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Certu centre d’Études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques 9, rue Juliette Récamier 69456 Lyon Cedex 06 téléphone: 04 72 74 58 00 télécopie: 04 72 74 59 00 www.certu.fr Concertation et analyse des besoins de mobilité dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

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Certucentre d’Études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques9, rue Juliette Récamier69456 Lyon Cedex 06téléphone : 04 72 74 58 00télécopie : 04 72 74 59 00www.certu.fr

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Avis aux lecteurs

La collection Rapports d’étude du Certu se compose de publications proposant des informa-tions inédites, analysant et explorant de nouveaux champs d’investigation. Cependant l’évo-lution des idées est susceptible de remettre en cause le contenu de ces rapports.

Le Certu publie aussi les collections :

Dossiers : Ouvrages faisant le point sur un sujet précis assez limité, correspondant soit à unetechnique nouvelle, soit à un problème nouveau non traité dans la littérature courante. Lesujet de l’ouvrage s’adresse plutôt aux professionnels confirmés. Le Certu s’engage sur lecontenu mais la nouveauté ou la difficulté des sujets concernés implique un certain droit àl’erreur.

Références : Cette collection comporte les guides techniques, les ouvrages méthodologiqueset les autres ouvrages qui, sur un champ donné assez vaste, présentent de manière pédago-gique ce que le professionnel courant doit savoir. Le Certu s’engage sur le contenu.

Débats : Publications recueillant des contributions d’experts d’origines diverses, autour d’unthème spécifique. Les contributions présentées n’engagent que leurs auteurs.

Catalogue des publications disponible sur http://www.certu.fr

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Les récentes lois portant sur l’urbanisme ont mis à jour la nécessité de renforcer les liensentre urbanisme et déplacements, de conjuguer les cultures techniques et de les décloisonner ausein des services de l’État, des collectivités locales et des agences d’urbanisme et de dévelop-pement.

Pour répondre à ce besoin, un programme portant sur l’Interface entre l’Urbanisme et lesDéplacements (IUD) a été commandé au Certu dès 2001 par plusieurs directionsd’Administration centrale appartenant au ministère de l’Équipement, des Transports, duLogement, du Tourisme et de la Mer, au ministère de l’Écologie et du développement durableet au ministère Délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

Pour ses orientations, comme dans sa production, ce programme est ouvert aux élus et auxorganisations professionnelles publiques et privées des secteurs concernés. Il fait l’objet d’unevalorisation collégiale dans les trois domaines de la planification, de l’aménagement et de lapolitique de la ville.

Son objectif principal est de produire des documents méthodologiques et pédagogiquespour les collectivités locales et les services déconcentrés de l’État, et de contribuer à une évo-lution des pratiques dans les services.

Thèmes abordés :

Suites des lois récentes sur la thématique des déplacements dans le champ de la planificationet de la contractualisation territoriale - IUD 1

Politiques de stationnement - IUD 2

Intégration des pôles d'échanges du transport en commun dans l'espace urbain - IUD 3

Impact des mesures PDU sur la vie économique et les commerces - IUD 4

Politique de la ville et déplacements - IUD 6

Aménagement urbain et sécurité des déplacements - IUD 7

Mobilité locale et territoires urbains : observation et suivi - IUD 8

Effet de serre, politiques de déplacements et organisation urbaine - IUD 10

IUD

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NOTICE ANALYTIQUE Organisme commanditaire : DTT / DGUHC / DIV Commande conjointe “Interface urbanisme – déplacements” (thème n°6 : “Politique de la ville et déplacements”) Titre : CONCERTATION ET ANALYSE DES BESOINS DE MOBILITÉ DANS LES QUARTIERS PRIORITAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Sous-titre :

mission d'approfondissement méthodologique

Date d’achèvement :

juin 2003

Langue :

Français

Organisme auteur : FORS Recherche Sociale (D. Bertrand, C. Foultier, D. Vanoni)

Coordonnateurs : Jean-Paul BIRCHEN / URB Nicolas CROSSONNEAU / MOB

Relecteurs : DTT / DGUHC /DIV

Résumé : A partir du matériel recueilli dans 16 monographies, l'étude décline les objectifs qui sous-tendent les démarches de connaissance des besoins et des usages. Les principaux types d'objectifs sont techniques, d'amélioration de la qualité de service, non directement opérationnels ou politiques et de légitimation des instances de démocratie locale. L'étude analyse ensuite les méthodes utilisées pour réaliser des diagnostics qualitatifs auprès d'une population. Le diagnostic-évalution, la recherche action, les méthodes issues du marketing, les démarches institutionnelles sont présentées à travers leurs principes et méthodologies et éclairées par des exemples. Les démarches de concertation mise en œuvre dans le cadre de ces diagnostics sont ensuite détaillés, elles se déclinent autour d'actions d'information et de communication, de consultation et de coproduction. Enfin une dernière approche croise objectifs et modes de concertation en précisant les méthodes qui semblent les plus adaptées aux différents enjeux. Dans cette dernière partie, l'ambition est plus de présenter les pratiques possibles que de fournir une grille méthodologique intangible.

Mots clés : Politique de la ville - concertation – diagnostic – déplacements – besoins -

Diffusion : Rapport d’études + téléchargement internet

Nombre de pages : 166

Confidentialité : Non

Bibliographie : non

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Sommaire

Introduction 9

Les objectifs de l’étude 10

Méthodologie 11

Présentation de l’étude 12

1. Les objectifs qui sous-tendent les démarches de connaissance des besoins et des usages 15

1.1 Les objectifs techniques 15

1.2 Les objectifs d’amélioration de la qualité de service 16

1.3 les objectifs de connaissance generale 16

1.4 Les objectifs politiques et de légitimation des instances de démocratie locale. 16

2. Méthodes, outils et enchaînements possibles 18

2.1 Le diagnostic – évaluation : l’exemple de démarche itérative et interactive 18

2.2 La méthode de recherche-action : l’exemple du transport à la demande 21

2.3 Des méthodes de marketing à la communication de proximité 24

2.4 Les démarches institutionnelles de concertation d’habitants 28

3. Les processus de concertation des habitants dans les projets de transport 31

3.1 Les démarches de concertation : essai de typologie et de combinaisons 31

3.2 Points de vue des habitants, des usagers et de leurs représentants sur les démarches 35

Conclusion 41

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Annexes : 47

Tableau de synthèse 48

Les monographies 53

Draveil - Essonne : Mise en service d’un transport à la demande en compte propre 55

Corbeil-Essonnes : une meilleure inscription des réseaux de transport dans les quartiers sensibles 61

Agglomération creilloise : Le désenclavement d’un quartier inscrit en Grand Projet Ville 67

Val-de-Seine : Identification des besoins de mobilité non satisfaits sur le bassin de déplacements du Val-de-Seine 73

Orléans : L’écoute des habitants 81

Île-de-France : les ateliers d’initiatives de la RATP 87

Agglomération lilloise : Une veille pour suivre l’évolution des comportements et recueillir les attentes des habitants 95

Mulhouse : une forte mobilisation des habitants du quartier des coteaux autour du projet TRAM-TRAIN 103

Marseille : Ateliers de co-production sur les déplacements dans les quartiers Nord 109

Agglomération bordelaise : Consultation des habitants relative à l’amélioration de l’offre en transport public sur Pessac 117

Saint Etienne : Adaptation de l’offre de transport à la demande : l’exemple de la Cité Séverine 125

Tours : auto-école et taxi social 133

Agglomération d’Amiens : Créer un « pool » de transport en direction des associations 139

La Seyne-sur-Mer : Un bus en site propre au cœur du quartier prioritaire de Berthe 145

Montpellier : Les « Micro-consultations » de la commission Montpellier au quotidien 153

Metz : enquêtes et tables rondes pour une approche qualitative des besoins de transport 157

Sites non retenus pour l’étude 164

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Introduction Depuis une dizaine d’années, on ne peut que constater le déficit de connaissances sur les besoins de déplacement au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville, les incitations répétées de l’Etat ne semblant pas avoir produit les effets escomptés. Dès le début des années 90 pourtant, la Direction des transports terrestre (DTT) et la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV) s’engageaient dans une réflexion sur la place des transports et des déplacements par rapport aux problématiques d’exclusion et d’enclavement. Un an plus tard, le rapport « transports publics et exclusion sociale » réalisé par le Conseil National des Transports sera considéré comme le premier document officiel centré sur cette problématique1. Il préconisait déjà la réalisation de diagnostics permettant de mieux connaître l’offre, la demande et les attentes en matière de déplacement dans les quartiers en politique de la ville. Entre 1993 et 2000, la DIV et la DDT appuieront ces orientations dans le cadre des instructions de l’Etat relatives aux Contrats de Ville et, par la suite, aux Grands Projet de Ville2. Par ailleurs, en 1996, le Pacte de relance pour la ville servira de cadre au lancement d’un appel à projet intitulé « transport public et intégration urbaine ». Il prévoyait un programme d’amélioration de la desserte et de la qualité des transports en commun dans les quartiers prioritaires, son cahier des charges insistant particulièrement sur la prise en compte des besoins (qualité de service, renforcement de la présence humaine, aménagement des espaces connexes…). En 1999, un programme de recherche conjoint du PUCA et du PREDIT (« Déplacements et inégalités ») proposait quant à lui de mieux comprendre les dynamiques ségrégatives liées aux évolutions des conditions de déplacement, en proposant notamment de mieux connaître ces personnes, groupes ou territoires qui restent à l’écart. C’est dans le même esprit que le rapport Sueur (ré)affirmera en 1998 le « droit à la mobilité ». La question des déplacements a donc été placée au cœur de la réflexion sur la politique de la ville, l’amélioration des conditions de vie et l’intégration urbaine ; une tendance qui devrait encore s’affirmer avec la loi Solidarité et Renouvellement Urbain, notamment porteuse d’un renforcement des liens et de la création d’une culture commune entre urbanisme et déplacement. Dans la majorité des cas pourtant, il semblerait que les projets de transport restent quelque peu à l’écart d’un principe fondamental de la politique de la ville : la participation des habitants. La longue expérience de la concertation dans les domaines de l'urbanisme et du logement ont pourtant démontré que les usagers pouvaient faire bénéficier avantageusement les projets de leur point de vue et de leurs demandes alors même que la "technicité des financements comme celle des produits" dans ce secteur n'ont rien à envier au domaine des transports.

1 D’après C. HARZO in « Mobilité des populations en difficulté : connaissance des besoins et réponses nouvelles ». Appel à projet Transports Publics et intégration urbaine. Ministère de l’Emploi et de la solidarité, DIV, DTT. 2 Le « Mémento pour la réalisation du volet déplacement dans un contrat de ville » de la DIV en 1993 ; La circulaire de la DTT relatives aux aides de l’Etat aux transports collectifs de province (1994) ; la note DIV - DTT du 4 février 2000 accompagnant les instructions relatives au volet déplacement dans les contrats de ville et les GPV.

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Cette lacune de connaissance des besoins peut être expliquée de différentes manières. Pour les uns, ce sont les outils d’investigation qui sont inadaptés. Pour les autres, c’est la démarche même qui pose problème : on postule qu’un état des lieux quantitatif de l’offre permet de diagnostiquer une « bonne desserte » en transport. Or, dans les quartiers en difficulté, la bonne desserte doit être réévaluée dans la mesure où l'appropriation du service doit être, là plus qu'ailleurs, sensible à tout dysfonctionnement. C’est en fait la culture professionnelle des décideurs du secteur des transports qui est marquée par la prééminence d’une politique de l’offre, politique encouragée par le système de la prise en charges des pertes d'exploitation par les collectivités locales. Cela signifie qu'une solution technique et organisationnelle sera appréciée en fonction d'une logique et d'une économie propres et sera ou non validée ensuite par les usagers (à cet égard nos études sur les systèmes de dessertes souples et de transports à la demande ont été édifiantes). En cas d'échec, une autre solution sera testée, pérennisant ainsi cette logique de l’offre. Cela ne veut pas dire qu'aucune réflexion n'a été menée en amont. Seulement, il apparaît que l'estimation des besoins répond, en général, à deux types d'investigations : l'étude de marché et l'étude de satisfaction ; l'une et l'autre étant conçues selon la logique de l'étude commerciale. A côté de ces considérations, une place peut être faite aux usages et aux besoins (de ceux qui sont transportés ou qui souhaiteraient l'être). Des Autorités organisatrices et des transporteurs, en lien avec les élus et techniciens locaux, ont d’ailleurs su ou pu s'émanciper du carcan du "tout technique et du tout commercial". Au reste, des alternatives ou des compléments aux systèmes de transports collectifs existent d'ores et déjà, soit d'initiative privée, soit dans un cadre expérimental, dans la sphère publique.

Les objectifs de l’étude Cette étude propose donc d’analyser les démarches de connaissance des besoins et des usages mis en œuvre par les acteurs des transports et de la politique de la ville dans les quartiers prioritaires des agglomérations françaises. Elle nourrira le point de vue territorial de l’Etat en alimentant la réflexion du thème 6 du programme "Interface Urbanisme - Déplacements" dont les objectifs sont les suivants : - identifier et analyser les méthodes utilisées dans le cadre des contrats de ville et GPV pour produire des connaissances sur les usages et besoins des populations en matière de déplacements. Quels sont les objectifs qui sous-tendent ces démarches et quels sont les acteurs qui les portent ? Quels sont les moyens mis en œuvre et les sources utilisées ? - identifier et analyser les procédures de participation des habitants mis en œuvre dans ce domaine. Quelle forme peut revêtir la participation des habitants dans les démarches de connaissance des besoins de déplacement ? Quels sont les niveaux de participation engagés et sur quels types de projet ? Quels types d’enseignement ont pu en être tirés ?

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- élaborer une synthèse des pratiques qui auront été identifiées comme les plus fécondes et pertinentes afin d’en dégager des éléments de réflexion à destination des acteurs concernés.

Méthodologie A cette fin, la démarche entreprise s’est articulée en trois phases complémentaires, répondant à trois méthodes distinctes : Une première phase a consisté à élaborer un "corpus" d'expériences qui seront abordées selon la méthode de l'évaluation qualitative (c'est-à-dire associant l'examen des objectifs et des résultats obtenus à celui du processus de mise en œuvre et de l'impact de l'action entreprise). Une quarantaine de sites a été testé par entretien téléphonique auprès d’une ou plusieurs personnes ressources, la diversité des expériences ainsi que la qualité de la démarche (du diagnostic des besoins à la concertation) guidant notre choix. Cette diversité a concerné autant les contextes que les formules elles-mêmes et à ce titre, nous avons veillé à ce que le plus grand nombre d'initiatives soient représentées : la création ou l’amélioration des dessertes (bus, tramway…) mais aussi les réflexions plus générale sur le désenclavement, l’amélioration de la qualité du service, des expérimentations du type transport à la demande, formation à la conduite, etc… Les seize expériences jugées les plus pertinentes ont été retenues afin de tracer les grandes lignes du projet et son intérêt vis-à-vis de l'étude : c'est-à-dire en terme de méthode de connaissance des besoins, des usages et/ou de participation des habitants. Deux ou trois entretiens de cadrage ont été réalisés avec les parties prenantes de ces expériences, des transporteurs comme des acteurs de la politique de la ville. Ce matériau, complété par des sources documentaires, nourrira une analyse présentée sous la forme de monographies que l’on pourra consulter en annexe de la présente étude. La seconde phase de notre démarche est constituée de deux volets complémentaires : Le premier volet a été consacré au développement de la première approche et a donné lieu à un approfondissement des questions évoquées lors de la première phase mais, cette fois-ci, sur les 8 cas les plus intéressants. Le panel des personnes interrogées a alors été élargi à d’autres acteurs, lesquels ont été choisis parmi les intervenants sociaux, les élus, mais aussi des responsables d'entreprises locales ou des commerçants. Le second volet a consisté à rencontrer un échantillon du public visé par les 8 expériences retenues : les habitants d’un quartier prioritaire, leurs représentants associatifs, les usagers d’une ligne de transport, les bénéficiaires d’une action… L’objectif des entretiens menés n’a pas été l’évaluation mais plutôt le recueil qualitatif du point de vue de l’intéressé : son ressenti par rapport à la méthode dont il a fait l’objet et, éventuellement, vis-à-vis du projet réalisé. L’information collectée a ensuite

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été analysée, permettant ainsi de dégager des spécificités et des récurrences en fonction des méthodes mises en œuvre. La troisième phase de notre travail a consisté à reprendre les informations collectées lors des deux premières phases afin d’établir une synthèse des méthodes de connaissance des besoins et de participation des habitants dans le domaine des transports. Une typologie des objectifs, des procès mis en œuvre et des démarches de concertation nous a permis de mettre clairement en exergue les pratiques le plus fécondes et les plus pertinentes. C’est sur la base de ce constat que s’est construite la conclusion de notre étude : l’élaboration de correspondances entre les objectifs sous-tendant l’expérimentation et les démarches de connaissance mises en œuvre. Présentées sous forme de tableau, elles permettront une lecture dynamique et ciblée des monographies réalisées. Les quelques préconisations dégagées ont été formulées à l’attention des acteurs locaux souhaitant mettre en œuvre des initiatives innovantes dans le domaine des transports. Nous avons en effet préféré la démarche de la « recommandation » à celle du « guide méthodologique », outil trop directif et dans le cas présent inadapté à la diversité des contextes dans lesquels s’inscrivent les expériences analysées.

Présentation de l’étude Pour une meilleure lisibilité de l’étude, nous présenterons d’abord la synthèse des méthodes de connaissance des besoins et de participation des habitants dans le domaine des transports. Celle-ci a été réalisée sur la base des 16 expériences analysées, consultables en annexe sous forme de monographies et ne peut donc se comprendre que comme telle. Si notre positionnement de départ était quelque peu différent, nous avons constaté au fil de l’étude que les démarches de connaissance des besoins ne pouvaient être appréhendées qu’en fonction des objectifs qui les ont suscités et, dans une certaine mesure, du contexte dans lequel elles s’inscrivent. Les projets envisagés et/ou les objectifs de départ vont donc, dans la majorité des cas, engendrer des démarches spécifiques. Dans un premier temps, nous réaliserons une typologie des objectifs qui sous-tendent les démarches de connaissance des besoins et des usages en matière de transport. Nous esquisserons ensuite une typologie des enchaînements de méthode identifiés dans les expériences analysées.

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Au sein de chacun de ces enchaînements de méthode, nous avons pu individualiser des démarches de « concertation »3 que nous proposons d’analyser dans une troisième partie. Cette analyse successive nous permettra de conclure, sous forme d’un tableau de synthèse, sur les liens existants entre les objectifs qui sous tendent les expérimentations et les enchaînements de méthode identifiés. Nous présenterons également quelques réflexions plus globales à destination des acteurs concernés, notamment par rapport au poids du contexte dans les démarches mises en œuvre.

3 Le terme « concertation » est employé dans un acception générique que nous préciserons en préambule de la troisième partie.

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1. Les objectifs qui sous-tendent les démarches de connaissance des besoins et des usages Si les expériences analysées ont toutes comme objectif intermédiaire ou comme finalité la connaissance des besoins et/ou des usages, leur diversité rend complexe une appréhension globale. Ainsi, on doit d’abord esquisser une typologie des objectifs identifiés sur les différents sites, typologie qui nous permettra in fine d’associer objectifs et démarches mises en place. On peut regrouper les objectifs qui présidaient aux différentes expériences analysées en quatre catégories bien distinctes : Les objectifs techniques Les objectifs d’amélioration de la qualité de service Les objectifs de connaissance générale Les objectifs politiques et de légitimation des instances de démocratie locale

1.1 Les objectifs techniques Il s’agit principalement d’objectifs et de projets portés par les transporteurs et les autorités organisatrices de transport en commun. Existent donc des visées opérationnelles qui peuvent être soit l’amélioration ou la restructuration d’un réseau de transport, soit la création d’une offre nouvelle à destination des quartiers prioritaires. L’adaptation de l’offre à la demande de transport pouvant être, en tant qu’objectif affiché, une sous-catégorie à part entière. Sur l’agglomération bordelaise par exemple, les consultations d’habitants réalisées ont été circonscrites aux sites où existait une volonté politique d’amélioration et de restructuration de l’offre de transport en commun. A Pessac, le transporteur avait notamment pour objectif l’optimisation des dessertes inter-quartiers et de l’accessibilités au centre communal. A Mulhouse, l’objectif était la création d’un « tram-train », et donc d’une offre nouvelle, afin de renforcer l’attractivité des transports publics, de réduire la place de l’automobile et d’améliorer la qualité de vie des habitants. C’est ce projet de grande envergure qui va nécessiter la mise en place d’une démarche de concertation dans le quartier des Coteaux. A Tours, une monitrice d’auto-école va identifier, grâce à son expérience personnelle, des besoins de mobilité non satisfaits. L’objectif est donc de créer une offre nouvelle, en proposant à des personnes exclues des circuits classiques de passer le permis de conduire, mais aussi en mettant en place un système de transport à la demande (un taxi social).

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1.2 Les objectifs d’amélioration de la qualité de service On peut regrouper dans cette catégorie les objectifs qualitatifs qui participent de l’amélioration de la qualité du service de transport proposé. On souhaite ici renforcer l’image du transporteur, l’attractivité du service, diminuer le sentiment d’insécurité, améliorer la communication ou encore la présence sur le quartier. Ainsi, à Corbeil-Essonnes, les transports en commun font l’objet d’un partenariat qui s’organise autour du Contrat Local de Sécurité. Pour le transporteur, il s’agit de « renouer un dialogue » avec les habitants des quartiers difficiles qu’il dessert. La connaissance des besoins ne peut donc être dissociée de l’amélioration des relations avec l’usager. Dans le même esprit, la RATP a souhaité mettre en place une nouvelle stratégie de communication afin de sensibiliser la clientèle au phénomène d’indifférence et de violence. Ce sont ces objectifs qui produiront ultérieurement des démarches de connaissance des besoins sur des lignes de transport ciblées.

1.3 les objectifs de connaissance générale On entend par là que la connaissance des besoins de déplacement est en elle-même l’objectif (« la connaissance pour la connaissance »). Elle n’a pas, à priori, de visée opérationnelle directe (ou du moins pas à moyen terme), elle n’est pas l’étape préalable à une action ou à la réalisation d’un projet. Par exemple, à Marseille, des chercheurs ont souhaité faire se rencontrer des habitants des quartiers Nord, des techniciens et des élus afin de travailler sur la problématique des déplacements, cela sans qu’un projet ne soit à l’étude ou une programmation arrêtée. L’objectif était une meilleure connaissance des logiques et des attentes mutuelles. Dans un registre un peu différent, à Lille, l’observatoire des attentes et des comportements répondra d’abord à des objectifs de connaissance des besoins et d’analyse de la situation, même s’il constituera un outil d’aide à la décision lorsque des projets se feront jour.

1.4 Les objectifs politiques et de légitimation des instances de démocratie locale.

Cette dernière « famille » d’objectifs est un peu particulière dans la mesure où les objectifs de démocratie locale et de représentativité sont implicites dans bon nombre d’expériences. Néanmoins, certaines démarches les mettent plus spécifiquement en avant. C’est le cas de Montpellier, où la consultation des riverains sur des aménagements de proximité répond à un souci de représentativité locale et de renforcement du dialogue entre habitants et décideurs.

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De même, à Orléans, les ateliers transport ont été fortement encadrés par le conseil consultatif du quartier de la Source, une instance de démocratie locale mise en place par la Ville. Les objectifs de représentativité étaient donc fortement présents. Les démarches de connaissance des besoins et des usages en matière de déplacement répondent majoritairement aux deux premières catégories d’objectifs dans la mesure où la lourdeur du processus exige que des actions soient ensuite mises en œuvre, qu’il s’agisse d’une amélioration de l’offre de transport ou de la qualité de service. La connaissance des besoins et la participation sans visée opérationnelle directe ne semble pouvoir se faire que lorsqu’il existe une volonté politique forte ou lorsque des subventions sont allouées. En ce sens, l’appel à projet de la DIV « transport public et intégration urbaine » a rendu possible bon nombre de démarches, ce qui fait dire au transporteur stéphanois : « s’il n’y avait pas eu ces financements, on n’aurait pas mis en place une telle étude… C’est un luxe qu’on s’est permis ».

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2. Méthodes, outils et enchaînements possibles Après avoir repris les objectifs qui sous-tendent les différentes expériences étudiées, nous présentons ici une typologie des méthodes et des outils utilisées par les différents porteurs de projets, dans le cadre de la concertation des habitants4. Sans prétendre tout dire sur les expériences mises en place, nous pouvons noter que l’ensemble des démarches se rapporte à un enchaînement de méthodes plus ou moins lisible selon les cas : le diagnostic - évaluation, la recherche - action, le marketing de proximité les démarches de concertation institutionnelles avec les habitants

Dans un premier temps, l’ensemble de ces démarches s’attache à la découverte ou au repérage d’un site, d’un public (habitants, usagers) et à la capitalisation de données qualitatives et quantitatives. Dans un deuxième temps, le corpus disponible sert à l’analyse de la situation. Enfin, selon les objectifs de la démarche (techniques, politiques commerciaux, …), le processus se conclut – pour certaines expériences - sur des scénarii, des pistes d’action à valider par les acteurs compétents. Nous présenterons donc les quatre grands enchaînements de méthodes en les illustrant par deux à trois expériences, afin de ne pas limiter l’analyse à la seule typologie.

2.1 Le diagnostic – évaluation : l’exemple de démarche itérative et interactive

Le diagnostic et l’évaluation ne sont pas des méthodes spécifiques à la démarche itérative et interactive. D’autres démarches de ce type pourraient être incorporées à cette typologie tant les méthodes se rapprochent les unes des autres. Nous remarquons simplement que la démarche itérative et interactive permet de constituer dans un premier temps un diagnostic qualitatif et quantitatif sur la connaissance des besoins de déplacements, et qu’elle comprend par la suite une véritable évaluation du dispositif ou du projet à mettre en œuvre en ce sens que les

4 Rappelons brièvement les objectifs inscrits dans la note méthodologique produite par la FORS en Avril 2002 : « l’étude visera à identifier et analyser les méthodes utilisées dans le cadre des Contrats de Ville et les GPV pour produire des connaissances sur les usages et les besoins en matière de déplacements, mais aussi à mettre à jour les procédures de concertation des habitants pour ce qui concerne toutes les attentes connexes aux déplacements (signalétique, information, abris, sites propres, inter-modalités,… »

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scenarii proposés sont discutés par le comité de pilotage et par plusieurs panels d’habitants constitués en atelier.

Le principe

L’enquête itérative La démarche initiée par le bureau d’études associe le comité de pilotage, le comité technique et les habitants dans la formulation du projet. Elle consiste à identifier et sérier l’ensemble des pratiques de déplacements et éléments contextuels pour dégager des pistes d’action : « Ce premier volet d’enquête est qualifié d’itératif, car il repose sur une série d’échanges entre d’une part des personnes ou groupes ressource relayant la population, d’autre part d’un comité de pilotage (représentants de l’exploitation, de l’autorité organisatrice, de la collectivité locale…). Ces échanges sont régulés par un troisième partenaire : le bureau d’études. »5

L’enquête interactive La deuxième phase tend à recueillir les réactions des participants sur la présentation des scénarios, la technique visant à produire une simulation pour tester la validité des scénarios élaborés : « il s’agit à travers ce dispositif, de résoudre l’un des problèmes classiques de sondage d’opinion : le côté artificiel, imprécis et peu impliquant des réponses des interviewés. Dans une enquête d’opinion classique, les enquêtés ont un rôle plus passif face à l’enquêteur (choisir une option parmi une série d’items préformatés). L’enquête interactive replace l’enquêté dans un jeu, dans lequel il s’implique »6.

5 « Mobilité des populations en difficultés : connaissance des besoins et réponses nouvelles », appel à projets transports publics en intégration urbaine, DTT-DIV-Ministère de l’emploi et de la solidarité, Document de Synthèse, mars - octobre 1998. 6 Idem.

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20 Certu - Février 2004

La méthodologie proposée

Val de Seine

Orléans

Etat des lieux, diagnostic général Identification des besoins de

déplacements, diagnostic quantitatif Analyse des pratiques de

déplacements, diagnostic qualitatif Conception et validation des

scénarii, par entretiens aves les techniciens de la maîtrise d’ouvrage

Enquête interactive : le recueil des réactions des habitants

Un module de connaissance des besoins de mobilité en trois temps : Cadrage général, monographie de

quartiers et constitution d’une typologie par zones

Etude de mobilité, enquête téléphonique de 2 400 personnes

Sondage réalisé sur un échantillon représentatif d’habitants

Un module spécifique au quartier sensible : - Entretien avec des acteurs sociaux,

étude qualitative - Hiérarchisation de la demande avec le

bureau d’étude et le comité de pilotage - Présentation de scénarii aux habitants,

recueil et analyse des réactions

Problèmes soulevés et innovation de la démarche La DIV et la DTT se sont engagés depuis le début des années 90 dans la capitalisation de la connaissance des besoins de déplacements. La méthode « itérative - interactive » a été déceloppée pendant cette période. Certaines agglomérations, entre autres celles de Saint-Étienne, du Val de Seine, d’Evry ou d’Orléans se sont saisies de l’appel d’offre DIV – DTT et des subventions correspondantes pour améliorer la connaissance des besoins de déplacements dans les quartiers inscrits en politique de la ville. On observera que la méthode « itérative - interactive » a été appliquée pour des projets similaires (généralement amélioration de la desserte bus) mais dans des contextes assez différents, ce qui donne au projet sa spécificité : amélioration de la desserte bus et des fréquences en soirée sur le Val de Seine, reconfiguration des lignes de bus dans les quartiers sensibles au regard de l’arrivée du tramway dans le quartier de La Source à Orléans, création d’une navette de rabattement pour une meilleure accessibilité sur la cité Séverine à Saint-Étienne.

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Il est intéressant de noter que cette démarche aboutit généralement aux mêmes conclusions, ce qui permet de proposer une première typologie :

La tarification sociale, L’amélioration de la desserte et de l’accessibilité dans le quartier, L’amélioration des fréquences et des horaires, La « réhumanisation » des services de transports en commun.

