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ROSE-ROTH 253 SEM 15 F Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN 89 e SEMINAIRE ROSE-ROTH RAPPORT DE SÉMINAIRE SECURITE ET STABILITE DANS LE CAUCASE DU SUD : FAVORISER UNE PAIX REGIONALE DURABLE EREVAN, ARMENIE 18-20 JUIN 2015

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ROSE-ROTH253 SEM 15 FOriginal : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

89e SEMINAIRE ROSE-ROTH

RAPPORT DE SÉMINAIRE

SECURITE ET STABILITE DANS LE CAUCASE DU SUD :

FAVORISER UNE PAIX REGIONALE DURABLE

EREVAN, ARMENIE 18-20 JUIN 2015

www.nato-pa.int 12 novembre 2015

Le présent rapport de séminaire est présenté à titre d’information uniquement et ne représente pas nécessairement le point de vue officiel de l’Assemblée. Il a été préparé par Ethan Corbin, directeur de la Commission de la défense et de la sécurité et par Henrik Bliddal, directeur de la Commission des sciences et des technologies.

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253 SEM 15 F

I. INTRODUCTION

1. Le 89e séminaire Rose-Roth de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN s’est tenu à Erevan, Arménie, du 18 au 20 juin 2015. Organisé en coopération avec l’Assemblée nationale de la République d’Arménie et avec le soutien du gouvernement suisse, il avait pour thème Sécurité et stabilité dans le Caucase : favoriser une paix régionale durable. À cette occasion, 75 parlementaires de 17 pays membres ou partenaires de l’OTAN ont débattu, en compagnie d’observateurs et de spécialistes internationaux, diverses questions essentielles pour la paix et la sécurité dans le Caucase du Sud. Plus spécifiquement, les problèmes intérieurs et régionaux de l’Arménie ont fait l’objet d’un examen approfondi avec des responsables politiques et des personnalités de la société civile, ainsi qu’avec des experts internationaux.

2. Le séminaire portait sur une meilleure compréhension par la communauté internationale de l’évolution des relations entre l’Arménie et la communauté euro-atlantique. Plusieurs groupes de discussion ont traité des questions suivantes :

- les aspects politiques et économiques de la coopération avec la communauté euro-atlantique,- l’intégration euro-atlantique et le Caucase du Sud,- la sécurité et les conflits régionaux non résolus,- l’évolution de la scène politique et de la société civile dans la région,- la sécurité énergétique,- la réforme du secteur de la sécurité et le développement de l’intégrité dans les milieux de la

défense, et- la montée en puissance de Daech (acronyme arabe pour le groupe Etat Islamique) et les liens

de celui-ci avec la région du Caucase.

3. Tout au long du séminaire, experts et responsables arméniens sont revenus sur les nombreux facteurs qui modèlent l’environnement sécuritaire dans le Caucase du Sud : la persistance des tensions entre Tbilissi et Moscou, conséquence de l’occupation de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie par la Russie, le conflit du Haut-Karabakh, la fermeture des frontières entre l’Arménie et la Turquie, les sanctions internationales contre l’Iran et le flot d’extrémistes partant du Caucase pour aller combattre au Moyen-Orient et en Afrique du Nord dans l’une ou l’autre des multiples guerres civiles qui font rage dans cette partie du monde, ou même dans l’est de l’Ukraine. Des responsables arméniens ont souligné les conséquences directes pour la région de la tension qui caractérise les relations entre la Russie et une grande partie de la communauté internationale, y compris l’Arménie, laquelle doit, en raison de sa situation géographique et de ses intérêts, trouver une position d’équilibre entre les deux camps.

II. OUVERTURE DES TRAVAUX

4. Les débats de la séance d’ouverture étaient conduits par le chef de la délégation de l’Arménie auprès de l’Assemblée, Koryun Nahapetyan, qui a souhaité la bienvenue aux participants et a déclaré que, grâce aux partenariats, l’Arménie apportait une contribution spécifique aux valeurs communes de l’OTAN et de l’Union européenne. Le président de l’Assemblée nationale de la République d’Arménie, Galust Sahakyan, a souligné les efforts considérables consacrés à l’amélioration des institutions démocratiques et le rôle accru des commissions parlementaires en matière de contrôle et de transparence, tout comme l’avènement d’une société civile de plus en plus dynamique. L’Arménie souhaite satisfaire aux normes institutionnelles euro-atlantiques, participer pleinement aux initiatives de l’Union européenne et entretenir une étroite collaboration avec l’OTAN. Elle attache beaucoup de prix à la participation de ses forces armées aux missions de cette dernière ; depuis 2012, 35 soldats arméniens servent dans la Force du Kosovo (KFOR). Elle prend par ailleurs une part active aux travaux de l’Assemblée : elle a ainsi accueilli des séminaires Rose-Roth en 2005 et 2010. Elle occupe dans le Caucase du Sud une position difficile. Elle prône le règlement des conflits régionaux par des efforts collectifs et la coopération dans un contexte où toutes les parties seraient animées de la volonté politique requise. Notamment, le conflit du Haut-

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Karabakh doit être réglé selon le principe de l’autodétermination, dans le respect du droit international. L’Arménie est favorable au règlement pacifique des différends et souscrit sans réserve au processus de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). L’intervenant a appelé de ses vœux une amélioration des relations entre Erevan et Ankara, amélioration qui, toutefois, ne saurait être liée à des conditions préalables. Il a invité instamment les autorités turques à signer le protocole de 2009 sur l’établissement de relations diplomatiques et le protocole sur l’instauration de relations bilatérales entre la Turquie et l’Arménie.

5. L’un des vice-présidents de l’AP-OTAN, Paolo Alli, a souligné que des rencontres telles que les séminaires Rose-Roth offraient aux protagonistes d’un pays ou d’une région une occasion unique en son genre de débattre des questions de haut niveau sans les contraintes inhérentes aux réunions officielles entre responsables gouvernementaux. Le fait de donner la parole à tant de parties prenantes différentes permet d’avoir des débats approfondis et sans entraves autour de chaque sujet. L’intervenant a déploré la situation lamentable qui régnait dans le Haut-Karabakh et la régression qu’illustre la quasi-absence de participation de l’Azerbaïdjan1, alors qu’au contraire, lors du séminaire Rose-Roth d’Erevan, en 2010, des représentants du gouvernement et de la société civile azerbaïdjanais avaient pris une part active aux travaux et aux débats. L’intervenant a exprimé le désir sincère de voir la communauté internationale continuer à dialoguer avec l’Arménie pour œuvrer à l’instauration d’une paix durable dans la région, démarche d’autant plus essentielle aujourd’hui que la sécurité de ladite région est indissociable des problèmes de sécurité qui se posent à l’échelle internationale, avec leurs protagonistes et leurs conséquences.

6. L’ambassadeur de la Suisse en Arménie, Lukas Gasser, a souhaité à son tour la bienvenue aux participants. Il a rappelé que son pays s’employait à favoriser les échanges interparlementaires dans des structures telles que les séminaires Rose-Roth, mais que sa coopération avec l’Arménie allait bien au-delà de l’organisation de manifestations de ce genre. Grâce aux projets qu’elle mène d’année en année, la Suisse aide activement l’Arménie à préserver et à enrichir ses institutions démocratiques. En outre, le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées – Genève (DCAF) s’intéresse de près – et de longue date – au contrôle démocratique du secteur de la sécurité, en coopération avec l’antenne de l’OSCE à Erevan. Les autorités suisses manifestent à l’égard du Caucase du Sud un engagement durable, comme l’atteste modestement mais clairement leur soutien constant au Partenariat pour la paix de l’OTAN et aux séminaires Rose-Roth.

