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LA PRATIQUE QUOTIDIENNE EN RHUMATOLOGIE Avril 2011 • Volume 8 • n° 67 • 8 E CAHIER CENTRAL DéTACHABLE Compte-rendu exclusif de la 1 re journée de rhumatologie interventionnelle 29 janvier 2011, Paris Visco-supplémentation dans la temporo-mandibulaire, optimisation de l’information du patient, traitements percutanés des épicondylites, technique de reflux, infiltrations chez les diabétiques… Une rencontre sur un sujet au cœur de la rhumatologie Coordonné par le Dr Henri Lellouche, rédigé par le Dr Michel Bodin www.rhumatos.fr LA PRATIQUE QUOTIDIENNE EN RHUMATOLOGIE AVRIL 2011 • VOLUME 8 • N° 67 • CAHIER CENTRAL www.rhumatos.fr + dEditorial p.127 dQui était le Baron Dupuytren ? p.128 dLes infiltrations péri- articulaires de hanche p.129 dL’information du patient p.130 dLa technique du reflux p.132 dInjection d’acide hyaluronique dans l’articulation temporo-mandibulaire p.134 dPourquoi et comment pratiquer des infiltrations chez les diabétiques ? p.135 dTraitements percutanés des épicondylalgies p.136 dActualités des infiltrations au rachis p.138 Compte-Rendu de la 1 re journée de rhumatologie interventionnelle 29 Janvier 2011, Paris Coordonné par le Dr Henri Lellouche Rédigé par le Dr Michel Bodin La recherche sur le tissu osseux n’a cessé de nous surprendre et il ne se passe pas une année sans qu’une nouveauté ne voit le jour. COMPRENDRE La maladie de Paget disparaît-elle ? Réalité épidémiologique et hypothèses Dr Emmanuel Hoppé, Dr Béatrice Bouvard, Dr Charles Leské, Pr Maurice Audran L’ESSENTIEL SUR… L’hydroxychloroquine Un retour de ce traitement sur le devant de la scène ? Dr Henri Nataf MISE AU POINT Le remodelage osseux Les dernières nouveautés dans le domaine Pr Marie-Hélène Lafage-Proust LE COIN DES JEUNES RHUMATOLOGUES Mesure de la vitesse de sédimentation Un examen mérovingien ? Pr Alain Saraux

Compte-rendu exclusif de la 1 journée

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Page 1: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

la Pratique quotidienne en rHuMatoloGie Avril 2011 • Volume 8 • n° 67 • 8 E

Cahier Central détaChable

Compte-rendu exclusif de la 1re journée de rhumatologie interventionnelle29 janvier 2011, ParisVisco-supplémentation dans la temporo-mandibulaire, optimisation de l’information du patient, traitements percutanés des épicondylites, technique de reflux, infiltrations chez les diabétiques… Une rencontre sur un sujet au cœur de la rhumatologie

Coordonné par le Dr Henri Lellouche, rédigé par le Dr Michel Bodin

www.rhumatos.fr

la Pratique quotidienne en rHuMatoloGie AVRIL 2011 • VOLUME 8 • N° 67 • CAHIER CENTRAL

www.rhumatos.fr

+

d Editorial p.127

d Qui était le Baron Dupuytren ? p.128

d Les infi ltrations péri-articulaires de hanche p.129

d L’information du patient p.130

d La technique du refl ux p.132

d Injection d’acide hyaluronique

dans l’articulation temporo-mandibulaire p.134

d Pourquoi et comment pratiquer des infi ltrations chez les diabétiques ? p.135

d Traitements percutanés des épicondylalgies p.136

d Actualités des infi ltrations au rachis p.138

Compte-rendu de la 1re journée

de rhumatologie interventionnelle

29 janvier 2011, paris

Coordonné par le Dr Henri Lellouche

Rédigé par le Dr Michel Bodin

La recherche sur le tissu osseux n’a cessé de nous surprendre et il ne se passe pas une année sans qu’une nouveauté ne voit le jour.

Comprendre

la maladie de Paget disparaît-elle ? réalité épidémiologique et hypothèsesDr Emmanuel Hoppé, Dr Béatrice Bouvard, Dr Charles Leské, Pr Maurice Audran

L’essentieL sur…

l’hydroxychloroquineun retour de ce traitement sur le devant de la scène ?Dr Henri Nataf

mise au point

le remodelage osseuxLes dernières nouveautés dans le domaine Pr Marie-Hélène Lafage-Proust

Le Coin des jeunes rhumatoLogues

Mesure de la vitesse de sédimentationun examen mérovingien ? Pr Alain Saraux

Page 2: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

www.rhumatos.fr Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédacteur : Sébastien Cuvier • Secrétaire de rédaction : Annaïg Bévan •Chef de Fabrication et de Produc-tion : Gracia Bejjani • Assistante de Pro-duction : Cécile Jeannin • Chef de studio : Laurent Flin • Rédacteur graphiste : Elo-die Lecomte • Maquette et Illustration : Antoine Orry • Chef de publicité : Cathe-rine Colsenet • Service abonnements : Marie-Laure Le Roux • Impression : Im-primerie de Compiègne 60205 Compiègne

CoMIté De leCtuRe

Rédacteurs en chef :Dr Dominique Clerc (Paris) et Pr Thierry Schaeverbeke (Bordeaux).

Dr Didier Rousseau (Paris), Pr Yannick Allanore (Paris), Dr Laure Artru (Le Mans), Dr Laurence Bellaïche (Paris), Dr Olivier Brocq (Monaco), Pr Gérard Chalès (Rennes), Dr Arnaud Constantin (Toulouse), Dr Philippe Dieudé (Paris), Dr Patrick Djian (Paris), Dr Olivier Fichez (Saint-Raphaël), Dr Gilles Hayem (Paris), Pr Eric Houvenagel (Lomme), Dr Frédéric Jacq (Paris), Dr Alain Karneff (Versailles), Dr Frédéric Lavie (Le Kremlin Bicêtre), Dr Bernard Maillet (Moulins), Dr Yves Maugars (Nantes), Dr Edouard Pertuiset (Pontoise), Dr Muriel Piperno (Lyon), Dr Eric Roulot (Paris), Dr Philippe Thelen (Paris), Dr Philippe Thomas (Metz), Dr Jean-Marc Ziza (Paris).

CoMIté SCIentIFIque

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Les articles de “Rhumatos” sont publiés sous la responsabilité

de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement

de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée

par les articles 425 et suivants du code pénal.

sommaireAvril 2011 • Vol. 8 • N° 67

Couverture : © STEVE GSCHMEISSNER / SCIENCE PHOTO LIBRARYAssemblé à ce numéro : 1 bulletin d’abonnement (4 pages)

1 cahier central “Gesto’Rhumato”

la Pratique quotidienne en rHuMatoloGie

n Le coin des jeunes rhumatoLogues La vitesse de sédimentation un examen mérovingien ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 116 Pr Alain Saraux (Brest)

n L’essentieL sur… hydroxychloroquine Le retour ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 120 Dr Henri Nataf (Mantes-la-Jolie)

n gesto’ rhumato . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 125

compte-rendu de La 1re journée de rhumatoLogie interventionneLLe

29 janvier 2011, parisCoordonné par le Dr Henri Lellouche, rédigé par le Dr Michel Bodin

editorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 127Dr Henri Lellouche

n Qui était le Baron dupuytren ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 128 D’après une communication du Pr Richard Trèves (Limoges)

n Les infiltrations péri-articulaires de hanche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 129 D’après une communication des Drs Hervé Bard et Valérie Vuillemin (Paris)

n L’information du patient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 130 D’après une communication du Pr Yves Maugars (Nantes)

n La technique du reflux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 132 D’après une communication du Dr Virginie Legré (Marseille)

n injection d’acide hyaluronique dans l’articulation temporo-mandibulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 134

D’après une communication du Dr Dominique Baron (Lannion)

n pourquoi et comment infiltrer un patient diabétique ? . . . . . . . . . . . p. 135 D’après une communication du Dr Ida Tonolli-Serabian (Aix-en-Provence)

n traitements percutanés des épicondylalgies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 136 D’après une communication du Dr Jean-Paul Bonvarlet (Paris)

n actualités des infiltrations au rachis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 138 D’après une communication des Drs Alain Zagala (Grenoble) et Eric Gibert (Ivry-sur-Seine)

n comprendre La maladie de paget disparaît-elle ? réalité épidémiologique et hypothèses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 141 Dr Emmanuel Hoppé, Dr Béatrice Bouvard, Dr Charles Leské, Pr Maurice Audran (Angers)

n mise au point Le remodelage osseux Quelles sont les dernières nouveautés dans le domaine ? . . . . . . . p. 148 Pr Marie-Hélène Lafage-Proust (Saint-Etienne)

n rendez-vous de L’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 119n BuLLetin d’aBonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 137n petites annonces. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 139

Page 3: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

Le coin des jeunes rhumatoLogues

116� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

Qu’est-ce Que La Vs ?La méthode la plus globale pour évaluer l’inflammation systé-mique est la mesure de la vitesse de sédimentation.

Quel principe ?Le principe repose sur le fait que les hématies du sang rendues in-coagulables et versées dans un tube immobile, forment plus ou moins rapidement des agrégats qui ont une densité supérieure à celles du plasma, ce qui per-met leur sédimentation. Cette dernière dépend du volume, de la morphologie et de la teneur en hémoglobine des globules rouges, mais aussi des pro-téines du plasma.

Que reflète-t-elle ?La vitesse de sédimentation reflète donc à la fois des com-posants globulaires et plasma-

*Service de Rhumatologie, CHU de la Cavale Blanche, Brest

tiques. Ceci explique que les anomalies morphologiques ou une modification du nombre de globules d’une part, et les modi-fications plasmatiques d’autre part, modifient les résultats de cette vitesse de sédimentation. Le tableau 1 résume les principaux facteurs qui l’influencent. L’in-flammation est un facteur im-portant d’augmentation de la vitesse de sédimentation dans la mesure où elle entraîne une anémie et une augmentation des protéines inflammatoires sanguines. Néanmoins, il est impératif de tenir compte des autres facteurs qui peuvent mo-difier la vitesse de sédimentation puisqu’ils peuvent faire sur-éva-luer ou sous-évaluer cette der-nière quand ils sont présents.

Quelles sont les techniQues utilisées ?La technique de mesure com-munément utilisée est la mé-

thode de Westergren en suivant les recommandations de l’Inter-national Committee for Stan-dardisation in Hematology. La limite supérieure de la vitesse de sédimentation normale, expri-mée en millimètre à la première heure, est de l’ordre de la moi-tié de l’âge (en années) pour les hommes et de la moitié de l’âge plus dix pour les femmes.

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La vitesse de sédimentationUn examen mérovingien ?

n Les Mérovingiens doivent leur nom de Mérovée, grand-père de Clovis, et représentent la

première dynastie royale de France (milieu du Ve siècle à 751). Dagobert est le dernier Méro-

vingien à s’être opposé à la désagrégation du royaume franc. Après lui, la dynastie connaît

un déclin rapide et est remplacée par les Carolingiens. Cette victoire marque le début d’une

ère nouvelle. La découverte du principe de la vitesse de sédimentation (VS) est attribuée soit

à Robin Fåhraeus, soit à Edmund F Biernacki (qui décrivit en détail la méthode de mesure en

1894). On est donc bien après les Mérovingiens. Mais elle connaît aussi un déclin rapide et

risque d’être remplacée par d’autres mesures, qui pourraient marquer une ère nouvelle. Doit-

on l’accepter, ou, comme Dagobert, refuser de baisser notre pantalon, quitte à le remettre à

l’envers ?� Pr Alain Saraux*

© Dmitry Kutlayev - iS

tockphoto

Page 4: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

La viteSSe de Sédimentation

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 117

Peut-on remPLacer La Vs ? La vitesse de sédimentation dé-pendant d’une part des para-mètres globulaires et d’autre part des paramètres plasmatiques, une appréciation grossière des deux volets peut être obtenue par des techniques de mesure appréciant les paramètres hé-matologiques et plasmatiques.

hémogrammeL’hémogramme peut être utilisé pour expliquer la participation globulaire dans l’élévation de la vitesse de sédimentation sans pour autant préciser s’il s’agit d’un mécanisme inflammatoire ou non. Il permet de rechercher une anémie, une hyperleucocy-tose, et une hyperplaquettose.

electrophorèse des protéinesL’électrophorèse des protéines est utile pour rechercher une gammapathie monoclonale, dans le cadre de la recherche d’une explication d’une vitesse élevée, mais elle permet aussi de rechercher une hyper-al-pha 2-globulinémie qui suggère l’existence d’une inflammation.

Mais pour juger de l’inflamma-tion, il vaut mieux doser une protéines qui augmentent à la phase aiguë de l’inflammation.

crpParmi elles, c’est la C Réactive Protéine (CRP) qui est de loin la plus utile pour le clinicien (1). Synthétisée par les hépatocytes, elle a une demi-vie sérique très courte, de l’ordre de 6 heures, ce qui permet de la détecter presque immédiatement après le début d’une inflammation et de sur-veiller la diminution de l’inflam-mation qui évolue parallèlement avec la diminution du taux de la CRP. Le dosage peut être réalisé en immuno-diffusion radiale, par néphélométrie, par im-muno-diffusion, par radio-im-munologie et en test ELISA.

autres protéines de l’inflammationLes autres protéines de l’inflam-mation, sauf peut-être le fibrino-gène, ne sont pour ainsi dire pas utilisées en pratique pour éva-luer l’inflammation. Le concept de profil protéique, avec dosage de plusieurs de ces protéines de l’inflammation pour aider

au diagnostic ou à l’évaluation de l’importance de l’inflamma-tion est abandonné du fait de son manque d’utilité pour un coût élevé. De nombreux kits de dosage de cytokines de l’in-flammation ont été développés au cours des dernières années, avec un espoir de leur utilisation comme outils de surveillance de l’inflammation mais ils n’ont pas encore d’intérêt pratique. Parmi les autres protéines ayant un taux modifié par l’inflamma-tion, on retrouve la bêta-2-mi-croglobuline, le complément, le composant amyloïde B, et la procalcitonine. L’augmentation de chacun de ces marqueurs est observée au cours de l’inflam-mation, mais leur utilisation pratique n’a jamais été démon-trée même si certaines études suggèrent une place pour la procalcitonine pour différencier une infection d’une inflamma-tion, ce qui pourrait être utile lorsque l’on suspecte une infec-tion au cours d’une maladie in-flammatoire non infectieuse (2).