Ce qui ressort in fine de ce processus, c’est qu’il permet d’intégrer l’ensemble des contraintes techniques et sociales dans le montage de projet. En s’appuyant d’une part sur une double approche – qualitative et quantitative – cette démarche répond assez précisément aux problèmes de mobilités qui se posent sur un territoire particulier. Elle permet notamment par son caractère itératif de connaître l’état des besoins de déplacements sur plusieurs quartiers, ce qui permet d’obtenir une réflexion intéressante sur les déplacements des habitants des quartiers sensibles à l’échelle d’une agglomération. D’autre part, les panels sont représentatifs de la composition sociale des quartiers étudiés : le caractère interactif permet d’effectuer de véritables simulations de projet. Le volet interactif engagé avec les habitants est notamment assez attractif notamment pour les maîtres d’ouvrage qui éprouvent des difficultés réelles à mobiliser les habitants des quartiers en difficulté, comme dans le Val de Seine. Cette démarche globale permet donc :

d’obtenir une connaissance précise de la demande par quartier et, si besoin est, de l’articuler à l’échelle de l’agglomération

d’obtenir une simulation sur de nouveaux comportements de mobilités, et d’articuler différents projets de transport

Cette démarche pose cependant un problème de pérennisation de l’expérience pour les opérateurs de transport qui évoquent la difficulté de renouveler les expérimentations. Par exemple, les crédits de fonctionnement sont liés à une volonté politique à Saint-Étienne, ce qui ne permet pas toujours de renouveler la démarche de connaissance des besoins.

2.2 La méthode de recherche-action : l’exemple du transport à la demande

Les projets présentés dans le cadre de recherches – actions répondent souvent à des besoins non couverts par les transports en commun. Sur un bassin d’habitat situé en périphérie, les systèmes de desserte adoptés par les transporteurs restent souvent liés aux générateurs de trafics (centres commerciaux, centre historique,…) et aux gares (routières et ferroviaires) ; elles répondent peu souvent aux déplacements particuliers (la demande étant beaucoup trop faible). Se pose ainsi la question des systèmes de transport alternatifs du type transport à la demande.

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Le transport à la demande mis en service par l’association AAE, installée à Draveil en Essonne, répond notamment à ces besoins de mobilité non satisfaits, qu’ils soient exprimés en termes de fréquences, de dessertes et d’horaires : cette association rencontrait quotidiennement – avant le montage de son projet de service de transport en compte propre – des difficultés liés aux déplacements des actifs dont elle gère le parcours d’insertion professionnelle. En effet, une mission dure en moyenne deux heures chez un client, et le déficit de transport en desserte fine pose un problème de cumul de missions dans la journée, principalement en heure creuse. Dans le cadre du projet de taxi social mis en place par « Mobilité 37 » à Tours, on retrouve le même type de problématique, avec une spécificité liée à la formation des personnes à la conduite pour recouvrir une autonomie de déplacement et à terme, un emploi. Aux périphéries rurales de l’agglomération tourangelle, des personnes à faibles revenus, à l’écart des transports en commun, se retrouvent captives de leur territoire. C’est cette population que « Mobilité 37 » se propose d’aider avec la mise en place d’un taxi social gratuit, les personnes en conduite accompagnée jouant le rôle de chauffeur.

Le principe Le principe est ici celui de l’expérimentation d’une démarche sachant que les porteurs du projet constatent de manière empirique des carences dans les services collectifs de transport. Ces porteurs de projet font appel à des partenariats publics et privés, à des relais pour lancer et soutenir leur projet. Ces expérimentations se rapprochent des démarches de recherches actions dans le sens où les porteurs de projets cherchent - après avoir observé les carences d’un service de transport - à imaginer les moyens techniques, financiers nécessaires à la mise en place du projet.

La méthodologie proposée Si l’on considère qu’aucun dispositif de réponse n’est prévu pour le problème posé, on notera que l’expérimentation des démarches se déroule globalement selon les trois phases suivantes : observation, faisabilité du projet, développement de phases tests.

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L’association A.A.E. - Draveil

Mobilité 37 - Tours

Enquête par publipostage auprès des salariés en insertion de l’association

Réalisation d’une phase de tests Évaluation d’une faisabilité d’un

service à la demande, vérification de l’hypothèse sur les demandes

Recherche de partenariat technique et montage juridique et financier

Observation issue d’une expérience personnelle (monitrice d’auto-école)

Sollicitation d’un partenariat financier et technique auprès du Conseil général d’Indre-et-Loire

Validation du Conseil Général Partenariats avec les travailleurs sociaux

du département (ANPE, établissements pénitentiaires…) qui vont repérer et orienter le public potentiel

Problèmes soulevés et innovation de la démarche Les spécificités de la démarche sont identifiées comme suit : Pallier les carences des circuits classiques qui ne permettent pas, ou du moins

pas encore, de répondre aux besoins identifiés par la personne ou la structure porteuse. Rappelons qu’une demande de transport trop faible est à la base du lancement des expériences. Ces démarches ne s’inscrivent pas dans un cadre concurrentiel, les opérateurs de transport classiques étant - dans le cas de Draveil – informés de la démarche.

Mobiliser divers acteurs autour du projet, développer des partenariats et

communiquer sur la démarche : l’exemple de Tours montre que cette démarche s’appuie sur les relais des travailleurs sociaux de secteur. Cet appui se révèle indispensable pour mettre en œuvre la démarche. L’expérimentation de Draveil souligne aussi la nécessité de développer du partenariat : sollicitation de crédits auprès d’organismes privés, capitalisation de la démarche par l’institut de la ville en mouvement pour intégrer ces réflexions à une démarche universitaire… A terme, le porteur de l’expérience pourra, comme Mobilité 37 le fait actuellement, la diffuser auprès de structures souhaitant la reproduire.

L’auto-école sociale et le transport à la demande permettent de répondre à des

besoins géographiquement dispersés de personnes en difficulté. Le public pris en compte n’est donc pas, comme dans la plupart des expériences capitalisées, l’usager d’une ligne de transport en commun ou l’habitant d’un quartier prioritaire. L’expérimentation est donc liée à des problèmes tout à fait spécifiques est adaptée à la démarche de recherche - actions.

Ce type d’expérimentation pose toutefois deux types de problème : Le développement ou la pérennisation de la démarche, qui repose sur une

structure associative et donc sur le renouvellement de subventions, au reste pas

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toujours en adéquation avec le volume d’activité que nécessiterait le service proposé. Le taxi social de Mobilité 37 fonctionne exclusivement sur des subventions publiques. Selon les dires de la responsable de l’association, l’insuffisance des crédits ne permet pas de répondre au volume des demandes de formation au permis de conduire. Il s’agit là du frein principal identifié pour un développement de la structure. Dans le cas de Draveil, une interrogation subsiste sur le volet fonctionnement du service : une analyse financière du dispositif devrait être mis en œuvre à la fin de l’année 2002.

Si ce type de démarche permet de répondre à un besoin de mobilité spécifique,

nous pouvons tout de même nous interroger sur la garantie d’efficacité du service. Dans ce cadre, comment se positionnent les partenaires de la démarche en l’absence de dispositifs évaluatifs formels ? On soulignera donc que des étapes supplémentaires doivent probablement être initiées pour consolider la démarche.

2.3 Des méthodes de marketing à la communication de proximité

Les objectifs rapportés aux démarches de communication et de marketing de proximité ont trait à l’amélioration de services de transport. Les opérateurs sont aujourd’hui confrontés à de multiples enjeux sociétaux, avec notamment le développement des phénomènes de violence et de comportements d’incivilité. L’amélioration de l’image des transports collectifs est en jeu dans un certain nombre de métropoles françaises. Se pose ici la question de l’attractivité des transports en commun, mais aussi du rôle des transporteurs dans les quartiers en difficulté. Comment éviter la fraude et maintenir un service public sur un vaste territoire - souvent éclaté - tout en gardant un réseau de transport attractif ? Il s’agit d’une question sensible dont se sont notamment préoccupés les opérateurs TRANSPOLE sur l’agglomération lilloise, la RATP ou encore TICE et STA en région parisienne. La communication n’est pas un simple moyen employé par les transporteurs pour mailler les territoires, rendre accessible les quartiers sensibles, et finalement imposer la reconnaissance d’une mission de service public aux usagers de transport. Pour la RATP, l’expérience démarre suite à un vaste plan de communication dans le cadre d’une journée d’action et de lutte contre la violence et aboutit aux ateliers d’initiatives organisés sur la ligne A ou sur certaines lignes de bus. Pour TRANSPOLE, la question se pose dans la phase de réalisation du métro sur l’agglomération Lilloise. Enfin, STA et TICE suivent – en partenariat et depuis longtemps – la politique de prévention initiée dans le cadre du CLS et s’inscrivent au quotidien dans divers dispositifs de la lutte contre la violence et le développement de la délinquance. Aller plus loin dans les démarches de reconnaissance du service de transport supposait de mettre en place, après nombre d’études sur les quartiers en difficulté et d’enquêtes de déplacements, des procédures plus adaptées. Des ateliers de parole, des groupes de travail, voir des événements, ont ainsi été organisés entre opérateurs de transport et usagers (habitants) de quartiers inscrits en Politique de la Ville.

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Le principe Le principe de ces expériences (ateliers d’initiatives, de qualification mutuelle ou micro événement) réside dans la reconnaissance des diverses parties prenantes. Rappelons que le principe de ces démarches « visent à décloisonner les approches, à favoriser l’écoute mutuelle et à créer une dynamique constructive entre acteurs locaux, voyageurs agents et experts »7. Suivant diverses étapes, les opérateurs ont identifié des panels d’usagers, des publics cibles en attente d’amélioration de service, ou dérangeant le fonctionnement du service, pour évoquer avec des spécialistes, des élus, des techniciens les contours d’un plan d’actions ou d’un événement sur les territoires concernés. Le recueil des attentes et les débats consacrés vont de pair avec la pédagogie de projet, le public devant également prendre conscience des contraintes du transporteur. On notera dans ce cadre que la représentativité n’est pas un objectif méthodologique. Bien au contraire, les opérateurs de transport souhaitent toucher des cibles en évitant les écueils de type « on voit toujours les mêmes » ou encore « on ne voulait pas de leaders ou trop de représentants d’association, il nous fallait des personnes en contacts avec les services », comme le précise le directeur de STA. Les représentants de la RATP pour ligne A du RER ont aussi sollicité les services jeunesse des communes du secteur, ainsi que les travailleurs sociaux pour travailler avec des jeunes à l’élaboration d’un plan d’action. Ces ateliers, loin de se confiner à un simple exercice de communication, s’ouvrent à un public profane, à la fois pour identifier les besoins liés aux déplacements et concevoir des objectifs opérationnels pour une bonne adaptation des services à l’usager.

7 « Fiche d’analyse d’expérience », Document de travail 2001, Jean-Marc Bernardini. Cet article est disponible sur le site de la délégation interministérielle à la ville, dans les archives de E-Ville.

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La méthodologie proposée La RATP – Ligne A du

RER (Ateliers d’Initiatives)

Transpole – Lille (Rencontres Spectacles)

Tice – STA – Corbeil-Essonnes

(Ateliers de qualification mutuelle)

Constitution de panels d’usagers

Formation et information des voyageurs sélectionnés : rencontres entre experts, usagers, représentants locaux et représentants de la RATP

Élaboration d’un plan d’actions

Constitution d’un panel d’habitants et organisation d’ateliers de quartier

Diagnostic des attentes des habitants et élaboration de 5 ou 6 thèmes concernant les attentes des habitants

Organisation d’un micro événement pour informer sur les contraintes du transporteur et sur les règles à observer dans les transports pour échanger les points de vue entre transporteur et habitants

Élaboration de cibles de publics (habitants de quartiers, lycéens…) selon les problèmes opérationnels rencontrés

Mise en place des ateliers en trois temps : -Une phase d’affrontement entre transporteurs et habitants - Une phase de découverte mutuelle - Une phase de proposition

Problèmes soulevés et innovation de la démarche Les spécificités des démarches présentées : Nous observerons en premier lieu que les démarches ne sont pas similaires en tout point : Sur les outils : certains opérateurs mettent en place des ateliers, d’autres

organisent des micro-événements, Sur la finalité des démarches : l’approche marketing de la RATP vise un objectif

pré-opérationnel, ce qui n’est pas le cas dans le cadre des « rencontres spectacles » organisées par TRANSPOLE. La RATP met en place un plan d’actions avec les jeunes posant problèmes sur certaines stations du RER, STA et TICE « réhumanisent » leur réseau (en mettant en place des agents d’ambiance dans les gares et dans les bus…) et en améliorant l’accessibilité des quartiers en difficulté (en mettant en place des navettes inter-quartiers…). Les réflexions, au terme des démarches menées par l’opérateur TRANSPOLE, débouchent sur le montage d’un observatoire des comportements, outils d’aide à la décision visant une meilleure prise en compte des modes et des comportements des usagers.

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Sur les partenariats : Ce genre de démarche peut être partenarial (STA / TICE) comme ne pas l’être (RATP / TRANSPOLE). Ainsi, un représentant de TRANSPOLE rappelle qu’une démarche partenariale n’est pas encore possible à Lille : l’enjeu lié à la reproduction des rencontres spectacles est aujourd’hui d’organiser l’événement en coproduction avec les différents partenaires de la ville, car ce type de prestation est assez coûteux pour être supporté par l’opérateur de transport. Cela pose la question cruciale de la participation des services publics à ce type de démarche (saisir une demande locale spécifique). La mobilisation des partenaires – notamment autour de la question du transport - est en revanche l’une des spécificités identifiée à Corbeil-Essonnes.

La convergence des démarches retenues réside simplement dans la façon d’aborder les problèmes : il s’agit en quelque sorte d’une approche segmentée. Il existe dans la mise en place de ces méthodes des choix opérés en termes de public (dans les cas de TICE, STA, RATP) ou de site (montage de l’événement « rencontres – spectacles » dans tel ou tel quartier pour TRANSPOLE…). Il est important de signaler que ces démarches ne sont pas lancées sans une certaine expérience et des acquis en terme de connaissance des besoins de mobilités. Ces démarches peuvent être lancées au terme d’études et enquêtes de mobilité dans le cas de TRANSPOLE, de TICE ou de STA. Les limites identifiées : le financement et la pérennité de la démarche L’une des limites communes à l’ensemble des démarches reste le financement. Celui-ci est assuré par les opérateurs de transport qui jugent les démarches trop coûteuses (le coût du consultant qui pilote la démarche pour la RATP, le coût d’organisation de l’événement pour TRANSPOLE). La question du financement appelle celle de la pérennisation de la démarche. Les contraintes de reproduction des démarches des opérateurs de transport sont ici différentes : TRANSDEV souhaite partager le coût d’organisation d’un événement comme les « rencontres spectacles ». La diversité même des financements est aussi source d’obstacles pour les transporteurs d’Evry et de Corbeil-Essonnes qui notent : « Pour mettre en œuvre une offre de service, c’est la pêche à la ligne budgétaire, ça s’installe dans le temps et c’est usant... Nous n’avons pas d’interlocuteur unique, par exemple, la tarification sociale, c’est le PREDIT… et souvent, les actions proposées ne répondent pas aux lignes budgétaires. Il faut trouver des systèmes contractuels pour éviter les phénomènes de rupture ». Il s’agit ici d’une contrainte externe. La reproduction d’événements est liée au coût de la démarche comme l’évoque le représentant de TRANSPOLE. Une représentante de la RATP précise en outre que les ateliers d’initiatives ne peuvent être mis en place qu’avec des responsables opérationnels « solides ». En effet, le remplacement d’un responsable pose le risque de l’abandon de la démarche. Il s’agit ici d’une contrainte interne.

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2.4 Les démarches institutionnelles de concertation d’habitants

Comme nous avons pu le rappeler lors du dernier comité de pilotage, les démarches de concertation ne sont pas en soi une nouveauté. Depuis vingt-cinq ans environ, les bailleurs sociaux effectuent des démarches de concertation visant la satisfaction des besoins en matière d’habitat. Aujourd’hui, les opérateurs de transport s’ouvrent de plus en plus aux techniques d’études, de concertation, de communication, et ce tout spécialement depuis le lancement de l’appel d’offres « Transports publics et intégration urbaine ». Pour autant, les démarches de concertation élaborées entre les acteurs institutionnels et les habitants ne sont pas absentes des quartiers sensibles, que le but soit de traiter des problèmes quotidiens de circulation et de déplacements (le quartier de Borny à Metz) ou de participer à une dynamique de projet concernant les transports en commun (le quartier de Berthe à la Seyne-sur-Mer). Dans la majorité des cas, c’est l’instance de démocratie locale - le conseil de quartier - qui est mobilisée (Orléans, Mulhouse). Le maître d’œuvre de l’étude peut toutefois créer une instance ad hoc de concertation. C’est le cas à Marseille mais aussi à Bordeaux, ou l’agence d’urbanisme va mettre en place des « ateliers - rencontre » dans les locaux d’un centre social des Haut-de-Garonne. De manière générale, c’est autour d’ateliers que les habitants échangent leurs points de vue et participent à l’élaboration de projets.

Le principe Suivant l’objectif politique, nous dirons qu’il s’agit ici de légitimer un projet de quartier (désenclavement, schéma de piste cyclable) ou de mobiliser les habitants autour d’un projet de transport. Avancer collectivement est un objectif politique, qui s’accompagne dans les cas présentés ci-dessous d’une véritable pédagogie de projet. Ainsi, des voyages ont été organisés par la mairie de Mulhouse pour que les habitants prennent connaissance des réalisations potentielles de tramway, de son insertion dans le tissu urbain, ou encore des réalisations d’espaces publics jouxtant ce type de projet. Dans le cas Marseillais, c’est une mise à niveau qui est effectuée au cours des différents ateliers. Le principe de cette démarche est aussi dialectique : l’idée n’est pas de recevoir une adhésion totale au projet des habitants d’un quartier, mais de consulter l’habitant pour produire du débat - voir dans certains cas de le faire participer à une démarche de projet.

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La méthodologie proposée

Conseil de quartier d’Orléans

(Atelier transport de la Source)

Conseil de quartier - Mulhouse

(Atelier Desserte Tramway des Coteaux)

CERFISE/ AGAME - Marseille

(Ateliers de coproduction sur les déplacements dans

les quartiers Nord) Élaboration des ateliers

thématiques et des modes d’expérimentation

Organisation des ateliers en trois phases : repérage, compte rendu et débats et proposition de scénarios – les habitants restent en contacts avec les élus et les techniciens

Discussion en assemblée plénière

Validation du Conseil de quartier de la Source

Validation de la Mairie Validation de la

Communauté de commune

Élaboration des ateliers thématiques et des modes d’expérimentation

Deux visites de site organisées : Strasbourg et Fribourg pour constater les effets des transformations urbaines d’un TCSP de type tramway

Constitution d’un plan de travail par sous-groupes

Élaboration de scénarii Validation du Conseil de

Quartier Prise en compte de la

démarche par l’autorité organisatrice sur l’agglomération (SITRAM)

Réunion d’information et de cadrage des ateliers : élaboration des thématiques et modes d’expérimentation

Mise à niveau puis échanges entre les parties prenantes (habitants, techniciens, élus) lors des 10 réunions animées par un bureau d’études

« Déambulations » suivant l’organisation des séances plénières.

Capitalisation par compte rendu des échanges et ébauche d’un projet d’abribus par les habitants

Problèmes soulevés et innovation de la démarche Lorsqu’elle réussit à s’affranchir du caractère formel de la réunion classique, ce type de démarche semble le plus adapté pour faire dialoguer ensemble habitants, élus et techniciens, faire prendre conscience à chacun des contraintes et des attentes d’autrui et ainsi optimiser les apports mutuels. Existent cependant des difficultés relatives à la représentation des habitants, les procédures de concertation mises en place nécessitant un investissement non négligeable. A Mulhouse par exemple, certains quartiers comme les Coteaux, mieux structurés (tissu associatif, initiatives locales de type journaux locaux,…), se prêtent plus aisément à l’exercice de participation des habitants que d’autres territoires en GPV. A Creil, la représentation des habitants s’est fait par le biais d’une association fédérant de nombreux habitants. A Marseille, le CERFISE, avait choisi de contourner le problème en posant comme principe de départ la participation :

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« on a évacué la question de la représentativité des habitants car, comme pour les élus, c’est toujours impossible. On attendait autre chose (…) Leurs pratiques et leurs expériences ». Sur le quartier de la Source à Orléans, les instances municipales et le GIP tentent de répondre au problème en instaurant le principe d’une représentation « par cage d’escalier » au Conseil de quartier. Des habitants relais sont sollicités sur l’ensemble des cages d’escaliers du quartier. La lourdeur des dispositifs mis en place est du reste fréquemment évoquée, bien entendu dans le cadre et au sein des instances du Conseil de quartier, mais aussi lorsque l’on choisit de ne pas s’appuyer sur une structure existante. L’Agence d’urbanisme de Bordeaux en a fait l’expérience : « On a organisé des réunions dans le centre social où personne ne venait (…) Ça marchait mieux quand on arrivait dans des groupes déjà constitués comme les ateliers cuisine ou les cours d’alphabétisation ». À Marseille, le représentant du Grand Projet Urbain se souvient de l’important travail pédagogique fourni : « Les habitants c’est bien, mais ça suppose un gros travail d’information de base (…) Il fallait leur expliquer comment la RTM fonctionnait, qui gérait les arrêts de bus. Il fallait montrer que les problèmes de bus dépassaient le cadre du GPU et concernaient toute la ville de Marseille (…) On devait leur faire comprendre que ça n’était pas là que la décision se prendrait ». La constitution d’ateliers, de groupes de travail exige donc un important travail de mise à niveau des parties prenantes et d’encadrement du débat, pour éviter notamment que l’atelier ne devienne une tribune (pour l’élu comme pour le représentant associatif). Enfin, l’inadéquation entre les besoins exprimés par les habitants – qui relèvent essentiellement du temps et des contraintes quotidiennes – et le temps du projet (lourdeur des dispositifs et des choix successifs, validations des acquis à divers niveaux de décision, montage opérationnel…) est remarquable sur l’ensemble des démarches évoquées. A Creil, le maître d’œuvre du GPV l’évoque en demi-teinte, en développant les vertus pédagogiques de la démarche initiée : il s’agit ici de leur « expliquer » les enjeux de l’étude et les démarches lancées dans ce cadre, « la difficulté étant de faire comprendre aux habitants la lenteur du processus d’études ».

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3. Les processus de concertation des habitants dans les projets de transport Voyons maintenant dans quelle mesure les enchaînements de méthode peuvent s’appuyer sur les habitants ou les usagers de transport, en individualisant les principales démarches relevant de la « concertation ». On emploiera ici le terme de « concertation » dans son acception générique souvent utilisée, c’est-à-dire l’ensemble des démarches sollicitant les habitants, de la simple information à la coproduction du projet. Nous retiendrons des processus analysés trois démarches dominantes dont nous pouvons considérer qu’elles représentent des étapes plus ou moins liées à la concertation des habitants selon les cas. Les expériences que nous avons eu l’occasion d’étudier montrent dans un premier temps qu’il n’existe pas une formule applicable à un contexte ou à un projet particulier, mais bien de multiples réponses méthodologiques combinant l’une des trois étapes suivantes : l’information, la consultation de l’habitant et/ou de l’usager, la participation des habitants à l’élaboration d’un projet de transport.

Après avoir rencontré les différentes parties prenantes des expériences recensées, nous souhaitions dans un deuxième temps en savoir plus sur la manière dont le public pris en compte avait perçu les démarches, qu’il s’agisse des habitants d’un quartier, des associations locales ou des usagers d’un mode de transport. Huit expériences parmi les seize analysées ont donc fait l’objet d’un approfondissement grâce à des entretiens complémentaires menés auprès du public concerné. L’objet n’était pas l’évaluation de l’expérience - il aurait fallu rencontrer un échantillon « représentatif » du public pris en compte - mais plutôt le recueil qualitatif du point de vue de l’intéressé.

3.1 Les démarches de concertation : essai de typologie et de combinaisons

3.1.1 Les démarches d’information et de communication Le stade de l’information est la première démarche que nous avons identifiée. Nous pouvons dissocier dans ce cadre : La simple démarche d’information en direction de l’habitant en vue d’échanger

leurs points de vue ultérieurement avec la mise en place de groupes de réflexion ou d’ateliers thématiques. Le Maître d’ouvrage et le Maître d’œuvre communiquent un message.

La démarche d’information intégrée au processus de concertation des habitants. La communication est alors une finalité. Elle s’apparente à une pédagogie de projet et peut être utilisée à divers moments dans le processus.

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La démarche d’information/ communication comme préalable à une phase de concertation plus poussée est présente sur la plupart des sites étudiés. Elle peut s’adresser directement à la population (affichage dans la cité Séverine à Saint-Étienne) ou utiliser les travailleurs sociaux comme des relais auprès du public visé (l’information des associations par l’équipe DSU dans les quartiers prioritaires d’Amiens). Ce type de communication conditionne pourtant l’implication du public que l’on souhaite toucher. À Metz par exemple, la faible participation des habitants aux tables rondes organisées est en partie expliquée par le manque de diversité dans les moyens de communication mis en œuvre (le relais associatif seulement). Il semble en effet logique que la diversité des procédés garantisse une meilleure implication du public dans les phases de concertation ultérieures. La démarche d’information intégrée au processus de concertation relève de la pédagogie de projet, le principe étant de « mettre à niveau » tout ou partie des habitants d’un quartier – ou des usagers de service - lors du démarrage d’un projet. Plusieurs degrés sont identifiés lors de cette étape. L’information communiquée par le Maître d’ouvrage peut être sommaire. La démarche respectera ici le cadre réglementaire de la concertation, avec des outils classiques de type affichage, publipostage et permanence sur site. Cette démarche ne suscite pas forcément le débat entre les habitants et les porteurs du projet C’est le cas de l’agglomération d’Orléans pour la conception de la ligne 2 du Tramway qui respecte la procédure légale de concertation avec la mise en place de supports classiques (les réunions publiques, expositions…). Sur d’autres sites, des phases d’information plus élaborées ont permis aux habitants de dissocier les problèmes assez complexes rencontrés au quotidien (insécurité, accessibilité, fréquence…) des solutions à mettre en œuvre. Les outils utilisés dans ce cadre sont plutôt les réunions et rencontres entre certaines cibles habitants et experts comme dans le cadre des ateliers d’initiatives initiés par la RATP. C’est aussi le cas de La Seyne-sur-Mer ou de Mulhouse avec la mise en place de supports multiples : réunions publiques, expositions permanentes, itinérantes ou ponctuelles, plaquettes, affichages, articles de presse, permanences en maison de quartier… À Mulhouse, plusieurs voyages ont été organisés dans le cadre de la concertation des habitants afin de stimuler l’imaginaires des habitants. Michel Bonetti en rappelle le principe : « La présentation d’expériences réalisées dans d’autres quartiers, l’expérimentation limitée peuvent être utiles pour stimuler l’imaginaire, lever les réticences, susciter un appétit pour de nouvelles initiatives »8. Nous trouvons ici un exemple de pédagogie de projet dans un quartier où une partie de la population ne souhaitait pas intégrer le tramway dans le schéma de circulation interne du quartier. A la Seyne-sur-Mer, sur le quartier de Berthe, on voit comment la diversité des supports de communication utilisés a permis de mieux impliquer les habitants. Ainsi, on a souhaité rendre le projet de bus en site propre accessible à tous en démarchant à domicile des personnes dont on soupçonnait qu’elles n’avaient pas été touchées par les autres supports de communication.

8 « Développement social urbain, Stratégies et méthodes », Michel Bonetti, Michel Conan, Barbara Allen, p.86, Collection Objectif Ville, Editions l’Harmattan, 1991.

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3.1.2 Les démarches de consultation La consultation permet de prendre l’avis de l’habitant. Elle suit généralement une phase d’information et se met en place avant l’élaboration du projet. La connaissance des besoins de mobilités peut être ici pleinement répertorié par les maîtres d’œuvre et les maîtres d’ouvrage qui ne s’engagent pas pour autant à se conformer aux demandes exprimées. Il s’agit plutôt de tenir compte du point de vue de l’habitant : « le maître d’ouvrage s’efforcera de prendre en compte l’avis des habitants, mais il ne s’engage pas pour autant à le faire. La consultation n’implique pas la mise en place d’une négociation. Ceci doit être clairement explicité, afin de ne pas créer de malentendus et de déceptions »9. Il revient ainsi à la charge des maîtres d’œuvre et des maîtres d’ouvrage de fixer clairement les règles du jeu en matière de consultation. De nombreux outils sont mis en place afin d’assurer cette démarche. Elle concerne à la fois des démarches qualitatives et quantitatives : enquêtes par questionnaire, entretiens de personnes ressources ou personnes cibles, et certains ateliers. Cette démarche se démarque d’une véritable participation des habitants dans le sens ou l’organisation d’une enquête ou d’un atelier se suffit à elle-même. Le volet quantitatif est, dans la plupart des cas analysés, utile pour obtenir une représentation du public touché par le projet. Cette méthode, employée dans la phase de diagnostic, est souvent combinée à un volet plus qualitatif. C’est le cas à Bordeaux ou la passation d’un questionnaire (350 habitants des sites prioritaires de Pessac) a été combinée à des entretiens auprès des travailleurs sociaux de quartier. Cette méthode peut permettre de valider une démarche scientifique à l’échelle d’un quartier, d’une ville, d’une agglomération. On distinguera : Les enquêtes quantitatives mises en place par les bureaux d’études ou les

agglomérations avec production d’un questionnaire (Amiens Métropole en interne) ou par entretien téléphonique (étude menée sur Orléans).

Les enquêtes quantitatives plus classiques et souvent reproduites : l’enquête

mobilité des transporteurs (origine - destination) ou les « enquêtes ménages » préalables à la réalisation d’un Plan de Déplacement Urbain.

Une démarche de consultation exclusivement basée sur l’approche quantitative à des limites que le monde des transports ne connaît déjà que trop bien (lacunes des indicateurs quantitatifs dans la qualification d’une desserte satisfaisante par exemple). On connaît moins celles inhérentes à une démarche essentiellement qualitative. Ainsi, la directrice du Contrat de Ville de Metz souligne : « La démarche était intéressante car on a montré la spécificité de la demande sur ce type de quartier (l’accès à l’emploi). Mais on n’avait pas d’échantillon représentatif pour quantifier les besoins. C’était notre point faible ». A Metz, l’approche exclusivement qualitative des besoins ne semble pas avoir pu constituer un outil d’aide à la décision concernant les interventions à réaliser. Quid du

9 « Les démarches de développement de la participation des habitants », Michel Bonetti et Patrice Séchet, p.4, Laboratoire de Sociologie Urbaine Générative, CSTB, Mai 2000.

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poids de ce type d’approche dans la décision politique ? Finalement, la directrice du Contrat de Ville reste très sceptique quant à la pertinence à moyen terme des consultations, qu’elles se fassent par enquête qualitative ou quantitative, la mobilité des personnes habitant ce type de quartier étant perçue comme aussi « précaire » que leur situation professionnelle.