7. Le ministre des Affaires étrangères de la République d’Arménie, Edouard Nalbandian, a estimé que les problèmes de sécurité de la région ne pouvaient être résolus que par un élargissement de la coopération et des partenariats entre les Etats du Caucase du Sud et la communauté internationale. L’Arménie cherche à resserrer sa coopération avec l’Union européenne comme avec l’OTAN, en dépit de sa décision de ne pas signer d’accord d’association avec la première, en 2013. L’instauration de relations plus étroites avec l’UE ne saurait empiéter sur les relations avec d’autres partenaires, dont la Russie et l’Union économique eurasienne (UEEA). Il faut espérer que le Conseil européen approuvera bientôt un mandat de négociation en vue de la conclusion d’un nouvel accord de coopération bilatéral.

8. L’intervenant a souligné l’importance des liens entre l’Arménie et l’OTAN dans le contexte de son plan d’action individuel pour le Partenariat (IPAP) individuel et a noté qu’un dialogue politique sur la sécurité mondiale se tenait au plus haut niveau et à intervalles réguliers. Il est revenu sur la participation de l’Arménie à la mission Resolute Support en Afghanistan, pays où Erevan affecte un contingent depuis 2010, et il a insisté sur la volonté de l’Arménie de contribuer à la sécurité internationale, rappelant que les forces armées arméniennes participaient de plus en plus aux opérations de maintien de la paix internationales.

9. L’intervenant a fait observer que l’Arménie occupait une position géographique particulièrement délicate. Les événements qui se produisent aux alentours – en Syrie ou en Iraq,

1 Seul un spécialiste de la société civile azérie, Zaur Chiriev, qui travaille actuellement en dehors de la région, assistait au séminaire.

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par exemple – ont des répercussions sur le pays. Le Caucase du Sud a besoin d’un climat paisible, ce que ne permettent ni les décisions unilatérales ni la fermeture des frontières.

10. Evoquant la crise ukrainienne, l’intervenant a déclaré que des liens d’amitié unissaient l’Ukraine et l’Arménie par l’intermédiaire, entre autres, de la diaspora arménienne. Il a toutefois critiqué la résolution sur l’intégrité territoriale de ce pays que l’Assemblée générale de l’ONU a adoptée en mars 2014, car l’Arménie ne souscrira jamais à une résolution qui défendrait le principe de l’intégrité territoriale sans défendre celui du droit à l’autodétermination. Il s’est félicité des accords de Minsk, persuadé qu’ils ouvriront la voie à un règlement pacifique. Chaque conflit a une dynamique et des caractéristiques qui lui sont propres et ne peut s’accommoder d’une solution universelle ; seuls les Ukrainiens pourront trouver une solution durable.

11. A propos du conflit du Haut-Karabakh, l’intervenant a souligné que la négociation était le seul moyen de progresser. Il a critiqué le traitement réservé par l’OTAN à la question, notamment tel qu’il est exposé dans les documents officiels, et s’est dit mécontent de l’attitude de l’Azerbaïdjan vis-à-vis du Groupe de Minsk et, plus généralement, du processus de règlement du conflit. Il a déploré également l’augmentation substantielle du budget de la défense azerbaïdjanais de ces dix dernières années. Depuis le début, l’Arménie souscrit au processus du Groupe de Minsk. L’intervenant a demandé à la communauté internationale de contribuer davantage au règlement du conflit en insistant sur l’importance d’un soutien pratique au dit processus. Le Groupe de Minsk est la seule entité dotée d’un mandat international et la plus apte à obtenir des résultats. L’Azerbaïdjan, pour sa part, continue à rejeter les propositions du Groupe et ne s’est pas engagé dans une démarche visant à bâtir la confiance. Qui plus est, l’Arménie et le Haut-Karabakh sont les principales parties au conflit, un fait qu’il y a lieu de prendre en considération. Depuis 2014, la situation sur la ligne de contact dans le Haut-Karabakh a empiré. Elle s’est toutefois stabilisée au cours des derniers mois, mais l’intervenant a attribué cela à l’imminence de l’ouverture des Jeux européens en Azerbaïdjan et a dit s’attendre à une reprise des incidents après la fin des Jeux.

12. Au sujet des événements de 1915, l’intervenant a déclaré que l’admission des crimes passés était un moyen essentiel d’éviter que ceux-ci ne se reproduisent. Pour l’Arménie, ces événements constituent un génocide ; l’intervenant a remercié les pays qui le reconnaissent et a appelé la Turquie à faire de même.

13. Interrogé sur la sûreté de la centrale nucléaire de Metsamor, l’intervenant a répondu que la question n’avait jamais été soulevée lors des rencontres entre responsables arméniens et turcs qui ont précédé à la signature des protocoles de 2009. Il s’agit pour lui d’une question mineure.

14. L’intervenant a indiqué que l’Arménie tentait modestement de contribuer à un accord sur le programme nucléaire iranien. Elle a été la première à saluer la conclusion de l’accord global et souhaite vivement que la question soit réglée, de manière à permettre une amélioration des relations économiques avec Téhéran.

III. COOPERATION ENTRE L’ARMENIE ET LA COMMUNAUTE EURO-ATLANTIQUE : SECURITE, POLITIQUE ET ECONOMIE

15. Le ministre de la Défense, Seyran Ohanyan, a déclaré qu’en dépit des difficultés qu’il connaissait sur le plan régional, son pays exportait désormais de la sécurité, plutôt qu’il n’en importait, et ce grâce à sa participation durable aux opérations de maintien de la paix de l’OTAN et de l’ONU en Afghanistan, au Kosovo et au Liban. La présence de l’Arménie dans l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) et sa participation au Partenariat pour la paix de l’OTAN sont en fait complémentaires plutôt qu’antagoniques. La situation géopolitique actuelle génère des menaces fluctuantes et imprévisibles pour la sécurité de l’Arménie comme du reste de la communauté internationale. Cette situation est l’une des principales raisons pour lesquelles Erevan continuera à coopérer avec l’OTAN, une coopération placée sous le signe de l’ouverture et de la transparence.

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16. L’intervenant a estimé que les conflits dans le Caucase du Sud ne pouvaient être considérés de manière isolée : la région est de facto entourée de conflits non résolus. Aujourd’hui, la sécurité est davantage menacée par les divergences et les incompatibilités des positions nationales défendues dans les domaines de la sécurité collective, de l’énergie et de l’économie. Le terrorisme transnational et, singulièrement, les menées de Daech, sont particulièrement préoccupants. Le Caucase reste une cible, notamment en raison du retour des combattants étrangers.