On peut donc remplacer la VS par une numération formule, une électrophorèse des pro-

diminution augmentationLiée aux caractéristiques du patient Liée aux caractéristiques du patient• Polyglobulie • Anémie• Anisocytose • Macrocytose• Sphérocytose • Inflammation (infection, affection microcristalline,• Microcytose • maladie systémique, néoplasie)• Hypofibrinogénémie • Gammapathie monoclonale et polyclonale• Hyperleucocytose • Hémodilution (grossesse, insuffisance cardiaque)• Corticothérapie • Age élevé• Cachexie • Cryoglobulinémie Liée à la méthodologie Liée à la méthodologie• Température basse de la pièce où est réalisé le test Température élevée de la pièce où est réalisé le test• Délai prélèvement-test (normalement inférieur à 2 heures)• Coagulation du prélèvement

tableau 1 - Principaux facteurs influençant la vitesse de sédimentation des globules rouges.

Page 5: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

118� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

Le coin des jeunes rhumatoLogues

téines et un dosage de l’une des protéines de l’inflammation, en pratique la CRP. Ceci est valable pour un premier bilan, mais peut paraître lourd dans le cadre d’un suivi qui se basera sur les examen initialement perturbés.

Quand L’utiLiser ?

premier bilan de rhumatisme inflammatoireAu moment du premier bilan de rhumatisme inflammatoire, lorsque l’élévation de la vitesse de sédimentation et celle de la CRP sont discordantes, il faut en rechercher l’explication. • Si c’est la vitesse de sédimenta-tion seule qui est élevée, on parle-ra de syndrome sédimentaire et non de syndrome inflammatoire, ce qui signifie qu’il y a une éléva-tion de la vitesse de sédimenta-tion qui n’est pas expliquée par une inflammation, et doit donc faire rechercher les différentes causes possibles d’élévation de la vitesse de sédimentation indé-pendante de l’inflammation.

• Si la CRP est augmentée de façon isolée, on peut évoquer soit le ca-ractère récent ou peu important de l’inflammation (électrophorèse et numération que l’on aurait fait de toute façon), soit l’existence d’un cofacteur ayant une influence sur la vitesse de sédimentation dans le sens de la diminution qui contre-balance l’effet de l’inflammation. Dans le cadre des maladies rhu-matismales, il est classique que le lupus ou le syndrome de Sjögren augmentent beaucoup plus la vitesse de sédimentation que la CRP, ce qui peut en faire un outil

indirect de diagnostic. Certains considèrent que la CRP augmen-tée dans le lupus est un marqueur d’infection, ce qui n’est cependant pas pathognomonique.

suivi des pathologies inflammatoiresPour le suivi des pathologies in-flammatoires, on peut utiliser la vitesse de sédimentation et une des protéines de l’inflam-mation, la vitesse de sédimenta-tion témoignant plutôt du passé et la CRP du jour J du fait de sa demi-vie courte. Il paraît envisa-geable de se passer de la VS en la remplaçant par la numération et l’électrophorèse s’il y avait une anomalie initiale. Mais le syn-drome inflammatoire fait partie des critères de suivi de l’évoluti-vité de certaines maladies.• Pour le suivi de la polyarthrite rhumatoïde, et on retrouve au moins la vitesse de sédimen-tation parmi tous les critères d’évaluation de l’activité (4, 5).• Pour le suivi des lupus érythé-mateux, la vitesse de sédimen-tation est utilisée dans certains critères d’activité du lupus et no-tamment le SLAM (Systemic lu-pus activity measure) et l’ECLAM (European Consensus Lupus Acti-vity Measurement) (6, 7).

un outil d’évaluationLe syndrome inflammatoire est aussi utile dans tous les autres rhumatismes inflammatoires au cours desquels l’inflammation a pu être démontrée lors de la prise en charge initiale, et ce de façon quasi indépendante du diagnostic étiologique. La VS a surtout un intérêt pour remplir certains critères d’évaluation encore en vigueur.

❚ pronostic du rhumatisme inflammatoirePour évaluer le pronostic du rhu-matisme inflammatoire, l’im-portance de l’inflammation dé-terminée par le dosage de la CRP apparaît comme un des mar-queurs prédictifs de l’évolution des polyarthrites rhumatoïdes, ce qui a été objectivé par plu-sieurs équipes (8, 9). La vitesse de sédimentation est moins sou-vent évoquée à cette place.

❚ remplir les critères de classificationPour remplir les critères de clas-sification, l’élévation de l’inflam-mation ne fait pas partie des cri-tères habituels de classification des maladies inflammatoires rhumatoïdes à l’exception de la vitesse de sédimentation su-périeure à 50 comme critère de classification de l’ACR 1990 pour la maladie de Horton (10) et des critères utilisés pour la classifi-cation des pseudo-polyarthrites rhizoméliques (11).

concLusionAu total, la VS peut certai-nement être remplacée au-jourd’hui. Cependant, compte tenu de certains critères d’ac-tivité et de diagnostic encore en vigueur, l’abandonner serait difficile, notamment pour la participation à certaines études internationales. n

mots-clés : Vitesse de sédimentation, crP,

Protéines de l’inflammation, suivi,

Pathologies inflammatoires

Page 6: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

La viteSSe de Sédimentation

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 119

1. Youinou P, Le Goff P, Saraux A. Les examens biologiques au cours des maladies systémiques. In: Les maladies systémiques. Pelletier AP, Kahn MF, Meyer O, Piette JC. Paris : Flammarion 2000 : 1459. 2. Eberhard OK, Haubitz M, Brunkhorst FM et al. Usefulness of procalcito-nin for differentiation between activity of systemic autoimmune disease (systemic lupus erytematosus / antineutrophil cytoplasmic antibody-as-sociated vasculitis) and invasive bacterial infection. Arthritis Rheum 1997 ; 40 : 1250-6.3. Fautrel B, Le Moel G, Saint-Marcoux B et al. Diagnostic value of ferritin and glycosylated ferritin in adult onset Still’s disease. J Rheumatol 2001 ; 28 : 322-9.4. Felson DT, Anderson JJ, Boers M et al. American College of Rheumatolo-gy preliminary definition of improvement in rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 1995 ; 38 : 727-35.5. Prevoo ML, Van’t Hof MA, Kuper HH et al. Modified disease activity scores that include twenty-eight-joint counts. Development and validation in a prospective longitudinal study of patients with rheumatoid arthritis. Arth-ritis Rheum 1995 ; 38 : 44-8. 6. Liang MH, Socher SA, Larson MG, Schur PH. Reliability and validity of six

systems for the clinical assessment of disease activity in systemic lupus erytematosus. Arthritis Rheum 1989 ; 32 : 1107-18.7. Vitali C, Bencivelli W, Isenberg DA et al. Disease activity in systemic lu-pus erythematosus: report of the consensus study group of the European workshop for rheumatology research. II. Identification of the variables in-dicative of disease activity and their use in the development of an activity score: The European Consensus Study group for disease activity in SLE. Clin Exp Rheumatol 1992 ; 10 : 541-7.8. Combe B, Dougados M, Goupille P et al. Prognostic factors for radiogra-phic damage in early rheumatoid athritis. A multiparameter prospective study. Arthritis Rheum 2001 ; 44 : 1248-53.9. Janssen LM, Van der host Bruinsma IE, Van Shaardenburg D et al. Predic-tors of radiographic damage in patients with early rheumatoid arthritis. Ann Rheum Dis 2001 ; 60 : 924-7.10. Hunder GG, Bloch DA, Michel BA et al. The American College of Rheu-matology 1990 criteria for the classification of giant cell arteritis. Arthritis Rheum 1990 ; 8: 1122-8.11. Jones JG, Hazleman BL. Prognosis and management of polymyalgia rheumatica. Ann Rheum Dis 1981 ; 40 : 1-5.

BiBliographie

Douleur�

Antarène®�codéine�commercialisé

l es Laboratoires Elerté ont annon-

cé la commercialisation à comp-

ter du 4 avril d’Antarène® codéine

pour la prise en charge des douleurs

modérées à sévères de courte durée

de l’adulte. Antarène® codéine est, en

France, le premier antalgique de pa-

lier II associant un antalgique AINS,

l’ibuprofène, à un antalgique opioïde, la codéine. Il est indiqué

dans le traitement des épisodes douloureux de courte durée

de l’adulte, d’intensité moyenne à sévère ou ne répondant

pas à un antalgique non opioïde seul. Antarène® codéine

existe sous 2 dosages : ibuprofène 400 mg/codéine 60 mg

(boîte de 10 comprimés pelliculés) et ibuprofène 200 mg/co-

déine 30 mg (boîte de 20 comprimés pelliculés). n

TrAiTemenT�

une�médecine�personnalisée�pour�traiter�la�polyarthrite�rhumatoïde

r oche Pharma/Diagnostics a rappelé son engagement

dans la médecine personnalisée dans la polyarthrite

rhumatoïde (PR). Aujourd’hui, pour traiter la pathologie,

les rhumatologues ont le choix entre plusieurs classes thé-

rapeutiques, parmi lesquelles les biothérapies. Ces traite-

ments ciblent différentes vois immunopathologiques de

la PR. Des études montrent que des marqueurs comme les

auto-anticorps, tels que FR ou anti-CPP, le taux synovial de

TNF et certains polymorphismes géniques pourraient être

prédictifs de la réponse aux biothérapies de la PR. La va-

lidation de nouveaux biomarqueurs faciles à rechercher

pourrait donc améliorer la prise en charge du patient à

toutes les étapes, depuis le diagnostic jusqu’au choix du

traitement, afin de faire de la médecine personnalisée une

réalité en rhumatologie. n

méDicAmenTs�

intérêt�du�dosage�des�molécules

l e laboratoire BMD a récemment organisé un symposium

traitant de « la place du dosage des anti-TNFα et des anti-

corps anti-biologiques dans le monitoring des patients traités

par ces médicaments au long cours. » Il s’avère que les kits de

dosage existant de type Lisa Tracker® ont leur place dans l’im-

munosurveillance des malades sous biothérapie, même s’il

reste à déterminer leur place dans la prise en charge globale

des patients. En cas d’échappement au traitement, il faut éva-

luer l’impact sur le coût des biothérapies, ce qui pourrait être

fait à l’avenir par un algorithme décisionnel standardisé. Les

intervenants sont également revenus sur la notion de switch

des anti-TNF en cas d’échec. Certains essais thérapeutiques

comparent en effet deux stratégies envisageables pour un

patient en échec d’un traitement anti-TNF : la rotation d’an-

ti-TNF et le changement de classe moléculaire. En pratique

clinique, on pourrait parfaitement doser le médicament, do-

ser les anticorps anti-médicament et se servir de ces dosages

pour choisir la stratégie la plus appropriée. n

rendez-Vous de L’industrie

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 119

Page 7: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

120� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

l’essentiel sur

une histoire ancienne

OrigineC’est au XVIIe siècle que les Eu-ropéens installés au Pérou dé-couvrirent les propriétés médici-nales de l’écorce de Quinquina. On raconte que Louis XIV guérit spectaculairement d’une forte fièvre en 1682 après avoir absor-bé une macération de Quiquina dans du vin.

Plus d’un siècle s’écoula avant que deux pharmaciens français réussissent à isoler, en 1820, l’al-caloïde fondamental de l’écorce du Quinquina : la quinine. Les propriétés anti-malariques de la quinine et de la quinidine fu-rent utilisées couramment dès le XIXe siècle.

