OFFERTES PAR LES TIC POUR RÉALISER LES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DU MILLÉNAIRE (2015) Le sommet mondial sur la société de l’information (SMSI, Genève, décembre 2003) a adopté un plan d’action basé sur les objectifs de développement adoptés à l’échelle internationale, y compris ceux de la Déclaration du millénaire. Les objectifs indicatifs à réaliser à l’échéance 2015 sont les suivants :

• connecter les villages aux TIC et créer des points d’accès communautaires ; • connecter les universités, collèges, écoles secondaires et primaires aux TIC ;• connecter les centres scientifiques et les centres de recherche aux TIC ; • connecter les centres publics de documentation, les centres culturels, les

musées, les bureaux de poste et les archives aux TIC ; • connecter les centres de santé et les hôpitaux aux TIC ; • connecter tous les gouvernements locaux et centraux aux TIC et mettre en

place des sites Internet et des adresses e-mail ; • adapter les programmes des écoles primaires et secondaires pour relever

les défis de la société de l’information, en prenant en compte les contextes nationaux ;

• s’assurer que toutes les populations du monde ont accès aux services de la radio et de la télévision ;

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• encourager le développement de contenus et mettre en place les conditions techniques destinées à faciliter la présence et l’utilisation de toutes les langues du monde sur Internet ;

• s’assurer que plus de la moitié des habitants de la planète disposent d’un accès aux TIC à leur portée.

Au cours de la conférence organisée par le Consortium européen pour la recherche en communication (ECCR), le 1er mars 2004, les objectifs du SMSI et les objectifs du millénaire ont été discutés et évalués par des représentants de diverses organisations internationales, régionales et nationales, dont la Banque mondiale (Braga, 2004) et la Commission européenne (Johnston, 2004).

Un des résultats de la discussion précisait que la mise en place des TIC ne déboucherait sur une société de l’information mature et attrayante que si certaines conditions étaient réunies et certains défis relevés, non seulement en paroles, mais aussi par des actions concrètes :

• Réduire la fracture numérique (1) : l’accès aux TIC devrait être rendu possible, pas nécessairement de façon indistincte à tout le monde, mais à ceux qui pourront en bénéficier ;

• réduire la fracture numérique (2) : l’accès aux technologies est inutile si un effort conjoint n’est pas entrepris en termes d’éducation pour améliorer les compétences des utilisateurs et leur capacité à utiliser ces technologies de façon efficace et responsable ;

• gouvernance d'Internet : Même si Internet suppose une certaine vision de la liberté, la société de l’information ne peut pas être laissée à la loi du plus fort, ni régulée par des intérêts particuliers, une nation ou une industrie ;

• renforcer la démocratie : les technologies émergentes doivent servir de façon déterminée l’avènement de la démocratie et , dans les régimes déjà démocratiques, nourrir un processus de modernisation et de renouvellement des institutions politiques et de la participation citoyenne, au-delà de maigres sites gouvernementaux ou de votes électroniques fantaisistes.

La conférence a donc conclu que le renforcement de la recherche et de l’éducation est une priorité :

«La recherche est extrêmement concentrée sur les secteurs de l’innovation technologique et du développement des marchés, deux secteurs qui se nourrissent l’un l’autre en circuit fermé, avec une priorité dominante pour les profits à court terme et les applications industrielles. Dans le même temps, on constate un déficit endémique et massif de recherche s’agissant des solutions pour identifier les problèmes avec une perspective sociétale plus large. Il est donc nécessaire d’entreprendre un effort considérable pour organiser ou relancer la recherche dans les secteurs négligés…

Les efforts en matière d’éducation doivent être considérablement développés. Les initiatives actuelles sont maigres et concentrées sur l’acquisition de compétences informatiques et quasi exclusivement centrées sur des tâches relatives aux outils et aux procédures, à mille lieues des fondations minimales pour orienter quiconque dans la société de l’information en train de se construire. Le grave déficit d’éducation appropriée conduit aussi à une nouvelle forme d’analphabétisme qui entraîne des risques sociétaux similaires à ceux de l’analphabétisme au siècle dernier».

9. EN GUISE DE CONCLUSION: «ADAPTER LES SOCIÉTÉS DE L’INFORMATION AUX BESOINS HUMAINS»

1. La citation suivante est extraite de la déclaration de la société civile à l’issue du Sommet mondial sur la société de l’information, unanimement adoptée par l’assemblée plénière de la société civile du SMSI, le 8 décembre 2003 :

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“ Nous aspirons à bâtir des sociétés de l’information et de la communication où le développement soit cadré par les droits fondamentaux de l’humanité et orienté de telle sorte qu’il parvienne à une répartition plus équitable des ressources, afin de conduire à l’élimination de la pauvreté sans exploitation et de garantir la durabilité de l’environnement. A cette fin, nous croyons que les technologies peuvent être exploitées comme des moyens fondamentaux plutôt que de les considérer comme une fin en soi, reconnaissant ainsi que la réduction de la fracture numérique n’est qu’une étape sur le chemin de la réalisation du développement pour tous. Nous reconnaissons le considérable potentiel des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour surmonter les dévastations de la famine, les catastrophes naturelles, les nouvelles pandémies comme le VIH/SIDA, ainsi que la prolifération des armes.

Nous réaffirmons que la communication est un processus social fondamental, un besoin humain de base et le fondement de toute organisation sociale. Tout le monde, partout, à tout moment, devrait disposer de la possibilité de participer aux processus de communication et personne ne devrait être exclu des avantages qu’ils apportent. Cela suppose que chaque personne devrait avoir accès aux moyens de communication et être en mesure d’exercer son droit à la liberté d’opinion et d’expression, qui inclut le droit de soutenir des opinions et de chercher, recevoir et transmettre des informations et des idées à travers tout média et sans tenir compte des frontières. De même, le droit à l’intimité, à l’accès à l’information publique et au domaine public du savoir, ainsi que bien d’autres droits humains universels spécifiques des processus de l’information et de la communication doivent être également défendus. A l’instar de l’accès, tous ces droits à la communication doivent être activement garantis pour tous dans le cadre de lois nationales clairement formulées et appliquées avec toutes les exigences techniques nécessaires.

Bâtir de telles sociétés suppose que les individus y soient associés en qualité de citoyens, ainsi que leurs organisations et communautés, comme participants et décideurs dans la conception de cadres de politiques et de mécanismes de gouvernance. Cela signifie qu’il faut créer un environnement favorable à l’engagement et l’investissement de toutes les générations, femmes et hommes, et s’assurer de la participation des divers groupes sociaux et linguistiques, de cultures et de peuples, populations rurales et urbaines, sans exclusive. De plus, les gouvernements devraient maintenir et promouvoir les services publics lorsqu’ils sont demandés par les citoyens et instituer la responsabilité citoyenne comme un des piliers de la politique publique, afin de s’assurer que les modèles de sociétés de l’information et de la communication soient ouvertes et en constante correction et amélioration.

Nous reconnaissons qu’aucune technologie n’est neutre, s’agissant de son impact social et, en conséquence, la possibilité de mettre en place des processus de décisions ‘technologiquement neutres’ est une imposture. Il est essentiel de faire des choix sociaux et techniques très prudents s’agissant de l’introduction de nouvelles technologies dès le début de leur conception et tout au long du déploiement de leurs phases opérationnelles. Les conséquences sociales et techniques négatives de l’impact des systèmes d’information et de communication qui sont découverts en aval du processus de conception sont généralement extrêmement difficiles à corriger et peuvent donc causer des dégâts durables. Nous envisageons une société de l’information et de la communication dans laquelle les technologies sont conçues de façon participative avec et par les utilisateurs finaux afin de prévenir ou d’atténuer leurs impacts négatifs.»

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2. De plus nous souhaitons souligner les principales conclusions et recommandations d’une rencontre internationale d’experts sur la communication pour le développement organisée par l’UNESCO à Delhi en septembre 2003 : 1- Une redéfinition de la communication pour le développement est nécessaire,

dans le contexte du 21ème siècle en prenant en compte le nouveau paysage politique et médiatique. Cela comprend l’inventaire et la définition de divers domaines, comme la communication relative aux projets et aux communautés, le journalisme de développement, la communication pour le développement dans les médias dominants, la communication éducative, la communication pour la santé, la communication environnementale, le marketing social et la mobilisation sociale.

2- La culture est un élément central du développement et mérite une plus grande attention dans les programmes de communication pour le développement. Les études culturelles sont désormais un champ d’étude reconnu en lui-même et l’importance de la culture devrait être renforcée dans la communication pour le développement.

3- Il est nécessaire d’influencer les politiques de communication pour le développement, à travers des plaidoyers, non seulement avec les gouvernements, mais aussi au sein des agences de développement et d’autres partenaires, pour que la communication pour le développement réussisse.

4- Il est nécessaire de disposer de modèles et de données d’évaluation convaincants et efficaces pour montrer la réalité de l’impact de la communication pour le développement. Les indicateurs de durabilité basés sur les dimensions qualitatives du développement doivent être renforcés, en mobilisant le potentiel des TIC pour collecter le feedback de façon interactive. La recherche devrait également être renforcée pour mieux identifier les besoins en communication.

5- Il est essentiel d’encourager la production de divers contenus dans les langues locales pour les médias et les TIC, en gardant à l’esprit le potentiel des technologies interactives pour véhiculer des contenus multimédia.

6- La communication pour le développement est multiple, multidimensionnelle, et participative et devrait être considérée dans son contexte sociopolitique, économique et culturel afin d’être pertinente pour la population. Nous devrions nous concentrer sur les petits projets (projets pilote) et mettre en place des repères.

7- De nouveaux partenariats sont nécessaires avec les medias, les agences de développement, les universités et les gouvernements. Il est important d’identifier des possibilités de convergence pour compléter le travail en cours et pour coordonner et documenter ce type de travaux entre les agences de développement.

8- Les universités constituent un pôle de ressources considérable en matière de savoir, d’information et de formation pour les communautés, notamment pour une utilisation efficace des nouveaux centres multimédias implantés au niveau communautaire. L’UNESCO devrait encourager un élargissement de la recherche sur le potentiel des universités et d’autres acteurs similaires sur le terrain.

9- La formation des professionnels du développement doit être soutenue afin de responsabiliser les professionnels pour ensuite professionnaliser le terrain.

10- La communication pour le développement ne devrait pas être à la merci de la technologie. Elle devrait se baser sur les questions et les problèmes sociaux. La technologie n’est qu’un facilitateur et un outil.

11- L’UNESCO devrait explorer les possibilités de soutenir un journal international de la communication pour le développement et lancer un centre de ressources pour échanger l’information dans ce domaine.

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ANNEXE

1. Vulgarisation/diffusion des innovations comme une approche DevComL’approche vulgarisation/diffusion des informations est basée sur le paradigme de la modernisation et la théorie de la diffusion de Rogers. La vulgarisation intervient à l’étape de transfert de technologie du processus, dans un mode de transmission verticale depuis les experts/chercheurs (ou d’autres producteurs d’innovations) vers les utilisateurs finaux des résultats de la recherche. L’objectif conventionnel de la vulgarisation reste dans le domaine de l’agriculture mais la vulgarisation contemporaine s’est élargie à une plus grande gamme de sujets comme les questions environnementales ou la formation pour les petites entreprises. La clientèle visée peut donc être aussi une clientèle urbaine. Le but de cette approche est d’informer le public ou de l’amener à un changement de comportement dans une direction préétablie. La version contemporaine réexamine les messages, les besoins du public, ses connaissances initiales et le parcours de l’information ou du savoir entre les chercheurs et les agriculteurs /le public.(Voir Encadré 1).

2. Développement des réseaux et documentationL’approche dominante repose sur la constitution d’un réseau avec l’aide de liens obtenus par le biais de la télécommunication et de l’informatique. Des flux d’informations sur le développement, analytiques et adaptés au contexte sont ensuite organisés et mis en place pour soutenir le processus de développement. Ce type de réseaux permet aux journalistes des pays les moins développés d’exprimer et d’échanger des informations puisées dans leur environnement, d’équilibrer les importants flux d’informations et de données en provenance des pays développés. Outre le fait qu’elle ouvre un canal de communication allant de la périphérie au centre dans le contexte du système mondial, cette approche permet également d’organiser des flux d’information de la périphérie au centre dans les zones périphériques elles-mêmes. Les nouveaux acteurs sont ainsi identifiés. Il s’agit de femmes, d’agriculteurs, et d’enfants dans le monde en développement. En restant technologiquement indépendant, ce dispositif cherche à développer des programmes pour la formation, les échanges d’information et la mise en place de réseaux alternatifs. (Voir Encadré 2).

3. TIC pour le développementLes technologies de l’information et de la communication (TIC), comme les ordinateurs et les technologies de télécommunication, notamment Internet, sont utilisés pour réduire la fracture numérique entre ceux qui ‘ont’ et ceux qui ‘n’ont pas’. L’accès aux autoroutes numériques permet d’améliorer l’accès aux ressources d’éducation, la transparence et l’efficacité des services gouvernementaux, de renforcer la participation de ‘l’auditoire silencieux’ au processus de démocratisation, d’améliorer les opportunités de commerce et de commercialisation, de renforcer l’émancipation des populations en donnant la parole aux groupes des ‘sans voix’ (comme les femmes) et aux groupes vulnérables, comme les personnes affectées par le VIH/SIDA, de créer des réseaux et des possibilités de revenus pour les femmes, de favoriser l’accès à l’information médicale pour les communautés isolées et de renforcer les nouvelles possibilités d’emplois.

Dans les pays en développement, l’appropriation locale des TIC s’opère généralement par des télé centres ou centres communautaires multimédia, qui une offrent une aide à la publication assistée par ordinateur, des journaux communautaires, la location ou la vente de services de cassettes audio et vidéo et de DVD, de livres, de photocopies, de fax et de téléphone. L’accès à Internet est une option possible. L’utilisation de la téléphonie mobile et satellitaire peut aider les responsables des petites entreprises et les producteurs agricoles à accéder à l’information dont ils ont besoin.

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Cette approche soutient l’hypothèse que si Internet est un outil puissant de partage de l’information, il ne peut pas résoudre les problèmes de développement liés au contexte social, économique et politique, pas plus qu’il ne peut changer les structures de pouvoir existantes, dans la mesure où la disponibilité de l’information n’est pas nécessairement synonyme de savoir. Pour devenir un savoir, l’information doit avoir un sens pour les villageois qui la reçoivent. (Voir Encadré 3).

4. Marketing social Le marketing social est une application du marketing commercial pour résoudre des problèmes sociaux. C’est également une approche multidisciplinaire dans la mesure où elle aborde l’éducation, le développement communautaire, la psychologie et la communication. Roy Colle précise qu’il s’agit : «d’un processus qui part de l’hypothèse que ce qui a fait le succès de sociétés comme Mac Donald’s et Coca Cola peut aussi permettre d’avoir une influence sur l’hypertension artérielle, le SIDA, la mortalité infantile dans les pays en développement et dans d’autres circonstances liées à des normes comportementales». (Colle, 2003).

Le processus suivi par cette approche comprend la planification, la mise en place et le suivi de programmes destinés à inciter l’acceptation d’idées sociales. Les éléments de base du processus reposent sur le produit, le prix, le lieu et la promotion. Le concept de produit peut être un objet, une idée ou un changement de comportement dans une direction favorable. Le concept de prix est comparable à celui du secteur commercial, mais il est conçu en termes de coûts sociaux, comme le manque à gagner, les déviances par rapport aux normes culturelles établies etc. Le lieu renvoie aux canaux à travers lesquels les idées ou le produit seront transmis. La promotion renvoie à l’utilisation de la communication interpersonnelle ou médiatisée pour faire connaître le produit au sein de l’auditoire ou des groupes cibles. Les agents du marketing social abordent les problèmes de santé et de bien-être de la population. Ils ne sont pas mus par le profit et sont à la recherche de parts de marchés plus grands que celles des agents commerciaux. (Voir Encadré 4).

5. L’éducation par le jeuL’approche de l’Education par le jeu ou ‘Edutainment’ s’appuie sur un mélange de stratégies de communication participatives et de stratégies de communication par la diffusion de modèles. Il combine l’attrait du jeu et les messages éducatifs pour aider à l’éducation et encourage les changements de comportements pour réaliser le développement et les progrès sociaux. Cette approche peut utiliser les médias traditionnels ou populaires comme les marionnettes, les spectacles, la musique et la danse pour promouvoir des questions de santé, les programmes d’alphabétisation, la protection de l’environnement et pour introduire de nouvelles pratiques agricoles.

Ces formes de communication peuvent se combiner avec des médias électroniques comme la radio, la télévision et les audiocassettes. La question importante est que les programmes soient produits localement pour attirer l’audience locale. Une autre variante de cette approche est d’appliquer les stratégies de marketing social pour aider à intégrer les questions de développement dans des feuilletons ‘à l’eau de rose’ de la radio et la télévision, qui utilisent des ‘modèles sociaux’ réels ou fictionnels pour promouvoir les changements dans les modes de vies. Ces programmes sont adaptés au contexte culturel local et combinent divertissement, sensibilisation et éducation. Ils sont souvent utilisés pour renforcer la sensibilisation sur des sujets complexes comme le VIH/SIDA. Ils abordent des questions de santé spécifiques comme les pratiques sexuelles de façon confidentielle pour une utilisation au sein des foyers. (Voir Encadré 5).

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6. Communication pour la santé Le meilleur représentant de l’approche de la communication pour la santé est l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette agence a utilisé des stratégies de communication pour le développement basées sur l’approche du marketing social et la théorie de la diffusion ; les programmes en cours sont centrés sur des modèles de communication qui partent de la base, avec une approche plus participative et qui combine l’action de plusieurs médias.

L’OMS s’appuie sur trios principales stratégies de santé.• Le plaidoyerLe plaidoyer vise à encourager les politiques publiques qui soutiennent la santé, comme la

fourniture de soins biomédicaux pour traiter les maladies et la prévention comme la vaccination, l’eau propre et l’assainissement, la santé maternelle et infantile et la promotion de styles de vies sains. Les médias de masse et traditionnels peuvent jouer un grand rôle en matière de plaidoyer en créant une sensibilisation publique, en abordant les questions de santé et en visant aussi quelquefois les décideurs également ou les groupes d’intérêts, qui, à leur tour, feront pression pour des politiques adéquates. L’efficacité du rôle de plaidoyer des médias dépend toutefois de la liberté dont ils jouissent et de l’influence qu’ils ont sur le système politique national et sur le public.

• Emancipation Cette stratégie met en lumière le rôle des membres de la communauté dans la planification

et la gestion de leurs propres soins de santé. Par ailleurs, on découvre de plus en plus que le savoir, à lui seul, n’est pas suffisant pour déclencher un changement de comportement ; responsabiliser la population ne vise pas seulement à encourager des styles de vie sains mais aussi à lui permettre de mobiliser les forces sociales et à créer des conditions pour l’émergence de politiques publiques favorables à la santé, pour aboutir à conduisent à des vies saines.

• Soutien social L'acceptation de nouvelles pratiques et des changements de comportements adéquats rend

nécessaire une approbation sociale qui suppose la construction d’alliances et de réseaux entre les nombreux groupes et agences qui travaillent dans le domaine de la santé et du bien-être ou qui les influencent. L’OMS organise des activités de formation des professionnels des médias dans le domaine de la santé et de l’éducation à la santé en organisant des campagnes de promotion de la santé dans toutes les régions, des ateliers à tous les niveaux et des cours de formation pour améliorer la planification et la production de programmes de communication de masse sur les sujets prioritaires du développement de la santé. De plus, l’OMS collabore avec l’UNESCO, l’UNICEF et d’autres organisations pour l’échange des informations.

Le nouveau paradigme de la santé est centré sur la population. C’est un processus qui part de la base pour aller vers le sommet et qui accorde l’attention nécessaire aux individus, aux familles et aux communautés et notamment aux sous privilégiés et aux personnes à risque, comme les femmes, les enfants et les anciens.

Extrait de :UNESCO Profiles: United Nations Agencies: WHO in Approaches to Development

Communication: An Orientation and Resource Kit eds. Mayo, J. & Servaes, J. Paris 1994, pp. 1-16.

7. Mobilisation socialeLa mobilisation sociale, approche associée à l’UNICEF, est un processus qui consiste à rassembler tous les partenaires sociaux intersectoriels, ainsi que leurs alliés, pour déterminer les besoins ressentis, renforcer la sensibilisation et renforcer la demande pour un objectif de développement spécifique. Ce processus suppose de s’assurer de la participation de tous les acteurs en présence, y compris les institutions, les groupes, les réseaux et les communautés dans l’identification, l’amélioration et la gestion des ressources humaines et matérielles, donc dans l’augmentation et le renforcement de l’indépendance et de la durabilité des réalisations. C’est un processus planifié

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qui s’appuie largement sur la communication. Au niveau politique, le plaidoyer est utilisé pour assurer le niveau élevé d’engagement public nécessaire pour entreprendre l’action avec un environnement informé pour les prises de décision et pour l’allocation des ressources adéquates afin d’atteindre les buts et les objectifs de la campagne.

Au niveau du terrain, le premier objectif est de motiver les membres des communautés et soutenir leur participation active, à travers des canaux multiples. (Voir Encadré 7).

8. Information, Education et Communication (IEC)L’information, l’éducation et la communication sont trois composantes essentielles promouvoir la sensibilisation et la compréhension des problèmes de la population. La composante d’information porte des faits et des problèmes à l’attention du public afin de stimuler une discussion. Elle concerne également les aspects techniques et statistiques du développement. Les stratégies des programmes d’information de la population visent, dans l’avenir, à améliorer les bases de données et la recherche en liant les problèmes de la population à ceux de l’environnement et à d’autres problèmes de développement, en identifiant le rôle des femmes dans la population et le développement, en revenant sur la question de la planification familiale, en maintenant l’attention des médias et l’engagement politique et en appliquant les nouvelles technologies aux programmes d’information de la population. La composante éducation encourage les connaissances et la compréhension en profondeur des problèmes et des solutions possibles. Les sous composantes d’éducation formelle et non formelle visent à renforcer les ressources humaines par la conception de programmes d’éducation et de formation pour renforcer la sensibilisation, favoriser la réflexion sur les questions de développement et appuyer les objectifs de l’éducation permanente. La composante communication vise à influencer les attitudes, à disséminer le savoir et à parvenir à un changement de comportement désiré et volontaire.

Pendant plusieurs décennies, l’IEC a été associée aux programmes portant sur la population et à la planification familiale partout dans le monde. Le FNUAP a fait partie des premiers à utiliser le terme IEC, en 1969 pour qualifier ses activités de communication. En fait, l’IEC s’est plus souvent référée à l’utilisation de l’information, l’éducation et la communication pour promouvoir l’adoption de moyens contraceptifs ou d’autres moyens pour limiter les naissances. En 1994, l’approche IEC a été associée au concept de santé reproductive (SR). L’accent mis sur l’utilisation des préservatifs par les hommes a évolué pour aborder davantage les questions d’inégalité des relations hommes/femmes, dans la mesure où ce sont les hommes qui décident le plus souvent au nom des femmes. L’IEC s’est liée au plaidoyer pour l’organisation de stratégies de communication en santé reproductive et pour d’autres contextes de communication pour le développement.(Voir Encadré 8).

9. Renforcement institutionnelL’approche par le renforcement institutionnel offre aux pays en développement des organisations, compétences et aménagements qui leur permettent d’organiser les activités de communication pour le développement. De nombreuses institutions nationales et internationales ont adopté cette approche, comme la Fondation Ford, la FAO, l’USAID et le Gouvernement canadien. L’UNESCO reste l’agence des NU la plus fortement associée à cette approche.

Un programme de renforcement institutionnel organisé par la Fondation Ford et la FAO s’est mis en place à l’université d’agriculture et de technologie de l’Etat d’Uttar Pradesh, en Inde, respectivement à la fin des années 1960 et des années 1980.Le travail consistait à former les équipes à l’étranger pour renforcer leurs compétences en communication et de fournir des aménagements au sein de l’université pour

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produire des programmes radiophoniques et d’autres ressources destinées à atteindre la population agricole et rurale. En 1970, l’USAID a assisté le gouvernement du Guatemala pour l’édification de deux stations de radio destinées à soutenir les activités d’agriculture, de nutrition et de santé dans les communautés rurales. Dans les années 1980, le gouvernement du Canada a soutenu l’Indonésie pour institutionnaliser des unités spécialisées dans les questions de développement au sein des les principales stations de radio.

L’UNESCO a été une des agences les plus engagées dans le renforcement institutionnel en faveur de la communication pour le développement. Alan Hancock explique le travail de l’UNESCO de la façon suivante : «Quelques uns des premiers programmes de l’UNESCO mettaient l’accent sur la formation professionnelle (au départ dans le domaine du cinéma, puis en radio et en télévision) – après un module de formation de base au niveau local et national, – des formations intermédiaires au niveau régional et des formations supérieures à l’étranger et au cours de voyages d’études. La tradition est encore forte, bien qu’elle ait été modifiée au fil des ans en mettant davantage l’accent sur des pratiques basées sur les médias à l’échelle communautaire, et l’utilisation de technologies médiatiques adaptées ou appropriées.» (Hancock, 2000: 62). (Voir Encadré 9).

10. Connaissances, attitudes et pratiques (CAP)Les spécialistes de la communication pour le développement cherchent à susciter des changements dans le comportement de la population couverte par le projet dont ils ont la charge. Les connaissances et les attitudes sont des facteurs internes qui influencent la façon dont les êtres humains agissent. Il y a également d’autres facteurs internes comme la pression et les normes sociales, le genre etc. Un environnement favorable au niveau du système d’éducation, du système politique et juridique, de facteurs culturels, de la fourniture de services, de la religion, des facteurs socio politiques ou encore de l’environnement physique et organisationnel peuvent également avoir une influence sur les connaissances et les attitudes du groupe cible.

Les connaissances sont constituées d’apprentissages internalisés basés sur des faits scientifiques, des expériences et/ou des croyances. L’expérience montre que les connaissances ne sont pas suffisantes pour produire un changement de comportement, qui ne peut se produire que lorsque les perceptions, la motivation, les compétences et l’environnement social réagissent également. Les attitudes sont des sentiments, des opinions ou des valeurs que les personnes éprouvent sur une question, un problème ou une préoccupation particulière.

Extrait de : McKee, N., Manoncourt, E., Yoon, C.& Carnegie, R. Involving People, Evolving

Behaviour: The UNICEF experience in Approaches to Development, Servaes. J. ed.,UNESCO: Paris, 2003, chapter 12. p.6.

Carnegie, R., McKee N., Dick, B., Reitemeier, P., Weiss, E. &Yoon, C. Making change possible: Creating and enabling environment in Involving People Evolving Behaviour, eds. MacKee, N., Manoncourt, E., Saik Yoon, C. & Carnegie, R., Southbound Penang and UNICEF: Penang 2000, p. 158.

11. La communication au service du développement L’approche de la Communication au service du développement (DSC) est l’utilisation systématique des canaux et techniques de communications appropriés pour renforcer la participation de la population au développement et pour informer, motiver, former les populations rurales, notamment au niveau de la base. La sous division de la DSC est un des sous programmes du Programme de développement rural de la FAO. Elle applique concrètement la communication en utilisant le modèle de processus de DSC, à savoir :

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- Evaluation des besoins/recueil d’informations ; - prise de décision/stratégie de développement ;- mise en oeuvre ;- évaluation

Ce modèle préconise une approche multimédia, notamment l’intégration des médias traditionnels et populaires aux stratégies de campagnes médiatiques. Il y a deux principales lignes d’action : une majorité d’interventions DSC de terrain continue à s’appuyer sur des composantes de communication qui soutiennent des activités de développement rural, mais les opérations DSC deviennent de plus en plus des projets spécifiques. Une nouvelle orientation consiste à soutenir des institutions nationales dans leurs efforts pour construire une capacité nationale pour le traitement de tous les aspects de la communication pour le développement : des conseils politiques aux recherches en communication appropriées, de la définition de politiques et stratégies nationales de communication au développement d’approches multimédia et aux choix de combinatoires de médias culturellement pertinentes. (Voir Encadré 11).

12. Approche communautaire du VIH/SIDA La pandémie de VIH/SIDA est à la fois la cause et la conséquence du sous développement. Au cours des deux dernières décennies, il semble y avoir eu un consensus croissant sur le fait que l’attention exclusive sur les comportements à risques des individus n’était pas suffisante si l’on ne prenait pas également en compte les déterminants sociaux et les profondes inégalités qui font le lit de l’épidémie. Le cadre d’action de l’ONUSIDA a été publié en décembre 1999 à l’issue d’un processus de consultations détaillées menées en Asie, Afrique, Amérique latine et Caraïbes. Les conclusions en ont été les suivantes:

• les relations simples, linéaires entre les connaissances individuelles et l’action, qui sous-tendaient de nombreuses interventions précédentes, ne prenaient pas en compte les variations des contextes politiques, socioéconomiques et culturels qui prévalent dans les régions ;

• les processus de décisions prises de l’extérieur et qui servent des intérêts étroits et à court terme, tendent à ne pas prendre en compte les avantages des solutions inspirées de l’intérieur, à long terme et sur une base large.

• on part du postulat que la décision en matière de prévention du VIH/SIDA se basée sur une pensée rationnelle, volontaire, sans prendre en considération les réponses émotionnelles qui caractérisent souvent les comportements sexuels ;

• on fait l'hypothèse que la sensibilisation à travers des campagnes médiatiques conduira nécessairement à des changements de comportements ;

• on suppose qu'une simple stratégie destinée à déclencher un comportement une fois dans une existence, comme pour la vaccination, serait adaptée pour changer et maintenir des comportements complexes, pendant toute une vie, comme l’utilisation systématique de préservatifs ;

• on observe un centrage quasiment exclusif sur la promotion des préservatifs qui ne prend pas en compte la nécessité de traiter l’importance et la centralité du contexte social et notamment la politique gouvernementale, le statut socioéconomique, la culture, les relations de genre et la spiritualité.

• les approches basées sur la planification familiale traditionnelle et les stratégies des programmes de population tendent à cibler la prévention du VIH/SIDA sur les femmes, afin que les femmes, plutôt que les hommes soient encouragées à initier l’utilisation des préservatifs.

Cinq facteurs se combinent dans la communication sur les comportements sanitaires pour prévenir le VIH/SIDA : la politique gouvernementale, le statut socioéconomique,

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la culture, les relations de genre et la spiritualité. Ces domaines forment la base d’un nouveau cadre qui pourrait être utilisé comme un guide adaptatif pour le développement des interventions de communication sur le VIH/SIDA. Le comportement sanitaire individuel est reconnu comme une composante de cet ensemble de facteurs plutôt que le centrage précédent sur les changements de comportements sanitaires. Les directives pour 2002 de l’ONUSIDA/OCHCR (Bureau du haut commissaire des nations unies pour les droits de l’homme) soulignent l’importance d’approches «coordonnées, participatives, transparentes et responsables». Elles soulignent que la consultation de la communauté est nécessaire à toutes les phases de conception politique, de mise en œuvre et d’évaluation de programmes de prévention du VIH/SIDA, ainsi que pour la protection des associations culturelles et des groupes communautaires. L’importance de l’information sur le VIH est reconnue, de même que «la prévention appropriée et l’information sur les soins» comme une question relevant des droits de l’homme.

13. Participation communautaireLa communication pour le développement repose sur l’hypothèse qu’un développement rural réussi se fonde sur la participation active et consciente des bénéficiaires, à toutes les étapes du processus de développement ; car, en définitive, le développement rural ne peut intervenir sans changements d’attitudes et de comportements au sein de la population concernée.

Les médias utilisés dans des approches de communication participative sont, entre autres : le film et la vidéo interactifs, les radios communautaires et les journaux. Le principal thème est l’émancipation de la population pour qu’elle soit en mesure de prendre ses propres décisions. L’approche par la conscientisation de Freire (1983) a montré comment la population peut s’auto motiver dans l’action pour affronter ses problèmes prioritaires.(Voir Encadré 13).

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Encadré 1 Etude de cas de vulgarisation : Les médecins aux pieds nus en Chine

Objectif : former les paysans à diagnostiquer et à traiter les maladies courantes sans assistance professionnelle, dans le but de mettre en place un nouveau service médical rural en Chine.Lieu: tous les villages de Chine, République populaire de Chine Bénéficiaires : la population rurale qui a besoin de soins médicaux Financement : gouvernement chinois Médias: médias personnels

Description: les médecins aux pieds nus sont des paysans qui sont rapidement formés – pour jouer le rôle de docteurs à temps partiel – à formuler des diagnostics et traiter les maladies courantes, sans assistance professionnelle, dans leur propre village. Ils pratiquent aussi l’homéopathie et l’acupuncture. En cas de difficultés, ils peuvent se référer à l’hôpital communautaire et ils bénéficient de formations régulières de courte durée pour actualiser leurs compétences médicales. Le programme a démarré en 1965 et aujourd’hui, chaque village dispose d’un médecin aux pieds nus. Ils sont 1,8 millions en Chine. Ce sont des agents de changements dans le domaine des soins de santé publique en zones rurales.

Contexte : au milieu des années 1970, Le président Mao Zedong avait critiqué le ministre chinois de la santé pour les mauvaises performances constatées en matière de soins de santé primaires dans les zones rurales, car la plupart des médecins étaient cloîtrés dans les villes. Il a donc lancé un programme pilote appelé ‘médecins aux pieds nus’ dans une commune proche de Shanghai. Le terme ‘pieds nus’ a été choisi car il permettait de reconnaître les paysans, qui travaillent souvent pieds nus dans les rizières du sud de la Chine. En réalité, ils sont nombreux à porter des chaussures, mais le terme implique que ces agents de changement social ont un statut social proche de la population qu’ils servent. Après une évaluation favorable du projet, le concept a fait l’objet d’un article dans le journal populaire ‘le Quotidien du peuple’, en 1968. Les médecins aux pieds nus facilitent les changements dans les villages en prodiguant des conseils et des soins de traitements primaires et ils établissent un rapport de crédibilité dans leurs propres villages. Le projet s’inscrit dans l’objectif d’établissement de soins de santé primaire à faibles coûts.

Médias et méthodes: les médecins sont des médias personnels qui informent la population à propos de la vaccination, la planification familiale et des soins traditionnels par les plantes. Cela renforce leur crédibilité à l’égard des agriculteurs dans la mesure où le travail manuel est toujours hautement considéré dans le contexte politique et rural de la Chine.

Changements sociaux: ce programme aide à compenser la médiocrité des service médicaux dans les zones rurales. Même si la qualité du service est faible et que les médecins aux pieds nus peuvent faire des erreurs en raison d’un manque de supervision professionnelle, la Chine dispose au moins d’un service de soins de santé primaire à faible coût. L’information sur la planification familiale, la vaccination ou les traitements est bien reçue par les paysans en raison de la similitude du contexte social des médecins et de leurs patients.

Adapté de : Rogers, E.M. Diffusion of Innovations, 3rd Ed., The Free Press: New York, 1983, pp. 326-328 Colle, R. The Extension Thread in Approaches to Development, Servaes. J. ed.,UNESCO: Paris, 2003 pp. 32-3

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Encadré 2 Etude de cas : développement de réseau et documentation : Inter Press Service (IPS)

Objectif : renforcer le développement de l’information Sud-Sud et Sud-Nord à travers une agence de presse du tiers monde sans but lucratif, qui couvre près de 100 pays. Outre le fait qu’elle propose à ses abonnés et utilisateurs des informations sur le monde en développement, elle améliore les structures d’information et de communication dans les pays du tiers monde en apportant de la formation professionnelle et un soutien technique. Place: Le siège de l’IPS se trouve à Rome, Italie. Ses bureaux régionaux sont situés à Harare (Zimbabwe) pour l’Afrique, Manille (Philippines) pour l’Asie, Kingston (Jamaïque) pour les Caraïbes, Rome pour l’Europe, San Jose (Costa Rica), pour l’Amérique latine et New York (USA) pour l’Amérique du nord. Bénéficiaires : journalistes dans ce que l’on appelle le tiers-monde et nouveaux acteurs du contexte du développement comme les femmes, les populations rurales et les jeunes. Financement : par ses membres, les agences des NU et des ONG. Médias: médias imprimés, services de radio et de télévision

Description: l’IPS est la plus grande agence de presse d’information pour le développement et alternative. C’est une coopérative de journalistes du tiers monde, à but non lucratif, avec un siège administratif à Rome et des bureaux de rédaction dans plusieurs régions du monde. IPS a conclu des accords d’échanges d’information avec plus de 40 pays du tiers monde et 15 agences dans le monde industrialisé. Il produit des informations internationales indépendantes et propose des reportages sur les processus et les questions de développement dans le tiers monde. Il joue le rôle d’intermédiaire entre les transferts de savoir faire du nord et les besoins spécifiques du sud et contribue à l’amélioration des télécommunications dans le tiers monde par le biais de plusieurs projets. Dans le même temps, il propose des programmes de formation des journalistes, des échanges d’information et la mise en place de réseaux alternatifs.

Contexte : IPS a été créé en 1964 en tant que coopérative internationale de journalistes dans le but de combler le fossé d’information entre l’Amérique latine et l’Europe. Plus tard, entre 1968 et 1987 il s’est progressivement transformé en agence de presse du tiers monde. De 1977 à 1992, il a offert des services techniques et journalistiques pour faciliter les échanges d’information entre les pays du tiers monde et à l’intérieur de ceux-ci (communication Sud-Sud) et dans le même temps, il a démarré des activités de promotion de la communication sud nord en élargissant et en numérisant ses services et ses réseaux de télécommunication.

Médias et méthodes : IPS offre des nouvelles quotidiennes à travers les radios et les télévisions des pays associés dans de nombreuses langues. Il publie également des bulletins spéciaux sur les questions de développement comme l’agriculture, le pétrole, les ressources minières et l’environnement. Il échange également de l’information par le biais de réseaux de télécommunication numérisés et propose des formations pour les journalistes.

Changements sociaux : les réseaux et services d’IPS ont un impact important sur les contre flux d’information provenant des pays en développement. En facilitant la formation et les services pour les journalistes, les ONG et les nouveaux acteurs du développement, il offre des forums d’information et d’échange de données, ainsi que de nouvelles idées et concepts relatifs aux questions de développement, au niveau local comme au niveau mondial.

Extrait de : UNESCO Case Studies IPS in Approaches to Development Communication: An Orientation and Resource Kit eds. Mayo, J. & Servaes, J. Paris 1994 pp. 1-16. Information actualisée fournie par IPS Belgique.

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Encadré 3 Etude de as TIC : L’ambassadeur Internet du savoir de Gyandoot

Objectif principal : réseau Internet Lieu : District de Dhar, Madhya Pradesh, IndeBénéficiaires: les villageois de la zone Financement : FAOMédias: interpersonnels, formation de groupe, Internet

Description : Gyandoot (qui signifie ‘Ambassadeur du savoir’ en Hindi) est un réseau Internet qui relie des villages dans le District de Dhar, dans l’Etat de Madya Pradesh, Inde. Mis en place en 2000, ce projet a bénéficié d’un niveau élevé de participation communautaire dans son processus de planification. Des jeunes et des diplômés sans emplois, ont été sélectionnés et formés par le conseil de chaque village pour faire fonctionner les kiosques Internet pour leurs propres revenus. Ils paient une redevance au Conseil, qui utilise cette ressource pour financer de nouveaux kiosques. De nouvelles institutions privées ont été créées pour la formation à l’utilisation des ordinateurs et à Internet. Le réseau a proposé aux agriculteurs des informations sur la culture des pommes de terre et leur a offert la possibilité de faire connaître leurs problèmes à l’ensemble de la communauté. Des ressources supplémentaires ont été allouées à la mise en place des kiosques dans plus de trois mille ‘écoles électroniques’.

Contexte: le réseau Gyandoot offre à des centaines de villages des zones reculées des informations sur les prix des marchés, les registres fonciers, les lois, les offres de formation et d’éducation, qui n’étaient jusque là disponible qu’à travers des courtiers véreux. Le réseau est également connecté à l’hôpital du district de Dhar, qui offre des services médicaux spécialisé et un service d’orientation médicale aux villages reculés.

Médias et méthodes: la population est connectée par e-mail et dispose d’un accès à l’information par Internet; La formation aux technologies de l’information et à l’informatique renforce la sensibilisation aux ordinateurs et aux technologies de l’information.

Changements sociaux : les agriculteurs peuvent vendre leurs productions à meilleurs prix en suivant les cours de vente sur Internet. Les villageois participent à la planification de leur propre base d’Internet, comme le site des kiosques, les personnes qui gèrent les kiosques etc. La population peut faire connaître ses problèmes liés aux services communautaires, directement auprès des responsables de district. Le succès de ce projet a joué un rôle dans la décision politique d’attribution de ressources pour ‘l’éducation électronique’.

FAO “Revisiting the “Magic Box”: Case Studies in Local Appropriation of Information and Communication Technologies (ICTs) pp.10-11 Communication for Vulnerable and Marginal Groups: Blending the Old and the New pp.11-15 n.d.

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Encadré 4 Etude de cas de marketing social : La thérapie de réhydratation orale (TRO) pour le traitement de la diarrhée infantile

Principal objectif : Renforcer les capacités d’éducation pour la santé des pays associés à travers la mise

en place systématique de modèles de communication pour la santé et pour prévenir et

traiter les diarrhées infantiles aiguës qui sont une cause importante de mortalité

infantile dues à la déshydratation, dans les régions isolées des pays. Les principales

stratégies consistent à procéder à l’analyse des pratiques sanitaires existantes, à la

segmentation de l’audience, à la conception éducative et à l’évaluation formative des

matériaux et des médias utilisés.

Lieu : Honduras et Gambie

Bénéficiaires : familles avec enfants dans les deux pays

Financement : USAID

Partenaires : Ministère hondurien de la Santé, Institut pour la recherche sur la

communication de l’Université de Stanford.

Médias : radio, communication interpersonnelle

Description: pour lutter contre la mortalité infantile due à la diarrhée au Honduras et en Gambie, un des ‘produits’ de

marketing social était un sachet de Solution de Réhydratation Orale (SRO) sous forme de poudre à dissoudre dans un

demi-litre d’eau propre. En Gambie, en raison des problèmes de distribution et de l’impossibilité de fabriquer les SRO sur

place, le concept de ‘mélange fait à la maison’ est devenu un des produits du MS. Les autres produits sont le concept

d’absorber des liquides en cas de diarrhée, les pratiques de bonne alimentation pour les enfants malades, l’importance

de l’allaitement maternel, l’importance d’absorber des aliments solides pendant et après l’épisode de diarrhée,

l’importance d’écarter les matières fécales du cercle familial. Des campagnes médiatiques complètes ont été lancées.

Des émissions de radio et des médias imprimés à partir de dessins ont été soigneusement planifiés pour atteindre

les groupes cibles des analphabètes. La communication interpersonnelle sous forme de volontaires communautaires,

matrones traditionnelles, agents de santé communautaire et sages femmes est un outil également efficace.

Contexte : en 1977, un rapport du Ministère de la santé du Honduras indiquait un taux de 24% de mortalité infantile,

lié à la déshydratation d’enfants atteints de diarrhée. En Gambie, 21,4% de la mortalité infantile à Banjul, la capitale du

pays, étaient dus à la gastroentérite et à la malnutrition. On a découvert que la déshydratation associée aux diarrhées

sévères était la principale cause de cette mortalité. Les traitements par la réhydratation orale constituaient une nouvelle

alternative pour la population qui n’avait pas accès à la réhydratation traditionnelle, aux hôpitaux ou aux cliniques

médicales.

Medias et méthodes : le sachet de SRO (a.k.a. Litrosol) est un mélange de sodium, glucose, potassium et bicarbonate.

Les chercheurs du Honduras ont tenu compte de la préférence du public pour un médicament fort pour le traitement

de la diarrhée et ont apposé un logo officiel sur sachet de SRO. Un animateur radio posant comme un médecin a

effectué la promotion. Au Honduras, de courts spots ont été plus efficaces que les messages institutionnels diffusés sur

la radio populaire de feuilletons radiophoniques. La radio et les explications illustrées par des dessins ont montré leur

efficacité. Il y a également eu un concept de ‘tirage au sort’ pour diffuser auprès du public la recette du mélange de

la SRO réaliser le mélange.

Changements sociaux : ce projet était conçu pour éliminer les comportements inadéquats en matière de santé en

périodes de diarrhées, comme le refus de traitements liquides. La sensibilisation et les connaissances sur les causes de

la maladie, une nutrition saine, l’adoption de la SRO et l’acquisition de nouvelles compétences comme la mesure, le

mélange et l’administration des quantités correctes de liquides ont eu un fort impact sur le public peu familier avec ces

concepts et pratiques. Adapté de : Colle, R. The Social Marketing Thread in Approaches to Development. Servaes. J. ed.,UNESCO: Paris, 2003, chapter 6. pp. 51-52. UNESCO Case Studies Social Marketing in Approaches to Development Communication: An Orientation and Resource Kit eds. Mayo, J. & Servaes, J. Paris 1994, pp. 1-12.

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Encadré 5 Etude de cas d’édutainment : Soul City

Objectif principal : traiter la communication sur le VIH/SIDA par la fiction télévisuelle ou les pièces radiophoniques, afin de renforcer la sensibilisation, la clairvoyance et les changements d’attitudes et de comportements du public sur cette thématique.Lieu: Afrique du sud Bénéficiaires : population sud africaine et des pays limitrophes Financement : diverses sources de financement comme l’UNICEF, l’Union européennePartenaires : Communication InitiativeMédias: radio, télévision et supports imprimés

Description : Soul City est conçu comme un support continu, récurrent et véhiculant un concept de marque de qualité autour du nom de Soul City. Ce projet applique une stratégie multimédia, combinant des séries télévisuelles avec des programmes radiophoniques en plusieurs langues, des journaux, des brochures, des matériaux éducatifs pour adultes etc. Le projet se centre tant sur la recherche sommative que sur la recherche formative. Il encourage les activités communautaires et le renforcement des partenariats stratégiques. Il développe des matériaux et des cours, de la formation et de l’éducation, dans ces domaines de préoccupation. Il entreprend une action de plaidoyer, au niveau de la communication comme au niveau national.

Contexte : l’idée sous-tendue par l’utilisation d’histoires et de feuilletons comme véhicule de l’activité ludoéducative est qu’ils déclenchent un engagement émotionnel. Toutes les productions tournent autour d’un township imaginaire nommé Soul City. Les personnages communiquent à l’audience comment ils surmontent les dilemmes moraux sur les questions de santé comme le tabagisme ou les pratiques sexuelles dans la prévention du VIH/SIDA. Le drame de la vie quotidienne dans de nombreuses familles sud africaines et des communautés affectées par la pandémie de VIH/SIDA peut être exposé sous forme de fiction sur un écran. Ces pièces radiophoniques ou séries télévisuelles sont diffusés depuis 1994 et connaissent des taux d’écoute élevés.

Médias et méthodes : la radio, la télévision et les medias imprimés sont utilisés pour renforcer les mêmes messages en direction du public. La diffusion de pièces radiophoniques et de séries télévisées , combinée avec les mêmes histoires publiées dans les quotidiens de façon divertissante permet de présenter des questions délicates à l’intérêt public et au débat.

Changements sociaux : Soul City a eu un impact sur la sensibilisation de masse, les changements de comportements, la mobilisation sociale, le débat public dans les medias et a également influencé la législation. Elle a aidé les gens à se définir eux-mêmes comme une partie de leur communauté. Elle a développé un agent novateur et important dans le travail sur la pauvreté axé sur la santé, le VIH/SIDA, les droits des femmes et des enfants en Afrique du sud.