17. La coopération avec l’OTAN fait avancer les réformes militaires requises et améliorent l’interopérabilité des forces arméniennes et des forces alliées et partenaires. L’accent est mis sur la réforme de la professionnalisation et des formations militaires, de même que sur le développement de l’intégrité. L’Arménie est le seul membre de l’OTSC et allié de la Russie à prendre part à tous les programmes de paix et de stabilité de l’OTAN. Celle-ci garantit la stabilité du Caucase du Sud, même si l’Arménie attend d’elle qu’elle se montre équitable : les trois partenaires de la région devraient bénéficier de possibilités identiques en ce qui concerne les programmes alliés.

18. Au vu de la multiplication des violations du cessez-le-feu de 1994 le long de la ligne de contact et sur la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, l’absence de communication directe entre les ministères de la Défense des deux pays préoccupe beaucoup l’intervenant. Une telle communication existait avant 2008, essentiellement à l’échelon des commandants sur le terrain, mais elle fait maintenant défaut. Si des responsables des ministères des Affaires étrangères azerbaïdjanais et arménien se rencontrent, il n’en va pas de même pour les ministères de la Défense. Les forces armées arméniennes tentent toujours d’apaiser les tensions et font montre de retenue.

19. Dirk Lorenz, chargé d’affaires a.i. de la délégation de l’Union européenne à Erevan, a décrit de manière fort claire les relations entre l’UE et l’Arménie. Il s’agit certes de relations « très complexes », mais les autorités arméniennes coopèrent de façon non négligeable dans un certain nombre de domaines. Ainsi, elles participent activement à tous les programmes relevant de la Politique commune de sécurité et de défense (PCSD) que l’UE propose aux pays du Partenariat oriental.

20. Evoquant le Haut-Karabakh, l’intervenant a souligné que l’augmentation du nombre de morts sur la ligne de contact durant le premier semestre 2015 était préoccupante. Les propos belliqueux, la poursuite de la course aux armements et diverses questions d’ordre humanitaire ont des répercussions néfastes sur le processus de règlement du conflit comme sur la population, qui se trouve directement mêlée au conflit. Le statu quo ne saurait se prolonger et il faut, à l’évidence, une solution politique. L’Union européenne soutient le Groupe de Minsk et ses coprésidences dans leurs tentatives de trouver une solution. Un nouveau représentant spécial de l’Union européenne (RSUE) pour le Caucase du Sud et la crise en Géorgie vient d’être nommé : il s’agit de Herbert Salber, qui se rend régulièrement dans la région et qui collabore étroitement avec les coprésidences du Groupe. Soucieuse de compléter les efforts de ce dernier, l’UE finance des activités propres à instaurer un climat de confiance et envisage d’en soutenir d’autres. Ainsi que l’intervenant l’a rappelé, l’UE a demandé aux deux parties : - d’intensifier leurs efforts pour parvenir à un accord de paix global qui soit fidèle aux

engagements pris au sein du Groupe de Minsk ;- de s’abstenir d’actes et de déclarations susceptibles d’aviver les tensions et de saper le

processus de paix ;- de réunir les conditions propices à l’accomplissement de progrès dans la résolution du conflit

et à l’encouragement et au soutien d’activités de consolidation de la paix ; - de veiller à ce que les représentants de l’UE affectés aux activités de règlement du conflit

puissent accéder librement au Haut-Karabakh et aux régions avoisinantes.

21. L’intervenant a poursuivi en faisant observer que le Sommet du Partenariat oriental, qui s’est tenu à Riga en mai 2015, a été fructueux pour ce qui est des relations entre l’UE et l’Arménie. Dans l’intervalle qui a séparé le Sommet de Vilnius (2013) et celui de Riga, les deux parties se sont

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employées à trouver un terrain d’entente dans la perspective d’un nouvel accord-cadre juridiquement contraignant. Cette démarche visant à définir le champ d’application d’un tel accord a abouti et les deux parties ont hâte d’ouvrir les négociations dès que les Etats membres auront accordé un nouveau mandat à l’UE. Les dirigeants de celle-ci entendent également engager avec l’Arménie, le moment venu, un nouveau dialogue autour de la question des visas.

22. Au chapitre des échanges commerciaux, l’intervenant a expliqué que l’Union européenne – et non la Russie – restait le premier partenaire sur le triple plan des exportations, des importations et des investissements étrangers directs. Les relations commerciales et économiques seront prises en compte dans le nouvel accord-cadre, mais aucun régime préférentiel ne pourra figurer dans celui-ci, car Erevan a transféré à l’UEEA ses compétences en la matière. En lieu et place d’un tel régime, l’Arménie bénéficie des préférences commerciales unilatérales octroyées par l’UE. A ce titre, elle peut compter sur une exemption tarifaire pour environ 66 % des lignes tarifaires européennes. Dans de nombreux autres cas, un taux nul est applicable, ce qui signifie qu’une bonne partie des exportations arméniennes est exempte de redevances douanières. Quelle que soit la méthode de calcul, il apparaît que l’UE est aussi le plus grand donateur de l’Arménie. Entre 2007 et 2013, elle a alloué à la coopération bilatérale 241,5 millions d’euros. De surcroît, l’Arménie a reçu 40 millions d’euros sous forme de subventions bilatérales en 2012 et 2013. Pour la période allant de 2014 à 2017, l’assistance de l’UE oscillera entre 140 et 170 millions d’euros.

IV. LA MONTEE EN PUISSANCE DE DAECH AU MOYEN-ORIENT ET AU-DELA

23. Domitilla Sagramoso, maître de conférences en sécurité et développement à la faculté de polémologie du King’s College de Londres, a indiqué que l’extrémisme dans le Caucase et, plus spécialement, dans le Caucase du Nord n’était pas chose nouvelle. Entre le milieu et la fin des années 2000, une nouvelle génération de djihadistes a embrassé la cause de l’islamisme transnational, ce qui a donné naissance à ce que l’intervenante a appelé un mouvement pan-caucasien. En 2007, des islamistes radicaux ont proclamé l’avènement d’un « émirat du Caucase ». Cette année, des combattants originaires du Caucase affluent en Syrie et en Iraq et le nombre de ceux qui font allégeance à Daech va en augmentant. Pour l’intervenante, Daech est donc présent dans Caucase du Nord. Bon nombre des combattants qui partent à l’étranger viennent de régions qui faisaient autrefois partie de l’URSS. C’est notamment le cas des Tchétchènes, des extrémistes de la vallée du Pankissi en Géorgie, et des Tatars de Crimée. Il est difficile de calculer avec précision le nombre de Caucasiens qui se sont rendus au Moyen-Orient, mais ce nombre doit se situer entre 1 500 et 3 000 hommes. Le contingent caucasien présent en Syrie et en Iraq est relativement petit, mais il se distingue par son efficacité au combat et par la violence extrême dont il use envers les populations civiles. Ses membres ont rejoint des groupes rivaux entre eux et ils échangent dans les réseaux sociaux des propos violents. Cependant, à la suite de la proclamation d’un califat par l’EIIS, ils ont rapidement rallié ce dernier.

24. Pour l’intervenante, les Caucasiens ont choisi Daech en raison des conquêtes territoriales de celui-ci et, pour certains d’entre eux, combattre les forces de Bachar el-Assad revient à régler par procuration leurs comptes avec la Russie. Dans un premier temps, les chefs du Caucase du Nord ont vu d’un mauvais œil le départ de leurs combattants. Ils ont fini par céder, tout en les pressant de rejoindre les rangs d’al-Qaïda. Les dissensions entre les diverses tendances islamistes du Moyen-Orient commencent à produire leurs effets dans le Caucase du Nord aussi. Dans l’ensemble, l’insurrection dans la région s’est affaiblie, mais toute la question est de savoir dans quelle mesure les différents groupes se combattront lorsqu’ils regagneront leur région d’origine. De l’avis de l’intervenante, Moscou a bien raison de s’inquiéter du retour des combattants étrangers.

