136
1 Frédéric Mathieu Concepts excentriques 1 2018. Creative commons. 1 J’aurais pu mettre un sous-titre, mais je n’en ai pas mis.

Concepts excentriques1 - surinite0.magix.netsurinite0.magix.net/public/pdf/CE.pdf · l’austérité comme valeur protestante et l’interdit de la représentation sur les billets

  • Upload
    lamdang

  • View
    275

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

  • 1

    Frdric Mathieu

    Concepts excentriques1

    2018. Creative commons.

    1 Jaurais pu mettre un sous-titre, mais je nen ai pas mis.

  • 2

  • 3

  • 4

    Prsentation

    Ce catalogue sadresse aux amateurs dides bizarres et de

    philosophie. On y trouvera un bestiaire de concepts indits,

    prposs aux vertiges de la pense, quelquefois empapillots

    dhumour (douteux), conus au gr de linspiration (et de

    lexpiration). Bhazard succde ainsi dgot

    mimtique , quelques pages de la thorie de lhomme

    creux concave ; le transnombre dfie la

    ruminescence , quand les mondes perpendiculaires

    entrent en dbat avec la postdestination . Ces concepts

    excentriques permettent de circuler travers les sommets

    et les abysses de lhistoire de la philosophie. Sils inaugurent

    un rinvestissement non conventionnel de problmes

    classiques et de concepts supposs rsoudre, ce petit livre se

    dfinit dabord comme un essai expri-mental de posie

    conceptuelle.

  • 5

  • 6

    Concepts excentriques

    Classs par ordre analphabtique.

    Nos problmes sont des portes.

    Moi, ici.2

    Cest dans les mots que nous pensons. La tradition

    philosophique na pas cess de se mouvoir autour de cette

    vrit dangereuse et tranchante comme du verre. Elle fait

    du terme un terme : une limite pour certains, qui savent

    combien les mots et les ides sont pauvres au regard des

    sentiments et des instincts qui les suscitent. Dautres en

    appellent limagination pour dcouper dautres motifs

    dans le tissu de signification que constitue la langue, pour

    repousser les bornes du concevable, pour enfin mettre au

    jour dans la condamnation dHegel une opportunit. Cet

    abrviaire original prend part cet effort. Un certain

    nombre des concepts prsents ici rsulte dune

    transmutation des figures imposes de la philosophie. Les

    autres se constituent de manire autonome. Les filousophes

    ayant toujours t, sciemment ou par excs, des humoristes

    de haut niveau, nous nous autorisons notre tour des

    pointes de lgret.

    2 a mriterait lempleadement

  • 7

    Excrasie.

    Lenkrateia, ou encrasie, littralement, le pouvoir tourn vers lintrieur , dsigne chez les stociens lempire sur soi.

    Lexcrateia, ou excrasie, est une emprise exerce hors de soi ; elle serait la cl de vote dun stocisme invers mais

    aussi beaucoup plus crdible selon lequel lhomme na de

    pouvoir que sur ce qui est extrieur son assentiment et

    sa volont. Personne, de fait, ne peut choisir daimer ou de

    vouloir ce quil aime ou veut.

    Dualitude.

    Une solitude deux. Ce qui se conoit mieux quune

    solitude un. Lhomme seul nest en effet jamais coup du

    monde. La solitude est hante par le spectre de la foule,

    puisquelle se dfinit par son absence, voire par son

    manque.

    Anacombes.

    Lieu intelligible o reposent les ides (de mme que les

    catacombes sont le royaume sensible o reposent les corps).

    Utopie de la philosophie depuis Platon.

    Psychatalyse.

    En bonne psychatalyse, le synthtiste prend la place de

    lanalyste, le synthtisant celui de lanalysant ; la pulsion

    cde la poussion ; la sublimation succde un processus

    de surlimation. Le mcanisme de dngation du sujet qui

    selon Freud, avait valeur de position absolue (daffirmation

    totale)3, est remplac par celui de dposition, ayant valeur

    3 E.g. : Je nai plus de quoi payer

  • 8

    de ngation absolue4. Linquitante tranget schange

    avec linquitante familiarit. La thorie affreudienne

    postule enfin le refoulement dans linconscient du a par le

    surmoi. Que ny aurait-il rciproquement un refoulement

    dans le conscient du surmoi par le a ?

    Insigne, insignifiant / insignifi.

    Saussette (cousin de Saussure) conoit linsigne comme la

    rsultante dun insignifiant (empreinte sensorielle) et dun

    insignifi (concept). Linsigne a une valeur diffrentielle en

    ce sens quil insignifie par rapport dautres insignes et non

    par rapport lui-mme. Tout systme dinsignes constitue

    un egaugnal.

    Corps immortel, me mortelle.

    Composons avec le paradigme de la science normale qui

    ne reconnat de vivant quun tre dou de corps, un

    organisme corporel. Ce corps peut tre associ par la

    philosophie une (ou plusieurs ?) me(s). Il est de coutume

    de faire de lme quelque chose dimmortel (parce

    quimmatriel, donc soustrait la corruption) et du corps

    un vaisseau prissable. Cette doctrine peut tre inverse

    avec des rsultats plus quintressants. Le corps est fait

    datomes, et les atomes ne prissent pas ; les organismes se

    dsagrgent ; le rapport entre leurs parties constitutives

    (comme dirait Spinoza) est certainement dtruit mais ils

    ne prissent pas. Les corps sont immortels. Il en va

    autrement pour lme, la personnalit, le caractre, lesprit,

    lessence qui ne subsiste quautant que le corps vibre pour

    4 E.g. : Vous tes un escroc !

  • 9

    la projeter (le corps est le berceau (non le tombeau) de

    lme). Lme est donc prissable. Cette inversion de la

    mtaphysique traditionnelle vocation consolatoire ne

    peut de fait qutre tragique. Cela ne la rend pas moins

    juste.

    Corps dme.

    Le corps (soma) est par Socrate dit le tombeau (sema) de lme. Il est aussi son signe (sema), pour autant que lhomme, selon la Rpublique et le Time de Platon, se rincarne en lanimal qui rflchit le plus adquatement ses

    traits et caractres ses tats dme.

    Quatrime personne du singulier/pluriel.

    Notre grammaire, captive de lidologie trichotomique, ne

    nous a pas permis de conceptualiser lemploi dune

    quatrime (ou dune cinquime, etc.) personne du singulier

    ou du pluriel. Lusage le commandera peut-tre

    Inscientisme.

    Conviction que la socit doit tre gouverne par

    lignorance et que par elle passera indubitablement le salut

    de la condition humaine. Car avec beaucoup de sagesse on

    a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science

    augmente sa douleur (Qo 1:18).

    Thorie des vents.

    Pourquoi le grand orchestrateur de la musique du monde

    aurait-il accord sa prfrence aux cordes plutt quaux

    vents, et mme aux vents plutt quaux percussions ?

    Lunivers serait-il moins lgant aux yeux de Brian Greene

  • 10

    sil avait rsonn au son des clarinettes ou de la cloche

    vaches ?

    Explier.

    Dcoquiller les axiomes (mtaphysiques, physiques,

    mathmatiques) pour laisser apparatre les thormes ou

    consquences quils renfermaient, de mme que les motifs

    dun tissu ne se rvlent quune fois celui-ci dpli.

    Lexpliation est mise jour du dj-l.

    Immortisme.

    Contraire de linnisme. Les ides ou structures mentales

    immortes, linverse des ides ou des structures innes

    prsentes ds la naissance (selon Descartes et Kant),

    constituent un certain savoir que lon nacquiert qu la

    mort. Les leons de mort, les tranches de mort, sont aussi

    difiantes que les leons et que les tranches de vie. Les

    pendants des ides innes ou immortes sont les matires

    innes ou immortes : matires prsentes ds la naissance ou

    compter de la mort.

    Anthropodice.

    Les essais de thodice rendent Dieu responsable, mais pas

    coupable du mal sous toutes ses formes. Dieu le permet,

    afin de prserver le libre arbitre-humain, sans le

    commettre. Son crime , sil en est un, serait un dfaut

    dagir, ayant valeur de non-assistance personne en pch.

    Si toute disculpation de Dieu se fait au prix de linculpation

    des hommes, linverse est aussi vrai. Les anthropodice

    accordent aux hommes dtre les responsables, sans tre

  • 11

    coupable du mal. Dieu les a faits tels quils devaient pcher

    ; pour ainsi dire, Dieu pche travers eux.

    Monnaithisme.

    Une seule monnaie, cruelle, jalouse, idoltre par ses

    milliers de prtres conomistes (autopromus experts ) qui

    offrent sacrifice des nations tout entires la survie dun

    tre de draison, des rgles dor en guise de tables de la loi,

    une providence convertie en march autorgulateur,

    lobsession de payer la dette, de racheter la faute (Schuld), laustrit comme valeur protestante et linterdit de la

    reprsentation sur les billets de la BCE, autant dindices qui

    montrent que leuro est un monnaithisme, et des plus

    frocement intolrants qui soient.

    Systme de classification des ignorances.

    Il sagirait dorganiser nos ignorances de la mme manire

    que nous classifions les sciences. La tche pourrait tre

    infinie : que savons-nous de ce que nous ignorons ?

    Ultima sapientiae. Dieu aurait rvl petit nombre dlus les secrets de la

    nature et de la vraie religion. Cette sagesse ancestrale ne

    subsisterait qu ltat de trace, rfugie dans les mythes et

    les doctrines anciennes, le temps ne faisant quapjorer

    notre entente de la leon primordiale. Ainsi snonce la

    croyance en la prisca sapientia, largement partage parmi les disciples dHerms, dont lapologue le plus fameux fut

    lalchimiste Michael Maier. Le progressisme, sous

    linfluence du christianisme, fait basculer la parousie

    lautre extrmit de la ligne temporelle. La vrit, ce sont

  • 12

    les prochains qui savent, car ils sont moins distants de la

    divinit. Lhistoire nest quune longue escalade vers les

    sommets de lultima sapientia.

    Supraphore.

    Supraphore et infraphore sont des modles de mtaphores

    utiliss pour dsigner un tre par ce quil a de plus lev ou

    de plus bas. Exemple : votre grce, votre incellence.

    Amantation.

    Magntisme, attirance, amantation , ides fixes,

    inclinations, tendances attestent lexistence dune attraction

    universelle dans le domaine des esprits. Ce vicariant

    mtaphysique de la gravitation avait t envisag par

    Hume, dans une optique bien diffrente, pour expliquer

    lassociation dides en vertu des principes de ressemblance

    et de contigut.

    Ingse.

    Une ingse permet de deviner au moyen du texte le sens

    de linterprtation. Une telle opration aux antipodes de

    lexgse se pratique couramment en philosophie, les

    auteurs sources se rvlant souvent plus clairs que leurs

    commentateurs.