Années 50 : première synthèseLa chloroquine et l’hydroxychlo-roquine furent synthétisées au milieu du XXe siècle pour mieux lutter contre le paludisme. Ainsi sont nés les anti-paludéens de synthèse (APS), dont l’hydroxy-chloroquine (HCQ) dérivée du noyau quinoléine de la quinine

*Rhumatologue, Centre hospitalier François Quesnay, Mantes-la-Jolie

(Fig. 1). Dans les années 50, cer-tains voyageurs rhumatisants signalent une amélioration de leur état arthritique à la suite de la prise d’APS en prévention du paludisme.

premières utilisAtiOns en rhumAtOlOgieA partir des années 1960, les APS sont utilisés régulièrement pour leurs propriétés anti-rhumatis-males, mais il faut attendre les années 1990 pour que soient publiées les études montrant une efficacité dans le lupus sys-témique (LES) puis dans la poly-arthrite rhumatoïde (PR) (1, 2).

utilisAtiOn ActuelleActuellement, avec l’utilisa-

tion courante du méthotrexate (MTX) et surtout l’apparition des biothérapies dans la PR mais aussi dans le LES, ce traitement peut sembler mineur et oublié, mais de nouveaux éléments semblent bien devoir lui per-mettre un nouvel essor, princi-palement dans le traitement du lupus.

un mode d’action qui se dévoile

inhibitiOn de l’Acidité des vAcuOles intrAcellulAiresLe premier effet reconnu à l’HCQ est d’inhiber l’acidité des vacuoles intracellulaires (endo-somes et lysosomes), perturbant

hydroxychloroquineLe retour ?

n L’hydroxychloroquine revient actuellement sur le devant de la scène, notamment dans le

cadre du traitement du lupus systémique et, dans une moindre mesure, dans la polyarthrite

rhumatoïde et le Syndrome de Sjögren. Quel est le mode d’action de cette molécule en rhuma-

tologie ? Quelles sont les dernières données d’efficacité et de tolérance ?� Dr Henri Nataf*

C1Hydroxychloriquine Sulfate

C18H26C1N3O. H2SO4

CH3

CH3

OH

.H2SO4

HN

Figure 1 - Formule chimique de l’hydroxychloroquine

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HydRoxyCHloRoQuine

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 121

ainsi la dégradation protidique et interférant avec le mécanisme antigénique au sein du macro-phage et autres cellules pré-sentatrices de l’antigène (CPA). Ainsi, l’HCQ diminue la forma-tion des couples peptides-CMH (Complexes Majeurs d’Histo-comptabilité) requis pour sti-muler les lymphocytes T CD4 et ralentit la réponse immunitaire antigénique (3). In vitro, l’HCQ diminue la production de cyto-kines : il a été démontré (4) que l’HCQ inhibe la production de TNF par les cellules mononu-clées circulantes stimulées par un lipo-polysaccharide.

inhibitiOn des tlrPlus récemment (5), il a été mon-tré que l’HCQ inhibe le signal émis par les récepteurs de type Toll (Toll Like Receptors ou TLR). Il s’agit essentiellement du TLR9, intra-cellulaire, endosomial, ce qui contribue à bloquer l’activa-tion du lymphocyte B. Un travail récent (6) a montré que ces TLR intracellulaires sont nécessaires pour la production d’anticorps comme le facteur rhumatoïde et les anti-ADN. Ces données sur le mode d’action de l’HCQ sont très importantes, car elles met-tent en évidence le rôle de l’im-munité innée dans la pathogé-nie de la PR et des collagénoses. L’inhibition du signal induit par les TLR peut ainsi être une nou-velle cible thérapeutique.

données d’eFFicacité dans le lupus (les)

utilisAtiOn en dermAtOlOgieUtilisé par les dermatologues dans le lupus discoïde, l’HCQ n’est réputé utile qu’en traite-ment d’appoint ou de préven-

tion des rechutes dans le lupus systémique. Pourtant, dès 1988, il fut montré un effet sur les signes généraux, cutanés et sur l’épargne cortisonique (7). Puis, en 1991, une étude canadienne a permis de montrer l’efficacité de l’HCQ dans le LES par la ré-duction du nombre et de la sévé-rité des épisodes évolutifs (1).

dernières dOnnéesUne équipe française plaide de-puis plusieurs années pour une utilisation plus large et systé-matique de l’HCQ dans le LES (8), regrettant que dans les ré-centes études contrôlées pour de nouveaux traitements, seuls 50 % des patients soient sous HCQ (9). Cette sous-utilisation est confirmée par un travail cali-fornien présenté en 2010 à l’ACR (10). Récemment (11), une revue systématique de la littérature a permis d’évaluer le rapport bé-néfice/risque de l’HCQ dans le lupus. Il en ressort un niveau de preuve élevé pour une réduction des poussées du lupus et une amélioration de la survie à long

terme. Il y a un effet protecteur des évènements thrombotiques, confirmé par une étude récente (12). Des travaux ont permis de montrer in vitro que l’HCQ per-mettait de rétablir l’activité anti-coagulante de l’annexine A5, di-minuée en présence d’anticorps antiphospholipides (13).

Voilà donc une nouvelle piste de prévention de la thrombose dans le syndrome des antiphos-pholipides à valider par des es-sais cliniques spécifiques. Il y a également un effet modéré sur le bilan lipidique et sur la perte osseuse. Enfin, l’HCQ a démon-tré pouvoir prévenir l’apparition de dommages irréversibles (14). Ainsi, il améliore globalement la courbe de survie (15) (Fig. 2).

données d’eFFicacité dans la polyarthrite rhumatoïdeUtilisé seul, l’HCQ n’a que quelques indications limitées dans la PR (2), car il n’y a pas de ralentissement de la progression

Figure 2 - courbe de survie comparée avec ou sans hcq au cours du les.

0

0.00

0.20

0.40

0.60

0.80

1.00

2 4 6 8

Prob

abili

té d

e su

rvie

Groupe Hydroxychloroquine

Groupe sans Hydroxychloroquine

Groupe Hydroxychloroquine

Groupe sans Hydroxychloroquine

Suivi (en années)

N 150 138 120 108 88 71 56 47 82 75 70 62 53 49 37 30

10 12 14 16

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122� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

l’essentiel sur

structurale, contrairement au MTX et bien-sûr aux biothéra-pies. Dans la cohorte ESPOIR (PR récente), l’HCQ est utilisé seul chez 10 % des patients et en association chez 5 % (16). Il est prescrit avec une biothérapie (seul ou en association) chez 10 % des patients (Etude REACT, 17). En association hors biothé-rapie, une méta-analyse récente (18) montre que l’association méthotrexate + sulfazalasine + HCQ (MTX+SSZ+HCQ) offre un

rapport bénéfice/risque supé-rieur au MTX seul mais aucune étude spécifique n’a semble-t-il été réalisée avec cette associa-tion dans la PR modérément active (DAS28 compris entre 3,2 et 5,1), ce qui pourrait pourtant être une option intéressante.

Deux études récentes ont com-paré, après échec du MTX seul, l’association de DMARDs avec l’ajout d’une biothérapie. Dans la première étude (SWE-

FOT, randomisée en ouvert) MTX+infliximab (MTX+IFX) n’est pas plus efficace à 2 ans que la triple association (MTX+SSZ+HCQ) sur la réponse EULAR, ni sur le nombre d’ar-rêts maladie (19). Par contre, MTX+IFX est plus efficace en termes d’évolution structurale à 2 ans. (20). Dans la deuxième étude (TEAR, randomisée en double aveugle), étanercept ne fait pas mieux que la triple association sur l’évolution du DAS 28 (21). Par contre, à 2 ans, il y a avantage à la biothérapie en termes de progression struc-turale. Ces données semblent confir-mer, dans la PR active, une place limitée de l’HCQ, encore qu’un dernier élément pour-rait peser dans la balance.

pr, hcq et apparition d’un diabèteL’HCQ protège contre l’appari-tion d’un diabète de type 2 chez les patients atteints de PR (22). Ceci a été démontré dans une grande étude prospective ob-servationnelle internationale (4 905 PR dont 1 808 prenait de l’HCQ, risque relatif de diabète 0,62). Cet effet augmente avec la dose et la durée d’exposition à l’HCQ avec une réduction de risque de plus de 77 % pour les patients ayant pris plus de 4 ans d’HCQ (Fig. 3).

Au total, si dans la PR récente et potentiellement évolutive, l’HCQ a peu de place, du fait du risque de progression structu-rale, nous pourrions y penser plus souvent dans la PR mo-dérée en association au MTX, d’autant que le profil de tolé-rance, comme nous allons le voir, reste excellent.

00

0.020.040.060.080.100.120.14

2 4 6 8 10 12 14 16Période de suivi (ans)

Jamais 3 097 2 267 1 612 1 266 912 664 482 371 226Déjà utilisé 1 808 1 477 891 640 437 316 211 147 80> 4 ans 384 384 372 294 203 141 92 69 45

Pas d'utilisation d'hydroxycholoroquineHydroxycholoroquine déjà utiliséeUtilisation d'hydroxycholoroquine depuis plus de 4 ans

Prob

abili

té d

e dé

velo

pper

un

diab

ète

P < 0,001 pour la comparaison inter-groupes

Utilisation de l'hydrochloroquine

Figure 3 - l’hcq protège contre l’apparition d’un diabète de type 2 chez les patients

atteints de pr (18).

Lupus mal contrôlé par l’HCQ : penser au dosage !

Une étude présentée en 2006 (28) montre clairement qu’une concentra-tion basse d’HCQ dans le sang total est associée à une maladie active et qu’elle est prédictive d’une poussée dans les 6 mois. A l’inverse, une concentration d’HCQ au-dessus de 1000 ng/ml a une valeur prédic-tive négative de poussée de 96 %. Une étude française multicentrique prospective est en cours (étude PLUS) pour confirmer s’il est nécessaire d’adapter la posologie afin d’obtenir ce seuil de 1 000 ng/ml (29). Un autre travail présenté lors du dernier congrès de l’ACR (9) trouve dans le lupus cutané des résultats identiques. Dosage HCQ sur sang total (p = 0,007)

Rémission complète > 910 ng/mlRémission partielle > 692 ng/mlEchec > 569 ng/ml

Tableau - Intérêt du dosage de l’HCQ dans le lupus cutané.

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HydRoxyCHloRoQuine

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 123

hydroxychloroquine, un médicament bien toléréSi dans le passé, des posologies fortes ont entraîné de nom-breux effets indésirables, nous savons aujourd’hui que, d’une part, l’HCQ est l’APS le mieux toléré et que, d’autre part, il ne faut pas dépasser 6,5 mg/kg/j (le poids considéré étant pour les sujets obèses le poids “idéal” en fonction de la taille et non pas le poids réel qui engendre-rait des surdosages).

le risque de rétinOpAthie mAculAireLa principale crainte est la surve-nue d’une rétinopathie maculaire, irréversible malgré l’arrêt du trai-tement. La surveillance ophtal-mologique est donc un impératif incontournable accompagnant la mise aux APS. Cependant, la pra-tique régulière de l’électrorétino-gramme (ERG) est de plus en plus remise en question, du moins d’une façon systématique. En ef-fet, aucun cas de rétinopathie n’a jusqu’à présent été publié avec l’HCQ à la dose recommandée et pendant moins de 6 ans (23). Les douze cas publiés au plan mon-dial avec des doses appropriées ne concernent que des traitements prolongés au-delà de la sixième année.

surveillAnce OphtAlmOlOgiqueTout le monde s’accorde pour recommander un examen ophtalmologique initial (c’est-à-dire dans les trois premiers mois de traitement) compor-tant acuité visuelle, fond d’œil, étude de la vision des couleurs et mesure du champ visuel (24). A ce stade, l’ERG n’est en principe pratiqué qu’en cas de facteur prédisposant ou d’ano-

malie constatée à l’examen. Ensuite, les recommandations divergent quelque peu selon la British Society of Rheumatology (25), l’American College of Rheu-matology (26), l’Association Ca-nadienne d’Ophtalmologie et l’American Academy of Ophtal-mology (27). Le rythme de suivi varie de 6 à 18 mois en fonction de l’âge du patient, de la durée cumulée de prise d’HCQ et des anomalies éventuelles consta-tées précédemment. Quant à la pratique d’un ERG, elle est lais-sée à l’appréciation de l’ophtal-mologue mais n’est plus systé-matique. La Société Suisse de Rhumatologie a publié en avril 2010 ses propres recomman-dations encore moins sévères : examen avec fond d’œil et péri-métrie au cours de la première année, pas d’examen systéma-tique ensuite.

conclusionL’HCQ est une molécule an-cienne, dont la synthèse remonte à plus d’un demi-siècle. C’est un

HCQ et grossesseUtilisé au cours de la grossesse, l’HCQ diminue l’activité du LES, sans conséquence sur le fœtus (11). Le centre de référence sur les agents tératogènes (www.le-crat.org) confirme l’innocuité de l’HCQ tant durant la grossesse que pour un éventuel allaite-ment. Une étude présentée lors du dernier congrès de l’ACR (30) note une nette diminution du risque de récurrence de lupus cardiaque néonatal chez les enfants de mère à haut risque (présence d’anti-Ro/SSA et antécédent identique lors d’une grossesse antérieure) : ce risque est à 4,2 % dans l’étude présentée contre 17,2 % dans le registre des lupus néonataux. Voilà donc un encouragement fort à maintenir ce traitement durant la grossesse chez les patientes lupiques et une option pour certaines patientes PR en attente de ou pendant la grossesse.

À retenirn Le mode d’action de l’HCQ implique principalement les voies de l’immunité

innée.

n L’HCQ est le traitement de première ligne dans le lupus systémique, y com-

pris pendant la grossesse.

n En cas d’inefficacité ou d’échappement à l’HCQ dans le lupus, un dosage

sur sang total peut révéler un taux bas et donner une piste d’amélioration.

n Dans la PR, la triple association HCQ+MTX+SSZ est, sur le plan clinique

mais non structural, équivalente à l’association MTX + biothérapie.

n L’utilisation prolongée de l’HCQ dans la PR protégerait contre l’apparition

d’un diabète de type 2.

n L’HCQ est utilisable sans risque pendant la grossesse et l’allaitement.

n La surveillance oculaire reste le seul contrôle de tolérance, mais l’ERG

n’est plus systématiquement pratiqué par les ophtalmologues.

Page 11: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

124� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

l’essentiel sur

médicament bon marché, répan-du et bien toléré, dont le méca-nisme d’action est élucidé. Pour-tant, il reste dans l’ombre. Dans la PR, l’objectif principal au-jourd’hui est de préserver la struc-ture articulaire, ce que l’HCQ seul ne fait pas. Son utilisation restera donc limitée. On pourrait cepen-dant y penser plus souvent en asso-ciation, notamment chez les sujets à risque de développer un diabète. Dans le lupus, il en est tout autre-ment et nous pouvons parler de retour en force. L’efficacité actuel-lement démontrée de l’HCQ dans cette maladie place la barre haute pour les traitements biologiques, comme le remarque David Wofsy lors du symposium d’hiver 2011 de l’ACR, à Snowmass (27). Pour lui, comme pour de nombreux

spécialistes du lupus, l’HCQ est un “must” que tous les patients atteints de lupus devraient re-cevoir. Le Plaquenil® doit deve-nir ce que le méthotrexate est à la PR. Dans le lupus, la question n’est pas de savoir s’il faut le prescrire, mais s’il faut le pres-

crire seul ou avec un autre traite-ment. n

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BiBliographie

Syndrome de Sjögren : une indication à suivre de près. Cette curieuse maladie implique l’immunité innée, le système interféron (dont TLR9) et le lymphocyte B, activé par BlyS (appelée aussi BAFF) dont le taux est augmenté dans les organes cibles (32). Il est montré (34) que le taux de BlyS chez des sujets atteints de Sjögren traité par l’HCQ est significativement abaissé dans le sérum et dans la salive. Le flux sali-vaire de base, est amélioré avec un effet clinique ressenti. En mars 2008, en France, a démarré la première étude contrôlée de l’HCQ dans le Syn-drome de Sjögren Primitif (33). L’objectif prévu d’enrôler 120 patients est quasiment atteint avec 116 inclusions au dernier pointage, mi-mars 2011.

mots-clés : hydroxychloroquine,

lupus systémique, polyarthrite

rhumatoïde, syndrome de sjögren,

efficacité, tolérance, etudes.