25. Il faudra une stratégie reposant sur la patience et l’endiguement pour résoudre le problème, car le combat pour l’éradication de Daech sera long et difficile. L’intervenante a déclaré que les forces armées des Etats de la région seraient sans doute bien avisées de faire montre de moins de retenue devant la menace djihadiste grandissante dans le Caucase et que les gouvernements des mêmes Etats feraient bien d’appliquer des politiques moins exclusives, de manière à asseoir leur

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crédibilité face à Daech ; elle a toutefois ajouté que cela ne serait pas facile, loin de là. Avec une stratégie d’endiguement bien conçue, une infiltration de Daech dans le Caucase serait pratiquement impossible, mais le risque d’un retranchement dans le Caucase du Nord ne saurait être exclu.

26. Ruben Safrastyan, directeur de l’Institut des études orientales à l’Académie arménienne des sciences, a fait observer que Daech était un phénomène nouveau : il s’agit en effet d’une organisation terroriste qui a été capable de conquérir et de conserver des territoires. Son essor a été facilité, selon l’intervenant, par la déliquescence de l’appareil étatique en Libye, en Syrie, en Iraq et au Yémen. D’autres facteurs y ont contribué : la montée des tensions entre l’Orient et l’Occident, entre Moscou et Washington, et les aspects néfastes de la mondialisation.

27. L’étude des zones sous le contrôle de Daech montre que leurs populations sont dociles, mais cette docilité est avant tout une conséquence de la peur. Daech se livre à un génocide dans les régions qu’il occupe et la communauté internationale est incapable de s’y opposer efficacement. Les actions de Daech commencent à avoir des retombées mondiales. L’intervenant a estimé que Turquie, face à l’organisation terroriste, jouait un rôle négatif. Pour combattre Daech, plusieurs mesures s’imposent : le blocage de ses sources de financement, le contrôle renforcé des frontières entre la Turquie, la Syrie et l’Iraq par des éléments internationaux, la stigmatisation de Daech non comme une simple organisation terroriste, mais en tant que menace contre la civilisation mondiale, et la mise sur pied d’une opération militaire au sol placée sous les auspices de l’ONU, avec le soutien de l’OTAN.

V. HAUT-KARABAKH : LE ROLE DE LA MEDIATION

28. Le vice-ministre des Affaires étrangères de la République d’Arménie, Achot Hovakimian, a dressé l’historique – selon Erevan – des tentatives de règlement du conflit du Haut-Karabakh depuis le début du processus de Minsk, en 1992. Il a souligné l’importance d’une médiation impartiale et efficace pour toutes les parties au conflit et critiqué abondamment les méthodes appliquées par l’Azerbaïdjan pour régler ce dernier ; il a notamment demandé aux autorités de Bakou de renoncer à brandir la menace d’un recours à la force, menace de plus en plus présente dans leurs propos. Tous les principes inscrits dans les déclarations du Groupe de Minsk depuis 1992 doivent être pris en compte dans leur ensemble et ne sauraient être appliqués de manière sélective. Des mesures de confiance, telle la cessation des tirs embusqués de part et d’autre de la ligne de contact, doivent être prises au plus vite. Sans confiance mutuelle, il n’y a pas de solution envisageable ; or la confiance est actuellement très faible. L’intervenant a rappelé le grand nombre de violations du cessez-le-feu enregistrées depuis mars 2014, tant sur la ligne de contact qu’à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

29. Zaur Shiriyev, chercheur à l’Académie Robert Bosch du programme pour la Russie et l’Eurasie de Chatham House, à Londres, a essentiellement parlé de la méthode adoptée par l’Azerbaïdjan pour résoudre le conflit et des résultats escomptés des coprésidences du Groupe de Minsk par les autorités de Bakou. Les principales critiques de l’Azerbaïdjan concernent l’écart entre les attentes et les résultats. Lorsque les coprésidences étaient plus dynamiques et plus motivées, les succès étaient plus nombreux mais, depuis peu, leur esprit d’initiative – notamment du côté de la coprésidence russe – fait défaut. Voilà pourquoi l’Azerbaïdjan a demandé une modification de la composition du Groupe de Minsk. Il n’y a cependant d’autre solution que celle des coprésidences. L’intervenant a critiqué la fragilité des principes de Madrid de 2007 : il n’existe pas d’accord écrit et chaque partie interprète ces principes à sa façon. L’Azerbaïdjan a déclaré à plusieurs reprises que, en dépit du fait que les forces de maintien de la paix ne pouvaient comporter de contingents venus de pays voisins ou des pays assurant les coprésidences, certains membres de la classe politique arménienne ne cessaient d’évoquer l’éventuelle inclusion de troupes russes. L’un des grands points soulevés par l’intervenant est qu’un accord-cadre formel doit être élaboré pour qu’un règlement définitif puisse intervenir. De plus, l’Azerbaïdjan et l’Arménie doivent s’investir davantage dans la recherche d’une solution. L’intervenant a suggéré la création de commissions de paix nationales pour élargir les débats. Il a également préconisé la fixation de délais précis, car les négociations se

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déroulent sans calendrier contraignant. Le problème des mesures de confiance, a-t-il conclu, est qu’à ce stade elles ne servent à rien.

30. Laurence Broers, chercheur associé au programme «  Caucase » pour Conciliation Resources, a fait observer que le Groupe de Minsk était parvenu à obtenir des parties qu’elles ne quittent pas la table des négociations pendant toutes ces années, alors même que les grandes puissances se désintéressaient de la région. La longévité des principes de Madrid s’explique par leur supériorité méthodologique : ils combinent les mesures d’incitation globales du début, les démarches progressives et l’assentiment de principe implicite des présidents arménien et azerbaïdjanais sur de nombreux points, et ils sont passés d’un accord de paix à un accord sur le processus à suivre dans un contexte régional et international en mutation rapide.

31. L’intervenant s’est cependant dit pessimiste quant aux perspectives de règlement du conflit. Tout d’abord, l’omniprésence de la question du Haut-Karabakh sur le plan de la nation et de la construction de l’Etat est telle, en Arménie comme en Azerbaïdjan, que l’éventualité d’une quelconque ambiguïté dans le statut définitif de la région serait intolérable et qu’elle pourrait saper les principes de Madrid. Par ailleurs, alors que ces principes sont toujours là, les détenteurs du pouvoir des deux pays tolèrent ou soutiennent activement des politiques de nature à en entraver directement l’aboutissement. Les chefs d’Etat arménien et azerbaïdjanais et leurs ministres des Affaires étrangères, de même qu’un nombre toujours plus réduit d’organisations gouvernementales vouées au maintien de la paix, constituent la seule passerelle entre le projet de paix envisagé dans les principes de Madrid et l’attitude radicalement différente de l’opinion publique en Arménie, en Azerbaïdjan et dans le Haut-Karabakh. Reste à savoir combien de temps cette passerelle pourra tenir. Il y a trop longtemps que les populations directement concernées par le conflit – y compris les habitants du Haut-Karabakh et ceux qui ont dû fuir la région – sont tenues à l’écart du processus.