Adapté de: Bouman, M. The turtle and the Peacock. The entertainment Education strategy on television, PhD Wageningen University, Wageningen, 1999, chapter 2, pp. 23-38.Tufte, T. Edutainment in HIV/AIDS Prevention. Building on the Soul City Experience in South Africa in Approaches to Development, Servaes. J. ed.,UNESCO: Paris, 2003, chapter 13, pp.1-12.

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 37

Encadré 7 Etude de cas de mobilisation sociale : Juanita et les élections municipales

Objectif principal : établir un nouvel agenda politique sur les problèmes des enfants en utilisant des campagnes multimédia et des activités destinées à sensibiliser les candidats à l’élection municipale de 1988, afin que les demandes des enfants soient prises en compte. Lieu : Bogota, Colombie Bénéficiaires : les enfants de Colombie Financement : UNICEF, Colombie et la Fédération nationale des planteurs de café Partenaires: Conseil pour la promotion des communautés municipales (PROCOMUN)

Médias et méthodes : médias imprimés, radio, télévision. Les journaux, courriers et magazines sont utilisés pour acheminer les messages de la campagne au public. Dans le même temps des débats sur ces questions ont été organisés, des interviews et nouvelles sur le sujet ont été diffusées à la radio. Des spots TV ont également été produits pour renforcer les messages des enfants vers le grand public.

Description : les campagnes multimédia se sont centrées sur une élève de l’école primaire, Juanita, qui, pendant la période de la campagne des élections municipales, a écrit une lettre pour exprimer sa préoccupation à propos des problèmes des enfants en Colombie. Des prospectus reproduisant la lettre de Juanita ont été produits pour être envoyés à chacun des candidats à l’élection. Dans le même temps, un spot TV de 30 secondes sur Juanita, sa voix à la radio, des informations sur les enfants de Colombie et des débats autour de ces problèmes ont été diffusés pour sensibiliser le public et faire pression sur chaque candidat afin qu’il prenne en compte les mesures politiques relatives aux enfants pendant sa campagne électorale.

Contexte : Juanita, qui est une écolière, a écrit une lettre au futur maire de son village, pour l’informer des problèmes que les enfants subissent : manque d’écoles, eau propre, alimentation, santé etc. Elle termine sa lettre avec par cette phrase: «je ne peux pas encore vous accorder mon soutien, mais vous, oui, vous pouvez m’accorder le votre». Cette accroche est devenue le slogan de la campagne et a été reproduite et accompagnée par le mot d’ordre de la campagne qui était le suivant : ‘les enfants de Colombie : une grande responsabilité pour les maires et les communautés’. La stratégie de la campagne sur Juanita consistait à s’immiscer dans la bataille de l’élection municipale, en utilisant des outils et des médias similaires à ceux des candidats eux-mêmes. Avec cette stratégie, les candidats à l’élection municipale se sont trouvés avec un nouveau concurrent, le groupe des enfants symbolisé par Juanita, qui allait attirer l’attention du grand public. Tout en restant des producteurs de messages, en organisant leur propre campagne, ils se trouvaient eux-mêmes en position de cible pour une campagne organisée par les enfants.

Changements sociaux : la campagne Juanita a renforcé la sensibilisation publique et focalisé le débat public sur cinq questions concernant les enfants : la mortalité infantile dans la première année, la malnutrition, les soins de santé préscolaires, l’accès à l’éducation primaire, et les enfants et jeunes en situation particulièrement difficile. Les maires ont été sensibilisés à intégrer les questions relatives aux enfants dans leurs programmes politiques.

Adapté de : MacKee, N. Motivation to act: Effective communication in Involving People Evolving Behaviour, eds. MacKee, N., Manoncourt, E., Saik Yoon, C. & Carnegie, R., Southbound Penang and UNICEF: Penang 2000, pp. 108-109.UNESCO Profiles: United Nations Agencies: UNICEF in Approaches to Development Communication: An Orientation and Resource Kit eds. Mayo, J. & Servaes, J. Paris 1994, p. 8. Fraser, C. & Restrepo-Estrada, S. Putting Politician Under Pressure: A Case Study of Advocacy and Social Mobilization for Children linked to Decentralization and Elections in Colombia draft Sep 1992. pp. 3-15.

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Communication et développement durable - Jan Servaes & Patchanee Malikhao38

Encadré 8 Etude de cas IEC : Planification familiale en Thaïlande

Objectif principal: planification familiale par une approche multimédia Lieu : Thaïlande Bénéficiaires: population thaï Financement: gouvernement de Thaïlande Partenaires: Association de la population pour le développement communautaire

Médias et méthodes : les médias et méthodes utilisés sont la communication interpersonnelle, les campagnes médiatisées utilisant les médias populaires centrés sur l’humour et les composantes ludiques de la culture thaï pour surmonter la difficulté à parler des pratiques sexuelles et des questions de planification familiale.

Description: le programme de planification familiale de Thaïlande a connu un grand succès grâce à la combinaison de campagnes médiatiques et la distribution des préservatifs de façon ludique et humoristique. A travers l’humour et les plaisanteries, qui font partie de la culture thaï, M. Mechai Viravaidya et ses collègues ont développé des campagnes non conventionnelles pour diffuser les messages de planification familiale dans l’ensemble du pays. Les activités incluaient des concours de gonflage de préservatifs, des carnavals de planification familiale, des festivals de vasectomie le jour de l’anniversaire du Roi etc. L’Association pour le développement communautaire et la population a ouvert un restaurant nommé ‘choux et préservatifs’. On y offre des préservatifs aux clients lorsqu’ils quittent le restaurant.

Contexte : Mr. Mechai Viravaidya a lancé un projet appelé : Services de planification familiale à base communautaire pour complémenter les efforts du gouvernement. Ce projet s’est développé au sein de l’Association pour le développement communautaire et la population, qui dispose d’environ 12 000 volontaires qui travaillent avec environ un tiers de la population et qui se sont engagés dans une série d’initiatives de développement.

Changements sociaux : la Thaïlande a effectué des avancées majeures dans la planification familiale. Les tabous sociaux sur l’évocation de ces problèmes ont été surmontés et ces questions ont été largement soumises à l’attention publique.

Adapté de :Fraser, C. & Restrepo-Estrada, S. Of ‘Condoms and Cabbages’: Communication for Population and Family Planning in Communication for Development I.B. Tauris & Co Ltd: New York 1998, pp. 184-185.Colle, R. The Population IEC and Health Communication Threads in Approaches to Development, Servaes. J.ed.,UNESCO: Paris, 2003, chapter 6. pp. 44-51.

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 39

Encadré 9 Etude de cas de renforcement institutionnel : le projet de radio communautaire de Tambuli

Objectif principal : mettre en place une stratégie partant de la base et associant la population locale pour

l’organisation et la gestion de stations de radio communautaires interactives dans différentes localités.

Lieu : l’île Batanes, Laurel, Province de Batangas, ville d’Ibajay sur l’île Panay, Mabuhay sur l’île Olutanga,

Philippines

Bénéficiaires : la population rurale vivant dans la zone de diffusion des stations de radio

Financement : UNESCO, DANIDA, Gouvernement des Philippines et la contribution annuelle de la population locale

Partenaires : la Fondation des Philippines pour les radiodiffuseurs ruraux, le conseil et le centre de formation des

medias communautaires (CMTC), la Fondation pour le développement local.

Médias et méthodes : Programmes radiophoniques produits au niveau communautaire qui permettent aux auditeurs de

participer aux discussions ou aux débats sur les questions relatives au développement. Cette activité permet de responsabiliser

la population à la gestion, l’organisation le contrôle et la production de leurs propres programmes radio, pour répondre aux

besoins de la communauté.

Description : Le système de communication interactive de Tambuli s’appuie sur une série de stations de radio implantées dans

des zones reculées et intégrées dans un réseau. Ces stations sont administrées par des agents locaux volontaires qui produisent

également les programmes, avec une approche participative. Le système dispose de son propre conseil communautaire des

médias, dont les membres sont issus de la population locale. L’UNESCO et DANIDA ont financé les installations techniques et

la production des programmes. Les auditeurs versent également une redevance annuelle aux stations. Le système transmet

les informations locales dont ils ont besoin comme les nouvelles technologies, propose un forum de discussions sur les idées

susceptibles de générer des revenus, identifie les sources d’intrants, aide à construire des unités économiques comme les

coopératives, inspire les communautés pour diffuser et échanger des concepts et des expériences intéressantes. De plus,

il a mis en place une fondation pour le développement local pour apporter divers types de soutiens dans le cadre de sa

composante d’aide aux moyens d’existence (comme la constitution d’un capital à travers un prêt sans intérêts), assurer la

formation et fournir l’information technique nécessaire à la communauté.

Contexte : Les médias commerciaux implantés dans les villes créent des besoins inutiles de consommation pour les

populations pauvres des zones rurales. Ces médias créent une demande mais n’aident pas la population rurale à la satisfaire

en les aidant à améliorer leur production ou à s’engager dans des entreprises lucratives. L’analyse souligne qu’une des causes

de l’inertie rurale pourrait résider dans le manque d’information sur les opportunités et le manque de communication avec les

responsables, dans le sens d’un dialogue, au lieu de l’habituelle imposition par le sommet de demandes et de remontrances.

La création d’un réseau local d’information qui pourrait connecter les villages sur les ressources de développement et de

savoir et également établir un canal de communication interactive avec les responsables, pourrait constituer une solution au

problème.

En édifiant des stations locales de radio ou des journaux et des moyens de réaliser le développement des communautés,

la population locale apprend à s’auto organiser socialement. Les stations de radio locale et les journaux ont un statut non

commercial et non lucratif et sont gérés par des volontaires. Le tambuli est la traditionnelle corne de carabao ou la conque de

mer utilisée par le baranggay (chef de village) pour appeler la population à se rassembler. Il n’est utilisé que pour des raisons

sérieuses, notamment pour rassembler la population afin de prendre des décisions importantes. Pour cette raison le tambuli

appelle le respect et l’autorité. Le nom tambuli est également devenu un acronyme aux Philippines, qui signifie, en français ‘

la voix des petites communautés pour le développement des moins privilégiés’.

Changements sociaux : Les services de la radio locale interactive permettent à la population locale de faire connaître

ses griefs. Cet effet de contrôle communautaire a rendu les autorités officielles plus conscientes de leurs responsabilités

publiques. Le projet aide à promouvoir une rectitude morale pour les membres de l’équipe comme pour la population de la

communauté.

Extrait de : Colle, R. The Institution-Building Thread in Approaches to Development, Servaes. J. ed.,UNESCO: Paris, 2003, chapter 6. pp. 55-59.Fraser, C. & Restrepo-Estrada, S. Tambuli: The Electronic Carabao Horn in Communication for Development, I.B. Tauris & Co Ltd: New York 1998, pp. 190-218.Hancock, A. UNESCO’s contributions to Communication,Culture and Development. Servaes J. (ed.) Walking on the other side of the Information Highway. Communication, Culture and Development in the 21st century, Southbound: Penang, 2000.

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Communication et développement durable - Jan Servaes & Patchanee Malikhao40

Encadré 11 Etude de cas sur la communication au service du développement : les Tours audio communautaires

Objectif principal : développement communautaire Lieux : Tacunan, Maragusan, Floryda (Tours audio communautaires) et projets de communication en appui au développement de Nagbukel, Pinagdanglayan Dolores, Concordia, Tulungatong, PhilippinesBénéficiaires : environ 4 000 personnes dans chaque communauté Financement : FAO/PNUD, UNICEF, Ministère de l’agricultureMédias et méthodes : haut-parleurs coniques montés sur des tours

Description: à la fin des années 1980, la FAO a lance les tours audio communautaires (TAC) et l’UNICEF les systèmes communautaires de sonorisation publique (SCSP) à la fin des années 1990. Les stratégies de communication préconisées par les deux agences, similaires, sont basées sur les tours audio communautaires.

Au cœur des deux projets on trouve le soutien aux communautés rurales pour utiliser cette technologie de diffusion de proximité au service de la communication et du développement social communautaire. Le système local de communication sert à soulever et à débattre les problèmes locaux et à mobiliser les membres de la communauté sur les droits des enfants, la santé et la nutrition, la santé des enfants, l’éducation, les moyens d’existence, l’agriculture etc. Un conseil communautaire des médias est constitué – avec quelques différences d’un village à l’autre – mais il est généralement constitué de façon très équilibrée par des représentants des agriculteurs, des femmes, des anciens, des jeunes, des agents de santé, des éducateurs, des autorités locales, des leaders religieux etc. Il est important de noter que les femmes occupent la moitié des sièges des CCM, et qu’elles sont très actives en tant que responsables de radios.

Contexte : les Philippines ont connu une croissance rapide de leurs moyens de communication de masse au cours des deux dernières décennies, en raison de la révolution technologique, de politiques économiques plus libérales, d’un retour à la démocratie, de la dérégulation des télécommunications et de la décentralisation. La conséquence est une forte croissance des médias provinciaux, s’agissant notamment des radios et télévisions commerciales. Il y a environ 328 stations de radio AM et 317 FM qui couvrent 90% de la population, grâce à 25 millions de récepteurs radio. Même la télévision est en croissance, avec le développement de l’électrification rurale : près de 128 stations sont actuellement en opération. Le Profit, la Propagande, le Pouvoir et les Privilèges ou PPPP règnent sur la grande majorité de la population, sauf dans les communautés où des radios communautaires ou des tours audio communautaires ont été implantées. L’idée des tours audio communautaires avait été expérimentée précédemment pour soutenir le développement économique et social dans les communautés rurales pauvres et marginalisées, dans des pays du tiers monde comme l’Ethiopie, la Thaïlande et le Mozambique dans les années 1980. Les tours audio communautaires ont pour objectif de stimuler les organisations communautaires autour des questions du développement social et du renforcement de l’identité culturelle.

Changements sociaux : selon les villageois, les tours audio communautaires ont joué un rôle décisif pour traiter les problèmes agricoles, les problèmes d’infrastructures etc.

Extrait de : UNESCO Profiles: United Nations Agencies:FAO in Approaches to Development Communication: An Orientation and Resource Kit, eds. Mayo, J. & Servaes, J. Paris 1994, pp. 2-11. Gumucio Dagron, A. Making waves: participatory communication for social change, the Rockefeller Foundation: New York, 2001, pp.121-124.

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 41

Encadré 13 Etude de cas de participation communautaire : le processus de Fogo

Objectif principal : l’utilisation de la vidéo bon marché pour le dialogue entre les communautés et les décideurs politiques Lieu : l’île de Fogo, au large de Newfoundland, Canada Bénéficiaires : les pêcheurs qui vivent sur l’île et leurs familles Partenaires : le département de vulgarisation et d’éducation de l’université du Mémorial et l’Office national du film du Canada.

Médias et méthodes : utiliser des séquences filmées des pêcheurs pour déclencher un dialogue sur leurs problèmes

Description: le gouvernement voulait rapatrier les pêcheurs et leurs familles sur le continent. Avec l’assistance de l’Université du Mémorial et de l’Office national du film du Canada, les pêcheurs se sont engagés dans un processus de réflexion et de débats sur leurs valeurs, leur sens de la communauté et leur avenir. Les séquences de films étaient utilisées comme «un miroir» pour déclencher ces débats au sein de la communauté. Le fait de voir sa propre image et de s’entendre parler de ses propres problèmes a donné à la communauté estime d’elle-même qu’elle n’avait jamais éprouvé auparavant. Quelques unes de ces séquences ont été utilisées pour déclencher un dialogue, en montrant le film des insulaires aux décideurs politiques puis en enregistrant leurs réactions qui montraient qu’ils découvraient que les ‘sujets’ de leurs programmes de réimplantation étaient des personnes capables de penser et d’éprouver des sentiments. Après un long dialogue et une longue phase de planification, le programme de réimplantation a été abandonné et une coopérative de pêche a été financée, ainsi que d’autres initiatives communautaires.

Contexte : dans les années 1960, le gouvernement du Canada voulait réinstaller les pêcheurs improductifs et leurs familles sur le continent pour réduire les coûts des services sociaux. La population a alors commencé à discuter et à débattre sur les programmes de réinstallation.

Changements sociaux : l’émancipation de la communauté et l’identité communautaire ont été renforcés à l’occasion de ce processus participatif.

Extrait de : Colle, R. The Community Participation Thread in Approaches to Development, Servaes. J. ed.,UNESCO: Paris, 2003, chapitre 6. p. 37.McKee, N. Motivation to act: Effective communication in Involving People Evolving Behaviour, eds. MacKee, N., Manoncourt, E., Saik Yoon, C. & Carnegie, R., Southbound Penang and UNICEF: Penang 2000, pp. 104-105.

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Le contexte de la communication pour le développement en 2004

James Deane

“…..Si le développement était une étoffe tissée par les activités de millions de personnes, la communication serait le fil qui les relie ensemble.La communication, c’est un processus de dialogue et de débat qui intervient spontanément à toutes les étapes du changement social. Pendant la période récente, la liberté d’expression s’est développée alors que d’importants changements politiques intervenaient dans le monde.Mais la communication c’est aussi une intervention délibérée pour agir sur les changements économiques et sociaux et cet aspect est sans doute le plus prometteur. Une stratégie de développement qui s’appuie sur les approches de communication peut – en valorisant les attitudes latentes et la sagesse traditionnelle de la population et en diffusant largement de nouveaux messages sociaux à de vastes auditoires – aider la population à adapter sa vision et à acquérir de nouveaux savoirs et compétences. L’utilisation planifiée des techniques et activités de communication et des médias met au service de la population des outils puissants pour faire l’expérience des changements et même pour les diriger. Un échange intense d’idées entre tous les secteurs de la société peut conduire la population à s’engager plus fortement pour une cause commune. C’est un élément fondamental pour un développement approprié et durable.”

Communication: un élément clé du développement humain Colin Fraser et Jonathan Villet, FAO, 1994

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Le contexte de la communication pour le développement en 2004 - James Deane44

INTRODUCTIONL’importance de la communication dans le processus du développement est reconnue depuis de nombreuses années par la communauté du développement. La FAO, avec plus de trente ans d’expérience, est considérée comme un pionnier et un promoteur - sur le plan théorique comme au niveau pratique – dans le domaine de la communication pour le développement. Le principal ingrédient d’une bonne communication – mettre la population au centre du processus – est également reconnu et largement illustré depuis de nombreuses années.

Malgré cela, la table ronde de 2004 sur la communication pour le développement se tient dans un contexte où les ressources pour les activités de communication restent difficiles à mobiliser, où la réflexion stratégique et la mise en place de la communication traverse une période de profonde confusion, notamment au sein de nombreuses agences bi et multilatérales, et où les organisations de développement ne parviennent pas à mettre la population au centre du processus de communication.

Mais cette table ronde se déroule également à un moment où les arguments en faveur d’une communication efficace, professionnelle et centrée sur la population n’ont jamais été aussi pertinents par rapport aux défis actuels du développement.

Ce document se propose de dresser un panorama rapide du contexte de la communication pour le développement – en évoquant notamment les principales tendances en cours et les principaux évènements intervenus depuis la dernière table ronde de 2001 – et de proposer un lien contextuel entre les deux tables rondes. Ce document, qui ne prétend pas être exhaustif, a particulièrement cherché à éviter les duplications avec les autres documents préparés pour la table ronde de 2004, pour évoquer, nous l’espérons, les évènements les plus pertinents par rapport à la thématique de la table ronde. Il s’articule autour de quatre chapitres :

En premier lieu, il explore le contexte du développement, en s’attachant particulièrement à analyser les principales stratégies déployées pour atteindre les objectifs de développement du millénaire, et la pertinence des approches de communication mises en œuvre. Il souligne également d’autres défis importants du développement où la communication peut jouer un rôle déterminant.

Deuxièmement, il analyse le contexte très évolutif de l’environnement de la communication au début de ce 21ème siècle – en s’inspirant notamment d’un document similaire préparé pour la table ronde de 2001 – et examine certaines conséquences des changements de l’environnement sur les débats en cours dans le domaine de la communication.

Enfin, il examine les aspects relatifs au financement et aux ressources disponibles pour la communication.

Les questions spécifiques de la communication et du développement durable – qui constituent les principaux objectifs de cette table ronde – sont traitées de façon détaillée dans d’autres documents préparés pour la table ronde – et ne sont que survolés dans celui-ci.

Les points de vue exprimés dans ce document sont ceux de son auteur et ne reflètent pas nécessairement ceux de la FAO ou d’une autre organisation.

1. LE CONTEXTE DU DÉVELOPPEMENT

1.1. De la mondialisation à la sécurité mondiale Un des principaux évènements mondiaux intervenus depuis la précédente table ronde – les terribles évènements du 11 septembre 2001 et leurs suites – a modelé pratiquement tout le reste. La communication au-delà des frontières et entre les cultures n’avait jamais été aussi dense auparavant et jamais la sécurité mondiale n’a autant dépendu des canaux qui assurent cette communication. Et pourtant ces canaux n’ont probablement jamais été aussi fragiles.

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 45

Avant le 11 septembre, la plupart des discours sur le développement étaient axés sur la mondialisation, ainsi que l’interdépendance et l’inter connectivité entre tous les peuples, un processus fondamentalement déterminé par les flux de plus en plus rapides de l’information à travers le monde. Les évènements du 11 septembre ont constitué le point de départ d’un changement dans l’attention politique internationale, l’éloignant des questions liées à la mondialisation, avec, en parallèle, le renforcement d’un esprit partisan dans les médias.

Ce phénomène a été particulièrement évident dans la couverture, par les grands médias, des conflits qui ont suivi le 11 septembre, notamment celui de l’Irak. Plusieurs grands médias (notamment le New York Times, le Washington post et CNN) ont publiquement remis en question leur propre couverture du déroulement de la guerre d’Irak qui a conduit à une perte notable de crédibilité dans leur public. Ces évènements ont également vu émerger de nouveaux acteurs médiatiques puissants – comme la chaîne Al Djazira – qui ont, dans la controverse et la critique, attiré de considérables nouveaux publics dans le monde arabe et représentent désormais un défi majeur à la domination des réseaux occidentaux d’information. Aux USA, l’émergence et la popularité rapide acquise par d’autres nouveaux acteurs comme Fox TV, explicitement plus chauvine dans son traitement de l’information pendant la couverture de la guerre contre l’Irak et contre le terrorisme, ont renforcé une tendance à la fragmentation de industrie des médias. La BBC a subi une crise majeure qui a conduit au départ de son directeur général et de son président, après une controverse sur un rapport judiciaire indépendant sur la mise en cause, par la BBC, des justifications avancées par le gouvernement pour s’engager dans la guerre.

Cette fragmentation et cette augmentation de l’esprit partisan dans les principaux médias couvrant en même temps une crise internationale – à un moment où la communauté internationale est si divisée – auraient pu conduire à un renforcement du soutien de la communauté internationale des donateurs pour les organisations qui visent à encourager le débat public au niveau national et international ; mais c’est le contraire qui s’est produit. Au niveau international, ces organisations chargées de couvrir les questions du développement des pays en développement pour les grands medias, avec une perspective indépendante par rapport aux pays développées mènent un combat inégal.

La plupart des grandes ONG engagées dans la génération de flux d’informations en provenance des pays en développement, au-delà des frontières et des cultures, comme InterPress Services, Oneworld.net et Panos, se trouvent dans une précarité jamais connue et ont de sérieux problèmes pour sécuriser leurs sources de financement et leurs revenus. Au niveau national, le choix de plusieurs donateurs d’apporter un soutien budgétaire aux gouvernements a souvent conduit à priver de ressources les organisations de la société civile et les organisations de soutien aux médias qui visent, par la fourniture d’informations pertinentes, à renforcer le dialogue au sein des sociétés.

Le chapitre 4 propose une analyse détaillée des tendances des donateurs sur le terrain. Il est toutefois difficile de discerner, parmi les donateurs et acteurs du développement, une réaction stratégique significative à l’après 11 septembre, s’agissant notamment de la construction de passerelles en matière de communication et de dialogue des cultures. Il est impossible, dans un bref panorama, de proposer une analyse détaillée de ces tendances et de ces questions, mais il est clair que le terrorisme mondial et la guerre engagée contre ce terrorisme sont des évènements où la communication a un rôle essentiel à jouer pour rendre le monde moins dangereux. Mais il n’existe aucun effort concerté dans ce sens et – comme l’indique le chapitre 4 sur les tendances – on constate, au contraire, une étrange tendance générale au désinvestissement par rapport à ce type de communication.

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Le contexte de la communication pour le développement en 2004 - James Deane46

1.2. Objectifs de développement du millénaire (ODM) et Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) : le rôle central de la communication Les principaux points de référence stratégiques pour la communauté mondiale du développement sont les objectifs de développement du millénaire. Presque toutes les agences de financement bilatérales et la plupart des agences multilatérales ont explicitement aligné leurs priorités stratégiques sur l’atteinte des ODM (Voir encadré).

L’objectif qui a la plus forte priorité – et autour duquel beaucoup d’autres s’articulent – est de diminuer de moitié le nombre de personnes vivant avec moins d’un dollar US par jour à l’horizon 2015. La principale stratégie adoptée par la communauté internationale pour réaliser cet objectif est le développement de cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, un processus initié par la Banque mondiale et désormais adopté par la plupart des agences de développement comme élément de base de leurs stratégies de développement.

Le principe d’appropriation de ces stratégies se trouve au cœur du processus du CSLP et constitue, en fait, le principe fondateur pour tous les ODM et les dispositifs associés comme le Nouveau partenariat économique pour le développement de l’Afrique (NEPAD). La Banque mondiale a affirmé à plusieurs reprises que ces stratégies ne réussiront que si l’on met en place, au sein des pays, un processus authentique d’appropriation, une véritable participation et un dialogue avec tous les secteurs de la société.

Pour réaliser cette appropriation, il est indispensable, comme l’indique la Banque elle-même, de mobiliser fortement la communication. «La participation, clé de voûte du CSLP, repose sur une communication précise, cohérente et continue, qui déclenche des réactions et incite au dialogue et au débat pour une meilleure compréhension des

Objectifs internationaux de développement des Nations Unies à l’horizon 2015 :

Eradiquer la pauvreté extrême Réduire de moitié le nombre de personnes vivant avec moins d’un dollar US par jour

Réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim

Réaliser l’éducation primaire universelle.

Assurer à tous les garçons et à toutes les filles une éducation primaire complète

Promouvoir l’égalité de genre et l’émancipation des femmes

Eliminer la disparité des genres dans l’éducation primaire et secondaire de préférence avant 2005 et pour tous les niveaux avant 2015

Réduire la mortalité infantile Réduire de deux tiers les taux de mortalité pour les bébés et les enfants de moins de cinq ans

Améliorer la santé maternelle Réduire des trois quarts les taux de mortalité maternelle

Combattre le VIH/SIDA,

la malaria et d’autres maladies

Arrêter, puis commencer à inverser la propagation du VIH/SIDA

Arrêter, puis commencer à inverser l’incidence de la malaria et d’autres maladies importantes

Assurer la durabilité de l’environnement

Intégrer les principes de développement durable dans les politiques et les programmes des pays et inverser la perte de ressources environnementales

Réduire de moitié la proportion de personnes sans accès durable à une eau potable sure

Réaliser l’amélioration des conditions d’existence d’au moins 100 millions d’habitants de taudis

Développer un partenariat mondial pour le développement

Système commercial ouvert, besoins spécifiques des PMA, dette, emploi, accès aux médicaments, TIC.

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 47

problèmes, leur mise en perspective contextuelle et la participation de la population à toutes les phases du processus de CSLP», affirme la Banque mondiale dans son document de référence sur la communication dans les CSLP. 1

Les CSLP ont commencé à se développer en 1999 avec une appellation différente, ‘les cadres globaux de développement’. Bien que l’on ait consacré des millions de dollars à la mise en place des processus CSLP, des critiques répétées ont été formulées sur la participation inadéquate de la société civile à leur conception2, ainsi que sur le manque de sensibilisation du public et d’appropriation du processus. On a également critiqué l’absence de débat public sur les CSLP, notamment à travers les médias, et des enquêtes ont bien souvent montré que peu de journalistes ou rédacteurs ont été sensibilisés aux CSLP mis en place dans leurs propres pays3.

La publication, par la Banque mondiale, d’un document de référence sur la communication dans les CSLP en 2003, compilé à travers un processus de consultation des ONG de communication et d’autres organisations, montre clairement l’importance que la Banque accorde à la communication dans ce processus.

La communauté de la communication a bien souvent fait observer, au fil des ans, que les stratégies de communication sont généralement conçues après coup,au lieu d’être intégrées dès les premières phases de réflexion sur les stratégies de développement. Cela est lié aux trop faibles ressources accordées aux activités de communication et à la formation insuffisante des personnels. La stratégie centrale de développement déployée pour atteindre les objectifs primaires de développement de notre temps – réduire la pauvreté de moitié à l’horizon 2015 – confirme clairement cette observation. Les cinq dernières années montrent à l’évidence que le niveau d’appropriation, de participation et de débat public dans les CSLP (et dans les stratégies associées comme le NEPAD) est insuffisant et exige, pour avoir quelques chances de réaliser les objectifs de développement du millénaire, que le rôle de la communication soit fondamentalement réévalué et repositionné.

1.3. L’après- Nicaragua : la communication dans la lutte contre le VIH/SIDA

1.3.1. Une mutation dans le débat sur la communication sur le VIH/SIDA La dernière table ronde sur la communication pour le développement, tenue au Nicaragua en 2001, s’est clairement centrée sur la communication dans le domaine VIH/SIDA, qui vise à réaliser un des objectifs de développement du millénaire, à savoir : arrêter la propagation du VIH à l’horizon 2015. La table ronde a bien accueilli le regain d’énergie et de financements consacrés aux questions du VIH/SIDA et elle a formulé une déclaration synthétisant les principales conclusions de la réunion. Les participants de la table ronde ont été à la fois explicites et sincères pour admettre que les stratégies de communication n’ont pas réussi à prévenir la pandémie de VIH/SIDA, pour diverses raisons. La déclaration a notamment avancé les éléments d’explication suivants :

“Les stratégies de communication mises en œuvre dans le domaine du VIH/SIDA se sont montrées inadéquates pour contenir et réduire les effets de l’épidémie. Elles ont souvent, par exemple :

1 Strategic Communication in PRSP, Masud Mozammel et Barbara Zatlokal, Banque mondiale, 2003

2 De nombreux exemples de ces critiques par les ONG internationales, nationales et autres ont été relevés. Voir notamment : Structural Adjustment in the name of the poor: the PRSP experience in the Lao PDR, Cambodia and Vietnam par Jenina Joy Chavez Malaluan et Shalmali Guttal, Focus on the Global South, 2002

3 Reducing Poverty: Is the World Bank’s strategy working by Kitty Warnock, Panos 2002 et Hearing the voices of the poor: encouraging good governance and poverty reduction through media sector support, Dr Ann Hudock, World Learning Foundation 2003

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• considéré la population comme l’objet du changement et non pas comme l’acteur principal du changement;

• concentré leur action sur quelques comportements individuels au lieu de prendre également en compte les normes sociales, les politiques, les cultures et les environnements;

• transmis l'information fournie par les experts techniques plutôt que diffuser, avec discernement, les informations nécessaires pour nourrir le dialogue et les débats;

• essayé de pousser la population à faire quelque chose plutôt que de négocier avec elle un processus de partenariat.

Pour ralentir l’épidémie, il faut plutôt déployer une réponse multisectorielle, mobiliser la communication face aux comportements qui contribuent à propager de l’épidémie et à leurs causes (inégalité, dommages, pauvreté, exclusion sociale et politique, discrimination, notamment à l’égard des femmes).”4

Depuis la dernière table ronde, la lutte contre le VIH/SIDA a continué à se développer rapidement et on peut clairement discerner l’influence de la table ronde et des débats qui l’ont entouré, dans plusieurs évènements importants. L’UNICEF a été l’une des premières à développer un nouveau programme de communication pour le changement social (également appelé communication pour les droits humains) en Afrique orientale et australe et plus spécifiquement en Ethiopie et en Zambie. La Fondation Rockefeller a décidé, en 2003, d’accélérer son travail dans ce domaine en soutenant la mise en place du Consortium de communication pour le changement social. L’Institut Panos a publié – en se basant sur les arguments de la table ronde – un rapport d’évaluation de la programmation de la communication intitulé Missing the message: 20 years of learning from HIV/AIDS. Ce rapport a été téléchargé plus de 100 000 fois sur le site Internet de l’Institut Panos, montrant l’intérêt massif existant dans ce domaine. De très nombreux autres exemples montrent une forte évolution vers des approches de la communication sur le VIH plus axées sur le changement social et associant une plus grande gamme d’organisations.

Malgré cela, une grande confusion stratégique persiste dans le domaine de la communication sur le VIH. La plupart des débats de la dernière table ronde se sont centrés sur la nécessité de stratégies à long terme – qui associent des approches comportementales et des approches axées sur le changement social – et qui favorisent l’expression de la population et la diffusion de ses propres messages. Alors que les agences de financement multiplient les déclarations d’intention, rien ne montre que les critères de financement et d’attribution des ressources aient changé pour aller dans le sens de cette nouvelle orientation. D’intenses controverses se sont développées au cours de la XVème conférence sur le SIDA, à Bangkok, s’agissant de l’insistance du gouvernement US pour que à voir ses fonds consacrés à la promotion de l’approche AFP (abstinence, fidélité, préservatifs) et elles ont mis en évidence la persistance des désaccords sur la prévention et l’approche de communication sur le VIH/SIDA.

Il y a pourtant eu un changement clair dans le discours sur les stratégies de communication sur le VIH/SIDA, et cette nouvelle orientation est bien illustrée par la nouvelle stratégie du Dfid sur le VIH/SIDA, publiée en juillet 2004.

“Les campagnes médiatiques, utilisant des stratégies de communication appropriées et adaptées aux contexte et aux langues locales constituent un élément essentiel [de notre stratégie]. Les campagnes d’information verticale sont rarement aussi efficaces que les medias plus interactifs comme les feuilletons ou le théâtre, qui permettent de

4 Communication for Development Roundtable Report: Focus on HIV/AIDS Communication and Evaluation, UNFPA, UNESCO, Rockefeller Foundation, Panos, 2002

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mieux explorer des questions complexes et de présenter des visions contradictoires, ce qui contribue à encourager le débat public………. Les programmes liés aux changements de comportement et d’autres programmes de communication peuvent – s’ils sont soutenus par un environnement positif – jouer un rôle efficace dans les stratégies de maîtrise du VIH et devraient être véritablement intégrés dans les programmes nationaux de lutte contre le SIDA. Il est nécessaire de mettre en place une approche de communication coordonnée, associant les gouvernements, les médias locaux et nationaux et la société civile dans son ensemble. ”5

1.3.2. Traitements anti-rétroviraux et approche intégrée de communicationLes débats sur le VIH/SIDA ont beaucoup évolué au cours des deux dernières années avec notamment la mise à disposition de ressources nettement plus importantes, le développement rapide et la baisse des coûts des traitements anti-rétroviraux (TAR). La principale évolution réside dans une nouvelle réponse au VIH/SIDA axée sur la fourniture de traitements pour les millions de personnes infectées par le virus. La meilleure illustration est fournie par l’initiative 3X5 de l’OMS (qui fournira des TAR à trois millions de personnes à la fin de 2005), mais cette initiative soulève quelques problèmes au sein de la communauté de la communication, car elle contribue à une re-médicalisation du traitement de la pandémie du SIDA et à un recul des stratégies de communication et de prévention.

L’OMS elle-même a toutefois fortement insisté sur l’importance d’une approche intégrée, combinant le traitement, la prévention et une série de stratégies de communication favorisant les changements de comportement et les changements sociaux. En mai 2004, l’OMS et l’Institut Panos ont co-organisé une importante consultation d’experts provenant d’agences internationales et de pays en développement sur la conception d’une stratégie intégrée de communication. Le rapport de cette consultation6 sera disponible au cours de la table ronde 2004.

Même si la question du traitement domine de plus en plus la réponse au VIH/SIDA, l’information et la responsabilisation des populations affectées par le VIH/SIDA reste le principal défi pour contenir sa progression. Un argument majeur souligné au cours de la réunion OMS/Panos pour renforcer les arguments favorables au traitement, est qu’il offre également une opportunité pour communiquer et prévenir, en normalisant et dé stigmatisant la maladie, en encourageant les personnes infectées et permettant à la société civile de développer son activité de plaidoyer sur le VIH/SIDA et les questions associées. Le rapport : HIV/AIDS Communication and Treatment Scale-Up: Promoting civil society ownership and integrated approaches to communication, devrait être disponible au cours de la table ronde.

1.3.3. Qui coordonne les réponses au VIH/SIDA? Une question de plus en plus urgente, pour les praticiens et les théoriciens de la lutte contre le VIH/SIDA, est l’absence de coordination des approches de communication au plan international, alors que les changements sont si rapides et les débats si intenses autour de ce thème. Pendant plusieurs années, l’UNAIDS n’a pratiquement pris aucune initiative de coordination des approches de communication et les capacités de coordination des autres structures des Nations unies sur le VIH/SIDA n’ont pas non plus été développées. Des enseignements importants et multiples peuvent être tirés

6 Publié par l’OMS et l’Institut Panos

5 Taking Action: the UK’s strategy for tackling HIV/AIDS in the developing world, DFID, July 2004 (www.dfid.gov.uk)

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de 20 années de lutte contre le VIH/SIDA, mais ils ne sont pas convenablement pris en compte car il n’existe pratiquement pas de coordination de la communication au niveau de la communauté internationale.

2. L’ENVIRONNEMENT DES MÉDIAS ET DE LA COMMUNICATION

2.1. Les technologies d’information et de communication

2.1.1. Le Sommet mondialLe document préparé pour la table ronde de 2001 a relevé avec insistance l’intérêt international croissant pour le potentiel des TIC pour le développement, ainsi que les rapports, initiatives et réunions développés à ce sujet au niveau international.

Cela comprenait notamment rapport du PNUD sur le développement humain de 2001, la Conférence sur le savoir mondial tenue à Kuala Lumpur en 2000, le plan d’action produit par le G8 (groupe de travail sur les opportunités du numérique) et le groupe de travail des Nations unies sur les TIC. Les objectifs de développement du millénaire ont souligné le fait que les TIC s’engagent, «en coopération avec le secteur privé, [à] rendre leurs avantages disponibles, s’agissant notamment des technologies d’information et de communication».

L’évènement le plus important depuis la dernière table ronde – et probablement la plus grande réunion organisée sur le thème de la communication et du développement – a été le Sommet mondial sur la société de l’information, tenu en décembre 2003, à Genève. Le SMSI et toutes les réunions du Comité préparatoire qui l’ont précédé, ont permis d’engager un débat majeur sur le rôle des technologies de l’information et de la communication dans la lutte contre la pauvreté. Le plus grand défi de ce sommet est, selon la déclaration officielle, «d’exploiter le potentiel des technologies d’information et de communication pour promouvoir les objectifs de développement de la déclaration du millénaire».

Le SMSI a été une conférence majeure, qui a rassemblé plus de 11 000 personnes. Elle a été précédée par trois réunions du comité de préparation, une réunion intersessions, cinq conférences régionales et une série d’autres réunions et processus parallèles. Le déroulement de la conférence a été marqué par de nombreux débats et un engagement fort des pays en développement, mais des difficultés sont également apparues.

La première était relative à la crédibilité du processus du sommet au sein d’un large groupe d’acteurs concernés par les TIC, notamment les donateurs et les organisations du secteur privé. Le sommet lui-même a attiré plus de 11 000 participants et a permis organiser une remarquable démonstration des innovations utilisant les TIC pour l’intérêt public et la réduction de la pauvreté, ainsi qu’une série de réunions informelles très toniques organisées parallèlement au sommet formel (notamment le Forum mondial des médias électroniques). Mais, l’adoption de la déclaration formelle de ce sommet gouvernemental et d’un plan d’action de 7 000 mots ont été critiquées, car elles ne reposaient que sur un consensus minimal entre les parties en présence. Les débats du pré sommet se sont souvent préoccupé des questions de protection des libertés, notamment sur le contenu et les médias, plutôt que de s’orienter clairement vers les défis du futur. La tentative de création d’un nouveau fonds de solidarité numérique a reçu un accueil plutôt tiède de la part des donateurs et le sommet n’a pas beaucoup attiré l’attention publique internationale, à l’inverse d’autres sommets similaires des Nations unies. La définition générale de la «société de l’information» – qui a été davantage formulée en termes technologiques qu’en termes sociaux –reste controversée. Une deuxième phase du processus du sommet doit se tenir à Tunis en 2005. Comme le plan d’action produit par le processus de Genève pèse déjà lourdement sur les programmes d’activités d’organisations comme l’Union

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internationale des télécommunications, il y a peu de chances que les conclusions du sommet aient déterminé, de façon décisive, des développements politiques ultérieurs, notamment parmi les organisations de donateurs. L’engagement du secteur privé dans le processus du SMSI est resté très faible.

On s’interroge pour savoir si la déclaration du SMSI constitue vraiment une percée ou un consensus suffisant entre les multiples acteurs pour avoir un véritable impact sur le terrain. Les ingrédients déterminants de la réussite et de la crédibilité d’autres sommets et du processus politique mondial – notamment une interaction dynamique entre les gouvernements et les secteurs privé et public – sont insuffisants, de même que consensus a minima établi entre les gouvernements, spécifiquement entre ceux du nord et ceux du sud.

La récente histoire du développement des TIC montre que leur propagation et leur application dépendent largement du secteur privé et de la société civile et beaucoup moins des gouvernements. Le SMSI a tenté de le refléter dans l’organisation de la conférence, à travers notamment la diversité et le dynamisme des exposants et des participants à la conférence, mais la question de savoir si le processus gouvernemental formel de la conférence ouvre la voie pour réduire la fracture numérique et celle de l’information – là où elles comptent le plus, sur le terrain – reste sans réponse.

On aurait pu espérer qu’un tel sommet, développé par un long processus, organisé en deux grandes étapes, soutenu par les Nations unies et portant sur le thème de la société mondiale de l’information, puisse déterminer, ou à tout le moins influencer fortement les agendas et les débats des organisations de communication pour le développement présents sur le terrain, mais, de toute évidence, cela n’est pas en train de se produire.

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La deuxième difficulté majeure a été le débat sur l’engagement de la société civile elle-même, avec une frustration croissante ressentie par celle-ci en raison de l’insuffisance de l’accès (au) et de l’interaction (avec le) processus gouvernemental. En fait, les organisations de la société civile ont produit leur propre déclaration à l’issue du sommet7, affirmant qu’après un engagement de deux ans dans le processus de préparation du Sommet, «nos voix et l’intérêt général que nous avions collectivement exprimés ne sont pas pris en compte de façon adéquate dans les documents du sommet».

Principales recommandations et conclusions de la déclaration officielle du Sommet mondial de la société de l’information, 2003

1. La déclaration considère que les TIC constituent la principale fondation de la société de l’information et adopte l’objectif, partagé avec tous les acteurs concernés, de mettre en place une infrastructure et des services universels pour les TIC, accessibles, équitables et abordables.

2. Relancer la confiance dans les TIC, notamment en termes d’information et de sécurité des réseaux, d’authentification, de protection des consommateurs et de la vie privée – ces aspects ayant été sous estimés en tant que conditions du développement de la société de l’information.

3. Les TIC sont également des outils essentiels de bonne gouvernance. La déclaration souligne la nécessité de créer un environnement favorable, au niveau national et international, régi par la Loi, et organisé dans un cadre de régulation et une politique incitatifs, transparents, propices à la concurrence, technologiquement neutres et prévisibles.

4. Si l’accès universel est le fondement d’une véritable société de l’information, le renforcement des capacités en est le moteur. La déclaration reconnaît que c’est seulement en motivant et en éduquant les populations non familières avec Internet et ses puissantes applications, que l’on pourra cueillir les fruits de l’accès universel.

5. Elle considère également que les ressources doivent être canalisées vers les groupes vulnérables et marginalisés afin de s’assurer de leur adoption et de l’émancipation de ces groupes.

6. La déclaration réaffirme la nature universelle et indivisible de tous les droits humains, des libertés fondamentales, de la démocratie et de la bonne gouvernance dans la société de l’information.

7. S’agissant de la propriété intellectuelle, la déclaration souligne l’importance d’encourager l’innovation et la créativité, tout en encourageant le partage des connaissance, comme moteur de l’innovation et de la créativité.

8. Elle met également en valeur le nécessaire respect de la diversité culturelle et linguistique ainsi que de la tradition et la religion. S’agissant particulièrement d’Internet, cela se traduit par des contenus, multilingues, diversifiés et culturellement pertinents.

9. La déclaration souligne la nécessité d’associer tous les acteurs et les organisations intergouvernementales à la gestion d’Internet, à l’examen des questions techniques et à l’élaboration des politiques publiques. Mais la question de la gouvernance mondiale d’Internet s’est avérée trop complexe pour être abordée en détail. Un accord a donc été trouvé sur la mise en place d’un groupe de travail ouvert et exhaustif, chargé d’explorer la question de la gouvernance d’Internet et de faire des propositions avant la deuxième phase du sommet en 2005.

10. Les principes de liberté de la presse, d’indépendance, de pluralisme et de diversité médiatique sont également réaffirmés.

11. Enfin, la déclaration a exprimé un soutien et un engagement inconditionnel pour la réduction de la fracture numérique à travers une coopération internationale entre tous les acteurs.

Extrait du site Internet du SMSI

7 Cette déclaration, ainsi que la déclaration formelle du sommet, peuvent être trouvée sur www.itu.int/wsis.

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Une troisième série de débats, qui a divisé la société civile, a tourné autour de la question des droits de la communication et illustré les difficultés récurrentes pour organiser des débats formels sur les rôles et les responsabilités des médias modernes. Cette question est développée dans le paragraphe 2.1.4.

2.1.2. TIC : quelle est l’étendue de la fracture?La fracture numérique, principal défi du SMSI, reste importante, mais sa nature évolue. Selon un rapport récent de l’UIT8, “l’Afrique sub-saharienne abrite environ 10% de la population mondiale (626 millions) mais ne bénéficie que de 0,2% du milliard de lignes téléphoniques du monde. Comparé à l’ensemble des pays a faibles revenus (qui comptent quelque 50% de la population et ne disposent que de 10% des lignes téléphoniques), la pénétration des lignes téléphoniques en Afrique sub-saharienne est environ cinq fois forte dans l’ensemble des pays les moins avancés…Cinquante pour cent des lignes disponibles sont concentrés dans des capitales où vivent seulement environ 10% de la population».

Le même rapport exprime toutefois un point de vue plus optimiste s’agissant de la réalisation des objectifs de développement du millénaire en mobilisant les TIC. «Les TIC peuvent réduire la pauvreté, améliorer la délivrance de l’éducation et des soins de santé, rendre les gouvernements plus accessibles et plus responsables par rapport à la population et bien d’autres choses encore». Le point 18 de l’objectif 8 (des ODM) appelle les signataires de la déclaration, en coopération avec le secteur privé, à faciliter l’accès aux avantages des nouvelles technologies, notamment l’information et la communication. Parmi tous les objectifs des ODM, le point 18 reste le plus vague (quels TIC seraient rendus plus accessibles, pour qui, et à quelle échéance?), mais il est aussi le seul sur lequel de nombreux progrès ont été accomplis au cours des années 1990. Toutes les sous régions du monde en développement ont davantage étendu leurs réseaux de téléphonie fixe et mobile (télé densité totale) depuis 1990 que pendant toute la période précédente.