3.1.3 Les démarches de « coproduction » Si l’on emploie ici le terme de « coproduction », qui peut paraître abusif étant donné le poids relatif du public sollicité dans la décision finale, c’est dans le but de distinguer clairement ce type de démarches de l’information ou de la consultation. Il ne s’agit plus seulement de recevoir une information ou de donner son avis à un moment précis, mais de s’impliquer dans la construction d’un projet, de quelque nature qu’il soit. Dans ce type de démarche, on se soucie davantage de la « participation » du public au débat que de sa « représentativité ». L’outil privilégié est le groupe de travail, l’atelier, qui peut prendre des formes assez différentes suivant les acteurs qui le mettent en place et les structures sur lesquelles il s’appuie. Ainsi, on peut distinguer : les groupes de travail qui s’appuient sur des structures préexistantes de démocratie

locale. On peut prendre l’exemple des ateliers thématiques du conseil de quartier de La Source, à Orléans, initiés par la Ville.

les groupes de travail qui sont portés par les EPCI ou impulsés dans le cadre plus

général de la participation à un projet de quartier (le Grand Projet Urbain de Marseille par exemple). Ils créent leur propre espace de réflexion et nécessitent donc un portage fort et une préparation adéquate. Rappelons que les groupes de réflexion initiés à Bordeaux ou Metz ont pâti d’un très faible investissement de la part des habitants, notamment en raison d’un manque de préparation.

Dans le cas d’Orléans et de Mulhouse, la participation des habitants aux projets s’effectue sur la base d’enjeux concrets, à savoir le réaménagement de l’espace public central du quartier et l’arrivée d’un mode de transport lourd de type tramway en son cœur. Dans le cas de Marseille, on réfléchit plus globalement aux problèmes de mobilités et d’enclavement spécifiques aux quartiers prioritaires de la ville. Les groupes de parole visant la participation de l’habitant ou de l’usager à un projet bénéficient des valeurs de la communication. Écouter, échanger ou confronter les points de vue des diverses parties implique une qualification mutuelle, une reconnaissance des diverses parties concernées par le projet à mettre en place. Cette méthode sert principalement à nouer le lien avec l’habitant et l’usager et à faire dialoguer des mondes qui s’ignorent souvent (les habitants, les acteurs de la politique de la ville et les techniciens) ; elle sert plus accessoirement à identifier les dysfonctionnements liés à l’offre de transport sur un site déterminé. La communication de proximité initiée par les opérateurs de transports ne peut s’apparenter à la « coproduction » d’un projet, mais produit tout de même une

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réflexion collective visant à améliorer la situation. Dans la majeure partie des cas, les transporteurs mettent en place, de manière partenariale ou non, les « outils » suivants : événements, ateliers d’initiatives, ateliers de qualification mutuelle… Se constituent des groupes de travail au sein desquels les participants échangent, écoutent et confrontent leurs points de vue. A Lille notamment, TRANSPOLE utilise d’abord les ateliers pour organiser les rencontres spectacles. Dans tous les cas pourtant, la constitution d’un esprit de groupe et d’un débat productif demande du temps. « La conduite d’un entretien de groupe est complexe, son déroulement manifeste une dynamique évolutive faite de censures, tout particulièrement en début d’entretien, de confrontations, de prises de positions négociées, péremptoires parfois, tâtonnantes plus souvent. A travers bien des hésitations, cette dynamique tente de déboucher sur la production d’une « vérité » commune, ajustée à la composition du groupe et à la conjoncture »10. Par exemple, au sein des ateliers de « coproduction » marseillais, les premières réunions entre habitants, élus et techniciens sont restées très formelles avant que ne se constitue le « nous» et que la circulation de la parole ne se trouve modifiée : les échanges s’organisant petit à petit selon l’enchaînement des idées et non plus selon l’ordre induit par les statuts de chacun.

3.2 Points de vue des habitants, des usagers et de leurs représentants sur les démarches

Pour connaître le point de vue de l’habitant et des associations de quartiers, nous avons d’abord cherché à déterminer comment et pourquoi ces personnes ou ces structures s’étaient impliquées dans l’expérience. Avaient-elles des attentes particulières en matière de déplacement ? Nous avons ensuite cherché à leur faire apprécier la méthode mise en œuvre : a-t-elle selon eux répondu à l’objectif de départ, c’est-à-dire la connaissance des besoins ou des usages et, si réalisation il y a eu, à t-elle prise en compte les remarques formulées ou les débats menés ? Chaque démarche ayant ses spécificités et son contexte propre, nous recentrerons notre analyse sur les phénomènes plus ou moins récurrents dans le ressenti du public concerné.

3.2.1 Des personnes en difficulté restent positives à l’égard de tout mode leur permettant l’expression d’un besoin ou d’une opinion

La légitimité de l’expression dans la démarche de projet : quand je donne un avis, je sais pourquoi… Lorsque l’on interroge les habitants et les associations des quartiers prioritaires, on constate d’abord qu’ils appréhendent la question des déplacements comme une composante de la vie du quartier, et à ce titre ils se sentent concernés. Ainsi, à

10 « La méthode en sociologie », Jean-Claude Combessie, collection repères, p. 31, Editions La Découverte.

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Marseille, un responsable d’association de locataires précise : « On habite ici. On était donc concerné même si on est bien desservi ». La dimension quotidienne des projets à traiter fait dire à l’habitant qu’il s’agit de travailler sur des questions de fond, comme le précise le Président de l’association des habitants de la Source à Orléans : « Il y a un travail de fond effectué par le conseil de quartier et l’atelier déplacement. Nous sommes une dizaine dans l’atelier et nous proposons des solutions pour améliorer l’existant sachant qu’il y a une véritable demande pour voir améliorer le circuit de pistes cyclables. Notre rôle au conseil de quartier, c’est de faire connaître ces demandes ». Cette personne représente une association regroupant 200 habitants du quartier, mais la légitimité de son travail vient aussi dans son discours de sa pratique du vélo sur le quartier : « je fais du vélo et je me rends compte des difficultés, j’ai été victime d’un accident, donc je me rends bien compte des aspects dangereux ». Il est, pour ces personnes, bénéfique d’être associés à des réflexions intéressant leur quartier. À Saint-Étienne, la responsable de l’épicerie solidaire se souvient : « La STAS (le transporteur) avait fait des efforts. Ils s’intéressaient aux besoins des gens, ça fait plaisir (…) Les gens étaient contents de nous voir ». Sur la cité Séverine, l’expérience menée n’a pourtant pas résolu les problèmes de déplacement en dehors des heures de pointe (le week-end et les vacances scolaires). Une habitante de la même Cité, alors formée pour la passation de questionnaires auprès des habitants, vient tempérer l’intérêt du public visé pour l’amélioration des transports collectifs : « une partie des gens aimerait que ça s’améliore, l’autre partie s’en fout ».

Les ateliers thématiques de transport : un outils permettant l’expression des habitants et usagers Les bénéfices de l’expérience tels qu’ils sont ressentis ont plutôt à voir avec les objectifs du projet et la gestion des ateliers. Si l’objectif est politique, on observera les vertus et les vicissitudes des dialogues entre habitants pour l’amélioration des conditions de vie sur les quartiers. Si celui-ci est plus commercial, on notera l’intérêt de rencontrer des publics avec lesquels on ne dialogue généralement pas, sur des sujets sociétaux et sur l’amélioration des conditions de transport. Quoi qu’il en soit, le dialogue en atelier est souvent identifié positivement car il permet écoute, échanges et confrontation des points de vue. Les habitants participants aux débats dans un atelier thématique transport du

Conseil de quartier viseront autant sinon plus l’amélioration de la démocratie locale que l’amélioration de la mobilité sur le quartier : « C’est une bonne méthode, il faut que les gens apprennent à sortir de chez eux ! » Un habitant des quartiers Nord de Marseille.

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Un habitant du quartier des coteaux à Mulhouse et adhérant à une association de quartier considère la concertation comme un moyen d’obtenir un compromis entre les habitants du quartier : « Pour moi, il y a eu de la concertation. On a fait des réunions et on a expliqué ce qu’on voulait. On se voyait dans le cadre du conseil des associations,… on a dit qu’on était d’accord pour que le tramway passe (dans le quartier). On l’a choisi de manière à ce que toutes les personnes du quartier n’aient pas trop de temps à marcher… Tout le monde s’est exprimé, certains étaient d’accord, d’autres non. Les habitants souhaitent qu’il y ait un bon compromis ».

Un habitant du quartier de la Source souligne le travail de la nouvelle équipe

municipale comme les moyens de faire avancer des attentes très concrètes : « c’est très bien, je suis très impliqué… à Orléans, les conseils de quartier avec la précédente équipe, on avait jamais aucune explication, on agissait qu’avec des rapports de force. Sur le terrain, la nouvelle équipe est efficace… Du fait de la construction du tram et des passages piétons, on a demandé des panneaux signalétiques, au bout de trois mois on les a eu. Ce qui m’intéresse, c’est du concret. Je reste sur ce que je vois… Quand je donne un avis, je sais pourquoi. On donne un avis après renseignements auprès des services de voiries de la ville et de la police ».

Un usager de la ligne RER A ayant participé aux ateliers d’initiatives sur la ligne

A du RER : « les débats m’intéressaient et j’avais envie d’écouter pour voir si les gens qui participaient n’étaient pas aigris. J’ai voulu écouter pour faire moi-même mon bilan, pour voir si c’était pareil que ce que je pensais… L’intérêt était aussi dans l’échange avec les voyageurs et surtout la jeunesse… pour comprendre leur agressivité… Ils ont parlé des contrôleurs… dans les ateliers, on fait le rapprochement du jeune – qui est critique – et du voyageur comme moi qui a 17 ans de voyage quotidien… Ce qui manque ici, c’est le dialogue et la politesse ».

3.2.2 La lisibilité de la démarche dans les quartiers prioritaires et sur le long terme

Le jugement positif des habitants et des usagers par rapport à l’expérience dont ils ont été les bénéficiaires est particulièrement notable sur Tours, où l’association Mobilité 37 semble répondre à des besoins essentiels. Une personne récemment titulaire d’un permis de conduire rappelle que « ceux qui ont réussi en sont fiers ». Une autre, bénéficiaire du taxi social mis en place souligne : « Pour moi c’est très important, j’ai des problèmes de santé. Ça m’évite d’aller à l’hôpital toute seule et eux, ils savent où je suis. Je l’utilise régulièrement et je l’ai déjà conseillé à des personnes âgées (…) Mobilité 37 est bien acceptée dans le quartier, les jeunes ont le sourire… » Si ce type d’expérience est particulièrement plébiscité, c’est peut-être parce qu’il débouche sur une structure et un objet facilement identifiables. À l’inverse, les démarches de connaissance des besoins dans les quartiers prioritaires semblent parfois être difficiles à discerner en tant que telle, « noyées » dans les multiples procédures dont ces territoires font l’objet et portées par des structures (comité de quartier, MOUS, équipe GPV) qui interviennent par ailleurs sur d’autres problématiques.

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Fréquemment d’ailleurs, les différents porteurs des démarches analysées ont souligné la difficulté d’impliquer l’habitant sur les questions relatives au transport, peut-être parce qu’elles ne font pas toujours partie des préoccupations majeures mais aussi parce que parfois, ce domaine est implicitement considéré comme « trop technique ». Ce problème trouve assez rarement écho dans le discours du public rencontré, bien qu’une association de la Seyne-sur-Mer souligne : « Il faut avoir un vocabulaire adapté à la population. Avec les architectes et les politiques, au bout d’un moment, on ne suit plus. » Un habitant de Marseille rejoint le représentant de la MOUS de Saint-Étienne lorsqu’il affirme que «sur le quartier, tout est urgent, mais c’est d’abord le bâti, l’emploi…». Pour nombre de personnes, travailleurs sociaux comme habitants, la mobilité semble être une dimension essentielle mais pas forcément celle à traiter prioritairement dans ces quartiers. À ce titre, la remarque du président d’une amicale de locataires de la Seyne-sur-Mer est révélatrice : « Les habitants ne sont pas beaucoup venus… Ceux qui étaient là c’était pour demander une mutation de logement… Ils en profitent. Ils s’intéressent surtout à ce qui les touche directement » On constate également cette difficulté de mobiliser les habitants sur le long terme, avec parfois une faible visibilité de l’impact de la démarche dans les réalisations postérieures. A Saint-Étienne, une habitante qui avait pourtant fait passer les questionnaires à domicile semble être restée étrangère à l’ensemble de l’expérimentation, niant toute réalisation : « on a pas été mis au courant. Il n’y a jamais eu de navettes (…) A la fin, on a seulement vu la personne à qui on a remis les enquêtes ». Pour elle la démarche de concertation a été positive, pas parce qu’elle a permis de répondre aux objectifs initiaux (le traitement des besoins de déplacement non satisfaits) mais parce qu’elle a permis aux habitants de s’exprimer sur des problèmes qui les touchent de près. Le ressenti de cette personne peut être considéré comme l’illustration d’un problème que l’on retrouve sur d’autres sites étudiés : le manque de suivi et d’information du public concerné tout au long de la démarche. Ce manque est d’ailleurs parfois souligné par les responsables de la démarche eux-mêmes. Ainsi, la directrice du Contrat de Ville de Metz déplore que les habitants du quartier de Borny n’aient pas été informés des suites données à l’enquête : « Il faudrait faire en sorte qu’il y ait toujours un retour… Sinon, les habitants ne savent pas si ça a été pris en compte et on aura du mal à les faire participer de nouveau. Il faut leur expliquer, qu’il y ait décision ou non. » Finalement, l’analyse par le public des phases de concertation semble plus aisée lorsque ces dernières s’appuient sur un projet précis et réalisé. Ainsi, à la Seyne-sur-Mer, un responsable d’association ayant participé aux réunions publiques se souvient : « Le bus, c’est une réussite… Même si seulement une petite partie des demandes à été prise en compte. Il y a des trucs qui fonctionnent moins bien mais c’est du détail.»

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3.2.3 Représentativité des usagers et habitants Enfin, la difficulté de mobiliser les habitants sur des démarches de concertation évoque aussi la question de la représentativité des populations sollicitées. Le président d’une amicale de locataire du quartier de Berthe (Seyne-sur-Mer) souligne la difficulté de contenter à la fois l’habitant et l’usager : « La nouvelle desserte est très appréciée. Les usagers sont contents, les habitants moins (…) Il y a des sorties de logement sur la route, c’est dangereux pour les enfants… »

Il estime d’ailleurs, et en cela il soulève l’épineux problème de la représentativité, que les habitants n’ont pas été suffisamment entendus : « On n’a pas écouté les associations. On nous a dit qu’on avait consulté les habitants mais 10 habitants, c’est pas les 3 000 locataires… Notre association est quand même plus représentative.» Un agent de la RATP, qui participait aux ateliers d’initiatives sur la ligne A du RER, a trouvé l’idée des rencontres excellente, la gestion de la démarche restant plus critiquable. Il s’interroge notamment sur le choix des jeunes sollicités dans le cadre de cet atelier : « la méthode, je n’en suis pas sûr. Je me demande si notre encadrement sait gérer ce genre de truc… On est une entreprise de transport qui gère beaucoup de choses, mais qui ne sait pas gérer les utilisateurs. Ma plus grosse déception, c’est que les personnes qui sont venus avec les animateurs des villes nous ont fait venir des jeunes très gentils, et pas des jeunes durs… car c’est ceux-là avec qui on aurait du travailler et leur demander leur attente… C’est ces gens là que j’aurais voir dans un autre contexte. J’ai tout de même été surpris que la RATP, Société de transport, se préoccupe d’un avenir pour les jeunes. C’est la manière dont cela a été géré qui m’a déçu, mais l’idée est excellente… Cela a tout de même permis de faire connaître d’autres besoins pour les différents usagers de transport : par exemple, une très forte demande de la clientèle pour des panneaux d’affichage sous vitres concernant les événements locaux… j’aurai plus pensé aux tarifs moins chers, ou à la propreté… »

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Conclusion Nous avons présenté lors de cette étude des monographies de sites comprenant une analyse approfondie des démarches de connaissance des besoins en déplacements dans les projets de transport et ce, principalement à destination des quartiers inscrits en Politique de la ville. Dans un deuxième temps, ce corpus nous a permis de dégager des méthodologies de projet. Enfin, le dernier point de cette étude visait à comprendre dans quelle mesure le projet prenait en compte la parole des habitants : quelles étaient les procédures et méthodes de concertation initiées dans ce cadre ?

Un préalable sur les sites non retenus L’investigation d’une quarantaine de sites environ nous a permis de présenter seize expériences visant l’amélioration des connaissances des besoins de déplacements. Les sites qui n’ont pas fait l’objet d’une investigation plus poussée permettent cependant d’observer quelques obstacles ou carences dans la mise en place de telles démarches. Les acteurs que nous avons interrogés relèvent souvent : un projet en cours d’élaboration : A Clermont Ferrand, la consultation des

commerçants le long du corridor du tramway et la proposition de scénarios d’amélioration de l’offre en transport public aux habitants d’un quartier prioritaire ne sont qu’à l’état d’ébauche. A Toulouse, suite à l’exploitation complémentaire des enquêtes PDU sur les quartiers prioritaires, la mise en place de comités de ligne est à l’état de projet.

une absence de méthodes dans l’appréhension des besoins de mobilités : A

Nîmes l’amélioration des dessertes bus des quartiers Ouest - pour favoriser l’accès à l’emploi et aux soins - ne semble pas avoir été précédée d’une démarche significative d’appréhension des besoins ou des usages. A Caen, la mise en place de lignes de taxi, avec une tarification bus, ne repose pas sur une méthode de connaissance des besoins significative (réclamations, volonté d’élus…). Par ailleurs, aucune expérience de connaissance des besoins spécifique aux transports et aux quartiers prioritaires n’est identifiée sur la ville de Nice avec le sentiment pour certaines personnes interrogées de connaître les besoins ; ces personnes évoquent en outre la faible tradition de concertation de la ville. Enfin, à Rouen aucune démarche de consultation - concertation liée au transport n’a été mise en œuvre, hors enquêtes classiques PDU.

Aucun projet de transport n’est identifié dans les quartiers prioritaires des villes

de Brest, d’Angers ou d’Evreux : la question du transport peut ne pas être l’une des priorités identifiées par le maître d’ouvrage dans le cadre des dispositifs Politique de la ville.

Enfin, nous soulignerons les limites de l’investigation : les délais de réponse ne nous permettaient pas d’obtenir un rendez-vous en temps voulu comme à Rennes et Strasbourg où deux associations mettaient en place un transport à la demande.

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LE POINT SUR LA CONNAISSANCE DES BESOINS SUIVANT LES EXPÉRIENCES CAPITALISÉES : EXISTE-T-IL DE BONNES PRATIQUES ? Nous avons rappelé - dans l’approfondissement méthodologique des expériences retenues – que l’objectif produit souvent la démarche de connaissance des besoins. C’est ainsi que nous avons élaboré une typologie de méthodes.

Le poids du contexte Ce travail doit être cependant être relativisé par le poids du contexte : la mise en place d’un projet (logique de projet, culture professionnelle des opérateurs…), mais aussi les changements politiques qui peuvent nuire au portage. L’expérience menée à Metz offre une illustration intéressante dans le sens où les changements municipaux, la mise en place d’une communauté d’agglomération et l’élaboration du GPV ont considérablement compromis la réalisation de la démarche. Tous les projets ne sont en quelque sorte pas reliés aux objectifs de manière logique. Sans que le contexte puisse primer sur les objectifs, nous observerons qu’il peut influencer fortement la démarche de projet. Le contexte justifie ainsi qu’il n’existe pas réellement de bonnes pratiques applicables systématiquement à tel projet. Néanmoins, nous retiendrons de ces processus que les méthodes et outils sont dans la plupart des cas adaptés aux objectifs du projet. Pour clarifier ce point, nous exposons les résultats de notre investigation dans un tableau croisant les objectifs avec les enchaînements de méthodes identifiées. Il s’agit ici d’en présenter la teneur et d’en éprouver la pertinence. On rappellera que ces résultats sont basés sur les 16 expériences analysées, et que donc certaines méthodes peuvent paraître « inadaptées » parce qu’aucune expérience n’a pu être identifiée.

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Les objectifs et les enchaînements de méthode Méthodes

Objectifs Recherche -

action Diagnostic - évaluation

Démarches institution-

nelles de concertation

Marketing de proximité

Politique

(légitimation des instances

de démocratie locale)

Méthode

Inadaptée*

Méthode plus

ou moins adaptée :

VAL DE SEINE

Méthode adaptée : Orléans

Mulhouse Creil

Montpellier

Méthode Inadaptée

Technique

Méthode adaptée :

A.A.E, Draveil Mobilité 37,

Tours

Méthode adaptée :

Val de Seine Saint-Étienne

Bordeaux

Méthode Adaptée

Seyne-sur-Mer (pédagogie de

projet)

Méthode Inadaptée

Connaissan-ces générales

(Non directement

opérationnel)

Méthode Inadaptée

Méthode Inadaptée

Méthode adaptée : Marseille

Méthode adaptée :

RATP - Ile-de-France

Amélioration de la qualité

de service

Méthode Inadaptée

Méthode adaptée :

TICE- DRAVEIL ESSONNE

Méthode Inadaptée

Méthode adaptée :

RATP TICE ET STA

* L’emploi du terme « inadapté » signifie qu’aucune expérience n’a pu être identifiée et que le croisement ne paraît pas pertinent. Il y a donc des effets de convergence : S’agit-il d’un projet de transport en commun liée aux déplacements à l’échelle d’une agglomération, d’une réflexion sur l’aménagement et le désenclavement d’un quartier sensible, ou de l’amélioration d’un service de transport (desserte, fréquence et horaire, insécurité…) ? Cependant, suivant les enjeux et les objectifs, les maîtres d’œuvre mettront en place les méthodologies et outils qui correspondent aux éléments contextuels du projet :

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Améliorer la desserte en bus dans les quartiers prioritaires est souvent l’occasion de mettre en œuvre des processus de type diagnostic - évaluation. La technicité de l’exercice et l’envergure du projet donnent lieu a une méthode relativement complexe visant un enchaînement de méthodes qualitatives et quantitatives. Nous identifions dans ce cadre la méthode itérative et interactive mise en œuvre sur de nombreux sites : Saint-Étienne, Orléans, le Val de Seine, le centre Essonne…Cette démarche méthodologique pourrait correspondre à un objectif plus politique à condition que le projet soit d’envergure et que celui-ci soit porté à l’échelle d’une ville ou d’une agglomération C’est le cas sur le Val de Seine ou la volonté des élus représentants du SIVU cherchent à faire aboutir un projet d’amélioration de desserte sur leur territoire. Le directeur du GPV explique notamment qu’il est très difficile de mobiliser les populations des quartiers sensibles aux Mureaux et que la démarche interactive lancée dans le cadre de l’étude représente un véritable atout de la démarche. Elle ne correspondra en revanche ni à une démarche moins opérationnelle de type capitalisation de connaissances générales, ni à une démarche politique visant l’amélioration du cadre de vie. Le diagnostic – évaluation est ici très précis et répond à des dysfonctionnements particulièrement complexes à traiter (contraintes politiques, techniques, sociaux…).

La logique d’expérimentation (recherche - action) est davantage mise en œuvre

par les porteurs de projets alternatifs de mobilité (initiatives associatives ou personnelles). Ces expérimentations couvrent l’absence de services transport à des territoires inscrits en Politique de la ville ou adaptés aux populations en difficulté. Cette méthode est tout à fait particulière et ne répond à aucun autre des objectifs que celui de la technique (création d’une nouvelle offre de transport).

Améliorer une qualité de service de transport relève d’une logique plus

commerciale – mais pas seulement au regard des problèmes de violences et d’incivilités auxquels sont confrontés les transporteurs – et donc de méthodes d’approche des sites et des situations liées aux méthodes de marketing et de communication. L’analyse des démarches lancées par les opérateurs de transports est intéressante car elle ne se limite pas un territoire (un quartier, …). Le fait de pouvoir dépasser le cadre géographique du quartier pour élaborer une analyse segmentée par publics et par site (sur divers quartiers d’une ville ou d’une agglomération…) implique une réelle préoccupation pour identifier les demandes locales. On notera par ailleurs que les transporteurs, en initiant ces démarches d’ateliers, prennent en compte un volet qualitatif en intégrant la parole des habitants et usagers. L’intégration d’un contexte local permet aujourd’hui d’entrevoir des solutions en termes de reconnaissance des missions de service public dans les quartiers en difficulté (et particulièrement dans les transports collectifs), comme le directeur de STA le note, suite à l’identification des besoins liés au service de transport et à la mise en place d’un plan d’action partenarial « nous avons ainsi fait baisser les incidents sur l’ensemble du réseau d’environ 50 %… c’est considérable ! ».

Légitimer un projet, porté politiquement (Grand Projet de Ville, Tramway,

transport en site propre, amélioration du cadre de vie…), ou à l’inverse, améliorer la connaissance des besoins sans visées opérationnelles (capitalisation de connaissances générales à Metz par exemple), sont deux catégories d’objectifs engendrant fréquemment un processus de concertation institutionnelle avec les habitants d’un quartier. La démarche politique peut faire appel à la méthode

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itérative – interactive comme nous l’avons observé dans le Val de Seine avec un avantage dans la phase interactive.

Ainsi, la combinaison entre objectifs et méthodes implique des convergences à ceci près qu’un projet porte parfois plusieurs objectifs en son sein (le SIVU du Val de Seine), ou qu’un opérateur peut mettre œuvre plusieurs démarches pour déterminer les contours des besoins de mobilité (TICE et STA pour le centre Essonne). Ceci explique la porosité entre les différentes démarches que nous avons identifiées. Au vu des expériences capitalisées, on constate que l’habitant, en ancrant sa réflexion sur des préoccupations quotidiennes (temps quotidien), peut réellement apporter une plus values dans les réflexions et les projets relatifs à l’amélioration des déplacements (temps du projet). L’enjeu est bien de solliciter le public (habitant et usager) de manière appropriée en fixant les règles du jeu dans le processus de concertation. Ce qui en ressort, c’est qu’à côté des méthodes quantitatives, le volet qualitatif valorise aujourd’hui les démarches de connaissance des besoins de déplacements dans les quartiers prioritaires. Rappelons en effet, le principe de ce type de démarche : l’écoute, l’échange et la confrontation des points de vue, l’important étant une reconnaissance mutuelle entre des mondes qui s’ignorent souvent : l’habitant, l’élu et le technicien. Plus qu’une représentativité illusoire dont un certain nombre de porteurs de projet s’est déjà affranchie, cette démarche prône l’implication du public dans le devenir du quartier. Il s’agit d’un véritable levier pour l’amélioration des conditions de vie dans les territoires fortement stigmatisés. Au final, l’ouverture du secteur des transports vers les démarches de connaissance des besoins de déplacements est une véritable avancée qu’il faut encore confirmer. Les expériences des transporteurs œuvrant sur les divers territoires du département

de l’Essonne ont une valeur prospective dont il faut aujourd’hui se saisir. Nous avons remarqué dans cet exemple que le contexte de violence et d’incivilité posait de réels problèmes à la fois internes et externes aux entreprises de transport. C’est souvent l’expression de difficultés, rencontrées par certains habitants, qui implique une réflexion sur une meilleure connaissance des besoins des habitants des quartiers politique de la ville. Il s’agit d’une double dimension dans l’action des transporteurs qui deviennent à la fois partenaires dans la mise en œuvre de la Politique de la ville et prestataires de service.

Nous avons souligné tout au long de cette étude qu’à l’initiative de l’Etat, le

transport se trouvait au cœur des problématiques d’insertion, d’amélioration de la vie quotidienne… Cet effort est relayé par les acteurs politiques locaux qui là encore dépendent d’un contexte : nous observons par exemple des démarches participatives fleurir dans certains quartiers sensibles comme la Source à Orléans, les Coteaux à Mulhouse ou encore sur les quartiers nord de Marseille (développement d’atelier thématique en conseil de quartier ou dans des structures ad hoc…), alors que dans le même temps le discours des acteurs de Nîmes, Rouen, Caen ou Nice révèlent une absence de méthode d’appréhension des besoins de mobilité à destination des quartiers en difficulté.

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Ainsi, les besoins de mobilités évoluent dans le temps et selon les territoires. Il est nécessaire d’une part que les différents porteurs de projet (transporteurs, acteurs politiques,…) s’inscrivent dans des dispositifs partenariaux (CLS, GPV,…) pour soulever les problèmes rencontrés sur le terrain et appréhender le plus efficacement possible les solutions adéquates à mettre en œuvre, dont la synthèse se fait écho. Il est d’autre part nécessaire de soutenir cette politique de connaissance des besoins dans le temps. La logique de l’appel d’offres a suscité un engouement de la part des différents acteurs locaux (Transporteurs, acteurs de la Politique de la ville, Agence d’urbanisme,…). Il reste aujourd’hui à pérenniser les bonnes pratiques « expérimentales ».

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Annexes :

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Tableau de synthèseVILLE OPÉRATEURS ET

FINANCEURS MODE DE

TRANSPORT / PROJET

POPULATION PRISE EN COMPTE

OUTILS DE CONCERTATION / CONSULTATION

PROBLÈMES SOULEVÉS INNOVATION DE LA DÉMARCHE

VAL DE SEINE L’observatoire social de Lyon, SIVU

Bus, amélioration des fréquences en soirée

L’agglomération du val de seine

Etude – diagnostic avec Questionnaire : Groupes de travail avec les habitants, test par scénarios

Pérenniser l’expérimentation Le caractère itératif de la démarche, l’implication continue d’un groupe (formation à l’enquête)

MULHOUSE SITRAM Mairie de Mulhouse

Projet de réalisation d’un « Train-tram »

Celle d’un quartier prioritaire classé en Zone Franche Urbaine, soit 10 000 personnes

- Ateliers thématiques - propositions de scénarii - validation du conseil de quartier

Une démarche qui mobilise inégalement d’un quartier à l’autre…

Expérience exemplaire qui permet aux habitants de participer aux transformations de leur quartier.

AGGLOMÉRATION LILLOISE

TRANSPOLE, Syndicat mixte des transports en commun de la communauté urbaine de Lille

Métro et bus

Celle de10 quartiers prioritaires

Etude quantitative et qualitative Campagne de communication Mise en place d’un observatoire

L’observatoire ne sera opérationnel qu’en 2003 : quelle garantie d’efficience du repérage d’une situation à la mise en action ?

Mise en place d’un observatoire des attentes et des comportements afin d’améliorer « de manière permanente » les services de transport.

DRAVEIL EN ESSONNE

Association Abeilles Aides et Entraide Cabinet d’études IFA IVM

Mis en place d’un transport à la demande en compte propre

La population en insertion professionnelle

Enquête par questionnaire Analyse Cartographique de l’offre de transport existante. 2 Tests (location de deux véhicules)

Les questions de pérennisation des financements et de l’analyse financière du service seront abordées en fin d’année 2002.