32. Jacques Faure, récemment parvenu au terme de son mandat de trois ans en tant que coprésident français du Groupe de Minsk, a expliqué le rôle joué par celui-ci et ses coprésidences, lesquelles ne présentent que des déclarations et des politiques préalablement entérinées par les ministères des Affaires étrangères des deux pays ; ce n’est qu’à ce moment que des propositions sont soumises à l’approbation des chefs d’Etat des mêmes pays. Il ne s’agit pas seulement d’accords verbaux ; il existe aussi des accords écrits et approuvés à l’unanimité lors des réunions ministérielles de l’OSCE. Le problème est qu’ils sont rarement mis en pratique. L’une des principales raisons de la stagnation du processus est l’absence de rapports de confiance mutuelle au plus haut niveau. L’intervenant a évoqué une multitude de propos belliqueux dont chacune des deux parties se sert tour à tour pour justifier ses propres représailles. Les deux pays se livrent à une course aux armements dont il faut dire qu’elle est très déséquilibrée, puisque le seul budget de la défense de l’Azerbaïdjan est supérieur au budget national arménien dans sa totalité. L’Arménie continue toutefois à compter sur le soutien de la Russie, ce qui n’échappe pas à l’Azerbaïdjan. Aux yeux de l’intervenant, la volonté politique et l’esprit de compromis manquent dans les deux camps, essentiellement pour des raisons de politique intérieure : aucun des deux dirigeants ne veut s’exposer aux critiques de son opposition.

33. L’intervenant a indiqué que, désireux de faire pencher la balance en sa faveur, l’Azerbaïdjan espérait pouvoir tirer parti de l’« équilibre » démographique et du déséquilibre économique, qui s’explique par la richesse de ses ressources pétrolières et gazières. L’Arménie souscrit largement, mais pas entièrement, aux propositions du Groupe de Minsk. Si elle insiste sur l’égalité entre eux des trois principes – pas de recours ou de menace de recours à la force, respect de l’intégrité territoriale des Etats et respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes – elle tend à privilégier le deuxième. L’intervenant a également déploré l’absence d’une ligne directe entre les ministères de la Défense des deux pays et suggéré qu’en conséquence une mission de l’OSCE soit envoyée sur la ligne de contact.

34. Le conflit ne devrait pas reprendre prochainement, en dépit de la multiplication des violations du cessez-le-feu, a estimé l’intervenant, pour qui ces incidents sont plutôt des avertissements à l’intention de l’Arménie : les autorités de Bakou entendent montrer aux Arméniens qu’elles sont

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déterminées à regagner le territoire perdu ; elles veulent aussi leur faire comprendre qu’il ne sera pas facile pour eux de conserver le Haut-Karabakh et les autres régions qu’ils occupent. Pour l’intervenant, tout cela est une question d’influence.

35. Enfin, l’intervenant a insisté sur le fait que le statu quo n’était pas tenable et a souligné combien il serait dangereux de déstabiliser le Groupe de Minsk, ce qui risquerait de porter un coup d’arrêt aux négociations. Le problème n’est pas dans le fonctionnement du Groupe ; même confrontées à la crise ukrainienne, les coprésidences ont conservé leur unité. Ce serait une erreur de confier le pouvoir à une seule coprésidence, fût-ce temporairement, car les deux autres coprésidences ne pourraient alors contester les initiatives qui seraient prises, ce qui saperait la cohésion du Groupe.

VI. LES PARTENARIATS DANS LE CAUCASE DU SUD

36. Steffen Elgersma, expert principal à la direction Intégration euro-atlantique et Partenariat de l’OTAN, a fait le point sur les politiques de partenariat de l’Organisation en général et sur les partenariats avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie en particulier. Dans le climat international actuel, l’atmosphère est très différente en ce qui concerne les partenariats, plus spécialement en raison des changements survenus dans les relations entre l’OTAN et la Russie. L’Alliance a clairement indiqué qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre l’adhésion d’un pays à l’un de ses partenariats et les orientations stratégiques de ce même pays. Dans le Caucase du Sud, les trois pays ont précisément des orientations stratégiques différentes et des attentes tout aussi différentes à l’égard des partenariats de l’OTAN, puisqu’ils cherchent tous à élaborer une politique de sécurité efficace et propre à assurer un équilibre entre de multiples acteurs. La coopération pratique repose sur : - les opérations de l’OTAN : coopération en matière de défense, s’agissant par exemple de la

réforme de la défense, de la reddition de comptes, de la transparence et de l’interopérabilité ;- des domaines de coopération spécialisés, tels que la préparation aux situations d’urgence, la

cybersécurité ou la sécurité énergétique ; - la diplomatie publique, puisque l’image de l’OTAN est brouillée dans ces trois pays.

Spécifiquement, l’OTAN se penche sur la réforme du ministère de l’Intérieur, les services du procureur général et la législation antidiscriminatoire en Géorgie ; sur la réforme judiciaire, la lutte contre la corruption, l’amélioration du statut des médias et les amendements constitutionnels en matière de contrôle démocratique du secteur de la défense et de la sécurité en Arménie et sur le recul des libertés civiles, la liberté des médias et les organisations non gouvernementales en Azerbaïdjan. L’intervenant a indiqué que les partenariats de l’OTAN dans le Caucase du Sud évoluaient, mais qu’il existait de nombreuses possibilités de les améliorer. L’OTAN doit continuer à s’occuper de sécurité coopérative dans la région en fournissant les ressources nécessaires. Elle approuve sans réserve le mode de fonctionnement du Groupe de Minsk mais, cela étant, elle ne joue aucun rôle dans le règlement ou la gestion du conflit du Haut-Karabakh. Elle s’efforcera de veiller à ce que les bonnes relations qu’elle entretient avec la Géorgie profitent à l’Arménie comme à l’Azerbaïdjan. L’intervenant a fait observer, en conclusion, que l’OTAN souhaitait maintenir sa coopération avec l’Arménie en Afghanistan.

37. David Shahnazaryan, analyste principal au Centre d’études régionales en Arménie, a soutenu qu’il était possible pour l’OTAN de développer des partenariats dans le Caucase du Sud avec les trois pays partenaires et que le bureau de l’OTAN pour la région pouvait et devait prendre cette initiative. L’OTAN pourrait, par exemple, avoir un débat en Géorgie autour d’une démarche commune dans ce sens. L’intervenant a souligné que le partenariat avec l’OTAN était essentiel pour la politique étrangère et la politique de sécurité arméniennes. La décision de rejoindre l’OTSC et l’UEEA n’était pas celle de la majorité des Arméniens, ni même de leurs dirigeants. Cependant, elle était inéluctable, compte tenu des pressions exercées par la Russie : un refus aurait entraîné de graves conséquences pour le gouvernement. Cependant, une coopération accrue avec l’OTAN inciterait Moscou à se montrer plus respectueux de la souveraineté de l’Arménie.