    Posthistorique.

    Jacques Boucher de Perthes, au milieu du XIXe sicle,

    invente lhistoire prhistorique. Invente au sens entier

    du terme, lhistoire tant la modernit ce que le mythe fut

    lAntiquit : la fois construction, miroir et lgitimation.

    Si lon fait commencer lhistoire linvention de lcriture

  • 13

    (qui eut probablement plusieurs foyers), alors la fin de

    lhistoire augure par Fukuyama nest peut-tre pas si loin

    de nous. La mort de lcriture lre de lanalphabtisation

    numrique nous fait boucler sur une civilisation de loralit,

    ou limage (mdiatique) fait loi. Cette rgression serait la

    porte dentre pour une priode post-historique.

    Ek-sister

    Classiquement, se tenir hors de soi, pour ne jamais concider avec soi-mme. Condition de lhomme pris dans

    un perptuel dsquilibre dynamique qui alimente sa

    marche. Un dboitage ontologique qui fit les jours

    heureux de Sartre (rcidiviste du coup de la panne

    dessence ). Autre interprtation possible de lek-sistance,

    celle qui voudrait quelle soit un tenir hors de Dieu, dans le monde5.

    Mlanomne.

    Par son sens tymologique de luire (phainesthai), le phnomne est un apparatre . Le phnomne est lux-

    ation du monde ou du sujet, en tant quil le mettrait en

    forme ( de sujet). Le mlanomne est par opposition

    limmanifestation de ltre. Une dchirure dans lordre du

    visible. Un indicible clat dobscurit. Tout ce que simule

    lombre, ses engeances invisibles, ses entits nyxiennes,

    sont des mlanomnes.

    5 Selon le mythe judaque, Dieu se retire pour laisser vivre la

    cration, et ne pas saturer lespace de sa lumire pntrante.

  • 14

    Submergence.

    Les proprits mergentes sont des proprits densemble

    irrductibles aux parties de cet ensemble. La conscience

    peut tre considre comme une proprit mergente de la

    matire, qui napparat quune fois atteint un degr critique

    de complexit. Le submergentisme insiste rciproquement

    sur les proprits de parties qui disparaissent au niveau

    suprieur de complexit. Le monde de la physique

    quantique est peupl de proprits submergentes bizarres

    que la dcohrence supprime notre chelle.

    Con-version.

    Sil est possible, et mme probable (faute dune

    intervention divine, comme avec la Septante), dobtenir

    dun mme livre plusieurs traductions distinctes, il peut

    aussi se faire que plusieurs livres diffrents donnent la

    mme traduction.

    Holisme amathiologique.

    Duhem avance la thse du holisme pistmologique pour

    signifier que les hypothses forment systme et ne sont

    jamais isoles ni isolables de lensemble thorique auquelles

    elles participent. Une exprience cruciale, au sens o

    lentendait Bacon, ne saurait dpartager deux hypothses ;

    seulement tester un systme thorique dans sa globalit,

    sans indiquer quelle(s) hypothse(s) est (ou sont)

    corrompue(s). Or, nos erreurs sont galement coordonnes.

    Il ne peut y en avoir deux qui sexcluent mutuellement.

    Quune exprience vienne corroborer un systme

  • 15

    thorique boiteux6 ne permettrait pas de savoir laquelle (ou

    lesquelles) de (ou des) hypothse(s) est (ou sont) fausse(s).

    Dmodice.

    Le pote John Milton, dans son Tenures of Kings and Magistrates crit dans premire priode du Commonwealth anglais, sapplique justifier les voies du peuple. Le roi, qui

    dans la thorie de droit divin navait de comptes rendre

    qu Dieu (sans mdiation selon les protestants, le pape

    interpos selon les catholiques), devient justiciable devant

    le peuple. Le peuple est dtenteur ultime du pouvoir quil

    commet et peut le rvoquer. Sont investis dun droit divin

    ceux qui dposent le tyran : Dieu est rpublicain.

    Homme creux concave.

    Lhypothse du gocosmos dmontre que lide dune terre

    creuse concave qui tapisserait lunivers comme sa bordure

    et placerait les toiles au centre possde le mme pouvoir

    explicatif et prdictif que lhypothse dun univers qui

    entourerait la terre. La terre se situerait non pas au centre,

    mais tout autour de lunivers intuition

    mathmatiquement consistante qui trouve dans les

    lgendes de la terre creuse des prfigurations folkloriques.

    Cette inversion, cette subversion de lintrieur et de

    lextrieur, peut tre extrapole dans une mesure qui ferait

    de chacun de nous (ou dun seul dentre nous) une entit

    cosmique. Se pourrait-il que notre piderme enveloppe le

    6 Il est possible, comme en tmoignent les tables de vrit, de tirer

    le vrai du faux (daboutir une conclusion valide daprs des

    prmisses errones) ; on ne peut en retour induire le faux du vrai

    (des prmisses assignes vraies ne concluent pas le faux).

  • 16

    monde ? Que notre peau gobe lunivers ? Ou mme, report

    sur une frquence psychique, que notre me renferme dj

    tout ?

    Jumeau bactrien.

    Au vu de la proportion de nos cellules propres rapporte

    celle des bactries qui prolifrent en chacun de nous, il y

    aurait moins doutrances dire que nous habitons les

    bactries, plutt que ce sont elles qui nous habitent. Nous

    ne constituons, en tant quamas de cellules, que le centime

    du corps de nos bactries. Nous ne sommes quun symbiote

    en minorit. En proportion plutt quen nombre : les

    bactries partagent linformation de manire transversale,

    et sont dpositaire dun mme patrimoine gntique.

    parpilles et invisibles, elles nen composent pas moins un

    super-organisme unique. Et jamais labri de choper un

    humain mortel !

    Archodice

    Tout mal, selon la thodice de Leibniz, contribue par

    principe la beaut de lensemble. Le mal local dun lieu et

    dune poque peut tre la promesse (et mme la condition)

    dun bien trs suprieur, en gnral, ailleurs ou dans

    lavenir. Et pourquoi pas dans le pass ? Imagine-t-on un

    bien pass qui surclasserait et donc lgitimerait a priori le moindre mal quil devait engendrer ? Les lecteurs de la Gense reconnatront le jardin dden. Le paradis est pav

    de mauvais sentiments.

  • 17

    Logopose.

    Cration par la parole de faits ou de concepts qui dpassent

    limagination. Admission dnoncs qui dpassent la

    proposition. Une entit unidimensionnelle (un point) ou

    bidimentionnelle (une ligne), la frontire dun espace infini

    (un horizon dhorizon), un lieu sans tendue, sont autant

    dobjets irreprsentables, mais non pas indicibles.

    Dictauteur.

    Lencre et le sang ne sont-ils pas les deux fluides de la

    cration ? Jacques le Fataliste na pas tort de croire son

    destin crit davance : toute son histoire est couche noir

    sur blanc de la plume du dictauteur Diderot. Nous sommes

    peut-tre aussi les personnages dun livre crit par Dieu, le

    Dictautor suprme, rd lcole de labsurde et du

    comique de rptition.

    Aseconde.

    Linsaisissable cale-temps log entre N,9 et N+1 seconde.

    Entre chaque nombre arbitrairement choisi, mme les plus

    proches, se dploie une infinit de nombres dcimaux.

    Corporisme.

    Lanimisme attribue une me tous les corps ; le

    corporisme un corps toutes les mes.

    Mtres penser.

    Pythagore et Platon (dans le Time) octroie au monde des fondations mathmatiques. Que nul nentre ici sil nest

    gomtre , lit-on grav au frontispice de lAcadmie. Une

    telle philosophie talonne par les mathmatiques donne

  • 18

    des mtres penser . Nietzsche remplacera le compas par

    le marteau du juge pour que la philosophie, nagure mesure

    des choses, devienne attribution de valeurs.

    Bellatoire.

    Oratores, bellatores et laboratores / prtres, guerriers et producteurs dsignent les trois Ordres dAncien rgime,

    conformes la tripartition fonctionnelle indo-europenne

    releve par Dumzil. Doratores, le franais tire loratoire. De laboratores, il tire laboratoire. Ne manque plus lappel que le bellatoire, comme lieu du pugilat. Amour de la

    sagesse, la philosophie en dploie toutes les caractristiques.

    On la dcrit, qui comme un art, qui comme une science,

    mais elle est avant tout un champ de bataille, un bellatoire

    (un blatoire ?), mettant aux prises diffrents gangs

    bruyants et dtermins. Cest que partout o le consensus

    rgne, on a cess de penser. Et que la destine de toute

    tradition philosophique est dtre cannibalise : de

    lintrieur ou bien, telle laraigne, par ses propres enfants.

    Modle surjacent.

    Un modle surjacent est un modle qui surge, de mme

    quun modle sous-jacent est un modle qui sousge.

    Nietzschien.

    Zarathoustra enseigne nimiter personne, pas mme ceux

    qui nimitent personne. Le disciple de Nietzsche, le

    nietzchien de garde, est le meilleur ennemi du surhomme.

  • 19

    Dissalvation.

    La Salvation par la Dissolution (du mal, dans une

    perspective christique ou de lego, dans une optique

    bouddhiste) est la Dissalvation.

    Surdivin.

    Comment tre plus nietzschen que Nietzsche ( supposer

    que Nietzsche ait t nietzschen) ? En appelant, aprs que

    lhomme a t surmont, le dpassement par le surdieu de

    dieu. Le surdivin est au divin ce que le surhumain est

    lhumain.

    Thtre de la bienveillance.

    Renverse les principes du thtre de la cruaut (selon

    Artaud) et ses drgles de malsance. Les personnages sont

    des organes sans corps (le OsC de Mille Pignons tant linverse du CsO de Mille Plateaux) qui font danser la scne.

    Drgles.

    Principes de drgulation, lois danomie, prescrivant au

    bhazard dviter toutes les configurations dordre possible.

    On peut effectivement sans mal atteindre lordre par un

    chaos malencontreux (mais jamais le chaos par lordre).

    Ignorance commune/scientifique.

    Bachelard postule une discontinuit entre connaissance

    commune et scientifique. On connat contre une

    connaissance antrieure , relve le pdagogue dans La formation de lesprit scientifique. Cette thorie pistmologique sapplique aussi lignorance : lignorance

  • 20

    scientifique est dune porte, dune nature et dune qualit

    aux antipodes de lignorance commune. La btise change

    dessence.

    Hyperiorit.

    Manire dhgmonie admettant une dimension

    comparative.

    Posticipation.

    LHistoire est un roman de posticipation.

    Bhazard.

    Chaos stochastique. Tous les bhazards ne se ressemblent

    pas. Le bhazard est lombre du diable.

    A faibliori.