Financement mixte (privé / public) Capitalisation de l’expérience avec le concours de l’Institut pour la ville en mouvement.

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VILLE PRINCIPAUX OPERATEURS

MODE DE TRANSPORT /

PROJET

POPULATION PRISE EN COMPTE

OUTILS DE CONCERTATION / CONSULTATION

PROBLÈMES SOULEVÉS INNOVATION DE LA DÉMARCHE

METZ L’Agence d’urbanisme (AGURAM), la communauté d’agglomération,

La connaissance des besoins spécifiques de déplacement

Celle du quartier prioritaire de Borny, soit 18 500 habitants

Entretiens semi-directifs auprès des associations et organismes œuvrant sur le quartier 4 Tables rondes entre associations, élus et techniciens (dont une annulée faute de participants)

Deux démarches trop éloignées dans le temps (changements politiques et mise en place du GPV) Capacité d’une étude qualitative à constituer un outil d’aide à la décision. La « précarité » des habitudes de déplacement sur ce type de quartier

Montrer l’existence d’une demande spécifique par le biais d’une approche qualitative Permettre l’échange entre les élus, le transporteur et le secteur associatif L’élaboration de propositions concertées avec des groupes de travail

MARSEILLE Equipe GPU CERFISE Agence d’urbanisme

Le bus dans la thématique des déplacements

Les habitants des quartiers Nord

Groupe de travail entre habitants, techniciens et élus Déambulations

- Utilisation des ateliers comme tribune - Lourdeur de la concertation

Intégration des contraintes de projet par les habitants Échanges entre techniciens et élus

BORDEAUX Communauté urbaine Agence d’urbanisme Transporteur

Le bus dans les problématiques de desserte, de désenclavement

Les habitants de cinq sites prioritaires (dont 3 à Pessac)

Enquêtes habitants/usagers,Entretiens, Groupes de travail

Faible participation aux groupes de travail. Une grille d’enquête qui permette de définir finement les besoins

Confrontation du projet du transporteur aux résultats des enquêtes : ajustements

SAINT-ÉTIENNE Transporteur Observatoire Social de Lyon

Le bus dans le cadre d’une amélioration de l’offre

Les habitants de la Cité Séverine

Enquêtes ménages, Groupes de travail avec les habitants, test par scénarios

Pérenniser l’expérimentation

Le caractère itératif de la démarche, l’implication continue d’un groupe (formation à l’enquête)

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VILLE OPÉRATEURS ET FINANCEURS

MODE DE TRANSPORT /

PROJET

POPULATION PRISE EN COMPTE

OUTILS DE CONCERTATION / CONSULTATION

PROBLÈMES SOULEVÉS INNOVATION DE LA DÉMARCHE

TOURS Association Mobilité 37, Les travailleurs sociaux

La voiture dans le cadre de l’apprentissage et du taxi social

Les personnes en grande difficulté exclues des transports publics sur le département

Expérience personnelle (monitrice), Repérage des travailleurs sociaux

Des subventions qui ne permettent pas de répondre à tous les besoins

Palier aux carences des circuits classiques, Utiliser le relais des travailleurs sociaux, Répondre à des besoins géographiquement dispersés

AMIENS La Communauté d’agglomération

Transport public, améliorer la mobilité

Les associations œuvrant dans les quartiers prioritaires de l’agglomération

Enquête par questionnaire sur les déplacements effectués

Le traitement de besoins hétérogènes Définir des critères d’éligibilité

Utilisation des associations comme levier pour satisfaire les besoins de mobilité

LA SEYNE-SUR-MER

Communauté d’agglomération DDE du Var GPV - DSU

Un bus en site propre

Les habitants du quartier prioritaire de Berthe

Réunions publiques, cahier de doléances, expositions, rencontres à domicile, réflexions théoriques, reportages photographiques…

Participation plus forte sur les aménagements de quartier que sur la ligne, forme du support de communication

Dialogue techniciens - habitants tout au long du projet, diversité des modes de consultation pour mieux impliquer

MONTPELLIER Ville

Voiture (problèmes de circulation)

Les habitants de la ville en tant que riverains

Réunions mensuelles, Vote, ligne téléphonique

La circulation n’est qu’une des thématiques abordées et n’est pas spécifique aux territoires Politique de la Ville

Établissement d’une consultation permanente sur des aménagements de proximité

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VILLE OPÉRATEURS ET FINANCEURS

MODE DE TRANSPORT /

PROJET

POPULATION PRISE EN COMPTE

OUTILS DE CONCERTATION / CONSULTATION

PROBLÈMES SOULEVÉS INNOVATION DE LA DÉMARCHE

ORLÉANS SIVOM, SEMTAO KHI 2, OSL

- Adaptation de l’offre de transport en commun - Création d’un schéma de pistes cyclables

L’analyse porte sur – 3 quartiers ZUS pour la première étude - Le quartier de la Source pour le schéma

Etude – diagnostic avec Questionnaire : - Analyse quantitative - Analyse qualitative Groupes de travail avec les habitants, test par scénarios pour la première et la deuxième étude

Pérennisation de la démarche de connaissance des besoins Représentativité de la population en question et lourdeur des dispositifs de validation dans les démarches du conseil de quartier

L’implication continue d’un groupe (pédagogie de projet) pour les démarches institutionnelles Expérience qui permet aux habitants de participer aux transformations de leur quartier

ILE DE FRANCE

RATP

LIGNE A DU RER La démarche porte sur 1 quartier prioritaire classé en Zone Franche Urbaine, soit 10 000 personnes

Mise en place d’ateliers d’initiatives : - Constitution de panels - Formation du public - Rapport et audition publique

Fragilité du dispositif dans le temps (avec le renouvellement du personnel d’encadrement)

- Maillage Ville transport - Reconnaissance mutuelle entre le réseau de transport, les représentants des villes et les habitants - usagers

CREIL GIP / GPV Cabinet Lacaux

Désenclavement du quartier

Quartier Gournay – les usines en GPV (soit 2000 habitants environ)

- Mise en place d’ateliers thématiques - Propositions de scénarii - présentation du diagnostic

Représentativité de la population en question

Les habitants proposent un projet de voie de désenclavement correspondant au diagnostic du Maître d’œuvre

CORBEIL-ESSONNES

Corbeil-Essonnes STA, TICE O..S.L, S.A.D

Amélioration du service de Bus

Plusieurs quartiers évoqués : Pyramides, Montconseil, La Nacelle.

Etude itérative et interactive Ateliers de qualification mutuelle

Pérennisation des démarches de connaissances des besoins et des usages

- Maillage Ville transport - Reconnaissance mutuelle entre le réseau de transport, les représentants des villes et les habitants - usagers

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Les monographies

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Draveil - Essonne : Mise en service d’un transport à la demande en compte propre MISE EN SERVICE D’UN TRANSPORT À LA DEMANDE EN COMPTE PROPRE

DRAVEIL - ESSONNE

Maître d’ouvrage : Association A.A.E

Etude sur les besoins de déplacement de personnes en insertion, analyse cartographique et expérimentation du service de transport par phases-test.

Maître d’œuvre : Association A.A.E

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L’association « Abeilles Aide et Entraide » rencontrait des difficultés pour faire déplacer les personnes en réinsertion professionnelle dont elle gère le parcours. Elle décide ainsi de mettre en place un système de transport à la demande en compte propre. Cette expérience est innovante : le montage financier mixte qui a poussé cette association à créer son propre service de transport, le partenariat avec l’Institut de la ville pour capitaliser les démarches et les diffuser… Elle permet de comprendre, avec une forte volonté de la structure, comment ce type d’initiative peut émerger pour répondre à un besoin de mobilité très particulier. L’analyse qui suit s’est nourrie de l’entretien mené auprès du directeur de l’association. CONTEXTE ET ENJEUX : INADÉQUATION ENTRE OFFRE DE TRANSPORT ET DÉVELOPPEMENT D’ACTIVITÉS DE RÉINSERTION L'Association Abeilles Aide et Entraide, fondée en 1987, est une association intermédiaire qui a pour objet la réinsertion sociale et professionnelle des actifs en difficulté11 sur le nord-est du département de l’Essonne. Son action rayonne sur le secteur les 12 communes allant de Quincy-sous-Sénart à Etiolles. Cette association s’appuie sur 12 permanents et un vacataire pour proposer des parcours d’insertion axés sur des missions de bricolage, de jardinage, de ménage ainsi que d’accompagnement médical auprès de 300 personnes en difficulté (leur budget équivaut à 7 millions de francs par an et compte notamment 40 % de subventions (provenant principalement de l’Etat et du Conseil Général). Ainsi, cette association rencontrait quotidiennement, avant le montage de son projet de service de transport, des difficultés liées aux déplacements des actifs en difficulté. En effet, une mission dure en moyenne deux heures chez un client, et le déficit de transport en desserte fine pose un problème de cumul de missions dans la journée pour les personnes missionnées, principalement en heures creuses. Le tissu urbain est assez dense sur ce secteur, et comprend de larges zones pavillonnaires dans lesquelles se situent des quartiers en difficulté (notamment la prairie de l’Oly à Vigneux-sur-Seine, actuellement en dispositif ORU). Les habitants du pavillonnaire ont des mobilités alternantes structurées par les grands pôles d’emplois environnants (Evry, Créteil, Orly, Paris...) et les deux opérateurs de bus présents sur le secteur (Connexe et Kéolis) structurent leur desserte par ces grandes tendances de migrations alternantes. Ils ne répondent donc pas aux besoins de l’association pour la réalisation d’un service de proximité : « La mise en application de ce programme (transport à la demande) est gênée par le déficit de moyens de mobilité : les RER ne desservent que le pourtour du territoire des

11 Les personnes embauchées par l’Association sont principalement demandeurs d’emplois, bénéficiaires du RMI, bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité, bénéficiaires de l’allocation parent isolé, les travailleurs handicapés, les jeunes sans qualification professionnelle…

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17 communes ; les bus privés des filiales de Connexe et Kéolis ne propose qu’un service minimum adapté à la population locale très largement motorisée. »12 L’Association Abeilles, Aide et Entraide a réfléchi ainsi dès 1999 à la mise en place d’un service de transport à la demande pour permettre le déplacement des personnes en réinsertion (chômeurs de longue durée, RMIstes) vers des lieux de travail assez variés et par la même occasion vers les partenaires institutionnels leur offrant des services (ANPE, centres médico-sociaux,…). LE PROJET : UNE OFFRE DE TRANSPORT ADAPTÉE POUR LES PERSONNES EN RÉINSERTION PROFESSIONNELLE Malgré une offre de transport alternative en deux-roues sur le secteur13, les actifs en réinsertion rencontraient toujours des difficultés de déplacement. Elle limitait par la même la capacité de l’association à offrir des réponses en terme d’insertion. C’est ainsi que l’association a décidé de créer un service de transport à la demande en compte propre. En 1999 Abeilles, Aide et Entraide a effectué deux types de démarche pour mettre en place le projet : L’association a d’abord sollicité des subventions auprès des différents acteurs

publics (Etat et Conseil général) mais aussi auprès des acteurs privés (notamment la fondation PSA). Elle a par ailleurs expliqué sa démarche, du montage du projet à sa réalisation, auprès des deux opérateurs de transport.

Elle a, dans le même temps, mandaté le bureau d’études IFA Conseils pour mener une étude de faisabilité. L’association a cofinancé cette étude avec la FNARS qui leur a octroyé une enveloppe comprise entre 5 à 10 000 francs.

LES OBJECTIFS DE L’ÉTUDE : LES BESOINS IDENTIFIÉS POUR DÉVELOPPER CE TYPE DE SERVICE Cette étude abordait trois volets (géographique / cartographique, conditions légales / réglementation des transports, Technicité / aspects budgétaires). Les objectifs de l’étude étaient formulés comme suit :

12 Communiqué de presse de L’Institut pour la ville en mouvement du 30 novembre 2001 : « Donner aux exclus le droit à la mobilité vers le travail, inauguration d’un système de transport à la demande en Ile de France le vendredi 11 janvier 2002 à 15 h 00 ». 13 On notera qu’il existait déjà à la génèse du projet une association qui développait un service de location de deux-roues (mobylettes et vélos) à destination des personnes en difficulté d’insertion professionnelle. Le directeur de l’association précise simplement que ce service n’était pas attractif pour le public concerné au sein de l’association : « on a réussi à faire louer des mobylettes chez les hommes, mais chez les femmes, rien ! ».

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« Enquête auprès des intervenants afin de déterminer lesquels seraient intéressés par le service, pour quels trajets (domicile – travail ou rendez-vous dans le cadre du projet d’insertion social et professionnel), et dans quelles conditions (coût, distance à parcourir jusqu’au point de ramassage, durée total du trajet…)14 et construction d’un parcours type de bus en fonction des résultats de l’enquête.

Réalisation d’un test sur une ou quelques journées. Évaluation de la faisabilité d’un service « à la demande » (par réservation la

veille par exemple) et définition des moyens nécessaires à la mise en œuvre de ce service (vérification de l’hypothèse de la pré-étude concernant le véhicule, l’équipe chauffeurs et encadrant, etc).

Définition du profil de recrutement et des parcours de formation et d’insertion professionnelle pour les chauffeurs.

Recherche de partenariat technique (en particulier avec les transporteurs publics locaux approchés lors de la pré-étude) et montage juridique et financier. »15

LE DÉROULEMENT DE L’ÉTUDE : DU QUESTIONNAIRE À L’ORGANISATION DE DEUX PHASES - TESTS La première phase de l’enquête consistait à envoyer un mailing pour identifier les personnes intéressées par cette offre de transport. Une fois le repérage effectué, un questionnaire leur était adressé afin de déterminer les types et les modes de déplacements utilisés. Ce questionnaire répertoriait par personne le temps et le coût de transport, en spécifiant les temps d’attente lors des déplacements et ce durant toute une semaine. Simultanément à la réalisation de ce cahier des charges, Abeilles, Aide et Entraide a réalisé une analyse cartographique assez complexe visant à répertorier de manière exhaustive les besoins de déplacement des actifs et les fréquences de bus existantes. L’étude cartographique était réalisée selon un quadrillage par zones de 250 mètres (trajet de marche à pied acceptable pour les actifs) sur l’ensemble du secteur et ordonnait les diverses missions par jour et par créneaux horaires. Un transparent était réalisé ; celui-ci détaillait l’ensemble des fréquences de transport sur des créneaux horaires de deux heures. Ce dernier était transposé sur la carte des déplacements des actifs : « Ca nous a permis de prendre acte de toutes les missions pour chacun de nos clients, et on a étudié l’adéquation entre l’offre de transport existante et nos besoins, l’idée était de savoir comment on pouvait combler les trous… » précise le directeur de l’association.

14 Le personnel de l’association a participé à l’envoi d’un mailing pour les actifs intéressées par cette étude. Un questionnaire a été élaboré et les résultats furent mis en forme sur une base de donnée informatique. Ce questionnaire répertoriait notamment par date les lieux de départ et d’arrivée, le nombre de personnes concernées, le type de parcours et le nombre de kilomètres parcourus ainsi que le temps passé. Ce questionnaire était nominatif et faisait état de la situation social de l’actif. 15 Extrait du « Cahier des charges de l’étude de montage du service de Transport d’Abeilles ».

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Certu - Février 2004 59

Deux phases de test ont ensuite été réalisées sur deux périodes différentes : Le premier test est réalisé sur une semaine en 1999 ; Le deuxième test est réalisé sur deux mois en juin et juillet 2000 ;

Ces deux tests ont été autofinancés, le conseil d’administration de l’association ayant autorisé la location d’un véhicule 9 places avec chauffeur.

PARTENARIAT ET FINANCEMENT DU PROJET : DES RESSOURCES PUBLIQUES ET PRIVÉS AU SERVICE DE L’INSERTION Une subvention de fonctionnement « Politique de la ville » a été versée le 31

décembre 2000 à hauteur de 150 000 francs au titre de la politique d’insertion, et le Conseil Général de l’Essonne a participé à ce projet pour 40 000 francs six mois plus tard. Cette subvention de fonctionnement a pour l’essentiel été imputée à la charge – par redevance mensuelle (3 ou 4 000 francs tous les deux mois) – du Logiciel de gestion TOD. « Le service de transport à la demande optimisé par optitod est du type " desserte zonale ". Les horaires sont libres et les arrêts sont soit personnalisés (domicile du demandeur d'emploi) soit publics»16

La fondation PSA, 15 jours après la décision de subvention de l’Etat, a financé la

quasi-totalité de l’investissement du projet en accordant deux véhicules destinés au transport de passagers.

En complément des véhicules attribués par le constructeur, l’Institut pour la ville

en mouvement17 a détaché deux chercheurs afin d’offrir un appui méthodologique dans la mise en place du service de transport à la demande. Cette intervention doit par ailleurs permettre d’élaborer une analyse plus théorique visant à étudier « l’influence (du projet) dans le processus de réinsertion ainsi que son interaction avec l’ensemble des acteurs locaux »18.

Quatre chauffeurs sont employés à temps partiel (sur la base de 30 heures chacun),

permettant ainsi de couvrir une plage horaire assez large de 10 heures par jour. Ils ont été engagés dans le cadre d’une convention avec l’ANPE, celle-ci proposant des personnes dont le projet professionnel est orienté dans le domaine des transports19. Par la suite, une convention a été signée avec chaque transporteur et vise d’une part à solliciter des professionnels pour conseiller les chauffeurs débutants de l’association ; en contrepartie, le chauffeur est invité dans l’un des

16 Ces informations sur le projet sont disponibles aux pages « perso.wanadoo.fr » de l’Institut de la ville en mouvement qui retrace sommairement le contexte et le déroulement du projet : perso.wanadoo.fr/ville-en-mouvement. 17 Centre de recherche spécialisé dans le secteur des transports et sur la question des mobilités dont PSA finance une partie du fonctionnement. 18 Ces informations sur le projet son disponibles aux pages « perso.wanadoo.fr » de l’Institut de la ville en mouvement qui retrace sommairement le contexte et le déroulement du projet : perso.wanadoo.fr/ville-en-mouvement. 19 Les chauffeurs ont d’abord été embauchés en contrat de droit privé comme l’y autorise son statut d’association intermédiaire. Ils sont aujourd’hui embauchés par Contrat Emplois Consolidés, après autorisation de la Direction générale du travail.

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bus d’un transporteur pour s’informer plus avant sur les métiers du transport. Depuis le début de cette expérience, deux chauffeurs de l’association ont été embauchés chez les opérateurs de transport.

BILAN ET PERSPECTIVE : UNE EXPÉRIENCE INNOVANTE Pour le démarrage de cette opération, le directeur de l’association signale enfin que « ce projet tourne bien ». Un numéro AZUR (08 10 81 10 39) a été mis en place afin de faciliter les demandes de déplacements des personnes réinsérées. Celui-ci permet la connexion des actifs à une opératrice de l’association. En conclusion, les transports à la demande semblent être la solution adaptée aux besoins de l’association qui développe essentiellement son activité à destination des personnes en difficulté sociale dans un contexte suburbain. Il s’agit ici d’un projet alternatif original : dans le sens ou son objet est la création d’un service de transport en compte

propre, qui bénéficie d’un partenariat public / privé intéressant dans le cadre de son

financement. Ce projet s’adresse aux populations en difficulté d’insertion ou en processus de

réinsertion Il fait l’objet d’un partenariat avec l’Institut de la ville en mouvement (IVM) qui

vise à conduire « une recherche sur le rapport entre mobilité urbaine et inclusion sociale. Les premières hypothèses sont élaborées à partir d’une enquête auprès des membres d’Abeilles Aide et Entraide ; elles seront ensuite étendues au niveau national à travers une grande enquête statistique. »20

Le financement représente la condition essentielle pour mener à bien le projet. Sans ces différents apports financiers (en investissement pour la fondation PSA et en fonctionnement pour les acteurs publics) ce projet n’aurait pas pu émerger. Est prévue en fin d’année une analyse financière plus fine pour poser la question de l’équilibre financier de cette opération21.

20 Communiqué de presse de L’Institut pour la ville en mouvement du 30 novembre 2001 : « Donner aux exclus le droit à la mobilité vers le travail, inauguration d’un système de transport à la demande en Ile de France le vendredi 11 janvier 2002 à 15 h 00 ». 21 L’autofinancement du service est inscrit sur une ligne particulière du budget : 1 % de l’augmentation de la prestation (11,10€) soit 4 centimes d’Euro sera attribué au fonctionnement du budget.

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Corbeil-Essonnes : une meilleure inscription des réseaux de transport dans les quartiers sensibles UNE MEILLEURE INSCRIPTION DES RÉSEAUX DE TRANSPORT DANS LES QUARTIERS SENSIBLES

CORBEIL-ESSONNES

Maître d’ouvrage : Corbeil-Essonnes, Tice, STA

Du partenariat quotidien entretenu autour du Contrat Local de Sécurité au lancement des ateliers de qualification mutuelle entre habitants et transporteurs Maître d’œuvre : OSL,

S.A.D

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Les enjeux de transport, sur la commune de Corbeil-Essonnes, se définissent éminemment autour des questions d’ambiance et de sécurité (fraudes des usagers, règlement de compte entre les jeunes de cités, agressions des machinistes…). Un partenariat local (réunissant les bailleurs, les transporteurs, la justice, la police et les municipalités du secteur) s’est notamment noué autour du Contrat Local de Sécurité. Fort de ce partenariat, les acteurs de transport trouvent dans le cadre du CLS un appui de base pour mieux appréhender les problèmes qu’ils rencontrent sur le terrain. C’est – outre les études présentées ci-dessous - dans ce cadre institutionnel que la problématique transport évolue : « Isolément, on est pas capable de traiter de ces problèmes,… Dans l’autobus, on a un concentré de société qui parfois s’affronte » précise le directeur de la Société de Transport STA. C’est ainsi dans le cadre d’un travail en réseau que les acteurs du transport abordent la question de la connaissance des besoins de déplacements ainsi que des démarches et méthodes menées à cette fin. Pour en connaître la nature, nous nous sommes entretenus avec les directeurs des sociétés de transport TICE et STA ; ainsi qu’avec le Directeur général adjoint chargé du Développement Social Urbain sur la commune. LES TRANSPORTS EN COMMUN À CORBEIL-ESSONNES : UN PARTENARIAT QUOTIDIEN ENTRETENU AUTOUR DU CONTRAT LOCAL DE SÉCURITÉ Les opérateurs de transport22 traversent des quartiers difficiles inscrits en Politique de la ville, comme les quartiers des Aunettes à Sainte-Geneviève-des-Bois, des Epinettes et des Pyramides sur Evry, des Tarterêts à Corbeil-Essonnes ainsi que le Plateau à Ris-Orangis. La problématique transport se caractérise pour ces quartiers prioritaires - notamment dans la présentation du Grand Projet Ville Pyramides / Tarterêts - autour des question du désenclavement et de la sécurisation des transports en commun : « L’accessibilité des quartiers et la mobilité des habitants garantissent le développement des quartiers (création ou renforcement des liaisons internes et externes existantes, sécurisation des transports en commun et du stationnement) »23. Notons que les démarches dans le cadre du Grand Projet Ville sont en cours et n’ont pas été traitées en ce qui concerne l’objet de notre étude. Nous observerons cependant qu’un Groupement d’Intérêt Public (GIP)24 a la charge de mettre en place une concertation avec les habitants25 et de travailler sur la satisfaction des besoins en transports en commun sur ces quartiers sensibles. Un avenant de contrat a par exemple été crée, suite à une délibération du GIP, avec les transporteurs pour les intégrer globalement dans la dynamique de transformation des quartiers inscrits en GPV. Ces

22 L’un des opérateurs de Corbeil-Essonne est T.I.C.E (Transport Intercommunal du Centre Essonne). Cette SEM dessert 20 communes et transportent 55 000 personnes par jour. Elle gère 15 lignes dont la plus étendue est la 402 : elle représente 30 % du trafic et 33 % d’incidents. Elles traversent notamment 10 quartiers inscrits en politique de la ville. L’autre transporteur se nomme STA – Seine Essonne bus. 90 % de son activité est réalisée sur Corbeil-Essonne. 23 Informations disponibles dans « Les Grands Projets de Ville », Délégation Interministérielle à la Ville, Collection Villes, Les éditions de la DIV, décembre 2000. 24 Ce G.I.P est intercommunal et comprend notamment Corbeil-Essonne et Evry. Il associe également l’Etat, le Conseil Général, la Communauté d’Agglomération et les bailleurs sociaux. 25 Des instances de démocratie locale sont mobilisées autour de ce projet : le Conseil de quartier sur le quartier des Pyramides à Evry et le Comité consultatif d’habitants à Corbeil-Essonne

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transporteurs ont en fait intégré depuis longtemps les dispositifs de la politique de la ville : Les acteurs locaux ont structuré leur intervention autour du Contrat Local de

Sécurité (les bailleurs, les transporteurs, la justice, la police et les municipalités du secteur et l’Education Nationale) : « Il n’y a pas que le STIF, il y a l’Etat, les collectivités locales et particulièrement les mairies puisqu’on participe aux réunions du CLS avec d’autres partenaires comme la police, qui est particulièrement à l’écoute… On évite beaucoup de conflits avec leur aide. Les CLS ont rempli un objectif primordial : faire de l’échange entre les partenaires. Cela fait dix ans qu’on est dans ces dispositifs, le contexte s’y prête… Il y a aussi les interrelations avec les autres transporteurs…» observe une représentant de la société TICE.

Soulignons que les sociétés de transports STA et TICE sont signataires du contrat

de ville intercommunal ; Au-delà du cadre institutionnel, ce partenariat débouche sur « un nouveau mode d’organisation des transports sur la ville » afin d’envisager le service de transport de manière globale et de « faire évoluer les pratiques des usagers ». MISE EN ŒUVRE DE L’EXPÉRIENCE : RENOUER LE LIEN ENTRE LES HABITANTS ET LES OPÉRATEURS DE TRANSPORT EN COMMUN POUR UNE MEILLEURE INSCRIPTION DU RÉSEAU SUR LES QUARTIERS Plusieurs expériences furent menées grâce à un partenariat entre les transporteurs et les communes. Rappelons brièvement que les démarches entamées ont pour objectif majeur de renouer un dialogue avec les habitants des quartiers rencontrant des difficultés dans un contexte d’insécurité très lourd. Outre les faits de délinquance, le directeur du Transport STA note un climat très dur chez ses agents, victimes d’agressions quotidiennes : « en interne, on n’était en situation d’arrêter le service ». Renouer les rapports entre habitants pour une meilleure inscription des lignes de bus dans les quartiers était alors une priorité que le transporteur seul ne pouvait pas porté. Sans être exhaustif, nous noterons que les deux transporteurs ont eu recours a deux types de démarches : Le lancement d’études de satisfaction par STA et par TICE qui représente

globalement le volet d’études quantitatif26 ; L’organisation d’ateliers de qualification mutuelle entre transporteurs et

usagers, qui représente un volet plus qualitatif ;

26 Les transporteurs soulignent que le volet quantitatif comprend les enquêtes ménages présentées, mais aussi les divers comptages et études de fréquentation réalisées.

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TICE a notamment mandaté le cabinet d’études S.A.D. pour réaliser une enquête sur la base de questionnaires27, et ce sur deux quartiers : les pyramides d’Evry sur un échantillon de 290 personnes et le Plateau à Ris-Orangis avec 405 personnes interrogées28. Cette enquête venait ponctuer une première étape dans le processus de reconnaissance entre habitants / usagers et transporteurs. L’opérateur de transport SDA, sous l’impulsion de la mairie de Corbeil-Essonnes, a aussi réalisé une enquête de satisfaction en gare auprès de ses usagers afin de répondre aux besoins non satisfaits. Les transports collectifs étaient alors beaucoup trop structurés par les mouvements en gare et ne répondaient pas aux déplacements relevant des temps de loisirs, des trajets de courtes distances ou encore des trajets en heures creuses (notamment pour la desserte des centres commerciaux et des centres de santé). L’analyse de cette enquête a permis d’une part d’identifier les principaux générateurs de trafic et d’autre part d’élaborer des hypothèses de restructuration du réseau de bus. Le directeur de la société STA note que l’appel à projet DIV / CERTU sur « les transports publics en intégration urbaine » a permis en 1998 – avec le concours de l’Observatoire Social de Lyon - de soutenir cette action entreprise : « c’est un système itératif qui a permis de faire évoluer nos navettes 3 fois en trois ans ». Une fois cette phase d’études réalisée, les transporteurs se sont engagés sous l’impulsion du préfet de Région dans un processus de concertation plus qualitatif. Plusieurs cibles d’usagers furent constituées par les transporteurs, la principale étant les populations en difficulté sur les quartiers sensibles : deux groupes de 20 personnes (10 habitants / 10 agents ) ont été constitués aux Pyramides, un groupe sur les Tarterêts, un groupe sur le quartier Montconseil, et un dernier sur la Nacelle. La réflexion sur les publics cibles était importante comme a pu le noter le directeur de la société STA, notamment pour éviter les écueils du type « on voit toujours les mêmes » ou encore « on ne voulait pas de leaders ou trop de représentants d’association, il nous fallait des personnes en contact avec les services »… Cette démarche ne s’est donc pas limitée aux publics en difficulté. Des usagers comme les jeunes scolarisés ont aussi fait l’objet d’un travail dans un autre cadre de rencontres29 (au sein des établissements scolaires). La coordination des ateliers a été menée jusqu’en juin 2000 par la consultante Suzanne Rosenberg, et ce pendant 7 mois. Lors de cette période, 3 comités de pilotage ont réuni les transporteurs, les habitants, la préfecture, les communes concernées. L’objectif de cette démarche de qualification mutuelle, réalisée entre les agents des sociétés de transport et les usagers, était double : il permettait d’une part à chacun des transporteurs de sortir de leur culture technique et d’autre part de détecter les besoins

27 Ce questionnaire « semi-fermé » a été conçu en 5 points : Tice au quotidien dans votre quartier, La vie sociale dans votre quartier, La vie urbaine avec Tice, L’action en faveur de la jeunesse, Identification des personnes enquêtées. 28 Informations disponibles dans l’étude « Mobilité des populations en difficultés : connaissance des besoins et réponses nouvelles », appel à projets transports publics en intégration urbaine, DTT-DIV-Ministère de l’emploi et de la solidarité, Document de Synthèse, mars - octobre 1998. 29 Des actions de prévention ont été conduites dans les établissements primaires et secondaires des sites des Tarterêts et des Pyramides.