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38. L’intervenant a estimé que l’OTAN et l’AP-OTAN devaient contribuer davantage au règlement du conflit du Haut-Karabakh. L’ingérence russe ne fait que donner plus de relief à l’aspect militaire du problème, car la Russie a conclu avec l’Azerbaïdjan des ventes d’armes pour un montant de plusieurs milliards de dollars. Une amélioration des relations entre l’Arménie et la Turquie aurait une grande importance pour le Caucase du Sud, certes, mais aussi pour les relations entre l’Arménie et l’OTAN. Les autorités d’Erevan sont prêtes à développer ces relations sans conditions préalables.

39. Ghia Nodia, président de l’Institut du Caucase pour la paix, la démocratie et le développement, professeur et directeur de l’Ecole internationale pour les études caucasiennes à l’université d’Etat Ilia- Tchavtchavadze (Tbilissi), a dit qu’en dépit de son désir de rejoindre l’OTAN et l’UE, la Géorgie était en état de suspension relative pour ce qui concernait son intégration dans les institutions euro-atlantiques. Ce pays doit se montrer réaliste et persévérant et comprendre que la situation actuelle ne joue pas en sa faveur dans un contexte marqué par la crise ukrainienne, la perspective d’une sortie du Royaume-Uni et de la Grèce de l’Union européenne, Daech et des budgets déficitaires. L’intervenant a déploré que l’OTAN n’ait pas de stratégie claire vis-à-vis du Caucase du Sud et qu’elle veille simplement à ne pas faire chavirer la barque. La volonté politique n’est pas au rendez-vous.

40. La question qui se pose à la Géorgie est donc de savoir si elle doit renoncer à l’Occident ou si elle doit persister dans ses aspirations euro-atlantiques. L’intervenant s’est dit en faveur de la deuxième solution, car il s’agit d’un choix rationnel sans solution de substitution. Il a précisé qu’il comprenait et respectait la décision de l’Arménie d’adhérer à l’UEEA, mais il soutient que cette décision a été prise sous la contrainte. Aucun pays libre ne rejoint l’UEEA, et la Géorgie veut conserver son agence. Choisir l’OTAN et l’Union européenne, c’est accéder à des valeurs et à des institutions sur lesquelles la Géorgie entend se fonder. C’est aussi profiter de conseils et des bienfaits de la cohérence et de l’unité dans une situation politique polarisée. Certes, la conjoncture n’est pas favorable à la Géorgie, mais la persistance portera ses fruits à long terme. Il faut toutefois savoir qu’un pourcentage grandissant de la population est en passe de renoncer à l’Occident et commence à nourrir de la sympathie pour l’intégration eurasienne.

VII. LE DEVELOPPEMENT DE L’INTEGRITE DANS LE CONTEXTE DE LA REFORME DE LA DEFENSE EN ARMENIE

41. Le vice-ministre de la Défense de la République d’Arménie, Ara Nazaryan, a parlé de la coopération entre son pays et l’OTAN autour du programme pour le développement de l’intégrité. Le manque d’intégrité au sein des forces armées a engendré des comportements répréhensibles : défense d’intérêts personnels, querelles intestines absurdes et contrebande d’armes légères et d’armes de petit calibre. L’Arménie entend poursuivre l’exécution de ce programme jusqu’à son terme. Les raisons pour cela sont nombreuses. Le programme a permis de réduire les pertes financières dues à la corruption ; cet argent servira désormais à consolider les capacités et l’efficacité des forces armées. Il ne s’agit pas simplement de choisir les bonnes institutions et les procédures correctes, mais aussi d’instiller le sens des valeurs chez les soldats. L’Arménie a fait de modestes progrès. Le ministère de la Défense a présenté un rapport d’auto-évaluation à l’OTAN, même s’il l’a fait tardivement en raison de problèmes techniques. Ce processus concerne toutes les branches des forces armées et permet à lui seul de cerner les insuffisances persistantes dont souffrent ces dernières. Les programmes pour le développement de l’intégrité ne se limitent pas à l’OTAN et englobent un projet en cours avec l’OSCE.

42. Richard Giragosian, directeur du Centre pour les études régionales d’Erevan, a estimé que le degré d’intégrité dans les forces armées était une pierre de touche essentielle pour un pays. Une amélioration de la transparence permet d’instaurer la confiance à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Grâce à l’introduction d’un professionnalisme associé au contrôle civil, à l’esprit d’initiative et à une vision stratégique, les gouvernements investissent dans leurs citoyens. Les forces armées arméniennes ont beaucoup progressé à cet égard, notamment sur le plan des études militaires. Compte tenu de l’absence d’obligation de rendre des comptes dans d’autres secteurs

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d’activité de l’Etat, l’objectif de la responsabilisation revêt une grande importance. Trois résultats précis peuvent être obtenus par l’intermédiaire de programmes tels que celui de l’OTAN : gagner la confiance de l’opinion publique et inciter cette dernière à avoir confiance dans les forces armées, adoption d’un dispositif militaire défensif qui permet au pays concerné de devenir un partenaire pour la paix, et endiguement de la corruption. Les forces armées arméniennes sont en passe de figurer au nombre de celles qui sont les moins corrompues au monde ; elles affichent en outre un bon moral et un haut niveau de préparation opérationnelle. En tant que membre de l’OTSC et membre particulièrement actif du Partenariat pour la paix de l’OTAN, l’Arménie constitue un cas unique et peut servir de passerelle entre les deux entités. Les relations militaires avec des pays occidentaux ou non sont un moyen d’équilibrer les relations avec Moscou. L’orientation pro-occidentale de l’Arménie et le fait que ce pays continue à compter sur la Russie dénotent l’existence d’une politique de complémentarité.

VIII. LA FERMETURE DES FRONTIERES ET SES REPERCUSSIONS SUR LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE, LA STABILITE ET LA PAIX

43. Alexandre Iskandaryan, directeur de l’Institut du Caucase, a présenté une vue générale des multiples fermetures de frontières enregistrées dans le Caucase du Sud et des nombreux autres obstacles au développement économique de la région. Pour illustrer l’ampleur du problème, il a indiqué qu’il était beaucoup plus facile pour un Arménien de se rendre aux Etats-Unis qu’en Azerbaïdjan et qu’un Géorgien en savait davantage sur la politique allemande que sur l’Abkhazie. Auparavant, le Caucase du Sud était une région dont les composantes se mélangeaient entre elles, ce qui n’est désormais plus le cas. Les frontières de l’Arménie avec la Turquie et l’Azerbaïdjan sont fermées. La frontière russo-géorgienne reste fermée dans un sens, et la Russie reconnaît la souveraineté de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. L’Azerbaïdjan bloque un aéroport international desservant le Haut-Karabakh. Les relations entre la communauté internationale et l’Iran entravent le resserrement de la coopération entre ce pays et ses voisins. Dans ces circonstances, parler de coopération régionale n’a aucun sens et le problème est que les relations vont en se détériorant et que l’instabilité menace toujours plus. L’Arménie et la Turquie devraient ouvrir leurs frontières communes sans conditions préalables mais, malheureusement, cela ne semble guère envisageable pour l’instant.