La propagation de la téléphonie mobile a été extraordinairement rapide. En Ouganda, le nombre d’utilisateurs de téléphones mobiles s’est multiplié par 131 en six ans –la plus grande partie de cette croissance s’étant produite dans les zones urbaines9. Dans l’ensemble de l’Afrique, l’an dernier, plus de 13 millions de personnes ont rejoint les réseaux de téléphone mobile. Le rapport de l’IUT sur le développement des télécommunications dans le monde pour 2003 souligne que les statistiques actuelles sous-estiment très certainement l’accès au téléphone mobile et à Internet dans les pays en développement et de nouvelles techniques d’enquête semblent indiquer que les nouvelles technologies sont beaucoup plus utilisées que ce que l’on pensait auparavant.

“De nombreuses questions relatives à la fracture numérique et à la société de l’information tournent autour de l’accès à Internet, mais il faut reconnaître que nous savons très peu de choses sur l’étendue réelle de l’accès à Internet dans les pays en développement…. Plusieurs pays, qui ont commencé à mener des enquêtes, ont découvert qu’ils avaient jusqu’à présent sous estimé le nombre de personnes ayant

9 Completing the revolution: the challenge of rural telephony in Africa, par Murali Shanmugevelan et Kitty Warnock, Panos 2004

8 Rapport de l’UIT sur le développement mondial des télécommunications, 2003

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accès à Internet. Par exemple, une étude conduite en Jamaïque en janvier 2003, a découvert que le pays comptait au moins 675 000 utilisateurs d’Internet, c’est à dire plus du double des chiffres suggérés par des estimations précédentes. Un phénomène similaire a été constaté au Pérou, avec une étude de novembre 2000 qui a découvert deux fois plus d’utilisateurs d’Internet dans la seule capitale (Lima) par rapport aux estimations précédentes pour l’ensemble du pays (schéma 2.3). Ces éléments d’information pourraient conduire à considérer que la fracture numérique ne serait pas si grave qu’annoncé dans certaines zones».

Le même rapport affirme également que «les radios sont de plus en plus considérées comme faisant partie de la catégorie du service universel… Les télévisions tendent également à devenir omniprésentes dans de nombreux pays. Le plus grande facteur limitant de pénétration de ces TIC dans les pays les moins avancés reste l’insuffisance des infrastructures électriques»10.

Il reste toutefois un très long chemin à parcourir, pour les TIC, ne serait-ce que pour commencer à approcher un niveau de service ou d’accès universel. Dans certains pays, même la radio, reste un média minoritaire. Sur le site Internet Hoot, en Inde, un commentateur des médias et des questions de communication respecté et parfois irrévérencieux a récemment affirmé qu’ «en se basant sur les données du recensement de 2001, une enquête a conclu que même si l’Inde peut se targuer de certains succès, il n’en reste pas moins que 81% des ménages ruraux de notre pays ne peuvent toujours pas s’offrir ne serait-ce qu’un téléviseur en noir et blanc, et 68% des ménages ruraux ne possèdent pas de récepteur de radio. Dans tous les Etats de l’est et du nord-est de l’Inde, la possession d’un récepteur de télévision est très faible. Dans l’ouest du Bengale, un ménage rural sur sept, et dans l’Orissa un ménage rural sur dix ont la chance de posséder un récepteur de télévision. Dans l’Etat de Bihar un ménage sur dix huit seulement peut s’offrir un téléviseur. Donc, même si la télévision revendique une très large couverture pendant les périodes électorales, des millions d’électeurs n’en bénéficieront pas.»11

Le potentiel des TIC continue à susciter un grand enthousiasme. Toutefois, les débats autour des TIC ont soulevé de nombreuses questions qui incitent aujourd’hui à plus de prudence :

• La distinction est toujours présente entre les anciennes et les nouvelles technologies : on estime désormais qu’il faut évaluer simultanément les nouvelles et les anciennes technologies, comme la radio. Les agences de développement et les praticiens de la communication entreprennent de plus en plus souvent l’évaluation de l’ensemble des technologies d’information et de communication présentes (nouvelles et anciennes) pour déterminer si elles sont en mesure de répondre aux besoins d’information des plus pauvres et si elles leur offrent la possibilité de s’exprimer. Les technologies traditionnelles, comme la radio, connaissent de grands changements. Ce phénomène est largement illustré, comme le montre la FAO dans un ouvrage paru en 2003 sur l’interaction entre la radio et les nouvelles technologies.12

• Transformer les mots en actions : après cinq années intensives de réunions, de conférences, de plans d’action et de déclarations au niveau national, la question est désormais de savoir si tous ces mots ont été traduits en actions stratégiques sur le terrain et de quelle façon. Des ressources importantes ont été consacrées

11 The media and the verdict of the election of 2004, Hoot Editorial, 13/5/2004, www.thehoot.com

12 The One to Watch: Radio, New ICTs and interactivity, Ed: Bruce Girard, FAO et Friedrich Ebert Stiftung, 2003

10 Rapport sur le développement des télécommunications dans le monde, 2003, UIT

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au déploiement des TIC et de nombreux donateurs leur ont accordé la priorité, mais les projets TIC sont-ils durables et où en est la coordination entre les plans d’action internationaux et les actions entreprises sur le terrain? Ces conférences ont sans aucun doute renforcé l’importance et la priorité des TIC, mais le véritable test de succès reste de voir si ces déclarations se sont traduites en améliorations sur le terrain et avec quels résultats.

• Une attention croissante est accordée à l’environnement politique et social plus général et à la mise en place d’un environnement plus favorable à l’épanouissement des TIC et d’autres outils de communication. Ce phénomène intervient de façon complémentaire avec des approches d’investissement direct dans des projets spécifiques comme les télécentres etc.

La fracture numérique persiste, mais elle commence à ressembler à la fracture qui existe entre les ruraux et les urbains ou entre les riches et les pauvres, au sein des pays et entre les pays. La communication interpersonnelle, même dans certains des pays les plus pauvres, se développe de façon exponentielle et Internet, comme la téléphonie mobile, contribuent à un changement social en profondeur au sein des pays – sans doute plus vite que nous ne l’avions imaginé.

2.1.3. Les médias dans les pays en développement Le briefing de la dernière table ronde13 a précisé le rôle des médias. Alors que, depuis quelques années, les débats relatifs à la communication sur la scène internationale restent dominés par la fracture numérique ainsi que par l’impact et le potentiel des nouvelles technologies de communication, une autre révolution de l’information, plus discrète, se met en place. Pour les quelque 3 milliards d’individus de la planète qui disposent de moins de 2$ par jour, c’est l’appropriation de la structure et du contenu des médias qui est à l’ordre du jour. Les tendances les plus importantes qui ont modelé le paysage médiatique au cours des cinq dernières années sont de trois ordres14 :

D’abord, la libéralisation en profondeur des médias pendant la dernière décennie dans de nombreuses régions du monde a favorisé l’apparition de médias plus démocratiques, dynamiques, sollicités et complexes, ouvrant ainsi de nouveaux espaces pour le débat public et l’engagement civique, notamment dans le secteur de la radio. On assiste aussi à l’émergence de médias plus commerciaux, dominés par les annonceurs, ce qui contribue à creuser – dans les pays en développement - le fossé entre riches et pauvres, urbains et ruraux, en matière d’information et de pouvoir.

En second lieu, la concentration croissante des médias – au niveau mondial, régional et national – tend à éliminer les médias indépendants et menacent de remplacer le contrôle gouvernemental par un contrôle exercé par de nouvelles forces commerciales et politiques.

Troisièmement, les pays en développement sont de plus en plus (et non pas de moins en moins) dépendants de sources d’information du Nord, très puissantes, comme la British Broadcasting Corporation (BBC), l’agence Reuters et Cable News Network (CNN), pour leurs informations internationales, s’agissant notamment des sujets comme la mondialisation, le commerce et la politique internationale. Dans les pays du sud nouvellement démocratiques une frustration nouvelle, et croissante,

13 www.comminit.com/roundtable2

14 Ces arguments ont été considérablement développés par cet auteur et d’autres dans le Global Civil Society Yearbook 2002, publié par la London School of Economics (www.lse.ac.uk/Depts/global/Yearbook) et actualisé plus récemment dans The other information revolution: media and empowerment in developing countries, par James Deane avec Fackson Banda, Kunda Dixit, Njonjo Mue et Silvio Waisbord dans Communicating in the Information Society, Ed Bruce Girard and Sean O’Siochru, UNRISD, 2003. Texte intégral disponible sur : www.unrisd.org.

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apparaît quant à la dépendance des médias du sud de sources d’information du Nord, perçues comme véhiculant des points de vues partiaux et biaisés en matière de couverture internationale et de mise en place des nouveaux agendas.

Il s’agit dune révolution complexe, contradictoire, qui marque, depuis un peu plus d’une décennie, une transformation extraordinaire, caractérisée par de nouvelles libertés, une floraison de débats publics, un mouvement résurgent de radios communautaires, une prolifération de chaînes et de titres à travers tous les médias, une interaction dynamique entre les anciennes et les nouvelles technologies et une perte de contrôle inéluctable de l’information par les gouvernements.

Mais si l’on observe du point de vue de la communication pour le développement, on constate l’émergence rapide d’une crise, marquée par un l’effondrement des médias d’intérêt public. Alors que dans de nombreux pays, la prolifération des médias dans le sillage de la libéralisation a été initialement marqué par un regain du débat public sur toute une série de questions, ce contenu est désormais de plus en plus modelé par les exigences des annonceurs et des sponsors qui financent les médias nouvellement libéralisés, ainsi qu’une tendance dominante toujours plus axée sur le profit. Il en résulte des médias de plus en plus dominés par les sociétés urbaines, orientés vers les consommateurs et qui ne sont plus guère intéressés par le sort de la majorité de la population.

Bien que nous ne disposions que de peu de données et d’observations formelles sur les tendances des médias, s’agissant notamment des contenus relatifs à la pauvreté, de nombreux indices montrent que les contenus portant sur le développement sont de plus en plus marginalisés.

La situation des médias en Ouganda illustre bien la complexité de cette révolution. Il y a un peu plus de dix ans, le pays disposait de deux stations de radio, basées à Kampala. Aujourd’hui, il on y trouve plus de 100 stations FM, principalement commerciales et réparties dans tout le pays. Les émissions de débat et en particulier Ekimeeza – une émission extrêmement populaire capable de rassembler plus de 400 participants – offraient une programmation captivante. Mais l’enthousiasme des organisations internationales de médias pour des programmes de ce type a diminué, par crainte des interférences économiques et politiques qu’elles peuvent engendrer. Les directeurs de journaux ont été de plus en plus mis sous pression par les gouvernements lorsqu’ils publiaient des sujets non politiquement corrects et une nouvelle loi draconienne contre le terrorisme, passée dans le sillage du 11 septembre, a institué en crime capital toute publication considérée comme contribuant à promouvoir le terrorisme. Cette année, plusieurs stations de radio ont dû fermer ou ont été suspendues pour non paiement des licences de diffusion et le secteur est de plus en plus dominé par le profit. L’explosion de la radio s’est accompagnée d’une floraison de médias imprimés indépendants, mais, cette année, Wafula Oguttu, le fondateur et rédacteur en chef d’un groupe indépendant de journaux et de radios très respecté dans le pays, the Monitor, a du démissionner, à l’issue d’un conflit qui l’opposait aux propriétaires du groupe (the Nation media group) car il était déterminé à poursuivre la couverture des questions de développement et d’intérêt public, alors que les actionnaires cherchaient, à l’inverse, à maximiser les profits du groupe.

Les organisations et les praticiens de la communication pour le développement doivent s’adapter à ce nouvel environnement. Les DJ deviennent aussi importants que les journalistes pour porter les questions de développement à l’attention publique. En fait, le journalisme en tant que métier, change de façon radicale et des concepts comme «journalistes de développement» sont sur la sellette. Les journalistes eux-mêmes, lorsqu’ils veulent enquêter sur des sujets de développement – notamment hors de la capitale – rencontrent de plus en plus de difficultés à trouver les ressources nécessaires ou à susciter l’intérêt de leurs rédacteurs en chef. De ce fait, ils sont de moins en moins motivés à aborder les questions de développement, car ce n’est pas un bon

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moyen de faire carrière. Les marchés n’étant pas prêts à financer des contenus sur les questions de la pauvreté, les journalistes, les rédacteurs, les éditeurs et les propriétaires des médias n’accordent plus la priorité à ces thèmes. La formation des journalistes est également sous pression, en raison notamment du relâchement de l’intérêt public et de nombreux pays en développement découvrent que leurs journalistes diplômés sont souvent récupérés par les secteurs des relations publiques et de la publicité, ou par les nouvelles organisations.

Les médias publics, qui conservent la possibilité de joindre les populations rurales et marginalisées, doivent affronter une concurrence de plus en plus intense avec les médias commerciaux, alors que les gouvernements réduisent leurs budgets. En conséquences ils sont souvent en crise. Et, au-delà de l’évolution des programmes vers des contenus plus commerciaux et orientés sur la consommation, les médias publics sont quelquefois contraints de supprimer des services en langues nationales, s’agissant notamment des langues minoritaires et de réduire la puissance et la portée de leurs émetteurs.

La fracture numérique devient une fracture de l’information entre urbains et ruraux, riches et pauvres.

Les stratégies de communication changent également dans d’autres secteurs. Il y a dix ans, il était généralement possible de s’adresser à l’ensemble de la population d’un pays par le biais d’un partenariat avec le monopole de diffusion publique. Cela permettait de diffuser très largement des messages, des feuilletons ou des programmes de vulgarisation agricole portant sur les questions de développement. Cela devient de plus en plus difficile aujourd’hui, avec un environnement médiatique constamment embouteillé, un marché des médias fragmenté, les réductions budgétaires et d’autres pressions sur les anciens monopoles de diffusion. Les contenus eux-mêmes changent, avec davantage de programmes de discussion et de talk shows qui se combinent de plus en plus avec les nouvelles technologies (y compris les inserts téléphoniques), ce qui détermine au sein des sociétés de nouveaux modèles de communication en réseaux, plus horizontaux, qui remplacent les modèles plus verticaux du passé. La radio, en particulier, devient un média plus interactif.

De nombreuses agences de développement et les donateurs réagissent aux nouveaux marchés des radios commerciales en les pénétrant activement et font désormais partie de leurs clients les plus importants. Leurs apports, sous forme de paiement de la diffusion de spots ou de programmes sponsorisés, sont devenus une composante essentielle des revenus de certaines radiodiffusion et l’on craint désormais que ce phénomène ne crée un marché artificiel et que les auditeurs ne reçoivent plus que des informations provenant de l’organisation – de développement ou non – qui dispose du plus gros budget, plutôt que d’informations d’intérêt public, choisies selon des critères journalistiques.

La double révolution – des TIC et des médias – offre d’importantes nouvelles opportunités, mais aussi des défis nouveaux et complexes. Mais par-dessus tout, ce nouvel environnement appelle une nouvelle approche de la communication pour le développement, basée sur le bon vieux principe de la communication participative, soutenu par la FAO, en l’adaptant au contexte du nouvel environnement. En termes de communication, les nouveaux environnements se caractérisent par leur organisation en réseaux et l’approche des praticiens de la communication s’appuie moins sur la diffusion de messages et plus sur une problématique fondée sur le dialogue et le débat.

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2.1.4. Médias, liberté et pauvreté – un débat difficileLes tendances et les questions entre les médias et l’intérêt public sur le plan international, soulignées ci-dessus, – y compris dans les pays en développement – font l’objet de peu de recherches ou d’analyses et sont rarement évoquées dans les débats sur la communication pour le développement.

Le rôle des médias dans les sociétés d’information modernes est passé relativement inaperçu pendant le sommet mondial sur la société de l’information, toute l’attention étant consacrée aux nouvelles technologies de la communication. Cela n’est pas étonnant, compte tenu de la sensibilité des médias et d’une large tranche de la société civile aux délibérations gouvernementales et aux interférences dans la définition des responsabilités des médias. Les débats sur les liens entre les médias et la pauvreté ne progresseront sans doute pas beaucoup pendant la prochaine phase du SMSI, et il y a peu de chances qu’un tel débat permette d’affirmer l’importance des principaux médias pour aborder cette question.

Toutefois, si comme ce document le suggère, le désintérêt croissant des grands médias pour traiter les questions de la pauvreté, est confirmé – tant dans les pays en développement que dans les pays industrialisés – il sera urgent de définir de nouvelles stratégies pour engager le dialogue avec ces médias. Ces difficultés, qui ne datent pas d’hier, et les problèmes liés aux débats sur le rôle des médias dans le développement, ont refait surface de façon évidente dans la préparation du SMSI.

Avant le SMSI, de nombreuses ONG d’information et de communication se sont réunies pour s’organiser spécifiquement pour le sommet avec un thème central «axé sur le droit à la communication comme outil de renforcement des droits humains et de la vie sociale, économique et culturelle des populations et des communautés».

Ce groupe, Droits de la communication dans la société de l’information (CRIS), a été très efficace pour rassembler de nombreuses organisations de plaidoyer de la société civile et des médias, impliqués dans les questions de l’information, et pour s’engager positivement et efficacement dans le processus de préparation du SMSI. Mais de fortes critiques ont été exprimées par certaines organisations pour la liberté des médias, notamment par World Press Freedom Committee et Article IXX, qui craignent que certaines articulations de ce droit à communiquer ne cachent des tentatives pour imposer des contrôles sur les médias indépendants. D’autres informations peuvent être trouvées sur : www.crisinfo.org, http://www.article19.org/docimages/1512.doc et le World Press Freedom Committee a publié une attaque particulièrement bien formulée par le Département d’Etat américain sur http://www.state.gov/e/eb/rls/othr/20101.htm).

Ces débats, qui rappellent ceux du nouvel ordre de l’information et de la communication des années 1980, ont été quelquefois cinglants et ont illustré la question récurrente de l’organisation d’un véritable débat public international sur le rôle

L’environnement de la communication en mutation

Traditionnel Nouveau

• Modèles verticaux de communication – du gouvernement vers la population

• Systèmes de communication unipolaires

• Peu de sources d’information Few information sources

• Facile à contrôler – pour le meilleur (générer une information précise pour de grands groupes de population) et le pire (contrôle gouvernemental et censure).

• Envoyer un message

• Modèles horizontaux de communication – de la population vers la population

• Réseaux de communication

• De nombreuses sources d’information

• Difficile à contrôler – pour le meilleur (plus de débats, d’expression et de confiance) et pour le pire (plus complexe, questions de précision)

• Poser une question

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 59

des medias au 21ème siècle. Alors que les organisations de plaidoyer social continuent à s’inquiéter du pouvoir et de la démission de médias de plus en plus concentrés et orientés vers les consommateurs, les organisations qui défendent la liberté des médias deviennent de plus en plus méfiants à l’égard de toute tentative formelle pour éroder une liberté des médias durement acquise15.

Le lien étroit qui existe entre le débat public et le dialogue sur la pauvreté et d’autres questions sociales à travers les médias a été souligné depuis de nombreuses années, mais il a souvent été difficile d’organiser des discussions ouvertes et constructives sur ces thèmes. La mutation rapide de l’environnement de la communication dans quelques uns des pays les plus pauvres de la planète, montre qu’il est urgent d’ouvrir de nouvelles voies pour aborder ces questions, et si possible avec les grands médias16. Mais les occasions d’organiser des rencontres crédibles sur les questions du développement, en rassemblant les grands médias, les médias alternatifs, les organisations de plaidoyer social, les gouvernements et les décideurs sont actuellement plutôt rares. Compte tenu de l’expérience acquise au cours des années, un tel débat, quand il aura lieu, devrait sans doute être dirigé pour des acteurs non gouvernementaux (notamment dans le secteur des médias).

3. UN FINANCEMENT CONTRADICTOIRE. Comme ce document a tenté de l’illustrer, il ne manque pas de bons arguments pour montrer combien la communication pour le développement est un outil déterminant pour la réalisation des objectifs de développement du millénaire, mais les politiques bi et multilatérales de communication n’ont jamais été – en dehors d’exceptions notables – aussi difficiles à saisir.

Les organisations qui ont su engager des débats stratégiques approfondis sur le rôle de la communication ont systématiquement augmenté les financements et renforcé le personnel dans le secteur de la communication pour le développement. Le ministère britannique du développement international (Dfid) illustre parfaitement cette tendance. Il y a cinq ans, le Dfid était une organisation sans grand intérêt historique ni expertise sur les questions de communication pour le développement. Mais après une série de débats et d’analyses internes sur ce thème, il est arrivé à la conclusion que la communication est devenue un élément déterminant pour la réalisation des objectifs généraux du développement.17 En conséquence, le Dfid a augmenté de façon spectaculaire ses investissements dans ce secteur, s’est engagé dans des partenariats structurés et stratégiques avec d’autres donateurs et a appuyé le lancement d’une série de programmes d’information à grande échelle (notamment les programmes CATIA (Catalysing Access to Information and Communication Technologies in Africa) et Building Communication Opportunities). Plus important encore, le Dfid s’est fortement restructuré pour mieux refléter à la fois l’importance de la communication et le caractère multisectoriel de la programmation et du soutien à apporter à ce secteur. En créant une unité d’information et de communication pour le développement (ICD – une nouvelle

15 L’Institut Panos a organisé, pour tenter de rapprocher ces opinions, un symposium sur le thème Médias, liberté et pauvreté au centre de conférences de la Fondation Rockefeller de Bellagio en octobre 2003, réunissant des participants exprimant des points de vues antagonistes sur ces questions. La déclaration finale de cette rencontre évoque avec un certain optimisme le nouveau consensus réalisé sur cette question (cf. www.panos.org.uk).

16 Ces questions ont été soulignées, en lien notamment avec la promotion des medias alternatifs, au cours de la conférence Our Media tenue à Porto Alegre en juillet 2004. D’autres détails peuvent être trouvés sur le site Internet www.ourmedianet.org.

17 Voir en particulier The significance of ICTs

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Le contexte de la communication pour le développement en 2004 - James Deane60

approche par rapport aux centrages précédents sur les TIC ou la technologie), le Dfid a rassemblé, dans une structure unique, la réflexion sur les programmes médiatiques, la communication sur le VIH/SIDA, la gestion du savoir, le programme de soutien aux TIC, la recherche et les fonctions de communication externes. L’organisation recherche activement d’autres donateurs partenaires pour organiser une collaboration stratégique dans le but de soutenir l’information et la communication pour les activités de développement.

Toutefois, les responsables de nombreuses autres organisations bilatérales, notamment en Europe, se trouvent dans une phase de diminution de leur engagement stratégique et de confusion stratégique dans le secteur de la communication18. Il y a plusieurs raisons à cela :

• Budgets en diminution : les budgets sont de plus en plus sous pression, notamment au ministère des affaires étrangères des Pays Bas – qui est pourtant un des acteurs les plus importants et les plus expérimentés en matière de médias et de communication pour le développement – dans un contexte général de forte baisse des budgets généraux consacrés au développement19.

• Réduction du soutien budgétaire et des prises de décision politiques au niveau mondial : la dépense mondiale sur la communication a diminué, quelquefois très rapidement et elle s’est réorientée sur un soutien budgétaire national, accordé aux gouvernements. Les gouvernements des pays nordiques – qui ont pourtant été parmi les pionniers en matière de soutien aux médias et à la communication depuis plus de vingt ans – réduisent de façon sensible leurs engagements sur le terrain. Au Sida, par exemple, de nombreux programmes mondiaux, dont celui consacré aux médias et à la communication ont été sensiblement réduits.

• Une baisse d'intérêt pour la communication pour le développement : ce n’est pas le cas de nombreuses organisations qui ont accordé une nouvelle priorité à la communication pour le développement. La réduction des financements, lorsqu’elle s’est produite, ne semble pas due à une décision politique visant spécifiquement la communication pour le développement.

• Une gestion basée sur les résultats: on observe une orientation générale – et compréhensible – vers une gestion basée sur les résultats, sur la valeur de l’argent investi et sur la nécessité croissante, dans les pays donateurs, de mettre en évidence l’impact de l’aide au développement. Les interventions de la communication ont généralement besoin de longues périodes pour parvenir à des résultats substantiels et durables et ces résultats sont difficiles à traduire en termes quantitatifs. Toutefois, comme plusieurs rapports l’ont montré récemment,20 l’impact de la communication, mesuré après une courte durée (3 à 5 ans), n’est souvent pas durable dans les projets de développement, alors qu’un impact

19 La réduction générale des budgets d’aide au développement ne peut plus désormais être considérée comme la tendance générale qui s’est mise en place dans les années 1990, notamment depuis le Sommet du financement du développement à Monterrey, Mexique, en 2002 , au cours duquel les donateurs ont promis une augmentation de 16 milliards de dollars US en faveur de l’aide au développement. Voir Reality of Aid report 2004 pour un tableau plus détaillé des tendances de l’aide au développement au cours de la dernière décennie et pour les sévères critiques sur le fait que ni les montants des aides, ni les politiques de développement ne sont suffisantes pour réaliser les objectifs de développement du millénaire. www.realityofaid.org.

20 Voir Missing the Message for example, ibid.

18 Ces conclusions sont tirées d’une présentation faite par l’auteur au cours d’une réunion de Communication initiative en novembre 2003, à partir d’interviews de responsables d’organisations bilatérales et d’autres discussions informelles par la suite. Elles ne sont pas le produit d’une enquête rigoureuse et ne prétendent pas refléter la position officielle des donateurs mentionnés. La description des politiques est celles de l’auteur et pas nécessairement celles des donateurs concernés.

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 61

durable sur la pauvreté, ne peut être établi, sur une période de 10 à 15 ans, que par une évaluation à cette échéance. Cela pose de vrais problèmes pour la gestion basée sur les résultats, qui est quelquefois, selon certaines critiques (provenant parfois des organisations de donateurs elles-mêmes), plus intéressée par les produits et les résultats mesurables pendant le cycle du projet, que par l’impact à long terme.

• Le renouvellement rapide des cadres au sein de plusieurs agences de développement : la communication est un domaine complexe qui a besoin de stratégies à long terme et d’une bonne mémoire institutionnelle. Les politiques sont souvent affaiblies par un renouvellement trop rapide du personnel.

• Bien que les organisations de donateurs se soient de plus en plus engagées à se mettre à l’écoute des pauvres et de la société civile en général, il restent très réticents à abandonner le contrôle du processus de communication.

La solution à ces problèmes se trouve en partie dans la communauté de la communication elle-même, qui doit notamment mieux argumenter les raisons pour lesquelles la communication est indispensable à la réalisation des objectifs du millénaire et mettre au point des mécanismes d’évaluation plus efficaces et mieux adaptés au nouvel environnement de la communication.

Cependant, compte tenu de la longue tradition et l’expérience institutionnelle des agences bilatérales européennes ainsi que la reconnaissance croissante de la pertinence de la communication pour relever les défis actuel, c’est aux principaux donateurs qu’il incombe aujourd’hui de procéder à une analyse stratégie plus claire du rôle de la communication sur les questions de développement.

Un bilan des stratégies de communication et des financements provenant des agences multilatérales sera dressé au cours de la table ronde.

4. CONCLUSION: FAIRE FACE AUX NOUVELLES URGENCES Les débats récents et la plus grande partie de ce document (et d’autres documents préparés pour la table ronde) se sont penchés sur les différents modèles et approches de la communication, comme ceux qui se fondent sur la diffusion, la participation, le plaidoyer et bien d’autres.

Il est désormais établi que les programmes de communication qui attirent le plus de ressources – notamment ceux qui promettent des changements individuels et rapides de comportement, concrets et quantifiables – sont trop souvent non durables, insuffisamment enracinés dans les cultures où ils opèrent, sans impact à long terme et ils se heurtent à des résistances sociales fondamentales au changement. A l’inverse, les modèles de communication pour le changement social, plus participatifs et partant de la base, ont davantage de difficultés à attirer les financements parce que leur impact est difficile à évaluer à court terme et qu’ils sont souvent difficiles à programmer à grande échelle.

Ces débats sur les différentes approches de la communication sont récurrents et les tables rondes ont conclu de façon répétée, depuis de nombreuses années que la communication pour le développement devrait, par définition, être ancrée dans la population, gérée par elle, et guidée par les personnes qui ont beaucoup à gagner ou à perdre dans le processus du développement. L’environnement de plus en plus complexe et horizontal dans lequel les stratégies de développement sont actuellement déployées, l’importance croissante de l’appropriation, ainsi que les leçons tirées de récents échecs de stratégies de communication trop verticales et pyramidales – notamment pour maîtriser la pandémie de VIH/SIDA, renforce fortement cette approche.

La marginalisation croissante des pauvres par rapport au discours public – à un moment où ces voix sont si importantes – le rôle essentiel de la communication dans les situations de conflit et pour établir des passerelles entre les cultures, la gravité

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Le contexte de la communication pour le développement en 2004 - James Deane62

du VIH/SIDA et d’autres catastrophes sanitaires, l’importance de créer des sociétés davantage basées sur le savoir, les défis d’une mondialisation qui profiterait aux pauvres – tous ces facteurs, de même que d’autres défis urgents de communication – soulèvent une question fondamentale : Pourquoi la communication n’attire-t-elle, comparativement, que peu de ressources financières, et lorsqu’elle parvient à les attirer, pourquoi ces ressources sont-elles disponibles essentiellement pour des interventions de communication à court terme, difficiles à rendre durables? Plus fondamentalement, comment la communication est-elle en capacité de répondre à une simple question : qu’est-ce qui marche vraiment aujourd’hui?

De plus en plus d’indicateurs montrent, aujourd’hui, que beaucoup de choses réussissent bien. Comme le site Internet de Communication Initiative l’a révélé au cours des dernières années et continue à le montrer (www.comminit.com), il existe une quantité et une variété extraordinaires d’interventions de communication innovantes et brillantes, mises en œuvre par des milliers d’organisations et de praticiens de la communication à travers le monde. C’est un des secteurs les plus dynamiques dans le secteur du développement. Mais le problème, en termes de politiques d’investissements et de financement, réside précisément dans cette richesse, car le véritable impact de ces réalisations de communication s’appuie sur une mosaïque d’interventions de terrain complexes et très diversifiées.

Un des défis récurrents qui interpelle la communauté de la communication, est de d’ouvrir de nouvelles pistes efficaces pour mieux canaliser les ressources vers ces approches de communication et de convaincre les grandes organisations de développement de les soutenir sur une grande échelle. Il y a d’importants exemples d’excellentes initiatives de communication qui disposent de méthodologies détaillées et impressionnantes d’évaluation et qui sont développées à grande échelle21. La communication pour le développement connaît toutefois des problèmes de duplication et de travail à grande échelle et ses promoteurs n’ont pas toujours su tirer les leçons des meilleures expériences de communication pour le développement et appliquer ces bonnes pratiques à grande échelle.

Tout cela renvoie à la nécessité de (et aux ressources pour) développer de meilleurs mécanismes et outils d’évaluation capables de démontrer l’impact réel de la communication, sans toutefois mettre en question l’approche fondamentale de la communication participative.

Il n’y a probablement existé une telle richesse d’activités de communication pour le développement en cours de mise en oeuvre dans des milliers de projets à travers le monde. Les arguments qui montrent l’importance de la communication pour le développement n’ont jamais été aussi irréfutables. Malgré cela, et avec des exceptions notables, la coordination stratégique de ces activités à l’échelle internationale est loin d’être au niveau de l’importance du rôle de la communication pour atteindre les objectifs de développement du millénaire.

21 Soul City en est une bonne illustration. Voir www.soulcity.org.za

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La Communication pour le développement dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation

Niels Röling (PhD)

PRÉAMBULE(1) On peut avec profit considérer l’innovation comme le résultat d’une action

concertée ou d’une synergie entre plusieurs acteurs ou parties prenantes dans le cadre d’un théâtre de l’innovation. La communication pour le développement tente de comprendre, de susciter, de faciliter et de suivre le processus à partir duquel un groupe d’acteurs s’oriente vers une synergie. Elle se concentre sur la définition participative de la structure du théâtre, de la composition des acteurs en son sein, de la compréhension de leur complémentarité et de leur interdépendance, de leurs liens, de leur interaction, de leurs conflits, des accords négociés et de leur collaboration.

(2) Il n’est pas utile de considérer l’innovation comme étant le résultat du transfert ou de la transmission des résultats de la recherche scientifique aux ‘utilisateurs finaux’, les agriculteurs. Il n’est donc pas utile de considérer la Communication pour le développement comme l’outil permettant d’améliorer le mécanisme de transmission.

J’ai consacré une bonne partie de ma vie professionnelle à mettre en évidence ces deux points, ma foi sans beaucoup de succès. Même mon concept AKIS (Systèmes de connaissance agricole et d’information pour le développement rural) est retraduit en modèle linéaire. Serait-ce le cas singulier d’un régiment qui ne marcherait pas au pas d’un seul soldat, ou aurais-je perdu mon temps? À vous vous de voir, sur la base des arguments que je vais vous présenter.

INTRODUCTIONLe titre même de ma présentation pourrait être interprété de plusieurs façons. Prenons le cas d’un étudiant dans une université américaine ‘Land Grant’1 comme cela a été le cas pour certains d’entre nous. Pour cette personne la recherche, la vulgarisation et l’éducation reflètent l’idéologie ‘Land Grant’ qui considère que l’intégration de ces tâches indépendamment de la politique, est une source de succès et de pouvoir. Point de vue qui peut aussi expliquer la supériorité des universités américaines et qui est le secret qui se cache derrière l’efficacité de l’agriculture américaine. Pour l’agronome moyen en Europe, la recherche et la vulgarisation se réfèrent aux services qui relèvent de la responsabilité de l’Etat et qui sont maintenant de plus en plus privatisés. Elles ont été largement utilisées comme outils politiques pour soutenir la productivité agricole et la compétitivité des industries agricoles nationales. Le terme ‘éducation’ évoque le renforcement de la qualification et de la compétence des agriculteurs et de leurs fils (Mulder, 2004). Les membres du mouvement de lutte intégrée (IPM) d’écoles paysannes

1 Note du traducteur: approche de vulgarisation développée aux Etats-Unis et fondée sur une université agricole qui correspond électroniquement avec les fermiers, leur donne toutes sortes d’informations (météo, prix...) et répond à leurs questions techniques.

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La communication pour le développement dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation - Niels Röling64

de terrain - dont certains sont sans doute parmi nous - pourraient en lisant ce titre, penser au manque d’incidence de la recherche sur les écoles d’agriculture sur le terrain, et à la polémique au sein de la Banque Mondiale consistant à savoir si les fermes-écoles représentent ‘une forme fiscalement non durable de vulgarisation ’ (Quizon et al et al, 2000), ou une forme d’éducation pour adultes contribuant à leur transformation et à leur habilitation (voir Pontius et al, 2002; Eveleens et al, sous presse)2. Enfin, dans la plupart des pays en développement, les mots ‘recherche’, ‘vulgarisation’ et ‘éducation’ ne sont pas nécessairement liés entre eux. La recherche et la vulgarisation relèvent généralement de la responsabilité de plusieurs conseils d’administration du ministère de l’agriculture, tandis qu’un autre ministère est responsable de l’éducation. On ne penserait pas immédiatement à l’éducation agricole. Les points communs de ces trois concepts ne sautent pas immédiatement aux yeux.

En fait, ce dont je parle, ressemble au mot ‘chien’. Selon l’expérience de celui qui l’utilise, ‘chien’ peut suggérer une palette de significations allant de l’idée de mignon, ‘meilleur ami’ tout doux, à celle d’arme policière effrayante, sanguinaire et menaçante.

Mais pêcher en eaux troubles est une activité fructueuse. Il n’y a rien de meilleur qu’une situation chaotique pour promouvoir son propre point de vue. En ce qui me concerne, l’AKIS ou les Systèmes de connaissance agricole et d’information pour le développement rural (Röling, 1988, Röling and Wagemakers, 1998) est un concept que j’ai développé en me basant sur les travaux de Nagel (1980) et Swanson and Peterson (1989, Swanson, 1990), en utilisant tout particulièrement la notion de ‘systèmes à dégradation progressive’3 de Checkland (1981 et avec Scholes, 1990). Le rôle d’Engel et Salomon (1997) a été capital lorsqu’ils ont élaboré ce concept à partir duquel ils ont conçu une méthodologie puissante, le RAAKS.

L’AKIS a attiré l’attention. La notion a été largement adoptée… encore selon des interprétations très variées. Un examen rapide de certaines d’entre elles me permettra de souligner ce que je considère comme des évolutions inutiles du concept.

Pour McDowell (2004 et 2001), professeur à la Virginia Tech, l’AKIS ‘génère et transmet les nouvelles connaissances nécessaires pour affronter les problèmes de l’agriculture’. Personnellement, je ne définirais plus l’AKIS comme étant un acteur à part entière avec sa propre agence. Caractéristique dont mon précédent collègue, Norman Long, un sociologue du développement, a rendu compte et je l’en ai toujours remercié (voir Röling and Leeuwis, 2001). Ce sont les hommes, et non les systèmes qui possèdent une agence. Comment un AKIS pourrait-il savoir quels sont les problèmes en agriculture?

D’autres définitions intéressantes sont présentées dans une vue d’ensemble réalisée par l’ISNAR (Chemar et al, 2003). La FAO et la Banque Mondiale (2000) définissent l’AKIS de la manière suivante:

‘Un AKIS lie les populations et les institutions afin de promouvoir un apprentissage mutuel, et de générer, de partager et d’utiliser les technologies, les connaissances et l’information liées à l’agriculture. Ce système intègre les agriculteurs, les éducateurs agricoles, les chercheurs et le personnel de vulgarisation afin d’exploiter les connaissances et l’information provenant de plusieurs sources pour améliorer l’agriculture et les moyens d’existence.’

2 Malheureusement, l’analyse d’Eveleens et al de l’histoire de la lutte intégrée (IPM) en Asie où ils donnent la parole à un grand nombre d’acteurs importants dans ce développement social important, traîne depuis deux ans sur un bureau à la FAO et perd de sa pertinence.

3 ‘Soft systems’ en anglais

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Cette définition est conforme à mon intention initiale. Elle considère l’AKIS comme un système constitué de personnes. Mais la définition comprend deux aspects sur lesquels je ne suis plus d’accord, ce qui explique pourquoi je suis heureux que mon livre de 1988 soit épuisé. (1) Dans la définition de la FAO et de la Banque Mondiale, les composantes du système, c’est-à-dire les agriculteurs, les éducateurs, les chercheurs et le personnel de vulgarisation, sont donnés. J’ai appris que, selon les situations, un AKIS peut comprendre comme acteurs principaux des hommes d’affaires, des dirigeants informels, des prêtres, etc. Définir a priori les composantes crée d’importants angles morts avant même que l’on ait commencé et émousse le besoin de s’accorder sur qui sont les acteurs importants dans le ‘théâtre de l’innovation’ (Engel, 1995). Définir les composantes a priori élimine le besoin d’une analyse des parties prenantes. (2) Dans la définition de la FAO et de la Banque Mondiale, l’AKIS est considéré comme une entité qui existe dans le monde. Comme cela deviendra clair ci-dessous, d’après moi le point clef du concept AKIS est la promesse qui le sous-tend: l’ensemble d’acteurs complémentaires se cristallisera en un système synergique dès que ceux-ci se considéreront comme un système. Faire en sorte que cela ait lieu est un des rôles principaux pour les informateurs du développement. Mais j’avance trop vite.

Chema et al (2003) fournissent le modèle AKIS présenté dans la figure 1. Ce modèle détermine d’avance les composantes du système. Mais ils vont plus loin et soulignent le caractère national de l’AKIS en faisant la distinction entre le Système National de Recherche Agricole (SNRA), l’AKIS et le Système National pour l’Innovation.

Le Système National pour l’Innovation est ainsi défini: ‘… ensemble d’institutions distinctes qui conjointement et individuellement

contribuent au développement et à la diffusion de nouvelles technologies et qui fournissent le cadre dans lequel les gouvernements forment et mettent en oeuvre des politiques pour influencer le processus d’innovation. En tant que tel, c’est un système d’institutions interconnectées qui créent, accumulent et transfèrent les connaissances, les compétences et les artefacts définissant les nouvelles technologies. L’élément ‘nationalité’ découle non seulement des mesures politiques concernant la technologie mais aussi d’éléments appartenant à une langue et à une culture partagées cimentant le système, et de l’accent national d’autres politiques, lois et régulations qui conditionnent l’environnement innovateur.’ (Metcalfe, 1995).

La figure 2 met en évidence les relations présumées entre le Système National de Recherche Agricole (SNRA), l’AKIS et le Système National pour l’Innovation. Notez que ‘le Système National de Recherche Agricole n’est plus considéré comme l’épicentre de l’innovation mais comme l’un de ses multiples sources’ (Chema et al, 2003).

ÉDUCATION

RECHERCHE VULGARISATION

AGRICULTEURS

FIGURE 1Modèle AKIS d’après Chema et al 2003:19

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La communication pour le développement dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation - Niels Röling66

Si l’on considère l’AKIS en termes de recherche, de vulgarisation et d’éducation et qu’on le limite à la création d’innovations techniques, il est logique de le distinguer du Système National pour l’Innovation. Quiconque connaît l’Afrique de l’Ouest, par exemple, reconnaîtra qu’avec les connaissances et la technologie que les agriculteurs locaux possèdent déjà, ceux-ci pourraient nettement accroître leur productivité si on leur donnait la possibilité de vendre leurs produits à un prix raisonnable (Hounkonnou, 2001; Röling et al, sous presse). Il en résulte que ce ne sont ni les connaissances, ni les informations, ni même des technologies mises à l’épreuve qui font défaut; ce qui manque ce sont les institutions, les filières commerciales et des politiques favorables à l’échelon au-dessus de l’exploitation agricole. J’accepte donc le fait que pour innover, il faut plus d’un AKIS, si par AKIS on entend un système national qui existe dans un monde réel, composé de catégories d’acteurs donnés (agriculteurs, recherche, vulgarisation et éducation), et qui sert à générer des connaissances techniques. Mais en fait, je ne suis d’accord avec aucune de ces suppositions relatives à l’AKIS.

Pas national. Un AKIS, à mon avis, ne s’arrête pas aux frontières nationales. A une époque de mondialisation, les multinationales colportent leurs technologies dans le monde entier. La production de coton BT4 en Chine a miné le soutien principal des petits agriculteurs en Afrique de l’Ouest, et le ‘treadmill’5 mondial dont nous parlerons plus tard, garantit qu’un grand nombre d’agriculteurs dans le monde fonctionne sur la base d’une courbe de diffusion globale (Rogers, 1995). Cela ne signifie pas que les acteurs locaux, régionaux ou nationaux ne puissent pas se cristalliser et former un AKIS efficace. Cela signifie surtout que l’on ne peut considérer les frontières d’un AKIS comme étant nettement déterminées. Comme les frontières de tout ‘système à dégradation progressive’ ou ‘soft system’ en anglais, elles sont arbitraires et dépendent de la configuration des acteurs dans un ‘théâtre de l’innovation’ donné (Engel, 1995).

Qui n’existe pas dans le monde réel. Nous touchons maintenant à un des aspects épineux de l’AKIS. Mais il est crucial, si nous utilisons l’approche ‘soft system’(Checkland, 1981) pour comprendre et renforcer l’AKIS. Un système est une construction. On peut prendre un groupe d’éléments et de processus et utilement en

FIGURE 2Rapports entre le SNRA, l’AKIS et le Système National pour l’Innovation

(source: Chema et al, 2003: 21)

Système National pour l’Innovation

AKIS AKIS

SNRA

4 Note du traducteur: coton génétiquement modifié pour résister à certaines maladies

5 Note du traducteur: terme que l‘on pourrait traduire par ‘noria harassante’, ‘engrenage’ pour suggérer l’idée d’un labeur répétitif, fatigant et qui ne mène nulle part.

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faire un système. On peut ensuite réifier cette construction et agir comme si ce système existait réellement, bien qu’il n’existe que dans notre imagination. Cela peut être utile si le système considéré est une usine automobile ou un atelier de traitement de pois à vache. Cette position n’est cependant pas utile lorsque l’on a à faire à des ensembles d’acteurs liés entre eux tels que les agriculteurs et les chercheurs. Dans de telles situations, l’effet que peut avoir cette façon de penser par système, ne se manifeste que lorsque les acteurs impliqués se considèrent EUX-MÊMES comme faisant partie d’un système et qu’ils sont conscients de leurs rôles mutuellement complémentaires relatifs à un résultat synergique. Cette façon de considérer l’AKIS comme un dispositif de réflexion est fondamentale lorsque l’on veut considérer efficacement le rôle de la communication pour le développement, comme nous allons le voir.

Non composé de catégories déterminées d’acteurs. Les limites géographiques d’un AKIS sont arbitraires, comme l’est aussi la composition de ses éléments. La participation ou non d’une personne dépend du sens attribué aux acteurs impliqués. Leurs perspectives pourraient être très différentes. Ainsi, les hommes ont eu du mal à considérer les paysannes comme un élément important de l’AKIS. La composition de l’AKIS est souvent contestée. Nous disons avec désinvolture que les ‘agriculteurs’ sont une composante de l’AKIS. Mais nous savons tous que les agriculteurs ne constituent pas une catégorie homogène, et atteindre ceux qui sont difficiles à atteindre, c’est-à-dire les intégrer effectivement à l’AKIS, est une tâche qui a échappé aux tentatives du secteur public de lutte contre la pauvreté. On ne peut a priori limiter un AKIS aux agents de vulgarisation, aux agronomes et aux professeurs. Dans certains théâtres de l’innovation, ce sont les notables locaux qui jouent un rôle crucial, alors qu’autre part ce sont ceux qui travaillent dans des ONG ou dans des compagnies privées qui font les contributions indispensables. La composition d’un AKIS est en fait arbitraire et doit dépendre finalement de l’accord concernant le choix des catégories d’acteurs devant entrer en synergie pour soutenir l’innovation dans un contexte spécifique.

Pas seulement des connaissances techniques. Nous supposons bien trop aisément que le développement de l’agriculture est une question de technologies, de semences miracles, d’engrais, de produits chimiques, de machines, d’ennemis naturels, de façon d’améliorer le Mycorhize... Sans nous en rendre compte, cette façon de penser en termes d’innovations au plan des composantes techniques qui améliorent la productivité agricole, se fait au détriment de notre ouverture d’esprit à l’égard de ce qui est nécessaire. Là où j’habite, par exemple, l’agriculture a atteint une telle productivité que la nourriture est devenue relativement peu chère (moins de 10 % des dépenses en Euros est affectée à la nourriture et aux boissons, et seule une fraction de cette somme revient aux producteurs primaires), que les agriculteurs ont du mal à gagner leur vie, tandis que l’externalisation des coûts d’une agriculture intensive moderne est devenue intolérable et qu’elle nécessite des cadres juridiques de plus en plus draconiens pour la contrôler. Dans mon pays, un AKIS ne se réfère pas tant à une technologie servant à produire plus d’une même chose qu’à un contrat fondamentalement nouveau pour l’agriculture.

L’AKIS selon moi, concerne des réseaux de partenaires multiples, l’apprentissage et l’interaction. Il concerne notre façon de concevoir le futur et les opportunités disponibles. Un AKIS n’est pas, il se crée à partir d’une interaction tout comme une constellation (normalement temporaire) ou une configuration d’acteurs se complète par le biais de leurs contributions mutuelles. Les acteurs sont conscients du fait qu’ils forment un système et ils font de leur mieux pour le maintenir. Ils parlent beaucoup de leur système. Il est possible de faciliter l’apparition d’un tel AKIS.