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non satisfaits à destination des habitants, l’esprit de ces débats devant éviter le « dialogue institutionnel ». Même si le directeur de la société STA note que ces ateliers n’ont pas été organisés selon un rythme particulier, le directeur de TICE en rappelle les principales phases : Une phase d’affrontement : les transporteurs et les habitants se découvrent et les

premiers contacts se déroulent souvent difficilement entre les deux parties : « les problématiques Transport ne sont pas isolées du reste, des questions transversales y sont abordées : on se met dans la cage avec des gens qui sont hostiles. Dans la première phase de ces groupes de travail, les habitants vident leur sac ».

Une phase de découverte mutuelle : « Dans cette phase, on comprend l’autre. Le

groupe se structure et les gens commencent à partager des choses ». Une phase de proposition : « lors de cette dernière phase, on essaye – à travers

l’expression du groupe – de faire émerger et de structurer les propositions sur des questions de transports (horaires de desserte…). Ces propositions sont présentées par la suite au comité de pilotage ».

Pendant le déroulement de ces ateliers, deux dimensions doivent être prise en compte simultanément : la dimension technique et financière (les horaires, les tarifs,…) et le volet social (l’humanisation des transports en commun…). Les résultats issus des diverses démarches quantitatives et qualitatives ont fait valoir combien il était important de traiter des questions ; des résultats ont d’ailleurs été obtenus avec la volonté des différents partenaires en matière : D’incivilités et de violence : un travail a été réalisé par les transporteurs

notamment avec la mise en place des dispositifs d’agents de médiation pour l’amélioration des relations entre l’usager et le transporteur et la sécurisation des trajets. (Ces dispositifs permettent par ailleurs de répondre à la demande d’informations formulée par les habitants des sites étudiés). Les opérateurs de transport et le représentant de la municipalité de Corbeil-Essonnes notent que la diminution des incidents équivaut approximativement à 50 % (de 1 400 incidents en 1996, les incidents sont aujourd’hui descendus au nombre de 600 à 700).

De tarification sociale : les réflexions sur la tarification, et particulièrement

l’harmonisation des tarifs sur les quartiers prioritaires n’a pas encore abouti. D’adaptation des services de transport : la création de ligne de bus - de navettes

inter-quartiers a permis - tout autant que l’effort des transporteurs pour changer le matériel roulant – de montrer une amélioration de la qualité de service dans les transports en commun.

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DE LA PÉRENNISATION DE LA DÉMARCHE AU PROBLÈME DE MISE EN ŒUVRE DE SOLUTIONS CONCRÊTES AUX BESOINS IDENTIFIÉS La méthodologie employée par les transporteurs sur les sites prioritaires n’est donc pas différente de la majorité des cas dont nous avons pu traiter – même s’il existe quelques différences dans le phasage d’une expérience à une autre : la question de la connaissance des besoins s’appuie sur une approche quantitative et qualitative. Elle est itérative, comme le rappelle le directeur de la société STA, dans le sens ou cette démarche a permis des changements, des évolutions, des améliorations en matière de desserte et de qualité de service. Elle est par ailleurs interactive avec la mise en place de groupe de qualification mutuelle – de sa phase d’élaboration à sa phase de proposition de scenarii. Nous soulignerons - pour aller plus loin - les difficultés rencontrées par les transporteurs du procès d’identification des nouveaux besoins de mobilités à la mise en œuvre de solutions concrètes. Se pose en effet, pour les opérateurs de transport, la question de la pérennisation de la démarche de connaissance des besoins ; ils soulèvent par la même le problème du manque de soutien financier constant pour les actions à mettre en place. Dire que les transporteurs ne rencontrent pas de difficultés dans la mise en œuvre de démarches quantitatives et/ou qualitatives serait sans doute erroné. Les enseignements fournis par les représentants de transport et le représentant de la mairie de Corbeil-Essonnes montrent à maintes reprises que ces démarches furent à la fois mises en place dans l’urgence et souvent dans un contexte d’affrontement. Leur positionnement est avant tout pragmatique : « l’approche rationnelle et la conceptualisation (de la démarche) se fait après ; on pose les problèmes et on identifie les besoins avec des publics cibles, après on essaye des dispositifs, ça marche ou ça marche pas… ». Et c’est seulement aujourd’hui que les acteurs parlent d’expérimentation et peuvent s’exprimer sur les dispositifs mis en place. Au final, ces démarches ne sont pas expérimentées sans risques - et sans certaines critiques. En effet, la satisfaction des besoins de déplacements des habitants, qu’elle résulte d’un processus de concertation ou non, pose les questions suivantes : « la pêche à la ligne budgétaire » : Les transporteurs soulignent le manque de

financements pour pérenniser les démarches et mettre en place des solutions liées à l’amélioration de leurs services : « Pour mettre en œuvre une offre de service, c’est la pêche à la ligne budgétaire, ça s’installe dans le temps et c’est usant… Nous n’avons pas d’interlocuteur unique, par exemple, la tarification sociale, c’est le PREDIT… et souvent les actions proposées ne répondent pas aux lignes budgétaires. Il faut trouver des systèmes contractuels pour éviter les phénomènes de rupture ».

« la lassitude des habitants » : « les habitants sont sur-enquêtés sur ces

territoires et le quotidien ne bouge pas, ils en ont marre. » La question qui se pose ici est le décalage existant entre le temps quotidien de l’usager / habitant et le temps du projet (et de sa réalisation).

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Agglomération creilloise : Le désenclavement d’un quartier inscrit en Grand Projet Ville LE DÉSENCLAVEMENT D’UN QUARTIER INSCRIT EN GRAND PROJET VILLE

AGGLOMÉRATION CREILLOISE Maître d’ouvrage : G.I.P intercommunal

Des groupes de travail pour informer, écouter et débattre avec l’habitant sur les dysfonctionnements du quartier Maître d’œuvre : CAbinet

Lacaux

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Le Grand Projet de Ville de l’agglomération Creilloise est actuellement en cours d’élaboration. L’un des quartiers concernés fait notamment l’objet d’une réflexion sur le désenclavement. Le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre ont décidé dans ce cadre de mettre en place une démarche de concertation avec les habitants du quartier et les acteurs économiques présents sur le site. La retranscription qui suit est le fruit des entretiens menés auprès du représentant du cabinet LACAUX et du chargé de mission Contrat de Ville. LA RESTRUCTURATION DU QUARTIER GOURNAY / LES USINES : AMÉLIORER L’ACCESSIBILITÉ DU QUARTIER POUR FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DU CŒUR DE L’AGGLOMÉRATION. Le quartier Gournay / Les Usines représente l’un des quatre sites classés en Grand Projet de Ville dans l’agglomération Creilloise. La problématique de ce quartier s’écarte des GPV traditionnels, conçus pour une intervention adaptée aux Grands Ensembles périphériques : bien au contraire, ce quartier se situe en plein cœur de l’agglomération et fait l’objet d’un projet de redéploiement économique. Celui-ci est composé de vastes friches industrielles ; ces emprises foncières jouxtent notamment un vieux quartier dégradé d’habitat ouvrier. Le site comprend des ruptures d’échelle importantes et n’est pas véritablement bien relié à la voirie existante. Ce terrain se trouve à l’intersection de trois communes : Montataire, Creil et Nogent-sur-Oise. Le cadre de la politique de la ville est intercommunal, le GPV étant géré par un Groupement d’Intérêt Public30. Un chargé de mission de la Communauté de Communes Creilloise travaille également sur ce dossier. Pour répondre aux enjeux de développement sur le secteur, la question du désenclavement du quartier est notamment évoquée pour répondre à la fois : à l’amélioration de la qualité de vie des 2 000 habitants du quartier : passage de

poids lourds qui desservent les entreprises du quartier, absence d’armature de voirie cohérente, les voies sont essentiellement rapides et la difficulté d’accès au quartier souligne la mauvaise desserte des transports en commun…

au problème d’accessibilité pour les nouvelles entreprises s’installant sur les emprises foncières en friche, mais aussi pour le lycée professionnel qui est difficilement accessible.

Un appel à projet (formalisé par un concours) est ainsi lancé en octobre 2001 par le district (devenu depuis la Communauté de Communes de l’Agglomération Crelloise) pour réfléchir sur la requalification urbaine du quartier. Le cabinet d’Architecture et d’Urbanisme LACAUX est sorti lauréat de ce concours en proposant notamment un groupement de cabinets d’études aux compétences diverses. Participent ainsi au projet :

30 Dans ce cadre, l’Etat s’associe notamment à la Caisse des Dépôts et Consignations ainsi qu’aux villes de Creil, Nogent-sur-Oise, Montataire et Villiers-Saint-Paul et la Communauté de communes (anciennement district Urbain de L’Agglomération Crelloise).

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le cabinet PATOU (pour son expérience sur la concertation des habitants), le Bureau d’études TETRA (pour son expertise socio-économique et ses

compétences de programmation), et la paysagiste Jacqueline OSTY.

Cette étude a donc pour objectif de réfléchir et de proposer un scénario d’aménagement pour le quartier. Le démarrage de l’étude est effectif à compter de février 2002, et s’étend sur 14 mois. Le phasage de cette étude s’effectue plus précisément en deux temps : il comprend un diagnostic à établir sur une durée de 5 mois, le temps restant étant consacré à l’élaboration d’une esquisse d’aménagement sur le quartier. UNE CONCERTATION PUBLIQUE, DES ATELIERS POUR INFORMER LES HABITANTS DU QUARTIER ET UNE PRISE DE CONTACT AVEC LES GRANDS ACTEURS ÉCONOMIQUES EN PRÉSENCE Ce que l’on peut dire en premier lieu sur la démarche de concertation initiée, c’est que celle-ci dépasse le cadre de la commune (le GPV étant porté par un groupement d’intérêt public et par la communauté de communes). Ainsi, la concertation n’est pas structurée autour du conseil de quartier de Gournay / Les Usines, même si les représentants du Conseil sont informés de l’état d’avancement du projet. Ce n’est donc pas sous l’angle de la démocratie locale que la démarche est produite, mais bien dans le cadre d’une démarche propre au porteur du projet qui met en place des groupes de travail. Nous noterons en deuxième lieu que la démarche engagée dépasse la thématique du transport pour évoquer la problématique de restructuration du site : le désenclavement est un sujet traité parmi d’autres. Notons la concertation est ici spécifique tant elle concerne à la fois les habitants et les acteurs économiques (« les grands acteurs ») qui sont propriétaires des vastes emprises foncières. Le principe de concertation des habitants relève essentiellement d’une démarche d’information et de débats. Une exposition permanente est ouverte à la maison de quartier et une permanence régulière est tenue chaque vendredi soir par un élu représentant l’une des trois communes concernées ou un représentant du GIP. Un livre blanc est mis à la disposition des habitants qui souhaiteraient s’exprimer sur la démarche d’études et ce, pendant les heures d’ouverture de la maison de quartier. Dans le même temps, des réunions d’information sont organisées avec le conseil de quartier sous la coupe des élus de la municipalité de Creil. La démarche engagée par le bureau d’études et le GIP peut-être globalement définie en trois temps : La présentation du projet aux habitants : une première réunion de type

« concertation publique » a été organisée par la mairie, en présence du maire de Creil, des bureaux d’études et des différents acteurs institutionnels. Cette première concertation a mobilisé environ 80 habitants et consistait en une présentation de l’étude et de ses limites. La communication liée à cette réunion publique a été essentiellement effectuée par publipostage sur l’ensemble su quartier et par affichages, notamment sur l’ensemble des équipements publics et ce sur le territoire des trois communes concernées par le GPV.

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Au terme de cette réunion, une demande d’inscription sur liste a été effectuée pour les habitants qui souhaitaient participer à des groupes de travail sur les différents thèmes d’aménagement à travailler.

Les réunions et la mise en débat : Après avoir expliqué le pourquoi de cette

étude, deux débats furent organisés sur les thèmes suivants : « Déplacements et fonctionnement urbain » et « Espace public et équipements ». Ces réunions ont mobilisé 20 à 30 habitants. Il est intéressant de noter que ces habitants sont principalement représentés par une association de quartier. Cette association a pour objet d’aider les personnes en difficulté, elle représente notamment la communauté maghrébine fortement implantée sur le site, on y retrouve aussi en son sein la direction du lycée professionnel implanté sur le quartier… Nous dirons ainsi que cette association est l’acteur incontournable du Conseil de quartier.

La présentation du diagnostic : Trois réunions ont permis de présenter les

avancées de l’étude aux habitants : un premier diagnostic informait les habitants des dysfonctionnements identifiés sur le quartier, un deuxième diagnostic, plus général, mettait en exergue l’ensemble des problèmes liées au quartier (habitat, développement économique, accessibilité du quartier…). Enfin, une dernière réunion fut l’occasion de présenter l’un des micro-projets élaborés.

L’organisation d’une réunion publique est prévue en novembre afin de présenter le

scénario d’aménagement du quartier et le nouveau maillage de la voirie. On soulignera l’apport de l’association et de certains habitants qui avaient, préalablement au lancement de l’étude, réfléchi à des propositions concernant l’amélioration de l’accessibilité du site et notamment la création d’une voie de contournement pour le trafic routier. Ce travail a recoupé le diagnostic des bureaux d’études en charge de la conception du projet, la demande des habitants du secteur a ainsi été traitée au sein des groupes de travail et finalement prise en compte par le bureau d’études. Si la démarche de concertation des habitants a permis de faire émerger certaines propositions, quelques-unes des tentatives de consultation ont en outre échoué : les bureaux d’études ont notamment proposé d’intégrer à la démarche les écoles présentes sur le quartier, et notamment de faire participer les élèves aux réflexions sur la restructuration du quartier. Mais le Maître d’œuvre précise que « le maître d’ouvrage n’a pas trouvé de référents pour mettre en place ce dispositif ». En clair, cette démarche n’aurait pas vu le jour faute de financements. Le directeur du GIP souligne en d’autres termes qu’il n’a pas une équipe suffisamment complète à sa disposition lui permettant de contacter et surtout de suivre l’ensemble des acteurs présents sur le site, à l’exemple du lycée professionnel. Une deuxième démarche est lancée : la prise de contact des grands acteurs économiques propriétaires fonciers. L’objectif est ici de leur présenter des options d’aménagement pour tester leur réaction et valider la démarche. Cette démarche est actuellement en cours d’élaboration ; elle concerne principalement : La SNCF qui lance à son tour une étude sur la révision de son schéma directeur

sur le site pour intégrer au mieux la gare aux transformations futures du quartier. Il

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est ainsi prévu que la station SNCF (et la gare routière) devienne « double face » pour tenir compte de la configuration spatiale du site.

La société SOLLAC, pôle d’emplois important dans la production d’acier, génère environ 1 500 à 2 000 emplois sur l’agglomération.

La Société « les marches de l’Oise » (qui devient peu à peu un complexe d’accueil d’entreprises) détient la plus grande part des friches et souhaite conserver un site clos, alors que la commune et la communauté de communes cherchent à intégrer ces emprises sur le quartier.

POINT DE VUE SUR LA MÉTHODE ET LES DÉMARCHES DE CONCERTATION Au final, nous pouvons dégager un principe de concertation même si la démarche reste en cours : elle relève essentiellement de l’information, du débat jusqu’à des propositions d’options de désenclavement avec les habitants ; elle relève plus de l’information et de la négociation avec les grands acteurs du site. Aucune co-décision ou co-production n’y est réellement perceptible, même si le directeur du GIP souligne le bon fonctionnement de la démarche et la prise en compte de la parole de l’habitant. : « Ce n’est pas de la co-production, mais nous n’en sommes pas loin. Nous avons dit aux habitants sans démagogie que le projet serait validé par les élus de la communauté de communes. Mais nous prenons en compte les idées, les attentes des habitants… ça fonctionne bien ». Par ailleurs, cette concertation est nécessaire comme l’observe le mandataire de l’étude (Cabinet Lacaux) qui souligne la pertinence de la démarche de concertation pour sa vertu pédagogique : il s’agit ici de leur « expliquer » les enjeux de l’étude et les démarches lancées dans ce cadre, « la difficulté étant de faire comprendre aux habitants la lenteur du processus d’études ». De plus, si nous considérons globalement le déroulement de l’expérience, nous noterons que les habitants ont eu une force de proposition avec la présentation d’un projet de voie de désenclavement validé par le bureau d’études. Notons cependant que seuls les maîtres d’œuvre prennent la responsabilité de la réalisation de l’étude et de la proposition. Informer et écouter paraît être le diptyque de cette expérience de concertation. Nous remarquerons que cette démarche permet non seulement de légitimer un projet de dimension intercommunale, avec une démarche de groupe de travail, mais aussi de capter par les remarques de l’habitant les dysfonctionnements du quartier notamment en matière de transport.

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concertation et analyse des besoins de mobilité dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

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Val-de-Seine : Identification des besoins de mobilité non satisfaits sur le bassin de déplacements du Val-de-Seine IDENTIFICATION DES BESOINS DE DÉPLACEMENTS NON SATISFAITS SUR LE BASSIN DE DÉPLACEMENTS DU VAL-DE-SEINE

VAL-DE-SEINE

Maître d’ouvrage : Syndicat Intercommunal du Val de Seine

La méthode itérative - interactive pour développer la connaissance des besoins de déplacements et valider des scénarii avec les différents partenaires institutionnels et les habitants

Maître d’œuvre : Observatoire social de lyon

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Le Syndicat Intercommunal du Val de Seine a pour unique compétence la Politique de la Ville. C’est dans ce cadre qu’une réflexion a été menée pour l’amélioration des mobilités et des dessertes de transport. On note dans cette expérience que le syndicat intercommunal identifie des problèmes de mobilité sur l’agglomération et adapte – avec le concours du bureau d’études O.S.L. – une méthode « itérative et interactive ». En cela, cette méthode répond simplement - mais efficacement - aux besoins d’amélioration de desserte particulièrement prégnants sur les quartiers inscrits en Politique de la Ville. L’analyse de cette démarche à été nourri d’un entretien mené auprès du Directeur du Grand Projet de Ville des Mureaux - Val de Seine. LE VAL-DE-SEINE : UNE BONNE CONNAISSANCE DES DISPOSITIFS POLITIQUE DE LA VILLE La présentation du territoire, qui s’appuie ici sur les constats du contrat de ville 2000 / 2006 du Val de Seine, souligne à la fois la multiplicité des faiblesses rencontrées sur l’agglomération du Val de Seine et l’importance des dispositifs mis en place dans le domaine de la Politique de la ville pour pallier aux carences. Le contrat de ville souligne globalement le manque d’identité, « l’image diffractée de son territoire ». Ces faiblesses résultent tout à la fois d’une forte disparité de revenus par rapport à la moyenne départementale, avec la constitution de poches de pauvreté, et d’une délinquance renforçant l’image négative du Val de Seine. Les différents acteurs politiques rencontrent dans ce cadre des difficultés pour faire émerger une stratégie urbaine cohérente à l’échelle de l’agglomération. Le projet de territoire - souhaité dans le cadre du contrat de ville - est d’autant plus difficile à mettre en place que les problématiques rencontrées par chacune des communes représentées au sein du Syndicat intercommunal du Val de Seine divergent. Ce contexte fait transparaître : Un manque de cohérence pour la mise en place des politiques d’urbanisme et

de transport à l’échelle de l’agglomération. Le contrat de ville note ainsi : « le Val de Seine n’a pas eu de réflexion sur sa structure urbaine globale : centralités mal structurées, accessibilités médiocres, tissu urbain distendu ou difficilement maîtrisé. Dans les villes qui ont du mener une politique d’intégration des quartiers à la ville, la réflexion est restée au niveau communal. Aucune cohérence d’agglomération n’existe encore ».

Une faible participation des habitants : le contrat de ville évoque à ce propos

que « les habitants ont été peu mobilisés dans la formulation de leurs besoins et de leurs attentes en fonction des thématiques des programmes développés dans le cadre de la politique de la ville ».

Ce territoire est pourtant inscrit depuis le milieu des années 80 dans les démarches de politique de la ville .

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En 1984, les cinq quartiers des Mureaux sont classés en « îlots sensibles » ; ce

programme intégrait les thèmes de l’amélioration de l’habitat et une réflexion sur les équipements publics.

Entre 1989 et 1994, le cadre de la politique de la ville est étendu à la commune d’Ecquevilly sur la résidence du parc. Les territoires concernés bénéficient alors des dispositifs de Développement Social Urbain (DSU). Ce sont les premières marques de requalification sur le territoire l’agglomération du Val de Seine.

En 1990, après avoir tenté la mise en place d’un Contrat de Ville expérimental sur le territoire « Mantois Val de Seine » le Contrat de Ville du Val de Seine est signé le 29 mai 1994 entre l’Etat et six communes : Les Mureaux, Ecquevilly, Aubergenville, Meulan, Bouafle et Chapet. La géographie prioritaire s’étend à quatre communes sur les cinq quartiers des Mureaux, la résidence du parc d’Equevilly, la cité d’Acosta d’Aubergenville et le quartier du Paradis de Melan. Ces six communes se regroupent en syndicat intercommunal à vocation unique (SIVU) en 1994. Cette structure détient la compétence Politique de la ville. Les premières discussions sont engagées sur le thème de la culture (mise en place d’un plan de lecture publique, aménagement de lieu de lecture dans les crèches…). Le premier Contrat de ville a pour objectif de dépasser le cadre de la géographie prioritaire pour constituer un véritable territoire de projet.

La commune des Mureaux est retenue en 1995 par l’Union Européenne au titre du PIC URBAN 1 pour réfléchir aux conditions d’un redéploiement économique sur le secteur. Ces fonds ont été mobilisés particulièrement sur la réalisation d’opérations économiques nouvelles visant la redynamisation du tissu économique environnant (création d’un espace emploi, restructuration du centre commercial, constructions d’hôtels d’entreprises…).

Un Grand Projet de Ville est mis en place suite au renouvellement du Contrat de ville sur la période 2000 / 2006 ; Deux grands enjeux sont identifiés : le renouvellement urbain et le développement économique.

Alors que les élus prévoyaient la création d’une Communauté d’Agglomération pour supporter la mise en place d’un projet de territoire défini notamment lors du premier contrat de ville, la nouvelle donne politique issue des dernières élections municipales remet ce projet en question. Ainsi, certains élus s’interrogent aujourd’hui sur l’opportunité et la cohérence d’une action politique de la ville à l’échelle de l’agglomération. Si les communes des Mureaux et d’Ecquevilly rencontrent des problématiques socio-urbaines propres à la mise en place de dispositifs politique de la ville, les communes de Bouafle et Chapet agissent plutôt dans un contexte rural. LE TRANSPORT À L’ÉCHELLE DE L’AGGLOMÉRATION : PARADOXALEMENT, UN DOSSIER QUI AVANCE… Les réflexions sur la question du transport débutent en 1997/98. Les besoins de desserte sur l’agglomération sont alors plus ou moins identifiés par les services des différentes municipalités. L'actuel directeur du GPV pour le Syndicat Intercommunal du Val de Seine (SIVU) souligne que les habitants font parfois état de la difficulté de

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se déplacer hors des heures de pointes sur l’agglomération, et ce notamment sur les itinéraires reliant la gare des Mureaux aux quartiers prioritaires. Le cadre intercommunal offre alors aux élus l’opportunité de discuter l’amélioration de la desserte des transports. La signature d’une charte qualité permet à l’opérateur de transport CGEA

d’obtenir des subventions régionales pour améliorer la desserte sur l’ensemble du Val de Seine31.

Les réflexions sur le transport s’affinent plus particulièrement avec le lancement

d’un appel d’offre du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF) en mars 1998, auquel le SIVU va répondre.

Le projet d’étude - pour lequel le SIVU est retenu - vise la mise en place de lignes de bus en soirée sur l’agglomération (et notamment sur l’ensemble des quartiers inscrits en politique de la ville). Cette opération, « les lucioles », vise à restructurer les déplacements sur les créneaux horaires de 21 heures et de 22 heures pour les lignes 3732 et 3833. « On se rendait compte qu’entre 16 h 30 et 19 h 00 le réseau était performant en heure de pointe… Mais beaucoup de personnes travaillent sur Paris, et quand on revient après 19 h 00, il n’y a plus de bus. » souligne le directeur. Le SIVU décide alors d’approfondir la connaissance des besoins de déplacements. Il lance en décembre 2001 une étude sur « l’identification des besoins de mobilité non satisfaits sur le bassin de déplacement du Val de Seine ». On soulignera simplement que l’avancée de ce dossier - ces dernières années - est un peu paradoxale dans le sens ou les discours politiques tendent actuellement à freiner les ambitions intercommunales des précédentes équipes municipales. Notons en outre que le SIVU n’a pas compétence transport, c’est un syndicat intercommunal à compétence unique « Politique de la ville ». Ainsi, le cadre de la Politique de la Ville a permis une approche de la mobilité à l’échelle de l’agglomération. CONNAISSANCE DES BESOINS DE DÉPLACEMENTS : LA MÉTHODE ITÉRATIVE ET INTERACTIVE APPLIQUÉE PAR O.S.L Sur les six bureaux d’études choisis (Quadra, Institut Français de Démoscopie …) en comité technique pour réaliser cette étude, l’observatoire de Lyon a été retenu pour la

31 Ce conventionnement avec la Région Ile-de-France est renouvelable tous les trois ans. Il implique, en terme de structure, la mise en place d’un comité technique (le comité local de transport) réunissant la Région, les collectivités locales et l’opérateur. Chaque année, ce dernier doit rendre un rapport d’activité répertoriant les fréquences des lignes, les itinéraires et le renouvellement et/ou l’adaptation de son matériel. Cela permet dans un premier temps d’avoir un panorama de l’activité et des améliorations et dysfonctionnements éventuels 32 Cette ligne dessert le quartier du paradis à Meulan. Le bus effectue deux rotations entre 21 h 00 et 22 h 00. 33 Cette ligne dessert les quartiers sud des Mureaux inscrits en Politique de la ville, les communes de Bouafle et Chapet.

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qualité de sa proposition34 (notamment sur la pertinence et l’efficacité de la méthode sur laquelle nous reviendrons). L’étude comportait deux objectifs : « Définir les besoins de transport sur l’ensemble du territoire du Val de Seine : un

territoire qui englobe les quartiers inscrits en politique de la ville, mais qui ne s’y limite pas.

Offrir des réponses adaptées en la matière. »35 Elle a été cofinancée principalement en fond politique de la ville par le CRIF, STIF, la DDE et le SIVU36. Deux structures furent mises en place pour suivre le projet : Un comité de pilotage37 Un comité technique38

La méthodologie définie et employée par le bureau d’études OSL fut la suivante : 1er temps : présentation d’un diagnostic général dit « Etat des Lieux » L’objectif de cette phase est d’effectuer un bilan sur l’offre de transport existante, de collecter et présenter synthétiquement les données socio-démographiques sur le territoire d’étude. OSL a réalisé cette phase en s’appuyant sur les données relatives à la desserte et à la fréquence des lignes gérées par l’opérateur de Transport. 2ème temps : présentation d’un diagnostic quantitatif « Analyse des pratiques de déplacement et définition du bassin de mobilité » Cette phase vise particulièrement à répertorier les grandes caractéristiques de la mobilité sur le secteur d’étude et de déterminer un bassin de déplacement. Ce diagnostic quantitatif est produit au moyen d’une enquête téléphonique, dont les échantillons sont représentatifs de l’ensemble des communes. L’échantillon total représente 500 questionnaires au départ et 415 personnes ont été auditionnées. 34 Cette méthode est jugée intéressante par le SIVU dans le sens ou elle est interactive : la méthode permet la participation des publics contrairement à certaines réponses de bureaux d’études. Le deuxième point intéressant était la disponibilité du bureau d’études qui « ne rechigne pas à venir en comité technique autant de fois que nécessaire », le troisième point intéressant est que le bureau d’étude ne s’est pas contenté de répondre au cahier des charges, « ils ont adapté leur réponse en se déplaçant sur le terrain avant de répondre à l’appel d’offre ». 35 « l’identification des besoins de mobilité non satisfaits sur le bassin de déplacement du Val de Seine », Propositions d’amélioration de la desserte ou d’innovation des transports, Cahier des charges, Syndicat intercommunal du Val de Seine, 4 décembre 2001. 36 Son coût équivaut à 60 296 € (soit 395 516 francs). Les financeurs sont le CRIF (37,9 %), l’Etat (ligne budgétaire contrat ville de la DDE : 30,1 %), le STIF a hauteur de 12 % et le Syndicat intercommunal du Val de Seine qui participe à hauteur de 20 %. 37 Le comité de pilotage comprend un représentant du Syndicat Intercommunal du Val de Seine, de la DDE des Yvelines, du Conseil Régional d’Ile de France, du STIF, l’opérateur CGEA, les élus en charge du dossier transport sur les communes du Val de Seine et les techniciens municipaux (chargés de transport, directeur des services techniques…). 38 Un comité technique comprend le Syndicat Intercommunal du Val de Seine, la DDE des Yvelines, le Conseil Régional d’Ile de France, le STIF et l’opérateur CGEA.

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3ème temps : présentation d’un diagnostic qualitatif « Identification des besoins de déplacements » Cette phase qualitative concerne la mise en place d’entretiens semi-directifs auprès de personnes ressources (représentants de collectivités territoriales, travailleurs sociaux et animateurs, responsables d’associations, d’établissements scolaires, de commerçants et de groupes d’habitants). Cette enquête est réalisée sur les communes regroupées au sein du Val de Seine. De cette phase d’étude, émergent les premières réflexions et demandes liées aux besoins de desserte. Cinquante personnes ont été interrogées pour mener à bien ce diagnostic. 4ème temps : proposition de scénarii de desserte « Conception et validation des scénarios » Pour faire suite aux deux types d’enquête réalisées lors des deux phase précédentes, le bureau d’études a effectué « une hiérarchie des besoins » et produit plusieurs scénarios en partenariat avec les différents techniciens concernés. Les scénarios, validés par le comité de pilotage, font l’objet d’une communication auprès des personnes ressources. Le bureau d’études effectue un rapport au terrain. 5ème temps : « Enquête interactive » de l’Observatoire Social de Lyon L’enquête interactive est une méthode mise au point par l’OSL. Elle vise à recueillir des réactions de la part des usagers de transport et/ou habitants au vue des scénarios validés précédemment. Le bureau d’études la présente notamment lors de sa réponse à l’appel à projet : « L’hypothèse sous-jacente à la mise en œuvre de cette méthode est que l’expression d’un comportement projeté (à travers une simulation ancrée dans la vie quotidienne de la personne interrogée) permet d’optimiser la fiabilité des réponses. » L’échantillon déterminé lors de cette dernière phase représente 200 personnes réparties sur les communes concernées. POINT DE VUE SUR LES DÉMARCHES ET LA MÉTHODE : UN OUTIL D’AIDE À LA DÉCISION Le comité de pilotage a repoussé la date du test (3ème temps) car la période des vacances n’était pas propice à la consultation des habitants. Un avenant de contrat prévoit ce dépassement, sans coût supplémentaire, entre les commanditaires et le bureau d’études. Nous ne nous attarderons pas sur les principales difficultés rencontrées par le bureau d’études sur le terrain39. En outre, même s’il paraît aujourd’hui délicat d’analyser une méthode d’enquête sans que les conclusions aient encore été rédigées, nous pouvons constater que :

39 L’étude en question souligne un manque de personnes ressources pour la réalisation de la 3ème phase sur les petites communes de Bouafle et Chapet, non contactées soit par l’emploi du temps surchargé des personnes sollicitées ou par périodes de vacances

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Cette méthode permet de travailler sur une échelle assez vaste. Rappelons brièvement que le secteur d’études comprend 59 135 habitants répartis sur 6 communes.