44. Amanda Paul, analyste politique principale au Centre d’études politique européennes à Bruxelles, a fait observer que le Caucase du Sud se trouvait dans une impasse après 20 ans de conflits et de fermeture de frontières. La coopération régionale serait le seul moyen de sortir de cette impasse, mais elle est absolument impossible. En cette année 2015, tous les pays de la région sont en concurrence ; l’Occident – et singulièrement Washington – se désintéresse de la question et la Russie fait sa réapparition dans cette partie du monde. Seuls la Géorgie, l’Azerbaïdjan et la Turquie entretiennent des relations coopératives significatives. Le « connecteur » le plus important à cet égard est la Géorgie : 70 % des échanges régionaux passent par Batoumi. L’Arménie est manifestement sur le banc de touche. Un accord autour du programme nucléaire de l’Iran pourrait grandement profiter à la région. La meilleure solution réside dans une interdépendance régionale accrue, mais pour cela, il faut que les frontières soient ouvertes. Si la frontière entre la Turquie et l’Arménie avait été ouverte il y a quelques années de cela, le Caucase du Sud serait bien différent aujourd’hui mais, à l’époque, les pressions exercées sur Ankara par Bakou ont été sous-estimées et, depuis lors, elles n’ont fait que croître. La Turquie pourrait éventuellement être encouragée à reprendre « progressivement » le dialogue avec l’Arménie, en commençant par l’instauration de mesures de confiance et le recours à une « track 1.5 diplomacy » (NDT : une diplomatie faisant intervenir acteurs étatiques et non étatiques), l’objectif étant d’engranger les bénéfices économiques qui en découleraient, d’améliorer son image internationale, de devenir un fournisseur de sécurité et, peut-être, d’améliorer le dossier de sa candidature auprès de l’Union européenne. Il conviendrait aussi que l’Azerbaïdjan soit partie prenante à un tel processus d’une façon ou d’une autre. L’intervenante a déclaré pour conclure que la Russie ne devait pas être tenue à l’écart de ce qui se passait dans le Caucase du Sud, dès lors qu’aucun des problèmes de la région ne pouvait être résolu sans lui.

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45. Burcu Gültekin Punsmann, coordonnatrice de programmes auprès de l’ISSICEU (International Affairs, Intra-and Inter-Societal Sources of Instability in the Caucasus and EU Opportunities to Respond) et chercheuse principale au Centre d’études politiques d’Ankara (APM), a indiqué que le Caucase du Sud est plus fragmenté qu’il ne l’a jamais été et que la coopération frontalière est pratiquement au point mort. Elle a fait observer que seule la frontière terrestre entre la Turquie et l’Arménie était fermée. Autrement dit, il est possible d’obtenir un visa, mais cela n’est pas facile et il n’y a que deux vols par semaine entre les deux pays. Cependant, le montant des échanges commerciaux bilatéraux atteint encore 250 millions de dollars par an. La Turquie et l’Arménie appartiennent à deux blocs commerciaux différents : la première regarde en direction de l’Union européenne, tandis que la seconde est membre de l’UEEA, ce qui, d’emblée, réduit grandement les possibilités de coopération. Même si la frontière terrestre était ouverte, il serait moins cher de passer par la Géorgie, compte tenu de la grande médiocrité des infrastructures dans la région frontalière. Le potentiel que des échanges entre les deux pays dans le domaine des affaires et du tourisme pourraient générer est important et l’ouverture des frontières serait un catalyseur d’une transformation dans ce sens. La frontière était ouverte du temps de l’Union soviétique mais, à ce stade, la Turquie ne considère pas qu’il y ait urgence.

46. Les trois intervenants ont admis que l’ouverture de la frontière terrestre dépendait d’un changement de la situation en Turquie. M. Iskandarian a déclaré qu’il existait à ce sujet une asymétrie entre les deux pays : l’Arménie attache beaucoup de prix à une amélioration des relations et à l’ouverture des frontières, tandis que cette question se trouve tout en bas de l’ordre du jour de la Turquie. M. Iskandarian et Mme Paul ont été d’accord pour dire que l’Azerbaïdjan exerçait de fortes pressions sur Ankara, mais Mme Gültekin Punsmann a contesté cette affirmation et a soutenu que son pays pouvait venir à bout de la résistance de Bakou s’il le souhaitait, mais que cela n’était guère envisageable au vu de la conjoncture actuelle.

IX. SECURITE ENERGETIQUE DANS LE CAUCASE DU SUD

47. Le vice-ministre de l’Energie et des Ressources naturelles de la République d’Arménie, Areg Galstyan, a présenté un résumé de la situation du secteur énergétique arménien, de ses possibilités et de ses problèmes. Du temps de l’URSS, l’Arménie possédait une combinaison énergétique diversifiée et sa production dépassait ses besoins d’environ 30 %. Mais, depuis le démantèlement de celle-ci, elle a suivi une politique déséquilibrée : la fermeture d’une centrale nucléaire a débouché sur une crise de l’énergie. Aujourd’hui, non seulement la gestion du secteur hydroélectrique ne saurait être poursuivie telle quelle, mais des problèmes environnementaux connexes se font jour. En d’autres termes, le pays a lui-même crée les difficultés qu’il connaît actuellement. L’énergie nucléaire et l’énergie hydroélectrique restent toutefois les deux piliers de la stratégie énergétique. Le gouvernement est en train de mettre ses plans à jour et les révélera à un stade ultérieur. L’Arménie aspire à l’intégration régionale mais, au vu des problèmes politiques qui l’opposent à certains de ses voisins, les problèmes ne manquent pas. La coopération avec l’Iran et la Géorgie est satisfaisante mais, en ce qui concerne la Turquie et l’Azerbaïdjan, les perspectives à moyen terme sont réduites. La durée de vie de la centrale nucléaire a été prolongée jusqu’en 2026 avec l’aide de la Russie et, l’année suivante, l’ancien bloc de la centrale sera remplacé par un neuf. Une augmentation de la production d’énergie hydroélectrique et d’énergies renouvelables est également envisagée. Dans le secteur gazier, une large modernisation s’impose. L’intervenant a également insisté sur la dépendance de son pays vis-à-vis de l’étranger pour l’électricité et les produits pétroliers. Au cours des trois dernières années, les autorités arméniennes ont trouvé à redire à la gestion de la société russe qui possède le réseau de distribution électrique de l’ensemble du pays. L’intervenant a précisé, pour conclure, que le gouvernement prenait des mesures pour remédier à cette situation.

48. Ara Marjanyan, président d’E-cube, a affirmé, lui aussi, que bon nombre des problèmes énergétiques et connexes que connaissait aujourd’hui l’Arménie étaient dus à la crise des années 90 ; il a notamment évoqué la déforestation, l’absence de systèmes de chauffage central et de production et de distribution d’eau chaude et l’épuisement des ressources hydroélectriques. Les

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prix de l’énergie ont augmenté considérablement, ces dernières années. Malgré tout, la possibilité d’augmenter la part de l’hydroélectricité dans la combinaison énergétique n’a pas disparu et elle doit être exploitée. Cependant, la politique régionale place l’Arménie dans une situation très difficile sur le plan du potentiel énergétique. Pour l’essentiel, le pays est coupé des marchés énergétiques régionaux et cela lui coûte cher. Si les problèmes politiques pouvaient être résolus, il serait bien placé pour se relier à tous les Etats de la région grâce à sa position centrale.