    LAncien Testament condamne les plaisirs solitaires dOnan

    (patron de lonanisme). Non pas parce quils seraient impurs

    ou infconds ; mais parce quun homme ne saurait tre une

    monade autosuffisante capable de se passer a faibliori du petit tre (ltre souprme), a fortiori, et par implication, du Grand. La masturbation spirituelle peut tre aussi conue et

    rprouve comme une voie antisociale dacheminement

    vers la batitude de ltre non affili.

    Thurisme.

    Le thurisme soppose au stocisme comme lcole de la

    fentre (thurs) soppose lcole du portique (stoa). Le guide thuristique enseigne que nous sommes seuls matres

    de ce qui (nous) arrive, jamais de la manire dont les choses

  • 21

    nous affectent, et encourage pour cette raison le

    dveloppement de lexcrasie.

    Dividu.

    Lanthropologue McKim Mariott propose dappeler

    dividuel le type anthropologique rencontr lors de ses

    observations en Inde : Les personnes au sens dacteurs

    individuels ne sont pas perues comme des individus en

    Asie du Sud, cest--dire des units bien dfinies et

    indivisibles comme dans la thorie sociale et dans la thorie

    psychologique occidentale, ou mme pour le sens commun.

    Les personnes semblent plutt considres en Asie du Sud

    comme dividuelles ou divisible. Pour exister, les personnes

    dividuelles se nourrissent dinfluences matrielles

    htrognes. Elles doivent galement cder des particules

    de leur substance propre, comme des essences, des rsidus,

    ou dautres sources actives dinfluence. Elles peuvent alors

    se reproduire dans dautres objets dont la nature est celle

    des personnes o elles ont pris naissance . La dividualit

    serait le lot oubli de notre personnalit : nous sommes des

    palimpsestes perptuellement rcrits et annots par

    dautres.

    Corps social.

    On a souvent pens le corps social ou politique comme

    analogue au corps humain ; et combien moins le corps

    humain comme analogue au corps social ou politique.

    Lthologie rapporte nombre dexemples de socits o la

    maladie sinterprte comme le fait dune transgression

  • 22

    morale ou religieuse7. Le deuil est une mort partage. Les

    cas de possession, dautomutilation et de dlires mystiques

    lge classique (celui de la raison ) tmoignent de la

    rigidit dinstitutions sociales et religieuses qui entravent

    lexpression des corps et des esprits. Quand cest le

    collectif qui draisonne, cest le fou qui incarne . Le corps

    biologique est lexpression privilgie des turpitudes de la

    collectivit.

    Syntopicit.

    Sur le modle de la synchronicit thmatise par Jung, la

    syntopicit dsigne loccurrence en un mme lieu dau moins deux vnements sans lien de causalit objective,

    mais dont lassociation fait sens pour le sujet. La plupart des

    saisons dAmerican Horror Story, en tant quelles dveloppent une hermneutique historique centre sur un

    huis-clos, reposent sur le paradigme de la syntopicit. Cest

    le cas galement des films dpouvante amricains

    impliquant danciens lieux de torture (Amityville), ou des htels btis sur des cimetires indiens (Shining), hants par la mauvaise conscience.

    Perceptualisation.

    Mise en percept. Pendant de la conceptualisation.

    Sujet dans le prdicat.

    La conceptualisation leibnizienne de la notion complte

    pose la comprhension du prdicat dans le sujet

    7 Similairement, le monstre , au sens antique du terme, est un

    signe envoy par la divinit pour prvenir ou sanctionner

    lhybris.

  • 23

    (Praedicatum inest subjecto). Le fait de franchir le Rubicon est inhrent la notion de Csar ; Csar ne serait pas Csar

    sil ne franchissait pas le Rubicon ( de mme, ajouterons-

    nous, le Rubicon ne serait pas le Rubicon si Csar ne le

    franchissait pas). Mais quen est-il de la comprhension du

    sujet dans le prdicat ? Le prdicat belle enveloppe dans

    le monde grec Hlne, le prdicat imptueux implique

    le sujet Achille, le prdicat ivre renferme charnellement

    Silne et Dionysos.

    Substance formelle.

    En termes scolastiques, la forme substantielle (forma substantialis) constitue la nature dune chose en imprimant une forme une matire premire. La substance formelle

    (substantia formalis) serait donc la matire premire venant remplir une forme prdtermine ( forme qui gt, moiti

    dans ton lit ). toutes fins utiles, la forme insubstantielle

    dtoure la substance informelle.

    Sensibilit protiforme.

    Espace et temps selon la Critique de la raison pure sont les deux formes de lintuition (sensibles), lune est un sens

    externe, lautre le sens interne. Le philosophe applique

    lEsthtique transcendantale les catgories newtoniennes de

    lespace et du temps absolu. Beaucoup sen faut que

    lensemble des cratures relles ou imaginaires souscrivent

    ces catgories. Un espace courbure et un temps

    gomtrie variable conviendront mieux peut-tre aux

    habitants des rgions inconnues de notre univers, sinon aux

    habitants de nos rves. Un tre denvergure cosmique

    profitera mieux dune sensibilit relativiste que dune

  • 24

    sensibilit classique ; la slection naturelle veillera

    toujours ce que ses formes a priori de la sensibilit soient les plus adquates relativement son milieu. Chacun

    son monde.

    Attributs exotiques.

    Une seule Substance, pour Spinoza, aussi appele Dieu ou la

    Nature. Cette Substance sexprime travers ses attributs,

    qui sont en nombre illimit, mais dont nous ne connaissons

    que ltendue et la Pense. En vertu de lunicit de la

    substance, lordre et la connexion des corps est identique

    lordre et la connexion des ides. Lme est lide du

    corps, le corps est la matire de lme. Le corps et lme

    sont une seule et mme chose conue tantt selon lattribut

    tendue, tantt selon lattribut Pense. Sur ce que sont les

    autres attributs (et leurs modes respectifs) le philosophe

    reste silencieux. nous de les imaginer.

    Dieu rveur.

    Dieu cr le monde par sa pense . Lhumanit procde

    de la pense de Dieu. Lhomme et la femme, Ish et Isha

    sont crs limage du couple divin form par Adona et

    Ashera8 (Gn 1 : 26) ; un passage mieux connu de la gense

    redouble cette cration par le modelage dAdam, androgyne

    primordial, dont ve sera extraite (Gn 2 : 7). Et de nous

    merveiller du miracle de la cration. Mais tout prendre,

    8 La prsence dAshera au ct de Yahv est atteste par les

    inscriptions de Kuntillet Ajrud. Tmoignage archologique qui

    permet dclairer lemploi systmatique du pluriel pour voquer le

    dieu de lAncien Testament (lhbreu ne connat pas de pluriel de

    majest).

  • 25

    navons-nous pas galement cette puissance ? Chaque fois

    que nous rvons, ne crons-nous pas des mondes remplis de

    multitudes ? Dieu, ce titre, pourrait ntre quun homme

    parmi les hommes, qui nous rverait dans son repos du

    septime jour. Cependant mme que nous reverrions

    notre tour dautres hommes qui nous appelleraient Dieu ,

    et ainsi de suite. Et lon nexclura pas que le dernier rv de

    la chane ait rv du premier.

    Dieu codeur.

    Dmiurge, jardinier9, crivain, artiste, architecte, Prince,

    interprte, Dieu peut tre tout cela, selon lesprit du temps,

    selon la faon dont chaque espace et chaque poque conoit

    la cration. La technoscience emblmatique de notre sicle

    lintronisera pour sr chimiste, codeur ou gnticien.

    Prhumanisme.

    Considrant les exactions de lhomme sdentaris

    confront la civilisation , laffaissement de son

    intelligence, de son savoir, de sa mmoire et de sa volont,

    le prhumanisme serait un humanisme. Le bonheur est

    dans le pr. Il prend envie de marcher quatre pattes

    quand on lit votre ouvrage , ironise Voltaire, homme plat

    ventre, au visage Rousseau.

    Aprsoccupation.

    Ou postoccupation, mode de limpassibilit, de mme que

    le souci chez Heidegger est celui de la proccupation.

    9 Lhomme est une plante dans le jardin dden, somm dans son

    exil de crotre et de fructifier.

  • 26

    Extrospection.

    Recherche des lments de soi dans le non-soi. Inverse de

    lintrospection qui senquiert dans le non-soi des lments

    du soi. Lextrospection arbore une dimension autotlique si

    le non-soi que lon introjecte est dj une projection du soi

    (ou une pro-position du Moi, comme dans la Doctrine de la

    science de Fichte).

    Dgot mimtique.

    Ren Girard a mis au jour la dimension mimtique du dsir.

    Le dsir est branch sur le dsir de lautre. Le rapport du

    sujet lobjet de dsir passe par un mdiateur implicite ou

    explicite qui la fois linspire et compromet sa ralisation

    (rivalit mimtique). Mais il en va de mme pour lindsir,

    le sir . Quoi de plus communicatif que le dgot,

    lcurement, la rpugnance ? Tous les dgots ne sont pas

    dans la nature.

    Dsexprer.

    Dsexprer la politique est une priorit. Les cursus

    politiques offrent un bagage technique et

    communicationnel mais cest l linstrument et non la fin

    dun bon gouvernement. Aucune tude ne saurait faire des

    docteurs de la dcision . L o est lexpert, faire advenir

    le citoyen. Par voie de tirage au sort des rdacteurs de la

    constitution, des organismes de veille et des parlementaires

    votants.

    Ponctuation non standard.

    Lintroduction du dans les tracts de la gauche culturelle

    ( ouvriersres de tous les pays ) a mis en branle la

  • 27

    sexification de la langue (quon nous pardonne ce tripl

    malencontreux). Lcriture inclusive a eu toutefois le

    mrite douvrir la voie de nouvelles ponctuations. De

    nouveaux types de points pourraient inaugurer de

    nouveaux types de phrases, exprimant le sarcasme (), la

    citation darrire-penses ( ), la supersuspension (.),

    laffirmation dogmatique (), lvasivit (point de fugue : ),

    la sincrit (point franc : ), etc., sajoutant la liste des

    ponctuations non standards comprenant actuellement le

    point dironie ( ), le point exclarrogatif ( ), le point de

    posie ( ) et la virgule dexclamation ( hlas ), outre six

    points dintonations proposs par Herv Bazin (Plumons loiseau, 1956) : le point de doute ( ), le point de certitude (

    ), le point dacclamation ( ), le point damour ( ), le

    point dautorit ( ), le point dindignation ( ). Sinon, il

    reste les smilies.

    Langagement.