Elle s’adapte réellement à la connaissance des besoins de déplacements40 dans

le sens ou les scenarii proposés sont à la fois co-évalués par les habitants / usagers et par les différents acteurs institutionnels participants au comité de pilotage. La mise en place d’une méthode d’enquête itérative / interactive est ainsi décrite41 : la méthode itérative permet d’établir un espace d’échange entre le comité de pilotage, d’une part, et des personnes ressources constituées en ateliers. Cette première enquête permet de dégager in fine des scenarii. La méthode interactive consiste à déterminer un échantillon représentatif d’usagers auquel on présentera les scenarii, scenarii sur lesquels ils devront réagir.

La méthode d’enquête itérative / interactive permet ainsi de dégager un matériau

pertinent pour valider ou non les scenarii en question. Il représente ainsi un bon outil d’aide à la décision.

40 Les phases deux et trois permettent notamment d’établir un diagnostic assez complet sur les caractéristiques de déplacement en travaillant à la fois sur les besoins en termes d’itinéraires et de fréquences ou tout autres aspects qualitatifs. 41 Des éléments de la méthodologie sont disponibles dans « Appel à projets transports publics en intégration urbaine », Atelier thématique « mobilité des population en difficultés : connaissances des besoins et réponses nouvelles », Document de synthèse, Ministère de l’emploi et de la solidarité / Délégation Interministérielle à la Ville / Direction des Transports Terrestres, mars – octobre 1998.

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Orléans : L’écoute des habitants L’ÉCOUTE DES HABITANTS ORLÉANS

Maître d’ouvrage : SIVOM / SEMTAO

De l’étude itérative et interactive à la démarche didactique du comité de quartier de la Source Maître d’oeuvre : KHI 2

M&D / OSL

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Deux types d’expériences ont été identifiés sur la ville d’Orléans. L’une d’elles concerne le volet « Connaissance des besoins de transport dans les quartiers classés en politique de la ville » avec la mise en place d’une étude sur trois quartiers inscrits en zone urbaine sensible en 1998 par l’opérateur SEMTAO. L’autre expérience concerne la manière dont la thématique « transport » se pose dans les instances de concertation à l’échelle du quartier « La Source », quartier inscrit en Grand Projet Ville. Agnès Descamps de l’Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Orléanaise, Michel Longuerre, élu de la mairie et Patrick Communal, directeur du GPV, ainsi que Eric Omnès, directeur marketing de la SEMTAO, ont été sollicités pour comprendre tout à la fois le contexte et les enjeux, les démarches et les méthodes de connaissance des besoins de déplacements sur l’agglomération et particulièrement sur certains quartier sensibles comme La Source. LA RESTRUCTURATION DU RÉSEAU DE BUS APRÈS L’ARRIVÉE DU TRAMWAY ORLÉANAIS : UNE DÉMARCHE ITÉRATIVE ET INTERACTIVE POUR APPRÉHENDER LES BESOINS DE DÉPLACEMENT SUR TROIS QUARTIERS SENSIBLES Cette étude naît de l’appel à projet porté par la DIV et la DDT dans le cadre du Pacte de relance pour la ville. La Communauté d’Agglomération Orléanaise42 mandate la SEMTAO43 pour réaliser l’étude dans le cadre de la restructuration du réseau bus accompagnant l’arrivée future de la ligne 1 du tramway. Elle est financée à 50 % par le SIVOM de l’époque et à 50 % par l’Etat (DIV / DTT). Au lancement de cette étude, l’enjeu identifié sur les trois quartiers inscrits en Zone Urbaine Sensible (La Source, l’Argonne, et les Salmoneries) est le suivant : 35 % des ménages qui habitent ces quartiers ne sont pas motorisés, alors que ce taux est de 25 % à l’échelle de l’agglomération. Trois objectifs ont ainsi été fixés dans la réponse au cahier des charges pour la réalisation de cette étude : Connaître les mobilités de la population de l’agglomération ainsi que les modes et

les flux de déplacements sur les quartiers défavorisés (principalement La Source, l’Argonne, et les Salmoneries) ;

Déterminer la place des transports en commun, leur utilisation ainsi que les améliorations à apporter dans les quartiers sensibles, et plus généralement sur l’agglomération ;

Évaluer les restructurations à apporter sur le réseau de bus avec l’arrivée de la ligne 1 du tramway.

Les propositions des bureaux d’études KHI 2 M&D et l’Observatoire Social de Lyon (OSL) ont été retenues par la SEMTAO, qui sur la ZUS a souhaité un travail commun

42 La CAO était en 1997 un SIVOM, elle est devenue Communauté d'agglomération Orléans-Val de Loire appelée communément "AgglO". 43 La SEMTAO est opérateur de transport sur l’agglomération Orléanaise. C’est une filiale de Transpole (secteur concurrentiel de la Caisse des Dépôts et Consignations).

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entre les deux bureaux. L’étude, basée sur une démarche itérative / interactive, est présentée comme suit dans la réponse à l’appel d’offre : Une première phase est lancée et vise la connaissance des besoins de mobilité. Pour mener à bien cette première phase, une analyse est produite en trois temps. Elle comprend un cadrage général, une enquête de mobilité et une étude spécifique visant à mieux appréhender la relation entre les transports en commun et les populations qui habitent en zone urbaine sensible. Chacune de ces démarches à une méthode propre : Le cadrage général rappelle la répartition et une structuration de population entre

les différents quartiers, la répartition et la nature des équipements et la situation de l’offre de transport. Une typologie de 21 zones est réalisée comprenant l’ensemble de l’agglomération.

L’étude de mobilité est réalisée, sur un délais de trois semaines environ, par enquêtes téléphoniques selon « un tirage aléatoire de la personne interrogée après identification des membres du foyer ». L’échantillon44 se compose de 2 400 personnes âgées de 12 ans et plus. 110 personnes seront interrogées par zone, à l’exception des 3 zones défavorisées qui seront représentées par 140 personnes.

Les relations qu’entretiennent les habitants défavorisés avec les transports en commun : il s’agit d’un sondage réalisé avec échantillon représentatif sur les 9 lignes existantes de bus des trois quartiers sensibles.

La deuxième phase, dite « module spécifique quartier sensible » vise à identifier les scénarii possibles. Cette deuxième phase s’appuie sur les besoins de déplacements des habitants identifiés lors de la première phase. La démarche de cette seconde se présente comme suit : Une analyse qualitative issue d’entretiens d’acteurs sociaux, Un travail avec le comité de pilotage afin de mettre en débat la hiérarchie des

demandes présentées et dans un deuxième temps de valider les pistes d’actions retenues.

Présentation des scénarii à un panel d’habitants (450 interviews sur les trois quartiers) et analyse des réactions.

Le directeur du Grand Projet Ville ainsi que l’adjoint à la démocratie locale note, après la réalisation du tramway, qu’un certain nombre d’habitants n’étaient pas du tout satisfaits de cette nouvelle offre de transport. L’insatisfaction s’explique par le fait que le temps de trajet - réalisé en tramway - nécessaire pour relier le quartier de « La Source » au centre-ville dépassait le temps de trajet des lignes directes de bus (supprimées depuis l’arrivée du tramway).

44 La réponse à l’appel d’offres précise notamment : « il faut s’assurer que l’échantillon ait la même structure que celle de la population d’origine. Les critères suggérés sont les CSP du chef de famille et la taille du foyer. En termes d’individus, il faut s’assurer que l’échantillon reproduise la même structure que la population en termes d’âge et de sexe,… » in Proposition d’étude sur les besoins des habitants des quartiers de l’agglomération Orléanaise, KHI 2 M&D, Syndicat Mixte des Transports de l’Agglomération Orléanaise, janvier 1998.

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Pour le responsable de l’étude à la SEMTAO, la démarche de l’étude n’est nullement en question : il n’y a pas eu de mauvaise appréhension de la demande de mobilité des habitants, mais des difficultés dans la mise en place du réseau. Lors de la réalisation du tramway, la modification d’un tronçon a augmenté le temps de trajet entre ce quartier et le centre historique. La décision politique de l’époque fut de supprimer les lignes de bus qui reliaient le centre au quartier pour favoriser les déplacements en tramway. Ainsi, le mécontentement des habitants grandissant, une ligne de bus a depuis été remise en place sur le même parcours mais demeure aujourd’hui non rentable : les habitants se sont tout de même habitués à avoir une fréquence régulière de tramway. D’après les conclusions du rapport d’étude, les besoins liés au déplacement ont été approfondis par la SEMTAO et le SIVOM. Les partenaires se sont engagés sur un programme d’action en deux ans comprenant la révision de la tarification de transport en commun et la modification des trajets de bus : L’une des demandes fortes était le changement de tarification selon les situations

sociales : le prix du ticket à l’unité n’a pas évolué, mais les tarifs ont été revus à la baisse pour les étudiants, et les communes ont mis en place des chèques déplacements pour la gratuité des transports à destination des chômeurs et de leurs ayants droit.

L’une des demandes sur la tarification sociale n’a pas pu être actée politiquement,

et ce spécialement sur La Source, car les habitants de ce quartier souhaitaient une tarification sur les trajets courts (le quartier étant assez étalé). L’actuelle Communauté d’Agglomération n’a pas souhaité entamer une discrimination positive à l’égard de ce quartier, ne pouvant pas instaurer ce système à l’échelle de l’agglomération pour des questions de rentabilité du service transport.

Enfin, même si la mise en place du réseau s’est difficilement réalisée à la Source,

le service de bus offre globalement une meilleure couverture des quartiers sensibles notamment pour le quartier des Salmoneries, qui bénéficie aujourd’hui d’un repositionnement des arrêts de bus et de lignes prolongés (notamment vers un bout du quartier excentré) desservant les zones d’emplois et le centre historique.

LES ATELIERS TRANSPORT DU QUARTIER : UNE DÉMARCHE DE CONCERTATION ENCADRÉE PAR LE CONSEIL DE QUARTIER Pour comprendre le fonctionnement du quartier de La Source, on soulignera deux niveaux d’intervention : un Grand Projet Ville qui est en cours d’élaboration et un Conseil consultatif de quartier, instance de démocratie locale mise en place par la ville d’Orléans, qui gère et valide les projets liés à la vie quotidienne des Habitants de La Source. Un projet de piste cyclable a été mené dans le cadre de cette instance de démocratie locale. Celle-ci fonctionne sur trois niveaux : le Conseil consultatif réunit

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250 personnes en assemblée plénière deux ou trais fois par an pour valider les projets de quartiers, les ateliers thématiques45 réunissent 140 à 150 personnes (Chaque groupe de travail ouverts aux habitants représentent entre 10 à 40 personnes), et les référents locataires qui représentent aujourd’hui 40 personnes du quartier. Chaque référent (parfois plusieurs) représente un immeuble, l’idée étant d’obtenir une couverture géographique importante sur le quartier. C’est par le biais de l’Atelier Voirie qu’un schéma de piste cyclable a pu être élaboré. Vingt personnes travaillent au quotidien sur les questions de voirie, de transport et de circulation à l’échelle de la Source : »on y aborde la question des accès de camions, la fermeture ou l’ouverture des places, on va même jusqu’à choisir les couleurs des lampadaires » précise l’adjoint à la démocratie locale sur la ville d’Orléans. Le quartier étant assez étendu, la pratique du vélo y est relativement développée. Ainsi, la nécessité de travailler sur un schéma de piste cyclable se pose depuis assez longtemps. Dans un premier temps, plusieurs sous groupes ont été constitués sur divers thèmes (cinq personnes ont travaillé sur la signalisation et les points dangereux au sein du quartier, deux personnes sur les feux et leur fréquence,…). Le deuxième temps consiste à déterminer l’organisation du projet avec : Une phase de repérage, Une phase de compte rendu et de débats, Une phase de propositions de scénarios, Une phase de discussion Une phase de validation

Certaines de ces phases ont nécessité une coopération entre les services techniques de la mairie et les habitants. Le conseil de quartier, qui encadre et valide globalement le projet, le transmet à la mairie et à la Communauté d’Agglomération qui le valide à nouveau. Cette expérience a permis la réalisation d’un site propre en bande à l’échelle du quartier. DEUX NIVEAUX D’APPRÉHENSION DE LA DEMANDE DE TRANSPORT POUR DEUX ÉCHELLES D’INTERVENTION : LES ACQUIS ET LIMITES DE LA DÉMARCHE Au final, les démarches qui ont été menées sur Orléans sont intéressantes car elles permettent de fixer la réflexion sur la connaissance des besoins de déplacement à deux niveaux et en deux temps distincts : L’étude itérative et interactive, menée par les bureaux d’études KHI 2 et OSL,

apporte un point de vue général et précis sur un projet de requalification des lignes

45 Les thèmes privilégiés au sein du Conseil sont : le GPV, la sécurité et la prévention, la voirie, la fête / animation et culture, l’Atelier social et l’Atelier sport et jeunesse.

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de bus sur l’agglomération et particulièrement sur trois quartiers sensibles. Ce type de démarche permet d’obtenir une prospective en portant les enjeux liés à une demande sociale sur plusieurs années. Cette méthode a permis de mieux connaître les besoins de déplacement des habitants les quartiers inscrits en zone urbaine sensible.

Cette étude ne permet pas cependant de répondre aux besoins quotidiens des

habitants à l’échelle du quartier. Les habitants n’ont d’une manière générale pas (ou pour un nombre limité d’habitants) de visions prospectives quand il s’agit de transformer leur quartier. Leurs attentes, en matière de déplacements comme dans d’autres thèmes de la vie quotidienne, se conjuguent souvent au présent. Même si l’étude menée par KHI 2 et OSL comprend dans sa méthodologie une phase interactive entre les habitants et le comité de pilotage en charge de l’étude, celle-ci ne peut pas « répondre » à des besoins concrets, elle permet de valider des scénarii. Comme nous l’avons déjà précisé dans la monographie du Val de Seine, l’étude itérative et interactive est un bon outil d’aide à la décision pour une autorité organisatrice de transport ou la participation des habitants ne représente qu’un élément à prendre en compte.

Ce qui est intéressant dans le cas d’Orléans, c’est que les questions quotidiennes liées aux déplacements ne sont pas éludées. Elles sont relayées par le Conseil de quartier, notamment de la Source qui a par exemple conçu un schéma de circulation pour les déplacements en vélo via les ateliers du conseil. Cette concertation permet de répondre à des soucis très quotidiens et aux questions propres liées au quartier. Simplement, on retrouve souvent la même limite aux démarches de concertations organisées dans le cadre des instances de démocratie locale : le système de démocratie locale n’est pas représentatif de l’ensemble de la population de quartier. Sur la Source, malgré un tissu associatif dynamique, on note par exemple que la communauté maghrébine reste assez peu représentée et peu mobilisée, sauf sur la question de la création d’un lieu de culte… Pour répondre au problème de représentation des habitants de quartier, la mairie sollicite actuellement des personnes relais par immeuble pour mieux quadriller le quartier. Les émeutes qui se sont produites - il y a quelques années - sur ce quartier prouvent que les demandes de la population doivent être sérieusement prise en compte au quotidien comme le précisent les acteurs institutionnels du quartier. Ainsi, l’adjoint à la démocratie locale sur la ville d’Orléans souligne notamment : « la concertation, c’est un terme dialectique, c’est à l’élu d’assumer son rôle. Sur la question des transports, il peut être en face de demandes segmentées et contradictoires : on essaye d’écouter les intérêts particuliers ». On conclura ainsi que malgré les quelques limites observées, les deux approches liées à la connaissance des besoins de déplacement sont bien complémentaires dans le sens où elles concourent toutes les deux – avec des principes et objectifs différents - à une meilleure appréhension de la demande des habitants, notamment dans les quartiers inscrits en Politique de la ville.

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Île-de-France : les ateliers d’initiatives de la RATP LES ATELIERS D’INITIATIVES DE LA RATP ÎLE-DE-FRANCE

Maître d’ouvrage : RATP Une nouvelle stratégie de communication pour sensibiliser la clientèle au phénomène d’indifférence et de violence

Maître d’oeuvre : RATP

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La RATP, à travers les Ateliers d’Initiatives, met en place une communication de proximité. L’objectif de la démarche étant de produire du débat d’idées afin d’en diffuser la substance en interne comme en externe. À côté de l’opération de communication, qui est le cœur de la démarche, certains responsables d’unités opérationnelles se sont appropriés l’outil pour produire un meilleur service de transport, notamment à travers une connaissance plus fine des problèmes rencontrés par les usagers. On observera cependant que ce dispositif reste difficile à pérenniser. L’analyse qui suit se nourrit des entretiens effectués auprès de différents représentants de la RATP : l’ancien responsable de la démarche, la chargée de projet pour les « ateliers initiatives » de la ligne A du RER et deux représentants du service communication. VIOLENCE ET INDIFFÉRENCE : UNE CAMPAGNE DE COMMUNICATION BASÉE SUR DES RENCONTRES ENTRE USAGERS, EXPERTS ET PROFESSIONNELS DE TRANSPORT Les ateliers d’initiatives naissent de la campagne de communication « violence, Indifférence, en parler c’est agir » lancée en 1999. Suite à la mort d’un contrôleur en exercice, le personnel de la RATP se trouve en état de choc et décide de lancer un mouvement social. Le climat est alors assez tendu au sein de l’entreprise et la direction est amenée à mettre en place une communication de crise. La journée de lutte contre la violence, organisée en partenariat avec la Croix Rouge, le 22 et 23 octobre 1999 sert ainsi de point de départ à une démarche de sensibilisation et de communication auprès de la clientèle. Cette opération consistait alors à développer sur 80 sites des points de rencontres entre les voyageurs et 500 agents du RER, du métro et des lignes de bus pour « chercher ensemble des solutions nouvelles » en matière de lutte contre l’indifférence et la violence. Des questionnaires étaient mis à disposition des voyageurs pour leur permettre de témoigner de leur vécu et de proposer des actions de sensibilisation. Trois démarches ont été lancées consécutivement à l’événement : Entre 5 et 6 000 questionnaires ont été remplis par la clientèle sur site à côté des

500 questionnaires produits par les agents. Ce corpus a été analysé par le cabinet d’études Jean-Philippe Fèvre Consultant.

Une analyse (sur support audiovisuel) liée à l’impact de l’événement a été réalisée par IPSOS.

Une campagne de presse a été lancée par la direction de la communication. Un large constat est tiré sur l’ensemble de ces démarches : les voyageurs (par leur manque de citoyenneté et de civisme), au même titre que la direction de la RATP et ses agents (comportements non fondés des agents dans la relation qu’ils ont avec le client) sont responsables de cette situation. La Direction de la RATP prend alors le parti de mettre en place une démarche participative expérimentale dans laquelle est coproduite de nouvelles réponses entre voyageurs, agents de l’entreprise et experts : les Ateliers d’Initiatives.

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LA MISE EN ŒUVRE DE L’EXPÉRIENCE : UNE COMMUNICATION DE PROXIMITÉ POUR AMÉLIORER LE QUOTIDIEN DES VOYAGEURS OU POUR COMMUNIQUER SUR DES ENJEUX SOCIÉTAUX ? Cette démarche s’inspire des conférences de consensus organisées en 1998, dite « conférence de citoyens », sur le thème « de l’utilisation des Organismes Génétiquement modifiés en agriculture et dans l’alimentation ». Deux spécialistes46 ont été sollicités par la RATP pour comprendre l’intérêt de la démarche et les méthodes à mettre en place. Le principal fondement des ateliers d’initiatives n’est pas d’élaborer collectivement des solutions en réponse à des questionnements et des remarques d’usagers, même si ceux-ci abordent largement les dysfonctionnements locaux et les désagréments vécus dans les transports en commun. Rappelons que cette démarche a été mise en place dans une situation de crise. L’idée sous-jacente est bien au départ de capitaliser une demande d’usager pour in fine la diffuser en interne comme en externe (notamment auprès des médias47) : « Comme le souligne Daniel Boy et Philippe Roqueplo, le déroulement des conférences de citoyens ou des ateliers d’initiatives mobilisent différemment les experts et les décideurs, facilitent un questionnement nouveau dont la fraîcheur permet de sortir du trop traditionnel débat d’experts. Néanmoins, son but ultime n’est pas d’arriver à une meilleure solution mais à contribuer à ce que les éléments majeurs de la controverse, des enjeux, passent dans la société, fassent précisément débat ou soient appropriés par tout ceux qui font l’opinion publique, voire tous les citoyens. La relance du débat public joue alors un rôle d’agitateur d’idées, en versant au débat de nouvelles problématiques, en renouvelant l’approche de problématiques plus anciennes. Les ateliers d’initiatives, à ce titre, préfigurent la dynamique relationnelle à installer entre la RATP, ses voyageurs et ses partenaires… qui explique le choix de la phrase signature les idées circulent, l’indifférence recule »48. Il n’en demeure pas moins que le principe de la démarche est de confronter les points de vue entre experts, acteurs locaux, et usagers pour faire émerger des propositions concrètes : « ces ateliers visent à décloisonner les approches, à favoriser l’écoute mutuelle et à créer une dynamique constructive entre acteurs locaux, voyageurs, agents et experts. Il s’agit aussi de valoriser les initiatives locales témoignant de la contribution de chacun dans la lutte contre l’indifférence. L’objectif est d’inventer collectivement des actions concrètes applicables localement et de faire émerger des propositions nouvelles pour mieux vivre ensemble les transports en commun »49. On notera ainsi, à travers une même démarche, que cette expérimentation aborde deux objectifs distincts :

46 Philippe Roqueplo (Directeur de recherche au CNRS) et Daniel BOY (Professeur à l’Institut de Sciences Politiques à Paris et chercheur au CNRS). 47 On note que cette expérience a eu 29 répercussions dans les médias : 14 articles de presse, 14 diffusions à la radio et 4 passages à la télévision. 48 « Les ateliers d'initiatives : une dynamique originale d'écoute mutuelle… » de Jean-Marc BERNARDINI (Délégation Générale à la Communication). ARTICLE n°40 pour la revue “ SAVOIR-FAIRE ” 49 « Fiche d’analyse d’expérience », Document de travail 2001, Jean-Marc Bernardini. Cet article est disponible sur le site de la délégation interministérielle à la ville, dans les archives de E-Ville.

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Un premier objectif vise à produire du débat d’idées pour communiquer largement sur la question de l’incivilité à l’indifférence. Cette communication est à la fois interne et externe.

Le deuxième objectif est plus informel et il a une portée opérationnelle : comment utiliser un corpus de réflexion - basé sur divers problèmes à l’échelle locale, notamment sur le comportement de publics cibles– pour élaborer des solutions concrètes ?

On pourra dire globalement que le service communication met en place l’architecture du projet et intervient particulièrement sur le premier objectif. Les unités opérationnelles - volontaires pour expérimenter la démarche - récupèrent de manière un peu informelle le travail et les préconisations locales effectuées par les groupes de parole. Cette expérimentation s’est déroulée sur une année (de décembre 1999 à décembre 2000). Quatre mois se sont notamment écoulés de la phase de recrutement jusqu’à l’audition publique des usagers. On notera trois phases importantes dans la mise en place de cette démarche : Constitution de trois panels : deux panels regroupent une quinzaine d’usagers

chacun. Les usagers sont habitants des lignes de transport concernées. Suite à un appel d’offre de la RATP, l’IFOP a recruté les publics. Un troisième groupe est constitué par des élus, des associations, des travailleurs sociaux, des sociologues, des magistrats… L’ensemble des groupes étant pilotés par des experts indépendants.

Formation et information des voyageurs sélectionnés : deux sessions de formation

sont organisées par la RATP. Cette phase est au cœur du dispositif dans le sens ou elle constitue le premier espace de dialogue entre experts (économistes, psychologues, sociologues…), usagers, acteurs locaux et représentants de la RATP. C’est dans cet espace collectif que les questions et les premiers constats émergent.

L’audition publique et constitution d’un rapport public : la dernière phase vise la

confrontation des points de vue entre les différentes parties du groupe et en présence des médias, et donne lieu à des propositions. Ces propositions sont formalisées dans « un plan d’action local » : « Ainsi, par exemple, sur le thème à propos des relations entre les voyageurs : peut-on enclencher une dynamique vertueuse, positive ?, le rapport public relève certaines initiatives jugées intéressantes pour créer des liens entre les gens, comme le fait de remplacer les affiches publicitaires par des photos de visage d’habitants du quartier (Sevran) ou la création, par les agents et les usagers de la ligne de bus n°153 d’une émission de radio et l’enregistrement de vidéos »50.

Au démarrage de l’expérience, 5 directeurs d’unité opérationnelle furent volontaires pour participer à la démarche (dont un directeur de ligne de métro, un directeur de ligne RER, deux directeurs de centre bus et le directeur de la sécurité). Deux noyaux sont constitués autour de Saint-Denis, et de Marne-la-Vallée. Certains territoires

50 « Fiche d’analyse d’expérience », Document de travail 2001, Jean-Marc Bernardini. Cet article est disponible sur le site de la délégation interministérielle à la ville, dans les archives de E-Ville.

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traversés ne sont pas inscrits en Politique de la ville, mais nous pouvons tout de même souligner que certaines lignes ou certaines gares - comme la ligne 306 ou les gares de Noisiel, Lognes et Torcy – traversent des lieux sensibles de la banlieue parisienne et qu’à ce titre la démarche prend en compte des populations défavorisées ou difficiles – comme certains jeunes de Noisiel ou Lognes51. Sur les bus, une représentante du service communication de la RATP a notamment rappelé que le travail s’était axé autour des thèmes suivants : La montée et la descente des usagers dans les bus (ligne 29) qui sont des

mouvements rarement respectés ; Les places prioritaires (ligne 306) qui émanent de règles obsolètes52, ne sont pas

respectées ; ce travail a permis à la fois de réviser la réglementation en cours (les places sont ouvertes aux personnes âgées) et d’expérimenter une nouvelle signalétique sur les places (signalisation par bandeaux adhésifs ou par des places de couleurs différentes).

Le problème des poussettes, (ligne 60) qui fait aussi partie d’un réglementation obsolète53, est souvent source de relations conflictuelles entre le machiniste et les usagers. Cette réglementation est assouplie en autorisant notamment la montée des poussettes (sur demande effectuée auprès du machiniste). L’obligation de plier les poussettes sera demandée si leur nombre dépasse deux poussettes par bus…

Sur la ligne A du RER, les Ateliers d’Initiatives ont même servi de support au problème latent rencontré au sein des gares de Torcy, Lognes, Noisiel, Champs-sur-Marne : certains jeunes s’appropriaient les espaces de la gare et cette situation provoquait des relations conflictuelles avec le personnel de la RATP. L’opération a démarré en septembre 2001 pour aboutir en septembre 2002. Elle consistait à mettre en place un plan d’actions discuté entre des voyageurs traditionnels, les jeunes et les agents de la RATP. Pour ce faire, la RATP a sollicité les médiateurs et travailleurs sociaux des services jeunesse de chacune de ces communes pour organiser ces rencontres. Le plan d’actions fut réalisé en mai 2002 sur la base : d’une participation des agents de la RATP au repas de quartier organisé par le

service jeunesse pendant l’été 2002 ; d’un match de foot entre les jeunes , le personnel de la RATP et les travailleurs

sociaux des mairies ; de la réalisation d’une fresque (d’un graphe) par des artistes de la ville de

Champs-sur-Marne ; de l’organisation d’un forum des métiers à destination des jeunes de ces

communes : la RATP, en partenariat avec ces villes, a présenté l’ensemble de ces métiers…

de la création d’un comité de suivi entre la RATP et les villes pour entretenir le maillage local et développer des actions ponctuelles régulières. Cette démarche a

51 Ces jeunes furent recrutés par l’IFOP suite à des contacts pris avec les représentants des services jeunesse de ces communes, mais aussi par le biais de médiateurs sociaux des entreprises d’insertion locales… 52 Ce règlement d’après guerre stipule notamment que les places prioritaires sont réservées aux mutilés de guerre et aux personnes touchées par certains handicaps. 53 Ce règlement stipule notamment que les poussettes ne sont pas autorisées en heures de pointe, et que ces dernières doivent être pliées à leur entrée dans le véhicule.

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été initiée afin de pérenniser les ateliers d’initiatives. Un premier atelier s’est tenu en juin, et un deuxième s’est réalisé en octobre (avec une programmation de l’inauguration de la fresque en novembre avec les élus et responsables de la RATP). Ces rencontres seront ensuite organisées de manière trimestrielle ou semestrielle ; l’objectif étant de construire une ou deux manifestations par an et de s’engager sur un plan d’action minimum…

L’accompagnement de la démarche a été réalisé par un bureau d’études. Son coût est important, le budget de cette action représente en effet de 200 000 francs (le financement étant réparti entre la direction de la communication de la RATP et la direction d’exploitation de la ligne RER A). Le recrutement fut organisé – non plus par l’IFOP – mais par la RATP : en relation avec les animateurs de quartier pour cibler un public jeune, avec le personnel en gare pour les voyageurs traditionnels.

