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Alamargot, D., Terrier, P. & Cellier, J.M. (2005). Production, compréhension et usages des écrits techniques au travail. Toulouse. Octarès
Conception, compréhension et usages de l’information iconique véhiculée par les pictogrammes
Charles Tijus1, Javier Barcenilla2, Brigitte Cambon de Lavalette3, Liliane Lambinet1 &
Alexandre Lacaste1
1. CNRS FRE 2627 "Cognition & Usages", Université Paris 8 2. Laboratoire ETIC - Université de Metz
3. LPC, Inrets , Arcueil
Sous presse in JM Cellier « Production, compréhension et usages des écrits techniques au travail », Octarès.
Résumé
L’effet propre au pictogramme, selon lequel « un pictogramme vaut mieux qu’un libellé,
parce que reconnaître une image est plus facile que lire un texte (Norman, 1990) » mérite
d'être étudié. Toutefois, alors que les pictogrammes concernent de nombreux domaines de la
vie quotidienne (médication, déplacement, transport, interface informatique) en indiquant,
sous forme iconique, des lieux, des directions, des actions ou des interdictions d'actions dans
l'espace réel (une ville, une route) ou dans l'espace virtuel (Internet, autoroutes de
l'information), les recherches théoriques et les données expérimentales sont vraiment peu
nombreuses.
Nous préconisons deux axes de recherches complémentaires : le premier vise à dresser la
taxonomie des pictogrammes du domaine à des fins d'harmonisation et de conception et le
second à prédire la compréhension en tenant compte des effets du contexte. Nous montrons
comment dresser une taxonomie des pictogrammes et comment étudier l'effet du contexte à
travers des études dans le domaine de la signalétique routière, ferroviaire et pharmaceutique.
Le pictogramme et son usage
Les icônes et les pictogrammes1 sont des représentations symboliques schématiques qui
utilisent une image pour véhiculer une information le plus souvent de nature analogique,
figurative pour informer ou indiquer, des lieux, des objets, des directions, des actions ou des
interdictions d'actions dans l'espace réel (une boîte de médicament, une route, une ville) ou
virtuel (sur le bureau de l'ordinateur, sur Internet, etc.). Pour être diffusé en France, par
exemple, un pictogramme doit atteindre un certain niveau de compréhension : selon la norme
ISO, un symbole est accepté si 67% des personnes le comprennent d’une manière certaine ou
presque certaine (ISO 9186 – 1989).
La signalisation routière comprend par exemple un corpus assez considérable de
quelques 300 panneaux homologués internationalement, et de bien d'autres, cependant fort
utiles, qui ne le sont pas. Ces panneaux se répartissent, selon leur codage, en cinq catégories
exprimant chacune des prescriptions différentes : des interdits, des obligations, la notification
de danger à éviter, des informations particulières, le repérage spatial. Dans beaucoup d'autres
domaines (l'aéronautique, les chemins de fer, les médicaments, les interfaces informatiques,
etc.), il y a des efforts d'harmonisation et surtout un développement important de ce mode de
communication.
Ce fort développement a lieu des raisons très diverses :
- Le déplacements des personnes (tourisme, immigration) qui occasionne le besoin d'une communication comprise quelles que soient les langues,
- La part importante de personnes qui ont dans leur pays une faible compétence linguistique (illettrés, bas niveau de qualification), même dans les pays industrialisés ;
- L'internationalisation de produits et de services, et notamment des nouvelles technologies de l’information et l'économie d'une traduction de l'information dans de nombreuses langues,
- Les contraintes techniques de dispositifs miniaturisés, pour lesquels l’information verbale n’est pas très adaptée (par exemple, les téléphones portables) ;
- L'harmonisation et la normalisation des signalétiques existantes, au niveau européen et au niveau mondial qui font mettre en commun des panneaux qui n'étaient propres qu'à certains pays,
- L'importance accrue accordée à la sécurité, aussi bien dans le monde du travail, que lors de l'usage des produits de la vie quotidienne, avec l’obligation légale, pour les fabricants, d’informer l’utilisateur,
- Les situations de plus en plus critiques de prise de décision rapide sous contrainte de temps
1 Le pictogramme est un dessin figuratif stylisé qui fonctionne comme un signe d'une langue écrite et qui ne transcrit pas la langue orale (Le Petit Robert)
Ce fort développement de l'information iconique dans tous les domaines de la vie
quotidienne (médication, déplacements, transports, interfaces informatiques, produits de
consommation courante, jouets, industrie, etc.) a lieu parce que le pictogramme peut remplir
de nombreuses fonctions, mais surtout parce qu'il permet de remplacer la communication
verbale, supposée non adaptée, ou moins bien adaptée, pour avertir, inciter, ordonner et
prescrire par un langage alternatif plus ou moins universel.