    Mise en jeu dune ralit par le langage. Chaque couleur

    conceptualise est une couleur ralise dans le spectre de la

    perception. Chaque son thmatis devient une note de la

    gamme chromatique ou diatonique, arbitrairement (?) fixe

    douze degrs. Chaque texture dsigne par un vocable

    devient une sensation ; chaque fragrance tiquete devient

    une sentation (Jean-Baptiste Grenouille trouve une

    odeur lme), et des armes nous ne gotons, pour ainsi

    dire, que ceux que nous avons nomms (combien la palette

    gustative des nologues est-elle plus riche que celle de

    https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Point_d'ironie_de_Alcanter_de_Brahm.svg?uselang=frhttps://commons.wikimedia.org/wiki/File:Interrobang.png?uselang=frhttps://commons.wikimedia.org/wiki/File:Poesie.png?uselang=fr

  • 28

    lordinaire !). Cest en nommant quAdam participe la

    cration10.

    Cafologie.

    Mettons mal le monopole de la th-ologie. Pour les

    gringos qui se lvent tt.

    Prception.

    Les aveuglements thoriques, tels lignorance pure et

    simple des anomalies exprimentales en science) offrent un

    exemple dincapacit de la perception semparer des

    phnomnes dont elle na pas de prception, pas de concept

    perceptif ou de correspondance langagire.

    Circonstances du hasard.

    Si le principe de raison suffisante sape le concept de libert,

    alors il y a moins de hasard des circonstances que de

    circonstances du hasard.

    Ici-haut.

    Nous sommes ici-bas par rapport aux cieux, mais ici-haut

    par rapport aux enfers.

    Princeps.

    Si lhomme saffirme comme tre gnrique (Marx, selon

    les Manuscrits de 1844), quel peut donc tre ltre princeps ?

    10 Limpositio, par Adam ou Herms, dsigne lacte par lequel dun son vocal est associ arbitrairement (ou pas) une chose.

  • 29

    Objet divis.

    Lacan figure par le symbole $ la division ontologique du

    sujet (S) par la barre du langage. Mais la barre du langage

    fractionne aussi lobjet (= ). Lobjet nest pas moins

    susceptible dune disjonction incluse (Deleuze), la fois

    mot et chose : signifiant signifi, signifi signifiant.

    Synthessence.

    Synthse des quatre ou cinq essences. Dont il rsulte, selon

    Le cinquime lment, un gigantesque tir laser capable de dtruire ltoile du Mal (ou quand le cinma foltre dans les

    pastels de la culture hippie).

    Postmensonge.

    Complmentaire de la postvrit (passer la). Dsignation

    dune re politico-mdiatique caractrise par une absence

    de recoupement entre le fait et le discours, le rel et la

    reprsentation, par lin-adequatio intellectus et rei.

    Actions tristes.

    Spinoza envisage des tristesses et des joies passives (dont

    nous ne sommes pas les artisans en tant que notre volont

    et la ncessit ne feraient quun), ainsi quune joie active

    qui pointe en direction de la batitude (bovine tranquillit

    de lme) ; jamais il ne mentionne la possibilit dune

    tristesse choisie et non subie, voulue en connaissance de

    cause. Nulle part le philosophe ne considre la possibilit

    dune souffrance active, qui touche la knose (chez Dieu

    et les martyrs) ou la nostalgie chez le commun des

    hommes.

  • 30

    Auxiliaire pistmologique.

    Les obstacles pistmologiques sont congnitaux lacte de

    connatre, lumire qui projette toujours quelque part des

    ombres . Ils sont le fait dune projection de lesprit sur son

    objet dimages et de concepts qui le dbordent. Lobstacle

    pistmologique est un excs de reprsentation. Un

    auxiliaire pistmologique est au contraire le fait dune

    tendance de lesprit se dfaire naturellement des images

    superflues qui se greffent sur la connaissance que nous

    avons de lobjet, pour une vise plus efficite de ce dernier.

    Il est une mise en uvre du principe dconomie de pense

    mis en lumire par Ernst Mach.

    Tlotypes.

    Types finaux, offrant un contrepoint a posteriori aux archtypes de Platon (modles) et de Jung (structure

    psychique).

    Surstantif.

    Toute substantivation ou surstantivation grammaticale est

    galement essentiation, hypestasie mtaphysique : le verbe

    tre donne ltre, ladjectif jeune donne le jeune, ladverbe

    pourquoi donne le pourquoi. Juste retour des choses, si lon

    admet que tous les verbes, adjectifs, adverbes (et autres)

    taient lorigine des noms.

    Concr.

    Rapport de lhomme au monde. La cration dans la

    Gense se fait ainsi par diffrenciation de lesprit et de la

    matire. Elle se comprend comme jaillissement de la

    Premire Lumire, que lon interprtera comme celle de la

  • 31

    Conscience (le soleil ne stant pas encore fait jouir). Une interprtation psychologique que beaucoup

    d ingtes trouveront tout aussi tratologique que le vin

    en canette.

    Mentalit prbiologique.

    Pense du minral, peu soucieuse des principes didentit,

    de non-contradiction et de tiers exclu. On peut douter de

    ce quil ait jamais exist une mentalit humaine prlogique

    ailleurs que dans la thorie (plus tard dsavoue par

    lintress) de Lvy Brhl ; mais une mentalit mtalogique

    ou postlogique pourrait tre souhaitable, voire ncessaire

    une comprhension plus vaste du monde qui nous entoure.

    Pothique.

    Quel meilleur terme pour qualifier le projet de

    transvaluation moral de Nietzsche, prophtisant la libre

    cration (poesis) des normes thiques par le surhomme-artiste ?

    Algorythme.

    Le concept dalgorythme permet de retrouver la musicalit

    que les pythagoriciens mettaient dans les mathmatiques,

    et les mathmatiques quils mettaient dans la musicalit. Un

    rapport esthtique au nombre, redoubl dun rapport

    mathmatique aux sens, dvoile lalgorythmique de la

    musique des sphres.

  • 32

    Salit.

    Tout ce qui nest pas propre quelque chose lui est

    impropre, cest--dire sale. La salit, cest le biothanol,

    comme le clamait Prouthon.

    Matrimoine (gntique).

    LADN mitochondrial hrit de la mre exclusivement

    constitue un matrimoine gntique part entire, distinct

    de lADN hybride reu des deux parents.

    Temps triangulaire.

    Le temps des anciens mondes, extrapol de la priodicit de

    la nature, tait cyclique. Le temps scand par le Dieu de la

    rvlation est linaire. Le temps des historiens marxistes

    propose des variations de mlodies connues. La flche

    remplace la roue, puis la spirale remplace la flche. quoi

    ressemblerait une conception triangulaire, fauviste,

    pluvieuse, cubique, sphrique, gazeuse du temps ?

    Inimaginaire.

    Inextricablement social, culturel, et symbolique, la

    manire de limaginaire selon Lacan.

    Propristase.

    Le mcanisme de la propristase anticipe le principe de

    nertie dans son explication du mouvement des mes.

    Communaut intellectuelle.

    Inverse de la proprit intellectuelle (donc de la

    marchandisation des ides), regrettable oxymore lorigine

    de bien des mesquineries pnales. On ne saurait faire dune

  • 33

    ide son bien priv, se lapproprier au sens de Locke. Les

    choses intellectuelles sont comme les flammes de cierges

    qui, sans rien perdre de leur intgrit, en enflamment

    dautres linfini.

    Synthtiques.

    Lcole des philosophes synthtiques rivalise avec celle des

    analytiques anglo-saxons laquelle elle soppose pied

    pied. Les synthtiques prconisent, selon le mot de

    Napcar, une obscuration intuitive de la pense , qui

    rappelle la pense du labyrinthe des auteurs

    mdiveaux . Il sagit dquivociser par le langage les

    grandes questions philosophiques en mettant en valeur

    leurs diffrents niveaux dinsignification.

    Dgoter.

    Dpartir de son ego, affranchir du soi propre, afin de

    retrouver le commun des mortels.

    Transgne.

    Gne gender-fluid, dont la juxtaposition compose le code

    transgntique.

    Psychofrigide.

    teint, morne, froid du bulbe. Sur une proposition

    dAurlien Barrau, smillant philosophe humaniste et

    astrophysicien.

    Vendredites.

    Idalisations thoriques de lhomme naturel,

    complmentaire des robinsonnades que moquait Marx

  • 34

    chez les penseurs de lconomie politique, en tant que

    modlisations fictives dun individu affranchi de tous

    rapports sociaux.

    Grand frre.

    Tiers sparateur qui vient briser lunit fusionnelle de

    lenfant-mre en cas dabsence ou de dfaillance du pre.

    Cette frustration, selon la thorie freudienne, contraint le

    petit dhomme investir le monde et son dsir devient une

    tentative toujours insatisfaite pour recouvrer lunit

    primitive. Briser les couilles : tel est le rle que

    simpartit Pascal, dit le Grand Frre (prcisment), sur

    TF1.

    Ides nomades.

    Contraire aux ides fixes, elles sillonnent les champs

    disciplinaires et tracent la voie dune convergence possible.

    Palo-ontologie.

    Platon voque une entit au-del de ltre, ouvrant le champ une hyper-otologie. Une palo-ontologie

    sintresserait aux trits davant les tres, aux

    prssences primordiales.

    Les nulles parts qui mnent au chemin.

    Tentative de rversion dune aventure sans veille

    heideggerienne.

    Transgenre humain.

    Les tudes de genre, souvent otages de la thorie du genre,

    augurent une ventuelle thorie du transgenre, que lon

  • 35

    voudrait appliquer avec succs bien des surrections

    archtypales contemporaines, de Klaus Nomi Conchita

    Wurst en passant par les freurs Wachowski. Au genre

    humain, le transhumanisme substitue le transgenre

    humain. Parce quil convient davoir toujours une longueur

    davance (comme disait le philosophe Rocco).

    Substant.

    Sont substants les individus qui nont pour tre aucun

    besoin de leurs attributs11. La substance ou lentit

    substante apparat donc comme vue de lesprit, une illusion

    langagire, aux yeux de ceux qui tiennent que les

    substances ne sont que la somme de leurs attributs. Les

    substances sont abalitaires (existantes par autre chose)

    et non asitaires (existantes par elles-mmes) au mme

    titre que les attributs.

    Vue du corps.

    Illusion gnre par la matire. Si lon concde Nietzsche

    que le corps nest quun contrat social pass entre de petites

    mes12, les vues de lesprit sont avant tout des vues du

    corps.

    Htriste.

    Captif des reprsentations dautrui. Oppos lexical dautiste,

    lequel ne doit pas tre confondu avec autruiste : qui pense

    par ou en tant quautrui, non plus quavec antagoste :

    loppos du soi.

    11 Il ne sagit pas dune blague sur les eunuques. 12 Notre corps nest en effet quune structure sociale compose de

    nombreuses mes , Par-del bien et mal, 19.