Les usagers dit « traditionnels » sont restés en retrait des événements mais ont toujours été intégrés au dispositif de concertation. Chacun des panélistes a dans ce sens reçu une cassette vidéo répertoriant les différents temps forts de la démarche ainsi qu’un article édité dans la revue Savoir Faire qui retrace l’ensemble de la démarche. La responsable du dispositif sur la ligne A du RER note aujourd’hui que cette démarche a considérablement changé l’ambiance de ces gares : « aujourd’hui les gens se parlent. Les jeunes sont toujours là, mais on a réussi à créer du lien ». Les discussions et préconisations, produites au cours des rencontres entre usagers et agents de la RATP ont donc permis d’expérimenter des solutions concrètes sur le terrain. Elles sont accompagnées d’une campagne de sensibilisation (par dépliants et signalétiques dans les bus…). La représentante du service communication note ainsi une nette amélioration des comportements des usagers. L’EXPÉRIMENTATION D’UN OUTIL D’ÉCOUTE MUTUELLE : DES LIMITES DANS LA PÉRENNISATION DE LA DÉMARCHE Les débats, qui ont porté sur la lutte contre « l’indifférence au quotidien dans les espaces publics », font plus globalement apparaître des remarques de fond sur la relation entretenue entre la RATP et les usagers : « Favoriser le dialogue entre agents et voyageurs, Demande forte pour un respect des règles d’usage dans les transports en commun, Une présence qualitative et quantitative différente de la RATP, Renforcement des relations entre la RATP et les voyageurs en multipliant les

rencontres entre les associations d’usagers, en développant les actions de communication locale

Demandes d’actions locales de proximité… »54

54 « Les ateliers d'initiatives : une dynamique originale d'écoute mutuelle… » de Jean-Marc BERNARDINI (Délégation Générale à la Communication). ARTICLE n°40 pour la revue “ SAVOIR-FAIRE ”

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L’une des conclusions générales émanant des Ateliers d’Initiatives est que les moyens employés sur les champs de la prévention et de la dissuasion ne sont que trop peu connus du public alors que l’entreprise y consacre 1,5 milliard de francs sur un budget total de 25 milliards. On notera ainsi que cette conclusion légitime le travail de communication de la RATP. Le résultat de cette démarche est notamment commenté en ce sens par le porteur du projet : « Le résultat des Ateliers d’Initiatives est avant tout la diffusion du rapport lui-même : un inventaire des informations retenues par le panel des citoyens comme pertinents et une liste de recommandation ». En premier lieu, deux limites peuvent cependant être notées dans la mise en place de ce dispositif : Les besoins traduits lors de la démarche sont (en principe, et non en réalité)

accessoirement pris en compte, l’important étant de capitaliser des informations relatives aux remarques et besoins des usagers pour les diffuser par la suite. Ce n’est qu’au fil du temps que cette expérimentation s’affirme comme un moyen de connaissance des besoins locaux liés aux déplacements des usagers de la RATP.

Par ailleurs, cette démarche n’est que difficilement reproductible au sein de

la RATP. Celle-ci est portée par quelques directions d’unité opérationnelle volontaire au sein de la RATP, mais les responsables de la communication l’avouent : il est très difficile de mobiliser plusieurs agents sur une période de 6 mois, à raison de quelques journées par mois au détriment de la production de service transport sur une ligne de bus ou de métro. Au démarrage des ateliers d’initiatives, le responsable de l’action de l’époque (Direction Générale de la Communication Externe) observe que la mobilisation n’a pas été simple au sein de l’entreprise ; ce type de démarche - et il s’agit là de l’une des limites du dispositif - ne peut être mis en place qu’avec des responsables opérationnels « solides ». Mais, le remplacement d’un responsable opérationnel peut entraîner des risques dans la pérennisation du dispositif. Le nouvel arrivant sur un poste de responsable opérationnel peut notamment avoir du mal à s’approprier la démarche.

En dernier lieu, une analyse du dispositif fait notamment dire à la consultante en charge du pilotage des ateliers : « Il semble toutefois que ce portage en solitaire n’était pas un meilleur choix. Une opération aussi lourde et complexe ne peut être laissée entre les mains d’un seul acteur, aussi compétent et entreprenant soit-il. L’opération aurait beaucoup à gagner à ce qu’un portage collectif, mêlant plusieurs acteurs internes mais aussi des acteurs externes, soit mis en œuvre. Il ne s’agit pas ici seulement de logistique ou de répartition des tâches, la nature même des Ateliers nécessitait un tel portage »55. Ces deux dernières remarques doivent tout de même être relativisées par la mise en place du comité de suivi sur la ligne A du RER. L’objectif de ce comité de suivi est clairement de réaliser un maillage entre le réseau de transport et les villes. Le dispositif est dans ce cadre pérennisé et a une dimension partenariale. Cette

55 in « Ateliers d’Initiatives : “ Les idées circulent, l’indifférence recule ” » Suivi et analyse de l’opération Véronique Le Goaziou Agence de Sociologie pour l’Action pour la RATP (Direction Générale à la Communication) 2. Rapport problematique, avril 2001

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expérimentation s’écarte donc du projet initial, pour établir à la fois un échange constructif entre opérateur de transport et représentants des villes, et une reconnaissance mutuelle entre agents de transport et usagers. Cette démarche est cependant loin d’être systématisée sur le réseau RATP, elle trouve en cela une limite.

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Agglomération lilloise : Une veille pour suivre l’évolution des comportements et recueillir les attentes des habitants UNE VEILLE POUR SUIVRE L’ÉVOLUTION DES COMPORTEMENTS ET RECUEILLIR LES ATTENTES DES HABITANTS

L’AGGLOMÉRATION LILLOISE

Maître d’ouvrage : SMETC De l’étude des quartiers inscrits en Z.U.S. à la mise en place d’un observatoire social

Maître d’oeuvre : Transpole

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concertation et analyse des besoins de mobilité dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

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L’opérateur de transport « Transpole » doit aujourd’hui faire face à la mauvaise image des transports en commun sur l’agglomération lilloise et au problème d’insécurité et de fraudes sur le réseau existant. Face aux exigences de rentabilité et de qualité de service, l’opérateur a conduit une série d’opérations - de l’étude à la mis en place d’une campagne de communication pour l’extension des lignes de métro vers Tourcoing. L’ensemble de ces démarches conduit cet opérateur – en partenariat avec l’autorité organisatrice sur l’agglomération – à l’élaboration d’un observatoire des attentes et des comportements. La retranscription de cette expérience s’appuie sur les entretiens réalisés auprès du Directeur contrôle sûreté et environnement de TRANSPOLE et d’un représentant de la Communauté urbaine de Lille. LE TRANSPORT DANS L’AGGLOMÉRATION LILLOISE : DU SERVICE DE QUALITÉ AUX EXIGENCES DE RENTABILITÉ Transpole appartient au groupe Kéolis. Cet opérateur gère, dans le cadre d’une convention d’exploitation signée avec la Communauté Urbaine de Lille et le Conseil Général, l’ensemble du réseau et des infrastructures de transport en mode lourd (tramway et métro) ainsi qu’en desserte fine (Bus). Le cadre contractuel est une clé de lecture importante pour comprendre les enjeux de transport à l’échelle de l’agglomération, souligne le directeur du contrôle, de la sûreté et de l’environnement social. Ce cadre contractuel permet notamment d’appréhender les contraintes et les difficultés rencontrées par l’opérateur de transport. Face aux exigences de qualité de service spécifiées dans le cahier des charges de la convention, existe aussi un impératif de rentabilité pour l’opérateur de transport. L’enjeu est d’autant plus complexe que l’agglomération est assez morcelée. Elle comprend 86 communes, et chacune d’entre elles a potentiellement des besoins spécifiques : « L’agglomération est un patchwork de quartiers, donc on est obligé de travailler sur l’ensemble des quartiers. Comment offrir dans ce cadre un service de qualité, performant et attractif, tout en mettant en œuvre une politique tarifaire adaptée à destination des populations les plus démunis ? »56 Au regard de ces enjeux, le transporteur dédouble ses missions : Il est prestataire de service et obéit dans ce cadre à un impératif de rentabilité :

« nous nous engageons sur des dépenses et des recettes incluant des objectifs de qualité de service » souligne le représentant du transporteur. L’objectif de cet opérateur est de doubler la fréquentation des usagers sur leur réseau, sachant que la voiture est un concurrent difficile à dépasser notamment dans le contexte de rurbanisation de la métropole.

Il est aussi partenaire, notamment dans le cadre des CLS et autres dispositifs

politique de la ville. C’est dans ce cadre que le représentant de Transpole note une

56 Il existe un taux de fraude équivalent à 20 % en 1998 sur l’ensemble du réseau Transpole.

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évolution considérable dans les compétences d’ingénierie sociale et de sécurité. « L’environnement social est au cœur de nos métiers ».

LA CONNAISSANCE DES BESOINS DE DÉPLACEMENTS : À LA RECHERCHE D’UN OUTIL SOUPLE À L’ÉCHELLE DE LA MÉTROPOLE Plusieurs expérimentations ont été effectuées pour adapter au mieux le service de transport aux besoins de déplacements. On retiendra globalement que la démarche du transporteur pour une meilleure connaissance des besoins en la matière s’est axée principalement : sur la base d’études de marché classiques, avec des mesures de flux réguliers et

des enquêtes de satisfaction… sur la base d’un travail plus spécifique sur les quartiers prioritaires dans le cadre

du Pacte de Relance pour la ville. sur une campagne de communication réalisée autour du prolongement de la ligne

2 du métro. On remarquera ainsi que le transporteur – à l’occasion de l’extension de son réseau – a créé des espaces de dialogue avec les habitants.

L’ÉCOUTE DES HABITANTS : DES RÉSULTATS PEU SATISFAISANTS AU QUOTIDIEN L’écoute des habitants semble, à travers l’exemple qui va suivre, se mettre en place en situation de crise : le transporteur « fait face » à des revendications contradictoires dans un climat social tendu, il n’appréhende pas la question des besoins de déplacement des habitants du quartier, il gère le conflit dans l’instant avec ces différents partenaires. Ainsi, Transpole a déjà tenté de prendre en compte une demande spécifique notamment sur le quartier du Pont Rompu à Tourcoing. L’opérateur rencontrait des problèmes d’agressions et de jets de pierre sur ce quartier, et a même arrêté pour un temps relativement court de le desservir en son centre. Plutôt que d’aboutir à une situation de crise, Transpole a pensé reconsidérer le parcours du bus. Une association (assez virulente) a notamment souhaité déplacer la desserte de la ligne de bus. Cette situation s’est transformée assez rapidement en « épreuve de force avec la ville ». L’autorité régulatrice, le syndicat mixte d’exploitation de transport de l’agglomération lilloise, a décidé de donner gain de cause à cette association : ainsi, le tracé de la ligne a été reconfiguré. Deux jours plus tard, d’autres habitants du quartier ont fait « contre-feux » en dénonçant ce nouveau tracé. Le représentant de Transpole note ainsi que les avis restent souvent très contradictoires à l’échelle d’un quartier et constate par la même la difficulté – voir le peu d’efficacité - d’une démarche de concertation des habitants.

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Si l’on généralise ce type d’exemple à l’échelle de l’agglomération, nous pourrons remarquer que la position du transporteur se justifie de cette manière : « la production d’un service de transports publics en Zone Urbaine Sensible est régulièrement confrontée aux conséquences de la fragilité du climat social qui y règne. C’est un véritable défi posé aux responsables de transport qui doivent alors s’efforcer d’améliorer le climat de confiance (…) et de satisfaire avec davantage de pertinence aux besoins de déplacements d’une population souvent captive des transports publics et pour laquelle la mobilité, facteur d’insertion sociale et professionnelle, est un réel enjeu. »57 La difficulté rencontrée par cet opérateur est ici tout à fait identifiée à la fois en termes de communication (climat social tendu dans les quartiers inscrit en ZUS) et de qualité de service (offre de transport insatisfaisante,…). Une réflexion intéressante a été menée dans ce cadre pour pallier ces problèmes. L’OBSERVATOIRE DES ATTENTES ET DES COMPORTEMENTS : UNE DÉMARCHE OPÉRATIONNELLE POUR UN RÉSEAU PERFORMANT Une étude menée dans le cadre de l’appel à projet de la DIV et de la DTT en janvier 1996, autour du Pacte de Relance pour la Ville, a notamment permis d’améliorer la connaissance des besoins de déplacement dans les quartiers en difficulté. Cette étude est intéressante à retracer parce qu’elle préconise in fine la mise en place d’un observatoire des attentes et des comportements à destination des habitants de ces quartiers. Le Syndicat Mixte d’Exploitation des Transports en Commun de la Communauté Urbaine de Lille a été retenu pour conduire le programme « Transports publics et Intégration Urbaine » sur l’agglomération et en a confié la réalisation à l’opérateur Transpole. Transpole a ainsi réalisé un diagnostic sur 10 sites prioritaires de l’agglomération. Celui-ci s’est déroulé en 4 phases : des monographies spécifiques à chaque quartier (aspects urbains, fonctionnement

social,…) ont été produites avec la participation des acteurs locaux des différents quartiers : techniciens et responsables politiques, représentants d’association et commerçants…

une analyse socio-démographique a été élaborée sur la base de données statistiques (RGP,…)

une analyse technique sur l’offre de transport a été effectuée en termes d’amplitude, de confort, de temps d’attente…

une étude des usages s’est déroulée sur la base de 3 000 questionnaires environ pour analyser les divers motifs de déplacements et comprendre les perceptions des usagers dans les transports publics (délinquance…).

Quatre axes de recherche ont ensuite été dégagés dont la mise en place d’« un observatoire des attentes et des comportements des quartiers de l’agglomération

57 in Pacte de relance pour la ville « Transports publics et Intégration urbaine : synthèse des études », Syndicat Mixte d’Exploitation des Transports en Commun de la Communauté Urbaine de Lille, janvier 2000.

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Lilloise » ; les préconisations étaient à la fois d’ordre général58 et spécifiques59. On notera globalement que ce dispositif est mis en place à des fins opérationnelles ; l’observatoire est d’abord une structure visant l’amélioration des services de transports publics sur les quartiers inscrits en politique de la ville ; il est d’abord conçu comme un système assez souple de veille et d’aide à la décision : « on s’est rendu compte qu’il y avait des interactions entre les thèmes sécurité et améliorations des services et qu’il pouvait y avoir des synergies importantes au sein de l’entreprise comme en partenariat avec les différents services publics». L’observatoire des attentes et des comportements ne verra le jour qu’au premier semestre 2003, date de conventionnement pour l’exploitation du réseau transport de l’agglomération lilloise. Quatre paramètres serviront d’indicateurs d’ambiance et de mode de vie au sein des quartiers : l’offre : les dysfonctionnements de type interruptions de trafic, nombres de

courses perdues… la fréquentation et les usages : le nombre de personnes fréquentant les points –

service et le nombre d’entrants / sortant sur le réseau… l’ambiance : l’insécurité et les atteintes aux voyageurs, au personnel de

transport,… la fraude : les procès verbaux répertoriés et le taux de fraude apparent.

Ces quatre éléments seront recoupés ensuite par deux autres variables : d’une part une base de données dite « élargie »60 et des informations qualitatives relevant des différents partenaires en contact avec le transporteur (notamment dans le cadre des Contrats Locaux de Sécurité) et d’autre part des dispositifs instaurés à proximité des quartiers sensibles (les Points services au particulier, les adultes relais…). C’est par la combinaison de l’ensemble de ces éléments qu’une analyse de la situation sera possible, et par la même que la mise en place de moyens sera adaptée à la demande de l’habitant. Elle répond en cela à l’objectif que s’est fixé la direction de Transpole : doubler la fréquentation du réseau d’ici 2015. Pour aller plus loin dans la démarche entamée par l’opérateur, il est intéressant d’illustrer concrètement l’une des préconisations d’ordre général relevé lors de cette étude. Le transporteur a en effet mis en place une campagne de communication insolite à destination des jeunes et d’un certain nombre d’habitants de quartiers sensibles.

58 Les préconisations portent sur la nécessité de « ré-humaniser les transports », en particulier par un accroissement des agents au contact de l’ensemble des voyageurs, d’améliorer la relation entre les agents de Transpole et le jeune public, d’adapter la tarification aux situations diverses, de proposer une information plus proche de ces populations et mieux identifiée par elles. » in Pacte de relance pour la ville « Transports publics et Intégration urbaine : synthèse des études », Syndicat Mixte d’Exploitation des Transports en Commun de la Communauté Urbaine de Lille, janvier 2000. 59 « Les préconisations spécifiques sont formulées comme suit : l’adaptation de l’information aux populations immigrées, la prise en compte de familles monoparentales, une meilleure desserte de lieux fortement fréquentés par les populations de ces quartiers (et notamment les centres commerciaux), le renforcement et la diversification de la présence du transporteur dans la vie sociale de certains quartiers. » Syndicat Mixte d’Exploitation des Transports en Commun de la Communauté Urbaine de Lille, janvier 2000. 60 Il s’agit d’informations préexistantes sur les différents quartiers en termes socio-économiques, d’offre et de fréquentation, d’usage, de prévention et de sécurisation.

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COMMUNICATION ET DES « RENCONTRES – SPECTACLES » : UN OUTIL INTÉRESSANT… MAIS TROP COÛTEUX Cette démarche de communication (« rencontres -spectacles ») a été expérimentée par le transporteur dans le cadre de la mise en service de la nouvelle ligne de métro Roubaix - Tourcoing en 1999. L’objectif visait une amélioration des services de transport sur certains quartiers. Le principe de cette expérimentation consistait : - à diagnostiquer les attentes des habitants en matière de service, en organisant trois réunions de quartiers (avec une moyenne de 8 habitants par séance) et en les listant sur 5 ou 6 thèmes sur lesquelles Transpole pouvait communiquer. - à organiser un « micro-événement » afin de communiquer avec l’ensemble des habitants du quartier : « l’idée était de rencontrer des habitants, comme dans les réunions de village » en rythmant les débats par l’organisation de scènes et de chansons traitant des aspects du quotidien des usagers. L’expérience se déroulait comme suit : une chanson introduisait le thème à aborder, un débat était engagé pendant 10 minutes et quelques comédiens venaient illustrer le thème. Ce schéma était reproduit pour l’ensemble des thèmes listés61. Ces rencontres – spectacles permettaient tout à la fois d’échanger les points de vue entre habitants et professionnels du transport sur les thèmes importants et de faire réagir les habitants sur l’image et leur vécu dans les transports publics. Le journal « Nord Eclair » donne le ton de ces réunions interactives d’usagers / habitants : « l’Epidème a été le premier quartier choisi par la société de transport pour sensibiliser et rassurer le public (s’en suivront l’Alma et l’Epeule en juin, Croix et Wasquehal en septembre, la Bourgogne à Trourcoing peut-être entre les deux). Le Conseil de quartier, le DSU, le Club de prévention (AAPI), la MJC, le Centre social, le « Collectif femmes », le CAL-PACT, l’association « Faut qu’ça bouge », bref tous les intervenants sociaux du quartier ont ratissé large autour d’eux. Et le résultat : des vieux, des jeunes, des actifs, des non-actifs, des utilisateurs assidus ou occasionnels, il y en avait pour tous les goûts (environ 80 selon nos sources) à l’école Balzac lundi soir, avec pour animer le débat, Vincent Goethals (du « Théatre en scène »), Transpole en quatre exemplaires, et la mairie de Tourcoing au moins autant représentée. »62 Divers publics ont été sollicités notamment les usagers des quartiers difficiles et la population scolaire (dans le cadre du programme annuel de prévention scolaire) afin

61 Les thèmes listés sont : les tarifs et la fraude avec le sketche « le contrôleur compatissant », la solidarité et les tarifs spécifiques avec le même sketche, la sécurité et les voyageurs avec une pantomime « ambiance et agents d’ambiance », le métro et le réseau de surface avec le sketche « le conducteur papa cool », l’information à la clientèle avec le sketche « le guichetier polyglotte » et le final avec un monologue « Gérard, le voyageur de la communauté urbaine de Lille ». in « Sept rencontres – spectacles pour accompagner la ligne 2 Nord du métro », Dossier de présentation, Transpole, Septembre 1999. 62 in Nord Eclair, « le métro, c’est facile » de Sophie Prévost, 2 juin 1999.

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d’établir un dialogue sur l’image et le vécu des habitants dans les transports en commun. Dialogue préventif, certes, pour lutter contre les problèmes de délinquances et d’incivilités, mais aussi démarche expérimentale pour répondre aux interrogations et aux attentes des usagers : « Les clients nous font aussi remarquer que les transports sont parfois trop chers, pas assez fiables, trop lents, manquent de confort, etc… »63. C’est dans cet esprit, et par cette approche de « marketing de proximité», que ce sont déroulées les rencontres - spectacles. En communiquant sur la performance et la complémentarité du réseau lillois (Métro –Tramway - Bus), la transformation du réseau de dessertes fines, la baisse des tarifs et la création de nouveaux titres de transport, l’écoute et l’information quotidienne des habitants via les agents d’accueil, d’ambiance et les permanences d’informations dans les quartiers, le responsable du pôle environnement social de Transpole veut croire au bénéfice d’une écoute des habitants basée sur des formes ludiques. POINT DE VUE SUR LA MÉTHODE ET LES DÉMARCHES En ce qui concerne l’observatoire des attentes et des comportements, on remarquera qu’en terme méthodologique, l’opérateur n’a aucune prétention scientifique : même s’il se base sur le croisement des analyses qualitatives et quantitatives, il n’entend pas répondre aux attentes des habitants de manière exhaustive. Une autre interrogation est plus politique : l’observatoire permet un mode de collaboration entre les différents partenaires de l’agglomération, mais –et comme l’a formulé à plusieurs reprise le directeur du pôle environnement social – Transpole n’est pas décisionnaire en matière de transport public. On s’interrogera donc sur la « performativité »64 du système : quelle garantie d’efficience du repérage d’une situation à la mise en action ? Dernière remarque à porter sur les démarches de rapprochement entamées par le transporteur avec les habitants de quartiers sensibles : l’enjeu lié à la reproduction de ce type de communication est aujourd’hui d’organiser l’événement en co-production avec les différents partenaires de la ville, car ce type de prestations est évidemment assez coûteux65 pour être supporté par un opérateur de transport. L’ensemble des services publics en action sur ces sites sont-ils prêts à jouer le jeu du « marketing de proximité » pour se saisir d’une demande locale spécifique ?

63 in « Sept rencontres – spectacles pour accompagner la ligne 2 Nord du métro », Dossier de présentation, Transpole, Septembre 1999. 64 In « La condition post moderne », Jean-François Lyotard, Editions de Minuit. 65 Le coût de ces opérations ne nous a pas été communiqué.

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Mulhouse : une forte mobilisation des habitants du quartier des coteaux autour du projet TRAM-TRAIN UNE FORTE MOBILISATION DES HABITANTS DU QUARTIER DES COTEAUX AUTOUR DU PROJET TRAM-TRAIN

MULHOUSE

Maître d’ouvrage : SITRAM

Une démarche pédagogique et participative au sein du conseil de quartier Maître d’œuvre :

Observatoire Social de Lyon

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La conception du tram-train, dans l’agglomération Mulhousienne a fait l’objet d’une démarche de concertation assez importante. Dans la ville de Mulhouse, cette démarche s’est appuyée sur les conseils de quartier, structure qui permet d’écouter l’habitant au quotidien et de gérer les dysfonctionnements internes à chacun des quartiers. Cette expérience est intéressante, sur le quartier des Coteaux, tant elle permet aux habitants et aux associations - via l’instance de démocratie locale - de discuter et de se mobiliser autour d’un projet de quartier. La participation des habitants et des acteurs locaux a été exemplaire face l’imbrication d’enjeux urbains et de transport sur le site. Nous analyserons l’expérience grâce aux entretiens menés auprès du responsable de l’information et des relations publiques à la SITRAM, de la représentante de la Mission Ville et Quartiers à la Ville de Mulhouse et de l’ancien chef de projet sur le quartier des Coteaux. L’ARRIVÉE DU TRAMWAY À MULHOUSE : UNE CONCERTATION CLASSIQUE, QUI S’INSTALLE DANS LA DURÉE… Le tramway est l’un des grands projets de l’agglomération Mulhousienne. Il est annoncé publiquement en 1998 par le député maire de la ville de Mulhouse lors de la fête commémorant le rattachement de Mulhouse à la France. Il est porté par le président (le député maire de Mulhouse) et les élus du conseil d’administration du SITRAM (Syndicat Intercommunal des Transports de l’Agglomération Mulhousienne) au début des années 1990. Après avoir constaté les dysfonctionnements liés à la circulation automobile dans le centre de l’agglomération (dans une démarche PDU), les élus réfléchissent à la création d’un transport en commun en site propre dont les objectifs sont définis comme suit : Renforcer l’attractivité des transports publics par la réalisation d’un TRAM-

TRAIN66 : un partenariat SNCF-SITRAM permet notamment de réfléchir à la mise en place d’une interconnexion entre la gare centrale de Mulhouse et le réseau du tramway.

Réduire le trafic automobile transitant par le centre ville de Mulhouse en réalisant un évitement par voies périphériques et en réalisant des parkings relais.

Améliorer la qualité de vie des habitants au sein de l’agglomération en développant des modes alternatifs comme le covoiturage, en harmonisant les problématiques urbaines et de transport, en réduisant l’insécurité routière et en améliorant la qualité de l’air…

66 Une étude est lancée dans les premiers temps sur la conception d’un site propre. Elle détermine à la fois les conditions de faisabilité du projet et le mode de transport le plus adapté, en l’occurrence le tramway.

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Les principaux quartiers inscrits en politique de la ville se situent au centre de la ville67. Ainsi, le projet de tramway68 représente moins une opportunité de désenclaver ces quartiers qu’un moyen de restructurer des déplacements à l’échelle de l’agglomération. La concertation des habitants se veut néanmoins à la hauteur du projet. Dès 1998, le député maire indique qu’il souhaite une concertation des habitants, dans la mesure du possible, la plus régulière : « Il n’y a pas de réussite sans la mise en place d’une consultation continue et régulière tout au long du projet. Concernant la ville de Mulhouse, je suis confiant car nous sommes forts de notre expérience des conseils de quartiers ». MISE EN ŒUVRE DE L’EXPÉRIENCE : UNE PROCÉDURE DE CONCERTATION QUI S’APPUIE SUR LES CONSEILS DE QUARTIER La démarche de concertation est encadrée réglementairement par le code de l’urbanisme et de la construction aux articles R 300-1 et R 300-2. Elle consiste pour la SITRAM à mettre en place schématiquement deux grandes phases de concertation : Une phase de concertation préalable réalisée d’avril à mai 1999, axée sur les

principes fondamentaux du projet de tram. Une phase de concertation publique visant à consulter les habitants sur la partie

urbaine du projet (intégration urbaine du tracé…) mais aussi l’ensemble des opérations spécifiques aux différents quartiers (Aménagement urbain, réalisation d’infrastructures…). Cette phase n’a pu faire l’objet d’une analyse plus poussée, la démarche étant en cours sur certains quartiers.

La phase de concertation préalable est aujourd’hui terminée. Dans ce cadre, la première démarche de le SITRAM fut de déterminer les quartiers concernés par le projet de tramway. Le chargé de communication de la SITRAM précise ainsi : « on a repéré les quartiers où la demande était forte, où il y avait une possibilité de mobiliser les habitants ». Ainsi, le SITRAM s’est appuyé sur les structures institutionnelles de la municipalité de Mulhouse. Les conseils de quartiers sont des espaces de concertation constitués d’habitants - la plupart du temps - impliqués dans la vie de quartier (milieu associatif, institutionnel, représentants de syndics…). Ces conseils ont leur propre budget et chacun d’eux est piloté par un élu. Il aborde principalement des questions quotidiennes et permet, à travers le budget qui leur est alloué, de faire intervenir les services techniques municipaux sur tel ou tel problème au sein du quartier. Les services municipaux viennent rendre compte au terme de leur intervention des résultats obtenus. 67 La ville de Mulhouse se développe au19ème siècle avec l’installation d’usines et de quartiers d’habitat ouvriers en son centre. Ces quartiers regroupent aujourd’hui diverses communautés en difficulté d’insertion. Ces quartiers ont été classés en GPV (Nordfeld-Bâle, Vauban-Neppert, Frankelin-Fridolin,…). Il s’agit ici, notamment dans le cadre du GPV de Mulhouse, de revitaliser le tissu urbain des quartiers en difficulté en redynamisant le tissu économique et en développant une offre de logement mixée et attractive. 68 La réalisation du projet s’étend de 2005 (mise en service du réseau Est-Ouest et Nord-Sud) jusqu’en 2010 (mise en service de l’interconnexion et de la totalité du service sur le réseau de l’agglomération).

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Le SITRAM s’est donc servi de cette instance de démocratie locale pour aborder la concertation préalable. Les questions évoquées lors de ces assemblées étaient de l’ordre du fonctionnement quotidien du quartier avec l’idée d’identifier les changements que pourrait impulser le tramway dans le quartier. D’autres dispositifs ont accompagné cette concertation : Réalisation et édition d’un document d’information actualisé sur le projet ; Mise en œuvre d’une exposition itinérante présentant le projet ; Mise en œuvre d’une campagne de communication (aux travers de différents

supports : médias locaux, presse et radios, affichage, mailings…). Les territoires inscrits en Grand Projet de Ville n’ont, selon la responsable de la Mission Habitat et Quartiers de la municipalité de Mulhouse, pas encore bénéficié d’une procédure de concertation très soutenue et ce pour deux raisons : La première phase de concertation d’habitants n’a à l’époque pas bénéficié à la

mise en place du GPV. Les territoires du GPV se situent au centre ville. Il n’y a donc que très peu

d’enjeux de désenclavement sur ces quartiers. En outre, la mobilisation des habitants est, semble-t-il, plus difficile que dans un quartier d’habitat social classique dans le sens où ce GPV est constitué de vieux quartiers dont l’une des dominantes est l’habitat privé. Il est donc particulièrement difficile de mobiliser les habitants69.

On notera cependant qu’une démarche de concertation a été réalisée sur le quartier d’habitat social des Coteaux. Cette expérience reste marquante tant elle semble trancher par rapport au processus de concertation « classique » mené sur les autres quartiers de la ville. UNE DÉMARCHE EXEMPLAIRE AUX COTEAUX : DE LA FORTE MOBILISATION DES HABITANTS À LEUR PARTICIPATION DANS LA CONSTRUCTION DU PROJET L’exemple du quartier des Coteaux est doublement intéressant. D’une part, celui-ci a fait l’objet d’une démarche de concertation accélérée : une opération de restructuration ( Aménagement d’un parc public au centre du quartier) à l’étude dans le quartier nécessitait, pour sa réalisation, la prise en compte d’une ligne de tramway. Cette opération est nommée « projet des Coteaux » D’autre part, l’arrivée du tramway sur le quartier représentait un enjeu très fort sur le quartier : les habitants ne souhaitaient pas voir s’implanter une station de tramway au cœur du quartier.

69 Le responsable de communication souligne toutefois que les quartiers GPV bénéficient de l’appui du chef de projet GPV et de leurs adjoints ; leur rôle dans la démarche consiste à faire remonter l’information, les critiques ou tous problèmes concernant de près ou de loin le projet de tramway sur le quartier.