Page 12: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

la Pratique quotidienne en rHuMatoloGie Avril 2011 • volume 8 • n° 67 • CAhier CentrAl

www.rhumatos.fr

+

d Editorial p.127

d Qui était le Baron Dupuytren ? p.128

d Les infiltrations péri-articulaires de hanche p.129

d L’information du patient p.130

d La technique du reflux p.132

d Injection d’acide hyaluronique dans l’articulation temporo-mandibulaire p.134

d Pourquoi et comment pratiquer des infiltrations chez les diabétiques ? p.135

d Traitements percutanés des épicondylalgies p.136

d Actualités des infiltrations au rachis p.138

Compte-Rendu de la 1re journée de rhumatologie interventionnelle

29 Janvier 2011, ParisCoordonné par le Dr Henri Lellouche

Rédigé par le Dr Michel Bodin

Page 13: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

Gesto’Rhumato : 1Re jouRnée de RhumatoloGie inteRventionnelle

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 127

*Rhumatologue, Paris

Un seul objectif : apporter aux patients

la meilleure solution thérapeutique par voie locale

La pratique de la rhumatologie en France confirme son par-ticularisme… Si vous aviez

eu l’opportunité d’assister à cette première journée dédiée à la rhu-matologie interventionnelle, vous

auriez pu découvrir, à l’espace Saint-Martin à Pa-ris, une “secte” regroupant des passionnés, tous experts, prêts à se perfectionner ou à confronter leur expérience avec un seul ob-jectif : apporter à leurs patients la meilleure solution thérapeutique par voie locale.De nombreux sujets ont été abor-dés, aussi variés que la visco-sup-plémentation dans la temporo-mandibulaire, l’optimisation de l’information-patient ou encore les traitements percutanés des épicondylites… Mais je vous laisse le soin de découvrir le som-maire complet des communi-cations et nos intervenants, qui n’ont pas failli à leur réputation d’excellence.

Il nous a paru important qu’un grand nombre de rhu-matologues puisse avoir accès au contenu de cette journée. La rhumatologie interventionnelle n’est pas, en soi, une spécialité à part entière, mais elle figure bien au cœur de la rhumatologie. Notre ami Michel Bodin a accepté de résumer les différentes présenta-tions en insistant sur les points principaux.

Je voudrais, à l’occasion de cet éditorial, remercier les membres du GRRIF (Groupe de Recherche en Rhumatologie Intervention-nelle Français) et les membres de la SIRIS (Section Imagerie et Rhu-matologie Interventionnelle de la Société Française de Rhumato-logie) qui ont permis de mettre en place et de faire vivre cette journée. Je voudrais enfin rendre hommage à tous nos partenaires de l’industrie pharmaceutique, sans lesquels cette journée n’au-rait pu avoir lieu. n

Cette réunion s’est tenue à l’es-pace Saint-Martin (Paris), le 29 janvier 2011. Les modérateurs étaient les Drs Henri Lellouche et Bernard Maillet, et les Prs Yves Maugars et Pierre Bourgeois.

éditorialdr Henri lellouche*

« Il nous a paru im-portant qu’un grand nombre de rhumato-logues puisse avoir accès au contenu de

cette journée. »

Page 14: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

Gesto’Rhumato : 1Re jouRnée de RhumatoloGie inteRventionnelle

128� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

Qui était le Baron Dupuytren ?Portrait d’une figure de la médecine

Un travailleUr acharnéMais qui était-il ? Il se dirigera relativement tôt vers les écoles de santé, d’abord à Limoges, puis à Paris. C’est un travailleur acharné, qui deviendra successi-vement prosecteur d’anatomie, puis, poussé par une ambition démesurée, donnera des cours d’anatomie devant un auditoire toujours plus nombreux. Son as-cension rapide le conduira vers

En fervent érudit de l’histoire de la Médecine, Ri-chard Trèves (Li-moges) a choisi d’évoquer, en le-

ver de rideau, la vie et la carrière du Pr Guillaume Dupuytren (1777-1835), comme lui originaire du Limousin. Si tout le monde sait ce qu’est la ma-ladie éponyme, bien peu connais-sent le personnage, certes praticien éminent, mais bien pauvre en qua-lités humaines. Né sous le règne de Louis XVI, il meurt sous le règne de Louis XVIII, à l’âge de 58 ans, de nombreuses complications cardio-vasculaires. Lors de son enterre-ment se côtoient les notables, les bourgeois et les gens du peuple, dont beaucoup sont reconnaissants des soins qu’il leur a apportés.

d’inévitables conflits avec de grands noms de la médecine, tels Bichat, dont il s’appropriera une partie des travaux, ou Laënnec. Il sera anatomiste de 1795 à 1802, puis chirurgien jusqu’à sa mort. “Prince” de l’autopsie, qu’il pra-tiquait de manière continue, il s’illustrera comme chirurgien, comme auteur d’une thèse plu-tôt anatomique, puis par ses travaux sur l’anatomie clinique, démontrant que les mêmes principes président également à l’évolution des tissus malades et des tissus sains. Son activité est débordante : cours, clinique, anatomie, physiologie, ana-tomo-pathologie remplissent chaque jour de la semaine.

cessivement et systématique-ment tous ceux qui risquent de lui faire de l’ombre. Mais ses qualités de chirurgien hors pair et de pédagogue, ses immenses connaissances et son travail acharné lui valurent la vénéra-tion de ses élèves, et quelques solides amitiés. C’est un person-nage ambigu, impitoyable avec certains, empreint de sollicitude pour d’autres, comme les pa-tients sans ressources pour les-quels il avait ouvert une consul-tation gratuite une matinée par semaine, gagnant ainsi la re-connaissance du petit peuple. Toutefois, sa clientèle privée le faisait côtoyer les grands du royaume, dont le roi Louis XVIII

Introduction

Son ascension rapide le conduira vers d’inévitables conflits avec de grands noms de la médecine, tels Bichat ou Laënnec.

Une personnalité amBigUëChirurgien-adjoint à l’Hôtel-Dieu, il s’acharnera à évincer Camille Pelletan, son patron, en tentant de le pousser à la faute. Il y parviendra, à force de mal-versations et de coups-bas, en 1814. Malgré ses bassesses, Pel-letan se déclarera favorable à ce qu’on lui attribue la chaire de médecine opératoire. Membre de l’Académie Royale de Méde-cine, il sera comblé d’honneurs mais continuera à évincer suc-

lui-même, mais pas Napoléon qu’il détestait. Bien entendu, son assiduité à ses travaux a fait que sa vie familiale fut loin d’être une réussite. Bien qu’il ait peu écrit, il restera dans l’histoire de la médecine par ses recherches anatomiques et chirurgicales, ses techniques opératoires dans les domaines vasculaires, tumo-raux, ophtalmologiques, et or-thopédiques (sans oublier son travail sur la rétraction de l’apo-névrose palmaire, dans le droit fil des sujets de ce jour…).

Page 15: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

Gesto’Rhumato : 1Re jouRnée de RhumatoloGie inteRventionnelle

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 129

Introduction

généralités

Dans quelles inDications ? Tendinobursites trochanté-riennes, tendinobursites ischia-tiques, tendinopathie proximale du droit fémoral, bursite ilio-pectinée, enthésopathie iliaque du tractus ilio-tibial (EITI). Elles ne peuvent se faire sans un dia-gnostic clinique de certitude, confirmé par une radiographie, voire une échographie ou une IRM. Il n’y a pas de recommandations officielles pour ce geste de se-conde intention, qui doit s’ac-compagner d’autres gestes thé-rapeutiques, et de repos.

avantagesLa pratique d’une infiltration nécessite un repérage clinique, voire échographique s’il est possible. Le guidage sous sco-pie tend à disparaître. L’idéal est le guidage échographique, dont les avantages sont multiples :

Hervé Bard et Va-lérie Vuillemin (Pa-ris) ont fait le point sur les infiltrations péri-articulaires de hanche.

pas d’irradiation, pas de produit de contraste, faible coût, parfait repérage des structures et du lieu de l’injection. En revanche, l’apprentissage de l’opérateur prend du temps, et ce temps passé par le médecin n’est pas estimé à sa juste valeur. La mise en œuvre doit être soumise à des impératifs stricts.

les Différents casLes tendinobursites trochan-tériennes et les enthésopathies iliaques peuvent être infiltrées sans écho-guidage. Celui-ci est toutefois utile pour toutes les lo-calisations.

Pour chacune d’entre elles exis-tent des pièges qu’il faut savoir éviter : la tendinite du petit glu-téal est parfois isolée, mais plus souvent associée à une atteinte antérieure de la lame tendineuse latérale. Les tendinopathies cal-cifiantes, plus fréquentes chez l’homme, peuvent se traduire par une vive douleur, et doi-vent être différenciées des en-thésopathies classiques. Il faut se méfier des ruptures tendi-neuses aiguës : l’infiltration peut induire une recrudescence douloureuse. Les tendinobur-sites autour d’une prothèse de hanche ne doivent pas être infil-trées (risque de communication entre la bourse et la cavité arti-culaire). Les tendinites du vaste

latéral, des ischio-jambiers et du droit antérieur ne seront dia-gnostiquées que par un examen clinique rigoureux. L’EITI doit être différenciée de l’atteinte du tenseur du fascia lata ; le dia-gnostic se fait par l’échographie.

granDs principesQuelques principes concernant la technique : • vérifier l’état de la peau ; • rechercher les contre-indi-cations (anticoagulants, aller-gie...) ; • informer le patient ; • ne pas perdre l’aiguille de vue ; • choisir la cible ; • injecter autour du tendon ; • contourner les éléments nobles (vaisseaux et nerfs) ;• travailler en strictes conditions d’asepsie (gants, protection sté-rile de la sonde, désinfection cutanée rigoureuse...).

Une projection vidéo a été pré-sentée pour chaque type de cible (bourses séreuses, en-thèses, collections).

evalUationL’évaluation de ces techniques est difficile, et les publications sont rares. Des études avec des protocoles rigoureux et com-plets sont indispensables. Tou-tefois, les infiltrations représen-tent le seul traitement médical, et sont souvent très efficaces si elles sont correctement pratiquées : bon repérage de la lésion et du site d’injection, pas d’injection dans le tendon, méfiance si ab-sence de bursite, écho-guidage souhaitable dans tous les cas.

les infiltrations péri-articulaires de hanchePoint sur les différentes indications

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Introduction

recommanDations De la has

Bonnes pratiquesLa HAS a édité à ce sujet des re-commandations : obligation lé-gale et éthique du droit à l’infor-mation, de qualité et pertinente, et contribution à la participation active du patient aux soins dont il a besoin. Le contenu : les don-nées sur la pathologie actuelle, l’évolution probable de l’état du patient, le déroulement du geste, les bénéfices escomptés, les in-convénients et conséquences, les complications éventuelles, les précautions et recomman-dations utiles. L’information orale est indispensable, néces-sitant un dialogue avec une écoute active, en s’assurant par une conclusion synthétique

Comme l’a rap-pelé Yves Mau-gars (Nantes), en matière de rhumatologie in-terventionnelle,

l’information du patient est capitale. L’atteinte de l’intégrité corporelle de l’individu n’est autorisée que si la thérapeutique l’exige, et, de ce fait, le consentement éclairé doit être obli-gatoirement obtenu. L’information se doit d’être loyale, claire, appropriée. Par ailleurs, la loi exige que le mé-decin, dans son information, tienne compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur bonne compréhension.

que tous les éléments ont été compris. L’information écrite est souhaitable, comportant les mêmes éléments que l’informa-tion orale, en commençant par les bénéfices escomptés, puis en évoquant les risques éventuels, y compris exceptionnels. Toute-fois, la signature du document n’est pas obligatoire.

Se laver les mains devant le pa-tient, lui fournir au fur et à me-sure les explications nécessaires, c’est aussi faire de l’information. Le dossier du patient (ou la lettre au médecin traitant) doit com-porter une trace écrite stipulant que l’information a bien été donnée.

notion De risqueDans tous les cas, il faut préciser si le risque est fréquent, rare, ou exceptionnel. La gravité poten-tielle doit être précisée, en évo-quant la part revenant au prin-cipe de précaution. Informer selon les règles prend du temps, et celui-ci n’est jamais pris en compte, seul l’acte technique est privilégié, aux dépends de l’acte intellectuel.