Le rôle du pictogramme peut être déterminant dans des situations qui requièrent des
prises de décision rapides. C'est le cas pour son utilisation comme instruction dans les
consignes de sécurité dans lesquelles il remplit, selon Easterby et Hakiel (1981), trois
fonctions principales: (i) décrire une situation avec une image qui permet d'identifier le risque,
(ii) prescrire une action avec une image qui indique l'action à réaliser, et (iii) interdire une
action avec une image qui montre l'action interdite. Nous ajouterons qu'il est également fort
utile pour indiquer l'état de la situation dans laquelle on se trouve et pour permettre à
l'utilisateur de décider rapidement, selon les conditions de la situation représentées par le
pictogramme, la séquence d’actions à mettre en œuvre.
Toutefois, alors qu'il y a un corpus bien fourni de travaux sur les instructions délivrées
de manière verbale dans les notices, les recherches théoriques et les données expérimentales
sur le traitement de l'information de nature iconique sont vraiment peu nombreuses. On trouve
une approche linguistique de la signalétique. La signalétique routière est un sujet qui a, par
exemple, intéressé des linguistes il y a vingt ou trente ans (Eco, Martinet, 1974, Jakobson,
1960, Droste, 1972). Pour cette approche, il s'agit d'une codification des messages sous une
forme iconique, celle-ci étant une forme langagière à la fois riche et épurée. Récemment,
l’intérêt pour cette approche s’est manifesté de nouveau (Meunier, 1999, Vaillant, 1999).
Elle ne concerne cependant pas l’usager et les processus mentaux impliqués dans le traitement
des informations iconiques. Il existe enfin des travaux en ergonomie sur l'apport du
pictogramme à la compréhension de notices techniques (Ganier, Gombert, & Fayol, 2000,
Huska-Chiroussel 2002), surtout en complément d'une information textuelle qui est très
efficace pour comprendre par généralisation mais peu efficace pour comprendre en spécifiant:
la proposition "allumer l'ordinateur" fait comprendre qu'il faut le mettre en marche mais pas
comment le faire (Richard, 1986; Tijus & Santolini, 1996, Tijus & Zibetti, 2001). A notre
connaissance, il y a très peu de recherches expérimentales sur les processus de traitement de
l'information iconique comme il en existe par exemple pour la compréhension de textes. Dans
la plupart des études existantes, l’accent est mis sur la méthodologie de test et non sur la
sémantique et les traitements cognitifs dérivés. Alors qu’il existe des taxonomies pour les
mots (le Thésaurus), les animaux, les outils, etc. Comme le souligne Fayol (2002),
“l’augmentation de pictogrammes rend la situation de plus en plus complexe, au point que la
notion de lexique pictographique devra être envisagée et étudiée très sérieusement ” (p. 16).
Dans cet article, nous rapportons les avantages et les limites de l'information iconique et
nous présentons notre approche théorique basée sur le traitement simultané du contexte et du
pictogramme et sur l'utilisation d'une description taxonomique des pictogrammes pour
l'harmonisation, la remédiation et la conception d'informations iconiques en rapportant les
résultats de quelques unes des études que nous avons menées.
L'information iconique : avantages et limites Les recherches sur l'usage de l'information iconique ont souligné plusieurs avantages de cette
forme de support informationnel par rapport à la communication verbale. Les pictogrammes :
- sont internationaux et ne requièrent pas l’apprentissage d’une langue particulière ;
- possèdent un pouvoir d’attraction et de discrimination plus important que le langage verbal ;
- peuvent représenter des informations complexes ou multidimensionnelles ;
- permettent une identification plus précise et plus rapide du contenu d’un seul regard, et à une distance plus grande que les mots (Collins & Lerner, 1982; Lehto, 1992) ;
- peuvent faire l’objet d’un traitement en parallèle, augmentant ainsi la vitesse d’identification et de compréhension ;
- résistent mieux aux interférences cognitives que les mots (King, 1975) et sont identifiés plus rapidement dans des conditions dégradées ;
- sont mieux mémorisés, car ils font l’objet d’un codage plus profond qui consolide leur trace en mémoire(Paivio, 1986). Par ailleurs, lorsqu’ils sont utilisés conjointement avec du texte, ils sont plus efficaces que le texte seul (Jaynes & Boles, 1990 ; Selcon & Taylor, 1995).