D’une façon générale, l’AKIS est complètement lié à l’innovation. En fait l’innovation peut être vue comme la propriété qui se dégage de l’interaction de plusieurs parties prenantes qui se considèrent un AKIS et qui peuvent avoir des rôles complémentaires

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La communication pour le développement dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation - Niels Röling68

pour réaliser le potentiel innovateur d’une situation. Faciliter la définition d’un cadre pour créer un tel AKIS est le défi qui se présente à la Communication au service du développement.

Je termine ainsi la définition du domaine couvert par ma présentation. Le reste de mon texte sera conçu de la façon suivante. Je dois d’abord m’étendre sur trois discours dominants étroitement imbriqués qui continuent à dominer le domaine de notre étude. Il est très difficile de se débarrasser de ce trio dépassé. Je présenterai ensuite en exemple, le contexte de l’agriculture en Afrique de l’Ouest pour montrer que ces trois discours ne sont pas pertinents et que nous avons besoin d’une autre approche au développement agricole. Je formule ensuite un certain nombre de principes utiles à la communication au service du développement pour la recherche, la vulgarisation et l’éducation. Je présenterai finalement quelques conclusions.

1. TROIS DISCOURS IMBRIQUÉS MAIS INCONTOURNABLESNotre domaine d’étude s’appuie sur trois discours incontournables produits de l’expérience des états du MidWest des Etats-Unis. Au début des années 40, les fermes dans ces états devinrent des populations homogènes de petites entreprises qui fonctionnaient toutes sur les mêmes bourses de marchandises, produisant toutes les mêmes produits, tandis qu’individuellement elles ne pouvaient influer sur les prix. Il était donc rationnel qu’elles produisent le plus possible pour influer sur le prix du marché, bien que l’effet collectif d’un tel procédé produise une légère surproduction, et vu la rigidité de la demande alimentaire, une pression continue sur les prix à la production. Dans cette situation qualifiée de ‘treadmill’ (Cochrane, 1958) tous les agriculteurs essayent d’être le plus efficaces possible et sont en fait constamment en compétition les uns avec les autres. Dans de telles conditions, des innovations telles que le maïs hybride (Ryan and Gross, 1943) se diffusent rapidement (Rogers, 1996), et un investissement relativement réduit dans le domaine de la vulgarisation, de la recherche et de l’éducation publiques a un taux de rendement très élevé en termes d’augmentation de la productivité, de chutes des prix des produits alimentaires, et de réduction de l’emploi dans l’agriculture (Evenson et al, 1979). Cette expérience américaine qui s’est reproduite après la seconde guerre mondiale en Europe et dans les zones de la Révolution verte, particulièrement en Asie, a provoqué la prédominance des trois discours imbriqués et incontournables, que la plupart d’entre vous connaissent:

1. La diffusion des innovations (Rogers, 1995);2. Le ‘treadmill’ agricole (Cochrane, 1958);3. Le transfert de technologie sur la base d’un système de connaissances efficace

(par ex. Havelock, 1986)

1.1. Diffusion des innovationsC’est sans doute l’histoire la plus connue. La notion de base est que les innovations, les idées nouvelles, se diffusent de façon autonome parmi les membres d’une population relativement homogène une fois qu’elles ont été introduites de l’extérieur, que ce soit à travers un agent contribuant au changement, à travers des personnes qui évoluent à la fois dans des univers locaux et extérieurs, ou à travers d’autres médias. En général ce processus de diffusion démarre lentement, puis prend de la vitesse, de telle sorte que la courbe de ‘diffusion’ décrivant le taux d’adoption de l’innovation dans le temps par les individus, adopte la forme typique d’une courbe de croissance. On peut distinguer ceux qui adoptent une innovation rapidement de ceux qui sont lents à suivre. Des études ont été faites à l’infini pour identifier les caractéristiques qui les distinguent. Cela a abouti à des débats qui tournaient en rond: la recherche montre que les agriculteurs ‘progressistes ’ (ceux qui possèdent de grandes fermes, qui sont éduqués et qui ont accès à des agences externes, etc.) sont ceux qui adoptent les nouveautés rapidement. Les efforts de vulgarisation devraient donc se concentrer

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sur les agriculteurs qui permettent d’obtenir une diffusion rapide. Mais la raison pour laquelle ces agriculteurs ont adopté rapidement les innovations est en partie due au fait que les agents de vulgarisation leur ont accordé beaucoup d’attention. Les études sur la diffusion ont souvent expliqué ce que l’on peut appeler ‘la stratégie des agriculteurs progressistes ’.

Des études empiriques sur la diffusion rapide d’une innovation parmi une grande proportion d’agriculteurs ont alimenté l’idée que les technologies, une fois introduites chez quelques agriculteurs à travers des efforts de vulgarisation et de recherche se généraliseront rapidement d’elles-mêmes en multipliant l’effort du secteur public. ‘La diffusion travaille quand on dort’. C’est ce qui explique la popularité de l’histoire de la diffusion des innovations.

Il y a quelques années, la recherche sur la diffusion des innovations était une des formes de recherche en sciences sociales les plus populaires, avec des milliers d’enquêtes publiées sur les processus de diffusion. Il faut reconnaître que c’est un domaine passionnant. De nombreuses questions touchant à la nature du processus d’adoption individuel, aux sources d’innovation, à l’innovation collective, à la diffusion à travers un espace géographique, à la nature du leadership dans les processus d’innovation, à la diffusion génératrice d’inégalités, se présentent. Cette opération américaine originale s’est reproduite pratiquement dans le monde entier. Et lorsque les sociologues ruraux en ont assez, les économistes agricoles la redécouvrent et la reprennent. Toute cette histoire a été merveilleusement décrite par Rogers (19956).

La recherche sur la diffusion a énormément marqué nos cercles. Ce discours a renforcé les hypothèses suivantes, même si ces suppositions ont été explicitement rejetées par la recherche. Une des caractéristiques de ce discours est qu’une fois largement accepté, il ne supporte pas de corrections.

1. Les innovations venant de l’extérieur, sont normalement élaborées par des chercheurs puis introduites dans des communautés rurales, des groupes de docteurs, de consommateurs ou autres groupes de personnes. La possibilité que ces innovations puissent apparaître localement n’est pas soulignée;

2. Les innovations ont tendance à être considérées comme des composantes techniques qui se diffusent d’elles-mêmes, sans tenir compte du système agricole par lesquelles elles sont adoptées. Elles ressemblent à des potions magiques. En réalité, les agriculteurs passent beaucoup de temps à adapter les innovations. Par ailleurs, l’attention accordée aux innovations techniques qui améliorent la productivité détourne l’attention des innovations de systèmes permettant d’améliorer la durabilité du système agricole. Cependant l’innovation dans le domaine de la gestion des ressources devient de plus en plus souvent une condition pour l’amélioration des moyens d’existence ruraux.

3. Tous ceux qui adoptent des innovations suivent la même approche au développement. Certains sont en tête alors que d’autres sont derrière. Le sociologue rural hollandais Van der Ploeg (1994) a montré que l’hypothèse d’une unique approche au développement est inexacte. Dans des conditions économiques et technologiques semblables, les agriculteurs ont tendance à suivre des approches au développement très différentes. Ce qui ressort, c’est la diversité et l’habileté à agir de façon autonome.

4. La communauté au sein de laquelle l’innovation se diffuse est homogène, on suppose que tous les agriculteurs bénéficient de l’innovation. En réalité, les

6 C’est la dernière version dont je suis au courant. Mais connaissant Everett Rogers, il existe probablement une nouvelle version, disponible ou sur le point d’être publiée. Le manuel de base ‘ La diffusion des innovations’ a été mis à jour tous les dix ans depuis 1961.

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La communication pour le développement dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation - Niels Röling70

innovations ont tendance à avoir une efficacité différente en fonction de l’accès aux intrants, à la terre, à la main d’oeuvre, au crédit, et ainsi de suite. L’adoption d’innovations par certains risque d’empêcher les autres d’en bénéficier.

5. L’innovation technique est une bonne chose. En réalité, on peut imaginer des situations où l’innovation n’est pas bonne du tout. Par exemple, l’adoption en Europe d’hormones pour améliorer de 10% la productivité des vaches laitières, exercerait une pression énorme sur le prix d’un produit déjà bon marché. Les vaches auraient une vie encore plus misérable, et cela entraînerait une réduction brutale du nombre d’exploitations agricoles capables de survivre. Cependant, une fois la technologie introduite, un agriculteur aurait du mal à ne pas l’adopter. Et cela nous conduit au ‘treadmill’.

1.2. Le ‘treadmill’ agricoleLa table 1 montre rapidement comment ce ‘treadmill’ fonctionne (d’après Cochrane 1958):

C’est un discours cohérent et bien connu. Une politique basée sur le ‘treadmill’ a des résultats positifs. Primo, les avantages de l’innovation technique dans l’agriculture sont retransmis au client sous forme de nourriture bon marché. Ainsi, dans mon pays, un oeuf a toujours la même valeur nominale que dans les années 60. La structure même de l’agriculture ne permet pas aux agriculteurs de profiter des récompenses que pourrait offrir une meilleure efficacité (Hubert et al; 2000). Pendant ce temps la main d’oeuvre est libérée et peut chercher du travail ailleurs. A l’heure actuelle, un agriculteur peut facilement nourrir cent personnes. Lorsque le ‘treadmill’ fonctionne bien dans un pays, le secteur agricole national améliore sa compétitivité par rapport aux pays voisins. Par ailleurs, il existe un autre avantage de taille: les agriculteurs qui aiment faire des discours ne protestent pas contre le ‘treadmill’. Ils ne peuvent qu’en tirer profit. Un agriculteur dans ce système de ‘treadmill’ ne gagne bien sa vie que s’il est en tête du peloton. Normalement, à la différence des ouvriers industriels, les agriculteurs ne réclament pas collectivement des récompenses pour une meilleure productivité de la main d’oeuvre. Puis le fait que le ‘treadmill’ continue à fonctionner sur la base d’investissements relativement réduits dans le domaine de la recherche et de la vulgarisation est un ultime avantage. Ceux-ci ont un taux élevé de rendement (Evenson et al, 1979).

L’un dans l’autre, il est tout à fait compréhensible que les décideurs politiques se soient emparés du ‘treadmill’ pour en faire le fondement de la politique agricole. Il représente les forces du marché sous leur meilleur aspect. D’après l’OMC nous devons oeuvrer pour créer un ‘treadmill’ mondial. Ainsi, les quatre millions de petits

TABLE 1

Eléments clefs du ‘treadmill’ agricole’

• Plusieurs petites exploitations agricoles produisent le même produit

• Vu qu’aucune d’elles ne peut influer sur le prix, elles produiront toutes autant que possible pour influer sur le prix

courant

• Une nouvelle technologie permet aux innovateurs de faire des bénéfices exceptionnels

• Au bout d’un certain temps, d’autres suivront (‘diffusion et innovation’) (Rogers, 1995)

• La croissance de la production et/ ou de l’efficience fait baisser les prix

• Ceux qui n’ont pas encore adopté la nouvelle technologie sont obligés de le faire le faire au risque de perdre des

revenus (écrasement des prix)

• Ceux qui sont trop âgés, malades, pauvres ou endettés pour innover doivent éventuellement quitter la scène. Leurs

ressources sont absorbées par ceux qui font de gros bénéfices (Expansion d’échelle).

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agriculteurs en Pologne devront quitter la scène rapidement afin que l’agriculture polonaise devienne ‘compétitive’. Une agriculture compétitive, c’est le slogan principal, qui est aussi celui de l’agriculture mondiale.

Cependant, le ‘treadmill’ possède également un certain nombre d’aspects négatifs qui sont de moins en moins acceptables. (Table 2).

Le conclus en affirmant qu’à l’intérieur des limites auto imposées par la pensée ‘treadmill’, il est impossible de résoudre certains des défis les plus importants auxquels nous sommes confrontés, surtout dans des pays et des situations où les conditions sont différentes de celles des états du MidWest aux Etats-Unis durant les années 40. Il en va de même dans mon pays. Poursuivre les politiques du ‘treadmill’, comme les agriculteurs nous demandent de le faire, signifie réduire de plus belle la fraction de notre revenu qui va à la production primaire à des coûts externalisés encore supérieurs.

TABLE 2

Les conséquences négatives du ‘treadmill’ agricole

• Ce ne sont pas les consommateurs, mais les fournisseurs d’intrants, les industries alimentaires, et les supermarchés qui s’emparent de la valeur ajoutée produite par une plus grande efficacité. Les grandes compagnies sont bien parties pour éliminer la compétition dans l’agriculture. Seuls les agriculteurs sont pressurés.

• Les avantages du ‘treadmill’ diminuent rapidement au fur et à mesure que le nombre d’agriculteurs diminue et que l’homogénéité des survivants augmente. Le ‘treadmill’ a un cycle de vie limité en tant qu’instrument politique.

• Eventuellement ce ‘treadmill’ sera incapable de fournir aux agriculteurs un revenu paritaire. Cela apparaît clairement à travers les subventions accordées aux agriculteurs. Nous voulons réorienter ce flot de subventions, mais nous n’avons pas encore une alternative valable. Au moment où j’écris, le Commissaire européen pour l’agriculture y travaillait. Parallèlement, de récentes recherches ont mis en évidence que 40 % des revenus agricoles aux Pays-Bas se basent déjà sur des activités qui ne relèvent pas de la production primaire (Oostindie et al, 2002).

• La concurrence entre les agriculteurs encourage des formes d’agriculture non durables (utilisation de pesticides et d’hormones, perte de la biodiversité, aliments dont la sécurité sanitaire n’est pas assurée, etc.). Le ‘treadmill’ est en contradiction avec la conservation de la nature, les mesures touchant à l’eau potable, la conservation des paysages, et d’autres services écologiques.

• Le ‘treadmill’ conduit à une perte de connaissances locales et de diversité culturelle.• Un ‘treadmill’ mondial confronte injustement des agriculteurs qui sont à des stades très différents

de développement technologique, et dont les accès aux ressources diffèrent énormément. Bien que les coûts de la main d’oeuvre au Nord soient plusieurs fois supérieurs à ceux du Sud, la productivité de la main d’oeuvre agricole au Nord est encore bien supérieure à celle des petits agriculteurs au Sud, de telle sorte que ces derniers n’ont aucune chance (Bairoch 1997). Le ‘treadmill’ mondial les empêche simultanément de développer leur agriculture et d’avoir un pouvoir d’achat. Cet effet est exacerbé par les subventions aux exportations accordées aux agriculteurs qui produisent en excédent dans le Nord.

• Le ‘treadmill’ conduit à des adaptations à court terme qui peuvent être dangereuses pour la sécurité alimentaire mondiale à long terme. Je pense par exemple à la disparition envisageable et très contestée des cultures aux Pays-Bas. Aux Etats Unis, on parle d’hypothèse ‘blank’; l’agriculture aux États-Unis disparaîtra avant 2030 car la nourriture peut être produite à de plus bas prix autre part (Blank, 1998). Les nouvelles subventions américaines pourraient légèrement retarder cette éventualité. Mais il devient évident que le ‘treadmill’ ne soutient pas la contribution à la sécurité alimentaire mondiale des régions agricoles les plus productives du monde. Certains disent que l’agriculture organique ne peut nourrir le monde. Je pense qu’il est plus juste de dire que l’on ne peut nourrir le monde tant que le ‘treadmill’ continuera à fonctionner.

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La communication pour le développement dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation - Niels Röling72

Le ‘treadmill’ ne va pas avec notre époque. Nous devons réinventer une économie agricole, échapper d’urgence à ce ‘treadmill’ et faire en sorte que l’utilisation des terres s’accompagne d’autres mécanismes sociaux et économiques.

1.3. Transfert de technologieLe troisième discours concerne le transfert de technologie. La science est le point de croissance de la civilisation humaine. Elle développe des technologies qui nous permettent d’échapper à ce que la Bible nomme ‘ la vallée des larmes’. La science assure le progrès. La vulgarisation livre ces idées aux utilisateurs. La science est bonne, mais les personnes stupides ne l’apprécient pas toujours. Les agriculteurs n’adoptent pas les idées des savants, et il se peut qu’ils soient arriérés et qu’ils ne sachent pas ce qui est bon pour eux. Ou bien ce pourrait être la faute de la vulgarisation. Après tout, de nombreux agents de vulgarisation ont été mal formés. Une troisième raison pourrait être un ‘fossé fatal’ dans le flot linéaire entre les savants et les agriculteurs dû au manque d’experts spécialisés (McDermott, 1987).

Le transfert de technologie est un flot à sens unique et ininterrompu de technologies qui part de la recherche fondamentale pour finir aux utilisateurs et qui passe par plusieurs intermédiaires et mécanismes de livraison (Figure 3). On l’appelle aussi modèle linéaire (Kline and Rosenberg, 1986; Chambers and Jiggins, 1987).

C’est la façon de penser typique qui sous-tend le transfert de technologie. C’est une idéologie importante. Nous présentons deux exemples qui illustrent la différence entre deux situations: (1) le transfert de connaissances et (2) la co-création de connaissances. Dans la première situation, un expert, agent de vulgarisation agricole ou spécialiste médical, essaie de faire accepter sa façon de voir le monde ou de résoudre les problèmes. Dans la seconde situation, un groupe de parties prenantes possédant des expériences ou des connaissances différentes et souvent complémentaires, s’accorde sur les façons d’améliorer le problème qu’elles partagent. (Figure 4).

La colonne ‘co-création de connaissances ’ montre que des histoires complètement différentes et tout aussi crédibles existent parallèlement à l’habituel ‘transfert de technologie’. Cependant, j’ai l’impression que c’est plus particulièrement dans les agences publiques pour la recherche, la vulgarisation, à l’occasion de prises de

FIGURE 3Transfert de technologie (appelé aussi ‘Modèle linéaire’)7

Recherche fondamentale

Recherche appliquée

Recherche finalisée

Experts spécialisés

Agents de vulgarisation en première ligne

Agriculteurs progressistes(diffusion)

Utilisateurs finaux

7 Dans notre domaine le sigle TOT prête à confusion. Dans certaines publications, telles que celle de Robert Chambers, il se réfère au transfert de technologie. Dans d’autres textes qui traitent de la lutte intégrée (IPM), le TOT se réfère à la Formation des formateurs, élément clef qui détermine la qualité des écoles paysannes de terrain.

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décision de politique agricole et dans les nombreuses universités agricoles que les trois principaux discours décrits dans ce chapitre influent sur les prises de décision concernant le développement agricole.

À mon avis, toute discussion sur la communication pour le développement doit partir d’une réflexion sur ces trois discours. Je suis convaincu qu’ils reflètent certaines conditions historiques et une phase du développement agricole qui ne sont pas forcément omniprésents ou très pertinents du point de vue de la communication pour le développement. Dans la prochaine section je fournirai un exemple provenant d’un contexte différent.

2. EXPLORATION DU CONTEXTE DE L’INNOVATION AGRICOLE EN AFRIQUE DE L’OUEST8

Quelles que soient la misère et la pauvreté des agriculteurs en Afrique de l’Ouest, ils ont tous un droit de veto lorsqu’il s’agit d’accepter les résultats de la recherche agricole: on ne peut en aucun cas forcer des agriculteurs autonomes à accepter des technologies. Il s’avère très difficile de faire reconnaître aux chercheurs agricoles et aux administrateurs que ce droit de veto est un élément incontournable dans le cadre d’une recherche efficace.

Une agence de recherche agricole internationale importante et très estimée en Afrique de l’Ouest nous fournit un exemple typique. Elle s’intéresse à la gestion de la fertilité des sols. Après une recherche excellente, elle est arrivée à la conclusion que l’amélioration de la fertilité des sols en Afrique de l’Ouest était d’abord une question de matière organique des sols et ensuite d’éléments nutritifs. La recherche a démontré que planter et labourer sous la végétation luxuriante du haricot de la Floride (Mucuma spec.) était la façon la plus efficace d’augmenter la matière organique des sols. Comme on pouvait s’y attendre, lors de sa présentation au public, cette idée a quelque peu été critiquée. On a essayé le Mucuma plusieurs fois. Invariablement les agriculteurs se plaignent qu’ils ne peuvent pas manger les haricots, et qu’il est dur et fatigant d’incorporer les matières végétales au sol, que les haricots occupent la terre pendant

FIGURE 4

Comparaison du Transfert de technologie et de la co-création de connaissances à travers quelques aspects importants

Facteur clef Transfert de connaissances Co-création de connaissances

Nature du problème Manque de productivité ou d’efficacité Manque d’actions concertées

Acteurs clefs impliqués

Public expert et ciblé Parties prenantes interdépendantes impliquées dans la solution d’un problème partagé ou de ressources contestées

Pratiques désirables Le public ciblé utilise des composantes technologiques améliorées

Les parties prenantes s’accordent sur une action concertée (par ex. gestion des bassins versants intégrée)

Apprentissage désirable

Le public ciblé adopte des technologies élaborées par des experts. Dans le meilleur des cas: diffusion d’innovations parmi les membres du public ciblé. Le savoir de l’expert n’est pas pertinent dans cette situation.

Par interaction, les parties prenantes tirent profit de leurs connaissances mutuelles et apprennent à se connaître les unes les autres. Elles explorent des manières d’avancer au moyen d’actions conjointes expérimentales qui leur permettent de découvrir un savoir. Elles deviennent capables de réfléchir à leur situation et sont habilitées à la prendre en main.

Facilitation L’expert démontre, persuade, explique, promeut

Le facilitateur formé réunit les parties prenantes afin d’encourager l’interaction. Il ou elle crée des espaces pour l’apprentissage et l’interaction (plates-formes). Il ou elle gère le processus et non le contenu.

8 D’après une section de Röling et al, sous presse.

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deux saisons durant lesquelles la production alimentaire est impossible, etc. Le Mucuma, comme engrais vert, n’a été adopté nulle part en Afrique de l’Ouest. Imperturbable, le représentant de l’agence proclama que ce n’était pas son problème mais celui des agriculteurs et que s’ils voulaient sortir du cercle vicieux de la dégradation des sols et de la pauvreté, ils devaient planter du Mucuma. C’est une approche typiquement linéaire. Le chercheur a raison et son manque d’incidence est un problème qui concerne les agriculteurs.

Mais ce manque d’impact de la recherche en Afrique de l’Ouest ne peut être imputé au peu d’inventivité des agriculteurs. Les agriculteurs de l’Afrique de l’Ouest sont parmi les plus inventifs de la planète. Leurs systèmes autochtones représentent des formes d’agricultures durables, résistantes et intelligentes qui ont soutenu des communautés en expansion durant des siècles. Ils ont adopté le maïs, les haricots phaseolus, le manioc, les tomates et de nombreuses autres cultures de base courantes importées relativement récemment de l’Amérique du Sud. Ces vingt dernières années, les agriculteurs d’Afrique de l’Ouest ont géré leur augmentation de population rapide et ont fait en sorte que leurs systèmes agricoles puissent affronter de nouveaux problèmes tels que la baisse de fertilité des sols, la diminution de la pluviométrie et la levée de mauvaises herbes. Les membres des tribus de la Côte d’Or ont fait du cacao la principale culture d’exportation du Ghana sans aucune aide du gouvernement, une évolution qui a pris fin lorsque des taxes excessives tuèrent la poule aux oeufs d’or.

Notre exemple favori illustrant l’inventivité de l’agriculteur en l’Afrique de l’Ouest concerne la mise en place par les agriculteurs, sur le Plateau Adja au Bénin, d’un nouveau système agricole basé sur une jachère de palmiers à huile qui permet de faire face à une pression démographique très élevée, à des sols comateux, à la mauvaise herbe Imperata cylindrica, et qui de surcroît est rentable à travers la production de Sodabi, une boisson alcoolique distillée à partir du vin de palme récolté lorsque la jachère de palmiers est coupée (Bruwers, 1993).

Nous en avons assez dit. Les petits agriculteurs d’Afrique de l’Ouest font preuve d’une inventivité étonnante. Il est possible que les mécanismes de nivellement des villages et la peur de la magie noire inspirée par la jalousie forcent certains agriculteurs à ne pas trop se mouiller, mais dans l’ensemble, on ne peut mettre la productivité stagnante en Afrique de l’Ouest sur le compte du traditionalisme ou du conservatisme des agriculteurs. Hounkonnou (2001) qui, en tant que fonctionnaire international, a enquêté pendant 12 ans sur le développement de l ‘Afrique de l’Ouest, est arrivé à la conclusion suivante: la seule chose qui ‘fonctionne’ en Afrique de l’Ouest c’est la ‘dynamique rurale’, la lutte continuelle et novatrice des populations rurales pour améliorer leur existence.

La question qui se pose alors est: comment se fait-il que la recherche agricole n’ait pas pu se raccorder à ce filon fécond d’innovations? Nous pensons qu’il est trop facile de s’en prendre à la myopie de quelques chercheurs et au transfert linéaire de paradigmes technologiques que les institutions scientifiques technologiques nationales et internationales ont adopté, quel que soit l’obstacle que cela ait représenté. Après tout, cela fait maintenant des années que l’Afrique de l’Ouest fait l’objet de tentatives de la part de plusieurs acteurs qui ont utilisé des approches participatives (voir Defoer, 2002; Van Paasen, 2004). Nous allons examiner trois facteurs: (1) le manque de contre-pouvoir des agriculteurs, (2) l’absence de marchés et d’institutions d’attribution de services à un niveau intermédiaire, et (3) le prélèvement systématique par les gouvernements avant et après l’indépendance9 de la richesse générée par l’agriculture de l’Afrique de l’Ouest.

9 De janvry et Dethier (1985) énumèrent les acteurs suivants : (1) les agriculteurs n’ont pas de poids politique ; (2) taxation des bénéficiaires de la recherche : (3) manque de coordination entre les politiques technologiques et économiques ; et (4) manque d’analyse et de recherche participative ex-ante.

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2.1. Manque de contre-pouvoir des agriculteursSans trop entrer dans les détails, de nombreux observateurs reconnaissent qu’avec la mort du colonialisme, les pays de l’Afrique de l’Ouest se sont retrouvés sans contrepoids politiques, de telle sorte que la corruption, l’aventurisme politique et l’exploitation des plus pauvres ont eu le champ libre. Dans ce tableau, les agriculteurs organisés sont complètement dépourvus de contre-pouvoir. Les agriculteurs n’ont aucun contrôle sur les prix des produits de base, sur les compagnies fournissant des intrants, sur les projets gouvernementaux d’achat de produits et les bureaux commerciaux, sur les politiques d’importation d’aliments à bon marché et à plus bas prix que ceux des agriculteurs. Si l’on compare cette situation avec celle des pays industriels, le contraste est violent.

Dans la plupart des pays industrialisés, les agriculteurs ont un pouvoir qui est disproportionné par rapport à leur nombre, mais qui reflète le fait que collectivement ils possèdent la majeure partie des terres du pays. Ils sont extrêmement bien organisés et leurs représentants sont finement distribués au sein du système politique. En fait, dans de nombreux pays industrialisés, les agriculteurs sont si puissants qu’ils sont capables de ne pas tenir compte des problèmes de santé (ex. sécurité sanitaire des aliments), de pollution de l’environnement, d’apports de produits toxiques, de protection de la nature, de bonne gestion des eaux, du tourisme, du bien-être des animaux, et même de pratiques économiques prudentes. Les agriculteurs des pays industriels exercent une influence institutionnelle bien organisée sur les décisions concernant la recherche et la vulgarisation agricole, et ils font partie de réseaux d’organisations de livraison de services dont ils sont fréquemment propriétaires à travers leurs propres coopératives.

Sur la base de l’expérience des pays industriels, on peut affirmer que la façon la plus rapide de développer l’agriculture de l’Afrique de l’Ouest ne consiste pas à renforcer ce que les pays francophones nomment ‘les organismes d’intervention ’, mais plutôt à consolider le contre-pouvoir des agriculteurs vis-à-vis de ces ‘organismes ’ (Röling and Jiggins, 1998).

Jusqu’à récemment, un tel conseil avait peu de chance d’être écouté dans les pays de l’Afrique de l’Ouest. Les gouvernements coloniaux ne s’intéressaient pas du tout au contre-pouvoir des agriculteurs. Surtout pas! Ils savaient créer les structures de motivation nécessaires pour que les petits agriculteurs produisent les matières premières nécessaires à leurs industries. Les taxes sur les huttes exerçaient une pression sur le besoin de générer des liquidités. Et les ‘cultures commerciales ’ telles que le coton, le cacao, etc. étaient les seules pouvant générer des liquidités. Des systèmes de ‘crédit supervisé ’ conçus avec soin et qui intégraient l’octroi de crédits, l’achat des produits, les livraisons des intrants et le paiement des agriculteurs (après avoir déduit le remboursement des crédits et les intérêts) a permis la mobilisation effective de l’énergie de millions de petits agriculteurs dans toute l’Afrique de l’Ouest. La SODECOTON en est un bon exemple.

Les gouvernements après l’indépendance avaient toutes les raisons de maintenir ce mécanisme. Pour que cela réussisse, les agriculteurs devaient continuer à ne pas être organisés, à ne pas être au courant des pourcentages scandaleux que les gouvernements prélevaient sur les prix à l’exportation des produits de base, et à être incapables de se défendre contre la corruption officielle. La situation est maintenant entrain de changer. Les prix des produits de base ont chuté. Ces bas prix ont poussé les agriculteurs à négliger leurs plantations et cultures, de telle sorte que la productivité continue à être très basse, privant les gouvernements de revenus. D’autre part, les agricultures industrielles qui ont bénéficié d’années d’investissements dans la recherche et l’amélioration de la productivité, sont maintenant capables d’importer des céréales vivrières en Afrique de l’Ouest à des prix qui dissuadent les agriculteurs de produire pour leur marché (Bairoch, 1997). Il paraît qu’au Kenya, le maïs peut maintenant être importé à des prix inférieurs au prix de revient de celui des agriculteurs locaux les plus efficaces, et même de celui des grandes fermes gérées par les Blancs. Il est donc évident

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que dans une telle situation, le KARI (Institut de recherche agricole du Kenya) a peu d’intérêt à investir dans la recherche sur le maïs (Dr Cyrus Ndiritu, précédent directeur du KARI, juillet 2003). Il existe en Afrique de l’Ouest de nombreux exemples de projets de donateurs, tels que le Sassakawa 2000 qui ont réussi à créer les conditions pour que de petits agriculteurs produisent 7 tonnes de maïs par hectare, mais qui finissent par ne pas adopter les pratiques nécessaires car ils ne peuvent vendre leur surplus. Il est bien possible que l’Afrique de l’Ouest ait manqué une fois pour toutes sa Révolution verte.

Quoi qu’il en soit, les gouvernements d’Afrique de l’Ouest ont pris conscience de la nécessité de mieux traiter les agriculteurs. Au Ghana, la nouvelle politique des prix pour le cacao en est un bon exemple. Mais les agriculteurs sont encore loin d’avoir un pouvoir réel et efficace sur les décisions qui influencent leur vie.

2.2. Des filières commerciales et institutions de services défaillantesUne chose qui frappe ceux qui sont familiarisés avec le développement rural en Afrique de l’Ouest ces dernières années est le retard du développement d’institutions au niveau intermédiaire, comme les institutions commerciales transparentes, les services d’hygiène vétérinaire sur lesquels on peut compter, les octrois de crédits abordables, les mécanismes de livraison d’intrants compétitifs, les services de vulgarisation accessibles, les transports de produits, etc. La seule institution sur laquelle on peut compter en Afrique de l’Ouest rurale, semble être la vendeuse sur les marchés et son sens du commerce. Les politiques d’ajustement structurel qui ont été récemment imposées ont détruit en grande partie les mécanismes publics disponibles de prestation de services. D’un point de vue économique, c’était sans doute une bonne chose à faire; vu la productivité réduite, en termes monétaires, de l’agriculture de l’Ouest africain, investir dans la prestation de services ne paie pas. Mais il est indéniable que l’absence d’un réseau d’institutions de services dans lequel s’intègre l’agriculture est une contrainte grave pour le développement de l’agriculture. On crée régulièrement des projets pilotes qui produisent artificiellement les conditions pour une croissance rapide de la productivité. Puis, lorsqu’il faut étendre les effets impressionnants du niveau pilote, et reproduire le projet à une plus grande échelle par le biais des institutions existantes, ces effets s’écroulent. Les institutions sur place sont incapables de créer les conditions nécessaires pour que les petits agriculteurs de l’Afrique de l’Ouest puissent appliquer leur inventivité au bénéfice de la cause publique. Pour l’instant, en l’absence d’un revenu acceptable, ils se concentrent sur une production de subsistance et sont ‘organiques par défaut ’. Les intrants sont trop coûteux à utiliser, et produire un surplus est irrationnel. Il n’est pas surprenant que ceux qui mesurent le développement agricole en le confrontant à la croissance de la productivité par hectare ne soient pas impressionnés par les performances de l’Afrique de l’Ouest dans le domaine de l’innovation. (Chema et al, 2003). Ils ne voient que stagnation dans ce qui est en fait une performance dynamique, pleine d’innovations et de capacité d’adaptation, vu les circonstances très défavorables et en pleine mutation.

Dans l’ensemble, nous pouvons conclure qu’il n’a pas été possible à ce jour, de déclencher dans la plus grande partie de l’Afrique de l’Ouest, le ‘treadmill’ agricole au moyen duquel l’innovation est propulsée par le marché et au moyen duquel les progrès technologiques exercent une pression faisant baisser les prix, pour le bénéfice des consommateurs et en faveur de la compétitivité de l’agriculture nationale sur le marché mondial. En attendant, l’OMC a incorporé les agricultures de l’Afrique de l’Ouest dans un ‘treadmill’ mondial où elles n’ont aucune chance d’émerger. L’agriculture de l’Afrique de l’Ouest, si elle continue à ne pas être protégée, court le risque de demeurer une source de subsistance jusqu’au moment où les agriculteurs fuiront à la recherche d’emplois non agricoles.

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La situation décrite a des implications importantes pour la recherche agricole. Il est illogique de fixer des objectifs pour le développement de l’agriculture tels qu’une augmentation de la productivité. Il est également insensé de supposer implicitement que l’on pourra créer les conditions permettant l’adoption de la technologie à grande échelle, si ces conditions n’existent pas à présent. Par ailleurs, cela n’a aucun sens de développer des technologies qui ne peuvent être adoptées que dans les conditions spéciales de projets de petite envergure.

2.3. Prélèvement de la richesse des agriculteursLes pays industriels prélèvent la richesse des agriculteurs et exploitent leur énergie par le biais du mécanisme du ‘treadmill’ que nous avons décrit ci-dessus. Comme nous l’avons vu, la nourriture devient de plus en plus bon marché au fur et à mesure que les agriculteurs continuent à être en concurrence les uns avec les autres en essayant d’arriver en tête du peloton. Le contre-pouvoir des agriculteurs ne fonctionne pas dans le cas du mécanisme du ‘treadmill’. Les agriculteurs influents dans les organisations agricoles sont ceux qui s’emparent des gros bénéfices; ils profitent par conséquent du ‘treadmill’. Nulle part en Europe, les agriculteurs n’ont protesté contre le fait que le ‘treadmill’ fait diminuer chaque année de 2 à 3% le nombre d’agriculteurs. Les agriculteurs influents achètent la terre de ceux qui ont été éliminés et font ainsi de nouveaux bénéfices.

En Afrique de l’Ouest, le prélèvement des richesses agricoles se fait d’une autre manière. Au moment de l’indépendance, la majorité de la population travaillait dans l’agriculture et le revenu obtenu des cultures d’exportation était la seule richesse générée à l’époque. Les nouveaux gouvernements ne pouvaient donc qu’exploiter la richesse générée par l’agriculture avec pour conséquence l’essoufflement des industries d’exportation, les mauvais rendements de production alimentaire par hectare et d’après certains, l’exploitation constante et l’épuisement des réserves nutritives des sols d’Afrique de l’Ouest (Stoorvogel, Smaling et al, 1990).

À l’heure actuelle, la situation a commencé à s’améliorer. Le développement urbain crée des marchés pour les produits alimentaires qui ne peuvent pas être importés à faible coût, tels que le manioc et autres légumes. Le fait que les agriculteurs ont de plus en plus fréquemment accès à d’autres sources de revenus (à travers un emploi salarié en ville, l’émigration, etc.) signifie qu’ils ne doivent plus accepter n’importe quel revenu pour leurs cultures d’exportation. Les gouvernements sont forcés d’offrir aux agriculteurs de meilleurs arrangements. En d’autres termes, de nouvelles opportunités semblent se présenter, mais elles ne sont ni automatiques ni évidentes.

Notre examen (superficiel) du contexte de l’Afrique de l’Ouest montre qu’il est très différent de celui où les trois discours imbriqués sont apparus. Mais dans une situation où les agriculteurs n’ont pas d’influence, il est bien trop facile pour certaines personnes, et aussi bien évidemment pour les Africains éduqués selon la ‘tradition européenne’, de prendre implicitement des décisions basées sur le contexte des pays industriels. L’exemple le plus frappant est fourni par la supposition tacite que la recherche agricole sert à la productivité en termes de tonnes par hectares. Les projets se succèdent et continuent de vouloir atteindre ce but. La surproduction, une chute rapide des prix en sont les résultats prévisibles accompagnés d’une autre prédiction erronée concernant le taux de rentabilité interne et de la déception des agriculteurs. Il doit y avoir une meilleure façon de procéder. C’est un défi pour les informateurs au service du développement.

3. FAUT-IL ATROPHIER LA COMMUNICATION POUR LE DÉVELOPPEMENT RELATIVE À LA RECHERCHE, À LA VULGARISATION ET À L’ÉDUCATION?Je n’aurais pas autant insisté sur ces trois discours, si je n’avais pas eu une longue expérience dans de nombreux fora où j’ai appris combien d’efforts et d’argent

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sont gâchés à la suite de décisions concernant les objectifs, les stratégies et les investissements qui ont été déterminés sur la base de ces trois discours. Pire encore, ces trois discours forment un écran qui filtre nos nouvelles idées et nous empêchent d’investir dans l’expérimentation locale qui pourrait aboutir à de nouvelles idées. La puissance de ces discours nous empêche d’imaginer la possibilité d’une alternative.

Il est temps d’être constructif. Quelle sera notre prochaine étape? D’abord je dois vous dire, qu’en tant que sociologue je suis plus à même d’expliquer ce qui est arrivé que de concevoir un avenir plein d’espoir. Pontius et al (2002), qui documentent par exemple l’importante réalisation du mouvement d’écoles d’agriculture de terrain produit par le programme de la FAO de lutte intégrée (IMP) en Asie, ont reconnu que j’étais quelqu’un ‘qui nous a permis de comprendre ce que nous faisons et pourquoi nous devons continuer à le faire’. Mais ce sont eux qui, avec dévouement, inspiration et motivation et en collaboration étroite avec les agriculteurs, les moniteurs, et autres personnes, ont permis aux écoles d’agriculture de terrain et aux communautés de gestion intégrée (IPM) de se présenter comme des alternatives efficaces aux trois discours dominants. Je suis très honoré d’avoir été invité à prendre la parole en tant que sociologue. Mais je ne conçois pas de recettes pour le futur. Le transfert de technologies n’est pas non plus de mon ressort. Je peux simplement suggérer quelques principes.

3.1. Les agriculteurs ont un droit de veto, vous avez intérêt à les écouter!D’après Sir Albert Howard (1943:221), grand pionnier de l’agriculture organique ayant conçu de grands systèmes de production agricoles qui ne dépendaient pas d’engrais chimiques, ‘l’approche aux problèmes de l’agriculture doit partir du terrain et non du laboratoire. La découverte d’informations qui comptent constitue déjà les trois-quarts de la bataille. C’est pour cela que l’agriculteur ou l’ouvrier agricole, observateurs qui ont passé leur vie en contact étroit avec la nature, peuvent être d’une très grande aide au chercheur.’

Comme je l’ai dit, les agriculteurs ont un droit de veto lorsqu’il s’agit de participer à l’innovation induite. On ne peut en aucun cas les forcer à innover. On doit donc les écouter, les prendre au sérieux et les impliquer dans notre travail. II n’y a pas d’autre solution. Il me semble que les informateurs pour le développement relatif à la recherche, à la vulgarisation et à l’éducation, surtout s’ils souscrivent aux objectifs du Millénaire, doivent garantir aux agriculteurs un rôle dans le processus du développement. Nous présentons ci-dessous l’exemple d’un pionnier qui a élaboré ce genre d’approche.

Tekelenburg (2002) a travaillé pendant huit ans à Cochabamba (Bolivie) sur un projet de développement qui visait à la régénération de certaines anciennes terres dégradées dans les montagnes des hautes Andes en utilisant un figuier de Barbarie qui servait à la fois d’aliment aux hommes, au bétail et à la cochenille et qui permettait aussi de reboiser les pentes dégarnies. Cette expérience a permis à Tekelenburg de tirer des conclusions sur les types de ‘recherche agricole’ nécessaires à un projet de développement efficace pour atteindre les pauvres. Il suggère les questions fondamentales suivantes auxquelles ont doit répondre sans exception, si l’on veut obtenir des résultats pour le développement.

1. Quelles sont les relations biotiques et a-biotiques qui peuvent être interprétées? Pour de telles questions, Tekelenburg a dû remonter jusqu’à la recherche fondamentale, afin de comprendre par exemple le cycle de vie d’un nouveau ravageur.

2. Qu’est-ce qui techniquement peut faire une différence? On a dû faire beaucoup d’expérimentation appliquée et de recherche agricole conventionnelle, fondée sur les travaux scientifiques internationaux pour répondre à cette question. Quelles phéromones peuvent être utilisées pour attirer les mâles dans un piège?

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Quels ennemis naturels peuvent servir à les contrôler? La question générale est: quels sont les meilleurs moyens techniques à disposition pour des problèmes donnés (supposés)? La majeure partie de la recherche agricole appartient à cette catégorie.

3. Qu’est-ce qui peut fonctionner dans le contexte? Répondre à cette question nécessite une analyse du contexte dans lequel les agriculteurs vivent. Il faut pour cela étudier la zone agro écologique. Mais il est tout aussi important de faire une analyse de marché, de l’approvisionnement en intrants, de la disponibilité des transports, des risques de vol, etc. Comme nous l’avons vu, il n’est pas nécessaire d’entreprendre une recherche sur la productivité du maïs au Kenya s’il peut être importé 20 % moins cher qu’avec la meilleure technologie locale.

4. Qu’est-ce qui peut fonctionner dans le système agricole? Ici, la disponibilité de la main-d’oeuvre agricole, les différences hommes/femmes, les connaissances, l’accès à la terre et aux autres ressources, les occasions de marché, etc., déterminent la variété des options appropriées pouvant convenir au système local. À ce niveau, il faut abandonner toute perspective disciplinaire ou sectorielle et voir comment les résultats de la recherche s’insèrent dans le système local. Est-ce que cela fonctionnera dans ce système? C’est la question fondamentale de l’approche Systèmes agricoles.

5. Qu’est-ce qui sera acceptable? De quels systèmes les agriculteurs ont-ils besoin et envie, vu leurs enthousiasmes évidents, leurs alternatives, leurs penchants culturels, leur expérience, leurs stratégies de survie et leur meilleur point de vue sur les contraintes et les conditions locales? Pour répondre à cette question, et éviter d’évoquer le droit de veto des agriculteurs, il faut faire fi de toute prétention du chercheur à déterminer ce qui est meilleur. On ne peut répondre à la question sans engager les agriculteurs en tant que co-chercheurs et sans les habiliter à influer sur le processus de recherche.

6. Comment agrandir la couverture des résultats? La plupart des projets de recherche constituent des efforts pilotes, coûteux, de petite envergure qui ne deviennent efficaces socialement que si les expériences sont reproduites à une échelle sociétale, dans des usines ou des marchés par exemple. À cet égard, les travaux de Latour (1999) sur Ferdinand Jolliot, le mari de Marie Curie, qui s’est efforcé de garantir que l’énergie atomique fasse partie de l’agenda politique français, est une étude classique de ce genre d’expansion d’échelle. Cette expansion ne consiste pas uniquement à produire plus de la même chose, c’est-à-dire à travers la diffusion chez les agriculteurs d’une technologie donnée, il s’agit surtout de changements institutionnels dans les filières commerciales, dans les habitudes de consommation, dans l’éducation, les budgets gouvernementaux, etc.

Il est important de réaliser qu’il faut répondre à toutes ces questions. Il est aussi important de réaliser que l’on ne peut répondre à ces questions dans l’ordre où nous les avons présentées ci-dessus. En fait, on est régulièrement confronté à ces questions au fur et à mesure que le projet avance, et les questions de recherche fondamentale pourraient bien être le résultat d’un projet plutôt que son début.

Je crois que la communication pour le développement doit accorder une attention particulière aux questions 4 et 6. Le défi consiste à créer des espaces sociaux pour l’apprentissage (Jiggins and Röling, 2003) au sein desquels les agriculteurs peuvent être écoutés et où ils peuvent influencer les réponses à ces questions. Je pense que des investissements internationaux considérables sont nécessaires pour créer de tels espaces.

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3.2. Les agriculteurs n’ont pas de pouvoir de négociation; on ferait mieux de trouver les moyens de leur en donner! Un des principes de la gestion intégrée est que ‘l’agriculteur est un expert’. Ce principe est de plus en plus reconnu dans le monde. Dans mon pays par exemple, les Bureaux officiels de gestion des eaux reconnaissent qu’ils pourraient profiter des conseils des agriculteurs qui ont de très grandes connaissances hydrologiques locales. Les agriculteurs pourraient bien être des experts, mais ils sont sans influence, surtout dans un grand nombre de pays en développement. Ce manque d’influence des agriculteurs commence à être un handicap. Au début de la Révolution Verte, les agriculteurs étaient placés à l’échelon inférieur de la hiérarchie. Les chercheurs et les administrateurs déterminaient ce qui devait arriver et ils disaient aux agriculteurs ce qu’ils devaient faire. S’ils n’aimaient pas le nouveau VHR et continuaient à planter leurs vieilles variétés, les autorités de plusieurs pays n’hésitaient pas à faire appel à l’armée ou à la police pour détruire la récolte. Les prix étaient fixés au niveau national, des ensembles techniques et uniformes de variétés, d’engrais et de pesticides étaient recommandés pour d’immenses domaines que l’on supposait homogènes. Cela a fonctionné un moment. A l’heure actuelle, une nouvelle génération de problèmes est en train d’apparaître (résistance aux ravageurs et levée) et comme il faut maintenant prendre en compte la diversité, une paysannerie impuissante n’est plus un bon partenaire pour le développement agricole. Les agriculteurs doivent avoir de l’influence, et il faut leur donner la possibilité d’aider à faire fonctionner le développement.

On peut dire la même chose au sujet des zones très diversifiées, à haut risque, non irriguées, où la Révolution verte n’a pas fonctionné. Il s’est avéré pratiquement impossible de ‘développer ’ ces régions sans impliquer les agriculteurs pour qu’ils inventent des solutions. Pour l’expansion des projets pilotes normalement de petite envergure, il est nécessaire que les agriculteurs acquièrent une influence politique.

Ceux d’entre nous qui ont vu fonctionner les écoles d’agriculture IPM de terrain ont été impressionnés de réaliser à quel point le processus d’apprentissage par la découverte a donné aux agriculteurs un nouveau sentiment de fierté et de confiance en eux. Ils ont appris à s’engager dans des expérimentations systématiques. Ils ont appris à conduire des réunions et à tirer eux-mêmes les conclusions de leurs observations. Ils ont été responsabilisés. En Indonésie, l’Ecole d’Agriculture sur le terrain PI a fini par aboutir à une organisation d’Agriculteurs pouvant agir comme un partenaire crédible lors de prises de décisions politiques. Il est évident que ceux qui suivent la logique des trois discours dominants, ne risquent pas de considérer les bénéfices de l’école d’agriculture sur le terrain de ce point de vue.