Il est indispensable de laisser aux patients un temps de ré-flexion, afin qu’il puisse inté-grer les explications fournies. Le risque doit être accepté par le patient, explicité par le médecin, mis en balance avec le bénéfice. A “l’information-contrat”, des-tinée à protéger le médecin, il convient de préférer “l’informa-tion-confiance”, indispensable à une bonne relation médecin-

patient. Cette relation préféren-tielle est, en règle générale, ob-tenue.

revUe Des pUBlications

aux usaUne étude prospective, publiée aux USA en 2008, a été réalisée sur 771 patients ayant bénéfi-cié d’un acte interventionnel en externe (infiltrations à diverses localisations, chez 249 femmes, 562 hommes, d’âge moyen 58 ans). Tous les patients ont bé-néficié d’une information orale et écrite très complète sur le geste envisagé, et signé un for-mulaire de consentement. L’EVA avant le geste était en moyenne de 6,7/10, et 2,4/10 après l’in-tervention. 90 % des patients souffrent lors de l’acte technique (EVA moyenne 3,66). Plus le geste est douloureux, plus l’an-xiété est importante, et moins bons seront les résultats. Après le geste, 90 % des patients sont globalement satisfaits du trai-tement, et 99,2 % satisfaits des médecins.

en FranceParallèlement, une équipe bres-toise a procédé à une évaluation de la douleur avant et après un geste sous scopie chez 119 pa-tients. Elle montre une grande divergence entre la douleur pressentie et la douleur ressen-tie. L’anxiété joue un rôle péjo-ratif majeur : elle est présente chez 60 % des patients. 10 % des sujets reçoivent une information

l’information du patientetat des lieux

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écrite. 37 % ne savent pas ce qui va se passer, 75 % souhaitent une information plus complète, 22 % seulement peuvent citer au moins l’une des complications possibles. 1/4 des patients sont surpris par le déroulement du geste, 1/3 par sa durée. Malgré l’obligation éthique et médico-légale de l’information, les au-teurs estiment que celle-ci est gravement déficiente. Elle doit être optimisée en utilisant da-vantage les supports dispo-nibles, en particulier les docu-

ments écrits. De gros progrès sont nécessaires…

le point De vUe législatifL’information du patient est obli-gatoire, depuis l’arrêt Guilbot de 1998, confirmé par la loi du 5 mars 2002. Toutefois, des arrêts ultérieurs ont permis l’installa-tion d’une certaine ambiguïté, notamment en matière d’infor-mation sur les risques exception-nels, ouvrant la porte à une inter-

prétation subjective de la loi.

Expliquer est indispensable, même si le temps consacré à cette information n’est pas reconnu. La délivrance de l’information doit se faire dans la confiance ré-ciproque des partenaires du dialo-gue. Une information de qualité as-sure de meilleurs résultats, obtenus dans de meilleures conditions tech-niques, chez un malade capable de s’auto-surveiller et de signaler à temps les éventuelles complica-tions.

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Introduction

la technique du reflux intérêt et résultats

Une mise en place Difficile De l’aigUilleSelon Virginie Legré, la mise en place d’une aiguille en intra-ar-ticulaire n’est pas si évidente : selon plusieurs études, 10 à 30 % des injections ne sont pas dans l’articulation au genou ; pour l’épaule, le chiffre est de 60 à 90 %, et pour la trapézo-méta-carpienne, de 42 %. La réussite d’une injection intra-articulaire “à l’aveugle” est subordonnée à un repérage anatomique, voire à une sensation tactile que l’on considère comme suffisante. Le positionnement intra-articulaire est certain s’il existe un épanche-ment articulaire, mais plus aléa-toire si l’articulation est sèche ou profonde, si le patient est obèse ou si l’articulation est détruite. Pourtant, seules les injections en bonne place sont gages d’effica-cité et de bonne tolérance.

Virginie Legré (Marseille) est re-venue sur la place de la technique de reflux dans les infiltrations intra-

articulaires : une technique qu’il fau-drait peut-être généraliser.

techniQUes privilégiées aU genoU et à l’épaUleAu genou, la voie fémoro-pa-tellaire externe semble la plus aisée, surtout si l’on subluxe la rotule vers l’extérieur. A l’épaule, la technique la plus classique consiste en une injection par voie antérieure suivie d’une ro-tation interne de l’épaule, qui, théoriquement, assure un posi-tionnement correct de l’aiguille. La mise en bonne place est sou-vent confirmée par la sensation du passage capsulaire, l’absence de résistance et une indolence à l’injection. Certains auteurs amé-ricains mettent en avant l’intérêt du squishing sound, bruit produit lors de la flexion-extension du ge-nou après injection d’un liquide puis injection d’air. On peut pra-tiquer l’injection sous échogra-phie ou radiographie, mais ceci implique une technique plus complexe et plus coûteuse.

techniQUe De reflUx articUlaireLe reflux articulaire a été observé aussi bien lors des lavages arti-culaires que lors des anesthésies locales pour les infiltrations ra-dioguidées. C’est un gage certain de positionnement intra-articu-laire. Pourquoi ne pas l’adopter pour les simples infiltrations ?

La technique est facile : on place l’aiguille par voie habituelle, puis on aspire. S’il existe un épanchement, on l’évacue, puis on injecte le produit souhaité. Si l’articulation est sèche, on injecte 1 cm³ de lidocaïne, puis on désolidarise la seringue de l’aiguille. Le positionnement est satisfaisant si plusieurs gouttes de liquide apparaissent ; dans le cas contraire, on reposition-nera l’aiguille. La technique a fait l’objet de validations, aussi bien pour le genou que pour l’épaule. Pour le genou, les ré-sultats sont excellents en cas de reflux, la position de l’aiguille est dans 100 % des cas dans l’articu-lation, et il n’existe pas de faux positifs. C’est beaucoup plus discutable à l’épaule, où l’on a constaté 18 % de faux positifs, sans doute dus à la présence de la bourse sous-acromiale en avant de l’interligne articulaire, et donc la probabilité d’une in-jection dans celle-ci, et non dans l’articulation. L’utilisation de la voie postérieure pourrait donner de meilleurs résultats.

Dans les 2 cas, la sensibilité de la technique du reflux est excel-lente. Il n’a pas encore été prati-qué d’études de spécificité, mais celles-ci sont prévues. La taille de l’aiguille peut influer : une taille minimum de 21 G (0,8 mm) est requise. Le reflux est facilement observé également à la cheville. Confortable pour le patient, la technique n’est pas irradiante, ne coûte rien, et se réalise sans aucun risque.

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Introduction

injection d’acide hyaluronique dans l’articulation temporo-mandibulairetechnique et résultats

premier signe De DamA l’ouverture de la bouche, le condyle de la mandibule se pro-jette vers l’avant, en comprimant un ménisque intra-articulaire, lequel est retenu vers l’arrière par un puissant ligament. Cette morphologie particulière per-met une subluxation perma-

Dominique Baron (Lannion) a choisi de s’intéresser à la pathologie de l’ar-ticulation temporo-mandibulaire. Elle

intervient dans un certain nombre de processus de la vie courante comme la mastication et la parole, et lorsqu’elle devient douloureuse, elle peut induire une gêne fonctionnelle assez marquée, avec même la pos-sibilité de blocage bouche ouverte. Les troubles de cette articulation sont regroupés sous le nom de dysfonc-tionnement de l’appareil manducateur (DAM).

nente lors de l’ouverture de la bouche, et autorise par sa fonc-tion une plus grande ouverture : une diminution d’amplitude de celle-ci est souvent le premier signe d’un DAM.

QUel traitement ?Après élimination d’un pro-blème occlusal, on propose des infiltrations d’anesthésiques (excellent test thérapeutique) et corticoïdes locaux, avec une bonne efficacité. Toutefois, dans la mesure où il n’existe pas de traitement chirurgical, et où la temporo-mandibulaire est très peu différente dans sa struc-ture d’une articulation comme le genou, le recours à des injec-tions d’acide hyaluronique (AH) constitue un traitement sédui-sant. La technique est simple, et prend moins de 10 minutes. Les repères cutanés sont suffisants. On pique perpendiculairement à la peau, 1 cm en avant et en bas du tragus, avec une aiguille sous-cutanée de 20 mm. On in-jecte alors 1/2 à 1 cm³ d’AH. L’in-jection est à renouveler à 1 ou 2 mois d’intervalle, en fonction

de la clinique, sans dépasser 3 injections par an.

QUels résUltats ?Pour permettre de mieux juger cette procédure, les auteurs ont procédé à la mise en place d’une étude prospective non contrôlée chez 30 patientes souffrant de DAM et en échec des traitements classiques (AINS, antalgique, in-filtration, rééducation...). L’âge moyen des patientes était de 45,2 ans, et l’ancienneté moyenne des douleurs de 41,4 mois. Après injection, l’EVA douleur passe de 6/10 à 2,4/10, la distance entre les incisives de 31 à 39 mm. Les craquements, la douleur à la mastication et à la palpation, et le bruxisme tendent à s’améliorer, et ce bon résultat se maintient plusieurs mois. Ce n’est qu’une étude pilote, dont les résultats sont à confirmer par une étude contrôlée à laquelle peuvent par-ticiper tous les praticiens inté-ressés. Même s’il existe un effet placebo, dans la mesure où il n’y a pas d’autres traitements, l’in-jection d’AH trouve là une excel-lente indication.

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Introduction

pourquoi et comment pratiquer des infiltrations chez les diabétiques ?

DiaBète De type 2 et rhUmatologieLes complications rhumatolo-giques spécifiques du diabète sont liées à une véritable “caramé-lisation” des protéines, qui absor-bent le glucose (phénomène de glycation). Par exemple, pour le collagène s’installe une réticula-tion irréversible, lui faisant perdre son élasticité. Ceci explique la fré-quence de syndromes tels que le doigt à ressaut, présent chez 10 % des diabétiques (2 à 3 % dans la population générale) ; de même, la maladie de Dupuytren est pré-sente chez 30 % des diabétiques, et chez 8 % seulement des sujets normaux. C’est le même phéno-mène que l’on observe au niveau des mains (“cheiro-arthropa-

Ida Tonolli-Se-rabian, (Aix-en-Provence) s’est attachée à définir les modalités d’in-filtration chez ces

malades au terrain si particulier. Les indications potentielles sont nom-breuses, d’abord en raison de l’âge des diabétiques de type 2, de leur surcharge pondérale extrêmement fréquente, des complications rhuma-tologiques inhérentes à la maladie, et des risques liés à l’utilisation de la corticothérapie par voie générale et des AINS.

thie”), limitation non douloureuse de l’extension des doigts, pou-vant être justiciable d’infiltration. Le syndrome du canal carpien, présent à 4 % dans la population générale, atteint 24 % des diabé-tiques. Idem pour la capsulite ré-tractile de l’épaule : 10 % vs 2,5 %.

complications possiBlesPratiquer une infiltration chez un diabétique peut être risqué : survenue d’une infection, dé-compensation du diabète. L’hy-perglycémie chronique induit une diminution de l’activité des polynucléaires neutrophiles et favorise les infections. 1/3 des arthrites septiques surviennent sur un terrain diabétique, le germe pouvant être le staphy-locoque doré, les anaérobies ou les champignons. Les corti-coïdes sont diabétogènes : aug-mentation de la néoglycogenèse hépatique, diminution de l’in-sulino-sécrétion, élévation de la glycémie post-prandiale. Ces altérations métaboliques sont plus importantes avec la cortico-thérapie par voie générale, mais elles peuvent se voir également après infiltration.

QUelle importance DU Dérivé cortisoniQUe ?Le dérivé cortisonique utilisé a-t-il une importance ? La puissance de l’action anti-inflammatoire est exprimée en équivalent-pred-

nisone. Certaines molécules ont un effet bref (solutés), d’autres un effet retardé (suspension de microcristaux). Les solutions de phosphates ont une durée d’ac-tion supérieure à celle des acé-tates. Peu d’études ont évalué les concentrations plasmatiques après infiltration. La pathologie a-t-elle une influence ? Appa-remment non : une étude déjà ancienne montre, après les in-filtrations de dépomédrol, une concentration plasmatique iden-tique, que le sujet soit porteur d’une polyarthrite rhumatoïde ou d’une arthrose.

résUltats Des étUDesDeux études seulement ont rapporté des mini-séries de cas anecdotiques de décompensa-tion d’un diabète après infiltra-tion, chez 5 patients sur 9 trai-tés par dépomédrol pour une gonarthrose (1 injection/j, 3 j de suite !), et chez 6 patients traités par Célestène Chronodose®. Les auteurs ont mis en place une étude prospective chez des pa-tients diabétiques devant rece-voir des infiltrations de cortivazol (Altim®). L’étude a été réalisée chez 20 hommes et 29 femmes, d’âge moyen 66 ans, et avec une HbA1c à 7,1 % en moyenne. En fin d’étude, aucune décompen-sation diabétique n’a été consta-tée, même si certains patients ont montré quelques tendances à l’élévation des glycémies à jeun et postprandiales. En fait, l’infil-tration d’un corticoïde, cause classique de décompensation d’un diabète de type 2, n’induit pas un risque majeur de décom-pensation si les patients avec un diabète mal équilibré, une HbA1c > 10 % et une glycémie à jeun > 2,5 g/l sont exclus.