Malgré les avantages que lui apporte sa nature imagée, les recherches ont aussi mis en
évidence un certain nombre de problèmes et de difficultés d'interprétation du pictogramme
(Barcenilla & Tijus, 2002). Même modifiés par des méthodologies itératives de conception,
ils atteignent rarement une compréhension optimale (Magurno, Wogalter, Kohake & Wolff,
1994). Ceci est dû à plusieurs raisons :
- tous les symboles, ne serait-ce que par le choix des procédés graphiques, comportent une part d’arbitraire et nécessitent un apprentissage plus ou moins élaboré (les arbitraires plus que les autres). Lors d’une étude comparative que nous avons réalisée sur les notices d’avion destinées aux passagers (Barcenilla, Tijus & Petry, 2000), nous avons pu en effet constater, qu’il existe de grandes variations dans la manière de représenter une même situation ou d’indiquer l'instruction. Ainsi, pour indiquer interdiction du port de chaussures lors d’un amerrissage, parfois c’est une chaussure d’homme qui est symbolisée, parfois une chaussure de femme, parfois le contenu est entouré d’un rond rouge, parfois d’un carré rouge ;
- même lorsque les symboles sont représentationnels, ils n’apportent aucune garantie de clarté, ni de précision sur leur signification ; surtout lorsque le contexte est changeant ou mal défini (cf. figure 1, pictogramme G). Un verre à l’entrée d’un restaurant peut symboliser la consommation d’alcool, mais sur un médicament, il peut signifier la nécessité d'une prise du médicament avec de l’eau ;
- les pictogrammes ne sont pas adaptés pour véhiculer des actions complexes dont l’exécution comporte des contraintes temporelles ou des degrés de précision ou pour véhiculer plusieurs informations (le pictogramme R de la figue 1, véhicule deux informations : recyclable et / ou contient des matériaux recyclés).
- Les mêmes pictogrammes qui s’appliquent à des situations variées véhiculent des significations multiples qui peuvent engendrer des méprises interprétatives lorsque le contexte n’apporte pas suffisamment d’informations pour lever les ambiguïtés. Ainsi, les pictogrammes “ O, P, Q ” de la figure 1, ont été élaborés à partir du même symbole de base. Le premier indique un risque associé à une base température, le second informe que le produit doit se trouver à une base température, et le dernier (provenant de la signalisation d’un camping québécois) qu’il y a des frais supplémentaires pour l’air climatisé. La polyvalence de leur signification est sans doute à l’origine de la plus grande partie des difficultés d’interprétation. Cette polyvalence dépend de multiples facteurs subjectifs et visuels, qui empêchent de définir a priori une signification unique.
- Enfin, comme le souligne Dewar (1994), le problème majeure de la conception de pictogrammes, mais aussi de leur lecture et compréhension, réside dans le manque de syntaxe sous-jacente “ contrairement au langage verbal, la construction des composantes visuelles n’est pas basée sur des règles. Nous ne connaissons pas les inférences que les sujets peuvent faire à partir d’une combinaison d’éléments ” (p. 244).
De notre point de vue, l'information iconique, qui permet de spécifier ce sur quoi l’on
agit et quelle action faire, est justement limitée pour représenter l'extension des objets
concernés et l'ensemble des actions concernées. La catégorie et l'action sont uniquement des
conceptions mentales en ce sens qu'elles sont absentes en tant que telles dans le monde
physique qui ne comprend que des objets et des événements. D'où la plus ou moins grande
difficulté qu'il y a à les signifier selon le langage utilisé. Le langage verbal comprend par
exemple des termes pour désigner les catégories ; celles qui sont lexicalisées. Ainsi le mot
"chaussure" qui renvoie à la catégorie "CHAUSSURE" désigne toutes les sortes de
chaussures: les chaussures à talon-haut aussi bien que des baskets. Ce n'est pas toujours le cas
avec le langage iconique. Par exemple, la comparaison que nous avons faite de différentes
notices d'avion - qui utilisent le langage iconique - montre que certaines font figurer la
catégorie CHAUSSURE par des chaussures à talon-haut, tandis que d'autres choisissent de
faire figurer des bottes. Le langage verbal a aussi dans sa terminologie des verbes d'action de
différents niveaux de généralité (suivre, avancer, se déplacer, bouger) qui comprennent dans
leur signification la description de catégories d'événements. Comment représenter en langage
iconique, avec des images fixes, le déroulement de l'action ?