Il est remarquable que l’expérience du monde industriel ait été ignorée. Dans tous les pays industriels les agriculteurs ont un pouvoir bien supérieur à leur nombre. Le pouvoir des agriculteurs a été l’élément crucial qui a permis à ces pays de produire avec succès des agricultures efficaces. Développer l’influence des agriculteurs semble être le chemin le plus court pour atteindre le développement. C’est ce qui à mon avis devrait être l’objectif principal de la communication au service du développement, plutôt que l’utilisation de nouvelles technologies de l’information et de la communication, de grands écrans et de haut-parleurs pour mieux bombarder les agriculteurs de messages préconçus.

3.3. L’innovation n’est pas le bout de la filière d’un processus linéaire mais la qualité de l’interaction entre plusieurs parties prenantes dans un AKIS.J’ai commencé en définissant le domaine de mon discours en termes d’AKIS, réseau d’acteurs dans un théâtre d’innovations. Ces acteurs peuvent potentiellement contribuer aux innovations. Le réseau se base sur des perceptions partagées vis-à-vis des questions qui sont en jeu. Travailler en réseau sur la base d’interactions égalitaires n’est pas immédiatement acceptable dans la plupart des domaines agricoles où la

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hiérarchie, le protocole et la protection d’un pré carré sont les valeurs dominantes. Mais tant que les agriculteurs seront des partenaires à part entière, il y aura encore de nombreuses possibilités de travailler d’une manière interactive. Comme je l’ai déjà dit, un AKIS ne devrait pas être considéré comme un organigramme, avec le ministre au-dessus de tout et une multitude de flèches reliant les unités bureaucratiques. Un AKIS est une coalition volontaire d’intérêts, composée de personnes qui se réunissent pour former un théâtre de l’innovation car elles sont convaincues qu’une pièce utile peut être jouée dans ce théâtre. Un AKIS est une configuration d’acteurs et d’institutions plus ou moins temporaire que l’on considère pertinente pour améliorer la situation. On peut aussi considérer que c’est un groupe d’étude ou l’équipe d’un projet. Les améliorations proviennent parfois de nouvelles technologies qui ont été élaborées en réponse aux questions posées par Tekelenburg. Mais dans de nombreuses situations, les problèmes prioritaires seront institutionnels, organisationnels ou politiques. Ils auront à voir avec la définition d’un cadre pour l’agriculture qui doit devenir plus productive, plus durable et plus juste socialement. Il est crucial de considérer de tels changements comme des innovations. Renforcer et faciliter l’AKIS de cette manière constitue un défi de taille pour la communication au service du développement.

D’après moi, le Proyecto Nuevo Paradigma (De Souza Silva et al, 2000) est un projet qui a élaboré une approche intelligente et stimulante pour introduire ce type de changements. Il fonctionne avec très peu de personnel au Costa Rica. Le personnel sert à inspirer, mobiliser, former, soutenir et faciliter un réseau d’équipes nationales, formées de personnes enthousiastes choisies par leurs ministères de l’Agriculture respectifs afin qu’elles participent au projet. Chaque équipe nationale met à l’épreuve dans son propre pays une ou deux approches. Elles sont débattues et analysées durant des ateliers de travail à l’occasion desquels toutes les équipes nationales se retrouvent. Les équipes nationales sont financées par leurs gouvernements et seule l’équipe du projet et son travail de facilitation sont payés par le donateur. Cet effort stimulant et très fructueux a été soutenu par un donateur progressiste qui tolérait un résultat ouvert.

C’est un exemple d’AKIS de second ordre. C’est un AKIS devant générer un AKIS efficace, un réseau pour une mise en réseau. Je crois qu’une clef pour trouver des alternatives au mantra délétère des trois discours produits par les chercheurs à la pointe du progrès, les fondamentalistes de l’économie de marché, et les principaux directeurs d’entreprise, est l’expérimentation. Ou mieux encore, un AKIS servant à générer un AKIS efficace pourrait appuyer des expériences conjointes déjà en cours où des personnes créatives s’enthousiasment à l’idée que quelque chose de nouveau a été réalisé. Je crois que l’on tire chaque jour un très grand nombre de leçons très importantes dans la plupart des pays qui expérimentent différentes approches. Nous ne prenons pas le temps de les examiner et d’en tirer des leçons car les trois discours nous ont appris tout ce dont nous avons besoin. Il est temps de nous débarrasser de notre suffisance et d’oser accepter la médiocrité de nos résultats en termes de développement. Nous devons aussi accepter notre ignorance. Il faut que fassions de plus grands efforts pour apprendre ensemble sur la base d’expériences concrètes sur le terrain pour préparer de nouvelles approches.

Lors d’un récent projet de conservation des eaux aux Pays-Bas (www.waterconservation.nl), nous avons appris qu’il était très efficace de réunir les parties prenantes concernées non seulement sur le terrain mais aussi aux niveaux de l’agence et des politiques provinciales afin de réfléchir à un problème concret et d’apprendre ensemble à le gérer.

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3.4. Il faut impliquer ceux qui ont le pouvoir de déterminer les définitions d’un cadreC’est hélas une expérience bien trop courante que de voir de bonnes initiatives contrariées par ceux pour qui vos paramètres sont des variables (Fresco, 1986), c’est-à-dire les personnes qui déterminent vos conditions de travail. Il est impossible d’atteindre des objectifs sans impliquer ces niveaux ‘supérieurs’. Je crois que les informateurs pour le développement dans le domaine de la recherche, de la vulgarisation et de l’éducation ont la tâche importante de provoquer un apprentissage évolutif à ces niveaux supérieurs.

4. CONCLUSIONÀ mon avis, dans le secteur agricole, les acteurs qui déterminent ce qui se passe sur la scène sont généralement de trois sortes. Il y a d’abord les agronomes, les spécialistes des sols, les zoologistes, les ingénieurs et ceux qui possèdent une préparation en sciences naturelles, qui sont omniprésents. Ils ont tendance à penser en termes de causes, et non en termes de raisonnements humains. Il y a ensuite les économistes agricoles qui pensent en termes de raisonnements humains, sauf qu’ils supposent que les êtres humains font des choix rationnels sur la base de calculs de coûts et bénéfices. Finalement, il y a les juristes qui pensent en termes de systèmes normatifs et qui conçoivent des cadres régulateurs dépourvus d’ambiguïté.

Le scientifique, l’économiste et le juriste ont tous une contribution à faire au développement. Mais dans un monde où les moyens d’existence des populations sont de plus en plus déterminés par d’autres populations, et où atteindre un objectif devient de plus en plus déterminé par l’action d’autres personnes, les trois perspectives omettent un ingrédient crucial: l’action concertée. L’action concertée est l’élément clé pour la gestion intégrée des bassins versants. C’est l’élément clé pour innover et créer des opportunités réalistes pour les pauvres. C’est l’élément crucial pour développer des filières commerciales plus efficaces. L’action concertée est, selon moi, la dimension cruciale de l’innovation.

Penser en termes de causes, de choix rationnels ou de règles n’est pas de la première importance pour l’action concertée. L’action concertée naît avec l’interaction. Elle se fonde sur la négociation, sur la conscience de l’interdépendance, sur la réciprocité et parfois sur la solidarité. L’action concertée surgit lorsqu’on se découvre mutuellement, à partir d’une lente convergence de buts, d’idées, de façon d’estimer les résultats.

À mon humble avis, les informateurs pour la communication ont une contribution vitale à fournir pour conférer à l’action concertée et à la co-création de connaissances, à travers un apprentissage interactif, le statut de mécanisme de gouvernance, au même titre que la technologie, la hiérarchie et le marché.

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La communication pour le développement dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation - Niels Röling86

Dissertation

ANNEXE: PROPOSITIONS À DISCUTER1. L’alimentation et les fibres ne sont que deux services écologiques parmi tant

d’autres dont les êtres humains dépendent. Il existe d’autres services écologiques tels que l’eau potable, la biodiversité, la stabilité climatique, le contrôle des ravageurs et des maladies, la santé, la stabilité des systèmes hydrologiques, le carburant, les matériaux de constructions, la pollinisation... Au Nord comme au Sud, promouvoir la production de nourriture et de fibres qui ne tient pas compte d’autres services écologiques est rapidement entrain de devenir une attitude irresponsable. Les riches comme les pauvres souffrent économiquement, socialement et psychologiquement d’une mauvaise santé (par exemple d’obésité), de dégradation, dessèchement, pollution, intoxication ou d’autres effets néfastes de l’agriculture. Il est temps de considérer l’agriculture dans une perspective plus large. Une telle perspective a des conséquences considérables pour la Communication pour le Développement. L’accent passe de l’avance technologique à la facilitation d’une co-création de connaissances dans des situations complexes où les ressources sont contestées par de multiples parties prenantes qui exercent des revendications sur des ressources limitées.

2. Une performance novatrice est le produit de l’interaction entre des acteurs complémentaires au sein d’un théâtre de l’innovation. Les théâtres de l’innovation, les acteurs complémentaires et leurs interactions doivent être stimulés activement afin de garantir qu’ils se cristallisent en un AKIS (Systèmes de connaissance agricole et d’information pour le développement rural) efficace. La gestion d’un tel processus est une tâche importance de la Communication pour le Développement. Ce n’est qu’en de rares occasions que cette tâche peut se limiter de façon efficace à la promotion de composantes techniques.

3. En tant que Communicateurs pour le Développement, nous devons faire évoluer nos discours, passer de l’accent sur la diffusion, le transfert de technologie et le ‘treadmill’ à de nouveaux discours plus excitants qui surgissent partout. Nous devons apprendre à puiser dans les expériences et l’apprentissage qui se déroulent au niveau local dans la plupart des pays en développement ou industrialisés. La gestion intégrée communautaire, l’attention aux terres, l’apprentissage social, la gestion du patrimoine commun des autochtones, l’apprentissage et l’action participative en sont des exemples.

4. Considérer les chercheurs comme des créateurs de connaissances et de technologie, le personnel de vulgarisation et les éducateurs comme des mécanismes de livraison de connaissances, d’informations et de technologies, et les fermiers comme les destinataires et les utilisateurs finaux, sont les trois attitudes qui alimentent une vision dépassée. Dans ce scénario, seuls les spécialistes de la vulgarisation et les éducateurs sont des communicateurs. Les points de vue récents sur l’innovation appuient une vision totalement différente selon laquelle les fonctions de création, d’échange et d’utilisation sont assumées par différents acteurs et institutions, tels que la recherche, la vulgarisation et l’éducation, mais aussi par des entreprises commerciales, des paysannes, des organisations non gouvernementales, des notables, en fonction des situations qui se présentent. Tous ces acteurs participent activement aux réseaux partagés, aux interactions et aux processus d’apprentissage. En d’autres mots, ils sont tous des communicateurs actifs, et tant qu’ils ne le seront pas, la qualité de l’innovation en pâtira. La Communication pour le Développement a un ‘méta’ rôle à jouer pour aider ces acteurs à mieux

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interagir.

5. La Communication pour le Développement court le risque d’être reprise par des professionnels actifs qui ont appris à considérer la communication comme un outil pour la promotion d’intérêts commerciaux. Comme la lutte contre la pauvreté est un produit, elle peut se vendre selon les mêmes règles de communication qu’un dentifrice et un prophylactique. L’accent est placé sur une utilisation intelligente des médias, et une étude de marché créative. Accepter la valeur de ces pratiques ne sous empêche cependant pas de remarquer que l’accent sur l’intervention implique que l’interaction est négligée.

6. Une analyse du contexte du développement agricole dans de nombreux pays en développement nous suggère que ce n’est pas tant le renforcement du pouvoir des ‘mécanismes d’intervention’, tels que les services publics de vulgarisation ou les institutions de recherche qui est nécessaire, que le renforcement du pouvoir des petits agriculteurs pour contrecarrer ces ‘mécanismes’. L’histoire du développement agricole dans les pays industriels suggère qu’un tel contre-pouvoir est un élément essentiel pour utiliser efficacement les fonds publics et privés. Construire un tel contre-pouvoir est la tâche fondamentale de la Communication pour le Développement.

7. L’analyse du contexte du développement agricole dans de nombreux pays en développement montre que ce ne sont pas les technologies qui manquent, mais les cadres institutionnels au sein desquels l’innovation technique peut servir de façon efficace. Si l’on offrait aux petit agriculteurs africains des opportunités réelles de commercialisation et d’achats d’intrants, ceux-ci pourraient beaucoup augmenter la productivité de leurs ressources rien qu’avec la technologie dont ils disposent actuellement. C’est aux Communicateurs pour le Développement d’élaborer des stratégies efficaces permettant de créer des réseaux synergiques de fournisseurs commerciaux d’intrants, des agences publiques de services, des banques et des agents commerciaux. Ce vieux réflexe de placer l’accent sur la recherche, la vulgarisation et l’éducation induit tout le monde en erreur.

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Faciliter le dialogue, l’apprentissage et la participation en gestion des ressources naturelles*

Guy Bessette

AVANT-PROPOSCe document thématique présente des enjeux conceptuels et méthodologiques reliés à l’utilisation de la communication pour faciliter la participation des intervenants aux initiatives de gestion des ressources naturelles (GRN), de même qu’un recueil de communications qui portent avant tout sur la communication participative pour le développement (CPD) et la GRN, particulièrement en Asie et en Afrique. Ces documents seront publiés en un seul volume à la suite d’un atelier de discussions organisé à Perugia par le CRDI et la FAO, et de la présente Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement.

La communication pour le développement regroupe de nombreuses démarches et pratiques et la plupart ont été mises en oeuvre dans le domaine de l’environnement et de la GRN. Nous aurions pu adopter une perspective globale intégrée de ces démarches, mais nous avons choisi délibérément de concentrer notre attention sur la communication participative pour le développement en raison de son potentiel innovateur au plan des pratiques de communication à l’échelon communautaire en GRN.

Même lorsque l’on tient compte des approches participatives en GRN, la communication est souvent limitée aux activités de diffusion d’information fondées principalement sur les documents écrits, les émissions de radio et les vidéos éducatives qui visent à faire passer des messages, expliquer des technologies ou illustrer des activités. Ces démarches, qui ont leurs forces et leurs faiblesses, sont bien documentées.

La CPD emprunte une autre voie. Elle vient faciliter la participation à une initiative de développement définie et choisie par une collectivité, avec ou sans l’aide d’autres intervenants de l’extérieur. Différents auteurs1 ont déjà utilisé cette terminologie pour insister sur la communication participative comparativement à son approche plus traditionnelle fondée sur la diffusion. D’autres qualifient des approches semblables de communication participative pour le développement, communication participative ou communication pour le changement social.

Dans le présent document, on considère la CPD comme une activité planifiée qui repose sur des processus participatifs, ainsi que sur la communication interpersonnelle et avec les médias. Cette communication facilite, entre différents interlocuteurs, le

1 Voir en particulier White, Shirley A, K. Sadanandan Nair et Joseph Ascroft. 1994. Participatory Communication, Working for Change and Development. Thousand Oaks, New Delhi, et Sage Publications, Londres; Servaes, J., T.L. Jacobson et S.A. White,1996, Participatory communication and social change, New Delhi: Sage publications.

* Aussi publié dans “People, Land and Water. Participatory Communication for Natural resources Management”, rassemblé par Guy Bessette, Earthscan, Londres, 2006

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Faciliter le dialogue, l’apprentissage et la participation en gestion des ressources naturelles - Guy Bessette90

dialogue sur un problème ou un but commun du développement. La démarche vise à élaborer et mettre en oeuvre une série d’activités qui contribuent à résoudre le problème identifié ou à atteindre un but, et qui appuient cette initiative et l’accompagnent2.

Un tel mode de communication amène à délaisser les approches fondées sur l’information et la persuasion pour faciliter plutôt les échanges entre différents intervenants afin de s’attaquer à un problème commun, d’élaborer une initiative concrète pour expérimenter des solutions possibles et de définir les partenariats, les connaissances et les ressources matérielles nécessaires pour appuyer ces solutions.

Ce document fait aussi partie d’un processus. Tout d’abord, on a invité des praticiens de l’Asie et de l’Afrique à présenter des communications contenant des exemples d’applications de la CPD à la GRN. On a organisé ensuite un atelier d’examen critique par des pairs, pour préparer la Table ronde sur la communication pour le développement, afin de revoir ces documents et d’en discuter. Au cours de la Table ronde, nous nous attendons à ce que le travail effectué dans le groupe de travail sur la communication et la gestion des ressources naturelles produise des idées fraîches et de nouvelles observations qui contribueront à la version finale du présent document.

Ces travaux déboucheront sur la production d’une publication qui, nous l’espérons, jouera un rôle à la fois dans la promotion de méthodes participatives de communication pour le développement dans le domaine de l’environnement et de la GRN, ainsi que dans l’expression de points de vue des praticiens de l’Asie et de l’Afrique.

1. LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET DURABILITÉ DE L’ENVIRONNEMENT : LA CONTRIBUTION DE LA COMMUNICATION PARTICIPATIVEIl y a des liens étroits entre la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire et la durabilité de l’environnement qui posent des défis majeurs sur le plan du développement à tous les intervenants présents dans le domaine de la GRN. La lutte contre la pauvreté passe par une croissance économique soutenue, mais elle doit aussi garantir que les pauvres bénéficient de ces efforts. Il faut aussi s’efforcer d’accroître la sécurité alimentaire, non seulement en augmentant la productivité, mais aussi en assurant l’existence des conditions nécessaires à l’accès et au partage équitable.

Pour promouvoir la durabilité de l’environnement, il faut notamment s’attaquer à des objectifs complexes comme lutter contre la dégradation des terres (et spécialement la désertification), bloquer le déboisement, promouvoir une saine gestion des ressources en eau dans un contexte de rareté, protéger la biodiversité, etc. Il faut concevoir et mettre en oeuvre toutes ces activités avec la participation active des familles et des collectivités qui luttent pour assurer leurs moyens de subsistance dans des environnements changeants et défavorables. Elles doivent toutefois inclure aussi d’autres intervenants qui jouent ou peuvent jouer un rôle dans ces changements : services techniques gouvernementaux, ONG, projets de développement, médias ruraux, organisations communautaires et équipes de recherche. Enfin, les autorités, les stratèges et les prestateurs de services locaux et nationaux doivent aussi intervenir pour contribuer à façonner le contexte de réglementation où se produiront les changements qui s’imposent.

Pour relever efficacement ces trois défis interdépendants que sont la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire et la durabilité de l’environnement, les praticiens du développement doivent collaborer activement avec tous les intervenants pour faciliter le dialogue, l’apprentissage et la participation active aux initiatives de GRN.

2 Voir Bessette, G. 2004. Involving the Community: A Facilitator’s Guide to Participatory Development Communication. CRDI, Ottawa, et Southbound, Penang.

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 91

Les pratiques exemplaires en recherche et développement sur la GRN mettent en évidence des situations où des membres de la collectivité, des membres d’une équipe de recherche ou de développement et d’autres interlocuteurs définissent conjointement des paramètres de recherche ou de développement et participent à la prise de décision. Ce processus dépasse la consultation communautaire ou la participation à des activités déterminées par des chercheurs ou des gestionnaires de programme. Dans les meilleurs scénarios, le processus de recherche ou de développement même crée une situation d’autonomisation où les participants transforment leur vision de la réalité et peuvent agir vraiment sur leur environnement.

La CPD renforce un tel processus et permet aux collectivités locales d’aborder des pratiques et des problèmes de GRN et d’en discuter, ainsi que de mobiliser d’autres interlocuteurs pour créer un environnement stratégique amélioré.

Que dire alors des enjeux de l’application de la CPD aux méthodes de GRN et à la recherche? Quels sont les défis et les difficultés d’une telle approche? Quelles idées et leçons pouvons-nous tirer de nos pratiques dans ce domaine? Ce document présente une réflexion sur ces pratiques et propose des orientations afin de renforcer encore davantage les pratiques de GRN et la recherche en la matière par la participation et la communication.

2. DE LA DIFFUSION D’INFORMATION À LA PARTICIPATION COMMUNAUTAIREDans le contexte de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles, beaucoup d’efforts de communication ont toujours visé avant tout la diffusion et l’adoption de documents techniques destinés aux utilisateurs réels. Les chercheurs voulaient « implanter » leur produit dans des collectivités et les praticiens du développement, le faire « accepter ». Non seulement ces pratiques ont-elles eu peu d’effet, mais elles ne tenaient pas compte non plus du besoin d’aborder des conflits ou des politiques.

La CPD suit une approche différente. Au lieu de mettre l’accent sur des pratique de diffusion d’information ou de persuasion, elle vise à faciliter les échanges entre divers interlocuteurs afin de les aider à aborder un problème de développement commun ou un but commun, d’expérimenter ou réaliser des activités pouvant contribuer à la résolution de ce problème ou de ce but et de déterminer les partenariats, les connaissances et les conditions matérielles nécessaires pour ce faire.

Ces efforts portent avant tout non pas sur l’information que des experts doivent transmettre à des utilisateurs, mais plutôt sur des pratiques de communication horizontale permettant aux collectivités locales de définir leurs besoins en développement, ainsi que les mesures précises qui y répondraient, et d’établir un dialogue continu avec tous les interlocuteurs en cause (p. ex., agents de vulgarisation, chercheurs et décideurs). L’objectif majeur est d’assurer que les utilisateurs réunissent suffisamment d’information et de connaissances pour réaliser leurs propres initiatives de développement, évaluer leurs interventions et exploiter les retombées qui en découlent.

Un tel processus de communication inclut des objectifs qui visent à accroître la base de connaissances collectives (tant les savoirs locaux que modernes); à modifier ou renforcer les pratiques communes qui ont trait à l’utilisation de l’eau et à la productivité des terres afin de pouvoir gérer les ressources naturelles avec plus d’efficience; à créer et renforcer le capital communautaire; à nourrir un dialogue avec des autorités, des preneurs de décisions et des fournisseurs de services locaux et nationaux. L’approche conduit aussi à établir des stratégies appropriées de communication pour mettre en oeuvre les initiatives identifiées, en faire le suivi et l’évaluation et planifier les interventions futures.

La CPD permet aux chercheurs et aux praticiens de devenir des facilitateurs d’un processus qui met à contribution les collectivités locales et d’autres interlocuteurs pour résoudre un problème ou atteindre un but commun. Or pour devenir un bon facilitateur, il faut apprendre à écouter, à aider les gens à s’exprimer et à dégager un

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Faciliter le dialogue, l’apprentissage et la participation en gestion des ressources naturelles - Guy Bessette92

consensus pour l’action. Pour beaucoup de chercheurs et de praticiens en GRN, c’est un rôle nouveau auquel ils n’ont pas été préparés. Comment initier un tel processus qui consiste à utiliser la communication pour faciliter la participation et le partage des connaissances?

Certains des documents présentés ici décrivent ce processus en action. Dans le premier, Konate et Sankaré décrivent comment on a mis au point une telle démarche dans le contexte de la lutte à la désertification au Sahel. Les stratégies de communication ont longtemps mis l’accent sur la diffusion de l’information, la mobilisation et la persuasion, mais sans parvenir à des résultats durables. Il y avait lieu d’essayer et mettre en oeuvre d’autres méthodes. On a eu recours à une expérience de communication participative afin d’appuyer diverses initiatives locales de lutte contre la désertification au Sahel et de faciliter la participation communautaire à ces initiatives.

L’exercice a amené des membres de la collectivité et des intervenants du développement local à définir leurs problèmes liés à la désertification, à exprimer leurs besoins et à décider de faire l’essai de solutions locales et de mesures concrètes. Dans le cadre du projet, on a utilisé des outils de communication comme les démonstrations pratiques, la radio, les discussions communautaires, ainsi que des chants et des poèmes traditionnels, pour appuyer les initiatives et les accompagner.

Le processus comportait quatre phases principales – formation, planification, expérimentation et évaluation. La formation et la planification ont constitué l’assise parce qu’elles ont mobilisé tous les intervenants (p. ex., membres de la collectivité, chefs de projet et facilitateurs en communication de la localité) afin de discuter du processus de recherche-action et de la façon d’utiliser la communication pour faciliter la participation. L’exercice a facilité non seulement la participation communautaire, mais aussi la synergie entre des structures de développement différentes.

Ces initiatives ont été couronnées de succès parce que les gens ont participé au processus décisionnel et n’ont pas été invités simplement à participer à des activités spécifiques décidées par d’autres. Le projet a en outre démontré que pour enrayer la désertification, comme dans le cas d’autres défis posés par le développement, la participation communautaire et la synergie entre différents intervenants du développement s’imposent. On ne peut se limiter à programmer les actions de manière verticale, indépendamment de cette participation de la base.

Odoi, de l’Ouganda, raconte comment un virage important a eu lieu au niveau des pratiques de communication afin de mettre en oeuvre la communication participative dans le contexte d’une recherche-action menée avec des producteurs de bananes. Le programme de recherche sur la banane de la NARO (Organisation nationale de la recherche agricoles de l’Ouganda) a cherché à élaborer une stratégie de communication bidirectionnelle afin de faciliter la participation des agriculteurs à la résolution des problèmes de productivité de la banane et de favoriser l’échange des savoirs entre agriculteurs en utilisant des outils de communication mis au point de façon participative. Dans le contexte de cette recherche, on a utilisé la CPD comme moyen d’amener la collectivité à participer activement à la définition de ces problèmes de GRN et à la recherche de solutions.

Les chercheurs ont encouragé les agriculteurs à se regrouper. Ils ont ensuite aidé les représentants des groupes d’agriculteurs à définir leurs problèmes de GRN et à y attribuer une priorité dans leurs bananeraies, de même que les causes des problèmes et leurs solutions possibles. Les chercheurs ont aussi collaboré avec les agriculteurs pour définir leurs besoins et leurs objectifs en matière de communication portant sur les problèmes déterminés, les activités qu’il serait possible d’entreprendre pour contribuer à leur résolution et les moyens de communication qui pourraient aider les agriculteurs à partager leurs nouvelles connaissances avec les membres de leur groupe.

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Au cours de cette recherche, les chercheurs ont découvert que les agriculteurs détenaient des savoirs locaux pertinents à la résolution des problèmes de GRN soulevés, mais aussi qu’il était possible de les renforcer. Ils ont aussi constaté que les agriculteurs n’avaient ni tribune où échanger information, points de vue et connaissances ni accès à des outils de communication.

À la suite des activités de recherche, des terres abandonnées auparavant par les agriculteurs produisent maintenant de bonnes bananes. Les agriculteurs ont aussi pris suffisamment confiance en eux pour montrer leurs terres à d’autres agriculteurs et partager leurs connaissances avec d’autres agriculteurs de leur collectivité. Ils ont appris à utiliser des moyens de communication comme des photographies, des affiches, des brochures, le chant et la danse.

Après avoir compris le pouvoir de l’appartenance à un groupe, ils ont créé une association officielle d’agriculteurs par l’entremise de laquelle ils ont pu chercher, consulter et mettre en commun des renseignements et des services pertinents aux problèmes communautaires. À la suite de ces activités, les agriculteurs sont devenus proactifs au lieu d’attendre passivement de l’aide de l’extérieur.

Un projet de recherche-action dans le bassin du Nakanbe au Burkina Faso (Collectif Kuma et Sanon) est un autre exemple de démarche de communication participative qui a réuni tous les interlocuteurs en cause pour gérer des conflits communautaires reliés à l’eau.

Les méthodes de gestion des ressources en eau sont souvent centralisées et laissent peu de place à la participation des populations locales que touchent en réalité les problèmes liés à l’eau. Une recherche terrain effectuée dans le bassin a révélé que 50 % des sources d’eau modernes (pompes à main et puits modernes) mises en place dans le contexte de différents projets ne fonctionnaient pas parce que les bénéficiaires ne participaient pas et ne se sentaient pas responsables. La démarche de communication participative suivie par les chercheurs a favorisé une communication multidirectionnelle entre les différents intervenants et mis l’accent sur le dialogue entre les différents interlocuteurs au sujet de l’utilisation de l’eau. La démarche a aussi visé avant tout à créer des compétences locales en organisation, participation et prise de décisions portant sur la gestion des ressources en eau et la résolution des différends, ainsi que sur la création ou le renforcement de comités locaux de gestion de l’eau.

Là encore, la communication participative a aidé à trouver des solutions à des situations de conflit dans les villages et à créer ou renforcer des institutions sociales comme les comités de gestion de points d’eau. Là encore, elle a donné aux membres des collectivités la confiance nécessaire pour leur permettre de s’attaquer à leurs problèmes et de trouver leurs propres solutions au lieu d’attendre de l’aide de l’extérieur. En l’occurrence, la communication a aussi reconnu le rôle central que jouent les femmes dans la gestion des ressources en eau des villages.

Dans un autre cas du Vietnam (Le Van et al.), on décrit comment on a expérimenté une démarche de communication participative pour faciliter et accompagner la gestion communautaire des ressources naturelles avec des collectivités des hautes terres. Cette recherche a commencé après que le gouvernement a mis en oeuvre de nouvelles politiques de protection des forêts des hautes terres. À la suite de l’application de ces mesures, toutefois, il ne restait plus qu’un pour cent des terres disponibles pour la production agricole. Les collectivités locales habituées à pratiquer l’agriculture nomade ont dû changer leurs habitudes pour adopter une agriculture sédentaire. Dans le cadre de ce projet, les chercheurs les ont appuyés afin d’améliorer leurs moyens de subsistance dans ce nouveau contexte.

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À cause de ces changements imposés à leur système d’agriculture et du peu d’accès aux biens et aux ressources naturelles, la production était faible et les possibilités de générer un revenu, rares. On a eu recours à la communication participative pour favoriser la participation de ces collectivités locales et les aider à définir leurs besoins et leurs priorités et trouver des moyens d’améliorer leurs moyens de subsistance. Cette façon de procéder a instauré un changement par rapport aux interventions traditionnelles de l’extérieur dans une collectivité donnée. Pour la première fois, on demandé à des groupes d’agriculteurs qui avaient des caractéristiques et des intérêts communs d’indiquer à quels problèmes ils voulaient s’attaquer et les solutions dont ils voulaient faire l’essai.

La question d’atteindre les pauvres et les groupes les plus désavantagés de la collectivité a constitué une préoccupation majeure, tout au long de cette recherche, parce que ces groupes avaient peu de possibilités de participer à des programmes de recherche ou de développement. On a mis l’accent sur la participation des agriculteurs pauvres et des femmes. En améliorant la capacité des chefs de file et des organisations communautaires, on les a aussi aidés à emprunter de telles démarches participatives auprès de membres de la collectivité afin de leur permettre de contribuer aux plans et aux activités communautaires.

3. LE PRATICIEN DE LA GRN COMME INTERVENANT EN COMMUNICATION ET FACILITATEUR

Établissement de liensDès qu’un chercheur ou agent de développement communique pour la première fois avec une collectivité locale pour établir une relation de travail, il devient un intervenant en communication. La façon dont le chercheur ou le praticien de la GRN aborde la collectivité locale, comprend les enjeux et en discute, réunit l’information et la partage comporte des moyens d’établir la communication avec les gens. La façon de l’établir et de la maintenir a des répercussions sur la manière dont les gens participeront ou non aux initiatives de recherche ou de développement envisagées.

Dans ce contexte, il semble important de promouvoir un processus de communication multidirectionnelle. Les chercheurs ou les travailleurs en développement abordent la collectivité par l’entremise de ses chefs de file et de ses groupes communautaires. Les groupes communautaires définissent leurs liens avec les nouvelles personnes-ressources, d’autres interlocuteurs connexes et d’autres groupes communautaires.

Beaucoup d’intervenants, notamment dans le domaine de la GRN perçoivent les membres des collectivités comme des bénéficiaires et de futurs utilisateurs de résultats de recherche. Même si la plupart des gens reconnaissent que le transfert unidirectionnel de techniques aux utilisateurs a tout simplement peu d’effet, les attitudes et les habitudes ne sont pas faciles à changer. Pour instaurer ce changement, il faut reconnaître que les membres de la collectivité sont des intervenants dans le processus de recherche et de développement. Aborder une collectivité signifie donc aussi mettre les gens à contribution et penser en fonction de la participation des intervenants aux différentes phases du processus de recherche ou de développement dans l’ensemble. Établir la confiance et la compréhension mutuelles constitue un défi majeur à relever à ce stade et le demeurera pendant toute la période d’échanges entre chercheurs ou praticiens et la collectivité.

Négociation d’un mandatDes chercheurs ne se présentent pas dans une collectivité sans avoir leur mandat et leur programme. Par ailleurs, les collectivités souhaitent aussi que les personnes ressources qui se présentent à elles répondent à leurs besoins et s’attaquent à leurs problèmes.

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Elles n’établissent pas de distinction entre les problèmes de GRN, les difficultés à obtenir du crédit ou les problèmes de santé, parce que ces éléments font tous partie de leur réalité.

Comme ils ne peuvent aborder toutes les questions, les chercheurs et les praticiens devraient expliquer l’étendue et les limites de leur mandat aux membres de la collectivité et en discuter avec eux. Dans certains cas, des compromis sont possibles. Il peut être possible, par exemple, de mettre à contribution d’autres organisations ressources qui pourraient contribuer à résoudre les problèmes qui échappent au mandat des chercheurs ou des praticiens. C’est souvent le cas en ce qui concerne les facilités de crédit par exemple.

Rapports de forces et rôles des deux sexesIl y a des liens clairs entre la gestion de ressources naturelles et la répartition des pouvoirs dans une collectivité, ainsi que dans son environnement sociopolitique. Elle est aussi liée étroitement aux rôles des deux sexes. C’est pourquoi les analyses sociales et de genre sont utiles lorsqu’il s’agit d’analyser la répartition des pouvoirs dans une collectivité. L’inutilisation de ces moyens peut transformer le processus participatif en manipulation ou le rendre sélectif et faire que l’on choisit quelques personnes ou groupes seulement de la collectivité.

Le document sur la communication et le développement durable (Ouattara et Ouattara) décrit une situation où un guérisseur traditionnel avait un pouvoir incontestable sur tout ce qui intéressait la collectivité et utilisait le processus de la communication participative pour renforcer son pouvoir sur la collectivité en cause. Les membres de l’équipe d’intervention, qui n’étaient pas habitués à un tel comportement, se sont retrouvés de facto manipulés par la situation. Quel type de participation était alors possible?

Ce cas n’est pas exceptionnel et le seul moyen de prévenir une telle situation consiste à identifier les principaux intervenants d’une collectivité et à comprendre leurs rôles et leurs relations avant d’entreprendre quoi que ce soit. L’analyse sociale, l’analyse de genre et l’identification des systèmes, des voies et des outils de communication locaux devraient précéder toute intervention dans le cadre de laquelle la population participe à la définition de problèmes et de solutions.

Comprendre le contexte local : collecte de données ou coproduction de connaissances?Ce changement d’attitude a son corollaire dans la méthodologie. Les chercheurs, en particulier, ont reçu une formation en collecte de données axée sur un mode d’extraction qui ne facilite pas la participation. La CPD suggère toutefois que les chercheurs ou les praticiens collaborent avec des membres de la collectivité et d’autres interlocuteurs pour réunir et mettre en commun de l’information de référence. Cette collaboration indique un processus de coproduction de connaissances qui se nourrit des forces des différents interlocuteurs.

Différentes techniques de recherche participative se sont généralisées dans le domaine de la GRN pour réunir de l’information de référence en un temps record et faciliter la participation des membres de la collectivité. Il arrive toutefois souvent que l’on utilise encore en mode extraction des techniques comme la cartographie des ressources, les marches transversales, le classement des problèmes et l’établissement des calendriers saisonniers, etc. L’information sert alors principalement au chercheur ou au concepteur du projet et l’on accorde peu d’importance aux besoins en information de la collectivité ou à toute activité de restitution qui garantirait le partage de résultats.

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Dans ces cas, même si on les qualifie de « participatives », ces techniques peuvent renforcer un processus guidé de l’extérieur. La CPD insiste sur le besoin d’adapter des attitudes autant que des techniques. La coproduction de connaissances diffère de la simple collecte de données et peut jouer un rôle essentiel en facilitant la participation à la prise des décisions qu’entraîne un projet de recherche ou de développement.

Comprendre le contexte de la communicationQui sont les différents groupes qui constituent la collectivité locale? Quelles sont les principales coutumes et croyances sur la gestion des terres et de l’eau et comment les gens communiquent-ils entre eux à ce sujet? Quelles sont les voies efficaces de communication interpersonnelle? À quelles associations et institutions locales les gens ont-ils recours pour échanger de l’information et des idées? Quels moyens modernes et traditionnels de communication la collectivité utilise-t-elle?

Là encore, il est important d’intégrer les aspects biophysiques et sociaux, ainsi que les éléments de la communication, dans un effort intégré qui vise à comprendre la culture et le contexte local. Tout comme ils recueillent de l’information générale et organisent des activités de recherche participative pour réunir des renseignements plus précis, les chercheurs et les praticiens du développement devraient essayer de comprendre, avec l’aide de la collectivité, ses voies et ses outils de communication, ainsi que son contexte global.

Identifier les savoirs locaux et les utiliserPour faciliter cette co-production des connaissances, il faut notamment identifier les savoirs locaux associés aux pratiques de GRN. Il faut aussi établir des liens avec deux autres grandes questions : la validation des connaissances en question et l’identification des connaissances modernes et scientifiques qui pourraient renforcer ces savoirs locaux.

Certains savoirs et pratiques peuvent bien convenir à certains contextes. Dans d’autres, ils peuvent être incomplets ou avoir perdu de leur valeur réelle. Parfois, certaines pratiques en particulier ont pu convenir à des conditions qui existaient auparavant mais qui peuvent toutefois avoir changé, comme dans le cas des conditions climatiques par exemple. Ce changement met l’accent sur l’importance de valider les connaissances locales communes par rapport à des données scientifiques, ainsi que par la discussion avec des experts locaux, des aînés et des membres de la collectivité. Il peut aussi être utile de combiner les connaissances modernes aux pratiques locales afin de rendre celles-ci plus efficaces, ou de les harmoniser davantage avec les besoins locaux.

Il y a un autre point qu’il vaut la peine de signaler en ce qui concerne l’utilisation des connaissances locales dans un contexte de communication participative. Le processus ne devrait pas se dérouler cependant en mode extractif, par des gens de l’extérieur de la collectivité seulement. Il doit faciliter la participation de la collectivité à la recherche de solutions à un problème donné. Les auteurs de trois communications discutent d’enjeux reliés à la communication participative et aux connaissances locales.

Une première communication du Mali (Sanou), décrit une recherche basée sur l’identification et l’utilisation des connaissances locales. Les chercheurs et les agriculteurs ont revu ensemble les pratiques et les méthodes de culture du karité et du néré, deux fruits importants dans la vie des populations sahéliennes. Cette démarche a permis d’identifier les points de vue et connaissances des agriculteurs et agricultrices face à ces espèces agroforestières (p. ex., qualité des arbres et des fruits, critères de classification des arbres, périodes de récolte et organisation). À la suite de ces travaux, on a pu proposer des solutions locales et adaptées au vieillissement des arbres et à la régénération lente des parcs, et comblé aussi des lacunes au plan de l’identification des ressources génétiques.

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Une deuxième communication (Collectif Kuma) met l’accent sur l’importance d’assurer la transparence durant l’identification de connaissances locales. Les membres de la collectivité et les détenteurs de connaissances doivent comprendre à quoi elles serviront et comment elles seront exploitées. Il est tout aussi important de garantir que la collectivité profite d’une partie importante des retombées éventuelles de ces connaissances. De même, il faut garantir que l’information recueillie ne servira pas contre la collectivité, ce qui s’est produit à maintes reprises dans le cas des droits fonciers.

Ce document soulève aussi la question de tenir spécifiquement compte des connaissances locales des femmes, qu’on oublie depuis longtemps parce que leurs activités ont été sous-évaluées sur les plans économique et social. Dans le contexte de la recherche effectuée par Ouattara et Ouattara sur la communication et le développement durable, on a donné à des femmes locales de la formation en animation et organisé des réunions distinctes avec des hommes et des femmes. Les facilitatrices ont toujours expliqué aux femmes l’importance de leurs connaissances dans la recherche de solutions à un problème en particulier.

Une solution moderne à un problème donné aura aussi plus de chance d’être adoptée s’il existe déjà une pratique semblable dans la collectivité. Au Sahel, par exemple, l’utilisation de roches pour protéger les champs contre l’érosion a été facilement acceptée parce que l’on utilisait déjà des branches mortes pour empêcher l’eau d’envahir les champs.

Dans une troisième communication, Diarra décrit un cas du Mali où l’on a utilisé des connaissances ancestrales pour améliorer la production agricole et le mieux-être de la collectivité. Une vieille femme du village pouvait prédire les bonnes années pluvieuses et les années de sécheresse, et recommander aux agriculteurs de cultiver les terres situées sur les hauts plateaux (au cours des années pluvieuses) ou à proximité de la rivière (pendant les années de sécheresse). C’est pourquoi chaque famille avait deux lopins de terre, un à proximité de la rivière et l’autre sur les plateaux. Son secret, qu’elle gardait jalousement, c’est qu’elle basait ses prédictions sur la hauteur à laquelle les hirondelles faisaient leur nid dans les arbres situés près de la rivière.

Après sa mort, et avec la permission des autorités du village, on a dévoilé son secret aux villageois afin d’inciter la collectivité à protéger la rivière peu profonde contre l’érosion excessive des berges. Les villageois ont consenti à participer à de telles activités afin de protéger les oiseaux et le savoir qu’ils apportaient avec eux chaque année. On voit ainsi comment utiliser le savoir local non seulement dans la vie quotidienne, mais aussi pour inciter les gens à mieux gérer leurs ressources.

Participation de la collectivité locale au diagnostic et à la planificationLa CPD permet aussi à la collectivité locale de participer à la définition d’un problème de développement (ou d’un but commun), à la découverte de ses nombreuses dimensions, à la formulation de solutions possibles (ou d’une série d’interventions) et à la prise d’une décision sur une série concrète d’interventions à expérimenter ou mettre en oeuvre. Cela signifie aussi qu’il faut faciliter les échanges et la collaboration avec d’autres interlocuteurs qui seraient en mesure d’appuyer ce processus.

Dans le passé, beaucoup de chercheurs et de praticiens identifiaient un problème dans une collectivité et faisaient l’essai de solutions avec la collaboration de la population locale. Avec la CPD, le chercheur ou le praticien du développement devient facilitateur d’un processus qui met à contribution les collectivités locales et d’autres interlocuteurs pour définir un problème et le résoudre, ou pour atteindre un but commun.

Le processus de communication devrait aider les gens à définir un problème particulier auquel ils veulent s’attaquer, à discuter de ses causes et à les comprendre, à trouver des solutions possibles et à s’entendre sur une série d’activités dont ils veulent

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faire l’essai. Il est utile d’insister sur le fait que tout cela ne se produit pas au cours d’une seule réunion avec des représentants de la collectivité. Il faut laisser au processus le temps d’évoluer.

Dans certains cas, le point de départ n’est pas un problème en particulier : c’est plutôt un but commun que se fixe une collectivité. Comme dans le cas du processus axé sur l’identification d’un problème, la collectivité décidera de mettre en oeuvre une série de mesures pour chercher à atteindre le but en question. À la fin des deux processus, la collectivité s’entend sur une série concrète d’interventions.

Idéalement, c’est à ce moment qu’il faudrait définir des objectifs de développement ou de recherche pour renforcer l’initiative choisie par la collectivité et l’accompagner. En général, toutefois, ces objectifs sont déjà définis dans une proposition de recherche et de développement conçue avant que l’on commence à consulter la collectivité. Une solution au problème consiste à prévoir de réviser les objectifs initiaux avec la collectivité au début du projet de recherche ou de développement. Idéalement, il faudrait toutefois modifier les règles administratives des bailleurs de fonds, ainsi que les méthodologies adoptées par les praticiens, pour faciliter la participation de la collectivité au stade de la définition de ce qui pourrait devenir par la suite une initiative de recherche ou de développement.

Établissement de partenariats à l’échelon localLa CPD pivote sur le concept de l’établissement de partenariats entre tous les intervenants du développement qui ont des contacts avec les collectivités locales ou qui peuvent contribuer à l’initiative de développement menée par une communauté donnée.

Il arrive souvent qu’un projet de recherche ou de développement se déroule en collaboration avec une collectivité locale, mais sans tenir compte d’autres initiatives qui peuvent essayer de mobiliser la même collectivité par d’autres processus de participation. Une telle situation cause énormément de fatigue dans la collectivité et peut aussi créer une surdose de participation. La méthodologie devrait prévoir le repérage d’autres initiatives en cours, l’établissement d’un lien de communication avec celles-ci et la recherche de possibilités de synergie ou de collaboration.

Ces activités qui se déroulent en collaboration avec une collectivité locale permettent aussi aux chercheurs et aux praticiens de trouver des partenaires possibles qui pourraient participer à l’exercice de recherche ou de développement. Il pourrait s’agir d’une station de radio rurale, d’une troupe de théâtre ou d’une ONG qui travaille avec la même collectivité. Si l’on établit des contacts dès le début du projet, ces groupes sentiront qu’ils peuvent jouer un rôle utile dans la conception du projet de recherche au lieu de se percevoir en cours de route comme de simples fournisseurs de services.

Les collectivités locales ont des échanges au sujet de leurs problèmes de GRN avec des services techniques gouvernementaux, des ONG, des projets de développement, des médias ruraux, des organismes communautaires et des organisations de recherche. Toutes ces entités ont leurs propres plans d’action et, très souvent, il n’y a aucun lien entre les diverses interventions sur le plan du développement. Afin de maximiser l’impact de diverses initiatives locales, il semble important de créer des partenariats et d’établir des synergies à l’échelon communautaire.

Cette question de la collaboration n’est pas facile. Dans une des communications de l’Afrique (Collectif Kuma), on soulève la question de la collaboration avec les techniciens des services gouvernementaux et, plus précisément, le problème de la cohabitation d’approches participatives et non participatives. Les techniciens sont habitués à exécuter et mettre en oeuvre des programmes déjà établis par les autorités gouvernementales. Leur mandat consiste souvent à amener des gens à adopter leurs recommandations et

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à participer à leurs programmes, ce qui va à l’encontre des démarches participatives que nous voulons mettre en oeuvre. Il faut donc prévoir présenter la démarche de la CPD aux partenaires avec lesquels nous voulons collaborer.

Contraintes et défisPour franchir les étapes ci-dessus, il faut satisfaire à certaines conditions. El Dabi présente un exemple de l’Égypte où l’on n’a pu mettre en oeuvre la communication participative. Le projet visait à établir des mécanismes d’implantation d’un plan de développement stratégique dans le sud de l’Égypte. Il fallait définir les obstacles dont il fallait tenir compte et proposer des modifications réalistes qui amélioreraient la participation possible d’intervenants des secteurs public et privé de la société civile dans le développement local.

Pour ce faire il était prévu de former les autorités locales en planification participative et d’implanter une démarche de communication participative incluant l’identification des problèmes, des voies et canaux de communication de tous les intervenants, la conception d’un programme de formation à l’intention des interlocuteurs immédiats pour leur permettre de comprendre la CPD et de l’appliquer dans leur collectivité, et l’accompagnement des partenaires dans l’élaboration d’ une stratégie de CPD pour les plans de développement de leur collectivité.