49. Une experte du King’s College de Londres, Tracy German, a décrit la politique énergétique dans le Caucase du Sud du point de vue de l’Union européenne. A l’évidence, la sécurité énergétique est directement liée à la sécurité nationale et, partant, à la géopolitique. Le marché énergétique de l’UE est considérable : d’ici à 2030, la demande en gaz naturel devrait atteindre 600 milliards de mètres cubes. Le Couloir gazier méridional, qui devrait acheminer du pétrole et du gaz en provenance de territoires au sud-est de l’UE, occupe une place majeure dans la stratégie de cette dernière, car il permettra de diversifier les sources d’approvisionnement et de ne plus dépendre de la Russie, actuellement le grand fournisseur de l’UE. L’intervenante a conclu en indiquant qu’une grande incertitude planait encore sur les perspectives d’un certain nombre de projets liés au Couloir gazier méridional, s’agissant par exemple de la stabilité des approvisionnements venant d’Azerbaïdjan, de la vulnérabilité du Couloir – qui n’est pas aussi sûr qu’on se l’imaginait –, telle qu’elle a été révélée par le conflit russo-géorgien de 2008, du projet rival de la Russie, le Courant turc, et des doutes quant à l’avenir des livraisons de gaz turkmène et iranien.

X. EVOLUTION POLITIQUE ET SOCIETE CIVILE DANS LA REGION

50. Sergey Minasyan, directeur adjoint de l’Institut du Caucase, a présenté son point de vue sur les conflits dans le Caucase du Sud, dont celui du Haut-Karabakh, de même que sur le rôle de la société civile dans la région. Le conflit du Haut-Karabakh est indissociablement lié au processus de construction de l’Etat et de la nation en Arménie et en Azerbaïdjan, ce qui complique beaucoup les choses. Il ne s’agit pas d’un cas unique, mais bien d’un conflit armé interethnique classique où les deux camps souscrivent au principe du jeu à somme nulle. Il faudra donc beaucoup de temps pour le régler, et chaque partie sera à la fois victime et bourreau. Chaque belligérant tend à rejeter la faute sur l’autre ou sur une tierce partie. Bien évidemment, les protagonistes extérieurs veillent à leurs propres intérêts. On en restera donc à une situation de « ni guerre ni paix ». La possibilité d’un véritable compromis commence à s’estomper. L’action du Groupe de Minsk et les principes de Madrid demeurent les seuls processus capables de déboucher sur un règlement du conflit. Un engagement actif de la société civile et des débats publics aident les partenaires extérieurs à mieux cerner les opportunités et les réalités du conflit. Il faut toutefois savoir que les Arméniens et – de l’avis de l’intervenant – les Azerbaïdjanais ont tendance à adopter vis-à-vis de l’autre camp des attitudes plus dures que leurs gouvernants. Aussi les médiateurs risquent-ils d’avoir une vision déformée du conflit s’ils se fient uniquement à l’avis des représentants de la société civile ; il ne faut donc pas s’imaginer que le recours à cette dernière serait une solution magique. Ce qui est nécessaire, au contraire, c’est un véritable débat entre les tenants de la ligne dure des deux côtés. Des réunions régionales auxquelles participent Arméniens et Azerbaïdjanais ont bel et bien eu lieu. Les réseaux sociaux pourraient également créer des occasions, mais ils peuvent aussi être très dangereux, car les extrémistes s’y expriment librement.

51. Dennis Sammut, de LINKS Analysis et de l’université d’Oxford, a présenté une vue d’ensemble de la situation politique dans les trois Etats du Caucase du Sud en insistant sur la société civile. Les partis politiques de la région sont très différents des partis tels qu’on les connaît dans l’Union européenne. Bon nombre d’entre eux ne sont que des tribunes mises à la disposition de personnalités. L’intervenant a appelé les représentants des partis européens à fournir davantage de conseils à leurs homologues des partis du Caucase du Sud.

52. En Azerbaïdjan, la société civile traverse une mauvaise passe, surtout depuis l’automne 2013, dans le prolongement d’une visite de M. Poutine ainsi que des forces navales et du gouvernement

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russes, d’une part, et de la réélection d’Ilham Aliyev à la tête de l’Etat, d’autre part. Depuis lors, les défenseurs des droits de l’homme et de la bonne gouvernance sont visés et les choses devraient empirer, car les élections législatives approchent. Pour souligner encore la gravité de la situation, l’intervenant a signalé qu’une bonne partie des intervenants azerbaïdjanais des précédents séminaires Rose-Roth de Bakou étaient aujourd’hui en prison. En Géorgie, il faut saluer l’importance capitale que revêt le transfert pacifique du pouvoir de 2012 ; il s’agit là d’un exemple d’alternance politique qui devrait devenir la norme dans la région. Les vrais héros sont les organisations non gouvernementales, qui ont très clairement fixé la limite à ne pas dépasser. La leçon à tirer de cela est que l’engagement européen en Géorgie, qui a commencé en 1993 ou 1994, a porté ses fruits. En Azerbaïdjan, ce n’est qu’en 2005 que l’Union européenne a ouvert une représentation. En Arménie, le fossé pourrait être partiellement comblé grâce à la diaspora. L’intervenant a observé divers signes de bon augure dans ce pays : la nouvelle Constitution fait l’objet de débats publics de bon aloi et, aux dernières élections, tous les partis de l’opposition sont entrés à l’Assemblée nationale.

53. L’intervenant a demandé à la communauté internationale et, singulièrement, à l’Union européenne de mettre la dernière main aux accords contractuels avec les pays de la région. Il a cependant ajouté, qu’en ce qui concerne l’Arménie et l’Azerbaïdjan l’UE ne devait pas signer d’accords qui ne se référeraient pas à la situation dans le Caucase du Sud : il conviendrait au contraire d’insister sur les valeurs à respecter et d’introduire certaines conditions. Les pays du Caucase du Sud doivent continuer à travailler au renouveau constitutionnel. Les pouvoirs doivent être plus largement répartis et la population doit avoir le sentiment qu’elle a voix au chapitre. Il faut aussi un réengagement de la société civile, qu’il convient de réinsérer dans la conscience des nations. L’intervenant s’est dit optimiste, car la nouvelle génération n’accepte plus les pratiques du passé, ni même le statu quo. Il a instamment invité les gouvernements, certes, mais aussi les partis d’opposition des pays de la région à reprendre contact avec la société civile. Au vu des entraves à la liberté d’expression observées en Arménie comme en Azerbaïdjan, les autorités doivent veiller à ce que les personnes qui les critiquent soient traitées avec respect et elles doivent laisser la société civile faire montre de créativité pour faire avancer les pays. L’intervenant a évoqué les grands problèmes auxquels se heurte la coopération régionale et, notamment, les contacts marginaux qu’entretiennent Bakou et Erevan. La société civile est présente aussi dans le Haut-Karabakh et en Abkhazie, mais ses activités en Ossétie du Sud sont restreintes. En Azerbaïdjan, les réseaux sociaux sont le seul moyen d’expression encore disponible. On ne peut pas dire que les réseaux en question contribuent beaucoup à rapprocher l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Toutefois, des ponts sont jetés entre l’Abkhazie et le reste de la Géorgie. Enfin, l’intervenant a rappelé que la société civile n’était pas une vache sacrée : elle est le reflet de la société au sens large et ses acteurs doivent faire preuve d’esprit critique envers leurs propres démarches et initiatives.

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