  • 36

    Immanit.

    Condition de ce qui immane. Objet de limmanatation,

    dont la doctrine serait lantithse parfaite de celle de Plotin

    (pour qui le monde serait le lumen qui scoule de la lux, une dgurgitation de lUn) : le mouvement de la cration

    serait celui dune inhalation plutt que dune exaltation,

    dune prcession plutt que dune procession, dune

    concentration plutt que dun rayonnement.

    Incellence.

    Haut degr dinfection, dlvation , contraire de

    lexcellence. Incellence (votre, son) serait le titre accord

    aux ministres et ambassadeurs de l ignoblesse ,

    convaincus de soupriorit morale.

    Dlvation.

    Contraire d lvation , pour caractriser la chute des

    mes, de mme que la drection dcrit la chute des

    corps Le contraire de lascension sera la descension, dont

    la marquise du Chtelet fait un usage physique propos du

    mouvement pendulaire dans sa traduction des Principa de Newton.

    Allobiographie.

    Toute biographie qui ne serait pas autobiographe est

    automatiquement allobiographe. Y a-t-il une mort aprs la

    vie ? Si la vie est une fin, la mort doit tre un

    commencement (comme en atteste, chez les gyptiens

    anciens, le Livre de la sortie au jour). On en jugera aux

  • 37

    productions de ces genres littraires encore dvelopper

    que sont la thanatographie et leschatographie.

    Dmiurgie continue.

    La Dmiurgie est mise en forme dun chaos. Celle-ci peut

    tre continue , cest--dire progressive, de la mme

    manire que la Cration divine selon Descartes ou (en un

    autre sens) selon les crationnistes volutionnistes

    partisans de lIntelligent Design.

    Substance replie.

    Descartes oppose la substance pensante la substance

    tendue. Que faire de la substance replie, tendue ou

    dtendue, de la substance relaxe, de la surtance tendue,

    replie, tendue ou dtendue ou relaxe ?

    Immondialisation.

    Enlaidissement global, saccage dune harmonie, dune

    convenance, dune cosmtique (mundus) premire.

    Intro/extroprtation.

    Linterprtation traduit un systme de signes en un autre

    systme de signes. Une introprtation traduit le langage

    intrieur, une extroprtation celui de la matire en un

    idiome accessible notre raison. La psychique est une

    forme dintroprtation, et la physique une forme

    dextroprtation. Marcile Ficin, aprs Platon, fait de la

    musique une introprtation des mouvements de lme.

  • 38

    Sousinterprtation.

    Une sousinterprtation hypotrophie la porte de certains

    facteurs, quand une surinterprtation hypertrophie leur

    rle.

    Corporalisation.

    Obtention dplace de la vise de lesprit qui trouve

    saccomplir par les voies immdiates de la pulsion, lui

    permettant de se satisfaire sur un mode plus grossier

    ( lipidineux ). Inverse de la spiritualisation chez

    Nietzsche.

    Cause.

    Ne considrer que la causa faciendi, la cause qui fait quune chose est faite conduit mettre sur la touche, pour

    des raisons dconomie, lensemble des causae, i.e. des conditions sans lesquelles il ny aurait pas deffets possibles :

    le temps, lespace, le mouvement (synthse du temps et de

    lespace), la vie (au sens dune rupture dquilibre), les

    forces, la pluralit, etc.

    Vie.

    Tout ce qui prsente une diffrenciation, une rupture de

    symtrie, une distinction tmoigne de la vie. La moindre

    fluctuation du vide quantique est un clair de vie. La vie est

    un chec local de lentropie.

    Connaissance du quatrime genre.

    Une connaissance peut tre exprimentale (inductive, tire

    de lobservation), rationnelle (dductive, tire de la

    dfinition) ou immdiate (intuitive). Nous retrouvons ici,

  • 39

    rangs par ordre de valeur, les trois genres de connaissance

    dcrit par Spinoza. Peut-on envisager ce que serait une

    connaissance du quatrime genre ?

    Htresthsie.

    Du grec asthsis, lesthsie dsigne la sensation comme facult et acte. Lautosthsie affirme lalignement dun

    organe sensoriel avec son propre champ de perception :

    lil voit le visible, loue entend laudible, le toucher sent.

    Lhtresthsie indique une inadquation entre le sens et le

    senti : lil coute, loue sent, le toucher voit. Beaucoup

    daveugles imagent par le toucher. La langue des signes

    permet aux sourds dentendre par les yeux ce que

    lcriture nous porte dj faire.

    Ruminescence.

    Le souvenir rumin chez Nietzsche, qui constitue la

    religion des historiens, est pour Platon la qute de la

    dialectique et lobjet de la maeutique. Si bien que toute

    ruminescence est galement rminaissance : qui se

    souvient co-nnat.

    Materniel.

    Relatif la magmatrice , substance premire, universelle,

    sans forme ni dtermination. Le fluide materniel,

    ensemenc par les ides, enfante les choses.

    Animal naturel.

    Combien les animaux devraient-ils tre humains, cest--

    dire bestiaux, pour seffrayer suffisamment les uns des

    autres et fonder un tat ; pour mriter quon amnage

  • 40

    leur propos la fameuse locution de Plaute : Le loup est un

    homme pour le loup ?

    Far West.

    tat de nature amricain. O limmigr du Nouveau

    Monde, dbarqu sur le continent, saffronte lhomme

    sauvage pour piller ses richesses. O rgne entre

    civiliss la morale aristocratique prconise par

    Nietzsche. Mention spciale la srie Westworld, qui westernise le fantasme pouvant de Hobbes et entrine

    son anthropologie.

    Hobbescurit.

    Saillie hobbesienne, disqualifiant lhomme naturel en vue

    de lgitimer la rpression dtat.

    Matrie.

    La mre patrie a pour alter ego le pre matrie. La matrie est

    en danger.

    Patrice.

    La matrice moule, le patrice sculpte. La matrice est

    totalitaire dessence, elle forme par adhsion. Le patrice est

    dictatorial, il plie par la contrainte. La matrice se dploie

    par le surmoi archtypal et materniel qui prescrit la fusion

    dans lunit de la totalit (effet Charlie) ; le patrice

    reconduit linterdit paternel luvre dans la censure par

    le surmoi freudien. Le Patrice est un systme, No. Et ce

    systme est notre ennemi.

  • 41

    uvre errante.

    La cause errante, cette ncessit aveugle, ce hasard

    dterministe que mentionne Platon dans le Time, faonne une uvre errante. La vie se dcrit difficilement mieux.

    Raisonnement absurde.

    Non pas ad absurdum, mais purement absurdum. Raisonnement non homologu, qui ne dmontre rien, que

    lon produit volontiers pourtant dans les meilleurs ouvrages

    de philosophie. Exemple dans le Crpuscule des idoles de Nietzsche, Le cas Socrate II : le criminel type est laid,

    Socrate est laid

    Dyschronie.

    Les utopies, lieux de nulle part, dcrivent des mondes

    heureux, les dystopies des royaumes tristes. Aussi, les

    uchronies, ces impasss possibles gais, ont pour

    contreparties les dyschronies, des impasss funestes.

    Impasss.

    Passs non advenus, cest--dire non passs. De mme, les

    infuturs dsignent les futurs qui ne futureront pas. Dieu

    seul peut entrevoir les impasss et infuturs comme des

    grains de sable quil peut tout moment crer, choisir ou

    dtruire loisir.

    Passs possibles.

    Les utopistes ne jurent que par les futurs possibles, mais les

    passes possibles sont galement lgions. Puisque nexiste,

    rigoureusement parlant, que lternel instant.

  • 42

    Rpulsion universelle.

    Le principe de lattraction universelle, qui veut que tous les

    corps sattirent en fonction inverse du carr de leur

    distance, peut tre subverti sans rien abandonner de sa

    puissance descriptive et de sa fcondit. Ne peut-on pas

    galement envisager que les corps soient repousss les uns

    contre les autres ? En termes relativistes, ce serait dire que

    labsence de masse entretiendrait des minences que les

    corps contourneraient pour se rejoindre, comme des

    gouttes deau sur du bitume mal aras.

    Philosophie du peut-tre.

    Les attentes de Bachelard sorientent vers une philosophie

    du non fonde sur une pistmologie non-cartsienne ,

    faisant usage d'une logique non-aristotlicienne . Notre

    philosophie du peut-tre aura de quoi faire des sceptiques.

    Syndigme.

    Fusion-acquisition de paradigmes. Dans son essai

    dinterprtation de La Structure des rvolutions scientifiques, Samuel Kuhn fait ressortir le caractre concurrentiel des paradigmes qui se rvoquent selon une

    logique dadaptativit. Bien des exemples, dont celui de

    lalchimie mcanique anglaise du XVIIe sicle, de

    llectromagntisme, de la thorie des quanta et des

    thories contemporaines de lunification physique,

    indiquent que les paradigmes peuvent aussi collaborer tout

    en restant intgres dans un ensemble suprieur, un

    superparadigme. Il en va pour lvolution en sciences

    comme pour lvolution des formes de vie. Quand les

    mules de Darwin, nourris de culture librale et

  • 43

    individualiste anglo-saxonne, font prvaloir une vision de

    la lutte universelle pour la survie, un auteur imprgn

    didaux communistes tel que Kropotkine (cf. LEntraide, un facteur de lvolution) proposent une version de la thorie axe sur la coopration inter-spcifique (ce qui

    atteste de la sous-dtermination idologique des thories

    scientifiques). Les deux phnomnes doivent tre tenus

    ensemble, aussi bien dans le cadre de lvolutionnisme

    biologique que dans celui de la thorie des paradigmes.

    Mtaparadigme.

    Prenons le terme paradigme au sens platonicien quil

    revt dans la Rpublique. Un paradigme est une instance de comparaison Toutes les instances de comparaison ne se

    valent pas pour autant. Tous les paradigmes ne sont pas

    galement appropris. Il faut, pour les discriminer, pouvoir

    les comparer. Un mta-paradigme est une instance de

    comparaison dinstances de comparaison. Pour sr, les

    mta-paradigmes ne sauraient tre leur tour

    quivalents

    Noumnes land.

    Plan de limprdicatif, o aucune chose ne peut tre

    appele objet .

    Cultura cultaurans/culturata.

    Inspir de la natura naturans / naturata (nature naturante /

    nature), que lon retrouve chez Averros (latinis) et

    Spinoza (Ethique I, 29 sq.), ce doublet distingue en raison la culture cratrice de la culture cre.

  • 44

    Humianits.

    Sciences humiennes.

    Percept.

    Lintellection procde de lintellect, la perception rsulte du

    percept. Le percept est aux sens ce que lintellect et aux

    essences.

    Intelliger.

    Lier entre. Lier des informations entre elles. quivalent

    pour les concepts de lacte dimagination pour les images.