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Introduction

traitements percutanés des épicondylalgiestechniques et résultats

caractéristiQUes Des épiconDylalgiesLes douleurs de la région épi-condylienne peuvent être d’ori-gine tendineuse, articulaire, et nerveuse. En cas de pathologie tendineuse, ce sont l’extenseur du carpe, l’extenseur commun des doigts, l’extenseur propre du 5e doigt et le cubital postérieur qui sont impliqués. Les tendons peu-vent être atteints par un processus de nécrose, de déchirure, de cal-cification, plus ou moins associé à une désinsertion capsulaire et une néovascularisation. Lorsqu’il s’agit d’une pathologie articulaire, elle est liée en général à l’interpo-sition d’une frange synoviale, que l’on traite par infiltration intra-ar-ticulaire ; en cas d’échec, l’arthro-scopie est indiquée. La pathologie nerveuse est en relation avec la compression du nerf interos-seux postérieur sous l’arcade de Frohse, nécessitant en règle une libération chirurgicale.

traitement

prise en charge classiqueLe traitement classique de l’épi-condylalgie tendineuse passe par

La prise en charge des épicondylal-gies a fait l’objet d’un exposé de Jean-Paul Bonvar-let (Paris).

l’infiltration, multi-radiale à la face antérieure de l’épicondyle, ou ponctuelle à la face externe de l’épicondyle, mais cette voie induit plus de risque d’atrophie cutanée, surtout si l’on emploie les dérivés fluorés (Hexatrione®, Kenacort®). L’adjonction systématique de xy-locaïne constitue un très bon test diagnostique et thérapeutique. L’efficacité de l’infiltration cortiso-nique ne dépasse pas 1 mois pour plus d’un sujet sur deux. L’étude d’Osturan et al. compare les résul-tats des infiltrations cortisoniques, des ondes de choc et des injections de sang autologue : les 2 dernières techniques sont plus efficaces à un an, mais moins efficaces le premier mois, à l’inverse des infiltrations. Les effets indésirables de celles-ci sont connus : poussées doulou-reuses dans les heures qui suivent, atrophie cutanée, exceptionnelle-ment ruptures tendineuses.

injections De prp et autres proDuitsLes injections de PRP (plate-let rich plasma) sont à la mode : l’apport de nombreux facteurs de croissance pour la régénéra-tion des tissus est une hypothèse séduisante, dans la mesure où ils sont tous actifs à un moment ou l’autre de la cicatrisation. Mais l’ef-ficacité n’est pas encore formelle-ment prouvée : ce traitement ne semble guère plus efficace à long terme que l’infiltration, et ce pour un coût nettement plus élevé.La liste des autres produits ou techniques testés est longue. Le polidocanol (Aetoxisclérol®, produit sclérosant), l’aprotinine

(Zymophren®), le dextrose, la toxine botulique donnent tous des résultats très moyens, avec parfois de sérieux effets secon-daires. Les AINS par voie trans-dermique, la trinitrine en patchs sont plus ou moins bien tolérés.

autres techniquesLe laser donne quelques résul-tats ; il est très utilisé en Asie, parfois sur les points d’acu-puncture. C’est moyennement efficace, mais sans danger. La cryothérapie hyperbare ? Pas de preuve d’efficacité. Les études sur les ondes de choc sont plutôt en faveur d’une efficacité à long terme (Osturan). L’acupuncture a un effet antalgique immédiat, et peut être répétée sans limite. Les ionisations n’ont pas plus d’efficacité que le placebo.

traitement percutané à l’aiguillePlus agressives, les techniques de traitement percutané à l’ai-guille sous anesthésie locale consistent en une dilacération, voire une désinsertion des ten-dons épicondyliens. La guérison spontanée de l’épicondylalgie est secondaire à une élimination progressive de la partie malade du tendon, que l’on tente ainsi d’accélérer. C’est aussi valable en cas de calcification. Dans les cas plus évolués et rebelles, la chirurgie percutanée donnerait près de 90 % de bons résultats.

conclUsionMultiplier les chances de soulage-ment en évitant la surcharge du ten-don (“changer de main”), en ten-tant la mise au repos, en adoptant la pluri-thérapie, sont les meilleurs conseils à donner. La rééducation excentrique avec étirement du ten-don constitue également un traite-ment complémentaire intéressant.

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Introduction

actualités des infiltrations au rachisdernières études et rapport de la has

les Derniers travaUxLa revue présentée par Alain Za-gala fait état des plus récents tra-vaux réalisés dans ce domaine.

Biothérapies et autres proDuitsLes produits actuellement infil-trés sont issus de la classe des biothérapies, comme l’IFNγ ou les anti-TNF. L’adalimumab, l’étanercept ont été injectés par le hiatus sacro-coccygien avec un résultat supérieur au placebo. Les injections de sérum salé, de sang autologue, de bupivacaïne ont été pratiquées dans les lom-bosciatiques, avec des résultats plutôt satisfaisants. L’éthanol gélifié apporterait 90 % de bons résultats dans les névralgies cer-vico-brachiales.

injections péri-articulairesLes injections péri-articulaires, notamment au niveau fora-minal, dans le traitement des syndromes radiculaires restent

Quelle est l’ac-tualité des infil-trations au niveau du rachis ? Alain Zagala (Grenoble) et Eric Gibert (Ivry-sur-Seine) ont fait le point au travers d’une ses-sion consacrée au sujet.

d’actualité. Les corticoïdes gar-dent indiscutablement leur su-prématie. Cette voie d’abord im-pose la prise de précautions, afin d’éliminer tout passage vascu-laire, plus fréquent aux niveaux cervical et sacré qu’aux niveaux lombaire et dorsal. Par ailleurs, l’injection d’anesthésique lo-cal représente un excellent test diagnostique et thérapeutique. Les corticoïdes par voie épidu-rale proprement dite, soit par voie trans-épineuse, soit par le hiatus sacro-coccygien sont les thérapeutiques d’élection des syndromes de compression discale et des canaux étroits. Des travaux récents confirment qu’on peut les utiliser même en cas de diabète. L’utilisation d’un radioguidage permet d’affiner le bon positionnement de l’ai-guille, qui, avec cette technique, est assuré dans plus de 90 % des cas. Toutefois, dans une étude de 2009, Blanchais et al. relèvent un afflux de sang dans 9 cas sur 30, soit 31 %, nécessitant un re-positionnement de l’aiguille. L’injection intradiscale en cas de discopathie active peut ra-pidement améliorer les symp-tômes au niveau lombaire ; au niveau cervical, les résultats sont variables : sur 3 discopa-thies traitées, un échec, un résul-tat modeste (20 %), une bonne amélioration (80 %) à 6 mois.

QUelle voie D’aBorD ?Plusieurs méta-analyses compa-rent les diverses voies d’abord, en répertoriant les complica-

tions, mais leurs résultats sont d’interprétation difficile. Les in-filtrations rachidiennes gardent toutefois une place certaine dans la prise en charge des syn-dromes disco-lombaires, étant donnés leur efficacité assez sa-tisfaisante et le faible taux d’ac-cidents graves (1 à 2/100 000).

rapport De la has sUr les risQUesSur le même sujet, Eric Gibert a étudié le pré-rapport de la HAS publié en juillet 2010.

caractéristiques Des acciDentsCelui-ci fait état des risques de paraplégie ou de tétraplégie liés aux injections radioguidées de corticoïdes aux niveaux lom-baire et cervical. Il convient donc de faire le point sur ces complications, les facteurs de risque, et d’en tirer des ensei-gnements pour améliorer les pratiques professionnelles. Seuls l’Hydrocortancyl® et le cortivazol (Altim®) ont l’AMM pour ce type d’injection.

Selon l’enquête réalisée en France, il existe un risque plus élevé d’infarctus médullaire avec la prednisolone par voie lombaire (8 cas rapportés), ma-joré pour la voie foraminale et le rachis opéré ; un risque d’AVC et d’infarctus médullaire au niveau cervical (4 cas) ; aucun accident de ce type avec le cortivazol.

Il est difficile de déterminer la

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Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 139

petites annonces

prévalence de ces accidents, en règle sous-évalués.

Les données de la littérature vont dans le même sens ; les ac-cidents surviennent dans les mi-nutes qui suivent l’injection. Le mécanisme supposé au niveau cervical est un traumatisme di-rect de la moelle, ou un effet toxique à distance du produit injecté. L’origine des accidents est artérielle dans la majorité des cas. Pour le rachis opéré, l’hyper-vascularisation du tissu cicatri-ciel et la fibrose qui engaine les artères sont des éléments d’ex-plication.

Les antécédents de chirurgie, la voie transforaminale au niveau cervical et la localisation basse (de C5 à D1) sont autant de fac-teurs de risque. Au niveau lom-baire, tous les étages peuvent être intéressés.

quelles précautions prenDre ?Ces éléments imposent donc la prise de précautions : • pas d’injection en première in-tention ; • au niveau cervical, indication seulement pour névralgies cer-vico-brachiales résistantes aux traitements habituels, et seule-ment si le patient est informé des risques.

Avant l’injection :• contrôle de l’hémostase ; • vérification de l’imagerie ; • éviter les vaisseaux et rester à l’entrée du foramen ; • contrôle permanent du bon positionnement de l’aiguille ; • ne pas dépasser 2 ml d’Hydro-cortancyl® ou 1,5 ml d’Altim®. Au rachis lombaire : • se limiter aux rachis non opé-rés ;

• pas d’injection en première in-tention ; • indication seulement pour lom-bo-sciatiques rebelles, avec une bonne information du patient ; • bilan d’hémostase préalable ; • contrôle de l’imagerie ; • contrôle du positionnement de l’aiguille ; • même dose que pour les cervi-cales. Pour la HAS, les mécanismes supposés de ces accidents sont les lésions artérielles, l’embo-lie gazeuse, la compression artérielle intra-foraminale, le spasme artériel, l’embolisation d’une petite artère par une par-tie du produit injecté.Il n’est pas fait mention des risques liés aux anesthésiques locaux, qui pourtant ont été signalés.

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La vitesse de sédimentation

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 1

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Comprendre

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 141

IntroduCtIonLa maladie de Paget est une maladie osseuse fréquente. Sa description princeps, faite par Sir James Paget sous le terme d’osteitis deformans remonte à 1877 (1). L’examen de squelettes exhumés d’Angleterre montre son existence dès l’an mil (2). Toutefois, son caractère souvent asymptomatique, sa révélation fortuite, l’absence d’étiologie

*Service de Rhumatologie, unité INSERM U922, CHU d’Angers

évidente en rend difficile l’éva-luation épidémiologique (Fig. 1).

prévalenCeLa prévalence de la maladie de Paget est difficile à affirmer du fait de son caractère le plus sou-vet asymptomatique. Ses carac-téristiques anatomo-patholo-giques et sa fréquence ont été initialement soulignées par les travaux autopsiques. En 1932, la série de Schmorl (4 614 ca-davres) a permis d’identifier

3 % de maladie de Paget parmi les cas de plus de 40 ans (3). En 1956, Collins notait la présence de 24 cas de maladie de Paget parmi 650 autopsies (3,7 %) (4).

etudes radiographiquesLa prédominance axiale de la ma-ladie de Paget (rachis, pelvis, ESF) a permis de mener des études radiographiques standardisées. Les données les plus complètes proviennent de séries rétrospec-tives de clichés d’abdomens (ab-domens sans préparation, rachis lombaire, urographies intra-vei-neuses, transits barytés) réali-sés dans 31 villes anglaises entre 1970 et 1977 : 30 000 clichés chez des hommes et femmes de plus de 55 ans. La prévalence radio-graphique est de 5 % (femmes, 3,9 %; hommes 6,2 %). Celle-ci augmente avec l’âge : elle passe de 1 % chez les femmes de 55-59 ans à 7 % chez celles de plus de 85 ans ; et de 2 % chez les hommes de 55-59 ans à 20 % chez ceux de plus de 85 ans (5, 6).

❚ royaume-uniIl y a presque 30 ans, une large étude européenne (question-naire et clichés radiographiques) avait montré que la prévalence la plus importante était au Royaume-Uni (Fig. 2) (4,6 %) (7). Il existe toutefois des disparités régionales avec notamment un foyer de haute prévalence dans le Lancashire et des chiffres entre

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

La maladie de Paget est une maladie osseuse fréquente. Sa prévalence est toutefois difficile à affirmer du fait de son caractère le plus souvent asympto-matique. La France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et surtout le Royaume-Uni présentent des taux élevés dans la population générale, en observant une augmentation avec l’âge et des variations régionales nettes. Parallèlement, la grande majorité des travaux épidémiologiques met en évidence une réduction de la prévalence et de la sévérité de la maladie dans le temps, aussi bien dans les formes familiales que les cas sporadiques. Ceci souligne l’importance de facteurs environnementaux, non identifiés, relançant une nouvelle fois la piste virale et zoonotique évoquée il y a plus de 30 ans.

Résumé

la maladie de paget disparaît-elle ?Réalité épidémiologique et hypothèsesDr Emmanuel Hoppé*, Dr Béatrice Bouvard*, Dr Charles Leské*, Pr Maurice Audran*

Does Paget’s disease disappear?Paget’s disease is a common bone disease. Its prevalence is difficult to say because of its asymptomatic nature. France, Australia, New Zealand and especially the United Kingdom have high rates in the general population, noting an increase with age and regional variations. The vast majority of epidemiological studies shows a reduction in prevalence and severity of the disease over time, both in familial than sporadic cases. This underlines the importance of environmental factors, unidentified, revi-ving once again the track viral and zoonotic mentioned there are over 30 years.

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142� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

Comprendre

6,3 et 8,3 % (de 3,8 à 10 % chez les femmes et de 6,5 à 8,8 % chez les hommes) (6). Cette influence bri-tannique est également ressen-tie chez les groupes de migrants. Ainsi, aux USA, on a pu noter une prévalence plus élevée à New-York (3,9 %) qu’à Atlanta (0,9 %) (8). De même, la prévalence chez les Australiens d’origine britan-nique (4 %) est supérieure à celle constatée chez les Australiens d’origine autochtone (3,2 %) (9). La prévalence globale amé-ricaine, estimée à partir d’une étude radiographique, serait comprise entre 1 et 2 % (10).

❚ La France, un cas particulierLa France est considérée comme une autre zone de forte préva-lence. Les valeurs constatées à Bordeaux, Rennes et Nancy (2 à 2,7 %) sont équivalentes aux va-leurs anglaises les plus basses (2,3 à Aberdeen et 2,7 à Carlisle). Les chiffres confondus pour les 3 villes donnent une prévalence à 1,2 % chez la femme et 3,4 % chez l’homme (7). D’autres travaux fran-çais indiquent une prévalence esti-mée entre 1,1 et 1,8 chez la femme et 2,5 % chez l’homme (11, 12). Un travail prospectif de Chazerain et al. réalisé en 1994 montrait même que 17,7 % des sujets de plus de 80 ans hospitalisés à l’Hôpital Bi-chat pour un motif non rhumato-logique présentaient au moins une localisation pagétique (13).

❚ en hollandeDans une étude cas-contrôle récente, issue de la Rotterdam Study (7 983 hommes et femmes hollandais de plus de 55 ans, parmi lesquels ont été sélection-nés ceux qui présentaient une élévation des phosphatases al-calines sériques), la prévalence hollandaise est estimée à 3,6 % (14).