De notre point de vue, l'intérêt d'une description taxonomique de l'information iconique
est de mettre en évidence comment l'information iconique utilisée dans un domaine s'applique
aux objets de ce domaine en mettant en correspondance les composantes du pictogramme et
les objets de ce domaine. D’autre part, c'est le contexte dans lequel se trouve insérée
l'information iconique qui permet d'être renseigné sur ce que désigne le pictogramme.
Organisation de l'information iconique et rôle du contexte Les types d’information iconique : dresser la taxonomie
Il est courant de répartir en trois groupes la grande variété d’icônes et de pictogrammes
(Modley, 1966 ; Edworthy & Adams, 1996) selon le degré de correspondance entre leurs
composantes et ce qu’ils représentent : figuratif, abstrait, et arbitraire (figure 1). Le
pictogramme figuratif, ou représentationnel, qui correspond au premier groupe, reproduit par
différents procédés typographiques la situation de référence d’une manière plus ou moins
fidèle ou schématisée. Il est censé fournir sans ambiguïté assez d’indices physiques pour
évoquer directement l’objet ou la situation représentée. Une grande partie des symboles que
l’on retrouve en informatique relève de cette catégorie. Le pictogramme abstrait, second
groupe, est construit en utilisant des concepts graphiques abstraits pour évoquer certains
aspects de la catégorie que désigne le pictogramme qui vont l'évoquer dans sa totalité. Sa
conception obéit à des règles où l’on essaie d’appliquer sous forme imagée certains concepts
abstraits à des contextes particuliers d’utilisation (e.g. une ligne courbe pour indiquer un
virage). Enfin, le pictogramme de type arbitraire, le troisième groupe, utilise des symboles
qui n ‘ont aucune correspondance physique avec ce qui est désigné, mais une correspondance
symbolique (e.g. le symbole d’une balance pour se référer à la loi) qui peut être culturelle (la
croix rouge sur une ambulance occidentale, le croissant rouge sur une ambulance arabe).
Figure 1. Les trois groupes de pictogrammes illustrés par quelques exemples.
Rogers (1989), pour sa part, range les pictogrammes dans quatre groupes: (i) les images
analogues, où l’on reproduit figurativement la situation de référence (e.g. les chutes de
rocher), (ii) les exemples typiques avec l’usage d’un exemplaire pour représenter un ensemble
(e.g. livre pour représenter l’ensemble des ouvrages d’une bibliothèque), (iii) l’icône
symbolique lorsqu'une image représente un niveau plus haut d'abstraction que l'image elle-
même (e.g. couteau et fourchette pour représenter un restaurant), et (iv) l’icône arbitraire
lorsqu'on emploie une image qui n'a aucun rapport au référent (e.g. le symbole utilisé pour
indiquer "enneigé").
Pour notre part, nous distinguons (i) les pictogrammes schématiques (les pictogrammes
H, I, J, L de la figure 1), et comme Rogers, (ii) les pictogrammes analogues et (iii) les
pictogrammes arbitraires, mais pas les pictogrammes typiques et symboliques que nous
répartissons en (iv) pictogrammes métonymiques lorsqu’une partie désigne le tout (le livre
pour la bibliothèque, le couteau et la fourchette pour le restaurant), (v) les pictogrammes
métaphoriques (le pictogramme K de la figure 1, lorsqu’un autre objet sert de véhicule pour
transmettre la signification : représenter un bug par une bombe, par exemple) et enfin (vi) les
pictogrammes catégoriels lorsqu’un pictogramme désigne une catégorie (figure 2).
Figure 2. Pictogrammes catégoriels. Les panneaux de signalisation routière ont une structure symbolique catégorielle: le panneau de droite pour "interdiction de doubler" (à droite dans la figure 1) s'applique à tous les véhicules, y compris aux camions. L'icône d'une voiture de tourisme désigne ici les voitures de tourisme et les camions. Le panneau de gauche ne s'applique qu'aux camions. On a ici une structure qu'on retrouve avec les mots lorsque par exemple "homme" désigne "les personnes de sexe masculin", mais sert aussi à désigner les personnes en général : les hommes et les femmes. Notons qu'il est impossible d'imposer aux seuls véhicules de tourisme une interdiction qui ne s'appliquerait pas aux camions. Ce test permet de déterminer qu'il s'agit d'une structure catégorielle.