La mise en oeuvre du plan s’est toutefois butée à plusieurs obstacles. Tout d’abord, on a perçu la participation comme un processus visant à permettre aux gens des collectivités de faire entendre leurs problèmes et non comme un moyen pour eux de chercher des façons de surmonter les problèmes en question. Deuxièmement, le projet n’a pas prévu suffisamment de temps pour évaluer les interventions antérieures ou assurer la formation de façon participative. Troisième facteur mais non le moindre, on n’a pas affecté suffisamment de ressources à l’institutionnalisation des démarches participatives. C’est pourquoi on n’a pu implanter la communication participative dans le contexte de ce projet.

Adjibade fournit des exemples de certaines des difficultés pratiques que présente la mise en oeuvre de la communication participative, particulièrement en contexte rural. Le document décrit aussi certaines des conditions qu’il faut respecter. Adjibade aborde l’importance de connaître d’avance la langue locale, ainsi que les voies et les outils de communication utilisés dans la collectivité; celle de la négociation avec les hommes d’une collectivité afin de déterminer dans quelles conditions les femmes peuvent participer à des activités en particulier; celle des considérations relatives au temps et à la distance, de l’établissement de partenariats avec des organisations locales qui connaissent mieux leur collectivité et le contexte local; celle de la prise en considération d’autorités locales (traditionnelles, administratives et familiales) et de l’harmonisation de la compréhension de la communication participative entre les facilitateurs, les décideurs et les participants en cause. Ce document nous rappelle aussi qu’il faut prévoir plus de temps pour mettre en oeuvre des processus de communication participative qu’on en prévoit habituellement dans les projets de développement.

Adjibade nous rappelle aussi que les activités de communication participative entraînent habituellement l’expression du besoin d’aide matérielle et financière pour mettre en oeuvre la solution définie au cours du processus. Il faut prévoir quelque part que l’on répondra à ces besoins, que ce soit dans le cadre du projet même ou par des partenariats. Sinon, le processus s’arrête là où il devrait commencer. Le document montre aussi qu’il est important de ne pas séparer les activités de communication participative des activités de développement et qu’il faut prévoir des ressources pour appuyer ces deux aspects complémentaires.

Un autre document décrit l’expérience de l’implantation de la communication dans le contexte d’un projet de GRN participative dans la région de Tonle Sap au Cambodge (Thompson). Le projet a mis l’accent sur la communication comme élément à part

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entière de ses activités. On a appliqué un vaste éventail d’outils et de méthodologies pour informer, éduquer et promouvoir la participation. Ces efforts sont toutefois demeurés limités étant donné qu’il n’y avait pas de plan global de communication. Les méthodes de CPD peuvent définir les interventions communautaires qui conviennent le mieux et les options de gestion dans chaque collectivité afin d’appuyer les efforts communautaires de GRN. Il faut toutefois intégrer les différentes activités de communication dans un plan systémique et stratégique pour en réaliser l’efficacité possible.

4. APPUI DE LA GRN PAR DES STRATÉGIES ET DES OUTILS DE COMMUNICATIONAvec la CPD, les stratégies de communication pivotent sur une initiative définie par la collectivité pour s’attaquer à un problème précis ou atteindre un but commun.

Après que les membres de la collectivité ont défini une initiative concrète qu’ils souhaitent réaliser, il faut déterminer à la fois les diverses catégories de personnes les plus touchées par ce problème de GRN et les groupes qui pourraient aider à le résoudre. Il pourrait s’agir de groupes communautaires en particulier ou d’autres intervenants qui peuvent ou pourraient jouer un rôle dans l’initiative mise en œuvre pour résoudre le problème ou atteindre le but.

S’adresser à un auditoire général comme « la collectivité » ou « les agriculteurs » n’aide pas vraiment à intégrer les gens dans la démarche de communication participative. Chaque groupe qui constitue une collectivité, que ce soit par son âge, son genre, son origine ethnique, sa langue, son occupation , sa situation économique et sociale, etc. a ses propres caractéristiques, sa propre façon de percevoir un problème et sa solution, ainsi que sa propre façon d’agir. De même, les besoins en communication varient considérablement dans chaque groupe de la collectivité ou catégorie d’interlocuteurs en particulier.

Dans tous les cas, il importe d’accorder une attention particulière aux relations de genre. Dans tous les contextes, les besoins, les rôles sociaux et les responsabilités des hommes et des femmes diffèrent. C’est aussi le cas du degré d’accès aux ressources, de la participation aux processus décisionnels et de leur façon de percevoir un problème commun ou des solutions possibles. C’est vrai aussi chez les jeunes. Il existe souvent une distinction marquée entre les rôles et les besoins des jeunes filles et ceux des femmes plus âgées, ainsi qu’entre les façons des hommes âgés et des jeunes de percevoir le même problème. C’est pourquoi leurs intérêts et leurs besoins diffèrent, tout comme leur façon de voir les choses, et tout comme leurs contributions à l’initiative de recherche ou de développement différeront aussi.

Besoins et objectifs de communication On peut classer en général les besoins en développement en besoins matériels et besoins en communication. Tout problème de développement donné, et les efforts déployés pour le résoudre, comporteront des besoins en ressources matérielles et reliés aux conditions d’acquisition et de gestion de celles-ci. Il y a toutefois des besoins complémentaires qui mettent en cause la communication pour partager de l’information, influencer des politiques, résoudre des conflits, faciliter l’apprentissage et appuyer la prise de décisions et les interventions en collaboration. Il est clair que ces aspects liés aux ressources matérielles et aux communications doivent aller de pair et que tout effort de recherche ou de développement doit en tenir compte systématiquement.

Cela dit, la communication participative met davantage l’accent sur la deuxième catégorie de besoins, tout en cherchant à répondre aux besoins en ressources matérielles sur lesquelles se concentre l’effort de recherche ou de développement.

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Les objectifs de communication reposent sur les besoins en communication de chaque groupe en particulier qui s’intéresse au problème en cause ou aux activités qui feront partie du projet. Ces besoins en communication sont établis par tous les interlocuteurs en cause et sont soumis à un processus de sélection. Les choix peuvent reposer sur les besoins les plus urgents ou sur ceux qui devraient répondre le plus aux interventions. On traduit ensuite ces besoins en une série d’interventions qu’il faudrait réaliser pour répondre à chacun d’entre eux.

En règle générale, dans le contexte de la GRN, ces interventions sont reliées à l’une ou l’autre des fonctions de communication suivantes : appuyer des efforts de sensibilisation, partager de l’information, faciliter l’apprentissage, appuyer la participation, la prise de décision et l’intervention fondée sur la collaboration, résoudre des différends et influencer la prise de décisions et l’environnement des politiques en GRN.

Utilisation participative des moyens de communicationSouvent, des chercheurs et des praticiens qui veulent utiliser la communication dans leurs activités souhaitent produire une vidéo, une émission de radio ou une pièce de théâtre sans essayer d’abord de déterminer comment ce moyen de communication contribuera au projet de recherche ou de développement. L’expression « moyens de communication » sous-entend en soi qu’ils ne sont ni le « produit » ni le « résultat » des activités de communication.

La CPD adopte une autre perspective. Elle guide les participants dans un processus de planification qui commence par l’identification d’un problème ou but de développement et en particulier, l’implication de groupes spécifiques de partenaires ainsi que la définition de leurs besoins en communication et des objectifs en la matière. En collaboration avec des membres de la collectivité et d’autres intervenants, l’équipe de recherche ou de développement détermine ensuite les activités et les moyens de communication appropriés nécessaires pour atteindre ces objectifs. Il s’agit d’un processus collectif de dégagement de consensus et non d’une stratégie élaborée en dehors de la dynamique sociale.

La CPD place aussi les médias traditionnels ou modernes sur un pied d’égalité avec la communication interpersonnelle et les expériences d’apprentissage comme les visites sur le terrain ou les cours destinés aux agriculteurs. Il faut bien entendu préciser clairement dès le début du projet l’importance d’utiliser ces moyens de communication de façon à appuyer une communication multidirectionnelle.

Il y a deux situations dont il faut tenir compte en ce qui concerne les outils de communication. Nous discutons souvent de la question dans l’optique de l’utilisation par des équipes de recherche et de développement d’outils de communication pour appuyer leurs activités. Les membres de la collectivité doivent toutefois pouvoir aussi utiliser ces outils de communications pour leurs propres besoins.

Trois critères semblent particulièrement utiles dans le choix des outils de communication : leur utilisation réelle dans la collectivité, le coût de leur utilisation et les contraintes qui en découlent, ainsi que leur polyvalence. Dans la mesure du possible, il faudrait compter d’abord sur les outils de communication déjà utilisés dans la collectivité locale pour échanger de l’information et des idées, ou sur les outils avec lesquels les gens se sentent le plus à l’aise. Avant de prendre une décision, il faut aussi tenir compte de facteurs liés aux coûts et à la durabilité, ainsi qu’aux différents types d’utilisation.

Quant aux outils utilisés par les praticiens de la GRN, les communications contenues dans la présente publication accordent une attention particulière à l’intégration de la communication interpersonnelle et des médias communautaires : discussions thématiques communautaires, théâtre participatif, radio et communication participatives, fermes-écoles, vidéos, photographies, illustrations et réunions communautaires.

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Rencontres causeriesPresque tout le monde considère les rencontres causeries comme un outil de communication incontournable. Ces discussions sous-entendent toutefois aussi un processus et des attitudes particulières chez le facilitateur. Une communication du Collectif Kuma présente deux exemples de facilitateurs et des processus suivis lorsqu’on utilise cet outil.

Une autre communication (Thiamobiga) établit un lien entre un cas en particulier dans le cadre duquel des discussions communautaires ont aidé à gérer des feux de brousse et à protéger l’environnement naturel. Il insiste sur le lien entre la communication participative et la « palabre » – façon traditionnelle d’aborder des enjeux et des problèmes à l’échelon communautaire dans le contexte ouest-africain.

Théâtre participatifLe théâtre participatif semble aussi constituer un outil de communication favori. Dans une autre communication du Collectif Kuma, on discute des expériences d’un théâtre d’agricultrices et explique le processus suivi pour utiliser le théâtre-débat comme outil de communication participative.

Dans une autre communication sur la même expérience (Thiamobiga), on décrit comment les femmes ont utilisé le théâtre-débat comme moyen d’autonomisation. Le théâtre-débat, dans le contexte duquel une discussion suit la pièce et où on répète certains éléments de la pièce après les commentaires, a servi pour aborder des problèmes de fertilité des sols avec les agricultrices. On pensait au début utiliser ce moyen pour les aider à exprimer leurs préoccupations et pour illustrer les causes des problèmes et des solutions possibles. Le processus a toutefois donné naissance à une approche de responsabilisation dans le contexte de laquelle les femmes ont décidé de jouer elles-mêmes.

Au cours d’une cérémonie traditionnelle qui a lieu en période de sécheresse, les femmes sont autorisées à se déguiser en hommes pour appeler la pluie. Les femmes participantes se sont inspirées de cette cérémonie afin de pouvoir aborder des sujets sans risquer de créer de conflits. (Pendant la cérémonie, les hommes n’ont pas le droit d’être offensés).

En participant à la discussion pour définir les problèmes reliés à la fertilité du sol, et en apprenant à s’exprimer comme comédiennes dans une pièce, les femmes ont non seulement inscrit au programme communautaire le problème de fertilité de leurs sols, mais elles ont aussi pris confiance en elles et commencé à s’affirmer davantage. Elles ont aussi eu plus d’impact sur la collectivité parce que des membres de celle-ci s’adressaient à d’autres membres au sujet de questions d’intérêt commun, au lieu de laisser des intervenants du développement de l’extérieur lancer un débat et promouvoir des solutions.

Par ailleurs, cette intervention de membres de la collectivité, des agricultrices en l’occurrence, a suscité des attentes auxquelles on n’a pu satisfaire après la fin de l’intervention. Il n’y pas eu de suivi direct et même si l’expérience a autonomisé les participantes, l’impact a été limité. Ce problème illustre l’importance de prévoir, dès le début de la planification, le suivi d’une intervention en particulier.

Radio et communication participativeUne autre communication du Collectif Kuma nous rappelle que la radio est le moyen de communication le plus utilisé en Afrique rurale, mais aussi qu’elle est encore sous-développée comme outil de communication participative.

Les chercheurs ont commencé à utiliser la radio pour promouvoir la participation des membres de la collectivité, ainsi qu’une stratégie de communication fondée sur des communicateurs « endogènes ». Les programmes étaient basés sur des entrevues et des discussions avec des membres de la collectivité et une équipe de communication

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constituée d’un producteur d’émissions de radio, d’un représentant des agriculteurs et d’un représentant d’un organisme ou projet de développement actif dans la région. Les agents de développement ont reçu de la formation pour préparer les activités sur le terrain, participer à la production d’émissions et recueillir des commentaires après la diffusion.

On a ensuite lancé d’autres activités pour compléter l’approche médiatique et appuyer la participation communautaire. On a défini des problèmes de GRN et trouvé des solutions possibles au moyen de groupes de discussion constitués de femmes, de jeunes et d’hommes adultes. Dans chaque localité, on a créé un comité constitué d’intervenants du développement local pour définir des activités qui pourraient répondre aux besoins auxquels on avait accordé une priorité. À l’échelon du village, on a mis à contribution un comité de communication pour faciliter la mise en oeuvre. Ces activités sur le terrain ont ensuite servi à produire des émissions de radio diffusées par la station locale de radio rurale entre deux visites sur le terrain. Au cours de ces émissions, les discussions ont porté sur des questions essentielles posées par des membres de la collectivité. Des spécialistes ont aussi formulé des commentaires sur ces questions et participé à un dialogue avec des membres de la collectivité.

Ces activités ont ouvert dans les collectivités un espace de dialogue sur les problèmes liés à la GRN tout en favorisant la synergie entre différents intervenants du développement actifs dans la même localité. Les décisions découlant de ce dialogue et les échanges d’information ont mis à contribution des membres de la collectivité et les ont engagés dans un processus où ils cherchent activement des solutions au lieu d’attendre passivement de l’aide de l’extérieur (p. ex., en se débarrassant d’un parasite infestant les orangers, en reprenant un dialogue entre agriculteurs et éleveurs et en permettant aux femmes de se faire entendre au cours des réunions communautaires).

Cette expérience a néanmoins montré aussi les difficultés liées à une approche participative, soit le danger de susciter des attentes sans pouvoir répondre aux besoins définis. Par exemple, après avoir attaché une priorité au manque d’accès à l’eau potable dans la localité, des membres de la collectivité et l’équipe d’intervention n’avaient pas beaucoup de solutions à proposer. L’intervention ne bénéficiait pas d’une structure disposant des ressources techniques et financières nécessaires pour répondre à ces besoins précis et un partenariat n’avait pas été mis en place pour ce faire.

Une communication de Radio Ada (Larweh) décrit une situation où une collectivité a dû décider de migrer ou d’assainir son cours d’eau étouffé par les mauvaises herbes, les arbres et les débris et qui disparaissait en fait pendant la majeure partie de l’année. La radio communautaire a participé à un exercice au cours duquel la collectivité a discuté de la situation et décidé d’enlever des débris qui s’accumulaient depuis 40 ans. Des collectivités voisines ont participé au travail collectif et après quatre ans, le cours d’eau irrigue les champs et est maintenant navigable. Grâce à la démarche de communication participative facilitée par la radio communautaire locale, la collectivité a pu s’unir pour atteindre un seul but et transformer sa situation par ses propres moyens.

Fermes-écolesUne communication du Zimbabwe (Mhere) présente le cas de fermes-écoles dont les agriculteurs ont créé eux-mêmes le programme. Ces cours visent à exposer les agriculteurs à un processus d’apprentissage au cours duquel on leur présente graduellement de nouvelles technologies, de nouvelles idées, de nouvelles situations et de nouvelles façons de répondre aux problèmes. Les agriculteurs peuvent ensuite adapter leurs technologies et leurs méthodes actuelles et améliorer leur production. Ils ne sont toutefois pas les « bénéficiaires » : ils participent à fond à la création de cet outil de communication.

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Le programme d’études est créé avec la participation des agriculteurs. On conjugue des techniques et des méthodes de recherche participative pour consulter les membres de la collectivité afin de comprendre comment ils envisagent leurs activités agricoles, ce qu’ils considèrent comme leurs principaux problèmes, comment ils aimeraient les résoudre, ce qu’ils souhaitent apprendre pour résoudre leurs problèmes et quand ils souhaitent que cet apprentissage se produise. Ainsi développé, le programme est présenté aux partenaires avec lesquels on en discute, pour ensuite créer des modules que le personnel sur place utilisera dans ces échanges quotidiens avec les agriculteurs.

Vidéographie, photographie, affiches et brochuresDans d’autres situations, et en particulier celles qui sont axées sur l’autonomisation, des membres de la collectivité prendront l’initiative en utilisant des outils de communication ou prenant des décisions sur la conception, la production et l’utilisation de documents de communication. La contribution de la collectivité à la conception, à la production et à l’utilisation est bien documentée dans le document de l’Ouganda (Odoi) sur l’initiation des villageois à la vidéographie, à la photographie, ainsi qu’à la production d’affiches et de brochures.

Cette communication décrit l’expérience d’agriculteurs qui ont révisé une vidéo produite par l’équipe de recherche afin de partager les résultats de leurs activités avec d’autres agriculteurs. Dans ce cas, les agriculteurs ont rejeté la vidéo parce qu’ils étaient convaincus qu’ils pouvaient faire mieux pour diffuser leur propre message et leurs expériences. Les agriculteurs ont d’abord tenu une réunion pour décider qui devrait présenter quoi et comment, ont fixé une date pour la nouvelle séance de tournage et indiqué aux chercheurs quand ils étaient prêts. Cela ne se serait jamais produit si les chercheurs n’avaient pas amorcé un processus de communication participative avec les agriculteurs. Il s’agit d’un exemple clair de leur autonomisation.

La même chose s’est produite dans le cas des photographies. Après qu’on les a développées, les agriculteurs les ont rejetées et ont recommencé à zéro. Les membres de l’équipe de recherche étaient découragés et se demandaient quand la production prendrait fin.

Comme dans le cas des documents imprimés, on explique dans la communication que les agriculteurs ont pu facilement produire une brochure, mais que la production de l’affiche s’est révélée plus difficile parce que le concept était nouveau pour eux. Devant une affiche décrivant les méthodes appropriées d’utilisation de l’eau et d’hygiène, qui se trouvait à l’entrée de la salle communautaire, les agriculteurs ont déclaré qu’elle visait à enseigner à écrire. Il est clair que l’outil n’était pas adapté à la collectivité en cause.

Il faudrait aussi envisager les outils du point de vue de leur utilisation. Dans un cas au Liban (Hamadeh et al.), on a eu recours à des réseaux d’utilisateurs locaux, inspirés par une façon traditionnelle de communiquer et de régler des problèmes, et à la vidéo pour gérer des conflits et aider des groupes marginalisés à s’exprimer.

Cette recherche visait avant tout à comprendre les changements de systèmes de gestion des ressources dans un village isolé des hautes terres (pour passer d’une économie traditionnelle fondée sur les céréales et le bétail à un système de culture pluviale de fruits à noyaux) et à améliorer les perspectives de développement communautaire durable. Des membres de la collectivité ont participé à différentes phases et l’on a cherché à créer des compétences en établissant un réseau d’utilisateurs locaux.

Le réseau a fait fonction d’intermédiaire pour réunir les différents utilisateurs (p. ex., producteurs de cerises, propriétaires de troupeaux et femmes), des chercheurs, des représentants de projets de développement et du gouvernement, ainsi que des

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représentants de décideurs traditionnels, et pour appuyer les efforts de participation, de communication et de création de compétences.

Dans le contexte du projet, on a utilisé une façon traditionnelle de communiquer et de trancher des dilemmes, appelée « majlis », selon laquelle les problèmes sont abordés à l’intérieur de la collectivité. À mesure que le réseau s’étendait, les chercheurs ont commencé à mieux comprendre les principes de la communication et le besoin de créer des sous-réseaux spécialisés. On a établi trois sous-réseaux, dont deux portaient sur les principaux secteurs de production du village (bétail et culture fruitière) et un troisième, sur les besoins des femmes.

Les outils et les méthodes étaient principalement interpersonnels: tables rondes, vulgarisation communautaire par des étudiants, application pratique conjointe de saines pratiques de GRN et ateliers sur différents thèmes de la GRN. On a aussi produit de brefs documentaires vidéo qui ont servi au cours des réunions.

On a fait l’essai de la vidéo dans le contexte d’un effort visant à faire participer la collectivité au dialogue et au règlement des différents. Des groupes marginalisés ont pu s’exprimer et les images ont aidé à éclairer des aspects du conflit et de la dissension. Les vidéos ont été projetées en présence de toutes les parties et des discussions, qui ont aussi été filmées et documentées, ont suivi les projections. On a ensuite projeté à tout le village une version révisée de la vidéo qui comportait les discussions précédentes jusqu’à ce qu’un dialogue positif commence à prendre forme dans l’auditoire. On a aussi utilisé la vidéo pour mettre en évidence la productivité économique des femmes et provoquer des discussions.

On a constaté que la vidéo aidait les groupes marginalisés, habituellement timides au cours des réunions structurées, à s’exprimer. On a aussi constaté que les vidéos aidaient à provoquer des discussions entre des personnes et des groupes différents et à les sensibiliser davantage.

5. INFLUENCER OU APPUYER LA MISE EN OEUVRE DES POLITIQUES DE GRNPour promouvoir la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire et la durabilité de l’environnement, il faut aussi modifier le contexte institutionnel et législatif. Les autorités, les responsables des politiques et les prestateurs de services locaux et nationaux jouent un rôle actif dans l’orientation et l’application du contexte de réglementation où doivent se produire les changements qui s’imposent. Il importe donc de faciliter le dialogue à ce niveau afin de mobiliser l’appui nécessaire aux initiatives concrètes mises sur pied par les collectivités locales.

Le praticien de la GRN ou le chercheur peuvent aussi, comme intervenants de la communication, faciliter le dialogue au niveau des autorités, des responsables des politiques et des prestateurs de services locaux et nationaux, ou entre la collectivité et le contexte des politiques, pour préconiser des changements dans celui-ci.

Deux communications du Cambodge (Kimhy et Pinreak) présentent des exemples de la façon dont la communication participative peut agir sur une politique et aider à la mettre en oeuvre.

La première décrit les expériences de collectivités autochtones qui ont évalué un projet de GRN mis en oeuvre par le gouvernement et ont présenté leurs constats à ses représentants. Leur présentation comportait aussi des recommandations au gouvernement dans un contexte où les représentants de celui-ci disent habituellement aux collectivités ce qu’elles doivent faire. Dans le cadre de cette activité, l’évaluation a servi à la fois d’outil d’autonomisation des membres de la collectivité et aussi de moyen de représentation pour influencer le gouvernement.

La deuxième communication décrit une situation où une équipe visitait des villages, dans le contexte d’une nouvelle loi sur l’extension des droits fonciers, pour les informer de leurs droits et des lois en vigueur. Il est difficile de faire franchir des barrières culturelles et linguistiques à de l’information ou à des connaissances, mais

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ce l’est encore plus lorsque certains des concepts n’existent même pas dans la langue des gens avec qui l’on veut établir un dialogue. Ce fut le cas dans le contexte de ce projet parce que des concepts comme les lois et les titres fonciers n’existaient pas dans la culture et la langue des collectivités autochtones visitées par l’équipe. Par ailleurs, il était important de les faire connaître et d’en discuter parce que des intérêts puissants enlevaient leurs terres et leurs forêts aux collectivités qui restaient impuissantes face à ce phénomène.

Tout d’abord, l’équipe d’intervention, dont les membres ne parlaient pas les langues autochtones et avaient préparé leurs documents d’information sans participation aucune des collectivités, n’a pas réussi à communiquer avec elles. Les membres de l’équipe ont ensuite fait l’essai d’une démarche de communication participative, mis à contribution des membres des collectivités et préparé des séances d’information et des documents de communication. Ils ont aussi inclus des autochtones comme membres à part entière de leurs activités d’information sur les droits fonciers, ce qui a changé toute leur façon d’aborder le travail avec les collectivités.

Il est intéressant de signaler que l’équipe a aussi utilisé le cadre logique des « moyens de subsistance » au cours de ses discussions avec les collectivités. Les membres de l’équipe ont présenté des idées exprimées par les collectivités dans des tableaux qu’elles ont peints et révisés ensuite. Dans ce cas, les éléments visuels ont appuyé considérablement les discussions et l’expression de points de vue différents.

Une communication des Philippines (Torres) décrit comment la communication participative a aidé à mettre en oeuvre la gestion communautaire de leurs ressources chez des populations autochtones. Lorsque les Philippines ont adopté la gestion communautaire des forêts comme stratégie nationale, des problèmes de préparation et de capacité de collectivités de s’acquitter des tâches et des fonctions qui leur étaient confiées ont fait leur apparition.

L’Association pour le développement communautaire de Bayagong, organisation d’habitants des hautes terres, a pu affirmer, légitimer et maintenir son contrôle sur des terres boisées que les gens occupaient de facto depuis des années. À cette fin, les membres de la collectivité ont participé à un processus de planification de la gestion participative des ressources. La communication participative a constitué un élément fondamental des méthodes de recherche participative utilisées au cours d’une année de recherche-action.

Cette expérience participative a aidé les participants à mieux saisir la qualité de leurs ressources, à évaluer leurs propres capacités et faiblesses et à définir des menaces internes et externes et des moyens possibles d’y faire face. L’expérience leur a permis d’acquérir les connaissances, les attitudes et les compétences spécialisées nécessaires pour mieux gérer leurs terres boisées et élaborer des stratégies nationales de gestion des forêts. Les intéressés ont toutefois appris aussi à s’ouvrir davantage et à affirmer davantage leurs droits. Ils ont acquis le pouvoir de définir leurs besoins et d’y répondre en utilisant des ressources locales disponibles avant de se tourner vers l’extérieur pour obtenir de l’aide.

La CPD a joué un rôle critique en apaisant l’environnement sociopolitique de façon à instaurer un climat favorable au contrôle des terres boisées par la collectivité. Le succès n’a toutefois pas été attribuable à la communication seulement. D’autres facteurs comme le capital social, la présence sur la scène des politiques et l’aide d’intervenants de l’extérieur ont aussi joué un rôle. Cette démarche de communication participative a permis l’évolution d’une forme de participation qui s’est écarté du processus habituel de mobilisation et consultation.

Une communication de l’Indonésie (Jahi) décrit un projet de recherche issu d’une question que des chercheurs se sont posée pendant qu’ils effectuaient une étude de référence dans une région rurale éloignée. Les chercheurs se demandaient si des

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agriculteurs pauvres et des travailleurs agricoles sans terre pourraient participer à la gestion d’une bande de terre publique qui suivait un cours d’eau et tirer ainsi des retombées de cette activité.

La loi interdisait les activités agricoles sur les terres en question. Seule la production de plants et d’arbres qui aideraient à stabiliser la bande de terre était permise (on avait relevé les berges pour éviter que le secteur soit inondé). Par ailleurs, des agriculteurs sans terre poursuivaient leurs activités agricoles sur les berges du cours d’eau, sans tenir compte des règles. Les dirigeants du ministère des Travaux publics appliquaient les règlements et faisaient disparaître leurs récoltes. On a dégagé un consensus. Les agriculteurs poursuivraient leurs activités à condition de ne cultiver qu’au delà du premier mètre à partir de la rive. L’élevage de moutons fut également introduit.

Les chercheurs ont établi des liens entre des chercheurs universitaires, des dirigeants des administrations locales, des services de vulgarisation, l’administration de villages et des collectivités agricoles locales. On a créé des documents de communication comme des diaporamas, des affiches et des bandes dessinées dont on a fait l’essai avec des agriculteurs et des agents de vulgarisation. On a développé différents sujets pour des auditoires différents. Les présentations sur les possibilités offertes par l’élevage du mouton, par exemple, s’adressaient aux responsables des politiques et aux décideurs locaux et celles qui étaient destinées aux agents de vulgarisation et aux agriculteurs ont porté sur des aspects techniques de l’élevage du mouton et le budget des familles rurales.

On a ensuite offert des activités de création de compétence aux agents de vulgarisation sur le bétail et aux chefs de file des agriculteurs. Les agriculteurs ont eu accès à des prêts en nature sous forme de moutons et ont convenu de remettre un certain nombre des petits au projet. Les chefs de file des agriculteurs ont aussi bénéficié d’activités de surveillance et d’encadrement et ont convenu de partager l’information avec d’autres agriculteurs après avoir acquis suffisamment d’expérience.

On a encouragé et appuyé la communication entre agriculteurs et constaté qu’il s’agissait d’une façon plus efficiente d’éveiller l’intérêt des agriculteurs que ce que faisaient auparavant les chercheurs ou les agents de vulgarisation. L’expérience a aussi incité des intérêts publics et privés à appuyer des activités économiques comme l’élevage du mouton dans le district. Quinze ans après le début du projet, la production de bétail dans le district a pris beaucoup d’expansion et les petits agriculteurs peuvent quand même y gagner leur vie.

Un autre enjeu relié aux politiques a trait aux situations où la communication participative doit coexister avec de mauvaises politiques et aider à trouver des solutions. Dans une communication décrivant le cas du Parc national Kahusi-Biega en République démocratique du Congo (Mumbu), nous trouvons une situation où une mesure de conservation (création d’un parc pour protéger un écosystème unique et une population de gorilles de montagne) a été mise en oeuvre d’amont en aval, sans la participation de la population vivant dans ce nouveau territoire protégé ou en périphérie de celui-ci. Dans un tel modèle de conservation, la population est exclue de la gestion des ressources naturelles et n’aide donc pas à appuyer la nouvelle mesure impopulaire.

Il a fallu élaborer un plan de rechange en l’occurrence. Une intervention a permis de planifier et d’élaborer, en collaboration avec les populations vivant dans la région, des activités de développement communautaire en harmonie avec la conservation du parc et de ses ressources naturelles. Ces activités ont évolué rapidement vers la création de mécanismes de gestion participative. En peu de temps, on a établi quelques 200 « parlements de village » pour faciliter le processus. Les collectivités ont non seulement changé d’avis à l’égard du parc, mais elles ont commencé à se charger de le protéger.

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La promotion de politiques va de pair avec l’intervention collective. Une des communications (Ouoba) illustre la vie quotidienne d’une femme rurale du Sahel africain et décrit les difficultés que lui posent les ressources naturelles : manque d’accès à l’eau et au bois de chauffage; problèmes de fertilité du sol et manque de reconnaissance des titres fonciers. On y décrit aussi les efforts d’une association de femmes rurales qui cherchent à trouver des réponses collectives à ces problèmes individuels. Les solutions aux problèmes de GRN que connaissent les femmes rurales doivent émaner de leurs propres efforts, processus que la communication participative peut faciliter.

Dans une autre communication connexe, Ouoba partage ses expériences d’élaboration d’un plan d’action en GRN avec des femmes rurales de l’Afrique de l’Ouest. On peut voir que de telles initiatives s’inscrivent dans le contexte d’un processus d’autonomisation au cours duquel des groupes marginalisés qui ne sont pas habitués à s’exprimer au sujet de ces questions prennent confiance en eux et apprennent à faire connaître leurs difficultés et leurs besoins et à formuler des interventions précises pour y répondre.

6. LE RENFORCEMENT DES COMPÉTENCESLes chercheurs en GRN et les praticiens doivent s’approprier de la CPD et, de façon plus générale, de l’utilisation de la communication dans le contexte du développement participatif ou de la recherche participative. La CPD doit aussi faire l’objet d’échanges et de discussions avec les autres interlocuteurs, comme des membres de la collectivité, qui participent à ces activités.

Cinq communications (Adandedjan; Caballero et Cadiz; Kaumba et Kamlongera; Velasco et Matulac; Quiamco) traitent de la mise en oeuvre du programme Isang Bagsak, programme d’apprentissage et de recherche en CPD. L’expression « Isang Bagsak », provient des Philippines, signifie dégager un consensus, une entente. Parce qu’elle fait mention de la communication comme processus participatif, l’expression est devenue le titre de travail de cette initiative.

Le programme vise à accroître la capacité des praticiens du développement, des chercheurs et des interlocuteurs connexes, qui sont actifs dans le domaine de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles, à utiliser la CPD pour travailler plus efficacement avec les collectivités locales et des interlocuteurs connexes. Le programme cherche à améliorer la capacité des praticiens et des chercheurs à communiquer avec les collectivités locales et d’autres interlocuteurs et à leur permettre de planifier, en collaboration avec des membres de la collectivité, des stratégies de communication qui appuient des initiatives de développement communautaire.

Le programme conjugue les activités interpersonnelles à une stratégie d’apprentissage à distance et à la technologie du Web. Le volet apprentissage à distance permet au programme de répondre aux besoins des chercheurs et des praticiens qui ne pourraient quitter facilement leur travail pour un programme basé sur un campus. Le programme est actuellement mis en œuvre en Asie du Sud-Est et en Afrique orientale et australe, et est en phase de planification dans le Sahel africain.

En Asie du Sud-Est, le programme Isang Bagsak est mis en oeuvre par le Collège de communication pour le développement de l’Université des Philippines à Los Banos. Le programme fonctionne aux Philippines, au Cambodge et au Vietnam.

Aux Philippines, le programme est mis en oeuvre en partenariat avec le PANLIPI, ONG qui fournit de l’aide juridique aux Philippins autochtones. L’utilisation de la communication participative vise à appuyer les efforts des Autochtones en matière de GRN.

Au Vietnam, la création de compétences en CPD vise à améliorer les méthodes de gestion des ressources côtières, à comprendre comment influencer les politiques locales afin d’améliorer la gestion participative des ressources côtières et à créer un

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réseau national de gestion communautaire des ressources côtières. On prépare en outre une version vietnamienne du programme, Vong Tay Lon.

Au Cambodge, les participants proviennent du nouveau service d’administration des forêts, entité nationale chargée d’élaborer et de mettre en oeuvre des politiques forestières qui ont des répercussions sur plus de la moitié de la superficie totale du pays. Le service terminera avant la fin de 2004 son énoncé de politique forestière nationale, qui reposera sur un exercice de consultation auquel participeront tous les intervenants dans l’élaboration de la politique forestière nationale.

En Afrique australe et orientale, le programme est mis en oeuvre au Zimbabwe, au Malawi et en Ouganda par le Centre de la communication pour le développement de la CDAA. En créant des compétences en CPD, le programme vise à faciliter la collaboration entre décideurs, planificateurs, agents de développement et collectivités pour améliorer la gestion à la fois de l’environnement et des ressources naturelles, ainsi que des initiatives de recherche et de développement. Le programme oeuvre en partenariat avec l’Organisation nationale de la recherche agricole en Ouganda, un projet de recherche en GRN appelé Initiative en faveur des bordures désertiques au Malawi et le ministère de la Recherche agricole et de la Vulgarisation au Zimbabwe.

Un autre programme en préparation est destiné à un réseau d’agroforesterie au Sénégal, au Burkina Faso et au Mali, qui sera dirigé par le Programme du Sahel du Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF). Au Sahel, la mise en oeuvre du programme Isang Bagsak découle du fait que l’on a réalisé que de nouvelles techniques d’agroforesterie qui devraient améliorer la vie des gens ne sont pas adoptées de façon générale en dépit de tous les efforts déployés en ce sens. Le programme vise à renforcer les capacités des différents intervenants afin de leur permettre de coproduire et de codiffuser de nouvelles connaissances en collaboration avec tous les interlocuteurs en cause.

Trois autres communications traitent aussi de création de compétences. Diop laisse entendre que la création de compétence en CPD devrait porter avant tout sur trois aspects : planification par objectifs; méthodologie de la « participation observante » (version endogène de l’observation participante, outil traditionnel de recherche-action); et outils de communication.

El Hadidy aborde la question de la création de compétences dans le contexte de la région arabe, mais situe la CPD dans le cadre plus vaste du développement participatif. L’auteur préconise dans cette communication que les praticiens se livrent à une réflexion critique sur leurs pratiques. Le texte avance aussi que le simple transfert de savoir-faire et de compétences spécialisées ne suffit pas en soi; il faut plutôt baser les approches d’apprentissage sur le fait que chaque praticien a des compétences spécialisées et des aptitudes qu’il faut mettre en valeur.

Contrairement à la création de compétences qui passe par une approche fondée sur le transfert de « savoir-faire », les approches de renforcement des capacités devraient plutôt se baser sur la facilitation des échanges d’expériences et de connaissances de chaque participant. Ce processus va de pair avec la documentation de pratiques locales de participation et la discussion en la matière.

La troisième communication, qui provient de la FAO (Acunzo et Thompson), décrit un effort national de création de compétences au Cambodge qui devait aider une équipe de communication (réunissant des membres du personnel du service de communication de deux ministères) à concevoir et mettre en oeuvre des interventions ciblées d’information et de communication afin d’appuyer les plans et les efforts de collectivités locales dans le domaine de la GRN. La stratégie visait à mettre en oeuvre des stratégies et des plans d’information et de communication sur le terrain et à donner de la formation en cours d’emploi aux sites pilotes. Le processus d’apprentissage a inclus l’analyse participative, la formation des villageois, la conception et la production de matériel, ainsi que la surveillance et l’évaluation

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de l’amélioration des méthodes d’agriculture et de pêche. La présentation décrit les leçons apprises au cours de cette initiative et les contraintes qu’elle a comportées. Au nombre des défis qu’a dû relever cette initiative, les auteurs mentionnent qu’à cause du manque de budgets opérationnels, il est difficile pour les membres de l’équipe de communication qui viennent de recevoir leur formation d’appliquer leurs nouvelles compétences spécialisées. On a aussi observé des tendances semblables dans le contexte d’autres initiatives de renforcement de compétences. Il est important de tenir compte de ces situations dans le cadre des efforts de renforcement de capacités et déterminer les moyens de mieux intégrer ces efforts dans les plans opérationnels des institutions ciblées.

Enfin, les efforts de création de compétences et de coapprentissage devraient aussi documenter et promouvoir l’utilisation systématique de la communication participative pour le développement au service de la GRN.

Il importe d’abord d’indiquer qu’il n’existe pas de recette unique universelle pour amorcer un processus de communication participative pour le développement. Chaque fois, il faut chercher la meilleure façon d’établir le processus de communication entre différents groupes et interlocuteurs de la collectivité et l’utiliser pour faciliter et appuyer la participation à une initiative ou une expérience concrète de promotion du changement qui émane d’une collectivité.

Il importe toutefois de participer au processus de planification. Nous avons déjà insisté sur le fait que pour utiliser la communication participative pour le développement, les chercheurs et les praticiens du développement doivent changer d’attitude. Beaucoup d’équipes de recherche et de praticiens définissaient habituellement un problème dans une collectivité et faisaient l’essai de solutions avec la collaboration de la population locale. Sur le plan de la communication, la tendance consistait à informer et faire connaître à la fois les nombreuses dimensions du problème en cause et la solution que les membres de la collectivité devraient mettre en oeuvre (du point de vue d’un expert). Nous avons mentionné plus tôt que cette pratique avait peu d’effet, mais beaucoup de chercheurs et de praticiens du développement suivent encore cette voie.

Utiliser la communication participative pour le développement signifie mettre la collectivité locale à contribution pour définir le problème de développement (ou un but commun), en découvrir les nombreuses facettes, trouver des solutions possibles (ou une série d’interventions) et prendre une décision sur une série concrète de mesures à essayer ou à mettre en oeuvre. La responsabilité n’incombe plus uniquement aux chercheurs ou aux praticiens du développement et à leur organisation.

La communication participative pour le développement appuie un processus de développement participatif ou de recherche participative. Nous représentons habituellement un tel processus par quatre phases principales qui, bien entendu, ne sont pas distinctes et s’intègrent l’une dans l’autre : définition du problème, planification, mise en oeuvre, suivi et évaluation. En bout de ligne, on décide soit de revenir à la case départ (définition du problème) et d’entreprendre un autre cycle, soit de réviser la phase de planification ou de passer à des efforts de diffusion de l’expérience, en amorçant un autre cycle de planification, de mise en oeuvre et d’évaluation.

Le modèle de communication participative pour le développement appuie un tel processus. Comme points de référence dans un tel processus global et systématique, voici les étapes habituelles que nous franchissons pour planifier et mettre en oeuvre la CPD dans un contexte de GRN3 :

3 Voir Bessette, G. 2004. Involving the Community: A Facilitator’s Guide to Participatory Development Communication. CRDI, Ottawa, et Southbound, Penang.

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Étape 1 : Établir une relation avec une communauté et approfondir sa compréhension du contexte local

Étape 2 : Impliquer la communauté : identifier un problème; trouver des solutions potentielles; décider de la mise en oeuvre d’une initiative concrète

Étape 3 : Identifier les différents groupes communautaires et les autres intervenants concernés par le problème (ou l’objectif) et l’initiative de

développement

Étape 4 : Déterminer les besoins et identifier les objectifs et les activités de communication

Étape 5 : Choisir les outils de communication appropriés

Étape 6 : Préparer et pré-tester les contenus et le matériel de communication

Étape 7 : Faciliter la mise en place de partenariats et réviser la planification

Étape 8 : Développer un plan de suivi et mise en oeuvre

Étape 9 : Assurer le suivi et l’évaluation de la stratégie de communication et documenter le processus de recherche ou de développement

Étape 10 : Mettre au point une stratégie d’utilisation des résultats

Ce processus n’est toutefois pas séquentiel. Certaines de ces étapes peuvent se franchir en parallèle ou dans un ordre différent. Il est aussi possible de les définir différemment selon le contexte. Le processus est continu et non linéaire. Il peut toutefois guider le chercheur ou le praticien de la GRN pour qu’il appuie le développement ou la recherche en participation par la communication.

7. ASPECTS INSTITUTIONNELSLa mise en oeuvre de la communication participative pour le développement fait face aux mêmes contraintes que le processus de développement participatif qu’elle appuie : il faut du temps, des ressources et des moyens pratiques qu’il est possible d’obtenir seulement à la suite d’une négociation avec les bailleurs de fonds en cause.

Lancement du processusDans la culture traditionnelle du développement, l’aide financière découle souvent de l’étude et de l’acceptation d’une proposition officielle, qu’il s’agisse d’une proposition de recherche au service du développement ou d’un projet de développement. Afin de franchir les différents niveaux de l’étude et de l’acceptation, une telle proposition doit être claire et complète. Il faut définir clairement et justifier le problème ou le but du développement, décrire les objectifs avec précision et décrire en détail toutes ses activités. Bien entendu, le budget complet doit figurer dans la proposition et comporter toutes ces notes budgétaires.

Même si certaines organisations repensent ce processus et préconisent une orientation programmes plutôt que projets, dans la plupart des cas, c’est la situation à laquelle nous faisons face. Il importe d’inscrire cette grande question au programme des bailleurs de fonds et de proposer une révision de ce processus : si nous voulons

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Faciliter le dialogue, l’apprentissage et la participation en gestion des ressources naturelles - Guy Bessette112

élaborer un processus de développement participatif et que les membres de la collectivité et d’autres interlocuteurs aient leur mot à dire dans toutes les étapes du processus, dès la définition et la planification, il faut du temps et des ressources.

Entre-temps, nous pouvons définir deux moyens qu’il est possible de proposer à l’organisation donatrice. Le premier consiste à présenter une proposition préalable qui visera à définir et planifier le projet pour tous les intervenants. Dans le deuxième cas – qui constitue en réalité un deuxième choix au cas où le premier ne serait pas possible – il est possible de présenter la proposition de façon à permettre de la réviser avec des membres de la collectivité et d’autres intervenants.

Changements pendant la mise en oeuvreLa participation est génératrice de changements. Il est impossible de planifier un processus de développement ou de recherche participative comme on planifie la construction d’une route : la situation évolue à mesure que la participation est facilitée et que l’on réunit davantage de commentaires, que l’on dégage des consensus et qu’il se prend des décisions. Voilà pourquoi il s’agit toujours d’un processus itératif et il faut pouvoir modifier les plans au fur et à mesure afin de mieux atteindre les objectifs établis.

Il faut aussi en discuter avec les bailleurs de fonds en cause, puisqu’une fois qu’une proposition est acceptée, il peut devenir difficile de modifier les termes de référence.

Considérations relatives au tempsLa durée des activités est un autre problème auquel nous faisons face. Il faut souvent deux ou trois ans pour élaborer une proposition. La participation prend toutefois du temps et souvent, ce n’est tout simplement pas suffisant pour lancer vraiment le processus. C’est pourquoi, même si les résultats attendus ne se sont pas encore concrétisés, il faut déterminer les progrès réalisés par l’activité de recherche et de développement et présenter les argumentaires en faveur du maintien de l’appui. Ces activités démontrent aussi qu’il importe d’établir un mécanisme d’évaluation continu pendant la mise en oeuvre du processus.

8. PERSPECTIVES RÉGIONALESDeux communications, provenant de l’Afrique et de l’Asie, analysent la CPD dans une optique régionale.

En Asie, Quebral, qui a été la première à utiliser l’expression « communication pour le développement » il y a plus de 30 ans, décrit l’évolution des approches participatives de la communication pour le développement. Le document situe cette évolution dans le contexte des services de communication et des collèges et universités asiatiques dans l’optique d’une lutte contre la pauvreté et la faim. L’auteure signale que les communications pour le développement s’identifient non pas à la technologie en soi, mais plutôt aux personnes, et en particulier aux désavantagés des régions rurales. La CPD utilise les outils et les méthodes de communication nécessaires pour donner aux gens la capacité et l’information dont ils ont besoin pour prendre leurs propres décisions.

L’auteure insiste pour reconnaître les débuts de la communication pour le développement et bâtir sur ce qui s’est fait. Les modèles plus anciens sont toujours valides dans certaines situations et il est toujours possible de les utiliser, le cas échéant. Le document présente aussi des leçons et des observations tirées de cette expérience asiatique.

Dans le contexte de la GRN, Quebral insiste sur l’importance d’un équilibre entre la technologie et l’autonomisation des gens, ainsi que sur la façon dont la CPD peut aider les gens à circonscrire leurs problèmes et à choisir les technologies dont ils veulent faire l’essai.

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Présentant une autre optique régionale, Boafo décrit et analyse l’application de la communication participative pour le développement dans le contexte africain et insiste sur les liens entre la communication pour le développement et les différentes dimensions du développement sur le continent.

Depuis les décennies 60 et 70, on a suivi un grand nombre de stratégies et de démarches de communication pour le développement dans de nombreux programmes et projets de développement. Des organisations de développement les ont utilisées aussi. Il reste toutefois encore beaucoup d’efforts à faire pour s’attaquer aux contraintes liées à la pratique de la communication participative pour le développement, plus particulièrement dans le contexte des collectivités rurales et marginalisées où l’on retrouve la majeure partie des populations de la plupart des pays d’Afrique.

Dans un tel contexte, signale Boafo, les points d’accès à la communication communautaire et les médias traditionnels sont d’une importance particulière. Les applications efficaces des démarches et des stratégies de CPD à l’échelon local et communautaire doivent nécessairement passer par l’utilisation et l’exploitation de ces ressources de communication. Avec leurs démarches horizontales et participatives, elles peuvent contribuer efficacement à améliorer la participation au changement culturel, social et politique, ainsi qu’aux programmes de développement culturel, économique, sanitaire et communautaire.

9. CONCLUSIONDans le domaine de la GRN, la CPD est un outil qui renforce les processus de recherche et de développement participatifs. La CPD vise à faciliter la participation des collectivités à leur propre développement et à encourager le partage des connaissances nécessaires dans ces processus. La communication participative inclut la communication, la recherche et l’action dans un cadre intégré et met à contribution chercheurs, praticiens, membres de la collectivité et autres intervenants au cours des différentes phases du processus de développement. Le plus important, toutefois, c’est que la CPD montre que la GRN doit être reliée directement au programme des collectivités et viser à renforcer leurs efforts de lutte contre la pauvreté et d’amélioration de leurs conditions de vie.