❚ italieEn Italie, les chiffres oscillent entre 0,5 % et 2,4 % dans la po-pulation générale, selon la tech-nique utilisée (radiographies, biochimie, scintigraphie os-seuse) et la ville étudiée (dans un ordre décroissant : Sienne, Turin, Milan, Palerme) (7, 15).

❚ en espagneDe même, en Espagne, une étude radiographique (4 528 cli-chés d’abdomen sans prépara-tion) récente estime la préva-lence à 1 % chez les patients de plus de 55 ans, atteignant 2,4 % après 85 ans (16).

En revanche, il semble que la maladie de Paget soit rare en Suède, Afrique du sud, Amé-rique du sud, Israël, Inde et en Asie du sud-est (0,15/100 000 au Japon) (7, 17-21).

InCIdenCeLes données du registre GPRD (General Practice Research Da-tabase, registre colligeant les

informations de 5 millions de patients anglais et gallois de plus de 18 ans) ont permis d’apprécier l’incidence de la maladie de Paget pendant la période 1988-1999 : 0,3 et 5,4 pour 10 000 personnes-année chez les femmes de 55-59 ans et > 85 ans respectivement ; 0,5 et 7,6 pour 10 000 personnes-année chez les hommes des mêmes tranches d’âge (22).

evolutIon dans le temps

en europeDe nombreux travaux plaident pour une réduction de la fré-quence de la maladie de Pa-get. Des données récentes de l’étude de prévalence menée par Cooper et al., dans 10 villes anglaises entre 1993-1995 avec une méthodologie identique aux études des années 1970-1977 montre une réduction de 40 % (23). La prévalence ajustée à l’âge est passée de 6,2 à 2,5 % chez l’homme et de 3,9 à 1,6 %

Figure 1 – atteinte pagétique typique de la voûte du crâne chez une femme de 60 ans.

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LA MALAdIE dE PAgEt dISPARAît-ELLE ?

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chez la femme. Cette diminu-tion semble avoir été plus forte dans les villes ayant une forte prévalence initiale. De même, Poor et al. ont pu estimer les variations à l’échelon européen en réalisant une étude radiogra-phique (6 935 radiographies) dans les 6 villes qui avaient été évaluées en 1978-1979 par le travail de Detheridge et al. en reprenant une méthodologie identique. Ainsi la prévalence globale est de 0,3 %. Elle est de 0,4 et 0,7 % chez les femmes et hommes de 55-64 ans, et de 0,9 et 0,8 % chez les femmes et hommes de plus de 85 ans. La prévalence la plus élevée est en Espagne (Valence (0,5 %) et La Corogne (0,4 %)) ainsi que dans 2 villes hongroises étudiées dans le même temps (0,5 %). La diminution entre 1978-1979 et 2000-2001 s’échelonne, selon les centres, entre 40 et 85,7 % chez les hommes et entre 33,3 et 89,5 % chez les femmes. Les plus grosses différences concer-nent les villes où le taux initial était le plus élevé (Valence, La Corogne, Copenhague, Inns-bruck) (Tab. 1) (7, 24).

Toutefois, cette étude ne concernait que 6 centres et de ce fait ne pouvait être repré-sentative de toute l’Europe. D’ailleurs, l’étude italienne de Gennari et al. (radiographique, biochimique (PAL) et scinti-graphique) n’observe pas cette tendance (15). De même, la ré-cente étude (radiographique et biochimique (PAL)) hollandaise estime la prévalence à 3,6 % chez les plus de 55 ans, alors que le travail (radiographique) de Detheridge et al. en 1982 ne notait que 0,6 % (7, 14). Il existe toutefois des différences mé-thodologiques.

hors Communauté européenneEn dehors de l’Europe, on note également une décroissance. En Nouvelle-Zélande, il existe une diminution de près de 50 % entre 1983 et 2002 (25, 26). Les récentes données publiées par Bastin et al. montrent une préva-lence stable entre 1998 et 2006, avec toutefois une augmenta-tion des cas de plus de 80 ans, ce qui suggère une réduction de l’incidence de nouveaux cas (27).

Les données issues du registre GPRD ont permis de suivre les variations d’incidence pendant la période 1988-1999 (22). On peut observer au cours de ces 11 ans une réduction de 30 % des taux d’incidence standar-disée (âge et sexe) passant de 1,1 par 10 000 patients-année à 0,7 par 10 000 patients-année.

Il semble également exister une réduction de la sévérité de la ma-ladie de Paget. Plusieurs travaux menés sur une période de 30 ans (1973-2002) ont montré la dimi-nution progressive des valeurs de PAL sériques et de l’étendue de la fixation scintigraphique au moment du diagnostic. Les cas incidents sont diagnostiqués

chez des personnes plus âgées, avec une maladie moins éten-due (26-28). Les patients sont également moins souvent symp-tomatiques (27 %) au moment du diagnostic (29). Certains travaux suggèrent également la tendance monostotique de la maladie, notamment chez la femme (26, 30).

FaCteurs étIologIquesIl n’existe pas de facteur claire-ment identifié permettant de justifier ces variations géogra-phiques et cette évolution tem-porelle. Toutefois, on peut évo-quer plusieurs éléments.

Les méthodes d’anaLyseLes différentes études sus-citées ne répondent pas toutes à des moyens d’investigations iden-tiques : questionnaires, radiogra-phies, scintigraphie, biologie. Cela rend délicat leur stricte comparai-son. De plus, il faut tenir compte des changements de techniques (dosages biologiques des PAL par exemple) ou des nouvelles habi-tudes de prescription. En effet, la plus faible réalisation de clichés d’abdomen sans préparation, d’urographies intraveineuses en pathologie viscérale (remplacées

diminution de la prévalence (%)ville Hommes* Femmes* tous**Innsbruck - 85,7 - 50 - 71,4malmoe Pas de variation - 33,3 - 25Copenhague - 71,4 - 75 - 72,7athènes - 50 Pas de variation - 40la Corogne - 40 - 66,7 - 55,6valence Pas de variation - 89,5 - 61,5* différence dans les taux ajustés à l’âge.** différence dans les taux ajustés à l’âge et au sexe.

tableau 1 – Baisse de la prévalence de la maladie de paget entre 1978-1979 et 2000-2001 dans 6 grandes villes européennes (d’après 24).

Page 28: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

144� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

Comprendre

fréquemment par l’échographie et la tomodensitométrie) a pro-bablement modifié la représen-tativité des populations étudiées et réduit le nombre de diagnostics fortuits de la maladie de Paget ver-tébrale ou pelvienne.

Toutefois, les équipes Britan-nique, Néo-Zélandaise, Hon-groise, qui ont réalisé plusieurs études de prévalence à quelques années voire décades d’inter-valle se sont à chaque fois at-tachées à utiliser une méthode strictement superposable (et même des populations simi-laires en tenant compte des groupes ethniques), permettant une analyse fiable dans le temps (23, 24, 26).

Les FaCteurs environnementauxPlusieurs travaux évoquent une période charnière dans les an-nées 1920-1930 faisant suspec-ter l’impact de facteurs environ-nementaux : régime alimentaire et vitamine D pendant l’enfance, activité physique, urbanisation, exposition professionnelle… (26, 30-32).

montrent que la transfection de précurseurs ostéoclastiques hu-mains par le gène codant pour la nucléocapside du virus de la rougeole aboutit à la formation d’ostéoclastes d’allure pagétique

get demeure localisée alors que le virus de la rougeole sévit dans le monde entier ?

❚ mode de vie ruralDes études récentes en Espagne et Italie ont montré que le mode de vie rural pouvait être un fac-teur de risque, relançant une nouvelle fois l’hypothèse d’un agent zoonotique. Le contact avec les bovins, les chiens vac-cinés ou non contre le CDV, les chats, les oiseaux, la consomma-tion de cervelle ou de viscères bovins seraient associés à un risque plus important de dé-velopper une maladie de Paget (38-43).

❚ Les pesticides ?Enfin, le rôle de pesticides avait été un temps évoqué pour ex-pliquer l’importante incidence dans le Lancashire (44).

4-6

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0-41-1

Figure 2 – prévalences standardisées selon l’âge et le sexe de la maladie de paget chez

des patients hospitalisés âgés de 55 ans et plus dans 13 villes européennes (d’après 7).

❚ Les paramyxovirusDepuis plus de 30 ans, de nom-breux auteurs ont évoqué un lien avec une infection à para-myxovirus dont le virus de la rougeole, le CDV (Canine Dis-temper Virus, responsable de la maladie de Carré du chien), mais également le VRS (Virus Respiratoire Syncytial) (33-36). Des modèles expérimentaux

(37). L’effet d’une vaccination massive (CDV, rougeole) sur la disparition de la maladie de Pa-get a été évoqué, mais l’intro-duction de ces vaccins dans les années 1940-1960 ne peut expli-quer la réduction de l’incidence de la maladie de Paget chez des septuagénaires 20 ou 30 ans plus tard (38). De même, pourquoi la distribution de la maladie de Pa-

Plusieurs travaux évoquent une période charnière dans les années 1920-1930 faisant suspecter l’impact de facteurs environnementaux

Page 29: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

LA MALAdIE dE PAgEt dISPARAît-ELLE ?

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 145

Les FaCteurs génétiques

❚ transmissionIl est maintenant établi qu’il existe une forte prédisposition géné-tique impliquée dans la physio-pathologie de La maladie de Pa-get. Des formes familiales sont connues depuis les années 1940 (45). En pratique courante, on estime que 15 % des patients porteurs d’une MP rapportent un antécédent familial (46). Il semblerait que les patients por-

(52). 10-50 % des formes familiales de maladie de Paget et 5-30 % des formes sporadiques seraient liées à ces mutations de SQSTM1 (51).

❚ Flux migratoires des populations Certains travaux ont évoqué l’origine ancestrale des muta-tions du gène du séquestosome, pouvant faire suggérer la trans-mission de la MP par migration. De même, la forte prévalence chez les populations anglaises, chez des migrants anglo-saxons

s’étoffent, il semble bel et bien que sa prévalence et son inci-dence décroissent, aussi bien pour les cas sporadiques que les formes familiales. De plus, la maladie apparaît moins éten-due, moins symptomatique et de diagnostic de plus en plus tardif.

Ce phénomène répond à un vraisemblable facteur envi-ronnemental… peut-être viral, comme cela avait été suggéré il y a plus de 30 ans… et peut être exacerbé chez des patients géné-tiquement prédisposés. Toute-fois, si ce facteur disparaît, il sera d’autant plus difficile à mettre en évidence et il ne restera que les hypothèses et l’imagination des médecins pour l’identifier !

Il n’en demeure pas moins que, 130 ans après sa description initiale, sa prise en charge pra-tique demeure toujours justi-fiée au titre des complications que les bisphosphonates mo-dernes permettent d’éviter. n

mots-clés : maladie de paget, epidémiologie,

Facteurs environnementaux,

France, paramyxovirus,

Facteurs métaboliques

Keywords: paget’s disease, epidemiology,

environmental factors, France,

paramyxovirus, metabolic factors

d Pour lire la bibliographie : www.rhumatos.fr

teurs d’une MP familiale auraient une atteinte plus précoce et plus étendue (47). Toutefois, au sein des formes familiales, la gravité de la MP s’estompe au fil des gé-nérations (48). La transmission est autosomique dominante, et la pénétrance haute mais incom-plète (49). Huit régions chromo-somiques ont été décrites comme pouvant contenir un gène PDB (Pagets’s Disease of Bone). Un seul gène a pour le moment été iden-tifié, le séquestosome 1 (SQSTM1) situé sur le chromosome 5q35 et lui-même porteur de plus de 20 mutations (la plus fréquente étant la mutation P392L) (50, 51). Ces mutations ont été essentiel-lement rapportées dans des po-pulations d’Europe occidentale, du Canada francophone, des USA ou d’Australie/Nouvelle-Zélande

ou chez les descendants d’im-migrés anglo-saxons étaye cette hypothèse. Toutefois, les flux mi-gratoires ne rendent pas la mala-die moins sévère (53).

FaCteurs métaboLiquesOn peut aussi imaginer que l’uti-lisation de plus en plus large de médicaments à visée osseuse de plus en plus efficaces (éti-dronate, calcitonine, et surtout amino-bisphosphonates) a pu limiter l’extension et la sévérité de la MP, bien souvent à l’insu des patients et des médecins qui les prescrivaient pour un autre motif (26).

ConClusIonAlors que les hypothèses patho-géniques de la maladie de Paget

Sa prise en charge pratique demeure toujours justifiée au titre des complications que les bisphosphonates modernes permettent d’éviter.

Page 30: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

Mise au point

148� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

Le reModeLage et La voie Wnt

Découverte Du systèmeIl y a quelques années, une mu-tation inactivatrice d’un co-ré-cepteur appelé LRP5 a été mon-trée comme inhibant fortement la formation ostéoblastique chez des enfants présentant un syn-drome dit “OPPG” ou ostéopo-rose-pseudogliome, associant

*INSERM U1059, Université de Lyon, CHU de Saint-Etienne

des os grêles et fragiles et des ano-malies du développement ocu-laire (2). Dans le même temps, un autre groupe de chercheurs, identifiaient LRP5 comme étant impliqué dans un syndrome de masse osseuse élevée chez des sujets non malades mais présen-tant des T-scores de DMO > 4. Ces deux découvertes ont permis de dévoiler le rôle majeur de la voie de signalisation des glyco-protéines Wnt, antérieurement connues comme des facteurs du développement.

voie De signalisation WntWnt active des voies de signali-sation extrêmement complexes. Lors de l’activation de la voie dite “canonique”, les Wnts se lient à des récepteurs membranaires de la famille Frizzled, dont LRP5 est le co-récepteur, et dont l’activation conduit à l’accumulation dans la cellule de béta-caténine qui, par la suite, est transportée au noyau où elle participe à la stimulation de la transcription des gènes ostéo-blastiques pro-formateurs. Cepen-dant, le rôle de LRP5 dans l’activa-tion ostéoblastique est loin d’être consensuel (voir plus bas).