La distinction des pictogrammes qui vient d'être faite concerne le mode de
représentation de l'information à transmettre. Elle permet de repérer certains pictogrammes
caractéristiques qui sont construits sur un seul mode de représentation. C'est toutefois loin
d'être le cas. Un pictogramme peut être composé de plusieurs modes de représentation. Un
panneau de signalisation tel que "danger: présence de piétons" comprendra une représentation
arbitraire du danger par la forme triangulaire, un contour rouge par métaphore (le rouge pour
véhiculer l'idée de danger), une représentation analogue avec le dessin figurant une femme et
un enfant, de nature catégorielle puisque la femme et l'enfant vont représenter toute personne
qui traverse. Une autre répartition des pictogrammes peut être faite selon le type d'indication
visée par le pictogramme. On peut ainsi aboutir à une étude de l'organisation taxonomique des
pictogrammes qui a pour objectif de décrire les composantes de l’information iconique et leur
organisation.
La “science” d’un domaine avance lorsque est dressée la taxonomie de ses objets. Ici, il
s’agit principalement d’une activité de catégorisation qui vise à rendre compte en quoi les
pictogrammes utilisés se ressemblent et se différencient par leur forme et leur contenu (objets,
actions). Pour dresser cette taxonomie, nous utilisons le modèle STONE (Poitrenaud, 1995).
Celui-ci permet la construction de hiérarchies de catégories ; ces catégories forment des
réseaux de regroupements de propriétés et aboutissent à des hiérarchies de catégories dans
lesquelles les catégories sont liées entre elles par des liens figurant la relation d’inclusion
sémantique. Dans un réseau de ce type, si les objets de la catégorie X ont toutes les propriétés
des objets de la catégorie Y, les X sont des sortes de Y et la catégorie des X est une sous-
catégorie de la catégorie des Y. De plus, puisqu’on traite aussi les buts et les actions comme
étant les propriétés fonctionnelles des objets, il faut ajouter à la condition précédente “ ...et si
on peut faire avec les X tout ce qu’on peut faire avec les Y ”. Si les X sont des Y, on dit que
les X “ héritent ” des propriétés des Y.
- ceci est X - X est dans cette
direction - Comment aller à X - Longeur/durée du trajet pour aller à X - Faire sur X - Ne pas faire sur X
- Comment utiliser X (modes de réalisation) - Comment utiliser Y sur X
X
X
X
X
X
X
X
X
"X"
"X"
"D"/"T"
ACTION
ACTION
ACTIONSB SB SB
Y
Figure 3. Taxonomie des catégories de pictogrammes selon l'indication visée par le pictogramme.
La figure 3 (Tijus, Chêne, Jadot, Leproux, Poitrenaud & Richard, 2001) montre que
la sémantique de la signalétique peut être décrite par un ensemble restreint de catégories de
base hiérarchisées. Ces niveaux hiérarchiques vont de l'indication d'un objet ("ceci est X", un
panneau sur lequel est inscrit "Gare du Nord" par exemple), jusqu'à l'indication de sous-buts
de procédures ("Comment utiliser X", l’indication de la procédure d’achat d’un titre de
transport avec un automate, par exemple), ou encore l'utilisation d'objets fonctionnels
("Comment utiliser Y sur X", par exemple "comment utiliser le titre de transport pour
voyager"). Ces niveaux hiérarchiques ont une relation d'inclusion: on ne peut pas dire "X est
dans cette direction" dans dire en même temps "ceci est X" (ce que vous trouverez sera X).
On ne peut pas dire "comment aller à X" sans indiquer en même temps "la direction de X".
Pour réaliser de telles taxonomies, il faut d'abord décomposer les pictogrammes en
composantes et recenser l'ensemble des éléments de base qui servent à construire les
pictogrammes. La figure 4 donne un exemple de l’application de cette méthode pour décrire
les signaux de danger de la signalisation routière.
Figure 4. Ontologie des composantes des panneaux de danger de la sécurité routière.
Cette méthode peut être utilisée à des fins diverses :
- Pour fournir des préconisations sur les méthodes de conception et d’évaluation, basées sur la taxonomie : concevoir un nouveau panneau routier, une nouvelle signalétique revient à s’interroger sur son insertion dans la taxonomie des panneaux ;
- Pour harmoniser les signalétiques existantes, par exemple avec l'étude de Bromberg, Tijus, Georget, Jadot, Leproux, & Poitrenaud (2001) sur la signalétique pour les train à grande vitesse circulant dans trois pays européens (figure 5) ;
- Pour faciliter l'apprentissage: ces descriptions, parce qu’elles véhiculent l’organisation sémantique d’un domaine, peuvent être utilisées comme un outil d’apprentissage;
- Enfin, cette méthode permet d’intégrer dans une formalisation unique la forme et le contenu pour rendre compte de l’organisation conceptuelle du domaine de la signalétique.