    Idipsit.

    Jtais certain, proclame saint Augustin Dieu, que Tu es

    vritablement, Toi qui es toujours idem ipse (Confession VII, 20, 26). Dieu, celui qui est (Ego ergo sum), nest que lui-mme (ipse), et toujours identique (idem). Double proprit que restitue le vocable idipsum, figurant dans la traduction latine des Psaumes. Selon la pense juive, Dieu

    seul est ce quil est, et seulement ce quil est ; les autres

    tres sont tous des composites (cf. le De humanae dignitatis de Pic de la Mirandole). En outre, pour cette raison quil est

    lui-mme absolument, Dieu jouit dune pense autonome,

    essentiellement originale. Il ne partage cette dotation

    quavec les morts, qui sont les vrais vivants , car ne sont

    appels vivants que ceux qui produisent des penses

    autonomes ce que nous ne faisons pas ou singulirement

    peu au cours de notre vie. La maison des vivants est le

    nom par lequel sont appels les cimetires juifs.

  • 45

    Aonnien.

    Driv de aon, en son sens hracliten dternit.

    Vraidire.

    Qui profre un mensonge ment13. Qui dit une vrit vraidit

    ; do lexpression consacrer : vraidire ... Vraidire

    soppose mentir. On peut vraidire par omission.

    Prorse.

    Choix libre et clair, issu dune dlibration, des moyens

    mettre en uvre pour atteindre une fin. Son antonyme est

    lantrse. Notons que sil y avait une solution au problme

    du libre arbitre et du choix responsable (mais pas

    coupable), la philosophie naurait aucune raison dexister.

    Mdiveaux.

    Les ruminants du troupeau dAristote. Ne commettons pas

    lerreur de croire cette poque rvolue, o la redite faisait

    autorit.

    Test de Dalek.

    En rfrence cette ligne extraterrestre de la srie Doctor Who ayant choisi de sacrifier enveloppe matrielle et vie psychique au seul mot dordre destruction . Antithse du

    test de Turing, sa condition de russite serait de parvenir

    faire croire une machine quelle communique avec une

    autre machine, quand elle aurait affaire un humain.

    13 Mentir est driv de mens, esprit .

  • 46

    Exthousiasme.

    Si lenthousiasme est impropriation par le divin (ou

    endorcisme), lexthousiasme en est lexpropriation.

    Harmonie des disques.

    Vieille thorie de lharmonie des sphres, rabattue sur un

    plan. La musique des disques serait en deux dimensions,

    quand la musique des sphres serait en trois. Pour destituer

    la sphre de son statut dhonneur sans abdiquer la

    perspective, on peut aussi songer lharmonie des cubes, ou

    de nimporte quel autre solide de Platon. Quoi que nous

    apprenions dEinstein que Dieu ne joue pas aux ds.

    Acteur impartial.

    Complmentaire du spectateur partial (le spectacteur), pour

    une sociologie improbable qui cesserait de penser que

    lobservateur peut jamais tre axiologiquement neutre et le

    sujet axiologiquement positionn.

    Vision en Diable.

    Les ides claires et distinctes rsident en Dieu, si lon en

    croit Malebranche. Aussi est-ce voir en Dieu que de les

    apercevoir. Lattention de lesprit devient une prire

    naturelle. quoi ressemblerait une vision en Diable ? Et

    mme, quy aviserions-nous ?

    Intensit de vrit.

    Nous ne croyons pas que la vrit puisse tre une valeur

    absolue, ni quelle soit quantifiable ; elle ne peut donc

    qutre intensifiable. On parlera dintensits plutt que de

    degrs de vrit.

  • 47

    Agnosologie.

    tude de lignorance commune et de ses modalits.

    pistmologie ngative.

    Un objet scientifique est ce qui reste dun phnomne

    quand tout ce que nous y projetons en a t purg. On ne

    comprend vraiment ce quest un gne quen comprenant

    pourquoi les thorisations et les images dhier ont t

    rfutes. Latome moderne, crit Bachelard dans La Philosophie du non, est exactement la somme des critiques auxquelles on soumet son image premire .

    Acides anims.

    Pendants spirituels des acides amins, qui forment des

    molcules spirituelles.

    Gnme.

    Code gntique dune me (progrme), constitue de ses

    quatre (ou cinq) bases nucliques spirituelles,

    conformment son homologue corporel. Les mcanismes

    dinhibition ou dexpression des gnes spirituels relvent de

    lpignme.

    Cosmiurge.

    Lartisan du cosmos, correcteur du livre de la Nature.

    Arrationnel.

    Libre de rationalit. Contrairement lirrationalit qui ne

    fait que prendre lenvers de la rationalit et limiter

    ngativement, larrationnalit lui est indiffrente. La

  • 48

    rationalit que nous connaissons nest quun point sur la

    droite infinie des arrationalits possibles, de mme que les

    lments dEuclide ne dcrivent quune gomtrie particulire au nombre dune infinit dautres. Dans la

    volire o sont tenues captives les arrationalits, nous ne

    saisissons que la plus utile notre impratif despce, la

    rationalit , et condamnons du nom dirrationalits

    toutes celles qui nous rapprochent de la vrit et nous loignent de la vie.

    Apparessence.

    Convocation sensible de lessence dune chose. Parence ou

    parition (ap-) de lintelligible. Lintelligence, le cur,

    sentent les ides et les premiers principes (Pascal). Hume

    parle de force des ides, dans un registre mcanique. Lide

    de chien ne mord pas, certes ; et pour autant, parfois, la

    vrit aveugle. Laffranchi de la caverne de Platon sy brle

    les yeux. Nest-ce pas lindice dune sensibilit de lessence,

    cest--dire dune essensibilit ? Nest-ce pas le fait dune

    apparessence , bientt suivi dune disparessence ?

    Tradiction.

    En tant quexgse dun savoir pass laune dune culture

    et de proccupations prsentes (ce que Heidegger appelle

    horizon de prcomprhension ), la tradition est toujours

    traduction, donc tradiction. La tradiction est le support du contenu que nous y mettons, le miroir conformant de notre

    contemporanit.

  • 49

    Phtorse.

    Corruption, entropie, dispersion de linformation. La

    substance chez Aristote connat deux changements

    essentiels (non-accidentels) : la gnration, qui la fait natre

    et la corruption (phthora), qui la consume. Sil est une gense du monde, des langues, de la pense, de lindividu,

    des socits, des religions, des idologies, il est aussi une

    phtorse attenante, et des mythes phtortiques. Peut-tre

    mme, comme en tmoignent les mcanismes de

    lapoptose, existe-t-il un code phtortique imbriqu au code

    gntique, une embryophtorse14, une phylophtortique.

    Homoose.

    Inverse de lalloose. Conformation, similation, devenir-

    semblable . lenfant roi Zagreus dilacr (furie du

    diasparagmos) par les titans, dans la doctrine orphique. Dieu selon Pythagore (Stobe, Ecl. VI, 3). Au Christ pour les chrtiens (Imitatio Christi). Lhomoose concerne galement le diable dans la kabbale juive et certaines

    branches de lexgse chrtienne. Imitatio diabolica : le diable est lombre de Dieu la surface de leau. Mais il nen

    est que lombre, le faux-semblant, littralement lidole. Ce

    qui nest pas sans poser la question de savoir comment

    Dieu, lumire archtypale (et tymologie), peut projeter

    une ombre.

    Catalepsie.

    La tenue ferme en main des phantasma (reprsentations) est le critre de la vrit chez certains stociens tels que

    14 Jean-Claude Ameisen, La sculpture du vivant : le suicide cellulaire ou la mort cratrice, Seuil, 2011.

  • 50

    Chrysippe, Antipater, Apollodore. La prhension fait

    lvidence. Tomber en catalepsie signifie donc com-

    prendre, et slever en analepsie : disprendre.

    gritude.

    Aegritudo dsigne chez Cicron la maladie qui dvaste lhomme intrieur. Souffrance morale.

    Presbygogie.

    levage des seniors. Plus laborieuse que la pdagogie, sil

    est vrai que lapprentissage procde majoritairement par

    inhibition de schmas cognitifs inadquats, que les anciens

    trs vnrables ont blanchis par le temps et momifi par

    lexprience.

    Ergologie.

    Ressortissant au vocabulaire mdical, philosophique ou

    thologique, ltiologie dsigne la recherche des causes.

    Lergologie (pas confondre avec son synonyme des sciences

    sociales) est donc ltude des uvres et des effets. Il est

    souvent plus difficile de dgager leffet dune entit (surtout

    lorsquil sagit dun mot) que sa cause.

    Principe duvre suffisante.

    Le principe de raison suffisante admet que tout tre possde

    une cause. Nous postulons le principe duvre suffisante,

    selon lequel tout tre a un effet. Il ne saurait en effet y

    avoir moins de causes que deffets.

  • 51

    Cause dernire.

    La cause premire, savoir les principes (selon la sagesse

    grecque) ou Dieu (selon la tradition chrtienne), est le

    produit dappel ; la cause dernire est la fin de srie ,

    dernier maillon de la chane de la causalit qui voit se

    dployer luvre de la nature. On ne peut exclure que la

    chane soit circulaire et que son dernier maillon soit

    galement le premier (ou le deuxime, ou le troisime

    quimporte si le temps est cyclique). Alors

    laccomplissement du monde (la fin dun cycle) serait

    galement son origine, savoir les principes ou Dieu.

    Involont.

    La puissance de linvolont nest pas limpuissance de la

    volont. Linvolont, comme en attestent les bhikkhu au

    soleil du Bouddha, dlivre de la soif . Laffranchissement

    des formations karmiques conditionne laccs au nirvna.

    Toutefois, au grand dam de Schopenhauer, lextinction de

    la volont ne peut bien entendu tre le fait dun acte

    volontaire.

    Alloose.

    Altration. Changement statique.

    Aoriste.

    Le mouvement chez Aristote, la khra chez Platon, la matire chez Plotin sont indtermins (aoristos). Ils ne sont pas dlimits, nont pas de contours nets : ce sont des

    aoristes. Certains concepts, oprations, objets, ne peuvent

    tre circonscrits dans ltendue ni dans la pense. Ce qui

  • 52

    accuse limpossibilit de donner une dfinition qui ne soit

    pas une ddfinition de ce qui na pas de dfinition.

    Enmort.

    Si vivre, cest dsirer, comme Spinoza le laisse entendre ; si

    tre en vie signifie tre envie, alors il se peut qutre en mort signifie tre enmort, quoiquhonntement nous ne sachions encore ce que cela signifie.

    Hnologie.