Wnts : un système complexeLe système des Wnts est com-plexe car il induit au moins 10 voies distinctes de signalisa-tion (dont la voie canonique) et comprend de nombreux acteurs avec notamment plusieurs types de récepteurs et de ligands, et un certain nombre d’inhibiteurs naturels dont : Kremen, Wif, les Firzzled solubles, Dikkopf et la sclérostine (produit du gène sost). Chez l’adulte, la sclérostine est essentiellement synthétisée pas les ostéocytes qui freinent ainsi l’activité des ostéoblastes. Sa synthèse est stimulée par la 1,25 dihydroxyvitamine D (calcitriol), les glucocorticoïdes, le TNFa et les BMP2, 4 et 6 alors que les contraintes mécaniques et la pa-rathormone (PTH) la diminuent.

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

La régulation du remodelage osseux est complexe probablement du fait des multiples fonctions dans lesquelles l’os est impliqué et qui parfois entrent en concurrence, comme par exemple l’homéostasie calcique et la résistance méca-nique. Cependant, la hiérarchisation de ces différentes fonctions est encore mal connue, en dehors du caractère dominant du maintien de la calcémie. Le remo-delage osseux est pluriel à plusieurs titres. Il concerne des surfaces osseuses différentes (Tab. 1) qui répondent aux stimuli probablement chacune avec des spécificités encore non complètement élucidées. De plus, le remodelage peut être ciblé ou non (Fig. 1) et alors régulé par des mécanismes différents. Le prisme du vieillissement osseux au travers duquel nous analysons le remodelage et ses fonctions nous fait souvent oublier que la pression de sélection qui s’est exercée au cours de l’évolution concernait surtout les fonctions de reproduction et le mé-tabolisme énergétique qui lui est fonctionnellement lié (1). Depuis la “révolution” liée a la découverte du système RANK-RANK Ligand-Ostéoprotégérine (OPG) à la fin des années 90, la recherche sur le tissu osseux n’a cessé de nous sur-prendre et il ne se passe pratiquement pas une année sans qu’une nouveauté, tant intéressante sur le plan intellectuel qu’ayant de potentielles applications thérapeutiques, ne voit le jour. La présente revue des nouveautés concernant le remodelage n’est bien sûr pas exhaustive.

Introduction

Le remodelage osseuxQuelles sont les dernières nouveautés dans le domaine ?Pr Marie-Hélène Lafage-Proust*

Page 31: Compte-rendu exclusif de la 1 journée

LE REModELagE oSSEUx

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 149

Les anticorps anti-sclérostine sont en cours d’évaluation dans le traitement de l’ostéoporose (3).

Le reModeLage osseux, La réguLation de La gLycéMie et de La reproduction

effets osseux De la leptineLes données concernant la lep-tine, une hormone synthétisée majoritairement par les adipo-cytes et ayant un rôle cérébral anorexigène, nous ont appris, il y a une dizaine d’années, que le remodelage osseux et l’os en général étaient impliqués dans la régulation du métabolisme énergétique. En effet, les souris ob/ob déficientes en leptine sont obèses, hypogonadiques et mal-gré cela, présentent une masse osseuse vertébrale diminuée. On apprenait plus tard que la leptine en agissant au niveau du cer-veau, activait le système nerveux sympathique qui inhibait à son tour la formation ostéoblastique par le biais des récepteurs bêta2-adrénergiques. Dans les modèles animaux, les bêtabloquants pré-viennent la perte osseuse liée à la ménopause. Chez l’humain, on ne retrouvait pas d’effet ou des effets de faible amplitude (4) dans les études transversales.

Cependant, tout récemment, une étude faisant état des différents types de bêtabloquants et por-tant sur 3 500 sujets retrouve des effets protecteurs des bêtablo-quants sélectifs vis-à-vis des frac-tures (5). Par ailleurs, la leptine possède des récepteurs périphé-riques sur les cellules du lignage ostéoblastique et induit par leur biais des effets périphériques plutôt ostéo-anaboliques (Fig. 2).

métabolisme gluciDiqueL’os est impliqué dans le méta-bolisme glucidique d’une autre

manière. En 2010, deux équipes indépendantes (6, 7) ont démon-tré une boucle de régulation os-pancréas jusque-là méconnue. Des souris, dont le récepteur de l’insuline n’a été enlevé que dans les ostéoblastes, développent une résistance à l’insuline et sont obèses. Ces souris ont des concentrations sériques dimi-nuées d’ostéocalcine, une pro-téine spécifique de la matrice ex-tracellulaire osseuse. Quelques années auparavant, l’équipe de G. Karsenty avait rapporté que des souris déficientes en ostéo-calcine présentaient des anoma-lies similaires du métabolisme glucidique, et que l’ostéocalcine, dans sa forme décarboxylée cir-culante, avait un effet trophique

sur les cellules bêta-pancréa-tiques qui sécrètent l’insuline.

En fait, l’insuline agit sur les ostéo-blastes par le biais de son récep-teur, ce qui induit la diminution de la synthèse d’OPG, activant ainsi la résorption ostéoclastique, ce qui permet de libérer, à partir de la matrice osseuse, de l’ostéo-calcine décarboxylée qui stimu-lera, comme une hormone, les cellules bêta-pancréatiques. Il est maintenant important de voir si chez l’humain cette boucle de régulation joue un rôle impor-tant et si les modifications du remodelage osseux induites pas des traitements a visée anti-os-téoporotique modulent la tolé-rance au glucose.

Moelle

Périosité

Intracortical

Endocortical

Trabéculaire

FORMATION

RESORPTION1

1 12

3

3

44

2

3

4

Figure 1 - Les différents sites de remodelage osseux.

Fonction type de remodelage• Assurer l’homéostasie calcique Non ciblé• Assurer la présence d’une cavité médullaire

pour l’hématopoïèse/soutenir l’hématopoièse• Métabolisme glucidique/énergétique• Fonction reproduction chez les mâles • Adaptation aux contraintes mécaniques Ciblé• Réparer les micro-dommages/microcracks• Réparation des fractures, remodelage du cal• Eruption des dents

tableau 1 - différentes fonctions du remodelage osseux en fonc-tion de son caractère ciblé ou non.

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150� Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67

Mise au point

Enfin, on se pose la question du mode d’action de l’ostéocalcine sur les cellules du pancréas. Une réponse potentielle vient tou-jours de l’équipe de G. Karsenty qui a montré récemment que l’ostéocalcine est capable de se lier à un récepteur membranaire couplé aux protéines G (GPR-C6A) et d’induire une signalisa-tion intracellulaire par augmen-tation de l’AMP cyclique.

rôle Dans la reproDuctionCeci a été montré pour des cel-lules testiculaires de Leydig qui sé-crètent la testostérone. Dans des co-cultures d’ostéoblastes et de cellules de Leydig, la production de testostérone augmente alors qu’une co-culture ostéoblastes/cellules ovariennes n’influence pas la production d’estrogènes. Les auteurs ont montré que c’est l’ostéocalcine qui joue ce rôle en-docrine en utilisant des modèles de perte ou de gain de fonction spécifique. Les souris déficientes en ostéocalcine ont des concen-trations de testostérone très ré-duites, des organes génitaux de petite taille et une oligospermie ainsi qu’une tératospermie.

Le reModeLage et Les neuropeptides

la sérotonine

❚ au niveau intestinalL’équipe de G. Karsenty a éga-lement “jeté un pavé dans la mare” en reprenant les souris dé-ficientes en LRP5 qui présentent comme les humains avec une OPPG une masse osseuse basse, et montré qu’elles surexpriment une enzyme de synthèse de la sérotonine dans l’intestin et ont une concentration de sérotonine sérique élevée. De façon surpre-nante, le phénotype ostéoporo-tique des souris LRP5-/- disparaît si on leur donne un régime sans

tryptophane, acide aminé pré-curseur de la sérotonine. De plus, l’ostéoporose est induite chez ces souris si on supprime le gène LRP5 dans l’intestin et non pas dans les ostéoblastes.

A l’opposé, la suppression de l’enzyme TH1 qui synthétise la sérotonine n’est ostéo-ana-bolique que si on la supprime dans l’intestin et pas dans les ostéoblastes et ces souris qui n’expriment pas TH1 dans l’in-testin uniquement ne perdent pas d’os à l’OVX. La sérotonine a des effets directs freinateurs sur les ostéoblastes par le biais du récepteur HTR1b. Enfin, une molécule inhibitrice de la syn-thèse intestinale de sérotonine prévient la perte osseuse et res-taure la masse osseuse chez la souris et la ratte ovariectomisées par le biais d’une stimulation de la formation ostéoblastique.

❚ au niveau cérébralLa sérotonine cérébrale, quant

à elle, a des effets opposés sur la masse osseuse (Fig. 2). Elle agit sur l’os de façon indirecte en inhi-bant la voie sympathique adré-nergique. Il est intéressant de savoir que, chez l’animal, c’est l’action de la sérotonine céré-brale qui prévaut, les animaux qui ne synthétisent la séroto-nine ni dans l’intestin ni dans le cerveau ont une masse osseuse basse. Cependant, l’ensemble de ces données reste controversé pour plusieurs raisons.

• La première est que d’autres auteurs ont montré des effets directs de LRP5 sur les ostéo-blastes (8-10). • La deuxième est que la séroto-nine périphérique semble exer-cer également une stimulation de la résorption ostéoclastique, comme cela a été montré ré-cemment par l’équipe de MC de Vernejoul (11), et qu’on ne peut donc résumer l’action osseuse de la sérotonine à ses seuls effets ostéoblastiques.

Figure 2 - Leptine et sérotonine sont deux médiateurs ayant des effets centraux et pé-

riphériques opposés sur la formation ostéoblastique. La voie adrénergique (en orange)

inhibe la formation ostéoblastique. Au niveau central, la leptine (en violet) stimule alors que

la sérotonine (en vert) cérébrale (synthétisée par l’enzyme TH2) inhibe cette voie adréner-

gique. Au niveau périphérique, la leptine circulante stimule alors que la sérotonine circulante

synthétisée par l’enzyme jéjunale TH1 inhibe la formation ostéoblastique.

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LE REModELagE oSSEUx

Rhumatos • Avril 2011 • vol. 8 • numéro 67 151

l’ocytocineUn autre neuropeptide, l’ocyto-cine, sécrété dans l’hypophyse et impliqué dans des fonctions reproductives, a été récemment évoqué comme jouant un rôle dans la formation osseuse (12). La délétion de cette hormone ou de son récepteur induit une perte osseuse avec formation ostéoblastique effondrée. L’ocy-tocine a des effets plus variables sur l’ostéoclaste selon son état de maturité.

L’ostéocyte est au centre de La réguLation du reModeLage osseuxL’ostéocyte est la cellule la plus représentée parmi des cellules osseuses. Ses inter-connections avec ses voisins et les cellules de surface, ainsi que sa situation privilégiée au sein de la matrice osseuse, en font une cellule de choix pour le contrôle du remo-delage.

apoptoseOn vient de voir que l’ostéocyte contrôle la formation osseuse par le biais de la synthèse de la sclérostine mais son rôle ne s’arrête pas là. Une des fonc-tions principales de l’os est de supporter les contraintes mé-caniques et l’os mis en charge doit être remodelé afin d’assu-rer une compétence bioméca-

nique. Il est estimé qu’un tibia se fracturerait au bout de 3 ans de charge normale s’il n’y avait pas de réparation des micro-dommages. Le remodelage osseux assure la réparation ci-blée de ces micro-dommages en remplaçant de l’os altéré par de l’os sain.

Il a été montré qu’une hyper-ré-sorption ostéoclastique survient lorsqu’on induit, chez des sou-ris, la mort des ostéocytes pro-voquée par l’expression ostéo-cytaire d’un gène “tueur” (13). Il est connu depuis peu qu’un ex-cès de contraintes mécaniques qui “fatigue” le matériau osseux et induit des micro-dommages engendre une apoptose des os-téocytes situés à la périphérie de ces micro-lésions. De façon plus récente, on s’est rendu compte que c’est cette apoptose ostéo-cytaire qui est à l’origine d’une séquence de remodelage dont le but est de réparer l’os endom-magé (14).

autophagieA côté de l’apoptose, l’ostéocyte trouve dans l’autophagie, un processus de survie temporaire par adaptation métabolique et autodigestion, dont on com-mence à déchiffrer l’importance dans la biologie des cellules, un moyen de répondre au stress comme celui de l’administration des corticoïdes.

intégration Des signauxDe plus, il semble que ce soit l’ostéocyte qui intègre les si-gnaux hormonaux capables de modifier le remodelage osseux. Ainsi, des souris surexprimant le récepteur de la PTH consti-tutionnellement activé unique-ment dans les ostéocytes pré-sentent des cortex épais et un hyper-remodelage trabéculaire (15) et, à l’inverse, si la surex-pression concerne un récepteur muté inactif, l’administration intermittente de PTH perd son caractère anabolique (16).

concLusionIl semble maintenant plus ra-pide de parler des fonctions dans lesquelles le remodelage osseux n’est pas impliqué. L’explosion des découvertes concernant le re-modelage osseux a fait sortir l’os de son “carcan phosphocalcique” dans lequel il était manifeste-ment à l’étroit, et rend ce champ de recherche extrêmement at-tractif du fait de perspectives thérapeutiques, notamment concernant la stimulation de la formation osseuse, particuliè-rement intéressantes mais qui débordent aussi largement du métabolisme osseux. n

mots-clés : remodelage osseux, voie Wnt, Lep-

tine, sérotonine, ocytocine, ostéocyte

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BiBliographie