Pour relever efficacement les trois défis interdépendants de la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire et la durabilité de l’environnement, la communication doit jouer les rôles suivants : assurer l’appropriation et non seulement l’acceptation, par la collectivité locale, de toute initiative de recherche ou de développement en GRN; appuyer l’apprentissage nécessaire pour réaliser l’initiative et faciliter la circulation des connaissances pertinentes; faciliter l’établissement de partenariats, de liens et de synergies avec les différents intervenants du développement qui travaillent avec les mêmes collectivités et agir sur les processus stratégiques et décisionnels à tous les niveaux (famille, collectivité, scène locale et nationale).

Pour atteindre ces objectifs, un effort majeur de création de compétences – ou, plus exactement, d’apprentissage participatif – s’impose pour les praticiens de la GRN. Les agents de développement, les ONG, les chercheurs, les agents de vulgarisation et les agents gouvernementaux responsables des services techniques ont besoin de compétences spécialisées appropriées en communication. Il faut reconnaître que la capacité de travailler avec les collectivités locales d’une façon sensibilisée aux questions de genre et de recherche participative, d’appuyer les processus d’apprentissage, d’établir des partenariats avec d’autres intervenants du développement et d’exercer de l’influence sur l’environnement stratégique est aussi importante que les connaissances nécessaires pour aborder des enjeux techniques en GRN.

Par ailleurs, les praticiens sur le terrain, les chercheurs et les membres de la collectivité qui participent à des initiatives de GRN ont l’expérience de l’utilisation de la communication dans le contexte d’initiatives de recherche et de développement

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Faciliter le dialogue, l’apprentissage et la participation en gestion des ressources naturelles - Guy Bessette114

en participation. Il n’y a pas de recette universelle, mais le partage, la discussion et la réflexion sur nos propres expériences ont beaucoup à nous apprendre.

Un tel processus va bien entendu de pair avec la documentation de nos pratiques de CPD en GRN et la discussion à ce sujet. Voilà pourquoi il faut élaborer des initiatives comme le programme Isang Bagsak et celle de la FAO au Cambodge, les appuyer et les multiplier dans divers contextes et situations. C’est aussi pourquoi l’apprentissage participatif en CPD, autant pour les praticiens que pour les intervenants, doit être au programme de toute organisation qui appuie des initiatives de recherche et de développement en GRN. C’est seulement à la suite de ces efforts que le développement participatif pourra se concrétiser, non seulement à l’échelon de nos discours, mais aussi là où la GRN se produit, soit sur le terrain. C’est aussi seulement à la suite de tels efforts que nous pourrons assurer que les interventions locales ont un impact global en agissant sur l’environnement des politiques et mettant les connaissances à la disposition de ceux qui en ont vraiment besoin.

Enfin, c’est grâce à de tels efforts que nous pourrons promouvoir et cultiver les valeurs qui sont au cœur même de notre travail, y compris celle selon laquelle les gens devraient pouvoir participer à fond à leur propre développement. Dans une communication récente, Nora C. Quebral insiste sur le fait que « Nous devons maintenant expliquer ces valeurs avec plus de précision et les cultiver plus rigoureusement dans nos actions. Nos méthodes de formation ont peut-être mis excessivement l’accent sur les compétences spécialisées au détriment des valeurs. Nous devons rendre les valeurs plus explicites, les jumeler délibérément avec les compétences spécialisées correspondantes au besoin. Le premier défi que je lance aux communicateurs en développement, c’est donc de mettre davantage l’accent sur les valeurs de la communication pour le développement dans leur pratique4. »

On peut lancer le même défi aux praticiens et aux chercheurs en GRN : nous devons faire en sorte que le développement participatif se concrétise si nous voulons appuyer des collectivités et des gouvernements dans les efforts qu’ils déploient pour relever les trois défis interdépendants de la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire et la durabilité de l’environnement. Les valeurs associées au développement participatif, les connaissances locales et modernes en GRN et les stratégies de communication participative pour le développement constituent l’ensemble nécessaire à cette fin.

BIBLIOGRAPHIEA : Communications présentées à l’Atelier du CRDI et de la FAO sur la communication et la gestion des ressources naturellesAcunzo, Mario and Jakob Thompson. Information and Communication for Sustainable

NRM in Agriculture: Lessons Learned in Cambodia.Adandedjan, Claude and Amadou Niang. Isang Bagsak Sahel: appuyer la co-production

et co-dissémination des innovations agro-forestières au Sahel.Adjibade Awa. Rôles des membres des équipes ayant recours à la communication

participative.Boafo, Kwame. Participatory Development Communication: An African ViewpointCaballero, Lourdes Margarita A, and Maria Celeste Cadiz. Isang Baksak Southeast

Asia.Collectif Kuma.6 Quand les paysans vont à l’école des femmes.

4 Quebral, Nora C. 2002. Reflections on Development Communication (25 Years Later). Collège de la communication au service du développement, Université des Philippines à Los Banos (UPLB), Los Banos, Philippines.

5 Les communications citées sous la rubrique « Collectif Kuma » ont été rédigées par Kadiatou Ouattara et Souylemane Ouattara à la suite des discussions qui se sont déroulées en juin 2003 entre quatre projets de recherche sur la GRN qui utilisaient la CPD.

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Collectif Kuma. Appui aux initiatives communautaires de lutte contre la desertification.Collectif Kuma. Trois questions en débat.Collectif Kuma. Valorisation des savoirs locaux.Collectif Kuma. Rencontres causeries.Collectif Kuma. Théâtre-débat.Collectif Kuma. Radio.Collectif Kuma and Karidia Sanon. Communication participative et gestion des usages

conflictuels en eau.Diarra, Ngolo. La vieille femme et les hirondelles.Diop, Amadou. Concepts migrants et formation en communication participative pour le

développement.El Hadidy, Waad. Participatory Development and Related Capacity Building Needs in the

Arab Region. El Dabi, Rawya. Attempting to Introduce PDC in a Strategic Development Plan.Hamadeh, Shadi, M. Haidar, R. Zurayk, M. Obeid, and C. Dick. Goats, Cherry Trees,

and Videotapes.Hani, May. A Regional Perspective from the Middle EastJahi, Amri. Involving Small Farmers in the Management of Natural ResourcesKalindekafe, Meya. The Communication Catchment Approach in Integrated Water

Management.Kaumba, Jones, and Chris Kamlongera. Isang Bagsak Eastern and Southern Africa.Kimhy, Lun and Pinreak. Mainstreaming PDC in Land Right Extension. Kimhy, Lun and Pinreak. Participatory Evaluation. Konate, Yacouba, Bellal Medellah, and Amadou Sangare. Contribution de la

communication participative à la lutte à la desertification.Larweh, Kofi. Obane: Going Back to the Basics.Le Van An. Participatory Development Communication in Hong Ha Commune. Mhere, Owen. Farmer Field Schools. Mumbu, Pierre. Communication participative et gestion des ressources naturelles: Cas du

parc national Kahusi-Biega et des pygmées du Sud-Kivu.Odoi, Nora. Participatory Development Communication Among Banana Growers.Odoi, Nora. Introducing Villagers to Video Production, Photography, and the Making of

Posters and Brochures.Ouattara, Kadiatou et Souleymane Ouattara. La parole qui étanche la soif.Ouoba, Rosalie. Sali Fofana, la Sahélienne qui voulait changer le monde.Ouoba, Rosalie. Parole aux femmes rurales dans l’élaboration d’un plan d’action en

gestion des ressources naturelles.Quebral, Nora. Participatory Development Communication: An Asian Perspective Quiamco, Madeline B. Isang Bagsak in Support of CBNRM in Vietnam.Sanou, Habi. Utilisation d’outils de communication et valorisation des savoirs locaux des

communautés.Sow, Fatoumata. Enseignements tirés de quatre projets au Burkina Faso, Mali et Tchad.Thiamobiga, Jacques. Récit des femmes paysannes qui apprennent aux populations à

entretenir leurs terres.Thiamobiga, Jacques. Récit de la palabre qui sauve la brousse des villages du Burkina

Faso.Thompson, Jakob. The Need for Communication in CBNRM: The Tonle Sap Case Study.Torres, Cleofe S. Paving the Way for Creating Space in Local Forest Management.Velasco, Theresa H. and Luningning A. Matulac. Isang Bagsak South East Asia: A

Window to the World for the Custodians of the Philippine Forest.

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Faciliter le dialogue, l’apprentissage et la participation en gestion des ressources naturelles - Guy Bessette116

B. Publications récentes sur la communication et la gestion des ressources naturelles

Bessette, G. 2004. Involving the Community: A Facilitator’s Guide to Participatory Development Communication.

IDRC, Ottawa, and Southbound, Penang http://web.idrc.ca/ev_en.php?ID=52225_201&ID2=DO_TOPIC Coldevin, G. 2003. Participatory Communication: A Key to Rural Learning Systems. FAO,

Rome http://www.fao.org/sd/2003/KN10023_en.htmDinucci, A. and Z. Fre. 2003. Understanding the Indigenous Knowledge and Information

Systems of Pastoralists in Eritrea. FAO, Rome http://www.fao.org/sd/2003/KN11013_en.htm FAO. 2004. Etude de la situation et de l’évolution des systèmes de vulgarisation et

d’animation forestière en Afrique Sahélienne. FAO, RomeFeek, W. and C. Morry. 2003. Communication and Natural Resource Management,

Theory-Experience. FAO, Rome, and the Communication Initiative, Victoria http://www.fao.org/sd/2003/KN07063_en.htm

Quarry, W. and Ramirez, R. 2004. Communication for Development: A Medium for Innovation in Natural Resource Management. IDRC, Ottawa, and FAO, Rome

http://web.idrc.ca/en/ev-63569-201-1-DO_TOPIC.htmlQuebral, Nora C. 2002. IPM Farmer Field Schools: A Work in Progress. College of

Development Communication, UPLB, Los BanosRajasunderam,C.V. 2004. Participatory Development Communication for Natural

Resource Management: A Compendium of Support Reference Materials. Units 1–5, Isang Bagsak Programme. http://www.isangbagsak.org

Shami, S. 2004. Integrating Communication for Development for Natural Resource Management in the Near East. FAO, Cairo and Rome

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La communication pour les groupes isolés et marginalisés

Silvia Balit

SYNTHÈSE La satisfaction des besoins des plus pauvres parmi les pauvres fait désormais partie des priorités les plus pressantes du développement international. Avec l’avènement de l’ère de l’information, la communication est de plus en plus reconnue comme un facteur essentiel de réalisation de ces objectifs. Toutefois, si la communication, le savoir et l’information sont des éléments-clé, ils ne sont pas suffisants pour résoudre les problèmes de pauvreté. On ne peut appréhender les communautés marginales que dans des contextes plus larges de forces sociales, politiques et économiques et de structures de pouvoir inégales. Ces contraintes doivent être prises en compte et il faut reconnaître que l’information et la communication ne peuvent pas se substituer à des changements structurels.

Depuis que la discipline de la communication pour le développement est apparue – il y a près de 50 ans – de nombreux changements sont intervenus et de nouvelles orientations sont nécessaires pour s’adapter à un environnement changeant, aux effets de la mondialisation, aux nouveaux acteurs sociaux et aux opportunités offertes par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Dans le même temps, il y a de nombreuses leçons à tirer de ces années d’expérience de travail avec les groupes défavorisés et une série d’approches participatives développées dans le passé sont toujours valables. Ce document propose la nécessité de lier l’ancien et le nouveau.

Bien qu’il n’existe aucune règle universelle fondée sur les meilleures expériences du passé, ce document décrit quelques uns des principes qui peuvent toujours constituer des lignes directives sur la façon dont la communication participative peut être utilisée pour aborder les groupes isolés et marginalisés. Il analyse également différents médias et approches adaptés au travail avec les communautés. Il analyse le potentiel et les limites des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le travail avec les pauvres et identifie les secteurs où l’accès local et l’appropriation par les groupes marginaux peuvent être améliorés. Il conclut que les praticiens de la communication doivent apprendre à s’adapter à la nouvelle époque de l’information et à sélectionner les canaux de communication les plus pertinents, en utilisant tous les outils disponibles dans leur boîte à outils. Le dialogue, le respect de l’identité des communautés et l’intégration des systèmes indigènes de communication restent les ingrédients essentiels de la réussite et de la durabilité des initiatives entreprises pour les défavorisés.

La question de départ est la suivante: pourquoi, après tant d’années d’expériences, y a t-il si peu de processus de communication participative dans les programmes de lutte contre la pauvreté et pour l’amélioration des moyens d’existence des groupes vulnérables? De nombreuses contraintes sont identifiées et quelques raisons sont suggérées. Ce document propose aussi des idées pour l’action, qui pourraient aider à surmonter les contraintes et améliorer l’efficacité de la communication pour les groupes isolés et marginalisés. Il s’agit notamment de:

Lier l’ancien et le nouveau

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La communication pour les groupes isolés et marginalisés - Silvia Balit118

Pour les gouvernements • mettre en place des structures de régulation et un environnement politique

favorable à la communication avec les pauvres, en y associant tous les acteurs en présence

• respecter les identités, les langues, la diversité culturelle et les traditions des minorités

Pour les donateurs et les agences de développement• planifier la communication stratégique pour la réduction de la pauvreté, avec un

calendrier adapté et des ressources suffisantes • mettre en place des équipes constituées de professionnels de la communication

pour le développement• donner aux projets du temps et du personnel pour la recherche participative, le

suivi et l'évaluation • établir des partenariats pour promouvoir l’accès local aux technologies de

l’information et de la communication (TIC) pour les pauvres et s’assurer de leur usage pertinent ainsi que de leur appropriation sociale

Pour les praticiens de la communication• former les professionnels de la communication à tous niveaux, avec un accent

particulier sur les approches participatives pour le changement social• plaider auprès des décideurs pour l’intégration de la communication dans les

programmes de réduction de la pauvreté• identifier de nouveaux outils et indicateurs pour assurer le suivi et l'évaluation des

processus de communication participatifs avec les groupes défavorisés • s'attaquer à la question de la durabilité • partager davantage d'informations et d'expériences sur les approches de

communication participatives réussies avec les populations marginalisées.

1. MISE EN PLACE

1.1. Défis et opportunités Nous vivons dans une période de transformations radicales, avec de nouveaux défis et opportunités dans le domaine de la communication pour le développement. Les images de l’attaque contre le World Trade Centre à New York, le 11 septembre 2001 – et de la réplique des attentats dans les trains de Madrid le 11 mars 2004 – sont parvenues, en temps réel, dans les zones les plus reculées du monde. Les flux constants d’informations et d’images sur la guerre et la terreur sont là pour nous rappeler le pouvoir et les potentialités de la nouvelle ère de l’information. Mais quel pourcentage de ce potentiel sert à améliorer la qualité de vie des plus pauvres? Comment la société de l’information mondiale influence-t-elle la communication pour les groupes isolés et marginalisés?

1.2. De nouveaux scénarios Les gouvernements et les institutions traditionnelles se sont retirés de certaines fonctions qui sont désormais prises en charge par la société civile et le secteur privé. La mondialisation façonne le monde économique et la privatisation des services publics, la libéralisation des marchés et les accords commerciaux internationaux ont déterminé de nouveaux scénarios pour le développement avec des conséquences sérieuses pour les gouvernements, les communautés locales et les groupes marginalisés. De plus, cette mondialisation sans justice sociale a créé des tensions nouvelles et dramatiques. Les disparités politiques, sociales, culturelles et économiques sont à la racine de problèmes

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9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement 119

internationaux actuels comme la pauvreté, les conflits ethniques, les guerres, les fondamentalismes religieux, les migrations et les diasporas.

1.3. L’époque de la communication Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont créé ce que l’on appelle la société de l’information et du savoir. Les technologies de la communication s’adaptent de plus en plus aux pays en développement et des expérimentations avec les TIC montrent que la révolution de l’information peut avoir des effets positifs sur le développement économique et social. Mais l’accès aux infrastructures et leur utilisation sont toujours limités pour les groupes vulnérables dans les zones rurales des pays en développement. Ces populations vulnérables sont du mauvais côté du fossé numérique et risquent de se marginaliser encore davantage. Simultanément, les processus de démocratisation, de décentralisation et de pluralisme ont ouvert la voie à l’appropriation par les communautés de plusieurs médias de communication comme la radio et la vidéo – et même dans certains cas Internet. Des processus horizontaux de population à population sont donc en train d’apparaître, parallèlement aux structures dominantes et aux lignes verticales de la communication. Mais les marchés des médias mondiaux sont désormais dominés par une poignée de compagnies multinationales et la mondialisation de la communication menace la diversité culturelle et les valeurs traditionnelles des minorités.

1.4. Le développement humain La réflexion sur le développement a évolué, passant d’une approche pyramidale basée sur la croissance économique et les transferts de technologies à un développement centré sur les populations, au moins au niveau des discours. La participation des communautés urbaines et rurales aux prises de décision relatives à leur propre existence, l’analyse des questions de parité hommes/femmes, l’équité, les facteurs sociaux, les approches globales et le respect des savoirs indigènes sont désormais pris en compte par de nombreux programmes de développement. On met davantage l’accent sur les dimensions culturelles et locales du développement. On accepte aussi beaucoup plus largement l’idée que le développement humain implique le dialogue, l’interaction et le partage des idées pour l’avènement du changement social et des innovations.

1.5. La politique internationaleLes questions les plus importantes de l’agenda du développement, au cours des dernières décennies, demeurent des défis pour le nouveau millénaire et sont reprises dans les huit objectifs de développement du millénaire adoptés par les Nations unies en 2000. Ils reflètent la dimension multidimensionnelle de la pauvreté et les besoins des groupes les plus pauvres et les plus traditionnellement marginalisés. Ils comprennent la pauvreté extrême, les faibles revenus et la faim, le manque d’éducation primaire, l’inégalité des genres, la mortalité élevée des mères et des enfants, les mauvaises conditions de santé – comme le montre la propagation de l’épidémie du VIH/SIDA, de la malaria et de la tuberculose – et le manque de durabilité de l’environnement. Tous ces défis pourraient bénéficier des processus participatifs pour le changement social. D’où l’importance de la communication comme élément essentiel pour s’attaquer à ces problèmes.

En mettant l’accent sur les plus pauvres, la communauté internationale reconnaît que des mesures spéciales sont nécessaires pour satisfaire les besoins des groupes vulnérables et des minorités. Par exemple, de nombreuses initiatives sont actuellement prises en faveur des populations indigènes, qui font partie des populations les plus désavantagées et les plus vulnérables du monde contemporain. En 1994, les Nations

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La communication pour les groupes isolés et marginalisés - Silvia Balit120

unies ont lancé la décennie internationale des populations indigènes (1995-2004) afin de promouvoir et de protéger les droits des populations indigènes dans le monde entier. Dans le cadre de cette décennie, en 2000, le Conseil économique et social des Nations unies a créé le Forum permanent sur les questions indigènes, avec une adhésion et une participation des populations indigènes. Le Forum dispose d’un mandat pour discuter des questions indigènes relatives au développement économique et social, à la culture, à l’environnement, à l’éducation, à la santé et aux droits humains. Il prodigue des conseils et des recommandations aux Nations unies sur les questions indigènes, renforce la sensibilisation, assure la promotion de la coordination et de l’intégration des activités au sein du système des Nations unies et diffuse l’information relative aux questions indigènes. Au cours de sa dernière session, en mai 2004, le Forum a adopté des recommandations relatives à l’éducation des populations indigènes. Ces discussions ont également soulevé la question de l’utilisation de la communication et des médias communautaires appropriés.

Toujours dans le cadre de cette décennie, la Commission des Nations unies sur les Droits de l’Homme prépare une déclaration universelle pour les droits des populations indigènes. L’article 17 de cette déclaration aborde spécifiquement la communication et déclare: «les populations indigènes ont le droit de disposer de leurs propres médias dans leurs propres langues. Ils ont également le droit à un accès équitable à toutes les formes de médias non indigènes. Les Etats doivent prendre des mesures efficaces pour s’assurer que les médias contrôlés par l’Etat reflètent bien la diversité culturelle indigène».

La conférence internationale la plus récente, le Sommet mondial de la société de l’information, tenu à Genève en 2003 et qui se poursuivra à Tunis en 2005, visait à mettre le potentiel du savoir et les TIC au service du développement et à promouvoir l’utilisation de l’information et du savoir pour la réalisation des objectifs de développement approuvés au niveau international, y compris ceux de la Déclaration du millénaire. Le plan d’action a souligné l’importance de promouvoir l’accès et l’utilisation pour tous, en insistant sur les besoins spécifiques des femmes et des filles, des populations indigènes, des personnes âgées, des handicapés, des enfants défavorisés, et d’autres groupes vulnérables. Il a appelé les gouvernements et les autres acteurs à mettre en place des points d’accès communautaires publics et polyvalents, qui offrent un accès abordable ou gratuit à Internet. Il a souligné l’importance qu’il y a à ce que les TIC proposent des contenus socialement adaptés pour émanciper les populations locales. Le plan d’action a également appelé les gouvernements à créer des politiques qui renforcent et encouragent le respect des cultures, des langues et des traditions différentes. Il les a pressé de soutenir les médias basés au niveau des communautés locales, qui combinent l’utilisation des médias traditionnels et des nouvelles technologies pour faciliter l’utilisation des langues locales et pour protéger les héritages locaux et les communautés nomades. Il a invité les gouvernements à respecter le savoir et les traditions indigènes, à renforcer la capacité des populations indigènes à développer des contenus dans leurs propres langues et à leur permettre d’utiliser et d’exploiter leur savoir traditionnel dans la société de l’information.1

1.6. Les groupes isolés et marginalisés Les objectifs internationaux du développement accordent désormais une priorité élevée à l’atteinte des plus pauvres parmi les pauvres. Qui sont ces pauvres? Petits

1 « Modeler les sociétés de l’information en conformité avec les besoins humains »: la déclaration approuvée par les représentants de la société civile à la conférence a souligné l’importance du développement centré sur la population et de la communication comme processus de changement social. Elle a aussi insisté sur l’utilisation participative de la communication et sur la nécessité de l’engagement des divers groupes linguistiques et sociaux, cultures et populations, rurales et urbaines, sans exclusion, aux prises de décision.

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agriculteurs de subsistance, femmes, jeunes – dans les zones urbaines et rurales – populations indigènes, nomades, montagnards, réfugiés, paysans sans terres, artisans ruraux, petits pêcheurs, habitants de petites îles, pour n’en mentionner que quelques-uns. Pendant ces dernières années, l’environnement international a créé de nouveaux acteurs sociaux, comme les travailleurs migrants, la diaspora, les victimes du sida, les handicapés et les victimes des guerres et des situations de conflit.

La révolution de l’information a aussi créé une nouvelle catégorie: les pauvres en information et les analphabètes de l’informatique (Saik Yoon 2000). Les groupes isolés et marginalisés subissent des contraintes particulières en matière d’accès à l’information et à la communication qui limitent leur expression et leur participation à la sphère publique et au processus de prises de décision qui concernent leur propre existence. Ils appartiennent à la culture du silence. Ils sont du mauvais côté du fossé numérique, incapables de participer à la société de l’information et risquent donc d’être encore plus marginalisés sur les plans politique, social et économique.Quelles sont leurs caractéristiques?

• Ils sont pauvres, avec pratiquement pas ou très peu de ressources à consacrer à l’accès aux technologies de l’information;

• ils vivent dans des zones isolées, dans les quartiers pauvres des grandes villes, dans des zones montagneuses, dans de petites îles éloignées, souvent sans électricité ni téléphone;

• ils sont sans emploi, ou sont des travailleurs non qualifiés, des agriculteurs de subsistance, des ouvriers agricoles non qualifiés;

• ils sont analphabètes ou semi analphabètes avec peu d’accès à l’éducation et à la formation;

• ils font partie de groupes ethnolinguistiques minoritaires; • ils ont souvent des coutumes sociales, économiques, culturelles et politiques

différentes de celles des sociétés dominantes; • ils n'ont pas de pouvoir, souffrent de discriminations sociales et d'un manque de

reconnaissance de leur identité et de leur mode de vie; • ils sont victimes de la violence, de la drogue, des guerres et de nouvelles pandémies

comme le VIH/SIDA; • dans la majorité des cas, ils parlent des langues minoritaires.

Leurs systèmes d’information incluent les médias alternatifs comme la vidéo, l’audiovisuel, la radio locale et communautaire, la poésie, les proverbes, les contes, les chansons et la musique populaire, ainsi que les réunions informelles dans les rues, sur les places des marchés et au cours des fêtes rituelles. Ils appartiennent d’abord à des cultures orales.

Dans le même temps, la mondialisation et les nouvelles technologies de l’information ont créé de nouvelles identités, qui vont au-delà des frontières des Etats, des communautés géographiques ou des institutions traditionnelles. En conséquence, les mouvements sociaux qui représentent les groupes minoritaires et défavorisés utilisent les nouveaux réseaux de communication et les nouveaux flux d’information pour exprimer leurs préoccupations, partager leurs intérêts communs et promouvoir le changement social et l’action pour les droits collectifs. Ils ont créé des sphères publiques transnationales sans frontières temporelles ni spatiales. Ces mouvements sont généralement fondés sur des problèmes ou intérêts partagés comme les droits humains, les minorités ethniques, l’environnement, les normes de travail et le genre. A titre d’exemple, on peut citer les associations de femmes, les groupes pour les droits humains, les minorités ethniques, les groupes indigènes, les travailleurs migrants, les diasporas, les mouvements religieux, les victimes du sida, les militants de l’environnement, et les ‘Dalits’ (intouchables).

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Les TIC ont été utilisées avec succès pour donner la parole aux femmes et pour bâtir des réseaux de plaidoyer social et politique. A titre d’exemples, on peut citer des réseaux mondiaux comme Women’s Net et ISIS International et des réseaux régionaux comme Femnet, SANGONet et APC-Africa-Women en Afrique, Depth News and Women’s Feature Service en Asie, DAWN (Alternatives de développement avec les femmes pour une nouvelle ère) et CAFRA (Association caribéenne pour la recherche et l’action féministes) aux Caraïbes.

Les réseaux de médias constituent un point de convergence pour les journalistes indigènes de toutes les parties du monde pour diffuser de l’information avec un point de vue indigène et pour les utiliser comme support pour l’organisation de campagnes pour les droits des peuples indigènes à travers le monde. Les réseaux transnationaux qui lient de petits groupes locaux ont joué un rôle fondamental pour coordonner les actions de remise en cause les politiques de l’eau en Bolivie, contester les politiques de déforestation au Brésil et dénoncer le prix des médicaments en Afrique (Huesca 2001). Et il est bien connu que le mouvement indigène des zapatistes du Chiapas a pu survivre et faire connaître son programme grâce aux soutiens internationaux reçus à travers l’utilisation d’Internet et d’autres médias.

Ces mouvements sociaux et leurs réseaux utilisent Internet, des bulletins, des brochures, des bandes dessinées, de la vidéo, du théâtre de rue, des graffitis, la radio et d’autres médias qui sont à leur portée.

1.7. Information, savoir et communication Il a été démontré qu’en l’absence de connaissances, les apports économiques et technologiques sont sous-utilisés: la communication est indispensable pour partager les connaissances. Mais si le savoir et la communication sont essentiels, ils ne constituent pas des éléments suffisants pour lutter contre la pauvreté. Les communautés marginales n’existent pas hors de contextes plus larges, de forces sociales, politiques et économiques et de structures de pouvoir inégales qui constituent des obstacles au changement. Ces contraintes doivent être prises en compte. L’information et la communication ne doivent jamais se substituer à ces changements sociaux. Par exemple, le parti que les agriculteurs de subsistance pourront tirer de l’information dépendra d’autres facteurs, comme la propriété de leurs terres, la proximité des marchés, la disponibilité de moyens de transport, ainsi que de leurs ressources productives pour répondre aux opportunités que les sources d’information sont susceptibles de leur apporter. (Curtain, 2004). De plus, la collecte et la diffusion de l’information ne doivent pas être confondues avec le partage des savoirs et la communication. La communication est un processus interactif et le véritable savoir va au-delà de l’information. Le savoir, c’est le sens que la population donnera à l’information. Et, pour les sociétés, le monde, au-delà du sens de l’information, dépend de leurs capacités à en discuter et à en débattre. Pour que les changements sociaux adviennent, il faut ouvrir des espaces de dialogue. L’information ne devient savoir que lorsqu’elle aide les populations à communiquer, à participer et à faire des choix informés (Panos 1998).

1.8. la nécessité de nouvelles et meilleures orientations En tant que praticiens de la communication, notre mission a toujours été d’améliorer les conditions d’existence des pauvres et des personnes à risque. La meilleure évaluation de la communication pour le développement sera toujours de savoir comment elle a amélioré la qualité de vie des groupes marginaux et vulnérables. Même s’il y a eu beaucoup de changements depuis que la discipline de la communication est apparue, il y a près de 50 ans, il est désormais nécessaire d’adopter de nouvelles orientations pour répondre à un environnement en changement et à l’arrivée de nouveaux acteurs sociaux. Il est nécessaire de créer un cadre alternatif pour les interventions de

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la communication, véritablement orienté vers la population et la participation, et pas seulement en théorie. Il faut associer la population à l’identification de la nature du problème, la définition des priorités, la formulation des solutions et la gestion des processus du changement.

Dans le même temps, le bilan de toutes ces années d’expérience et de pratiques a été établi et il a permis de constater que de nombreuses approches développées dans le passé restent pertinentes. Il faut trouver une alliance de l’ancien avec le nouveau. Cela nous renvoie aux questions que cette table ronde se propose d’examiner, à savoir: les stratégies, les expériences et les connaissances actuelles sont-elles toujours pertinentes pour travailler avec les groupes marginaux et vulnérables et comment pourrait-on les modifier ou les développer?

2. QUELQUES LEÇONS TIRÉES DE L’EXPÉRIENCE Dans cette deuxième partie, nous vous proposerons quelques principes tirés des expériences les plus concluantes du passé et qui constituent toujours des directives valables en matière de communication participative pour le changement social avec les groupes marginaux et vulnérables.

2.1. La communication en tant que processus Le défi du programme de travail pour le changement entrepris avec les habitants de l’île de Fogo dans les années 60 a souvent été considéré comme une étape essentielle dans le développement des processus participatifs de communication. Le processus de Fogo a été un des premiers exemples de tournage de séquences filmées ou enregistrées en

Une nouvelle approche de la communication sur le VIH/SIDA

La pandémie du VIH/SIDA est la question de santé publique la plus grave à laquelle les pays en développement aient jamais été confrontés et elle engendre de nouveaux individus vulnérables et marginalisés. L’épidémie est à la fois une cause et un effet du sous-développement et la propagation du VIH/SIDA est liée aux questions d’inégalité de genre, de discrimination, de pauvreté et de marginalisation. La lutte contre le sida est devenue une grande priorité internationale et la communication se trouve en première ligne dans les programmes de lutte, car c’est un outil déterminant pour influencer les comportements et les styles de vie. En dehors de quelques succès remarquables, les exemples d’éradication de ce nouveau défi au développement restent modestes et la pandémie continue à se répandre. On a trop misé sur les résultats à court terme, alors que le sida est un problème complexe, qu’il faut envisager dans le long terme. Les stratégies mises en œuvre jusqu’ici étaient fondées sur les changements de comportements et la formulation et la diffusion de messages pour inciter les gens à l’abstinence, la fidélité ou à l’utilisation de préservatifs. Elles n’ont pas toujours été couronnées de succès. Il faut donc admettre que la diffusion des messages de santé – même si elle est essentielle – n’est pas suffisante et de nouvelles approches doivent être trouvées.

La huitième table ronde sur la communication pour le développement, qui s’est tenue au Nicaragua en 2001, s’est penchée sur le VIH/SIDA et sur les défis qu’il représente, en termes de communication. Elle a conclu que des stratégies plus larges et à plus long terme, avec une série d’approches complémentaires et multisectorielles sont nécessaires pour aborder les aspects sociaux, culturels, politiques et de genre du sida. Les approches devraient s’écarter des pratiques qui consistent à envoyer des messages, pour adopter une autre stratégie qui s’appuie sur le dialogue et le débat et sur l’écoute de ceux qui sont le plus touchés par la pandémie. Il est essentiel de cesser de chercher à persuader les gens de changer de comportements, pour s’engager plutôt dans une consultation et des négociations qui permettent d’identifier les meilleures voies à emprunter dans un processus de partenariat.

(Source: rapport de la table ronde inter agences, 2001).

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vidéo comme un processus de changement social dans une communauté défavorisée. Ce processus s’appuyait sur une série de pratiques de travail qui ont influencé de nombreux programmes de communication participative à travers le monde et qui sont encore pertinentes aujourd’hui. Voici quelques-uns de ces éléments.

• La communication peut être considérée comme un processus de responsabilisation pour la résolution des conflits et la négociation avec les décideurs, afin de parvenir à des changements politiques.

• Les technologies et les médias de communication ne sont que des outils destinés à faciliter le processus.

• Des programmes seront planifiés et produits avec et par les pauvres eux-mêmes, à propos de leurs problèmes sociaux, et pas seulement par des personnes extérieures.

• La qualité professionnelle du produit devient secondaire par rapport au contenu et au processus.

• La communication interpersonnelle et le rôle des facilitateurs, travailleurs communautaires ou animateurs sociaux sont importants.

• L'association de la communauté au montage des séquences et le dialogue avec les décideurs sont recommandés.

Le processus de Fogo est une excellente illustration du processus par lequel des communautés locales – marginalisées par des structures économiques et politiques – peuvent se responsabiliser grâce à la communication et transformer les conditions d’un développement inéquitable (Crocker, 2003).

2.2. Tout commence avec la population L’écoute de la population, les enseignements tirés de leur perception des besoins et la prise en compte de leurs connaissances et de leur culture est un autre préalable à une bonne communication avec les groupes marginaux. L’écoute, la capacité de lire la réalité ‘avec les oreilles’ est une compétence importante développée par les cultures orales. Les populations développent des compétences pointues en matière d’écoute lorsqu’elles dépendent exclusivement de la communication orale. Dialoguer peut également signifier écouter et rester silencieux. Le dialogue n’intervient que si le silence est respecté (Hamelink, 2004). L’écoute va au-delà d’une simple évaluation des besoins. Elle implique d’intégrer ce que les gens savent déjà, ce qu’ils aspirent à savoir, ce qu’ils perçoivent comme possible et désirable et ce qu’ils pensent pouvoir être en mesure de maintenir de façon durable.

De nombreuses méthodes de recherche participative ont été récemment mises au point pour permettre à des gens de l’extérieur et aux communautés de partager rapidement des expériences et d’apprendre ensemble sur leurs réalités. Par exemple le Centre de communication pour le développement de la SADC, basé à Harare (au Zimbabwe), a développé une méthodologie d’évaluation de la communication participative rurale (ECPR), qui permet aux agents de développement d’associer les membres de la communauté à l’identification des problèmes et à la proposition de solutions qui seront adoptées par la communauté. La recherche pour la conception et la production de programmes de communication devient un processus interactif, permettant à la communauté d’exprimer ses problèmes et d’apprendre sur elle-même. Cela garantit que le processus de développement initié reflètera les perceptions et les réalités de la communauté rurale, encourageant ainsi la durabilité de l’innovation en matière de développement. (Anyaegbunam, Mefalopoulos et Moetsabi 1998).

2.3. Protéger le savoir et la culture indigènes Un autre concept de base sous-tend la communication participative est le respect pour le savoir, les valeurs et la culture des populations indigènes. Bien loin des

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autoroutes de l’information, les communautés marginales possèdent des trésors de savoirs et de ressources culturelles traditionnelles, un héritage riche, mais fragile qui risque de se perdre avec l’avènement des technologies modernes.

“L’essence de l’engagement des populations rurales dans le processus de leur propre développement réside dans l’échange des savoirs… Le résultat d’un échange fructueux de savoirs n’est pas tant le remplacement de techniques traditionnelles par des techniques modernes, qu’une synthèse de systèmes modernes et traditionnels pour produire une technique hybride, plus appropriée et plus conforme aux capacités économiques et techniques des populations rurales, ainsi qu’à leurs valeurs culturelles.”(FAO, 1987).

Les agriculteurs traditionnels de subsistance savent souvent mieux que les experts agricoles quelles méthodes agricoles sont les plus appropriées pour leur propre environnement. Les groupes indigènes ont accès à une quantité importante de connaissances traditionnelles sur leur environnement et sont des utilisateurs très efficaces des ressources disponibles localement qui sont cruciales pour leur survie. Au Canada arctique, par exemple, les perceptions sur les changements climatiques ont été essentielles pour la survie de groupes aborigènes et font partie de leur savoir traditionnel, de même que les observations locales sont importantes pour les chercheurs et les décideurs. (Neil Ford, 2000).

Le système de communication du projet Proderith, au Mexique a souvent été cité comme exemple d’une approche de communication pour la planification participative, l’émancipation des paysans et le partage des connaissances avec les populations indigènes. Le respect des systèmes traditionnels de savoirs, des cultures locales et des langues indigènes ont été les principaux ingrédients de cette réussite.

Valeurs mayas

“L’équipe du Proderith se savait pas grand chose sur la façon de lancer un dialogue parmi et avec les populations indigènes s’exprimant en langue Maya. La solution indigène a été trouvée: il s’agissait d’enregistrements vidéo réalisés avec Don Clotilde Cob, un vieillard de 82 ans, qui possédait l’art de parler des problèmes. Cet ancien révolutionnaire, fier, avait appris tout seul, à l’âge adulte, à comprendre, lire et écrire l’espagnol. Il était lucide et clair, en maya comme en espagnol. Ce vieillard charismatique, avec ses cheveux blancs et sa barbe bien taillée, s’asseyait, les jambes croisées devant une caméra vidéo pendant des heures. Il dissertait sur le passé, la révolution, la grandeur de la culture maya et sur la vie quotidienne d’aujourd’hui. Il déplorait le déclin de certaines traditions mayas comme le jardin maraîcher familial, expliquait comment il cultivait son propre maïs et se plaignait du fait que les jeunes d’aujourd’hui ne savent plus le faire correctement. Il accusait les jeunes d’abandonner tout ce qui avait été bon dans la culture maya: les jeunes vendaient des œufs pour acheter des cigarettes et des sodas et il ne faisait aucun doute que leur régime alimentaire était bien pire que le sien dans sa jeunesse.

Dans les villages où ces enregistrements étaient diffusés, les villageois s’asseyaient en silence pour les écouter. Le soir, sous les arbres, les mots, en maya, coulaient de l’écran et la voix éloquente du vieil homme comme ses gestes emphatiques répandaient une sorte de magie. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils entendaient quelqu’un leur parler de la valeur pratique de leur culture. C’était aussi la première fois qu’ils se voyaient à la «télévision» et que l’on y parlait leur langue. Ils demandaient souvent que les bandes soient passées et repassées à l’infini. L’effet recherché était atteint: la population commençait à mesurer sa situation et à réfléchir sérieusement sur ses valeurs et ainsi le terrain était préparé pour le moment où Proderith commencerait à aborder les plans de développement destinés à éradiquer la malnutrition et à promouvoir la sécurité alimentaire.”

Source: Colin Fraser and Sonia Restrepo-Estrada “Communication for Rural Development in Mexico: in Good Times and in Bad” in Communicating for Development, 1998

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La communication et la culture sont étroitement imbriquées. La communication est un produit de la culture et la culture détermine le code, la structure, le sens et le contexte de la communication qui se met en place. La culture et l’histoire jouent également un rôle important dans le développement social d’une communauté. Pendant des générations, les populations rurales vivant dans des villages reculés sans accès aux moyens modernes de communication se sont appuyées sur l’oralité et sur les formes traditionnelles de communication pour transmettre la culture, les connaissances, l’histoire et les coutumes. «Le trésor de proverbes, chants, histoires et autres formes de divertissement a une fonction spéciale dans les cultures orales. L’éloquence et la subtilité sont recherchées; une déclaration bien formulée est retenue. La population peut écouter un bon conteur pendant des heures. Les anciens utilisent des proverbes pour commenter les événements de la journée et les proverbes sont des vecteurs de transmission de la sagesse et de l’expérience du passé.” (Fugelsang 1987)

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication peuvent renforcer l’auto expression culturelle ou l’étouffer avec ce que l’on a appelé l’impérialisme culturel, l’invasion culturelle, la synchronisation ou l’homogénéisation culturelle (Ansah 2000). Un des effets de la numérisation est la concentration croissante de la propriété des principaux médias par un petit nombre de grandes sociétés multinationales. La tendance aujourd’hui pour les puissantes multinationales est d’acheter des journaux, des livres, des magazines, des sociétés d’édition, des réseaux de radio et de télévision, des compagnies de télécommunications et des systèmes de transmission par satellite. Le résultat est l’appauvrissement des contenus de la communication. Les grandes compagnies cherchent à maximiser leurs profits et à faire économies d’échelle en réduisant la diversité de l’offre de leurs médias, ainsi que les services communautaires de proximité qui sont rarement rentables dans des opérations à grande échelle. Les très grandes entreprises se satisfont des modèles – invariablement américains ou occidentaux – qu’ils ont testés sur leurs marchés intérieurs. Le résultat de ce remplacement des programmes locaux par des programmes étrangers est le rétrécissement d’une riche diversité culturelle. (Saik Yoon, 2000).

Les systèmes de savoir des éleveurs

“La survie de l’humanité a toujours été basée sur des systèmes de savoirs, et – bien que nombreux éléments en soient devenus méconnaissables ou aient sombré dans l’oubli – d’autres survivent et continuent à prospérer. Le pastoralisme entre dans cette dernière catégorie. Il s’agit d’un mode de vie basé sur un système indigène spécifique de savoirs qui développe des pratiques très efficaces pour la protection de l’environnement, la production animale, la santé animale, l’art de prévoir les désastres naturels et de les maîtriser.

Il arrive quelques fois que certains tenants de la modernisation ne considèrent pas cela comme des systèmes de savoir, mais les décrivent plutôt comme «rétrogrades» ou «primitifs» et extérieurs à un certain système social et de production. En outre, lorsque les éleveurs acceptent l’offre d’être «civilisés», ni les gouvernements ni aucune communauté commerciale du sud ne sont en mesure de les faire bénéficier de la modernisation. En conséquence, les pasteurs ne sont plus autorisés à vivre comme ils l’entendent, mais on ne propose pas non plus à ceux d’entre eux qui veulent changer, la moindre alternative pertinente… Les systèmes de savoir qui échappent à ceux des discours dominants doivent être reconnus non seulement comme des systèmes de savoirs en soi, mais aussi comme des éléments capitaux pour protéger l’environnement et assurer des moyens d’existence à de nombreuses personnes qui vivent en marge d’un monde en modernisation accélérée.”

Source: Melakou Tegegn, Directeur de Panos Afrique de l’est, dans Panos Paper – Information, Knowledge and Development, 1998.

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Quelle sont les forces des systèmes indigènes de communication? Quelles sont leurs fragilités? La diversité culturelle est elle menacée par la technologie? D’ores et déjà, on peut observer, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales du monde en développement, des jeunes gens adopter les modèles occidentaux et abandonner la fierté des racines culturelles de leurs parents. Avec la mondialisation, les cultures ne sont plus isolées, elles interagissent et s’influencent mutuellement. Nous assistons ainsi à l’émergence de nouveaux systèmes de culture et de savoirs qui brassent le rural avec l’urbain, les traditions avec le modernisme, le local avec le mondial, les coutumes traditionnelles avec les coutumes modernes, et qui créent des pratiques et des cultures «hybrides». (Servaes 2003). La «glocalisation» est le terme désormais utilisé pour définir l’intégration du global (c’est-à-dire du mondial) et du local.

Pour être efficaces, les efforts de communication doivent considérer les valeurs culturelles des groupes marginaux comme le chemin de leur participation, plutôt que d’emprunter des stratégies extérieures qui incitent au changement sans prendre en compte les facteurs culturels. Protéger la diversité culturelle, les langages locaux et les systèmes traditionnels de communication face à la mondialisation est un des principaux défis pour les praticiens de la communication dans cette époque de l’information.

3. MÉDIAS ET APPROCHES Dans le passé, les spécialistes de la communication étaient quasiment contraints de recourir aux médias alternatifs pour entreprendre des activités au niveau des communautés: nous ne devons pas oublier les leçons tirées de leur expérience. Mais aujourd’hui, l’avènement des nouvelles technologies et leur convergence signifient que de nouvelles combinatoires pour construire des programmes de communication plus efficaces avec les groupes défavorisés peuvent être inventées. Les initiatives de communication devraient utiliser tous les médias disponibles, qu’ils soient modernes ou traditionnels et il y a un certain mérite à combiner les médias électroniques avec d’autres médias que les populations apprécient déjà, qu’elles utilisent et qu’elles maîtrisent. (Ramirez 2003).

3.1. Les systèmes traditionnels de communication La protection des formes traditionnelles de communication et les changements sociaux ne s’excluent pas mutuellement. Les systèmes traditionnels de communication peuvent jouer un grand rôle pour faciliter les apprentissages, la participation populaire et le dialogue pour le développement. Les médias indigènes ont été mobilisés avec succès pour aborder les questions relatives aux groupes marginaux. Le théâtre populaire, les marionnettes, les spectacles, la musique et la danse ont été utilisés, par exemple, pour traiter les soins de santé, pour discuter de la taille de la famille, de la mutilation génitale des femmes, des grossesses chez les adolescentes, du VIH/SIDA et des styles de vie instables. Ils ont aussi été appliqués dans les programmes d’alphabétisation, de protection de l’environnement ou pour introduire de nouvelles pratiques agricoles. Les formes traditionnelles de communication peuvent aussi se combiner avec d’autres médias comme la radio, la télévision, la vidéo et les audiocassettes. Ce qui est important, c’est que la communication ne soit pas produite par des étrangers. La participation d’artistes, de conteurs, d’acteurs, et de musiciens locaux à la production et l’utilisation des médias traditionnels assurent le respect des valeurs, des symboles et des réalités traditionnelles, tout en garantissant que ce type de production sera attractif pour la communauté. Les systèmes traditionnels améliorent la crédibilité des programmes des médias et donc leur efficacité comme véhicules de partage des savoirs et d’avènement des changements sociaux. (Balit 1999)

Un dérivé des médias traditionnels populaires et de la culture populaire des ‘telenovelas’ en Amérique latine est l’usage de feuilletons mélodramatiques ‘à l’eau de

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rose’ pour la radio et la télévision qui utilisent des «modèles sociaux» réels ou fictifs pour promouvoir les changements de styles de vie. Ces programmes sont adaptés aux contextes culturels locaux et combinent le divertissement avec la sensibilisation et l’éducation (‘Edutainment’). Les messages éducatifs et les meilleures pratiques sont instillés dans la fiction narrative, indiquant ainsi aux spectateurs et auditeurs comment ils peuvent aborder des problèmes spécifiques, comme les questions de santé, dans leur vie de quotidienne. (Tufte 2003). L’expérience de Soul City en Afrique du sud est un succès bien connu de cette approche, qui, entre autres thèmes, s’est centrée sur la question du VIH/SIDA. Les séries à la radio et à la télévision ont été complétées par la communication interpersonnelle, les documents écrits et les dossiers de formation.