    Chaque dieu, selon Proclus, constitue une unit parfaite

    dont la pense culmine au-del de la pense, et la vie au-

    del de la vie, exerant une activit universelle (Thologie, 113-133). Lhnologie, en tant qutude de lUn avec une

    majuscule, est la philosophie ce que lhnothisme, culte

    de lUn, est la religion.

    Phrontique.

    Relatif lintelligence, exerant son discernement.

    Euthumie.

    Bien-tre que les stociens, minimalistes, caractrisent

    comme le non-tre du mal-tre. Si le bien-tre des stociens

    se vit comme une absence de maux corporels et spirituels,

    le mal-tre pourrait rciproquement concrtiser labsence

    de biens corporels et spirituels. En somme Jai perdu le

    fil.

    pcen.

    Transcendant, de pkena, au-del : le bien est au-del de ltre , crit Platon (Rpublique VI, 509b) ; ce qui est au-

  • 53

    del de ltre est aussi au-del de la pense ajoute Plotin

    (Ennades V, VI, 6).

    nothisme.

    En panne confondre avec son homonyme hnothisme .

    Religion dionysiaque, pour qui prfre le vin dici lau-

    del, comme le disait Pierre Dac.

    Dinde.

    Chaque dieu est une dinde.

    La tomme.

    La tomme de Dmocrite a trop longtemps rejet dans les

    oubliettes de lhistoire les doctrines pastorales faisant de la

    tomme de Savoie et de la tomme de Chvre les constituants

    ultimes de la matire.

    Horismatique.

    Dfinitoire. Exquisement cuistre.

    Membricit.

    Fait dtre membre, participant dune totalicit.

    Illiminer.

    Action dilluminer en liminant. Purifier un cristal, un

    corps ou un esprit, cest donc lilliminer. Le Grand-uvre

    est illimination de la matire. Ne pas confondre avec

    luminer.

  • 54

    luminer.

    Action dliminer en illuminant. On peut luminer une

    ombre, un mystre, une obscurit On ne peut en

    revanche luminer les sources de lumire, ou ce qui en

    tient lieu dans la mtaphysique, cest--dire les notions

    premires ou les premiers principes, qui se sentent par le

    cur selon Pascal (Penses, frg. 110), et en vertu desquels toute chose peut tre lucide.

    Non-tant.

    De mme quil y a le non-tre, pendant de ltre, le non-

    tant fait pendant ltant. Le non-tant renvoie cette

    catgorie dobjets encore dfinir qui ne relve ni de ltre,

    ni de ltant, ni du non-tre.

    Montologie.

    Les astronomes sont familiers du paradoxe voulant que

    pour bien observer un corps cleste, on regarde un peu

    ct. Une mtaphysique qui tirerait les leons de cette

    curiosit optique fonderait la montologie. Celle-ci nest

    autre quune manire dontologie ngative ( m

    exprimant la ngation), sur le modle de la thologie et de

    la phnomnologie ngatives, dites galement

    apophantiques. Le montique concerne ce qui est impropre

    aux tres concrets, perus, dtermins. Il conscrit le non-

    tre par numration de ltre.

    Catamnse.

    Lanamnse est la remonte (ana) du souvenir (mnm) la mmoire. La catamnse est sa chute lotophage au royaume

    de loubli.

  • 55

    Impliciter.

    Recouvrir (implicitus : envelopp), emmitoufler un phnomne dans louate dune thorie. Une implicitation

    est le contraire dune explicitation.

    Letheia. La vrit des Grecs, suivant lacception tymologique du

    terme aletheia, nest pas critrise par la conformit de la pense avec le monde (adequatio intellectus et rei), ou par la cohrence dun systme de propositions censes rendre

    raison du monde ( sauver les apparences ), ou par le fait

    de sa fonctionnalit, de son utilit, de son adaption (fait

    dtre adapt) au monde. Elle est le non-oubli, ce qui na

    pas t perdu. La letheia est au contraire loubli dvorateur qui ronge et qui corrompt.

    Dv-orateur.

    Agorte gourmand. Sophiste prdateur.

    Intellect naturant/natur.

    Lintellect produit la connaissance, tout en tant lui-mme

    le produit de la connaissance.

    Disprendre.

    On com-prend en situant linformation a-prise dans un

    systme de connaissances. On disprend en captant

    linformation sans la lier dautres, si bien quon la possde

    sans lintgrer. La dispressance, qui peut faire loi dans le

    cadre du psittacisme rcitatif (dune posie, dune morale

    religieuse, dun verset scientifique), est le seul mode

  • 56

    dapprhension de notions mtaphysiques rcalcitrantes ou

    transcendantes comme (par ordre de grandeur) Dieu,

    lInfini, Tout.

    Sinessance.

    Lapprhension (dune information) sans la comprhension

    relve de la sinessance, oppose la connaissance.

    Connessence.

    Connaissance intuitive des essences singulires, proche de

    la connaissance du troisime genre quimagine Spinoza.

    Facult proverbiale des sexeurs de poussin.

    Vide.

    Il faut apprendre voir non pas le vide comme un dfaut de

    matire, mais la matire comme un dfaut de vide ; non pas

    le manque comme une dchirure dans le tissu de ltre,

    mais ltre comme une faille dans le continuum du manque.

    Pleindre.

    Quand on est vide, on se pleint. Et rciproquement.

    Plein.

    Le plein est une imperfection de limperfection, un vide du

    vide, un nant du nant, une bance de la bance, une

    vacance de vacance, une privation de privation, une vanit

    de vanit, une absence de labsence, un dsert du dsert. La

    nature a horreur du plein.

  • 57

    Viduit.

    Inverse de la plnitude. Aussi prsente dans lordre de

    ltendue (espace entre les corps clestes ; espace entre

    noyau et lectrons) que dans celui de la pense ( ).

    Raison agite.

    Hume nous dcouvre le fonds passionnel de lentendement.

    Il faut comprendre la raison comme une passion calme .

    Peut-on comprendre la passion comme une raison

    agite ?

    Matrialisme transcendantal.

    quoi soppose lidalisme transcendantal de Kant, sinon

    un matrialisme transcendantal qui postulerait que nous ne

    connaissons que des noumnes, savoir les choses

    indpendamment des formes de la perception sensible et

    des catgories de lentendement, la faveur dune intuition

    intellectuelle ? Ce matrialisme serait un idalisme

    empirique, en cela quil remettrait potentiellement en cause

    lexistence dune ralit extrieure lesprit (lequel est seul

    organe de perception).

    Conffect.

    Conglomrat daffects, de mme que le syndrome est un

    conglomrat de symptmes. Inffect, deffect, perffects sont

    autant dtats dme compagnons des affects.

    Monde--ltre

    Nous disons volontiers que nous sommes dans le monde ,

    sans tre de ce monde . Que le monde serait autour de

    nous. Pourquoi le monde ne serait-il pas en nous, et nous

  • 58

    autour du monde ? Pourquoi le monde ne serait-il pas notre

    intriorit, et notre corps sa priphrie ? Ny a-t-il pas

    plus de choses dans notre philosophie (Horatio) que dans le

    ciel et sur la terre ?

    Tot.

    La premire Doctrine de la science ou de la conscience de Fichte tablit que le Moi nest concevable quautant quil

    est conscience dobjets ; il est en position parce quen

    opposition. Il y a donc auto-position du Moi dans la

    conscience, intentionnelle ou transitive par nature (il ny a

    pas de conscience pure, mais que des consciences de). La

    Mot, puisque cest delle quil est question, aura pour

    corrlats logiques dans un cadre simulipsiste la Tot, la

    Lut, et cetera desunt.

    Communipsisme.

    La question lancinante de la philosophie moderne

    implicitement pose avec Descartes, Kant, Berkeley, et qui

    ne se trouvait pas dans le phnomnisme grec, a trait

    lexistence dune extriorit la conscience. La tentation du

    solipsisme a t constamment rejete par lensemble de ces

    auteurs raison darguments, pas toujours convaincants,

    protestant du communipsisme.

    Acharit.

    Lacharit est un amour dsordonn, une haine de Dieu qui

    abaisse lme au-dessous delle-mme, cest--dire bien

    souvent son niveau. Lhomme est un tre naturellement

    bas.

  • 59

    Damne.

    Condition essentielle de la Perte, inverse de la Grce qui

    pourvoit au Salut. Le Damne sera gratuit ou mrit, selon

    quon opte pour un augustinisme ou un plagianisme

    diabologique. Indamnit : condition de la crature

    immunise contre le Damne, perptuellement indamne.

    Perte.

    Inverse du salut, qui sobtient par les uvres ou par le

    Damne.

    Cancre intrieur.

    Nous avons lignorance autant que la vrit infuse. Cest ce

    quAugustin aurait pu exciper du fait que nous nignorons

    rien et ne nous trompons pas en vertu du contenu ou de

    linterprtation de la parole du locuteur, mais par le

    consentement que nous leur accordons.

    Degr dimploitation.

    Le degr dimploitation (dim-plication) ou taux de moins-

    value sexprime comme le rapport de la moins-value tire

    du travail imploit et du travail variable (salaire).

    Repos, surrepos, repos socialement ncessaire.

    La valeur dune marchandise se mesure aussi au temps de

    repos socialement ncessaire sa fabrication. Le repos

    comme le travail participe du mtabolisme de lhomme

    avec la nature

  • 60

    Malsain esprit.

    Si ltre diabolique est analogue Dieu, lui galement se

    prsente comme trin : un Diable, trois Personnes. Au nom

    du Pervers, de la fille et du malsain esprit.

    Principe deffet suffisant.

    Le principe de raison suffisante postule quil ny a pas

    deffet sans cause dterminante, pas de passage lacte sans

    un choix pralable, pas de choix sans motif. Nous

    exprimentons pourtant que les raisons dagir ne sont bien

    souvent que des fabrications posthumes, des justifications.

    Leffet prcde sa cause, au moins dans le registre humain.

    Formules exotiques des systmes dchange.

    En rgime prcapitaliste, les marchandises (M) schangent

    contre des sommes dargent (A), lesquelles servent lachat

    de nouvelles marchandises, ncessaires lentretien du

    cycle de production. La formule de lchange marchand

    scrit donc M-A-M. Le systme dchange capitalisme (ou

    captaliste ) permute les fins et les moyens. Largent sert

    lachat de marchandises, dont la seule fin est dtre

    revendues un prix suprieur (en vertu de la valeur ajoute

    par le sur-travail). La formule gnrale du capital est

    donc A-M-A o correspond au profit ralis. Dautres

    systmes dchange, et donc dautres formules peuvent tre

    envisages, dont le fameux A-A qui correspond la

    spculation bancaire et lusure : largent fait de largent

    ($ !). M-M serait un troc amlior, au moins pour lune

    des deux parties sauf sil sagit de marchandise humaine,

    force de travail qui produit davantage que sa

    consommation. On tombe avec le M-A-M dans la

  • 61

    spculation marchande : une uvre dart peu recherche

    une poque peut prendre de la valeur et tre revendue -n

    fois son prix dachat.