Figure 5. Les graphes de droite et de gauche représentent chacun l'organisation hiérarchique des panneaux de
signalisation ferroviaire d'un pays. Celui de droite est plus simple et mieux organisé que celui de gauche : c'est un meilleur système signalétique. Ici l'harmonisation consiste à voir ce qu'il faut faire pour transformer le réseau
de gauche en un réseau équivalent au réseau de droite.
Définir le rôle du contexte
Il a été souvent mentionné que la connaissance de la signalisation est généralement assez
sommaire, par exemple chez les usagers de la route. Lors d’une émission télévisée (France 2)
grand public : sur 200 personnes du public, 6 ont obtenu le score suffisant pour avoir leur
permis ! En France, la dernière enquête extensive sur ce sujet date de 1975 (Avérous, 1975).
Ses conclusions étaient alors que 97,75 % des conducteurs devraient repasser le permis de
conduire s’ils étaient soumis à un examen complet de la signalisation ; un tiers d’entre eux
savent reconnaître les signaux qui leur indiquent une perte de priorité. Des résultats plus
récents dans les pays étrangers corroborent ces performances (Al-Madani & Al-Janahi, 2001).
Dans une étude en cours, nous trouvons une dissociation entre le nombre d'années de conduite
et la réussite aux épreuves du code de la route (95 % de bonnes réponses exigées dans la
passation du permis de conduire en France) : la performance décroît au fil des années de
conduite. On sait par ailleurs que le nombre d'accidents décroît également. Cette dissociation
qui ressemble à une dissociation entre apprentissage explicite et apprentissage implicite fait
s’interroger sur les facteurs qui contribuent à une interprétation donnée. Comme pour les
consignes écrites (cf. le texte de Barcenilla dans cet ouvrage), une manière d'étudier
l’identification, la compréhension, la mémorisation et l'usage des pictogrammes, et de la sorte
d'obtenir des techniques d’évaluation, est de le faire à partir de la notion de "contexte"
(Barcenilla, Tijus, 2002).
Pour étudier les effets de l’aide apporté par le contexte, nous avons mesurer le degré de
compréhension d’un pictogramme apposé sur une boîte de médicaments, hors contexte et en
contexte. 167 sujets ont participé à l’expérience. Le matériel était composé du
conditionnement du médicament en trois versions : le conditionnement original, le
conditionnement expérimental (pictogramme modifié par rapport aux difficultés de
compréhension qui nous avaient été signalées), et conditionnement sans icône (le
pictogramme masqué). La procédure que nous avons suivie visait à varier l’apport
informationnel fourni par le contexte de présentation du pictogramme:
• le seul pictogramme, • le pictogramme accompagné de son texte, • le pictogramme sur la boîte, • le pictogramme dans la notice, • le pictogramme dans son conditionnement original, • le pictogramme dans son conditionnement original en situation d'utilisation (scénario).
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
P seul P+ texte Boîte Notice Scénarioconditio.
G. contrôle
P. original
P. modifié
Figure 5 . Fréquence de réponses correctes sur l'utilisation d'un médicament sans pictogramme (contrôle), avec le pictogramme original et avec le pictogramme expérimental) dans six types de contexte.
Les résultats (figure 5) montrent que le contexte de perception et d’utilisation permet
d’aboutir à une interprétation mieux adaptée : le contexte améliore la compréhension du
pictogramme de manière progressive, en partant de la situation la plus défavorable
(pictogramme seul), à la plus favorable où l’aide du contexte est maximal (pictogramme avec
conditionnement complet, notice et scénario d’usage).
Conclusion
En présence d’un pictogramme, l’utilisateur doit déterminer “ de quoi il s’agit ” et “ ce qu’il
faut faire ” et mettre en œuvre des processus cognitifs de catégorisation et d’inférence pour
comprendre et décider des actions à mener. Pour étudier l'effet du pictogramme sur la
compréhension d'instruction, notre proposition est qu'il est nécessaire de dresser la taxonomie
des pictogrammes du domaine et de prendre en compte le contexte. En effet, interpréter
consiste à mettre en œuvre des activités de catégorisation en contexte pour aboutir à des
inférences. Le contexte adéquat permet au lecteur-utilisateur de particulariser le sens du
pictogramme, en un sens spécifique à la situation dans laquelle il se trouve.