3.2. VidéoPendant de nombreuses années, la vidéo a été utilisée avec succès pour la planification participative, l’émancipation et le partage des connaissances pour les individus et les communautés défavorisés. Les images animées sont de puissants outils pour communiquer avec des audiences analphabètes. Les équipements audio et vidéo étant devenus moins chers et plus faciles à utiliser, les communautés ont pu acquérir des compétences de production qui leur ont donné accès à ces outils de formation, de communication et d’échange, et à leur contrôle. L’organisation Video Sewa (Association des femmes pour l’auto emploi) à Ahmedabad, en Inde,. est un exemple classique d’utilisation de la vidéo participative pour l’émancipation des femmes rurales analphabètes. Les programmes vidéo produits par des femmes rurales, associées avec

Yasarekomo: Autoévaluation d’une expérience de communication par des populations indigènes de Bolivie

En 1994, avec l’assistance de la FAO, l’Assemblée du peuple Guarani (APG), principale organisation guarani de Bolivie a mis en place une cellule de communication, la Unidad de Comunicación Guaraní (UCG), dans la région du Chaco, en Bolivie. Les buts de cette unité étaient d’améliorer la qualité de vie des communautés indigènes isolées et marginalisées et de soutenir leurs initiatives de développement. Les villageois Guarani, avec l’appui de la FAO, ont appliqué des approches de communication interculturelle pour partager les connaissances et l’information en utilisant des ‘paquets de formation vidéo’ et des émissions de radio communautaire. L’UGC a bénéficié de l’assistance de la FAO pendant trois ans et a ensuite poursuivi son action de façon indépendante pendant six autres années, en générant des revenus par la production des matériaux de communication interculturelle et en assurant la mise en place de plans de communication pour le développement approuvés par l’APG et cofinancés par le gouvernement, les municipalités et des ONG. L’UGC a alors décidé d’organiser une autoévaluation en collaboration avec l’APG et d’autres organisations indigènes de Bolivie. Pour la première fois, une population indigène elle-même a documenté et analysé de façon systématique l’utilisation de médias de communication participative et le contenu des messages produits par et pour les communautés Guarani et fondés sur une combinaison de savoirs et de coutumes traditionnels avec le savoir moderne et les techniques de communication. Les résultats de l’évaluation ont confirmé la validité de l’approche de communication participative et interculturelle appliquée à des services de conseils. L’étude a toutefois souligné les problèmes qui se posaient en termes de durabilité de l’unité et notamment: la nécessité de poursuivre les efforts pour renforcer la capacité de communication de l’APG et d’autres organisations indigènes; l’importance de «l’appropriation» des nouveaux médias et d’acquisition de nouveaux équipements et; la nécessité d’une politique nationale reconnaissant le droit des populations indigènes à accéder aux services d’information et à fournir des services d’information et de communication, avec un financement provenant des institutions locales.

Source: FAO, 2004. Yasarekomo, Una experiencia de comunicación indígena en Bolivia.

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SEWA, ont été utilisés pour la génération de revenus, les maladies professionnelles, la négociation salariale, les interventions juridiques, l’apprentissage de nouvelles compétences et le plaidoyer pour le changement politique. Les approches fondées sur la vidéo peuvent aujourd’hui profiter des techniques de numérisation combinées à l’Internet pour faciliter les processus de production, améliorer les réseaux et renforcer le partage de l’information et du savoir.

3.3. Radio La radio reste le moyen de communication de masse le plus largement répandu et le plus accessible aux groupes défavorisés. Dans les zones rurales, la radio est souvent le seul moyen de communication disponible. Elle peut atteindre de grandes quantités de populations isolées et réparties dans de vastes zones géographiques. Dans certaines zones rurales, c’est la seule source d’information sur les innovations agricoles, la météo et les prix du marché. La radio est orale et s’adapte donc à de nombreuses cultures indigènes, tout en appartenant à la culture de la pauvreté. Elle peut être locale, en raison du faible coût de production et de diffusion. La radio communautaire permet aux communautés négligées – comme les femmes – d’être entendues et de participer aux processus démocratiques au sein des sociétés. Elle rend compte de leurs intérêts et joue un rôle important dans le renforcement des expressions et des identités culturelles et des langues locales. Elle peut fournir des informations actualisées et pertinentes sur les questions de développement, les opportunités, les expériences, les compétences et les intérêts publics. Elle possède donc la capacité d’engager les communautés rurales, les populations indigènes et les secteurs défavorisés des sociétés urbaines dans des processus interactifs de communication sociale. (UNESCO, 2000).

Une des applications les plus intéressantes de la communication pour les populations marginalisées a été produite, au cours des dernières années, par la convergence entre les radios locales et Internet, ce qui a créé de nouveaux modèles pour offrir aux pauvres une information pertinente et

Former les agents des radios communautaires à l’émancipation des communautés

Une approche de formation, développée au Ghana pour les agents des radios communautaires, puise son nom dans le vêtement traditionnel Kente, du peuple Ashanti, tissé à la main. L’approche Kente est basée sur la conviction que la radio communautaire est une radio particulière et qu’elle représente un modèle théorique et opérationnel différent de celui des radios publiques et des radios commerciales. Cela implique que cette radio communautaire puisse travailler avec un nouveau type de «professionnel» – à savoir un agent communautaire doté de valeurs, compétences et normes spécifiques, centrées sur l’émancipation des communautés. La formation de ces agents communautaires doit, en conséquence, être intégrée dans la culture de la communauté et dans le processus d’émancipation. C’est une approche pratique de terrain qui intègre la théorie (communication pour le développement, communication et culture, gestion etc.) avec l’expérience et la pratique de la radio communautaire, en prenant en compte le contexte local. Les quatre éléments/modules de la formation comprennent: la connaissance de soi-même, la connaissance de la communauté, la connaissance du développement et la connaissance des médias. La responsabilisation des stagiaires est considérée comme faisant partie de l’émancipation de la communauté qui est elle-même le but final de la formation. Cette approche avait initialement été développée pour Radio Ada, puis a été étendue à quatre autres stations du réseau ghanéen des radios communautaires et à l’Ethiopie.

Source: Wilna W. Quarmyne, “A Kente Approach to Community Radio Training: Weaving Training into the Community Empowerment Process.”

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des connaissances. La combinaison des deux technologies permet de nombreuses possibilités. La radio peut diffuser une information à de nombreux auditeurs, mais Internet leur permet d’envoyer de l’information en retour, de poser des questions, de demander ou de chercher de l’information et de communiquer avec des spécialistes. Internet permet d’accéder à l’information à la fois dans les sources nationales et internationales, tandis que la radio peut adapter au contexte local ces connaissances, les reformater et les traduire dans la langue des auditeurs locaux. (Bennett, 2003). Des opérations expérimentales ont été organisées en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Ces projets, qui ont été entrepris dans des environnements divers, avaient pour objectif de soutenir les réseaux et les échanges des radios, les projets communautaires intermédiaires et les projets qui relient les migrants à leur communauté d’origine. (Bruce Girard, 2003).

Les communautés de migrants sont en augmentation. Leurs envois de fonds ainsi que l’expérience qu’elles ont acquises à l’étranger constituent une contribution importante au développement de leur communauté d’origine. La radio peut jouer un rôle essentiel en reliant les communautés de migrants avec leur communauté, leur culture et leur langue d’origine. La combinaison d’Internet, de la radio et du téléphone peut élargir la communication et permettre aux communautés de rester en contact avec les leurs, malgré l’émigration. Les stations des pays d’origine vont diffuser des nouvelles en provenance des communautés de migrants. Les messages radiodiffusés venant de l’étranger peuvent être de simples messages de salutations, des informations sur des transferts d’argent, ou des messages urgents. Ils apportent à ceux qui sont restés dans la région des informations sur des parents qui l’ont quittée. Pour les migrants, c’est un moyen de rester en contact avec leur village d’origine. Dans certains cas, les communautés de migrants ont obtenu quelques heures par semaine sur des stations multilinguistiques dans leurs pays d’origine et diffusent des programmes comprenant des nouvelles et des contenus culturels du pays combinés avec des contenus relatifs à leur nouvel environnement. La radio est devenue un outil essentiel de préservation de la culture. (Bruce Girard, 2003).

Comment vendre un buffle dans une radio hybride?

Dans la partie occidentale du Népal, un agriculteur du village de Madanpokhara, situé à 8 heures de voiture de Katmandou, avait besoin de vendre son buffle. Il n’y avait pas de meilleur moyen pour cela que de passer une annonce par le biais d’une radio communautaire du village, pour un prix symbolique. L’agriculteur a passé son annonce et a vendu son buffle. Radio Madanpokhara est une radio hybride qui donne la parole à la communauté à travers la station de radio locale, mais qui a aussi un accès aux TIC. Les programmes sont centrés sur des thèmes de la vie quotidienne de la communauté. La station utilise désormais des ordinateurs et des équipements et programmes d’enregistrement et de montage numérisés. Elle dispose de canaux audio par satellite pour recevoir et transmettre des données et des dossiers audio. Elle reçoit tous les jours des informations et d’autres programmes centrés sur le développement, en provenance de radio Sagar Matha, le point central d’un réseau basé à Katmandou et distribue ses programmes aux autres stations de radio dans le réseau dépendant du système satellitaire. Cette radio a reçu un soutien de l’UNESCO, de l’Institut Panos et du Fonds pour le développement des médias de la République tchèque.

Source: Kishor Pradhan, Panos 2004

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3.4. TIC: potentialités et limitesAvec l’avènement de la révolution de l’information, les TIC attirent l’attention de tous. Les gouvernements ont adopté des politiques nationales sur les technologies de l’information et libéralisé le secteur des télécommunications pour attirer les investisseurs. Des financements importants sont apportés par les donateurs, les agences intergouvernementales et les ONG pour connecter le monde en développement et fournir des accès à l’informatique et à Internet pour la réduction de la pauvreté.

Il existe une importante littérature sur les avantages et les potentialités de la communication numérisée pour améliorer la vie quotidienne des populations. Des expérimentations sur l’utilisation d’Internet et des ordinateurs ont montré des résultats positifs dans divers domaines: meilleur accès aux offres d’éducation, meilleure efficacité et transparence des services gouvernementaux, augmentation du commerce et amélioration des possibilités de commercialisation pour les communautés marginalisées, amélioration de l’émancipation des communautés à travers l’accès à l’information, amélioration des réseaux et des opportunités pour les femmes, accès à l’information médicale pour les communautés isolées et nouvelles offres d’emploi, ne sont que quelques uns des exemples qui ont renforcé la conviction que ces technologies ont un rôle clé à jouer dans le développement.

Cependant, les personnes engagées dans le travail sur le développement ont des jugements partagés sur l’impact de ces technologies sur la réduction de la pauvreté. L’enthousiasme initial fait maintenant place à des attitudes plus circonspectes et prudentes, au fur et à mesure que les leçons sont tirées des premières années d’expériences de terrain. Il est clair, par exemple, que bien qu’Internet soit un puissant outil pour partager l’information et les connaissances, et donc pour le développement humain, il n’apporte pas de solutions à tous les problèmes de développement. On ne peut séparer la pauvreté des problèmes sociaux, économiques et politiques qui la sous- tendent, ainsi que des structures de pouvoir existantes. L’accent mis sur l’accès aux technologies, bien qu’important, doit être revu à la lumière de questions – encore plus importantes – d’utilisation pertinente et d’appropriation sociale de ces technologies. Pour les déployer de façon telle qu’elles puissent profiter aux pauvres, il faut mettre en place des structures de régulation et des environnements politiques favorables qui permettent de satisfaire les besoins de tous les secteurs de la société.

3.5. Les TIC et les pauvres Dans certaines zones, la révolution des TIC n’a servi qu’à élargir les écarts économiques et sociaux, dans la mesure où les nouveaux écarts en matière d’information menacent

Dimension sociale des TIC

L’utilisation des TIC peut transformer les structures locales de pouvoir au sein des communautés et bouleverser la vie des communautés. Par exemple, en Guyane, des femmes indigènes ont si bien réussi dans la commercialisation des hamacs qu’elles fabriquent par Internet, que les structures de pouvoir en ont été transformées: ces femmes sont devenues économiquement indépendantes de leurs maris. L’impact de ce phénomène sur la société a été si fort que les femmes indigènes ont été obligées par les hommes de la communauté d’arrêter la commercialisation de hamacs sur le Web. Ce cas montre clairement que les TIC peuvent aussi avoir des effets négatifs sur les communautés si leur usage n’est pas correctement géré et si les acteurs clé ne soutiennent pas leur usage.

Source: Bjorn-Soren Gigler, Banque mondiale, 2004

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de marginaliser davantage les pauvres. L’essentiel des ressources d’information et des technologies se trouvent dans les pays développés. Selon les estimations les plus prudentes, au moins 80% de la population mondiale est encore privée des technologies de communication les plus élémentaires pour accéder au ‘village mondial d’Internet’. Bien que la croissance d’Internet se développe plus rapidement dans les pays en développement que partout ailleurs, cette technologie continuera, pendant encore de nombreuses années, à n’être disponible que pour une infime proportion de la population des pays les plus pauvres.

La situation est encore plus grave dans les zones rurales. La révolution de l’information a complètement court-circuité près d’un milliard de personnes. Il s’agit des ruraux pauvres, qui constituent 75% de la population vivant avec moins d’un dollar par jour. A de nombreux égards, la fracture numérique ne fait que refléter d’autres inégalités: disparités entre communautés urbaines et rurales, entre hommes et femmes, et entre les agriculteurs qui réussissent et les agriculteurs de subsistance. De plus, les pays pauvres ne peuvent pas se payer les infrastructures de télécommunication dont ils auraient besoin. L’argent est compté dans ces pays, déjà paralysés par leur dette extérieure et qui doivent faire des coupes sombres dans les dépenses de leurs secteurs sociaux. Certains estiment que ces pays devraient d’abord s’attaquer à leurs besoins de base comme l’éducation, l’eau, la santé et les routes.

3.6. Des obstacles pour les pauvres Quels sont les obstacles qui empêchent les ruraux pauvres d’accéder aux nouvelles technologies et notamment à Internet?

• Les ruraux pauvres manquent d’infrastructures (électricité, télécommunications). Les TIC dépendent des politiques nationales et des régulations en matière de télécommunications et de licences de radiodiffusion. Elles impliquent des investissements financiers initiaux pour le matériel et les programmes. Elles dépendent également des compétences et des capacités nécessaires pour utiliser, gérer et assurer la maintenance technologique efficace.

• Les ruraux pauvres sont souvent analphabètes ou semi analphabètes, avec de faibles niveaux d’éducation. Il ne trouveront pas grand-chose dans leur langue locale sur Internet.

• Ils ne trouveront pas beaucoup d'informations pertinentes sur leur vie quotidienne.

• Ils ne peuvent habituellement pas mettre en ligne leurs propres connaissances locales. Le Web ne leur propose pratiquement aucune opportunité de créer des richesses au niveau local.

• Ils ne peuvent pas payer le prix de l'accès à Internet et ne peuvent pas disposer de leurs propres ordinateurs.

3.7. Points publics d’accès Dans la communauté du développement, un mouvement préconise l’implantation généralisée de points publics d’accès pour étendre l’accès de tous à Internet et rapprocher Internet des communautés défavorisées et des organisations intermédiaires qui offrent des services à ces communautés.

Les centres communautaires multimédias ou télécentres en sont un exemple typique. Ils sont, en général, mis en place dans des zones rurales où l’accès individuel est impossible ou inabordable. Ils proposent une série de services d’information adaptés aux besoins des communautés et souvent aussi de la formation. Ils peuvent être utilisés par la communauté pour créer ou pour partager leurs informations avec

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l’extérieur. Les services sont gratuits, ou subventionnés par des gouvernements, des donateurs ou des ONG. Les cybercafés, à l’inverse, sont des entreprises commerciales privées, qui sont surtout axés sur la fourniture d’un accès à Internet. Leur clientèle tend à être plus urbaine, plus éduquée et en mesure de payer ces services. Ce sont des outils importants pour des groupes minoritaires dans les sociétés urbaines, comme les jeunes, les femmes, les travailleurs migrants et les diasporas.

Les cybercafés et les télécentres peuvent proposer des formations en informatique et à l’utilisation du Web, mais les télécentres offrent aussi d’autres types de formation, comme l’éducation non formelle, l’éducation à distance dans les domaines de l’agriculture, de la santé, de l’éducation, de l’entreprise, ou d’autres thèmes en rapport avec le développement communautaire et la réduction de la pauvreté. Mais, pour parcourir le dernier kilomètre de connectivité avec les communautés rurales, il faut faire appel aux agents de développement et utiliser des formes de communication plus traditionnelles comme la radio. (Colle and Roman 2001).

Parmi les problèmes rencontrés par les télécentres pour la réduction de la pauvreté, figure leur manque de durabilité. Ils ont souvent été parachutés de l’extérieur et n’ont pas été adoptés de l’intérieur. La recherche sur les besoins de la communauté n’a pas été entreprise et ces télécentres n’ont pas proposé d’informations pertinentes ni de contenus utiles sur le plan local. Souvent, l’information n’a pas été traduite dans les langues locales. Les questions socioculturelles ont été ignorées. La formation en communication et en gestion n’a pas toujours été apportée aux personnels locaux qui se comportent plutôt comme des intermédiaires d’information. La participation des secteurs marginaux de la société n’a pas été sollicitée. Enfin, la durabilité financière n’a pas été atteinte.

Selon Charles Kenny, «même si l’apport des donateurs pour améliorer l’accès aux TIC dans les pays en développement se maintient – ou s’accroît – il n’ira sans doute pas au-delà de l’accès à Internet – au moins dans les régions les plus pauvres et les pays les moins développés. Dans les pays les moins avancés la pauvreté extrême est un facteur paralysant. Les revenus sont très faibles; les salaires misérables de travailleurs non qualifiés ne permettent que la subsistance; la nourriture est le principal bien de consommation; les niveaux d’éducation sont très faibles et les niveaux d’analphabétisme très élevés; les statuts linguistiques des groupes minoritaires et leur localisation rurale sont pénalisants. Tous ces éléments conduisent à rendre les coûts de connexion à Internet insupportables et à limiter ses avantages, pour les plus pauvres, dans le cadre des télécentres. De telles situations conduisent à penser que la pression pour un accès universel à Internet comme outil de réduction de la pauvreté n’est pas toujours pertinente. A l’inverse, le document affirme que les programmes d’accès centrés sur le téléphone et la radio pourraient présenter un meilleur rapport coûts/bénéfices, des frais généraux plus faibles et constituer ainsi une alternative ou un intermédiaire pour Internet, en tant qu’outil de réduction de la pauvreté. (Kenny, 2002).

3.8. La téléphonie mobile Le développement de la téléphonie mobile comme outil relativement bon marché et puissant a permis aux communautés, même dans des zones reculées, de l’approprier spontanément pour leurs usages locaux. Les téléphones mobiles et satellitaires mettent les télécommunications à la portée non seulement des petits entrepreneurs des pays en développement, mais aussi des exploitants agricoles. Le téléphone villageois payant, soutenu par la Grameen Bank au Bangladesh est un exemple typique de dispositif qui favorise les activités génératrices de revenus pour les ruraux pauvres. Il permet aux femmes rurales analphabètes de gagner de l’argent en louant des téléphones mobiles aux membres de la communauté contre rémunération. Une évaluation du programme,

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entreprise par le Canada, a montré que les revenus tirés par les opérateurs était de l’ordre de 24% du revenu du foyer et pouvait même quelquefois même aller jusqu’à 40% de ce revenu.2

3.9. Appropriation locale et impact La FAO a réalisé deux études sur les TIC pour comprendre ce qui conduit les communautés pauvres à s’approprier les TIC pour leur propre usage: (“Discovering the Magic Box: Local Appropriation of ICTs” and “Revisiting the Magic Box”). L’objectif de ces deux documents était d’identifier des exemples de TIC appropriées localement et dirigées par la communauté et de contribuer au débat en cours sur l’impact. Les études ont identifié quelques outils d’analyse et principes directeurs pour encourager l’appropriation locale des TIC.

1. Malgré une multiplication d’études de cas, il demeure toujours utile d’apporter des indicateurs plus empiriques pour montrer l’impact des TIC et mieux comprendre la façon dont les communautés les utilisent. Peu de projets se sont penchés suffisamment sur le suivi et l’évaluation de l’impact des TIC sur les pauvres et il y a donc peu d’éléments concrets de résultats qui permettent de justifier les investissements ultérieurs demandés par les projets. Les donateurs n’ont pas accordé les ressources nécessaires à la recherche sur les résultats en profondeur. Des indicateurs plus qualitatifs sont nécessaires.

Selon le PNUD, «cela peut également s’expliquer par le fait que souvent, ceux qui se sont engagés dans des projets qui n’ont pas bien marché ne souhaitent pas forcément faire état de leurs échecs. Bien que beaucoup d’initiatives de TIC pour le développement aient échoué, peu d’échecs ont été documentés. Cela est dû à un manque d’initiatives dans le système de développement pour inciter les gestionnaires de projet, les partenaires à la mise en oeuvre ou les agences de développement à établir des rapports critiques et rendre publics les insuffisances ou les échecs des projets»(PNUD 2000).

Les donateurs et les organisations de développement ont toutefois commencé à mettre en cause les approches uniquement basées sur l’accès à la technologie et souhaitent comprendre quels sont les meilleurs usages des TIC pour réaliser les objectifs du développement. Il est important de noter que quelques études de qualité existent et qu’elles apportent une base importante pour développer des critères pour l’évaluation des meilleures pratiques3.

2. Dans la précipitation mise à vouloir «connecter» les pays en développement, on n’a pas suffisamment accordé d’attention à l’établissement d’un cadre conceptuel des TIC ni de directives pour leur utilisation. La conception des programmes de TIC pour les pauvres doit prendre en compte les leçons tirées, au fil des ans, en matière de communication pour le développement.

2 Richardson D., Ramirez R. and Haq M. 2000. “Grameen Telecom’s Village Pay Phone Programme: A Multi-Media Case Study”. ACDI.

3 Ces études illustrent la façon dont les donateurs repensent leur approches des TIC et recherchent de nouvelles stratégies : PNUD, Bureau de l’évaluation, 2001.“Information Communications Technology for Development, Essentials: Synthesis of Lessons Learned”, N.5.

R. Heeks, 2003. “Failure, success and improvisation of information systems projects in developing countries”, Paper N. 11, Development Informatics Working Paper Series, Institute for Development Policy and Management, University of Manchester. Batchelor S, Norrish P, Scott N, Webb M, 2003. “ Sustainable Case Histories Project: Technical Report”. R. Curtain, “Information and Communication Technologies and Development: Help or Hindrance” 2004., une étude commandée par Australian Aid (Aus Aid).

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3. Il est nécessaire de mettre l’accent sur les besoins des communautés et sur les avantages qu’elles tireront des nouvelles technologies plutôt que sur la quantité de technologies disponibles. L’accent doit être mis sur l’utilisation des nouvelles technologies comme un moyen d’améliorer les conditions d’existence des pauvres plutôt que d’en faire une fin en soi. Les besoins réels des communautés doivent être identifiés et abordés avec eux. Les exemples réussis d’appropriation locale sont ceux pour lesquels les TIC soutiennent les priorités et les buts des communautés - comme l’augmentation des revenus ou le renforcement des capacités en matière de gestion des entreprises de commercialisation, d’augmentation de la productivité agricole, de création d’emploi - ou encore lorsque les TIC permettent de renforcer les systèmes existants de communication traditionnelle, de promouvoir les réseaux et de plaider pour le changement social.

4. Les contenus et les langues locales sont des facteurs essentiels pour bénéficier des avantages de la révolution de l’information. Les contenus locaux se construisent à partir des systèmes et des méthodes traditionnels de communication existants et éprouvés, pour récolter et partager l’information, s’agissant notamment des médias communautaires bien implantés comme la radio qui peut être renforcée en se connectant à Internet. De plus, de nouvelles technologies comme la vidéo numérique peuvent également aider à la production de contenus locaux. Pour être efficaces, les contenus élaborés à l’extérieur doivent être adaptés et traduits dans les langues locales, pour que les auditoires locaux puissent les comprendre. En conséquence, il est nécessaire de développer les capacités des professionnels locaux pour qu’ils apprennent à télécharger les contenus mondiaux et à les adapter à la consommation locale.

3.10. Le rôle des donateurs et des agences de développementLes nouvelles initiatives pour promouvoir les opportunités numériques sont très nombreuses, mais l’impact de tous ces efforts pourrait rester limité s’ils ne sont pas coordonnés. Il serait bien plus utile de travailler dans une perspective de coordination des initiatives et de mise en commun des stratégies. Les opinions divergent sur la question de savoir ce que les organisations donatrices pourraient faire pour soutenir la croissance et l’utilisation d’Internet et d’autres technologies de l’information dans les pays en développement. On affirme que le développement des TIC devrait plutôt être confié au secteur privé, en se basant sur l’exemple de la prolifération des télécopieurs et des téléphones mobiles, qui n’est pas liée à une intervention de développement ciblée. Si le marché pouvait assurer le développement de l’accès, en termes de disponibilités physiques, alors les donateurs et les ONG devraient abandonner cet objectif pour se concentrer sur une utilisation appropriée des technologies, l’optimisation des avantages qu’elles apportent et la minimisation de la marginalisation. Mais si la croissance d’Internet est indépendante du soutien des donateurs, l’accès des groupes défavorisés n’augmentera pas sans soutien des donateurs ni subventions des gouvernements. Sans une attention particulière des donateurs sur les ruraux, les pauvres et les marginalisés, la numérisation ignorera ces secteurs, car elle les considèrera comme non rentables.

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3.11. Expérimenter de nouvelles approches Nous continuerons au cours des prochaines années à témoigner d’expérimentations associant les nouvelles technologies de l’information et la communication aux approches plus anciennes et plus traditionnelles. Les TIC enrichissent tout simplement la boîte à outils. Les praticiens de la communication doivent apprendre à s’adapter à la nouvelle époque de l’information, à un environnement changeant et choisir les canaux de communication les plus appropriés. Ils doivent expérimenter de nouvelles approches et apprendre quand il est opportun de les utiliser, sans doute comme un élément d’une stratégie de communication combinée. Ce qui est important, c’est d’appliquer les leçons apprises dans les programmes de communication participative du passé. En tout état de cause, le dialogue, l’appropriation par les communautés et l’intégration des systèmes de communication existants restent les éléments clé de la réussite et de la durabilité des efforts entrepris.

4. CONCLUSIONS

4.1. Les contraintes de la communication participative Au fil des ans, l’expérience a montré que les approches participatives sont essentielles pour la communication avec les groupes marginaux et vulnérables. Bien qu’il n’existe pas de recette ou de modèle unique en matière de communication participative, l’expérience nous a appris quels étaient les ingrédients nécessaires pour réussir un programme. Ce sont: l’écoute, le dialogue, l’appropriation par les communautés, le respect pour le savoir, la langue et la culture traditionnels et l’intégration des systèmes locaux de communication. Chaque fois que les processus de communication participative ont été mis en œuvre, ils ont montré qu’ils constituaient un système de transformation. Pour les communautés rurales et urbaines marginalisées par la pauvreté, le genre, la langue, l’ethnie et l’isolement géographique, pouvoir s’exprimer et contrôler leurs moyens de communication a eu un effet émancipateur. La reconquête

Un partenariat pour les centres communautaires multimédias

Plusieurs agences des Nations unies, comme la CEA, la FAO, l’UIT, le PNUD, le FNUAP et la Banque mondiale, ainsi que des agences de développement comme APC, AMARC, One World, ORBICOM et VITA travaillent en collaboration avec l’UNESCO pour la mise en place de centres multimédia communautaires afin de corriger les défauts et les limites de la première génération de télécentres.

Les nouveaux centres communautaires multimédias combinent les médias locaux comme les radios communautaires – qui offrent des programmes produits par les populations locales dans leurs propres langues – avec des applications des TIC dans les secteurs sociaux, économiques et culturels. La radio est la passerelle qui introduit les nouvelles technologies dans la vie des populations, en s’assurant qu’elles peuvent participer à l’identification, la discussion, et l’échange d’informations adaptées à leurs besoins, sans que les niveaux d’alphabétisation ou les langues ne deviennent des obstacles. Les auditeurs ont accès aux informations en ligne à travers leurs animateurs radio qui expliquent le contenu de pages Internet intéressantes pour la communauté, directement dans la langue locale. Ils peuvent aussi se déplacer jusqu’au centre, peut-être pour envoyer un message électronique – en le dictant à un facilitateur s’ils sont analphabètes – ou pour chercher de l’information sur Internet ou sur un CD-Rom. Actuellement près de 40 centres communautaires multimédias sont opérationnels en Asie, en Afrique et dans les Caraïbes. Des milliers de personnes des communautés pauvres et marginalisées utilisent ces dispositifs pour lutter contre l’exclusion sociale et améliorer leurs moyens d’existence.

Source: UNESCO, 2004

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de la langue et des traditions à travers la participation avec d’autres a réhabilité la fierté des communautés et renforcé leur cohésion. En devenant capables de s’exprimer, ils ont cessé d’être des récepteurs passifs pour devenir les partenaires actifs d’un processus démocratique collectif et ils ont entrepris de promouvoir leur propre développement. (Vidal Hall, 2004). Le projet de l’île de Fogo en est un exemple classique.

Toutefois, malgré l’accent mis sur la réduction de la pauvreté et les paradigmes centrés sur la population, la communauté internationale hésite encore à considérer la communication comme un ingrédient essentiel des programmes de développement au bénéfice des pauvres, en tous cas, au niveau des phases de planification et d’attribution des ressources financières. Quel est le problème? Pourquoi, après tant d’années d’expérience, les processus de communication participative sont-ils toujours aussi peu présents dans les programmes de réduction de la pauvreté et d’amélioration des moyens d’existence des plus défavorisés?

• Les adversaires disent que les processus et les programmes de communication participative ne peuvent pas être augmentés ni entrepris au niveau national. Est-ce vrai? Leur validité doit-elle demeurer à l’échelle locale, en raison de leur nature?

• Les processus participatifs consomment des ressources et du temps. Les processus participatifs sont difficiles à mettre en place rapidement dans le cadre temporel rigide des projets et des exigences des donateurs pour des résultats rapides. Les indicateurs d’impact ne sont pas quantitatifs. Donc, les praticiens de la communication ont des difficultés à prouver la valeur des processus participatifs aux décideurs et aux donateurs. Les praticiens peuvent-ils identifier de nouveaux indicateurs qualitatifs et démontrer la valeur des processus participatifs?

• Les processus participatifs supposent de nouvelles compétences d’animateur dont les praticiens de la communication sont souvent dépourvus. Cela soulève la question de la formation.

• La communication participative, lorsqu'elle traite les injustices politiques et sociales, ne peut être mise en oeuvre que s’il existe une volonté politique du côté des gouvernements et des autorités locales. Une participation authentique interpelle directement le pouvoir et sa distribution dans la société. Les autorités ne souhaitent généralement pas changer le statut quo, même s’ils soutiennent la participation du bout des lèvres. Cela signifie-t-il que la véritable participation est utopique? Ou simplement qu’il faut être prudent dans le choix des circonstances où la communication participative est applicable?

• La participation aux activités de changement social peut générer des conflits au sein de la communauté. Des méthodes doivent donc être trouvées pour associer la population de façon prudente et opportune, tout en apportant une protection adéquate et des mesures de gestion des conflits. Cela renvoie encore à la question de la formation de nouveaux professionnels de la communication.

4.2. Eléments pour un agenda Voici quelques idées pour un agenda, qui pourraient aider à surmonter certaines contraintes décrites ci-dessus et améliorer l’efficacité de la communication avec les communautés isolées et marginalisées.

4.2.1. A l’attention des gouvernementsLes gouvernements devraient créer des instances de régulation et un environnement politique favorable à la communication avec les pauvres. Des dispositions juridiques et politiques équitables sont essentielles pour que la communication devienne un véritable outil de réduction de la pauvreté. Elles devraient garantir le droit

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des populations marginalisées à communiquer. Les femmes, les réfugiés, les personnes déplacées, les travailleurs migrants et les populations indigènes devraient être encouragés à s’exprimer. Les décideurs politiques devront les écouter. Les politiques nationales de communication devraient prendre en compte les besoins de tous les secteurs de la société, notamment les plus pauvres. Tous les acteurs – notamment la société civile et le secteur privé – devraient être associés à la planification et à la mise en œuvre des politiques. L’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication est insuffisant s’il ne s’appuie pas sur un cadre de régulation destiné à s’assurer que ces technologies sont utilisées de façon pertinente et qu’elles peuvent être socialement appropriées par les groupes défavorisés. Les identités, langages, héritages culturels et traditions des minorités devraient être reconnus, protégés et respectés.

4.2.2. A l’attention des donateurs et agences de développementLa communication stratégique devrait constituer une composante indispensable des programmes de réduction de la pauvreté. Des apports, ressources et durée suffisants devraient lui être attribués, compte tenu de la nécessité d’interventions complexes et à long terme. Les processus de changement social demandent du temps, bien plus que celui qui est accordé par un projet d’une durée moyenne de cinq ans. Les projets de communication de la FAO qui ont connu un certain succès auprès des communautés marginales ont duré de sept à dix ans. Les experts de la Banque mondiale vont encore plus loin en suggérant que le soutien aux systèmes de vulgarisation soit conçu dans une perspective à 15 ans. (Coldevin 2003).

Les donateurs et agences de développement devraient mettre en place des unités composées de professionnels de la communication pour le développement. La conception de composantes de communication réussies demande également une participation et des apports provenant des communautés locales et des personnels de terrain. Combien d’organisations disposent d’agents de terrain qualifiés, sans parler des agents en avant-poste au niveau des régions et des pays?

Les ressources destinées aux programmes de communication devraient inclure les personnes chargées de la recherche participative, du suivi et de l’évaluation et prévoir un travail dans la durée. La recherche et l’évaluation des succès et des échecs dans l’utilisation des TIC avec des groupes marginaux constituent un nouveau et important défi, s’agissant notamment de l’appropriation et de l’usage de ces technologies. Les résultats de ces recherches devraient constituer la base de toute nouvelle intervention.

Combler le fossé numérique demande plus qu’une augmentation de la connectivité des pays en développement. Le soutien des donateurs devrait s’intéresser davantage à l’assurance d’un accès pour les pauvres, à une utilisation adéquate des technologies, à la maximisation des avantages pour les groupes défavorisés et à la minimisation de la marginalisation. Il faut admettre que l’accès pour les pauvres ne peut se faire sans un soutien des donateurs et des subventions des gouvernements, à long terme. Il est nécessaire de mettre en place davantage de coordination et de partenariats entre les donateurs, les agences de développement et les ONG dans la planification et la mise en oeuvre de stratégies communes efficaces. Le programme et les partenariats imaginés par l’UNESCO pour la mise en place des centres communautaires multimédia en est un bon exemple.

4.2.3. A l’attention des professionnels de la communication Les professionnels de la communication devraient s’adapter à un environnement en mutation et aux nouveaux acteurs sociaux. Ils doivent être capables d’évaluer si les stratégies, expériences et connaissances actuelles sont pertinentes pour travailler avec les groupes marginaux et vulnérables, et comment elles

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pourraient être modifiées ou étendues. La nécessité reconnue de modifier les approches pour travailler avec les individus et les communautés affectés par le VIH/SIDA en est un bon exemple.

a) Former les nouveaux communicateurs Un nombre insuffisant de personnes ont été formées à la conception et à la mise en oeuvre de programmes de communication participative. La communication est devenu un secteur spécialisé dans le développement et le profil des communicateurs a changé au fur et à mesure que le rôle de la communication a évolué. (Dagron 2001). Les spécialistes de la communication doivent désormais être davantage des animateurs, des médiateurs, des intermédiaires d’information dans les processus participatifs pour le changement social.

Les programmes devraient couvrir une large gamme de sujets avec des apports provenant de diverses disciplines. Au-delà des sciences sociales, du développement et de l’artisanat des médias et des technologies de la communication, ils devraient aborder de nouveaux thèmes comme la communication interculturelle, la recherche participative des diagnostics et l’identification des problèmes, la planification stratégique, les approches multisectorielles et multi acteurs, le suivi et l’évaluation participatifs, la gestion des conflits, la dynamique de groupe, l’animation de groupe et la communication interpersonnelle. Il est également important d’apprendre à écouter.

La formation devrait intervenir à différents niveaux: au niveau de la licence et du troisième cycle universitaire, mais aussi au niveau technique et intermédiaire. Il y a encore beaucoup à faire pour changer les attitudes des agents de terrain, des vulgarisateurs et des responsables de la formation des agriculteurs, qui ont été formés pour appliquer des approches pyramidales et autoritaires avec les groupes défavorisés. De plus, il est nécessaire de former les communicateurs en mesure d’intervenir au niveau des communautés et des groupes marginalisés. Il faut également améliorer la qualité des professionnels actuels de communication et leur proposer des formations sur le tas et des cours de recyclage.

Concevoir des programmes pour différents niveaux est moins problématique que trouver les ressources financières, persuader les doyens, les chefs de département et les institutions de les inclure dans leurs programmes académiques et de formation. Ce n’est pas seulement une question de quantité, mais aussi de qualité de la formation. Les approches participatives impliquent des processus d’apprentissage participatifs, interactifs et expérientiels, de préférence basés sur le terrain.

La Fondation Rockefeller et le Consortium for Communication for Social Change (CFSC) ont démarré une série d’activités destinées à améliorer la formation des spécialistes de la communication à différents niveaux. Au cours d’une réunion à Bellagio en 2003, un groupe de spécialistes s’est engagé à développer un programme de formation à la communication pour le changement social, d’une durée de trois semestres, à un niveau de maîtrise universitaire. La réunion de Bellagio a également conçu une formation de courte durée pour les praticiens de la communication et une session d’orientation d’une demie journée pour les décideurs.

Le succès ou l’échec de la communication avec les groupes marginaux et vulnérables dépendront de la capacité à disposer de ressources humaines qualifiées. Si nous ne sommes pas en mesure de proposer une masse critique de spécialistes bien préparés, à différents niveaux, la discipline ne sera pas reconnue comme une composante essentielle dans les programmes de réduction de la pauvreté.

b) Suivi et évaluation Le suivi et l’évaluation des programmes de communication sociale avec les groupes vulnérables n’a pas réussi dans le passé, en raison d’un certain nombre de facteurs. Le suivi et l’évaluation devraient être intégrés dès le début de toute initiative de

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communication, mais cela n’a pas toujours été possible en raison du manque de temps et de ressources alloués à cet effet dans la conception des projets.

Les processus de facilitation ne sont pas aussi faciles à évaluer que la production agricole ou les produits de communication et il est difficile d’en montrer concrètement les résultats aux donateurs, qui veulent avoir des résultats quantitatifs rapides. Il est plus facile de rendre compte de la mise en place d’un centre de médias, du nombre de personnes suivant une session de formation et de la production de documents audiovisuels que de mesurer et rendre compte d’indicateurs de participation, d’émancipation et de changements sociaux. De nombreux autres facteurs sociaux et économiques peuvent interférer avec les objectifs de changement social et donc rendre l’évaluation de l’impact de la communication par elle-même plus complexe.

De nouveaux instruments et indicateurs sont nécessaires pour évaluer efficacement l’impact des processus de communication participative avec les groupes défavorisés. Ils doivent être identifiés et mis en oeuvre, non seulement par des personnes de l’extérieur, mais aussi par les communautés engagées dans le processus et qui sont familières avec le contexte politique social et culturel de la zone. Ces communautés constituent le premier public qui permet de savoir ce qui a marché ou pas pour améliorer les choses. L’avènement des nouveaux TIC ouvre un nouveau champ pour l’évaluation, s’agissant notamment de l’appropriation par les groupes isolés et marginalisés.

c) Plaidoyer envers les décideursLes plaidoyers en direction des décideurs sont une priorité essentielle si l’on veut que la communication devienne une activité centrale dans les programmes de réduction de la pauvreté et que des politiques favorables soient mises en place dans les pays en développement. En tant que communicateurs, nous n’avons pas jusqu’ici réussi à communiquer notre message.

Ce qui est nécessaire, c’est une stratégie commune de communication pour atteindre les décideurs et planificateurs au niveau international et national. Il est indispensable de plaider pour que la communication soit intégrée dans les projets de réduction de la pauvreté, depuis la phase de planification, de façon stratégique, avec toutes les ressources et apports nécessaires.

Le plaidoyer en direction des décideurs doit observer toutes les règles de la communication efficace, en commençant par une étude d’audience. Deux enquêtes ont été entreprises à ce sujet avec les décideurs. A la demande d’une table ronde inter agences, en 1994, Colin Frazer et Arne Fjortoft ont entrepris une enquête auprès de 39 décideurs au niveau des gouvernements, des agences bilatérales et multilatérales d’aide et des ONG. L’UNICEF et l’OMS ont financé cette étude. Plus récemment, en 2003, Ricardo Ramirez et Wendy Quarryn ont interrogé 13 décideurs, avec un financement du CRDI. De nombreuses questions intéressantes ont été soulevées par ces deux études: sur la perception des objectifs de la communication pour le développement, la signification du terme, les obstacles pour une application plus large, le manque de preuves de l’impact, le manque de professionnels compétents, l’image de la discipline, les problèmes liés à l’organisation et sur les considérations politiques. Les résultats de ces enquêtes devraient désormais être exploités dans les initiatives prises pour sensibiliser les décideurs et les planificateurs.

Les résultats de ces enquêtes sur les praticiens de la communication montrent que la seule façon de convaincre des décideurs de consacrer davantage de ressources à la communication, c’est de leur apporter des exemples concrets de l’impact et de la rentabilité de la communication. En déclarant simplement que nous avons besoin de plus de communication, nous ne convaincrons personne. Nous devons démontrer, par des faits concrets et des résultats d’évaluations, la valeur de

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la communication pour atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté. Les études de cas anecdotiques ne suffisent plus. Nous devons utiliser les outils et les approches pertinentes pour convaincre les décideurs – comme de bonnes vidéos et des présentations concises et incisives. Et nous devons apprendre à parler leur langage. N’est-ce pas ce que nous avons fait pour travailler avec la population rurale?

d) Durabilité de la communication participative La durabilité des initiatives de communication participative avec les groupes vulnérables et marginaux est une autre question essentielle, qui, en raison des échecs du passé, appelle une réflexion créative et innovante pour l’avenir. L’effondrement de tous les projets une fois que l’assistance extérieure s’est retirée est bien connue. La génération de revenus et l’appel au volontariat ont été utilisés pour obtenir des résultats durables, mais cela n’a pas suffi. Travailler avec les pauvres nécessitera probablement toujours des subventions et des interventions extérieures de longue durée.

L’échec de nombreux efforts pour mettre en place des programmes durables est probablement dû, en partie, au fait qu’ils se situaient bien souvent dans le cadre d’institutions gouvernementales, sans les partenariats nécessaires avec l’ensemble des acteurs engagés dans les activités communautaires et sans appropriation par les communautés. En outre, les gouvernements ne sont pas toujours vraiment intéressés à l’émancipation et la participation de la base, même s’ils ont soutenu ces concepts, en paroles. Même s’ils étaient intéressés, ils ne pourraient plus aujourd’hui assurer le financement de services à l’échelle des communautés de base.

La participation des communautés engagées et leur appropriation des objectifs et des activités des projets sont des éléments essentiels de durabilité. Les cadres politiques et institutionnels devraient être ouverts et encourager des partenariats avec tous les acteurs intéressés. L’engagement des autorités locales est également essentiel pour la durabilité. La conception des projets devrait leur accorder une durée suffisante pour réaliser leurs objectifs de façon durable. Enfin, les ressources locales (technologies médiatiques, d’aménagements et de personnel) devraient être adaptées au contexte économique des communautés, afin qu’elles soient en mesure d’en assurer le suivi. (Coldevin 2003).

e) Le partage de l’information et des expériences Il est essentiel de promouvoir davantage d’échanges et d’analyses portant sur un large éventail de pratiques et d’expériences pour améliorer la communication avec les pauvres. Il y a un déficit de mémoire institutionnelle et de nombreux spécialistes de la communication vivent dans l’isolement et doivent quelquefois réinventer la roue. Il est également important de capitaliser la vision et l’expérience des premiers pionniers qui ont appliqué avec succès des approches de communication participative avec les populations marginalisées.

Les rencontres interpersonnelles comme cette table ronde sont une occasion de partager l’information et les expériences, mais elles doivent aussi identifier de nouveaux partenariats, des entreprises communes et des activités concrètes de suivi.

La communication en ligne est devenue la principale source pour les réseaux et les échanges d’information. ‘Communication Initiative’ est une plateforme mondiale et un pourvoyeur d’informations, d’études de cas, de stratégies, de résultats d’évaluations, d’opinions, d’événements, de formation et de propositions de travail. C’est un excellent exemple de partenariat entre de nombreuses institutions engagées dans la communication pour le développement. D’autres réseaux, plus axés sur le débat sur les TIC comprennent l’IICD, Digital opportunities, Bridges, the Open Knowledge Network, et GKD. Il serait toutefois nécessaire de développer davantage d’initiatives avec un centrage régional et national, notamment pour le personnel local travaillant

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avec les communautés défavorisées, comme Isang Bangsak (CRDI). Un récent atelier sur la radio et les TIC, tenu à Quito, en Equateur, et organisé par la FAO - La Ond@Rural - s’est engagé à mettre en place un réseau et une plateforme pour les échanges d’informations, d’expériences et d’entreprises conjointes et pour assurer la promotion des initiatives de communication participatives avec les groupes vulnérables de la région.

Les forums électroniques sont également très utiles à condition qu’ils n’abordent qu’un seul thème, qu’ils soient de courte durée et qu’ils disposent de bons facilitateurs. Un bon exemple en est le forum sur la Communication et la gestion des ressources naturelles organisé par Communication Initiative et la FAO. Un autre forum réussi a été organisé par le Groupe de la communication pour le développement de la Banque mondiale.

Les publications, les journaux et les études de cas continuent d’être essentiels. De nombreuses publications ont paru récemment. Le Consortium pour la communication et le changement social met au point une bibliographie en ligne et un lecteur de documents pour analyser les principaux ouvrages existants sur la communication pour le changement social et pour rassembler l’évolution de la discipline et l’ensemble des connaissances. Ce sera un outil important pour les chercheurs et les praticiens. Un nouveau journal commencera bientôt sa parution sous la direction de Jan Servaes.

“Si la communication pour le développement devenait une force motrice pour l’amélioration de la qualité de vie des pauvres, il serait essentiel de créer des passerelles entre les différentes approches, de promouvoir un langage et une compréhension communs, de partager les expériences, d’élaborer des principes et des directives communs et d’identifier les défis et les moyens nécessaires pour les relever. Nous devons aussi inventorier ce qui a été appris et ce qu’il reste à apprendre. C’est un défi que personne d’entre nous ne peut ignorer”. (Rapport de la huitième table ronde sur la communication pour le développement).

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La Communication pour le Développement doit à la fois permettre un meilleur dialogue et une participation et un partage des connaissances et de l’information entre les peuples et les institutions. La 9ème Table ronde (Rome, septembre 2004), s’est intéressée à la “Communication et au développement durable” en abordant les trois principales thématiques suivantes, liées entre elles mais aussi centrales pour cette problématique: la communication dans la recherche, la vulgarisation et l’éducation; la communication pour la gestion des ressources naturelles; et la communication pour les groupes isolés et marginalisés. Les différents textes présentés dans cet ouvrage offrent des vues et des perspectives qui contribuent à la réflexion sur ces thématiques.

COMMUNICATION ET DÉVELOPPEMENT DURABLESélection d’articles présentés lors de la 9ème Table ronde des Nations Unies sur la communication pour le développement