    Imitatio mundi. Limitation de ce que Time appelle lharmonie divine des

    mouvements du monde est la tche que Platon affecte

    lhomme. Ctait limitation des mouvements parfaits,

    intelligibles, des astres que lhomme doit diriger son me et

    informer son corps. Le macrocosme cosmique joue par

    rapport au microcosme humain le rle de paradigme et de

    modle. Mais nest-ce pas lunivers, tout bien considr, qui

    imite lordre et le dsordre de lhomme ? Lhomme na-t-il

    pas taill le monde au ciseau de ses concepts ? Ne la-t-il pas

    model laune des formes de sa sensibilit ? Ne la-t-il pas

    astreint sa logique ? Le monde que nous habitons, notre

    milieu (Umwelt au sens de Uexkll), est-il rien autre chose que le reflet de nos aspirations, attentes, besoins et

    intrts ? Un monde qui prend modle sur nous ?

    Harmonie diabolique.

    On mconnat leffort intellectuel et logistique que

    ncessite la mise en place dun authentique systme du

    mal . Lenfer est une machine mticuleuse,

    diaboliquement prcise, qui ne doit concder de bien que

    ce qui est ncessaire la prexistence du mal : lespoir. Cf.

    les supplices du Tartare.

    Dysharmonie divine.

    Trahie par les implications de la questio vexata des thologiens : comment concilier lexistence du mal avec

  • 62

    lomnipotence, l omnibonence et la sagesse de Dieu ? Si

    Dieu est tout-puissant et bon, le mal tmoigne de son

    manque de sagacit. Si Dieu est tout-puissant et sage, le mal

    tmoigne de ce quil ne veut pas le bien. Si Dieu est sage et

    bon mais que le mal existe, cest quil nest pas tout-

    puissant. Lun doit cder lautre, ou lautre lun des

    attributs moraux de Dieu. Dans tous les cas, il y a

    disproportionnalit entre des absolus.

    Il existe cependant une possibilit de prserver les attributs

    de Dieu. Si Dieu est tout puissant et bon et quon ne peut

    lui en imputer la cause, cest que le mal est le mfait dune

    entit dont Dieu nest pas lauteur. Telle est loption

    manichenne. Cinquime et ultime possibilit : le mal

    nexiste pas. Voir Spinoza.

    Omnibonence.

    La toute-bont, complmentaire de lomniscience et de

    lomnipotence de Dieu.

    Hominiscience.

    quivalent latin de lanthropologie. ne pas confondre

    avec lhominescence de Michel Serre (prends donc la taille

    au-dessus).

    Quatrime fonction.

    Dumzil dgageait une tripartition fonctionnelle en

    arrire-plan de lidologie indo-europenne. On la retrouve

    ainsi dans la Belle Cit de Platon, divise en producteurs,

    gardiens auxiliaires et gouvernants. Le mythe de lge dor

    revisit par lauteur des Dialogues assigne chacun de ces

    groupes un mtal : bronze, argent, or, tout en mnageant la

  • 63

    possibilit de transmutation, cest--dire de sur- et de

    sousclassement pour les individus mritants. Quelle serait

    le statut dune quatrime fonction ? Et qui la peuplerait ?

    Assurment, les marginaux, les voleurs et les fous, que lon

    ne saurait ranger dans aucune des prcdentes.

    Throrie.

    Les throries sont les gardiennes de lignorance acquise.

    Elles sont des thories dgnres, sclroses, enkystes,

    devenues dogmes ou hyperthses. Empchant toute remise

    en cause dans un champ du savoir, elles prtent leurs

    instigateurs le monopole de la pens autorise. Pierre

    dangle du throrisme intellectuel.

    En Throrie, tout ne se passe pas bien.

    Thorisme.

    Terreur de dieu. Le thorisme fut longtemps employ en

    sciences pour dcrdibiliser une thorie qui ne rendrait pas

    adquatement la perfection de Dieu. ne pas confondre

    avec le therorisme, sauf rinvestir le sens quattribuait aux

    idoles Bacon.

    Diathme.

    Dsigne le poudroiement des diverses connaissances

    porteuses dune multitude dides. Lart des diathmes est

    anti-architectonique.

    Avoir passion.

    Pourquoi ne pourrait-on avoir passion de quelquun si

    lon peut en avoir raison ? Rendre passion ? Ou mme avoir

    passion, sans phrase, comme disait Marx, lorsquon ressent

  • 64

    droitement ? Que serait un principe de passion suffisante ?

    quoi ressemblerait une recta passio, une ultima passio ?

    Moinsvalue, sousvaleur.

    La production de moinsvalue ou de sousvaleur (pour

    adhrer aux nouvelles traductions du Capital) serait la fonction spcifique dun systme authentiquement

    anticapitaliste. Cette sous-valeur serait produite dans la

    priode de sous-travail, durant laquelle la valeur produite

    par la force de travail reste infrieure au cot dentretien de

    cette mme force de travail (le salaire). La ralisation

    montaire de la sousvaleur est la perte.

    Nescience, inscience.

    Soppose la conscience, sans pour autant relever de

    linconscient. Linscience ou la nescience traduit une

    inattention soi, et suppose lincapacit revenir sur soi-

    mme. Elle est laction du soi hors de soi-mme, tourn

    vers lextrieur. Indissociable des recouvertes, elle est

    parfois quivalente la facult doubli (de soi).

    Notion incomplte.

    Concept dfinissant dfectivement la nature dune chose ou

    dun individu, enveloppant une partie seulement de ses

    dterminations. La notion incomplte est sans gluten, sans

    sel, sans lactose et sans OGM.

    Passion/ptir historique.

    Soppose laction ou lagir historique chez Marx.

    Doctrine selon laquelle lesprit ou laction ont moins part

  • 65

    au devenir historique que le ptir des masses en priode

    critique rvolutionnaire : la souffrance dtermine lhistoire.

    Sciencer.

    lever des fadaises de marbre entre rgions de la

    connaissance. Dcouper (schizein) en petites sciences, en petites tranches de discours appeles spcialits. Inverse du

    savoir. Comme dirait Heidegger en fin de digestion, la

    pense ne science pas .

    Savance.

    Le scientifique sen rfre la science, le croyant la

    croyance, le savant la savance, lignorant tout le monde.

    Asocialisme, asocialisme rel.

    Les tiquettes de socialisme rel ou socialisme dans un seul

    pays dguisent le fait que le socialisme stalinien ne fut rien

    dautre quun capitalisme bureaucratique dtat. La chose

    devait tre rappele, qui rend comprhensible le fait que

    Marx sentant venir la rcupration se dclara anti-marxiste.

    Lasocialisme serait loppos du socialisme (qui devait

    selon Marx faire suite la phase transitoire, ngative et

    insuffisante du communisme comme dictature du

    proltariat) un systme consacrant tous azimuts le rgne de

    la proprit prive, cest--dire prive de toute dimension

    sociale. La forme avenir du capitalisme mondialis.

    Lutte/pratique volutionnaire, volitionnaire.

    Le capitalisme, par ses contradictions internes (tension

    entre les forces productives et les moyens de production,

    loi de la baisse tendancielle des taux de profit), permet et

  • 66

    sollicite le communisme. la pratique ou lutte

    volutionnaire dentriner cette transition.

    conomie de la critique politique.

    Marx sous-titrait Le Capital critique de lconomie politique , critique signifiant laboration dune science

    dvoilant par contraste lconomie politique classique

    comme un jeu dintrts privs doctrinaliss et naturaliss.

    Luvre anticommuniste par inversion, Le Travail de Xram, livrera au contraire lconomie de la critique politique.

    Matriologie.

    La matriologie, sur le modle de lidologie, est le le

    langage la vie relle . Si bien que les matrialits ont leur

    raison inscrite dans lhypertexte idel, anhistorique et

    apolitique. Les ides sont donc radicales ; elles souchent les

    choses et la conscience ancre la vie.

    Modes de consommation.

    Le devenir historique est abord par Marx comme une suite

    de modes de production. Mais lon sait par le mme auteur

    la compntration, sinon lidentit de fait de la production

    et de la consommation, ce qui rend lgitime la

    conceptualisation des modes de consommation.

    Sursomption.

    La sursomption du capitalisme peut tre relle ou formelle.

    Bien.

    Le bien comme entit nexiste pas, il est labsence de mal.

    Le bien ne peut se dfinir quen considration dune

  • 67

    ralit : le mal. Le bien est un dfaut, une carence, une

    faille, un vice dans le tissu du mal. On ne peut sentendre

    sur la signification du bien sans rfrence la perfection

    ontologique du mal. De mme le froid nest-il quune

    absence de chaleur, le bien est le non-tre du mal. En

    inversant notre Augustin : toute nature, pour vicieuse (=

    dfectueuse) quelle soit, est mala en tant que nature, et bona en tant que dfectueuse (Enchiridion, 4, 13. Traduction dlictueuse). En ce sens, la considration de

    lun-bien de la doctrine sotrique platonicienne est le

    premier impair de la philosophie.

    Banani.

    Inverse du pch, commis par vice, qui loigne de Dieu, le

    banani nous reconduit dans la voie du Seigneur. La liste

    des pchs capitaux mentionns par Thomas dAquin est en

    ralit un catalogue des vices, si bien que la notion de

    pch navait pas jusquici de contrepoint dans le

    vocabulaire thologique. Un banani peut tre vniel ou

    mortel, selon qui le bnit.

    Si la morale se dduit de lontologie et que le mal seul a

    lexistence de manire positive et absolue (cf. notice bien

    ), alors le banani (antithse du pch) nest pas une chose

    qui est ; il est une privation de ce qui est (= doit tre).

    Fugure.

    Visage sans cesse recomposant, support communicant de la

    vie des sentiments, porteur comme le visage chez Levinas,

    dune exigence thique.

  • 68

    Cit du Diable.

    Deux amours, note Augustin, ont rig deux cits

    entremles : lamour dautrui aveugle Dieu fit la cit de

    lhomme, lamour de Dieu jusquau mpris de soi la cit de

    Dieu. Quelle place et quel amour pour la cit des Anges ?

    Pour la cit du Diable ? Y a-t-il en plus de la Jrusalem

    cleste et de la Jrusalem terrestre, une Jrusalem

    chthonienne ? Y a-t-il une banlieue de Dieu ?

    Anticit.

    Il faut prendre revers la dfinition mtaphysique de la

    cit pour approcher le concept danticit. Lanticit serait

    ainsi la multiplicit dune unit de natures, de puissances et

    de fonctions indistinctes vivant une vie spare. La pense

    grecque tait hante par le problme ( ra