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Les Coteaux, quartier prioritaire inscrit dans le contrat de ville70, est une Zone Franche Urbaine (anciennement Z.U.P.). Il est constitué de 3 000 logements et de 10 000 habitants environ (10 % de la population mulhousienne). Élaboré selon les conceptions architecturales et urbaines modernes des années 60, ce quartier ne permet pas – ou très peu – de circulations internes ou de transit. Ce quartier est relativement excentré des pôles commerciaux et administratifs, mais bénéficie d’une vie associative intense : « le quartier est bien relié à la ville, mais sa desserte par les transports en commun est périphérique. L’avenir du TRAM et la perspective de la traversée du quartier devrait renforcer les liaisons à la ville et désenclaver les différents îlots »71. Or les habitants de ce quartier étaient – et depuis longtemps – résolument contre tout projet de restructuration de circulation. La cause réside principalement dans le fait qu’un grand nombre d’enfants joue sur les espaces publics. La peur de l’accident et l’appréhension des effets néfastes liée à l’arrivée d’un tramway (bruits,…) constituent les facteurs majeurs de cette opposition72. Il y a donc eu une forte mobilisation de la population lors du processus de concertation. Le conseil de quartier73 a été le principal support de la démarche, dans lequel sont représentés des habitants, bien sûr, mais aussi les associations fédérées en conseil d’associations. Un véritable travail a été réalisé avec les diverses composantes de cette structure. Environ 50 personnes étaient volontaires pour effectuer un travail approfondi sur la venue du tramway, notamment sur la question : « doit-il longer le quartier ou intégrer le tramway en son centre ? ». Enfin, 20 personnes ont constitué le noyau dur du groupe d’études (principalement pour des questions de disponibilités). La démarche fut la suivante : le conseil de quartier était constitué par des groupes travaillant sur diverses thématiques (Cohésion sociale, Aménagement des espaces publics et des pieds d’immeuble,…). Deux groupes travaillaient de concert tant les projets étaient liés : le groupe « Aménagement du parc » et « Desserte tramway des Coteaux ». Au sein de ce dernier groupe, plusieurs équipes se sont constituées pour travailler sur la partie technique (dimensions des rails, bruits, sécurité…), phasage des travaux, tracé de la ligne… Ces équipes travaillaient en étroite collaboration avec le Chef de projet et les services techniques de la ville, du SITRAM et du SERM (maître d’œuvre du projet) avant de présenter les résultats de chaque étude en comité de quartier.

70 Ce quartier est inscrit dans une démarche politique de la ville depuis 1993 : programme 50 quartiers, Contrat de Ville, Pic Urbain et Zone Franche Urbaine. 71 Contrat de Ville 2000/2006, « Eléments de diagnostic », décembre 1999. 72 Le chef de projet du quartier des Coteaux note qu’il existait approximativement 50 % des habitants qui souhaitaient voir le métro arriver au cœur du quartier, 25 % étaient indécis et 25 % étaient formellement opposés. On notera en guise d’illustration les quelques questions suivantes répertoriées sur le journal du quartier : « Les Coteaux, c’est un grand quartier avec une forte demande en transport collectif, alors il faut que l’offre soit performante. », « D’accord pour que le tramway traverse, mais nous ne voulons pas de voitures », « pourquoi ne pas faire une boucle autour du quartier comme le font les bus actuellement ? », in Coteaux, journal de quartier, n°17 / décembre 2000. 73 « Le conseil de quartier est le lieu privilégié d’expression des habitants. En outre, l’effort important engagé sur les dispositifs de concertation, mis en place par le projet Coteaux associent les habitants à l’ensemble des actions. A noter que les habitants sont représentés au comité de pilotage du Pic Urbain… Il existe depuis 4 ans un journal de quartier, l’organe d’expression des habitants sur les projets mis en œuvre sur le quartier. » in Contrat de Ville 2000/2006, « Eléments de diagnostic », décembre 1999.

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Deux déplacements ont été réalisés sur Fribourg et sur Strasbourg pour constater les effets de transformations urbaines d’une infrastructure de tramway. Le financement des différents déplacements s’est fait par la mairie, sur les fonds du PIC URBAIN et du Contrat de Ville. Des rencontres avec les élus, un groupe scolaire et des habitants de quartiers sociaux de Strasbourg ont été organisées avec le groupe d’étude, des représentants de la mairie et du SITRAM.

Suite à ces visites, le groupe a constitué un plan de travail et une chronologie

d’étude entre juin et septembre 2000. S’il n’y a pas eu co-décision, les habitants ont réellement eu l’occasion de participer au projet. Des scénarii ont ainsi été élaborés dans ce cadre ; ils ont été validés par le conseil de quartier et le SITRAM s’en est inspiré : « le SITRAM, par sa décision du 14 septembre dernier, a tenu compte de l’avis de la majorité des habitants qui se sont exprimés en validant prioritairement l’option d’extension du réseau vers le parc des Collines, tout en laissant la possibilité de se diriger vers la Mer Rouge »74.

Une communication75 a été lancée lors de cette période par le SITRAM avec

la mise en place d’une exposition itinérante dans le quartier76. D’autres supports de communication ont été utilisés à chaque avancée du projet ; deux exemplaires du journal de quartier reviennent assez largement sur les discussions, les options et les décisions prises en matière de concertation liée au transport.

BILAN ET PERSPECTIVE On soulignera particulièrement dans cette expérience, l’appui qui est offert par la mairie de Mulhouse au travers de ses conseils de quartiers. Cette démarche institutionnelle peut aller assez loin dans la mobilisation des habitants (deux déplacements organisés avec des habitants sur Fribourg et Strasbourg, une proposition de tracé sur le quartier des Coteaux…). Cette démarche reste cependant très inégale selon les capacités de mobilisation du quartier. Ainsi, si les habitants se sont mobilisés et que la discussion porte véritablement ses fruits dans la construction du projet des Coteaux, il n’en va de même pour d’autres quartiers de la ville (comme les quartiers GPV de Mulhouse), où les habitants restent beaucoup moins sensibles aux transformations de leur quartier.

74 in Coteaux, journal de quartier, n°19 / octobre 2001. 75 Le financement visant l’ensemble des actions de communication est pris en charge en totalité par la SITRAM : Encarts Publicitaires et campagne d’affichage, réalisation de synthèses et autres documents relatifs aux concertations et réunions publics. En termes de moyens humains, la SITRAM bénéficie de l’appui des conseils de quartier. 76 Cette exposition est réalisée par bus : « elle comprend des éléments d’information sous forme de panneaux – textes et des cartes ; un cahier destiné à recueillir les observations est mis à la disposition du public ; une permanence y sera assurée par un membre de l’équipe technique en charge du projet ». in Bilan de la concertation, TRAM-TRAIN de l’agglomération mulhousienne, 12 juin 2001.

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Marseille : Ateliers de co-production sur les déplacements dans les quartiers Nord ATELIERS DE CO-PRODUCTION SUR LES DÉPLACEMENTS DANS LES QUARTIERS NORD

MARSEILLE

Maîtrise d’œuvre : Cerfise Groupe de travail et déambulation : des échanges entre élus, habitants et techniciens

Maîtrise d’ouvrage : GPU de marseilles

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Cette expérience est le fruit d’une proposition conjointe de l’Agence d’urbanisme de Marseille (l’AGAM) et du CERFISE, association de chercheurs en sociologie urbaine, aux instances locales de la politique de la ville. Les ateliers de co-production se sont déroulés de janvier 1996 à octobre 1997. L’expérimentation fut également permise par un programme de recherche nationale lancé par la DAU et la DIV en 1995. Il portait sur les « invariant de la participation » et fut mené par trois agences d’urbanisme, dont celle de Marseille. L’analyse qui suit est nourrie des entretiens menés auprès de deux des parties prenantes de l’expérimentation : le Chargé de mission Habitat, urbanisme et Déplacement du GPV et le chargé de l’étude au CERFISE. PROBLEMATIQUE, CONTEXTE ET PRINCIPES DE L’EXPERIENCE SOLLICITER UNE COMMANDE SUR LE THÈME DES DÉPLACEMENTS Pour l’AGAM et le CERFISE, qui avait déjà placé la participation des habitants au centre de ses recherches, la problématique était de savoir comment impliquer les destinataires des politiques publiques dans des programmes complexes de type Grand Projet Urbain (GPU). Ce type de procédure avait été initié en 1994 et concernait alors une partie des quartiers nord de Marseille. En mars 1995, ces deux partenaires vont donc solliciter une commande auprès de l’équipe en charge du GPU. Elle se donne comme objet d’étude les déplacements au sein du GPU. « On avait déjà choisi la question des déplacements parce que la programmation du GPV était lointaine. On avait des délais suffisamment longs pour travailler tranquillement. Et puis il y avait des besoins qui avaient été appréhendés par le CERFISE et des autres bureaux d’étude… On connaissait le manque. » Le chargé d’étude du CERFISE justifie le choix de la thématique des déplacements par l’expertise (les besoins sont « connus ») et par une programmation qui n’implique pas l’urgence d’une réalisation. Pour le représentant du GPU d’alors, La thématique proposée était jugée trop générale et demandait à être précisée. INSCRIRE L’EXPÉRIENCE DANS DES QUARTIERS AUX PROBLÉMATIQUES SOCIALES FORTES Les « quartiers Nord » de Marseille, s’ils s’inscrivent dans un site de grande qualité, concentrent aussi des problématiques sociales fortes. Ces arrondissements péricentraux rassemblent 50 % du parc locatif social de la commune, 40 % des Rmistes et un tiers des chômeurs. D’après la nouvelle convention du Grand Projet de Ville 2000-2006, un allocataire de la CAF sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté. Les problématiques liées au transport sont également aiguës. Ces quartiers, bien que traversés par de lourdes infrastructures, sont mal desservis en transport collectif et souffrent d’un système de voiries peu lisible.

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En 1995, une étude réalisée par le CETE - Méditerranée se proposait de comprendre et de faire émerger les besoins des habitants au sein de quatre quartiers en DSU, au nord de Marseille77. L’étude concluait notamment à une carence dans l’offre en transport public le soir, en fin de semaine et durant les vacances scolaires. Le manque de liaisons inter-quartiers, et donc l’organisation radiale des transports, était également soulignée. UNE PÉRIODE JUGÉE PEU PROPICE À L’IMPLICATION DES HABITANTS Le Chargé de mission GPU rappelle que, lorsque l’expérimentation est proposée, l’équipe est dans une phase d’élaboration de la programmation : « Entre février 1995 et juillet 1996, on faisait du travail en chambre. Il fallait déterminer les stratégies de projet. On avait d’autres soucis en tête que d’aller consulter les habitants (..) L’AGAM et le CERFISE n’ont pas compris pourquoi on avait été réticents. Il y a des logiques différentes. » De surcroît, l’équipe d’ingénierie du GPU ne disposait d’aucune compétence dans le domaine des transports. Soulignons enfin qu’à l’époque, la structure souffrait d’un manque de légitimité, que ce soit vis-à-vis des habitants demandeurs de résultats rapides, ou de l’équipe de Développement Social Urbain (DSU) qui percevait cette nouvelle équipe comme des concurrents directs : «Le DSU nous a attaqué pendant deux ans. Il a fallu qu’on explique qu’ils gardaient le social et l’insertion, alors que nous on faisait du développement économique et urbain » Toutes ces raisons expliquent les réticences de la structure GPU à s’impliquer dans ce type d’expérimentation. La programmation « lointaine », avantage pour le CERFISE, était donc perçue comme un inconvénient par l’équipe opérationnelle. Néanmoins, le Chargé de mission reconnaît que le volet déplacement du GPU n’était que la somme d’études très techniques, voire « technocratiques », et que les solutions proposées par les bureaux d’études ne prenaient guère en compte les pratiques des habitants. Finalement, l’équipe va participer à un groupe de réflexion, lequel aura pour objet de mettre en forme la proposition de l’AGAM et du CERFISE. LES PRINCIPES SOUS-TENDANT L’EXPÉRIMENTATION Comme à Saint Etienne, on recherche moins la représentativité des habitants qu’à les faire participer au projet, au même titre que les autres partenaires : «Le problème, c’était de savoir à quelles conditions habitants, élus et techniciens pouvaient travailler ensemble. Il fallait faire admettre qu’il y avait une égalité de statut, un espace d’élaboration collective. On a évacué la question de la

77 AMPHOUX Nicole, BOUVIER Jean-Clément, DIEUDONNÉ Philippe, IKHERBANE Lazize, Mars 1995, « Les pratiques de déplacement des habitants : enquête dans quatre sites en DSU de Marseille », CETE Méditerranée, Ministère de l’Equipement, DAU, DDE 13

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représentativité des habitants car, comme pour les élus, c’est toujours impossible. On attendait autre chose des habitants… Plus leurs pratiques et leurs expériences. » Le CERFISE postulait d’emblée que l’habitant était, en tant que tel, détenteur d’une légitimité à exprimer son point de vue et d’une compétence pratique dans les projets d’aménagement. Le Chargé de mission du GPU n’était toutefois pas très ouvert à la mise sur un même plan des trois grands types de partenaires : les habitants, les élus et les techniciens. Pour lui, le dialogue devait se faire entre habitants et techniciens, les élus « biaisant la discussion ». À la différence de l’expérience stéphanoise toutefois, il n’y avait pour les habitants aucune garantie de résultats : « La donnée annoncée, c’est qu’on travaille sur des projets mais on ne sait pas si ça va se réaliser. » L’équipe opérationnelle du GPU était pour sa part peu encline au terme même « d’ateliers de coproduction », en raison du flou de la thématique et du caractère très technique de la chose : « On était réticent d’autant plus qu’on ne savait même pas de quoi on allait parler. Les transports, c’est compliqué. » MÉTHODES UTILISÉES : ATELIERS ET DÉAMBULATIONS L’expérimentation va prendre la forme de réunions mais aussi de sous-groupes de travail et de promenades. Des déambulations visaient également à mettre tous les participants à même niveau de connaissance des territoires. Parallèlement, des groupes de méthode seront mis en place afin de réfléchir aux conditions de la coproduction. MISE EN ŒUVRE DE L’EXPERIENCE Les ateliers vont débuter au mois de janvier 1996. Le GPU n’ayant pas de crédits de fonctionnement, c’est le DSU qui financera pour partie l’action. Par ailleurs, l’AGAM va utiliser les fonds qui lui étaient alloués dans le cadre de la recherche nationale sur la participation des habitants. D’après la représentante du CERFISE, « l’agence d’urbanisme devait faire remonter des expériences dans le domaine, or il n’y en avait pas. Il fallait donc en créer une ». ELUS, TECHNICIENS ET HABITANTS Les réunions verront la représentation des trois « pôles » chers au CERFISE. Des élus de la Mairie centrale comme des arrondissements suivront les débats. Outre les opérateurs de la politique de la ville, les techniciens présents sont ceux de la Régie des Transports Marseillais (RTM) et de la DDE des Bouches-du-Rhône. Précisons que d’après le représentant du GPU, la direction des transports de Marseille était alors inexistante. L’Autorité organisatrice se limitait ainsi à un élu, la RTM « se définissant un peu son propre cahier des charges ».

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Une quarantaine d’habitants sera recrutée par les chefs de projet pour assister à la première réunion et proposer que l’on travaille plus précisément sur les transports en commun et l’accès à la mer, deux revendications de longue date. DÉROULEMENT DES ATELIERS : DIVERSITÉ DES PROCÉDÉS ET PÉDAGOGIE La première réunion permettra de préciser les thématiques abordées et les modalités de l’expérimentation. Elle mettra aussi en lumière les écueils à éviter. On définira par ailleurs le rythme de travail à adopter - une réunion par mois pour les séances plénières et pour les groupes de méthode - et les règles à suivre. Les débats resteront néanmoins très formels, chacun prenant la parole dans un ordre hiérarchique bien défini. Dès le départ, les groupes de méthode vont échouer, notamment en raison du fort absentéisme des parties prenantes. Il y aura donc très peu de réunions. En revanche, les séances plénières qui vont suivre seront qualifiées de « succès » par le CERFISE. Elles seront régulièrement suivies par une quinzaine d’habitants, même si les plus jeunes déserteront les ateliers lorsque les éventuelles perspectives d’emploi s’évanouiront. Les autres partenaires ont également été assidus, le CERFISE déplorant simplement que le DSU ait retenu un principe de représentation tournante. Surtout, les réunions seront marquées par une modification de la circulation de la parole. Ce sera désormais l’enchaînement des idées et non l’ordre induit par les statuts de chacun, qui va organiser les échanges78. Pour le CERFISE, les raisons de cette évolution sont à chercher dans la diversité des types et des lieux de réunion. L’organisation de déambulations avec les habitants a permis à chacun d’avoir une pratique du territoire et la mise en place de lieux de réunion tournants a évité selon le CERFISE « qu’un élu ne s’approprie l’expérience ». Lors des premières réunions, le CERFISE rappelle qu’un bureau d’études en transport a présenté le diagnostic élaboré pour le GPU aux habitants : « Ça a été fondamental pour constituer le nous. Tout le monde a pu s’impliquer sur des questions plus générales d’égalité de traitement. Chacun a pu attendre les questions de l’autre sans se vexer. Ça a mis en évidence le manque de communication entre les différents services. A un moment, les élus savaient plus trop où ils en étaient. » Il semblerait donc que le fait de mettre sur un pied d’égalité élus, techniciens et habitants ait également contribué à révéler les failles des « initiés ». Comme le souligne le chargé de mission GPU, «dans les services techniques, délivrer de l’information c’est encore pour beaucoup perdre du pouvoir ». On voit également comment la logique du chercheur tend à élargir le débat quand celle de l’opérationnel cherche à la recentrer.

78 Selon Christian HARZO (OSL) dans le compte-rendu des ateliers thématiques de mars - octobre 1998 organisés par la DIV et la DTT. « Mobilité des populations en difficulté : connaissance des besoins et réponses nouvelles ».

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Pour le CERFISE, les réunions ont été davantage axées sur la thématique des transports en commun. Au bout de quelques séances, les habitants auraient d’ailleurs souhaité recentrer la discussion sur les abribus, objet emblématique des transports collectifs. Pour le représentant du GPU, ce recentrage a été plutôt suscité par sa structure. Les parties prenantes de l’expérience sont pareillement en désaccord quant à la quantité de travail fourni sur la thématique de l’accès à la mer. Le CERFISE juge les avancées très maigres quand le représentant du GPU parle d’un travail « aux implications plus directes ». Des journées d’échange avec les autres villes participant au même type d’expérimentation (Dunkerque, Grenoble) ont également été organisées. Ces « rencontres de Marseille » ont été qualifiées « d’intéressantes » par le CERFISE, mais nous n’avons pas eu accès à un compte-rendu précis. Après dix séances plénières, l’expérience s’arrête fin 1997 faute de crédits. Si elle n’est pas parachevée d’un projet concret, elle apportera beaucoup dans la connaissance des besoins et le dialogue avec les habitants. L’expérience sera également jalonnée de difficultés qu’il est important de relever BILAN ET PERSPECTIVES UNE PROCÉDURE LOURDE ET DIFFICILE À ENCADRER Les réunions vont êtres marquées par des aléas, les habitants utilisant les ateliers comme espace d’interpellation pour faire pression sur les décideurs : « Il y a eu une séance où les comités d’intérêt de quartier sont intervenus de façon massive pour protester contre la nouvelle ligne de bus qui desservait le tout nouveau centre commercial et pas l’hôpital Nord, une question cruciale pour eux. Les politiques se sont sentis très mal et ont pris l’engagement sous pression d’étendre la ligne» « Il y a eu des discussions houleuses car certains présidents de comités d’intérêt de quartier voulaient s’approprier le groupe de travail (…) Ils l’ont mal pris parce qu’ils s’estimaient plus représentatifs que les autres » Des écarts par rapport aux objectifs de l’atelier peuvent également être imputés à des responsables venus écouter ce qui se disait ou même faire entendre leur position79. Il faudra donc souvent rappeler ce qu’on pourrait appeler « les règles du jeu ». Le représentant du GPU insiste quant à lui sur l’important travail pédagogique fourni envers les habitants. « Les habitants c’est bien, mais ça suppose un gros travail d’information de base (…) Il fallait leur expliquer comment la RTM fonctionnait, qui gérait les arrêts de bus. Il

79 Selon Christian HARZO.Op.cit.

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fallait montrer que les problèmes de bus dépassaient le cadre du GPU et concernaient toute la ville de Marseille (…) On devait leur faire comprendre que ça n’était pas là que la décision se prendrait. » Ses propos tendent à valider la participation des habitants aux projets de transport tout en considérant ces derniers comme profanes face à la technicité de la discipline. Le chargé de mission déplore également le temps important consacré au suivi de l’expérience, parfois incompatible avec la logique d’ingénierie du GPU : « Il faut que l’on sorte les opérations. On peut participer pendant des heures au groupe de travail mais pendant ce temps-là, le boulot ne se fait pas. Il faut s’investir dans ce travail, j’ai fait beaucoup d’heures supplémentaires pour lesquelles je n’étais pas payé. » Les participants sont toutefois unanimes sur la réussite globale de l’expérience, même si celle-ci ne peut être directement liée à un projet précis. LES APPORTS DE L’EXPÉRIENCE : UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DES LOGIQUES ET DES ATTENTES MUTUELLES On ne peut établir un lien de causalité direct entre les ateliers de coproduction et la création de la ligne de bus n°96, même si le CERFISE estime que : « le GPU s’est appuyé sur les ateliers pour justifier de la création de nouvelles lignes ». Il semble mal informé puisque le Chargé de mission GPU affirme que la création de ligne de bus était un projet ancien, dont la réalisation fut permise par l’inauguration du nouveau centre commercial. Les ateliers ont tout au plus « contribué » à l’aboutissement du projet. Les ateliers ont permis d’améliorer « les connaissances » : celle des besoins et des attentes des habitants face aux déplacements ; celle des projets et des logiques développés par les techniciens. Le représentant du GPU précise que l’expérience a été profitable sur le long terme : « On a pas perdu de temps, on a amélioré les relations avec les habitants, certains devenant même des relais au travers d’associations. L’atelier a permis l’expression des besoins. » Si cette même personne était relativement dubitative face aux bénéfices potentiels des ateliers ( « on a joué le jeu »), il est à posteriori satisfait de l’expérience. Les habitants ont été plus au fait des programmes en cours et l’ont montré à propos du projet d’ouverture de l’Estaque sur la mer : « Il y a eu des incidents assez violents. Les habitants connaissaient le projet, la zone d’intervention publique, et ont été en colère que des entreprises viennent s’implanter dessus. Mais la décision nous échappe. Ce sont des décisions qui se font par convention entre la Ville et le port autonome. » Le travail sur les transports collectifs a permis de franchir des étapes indispensables à l’élaboration d’un projet. Les réflexions concernant les abribus ont amené les habitants à prendre conscience des contraintes et à élaborer des solutions en conséquence. Elles

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ont abouti à la conclusion qu’un abribus pourrait être le fruit des exigences des habitants. Grâce au travail effectué, les partenaires ont enfin pu alimenter d’autres travaux. Le CERFISE a répondu à un appel d’offre du PREDIT et leur a proposé de recréer « l’histoire de la ligne 96 ». De son côté, le GPU a utilisé l’expérience pour alimenter le volet déplacement du GPU et l’appel à projet de la DIV lancé en 1996.

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Agglomération bordelaise : Consultation des habitants relative à l’amélioration de l’offre en transport public sur Pessac CONSULTATION DES HABITANTS RELATIVE À L’AMÉLIORATION DE L’OFFRE EN TRANSPORT PUBLIC SUR PESSAC

AGGLOMÉRATION BORDELAISE

Maître d’ouvrage : Communauté Urbaine de Bordeaux

Entre enquêtes de mobilité et réunions d’habitants en comité de quartier : une méthode adaptée à la réorganisation de la desserte bus. Maître d’œuvre : Agence

d’URBANISME « A’urba »

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La consultation, menée de 1997 à 1999, s’inscrit dans l’appel à projet de la DIV « transport public et intégration urbaine » auquel la Communauté Urbaine de Bordeaux a répondu. Le projet retenu avait pour finalité l’amélioration des transports en commun sur cinq sites prioritaires de la politique de la Ville. L’Agence d’urbanisme (« l’A’ urba ») sera maître d’œuvre de la phase d’étude. La retranscription de cette expérience s’appuie sur les entretiens menés auprès de la Chargée d’études du pôle transport de l’Agence d’urbanisme (« MODDE ») et de la Chargée de développement au service clientèle de Connex - Bordeaux, société anonyme gestionnaire du réseau de transport (bus et tramway). PROBLEMATIQUE, CONTEXTE ET PRINCIPES DE L’EXPERIENCE TRAVAILLER SUR LES PROBLÉMATIQUES DE DESSERTE LÀ OÙ LES DYNAMIQUES DE PROJET LE PERMETTAIT Les cinq sites retenus par la Communauté urbaine de Bordeaux étaient identifiés comme nécessitant une amélioration de l’offre en transport public. Toutefois, la consultation des habitants sera limitée à trois sites en raison de dissimilitudes dans l’état d’avancement des projets et dans les volontés politiques. Ainsi, le site accueillant le projet de liaison entre Bordeaux et Bègles via les quais sera écarté en raison de fortes « avancées » liées à l’arrivée prochaine du tramway. Ce dernier, enjeu d’agglomération, contribue en effet à améliorer l’offre sur certains quartiers, mais nécessite également une réorganisation complète du réseau de bus. A l’inverse, trois sites où les contraintes de réalisation étaient moindres furent propices à une consultation des habitants. Les problématiques étaient cependant diverses : - Les Hauts-de-Garonne, territoire situé en rive droite du fleuve et à cheval sur quatre communes de l’agglomération, sont inclus dans un Grand Projet de Ville du fait des problématiques sociales et urbaines qui les caractérisent. Une amélioration des liaisons inter-quartiers ayant déjà été réalisée par Connex, les probabilités qu’une consultation débouche sur des réalisations étaient faibles. - En opposition, dans la partie basse, où le tissu urbain est plus ancien, le réseau de bus est conditionné par les emprises ferroviaires de la gare de Saint-Jean. La réflexion portait sur les liaisons existantes et à développer entre deux quartiers que seul relie un passage piéton. Il s’agissait donc davantage d’une problématique d’infrastructure que de desserte. - Enfin, sur la commune de Pessac, la population de trois quartiers prioritaires - Saige, la Châtaigneraie et Haut-Livrac-3M80 - exprimait de fortes attentes en terme

80 soit 25 % de la population communale

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d’amélioration du réseau. Pour la représentante de Connex, il y avait de surcroît une volonté politique forte pour « mener une étude de refonte totale du réseau sur Pessac ». Le transporteur souhaitait améliorer les dessertes inter-quartiers, l’accessibilité des équipements scolaires ainsi que les liens avec le centre communal et avec Bordeaux. Nous insisterons particulièrement sur l’expérience menée à Pessac, parce que la consultation y a été significative mais aussi parce qu’elle a été suivie de réalisations concrètes. PRINCIPES ET MÉTHODES : DE L’ENQUÊTE À L’ATELIER Sur les trois sites précédemment décrits, l’objectif était selon la Chargée d’études de l’agence d’urbanisme de « mieux évaluer les carences par rapport à l’offre », autrement dit de connaître les besoins de différentes populations : pratiques, motifs de déplacement, attentes... Pour cela, trois méthodes ont été utilisées : les enquêtes, les entretiens et les ateliers. Dans les quartiers de Pessac, on souhaitait combiner enquête des habitants et entretiens auprès des « relais locaux ». La grille d’enquête a été co-élaborée par l’agence d’urbanisme et le service clientèle de Connex, qui a ainsi pu fournir les variables appropriées. La Commune a également souhaité que soient intégrées des questions relatives à la perception du quartier. L’objectif était de connaître les attentes des usagers, mais aussi celles des non-usagers en déterminant les raisons de cette non-utilisation. On a donc varié les lieux d’enquête : à domicile, dans la rue et aux arrêts de bus. Bien qu’aucun échantillonnage strict n’ait été effectué, l’agence d’urbanisme souligne que la structure démographique des enquêtés s’est révélée « relativement proche de celle de la population ». Parallèlement, des entretiens devaient être menés auprès de relais locaux, principalement des travailleurs sociaux. L’agence d’urbanisme souhaitait identifier avec eux « les centres de vie de la commune », c’est-à-dire les lieux principalement fréquentés par les habitants. Sur les Hauts et les Bas-de-garonne, ensembles plus vastes, l’idée était d’appréhender les habitant en groupe par le biais « d’ateliers-rencontres ». Pour les quartiers concernés par l’enclavement ferroviaire, le recueil d’information devait être complété par des enquêtes sur site, à proximité du passage piéton. MISE EN ŒUVRE DE L’EXPERIENCE Les phases d’étude et de consultation vont être financées à parité par la DIV et la Communauté Urbaine de Bordeaux. Sur la commune de Pessac, les créations de ligne vont être financées par la suppression des dessertes les moins rentables. Cela correspond à la volonté de l’établissement intercommunal qui souhaite que l’amélioration de l’offre se fasse à coût constant.

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LES PRINCIPAUX PARTENAIRES DE L’EXPÉRIENCE La Communauté urbaine va confier la maîtrise d’œuvre des études au pôle transport de l’agence d’urbanisme. Celle-ci s’adjoindra les services d’une sociologue indépendante pour animer les ateliers et fera réaliser les enquêtes de terrain par des étudiants du DESS d’urbanisme de Bordeaux. Le partenariat entre l’Agence d’urbanisme et le gestionnaire du réseau n’a été effectif que sur les études relatives à Pessac. La représentante de Connex souligne ainsi que «nous n’avons été associé essentiellement sur le dossier Pessac. Pour les Hauts-de-Garonne et les Bas-de-Garonne, on était surtout fournisseur de données » Sur cette étude, Connex mobilisera trois personnes du service clientèle : le responsable, la Chargée de développement qui aura une fonction de coordination et un Chargé d’étude. Le service en charge de l’exploitation prendra ensuite le relais pour mener à bien la création de lignes. La commune de Pessac s’investira par le biais d’un référent spécifique à l’étude et de correspondants de quartiers. Ces derniers travailleront en lien avec les comités de quartier concernés. Les associations de quartier et les travailleurs sociaux jouerons également un rôle important dans la connaissance des besoins. A Pessac, ils se réuniront au sein d’un comité de suivi spécifique à l’étude. Sur les Hauts-de-Garonne, le Centre social servira de relais et de lieu de rencontre avec la population. ENQUÊTES, ENTRETIENS ET ATELIERS En novembre 1997, après un rapide diagnostic socio-économique, l’Agence d’urbanisme organise une première série d’enquêtes sur l’un des trois quartiers de Pessac. Cette première rencontre des habitants servira à tester et à valider la méthode qui sera reconduite sur les deux autres quartiers, A terme, 351 enquêtes seront réalisées, notamment par des effectifs renforcés en soirée afin d’appréhender le maximum de personnes. Parallèlement, la rencontre de personnes relais a précisé les lieux de vie des habitants tout en validant leur discours. L’exploitation de l’enquête a permis d’individualiser différents types de liaison (vers le centre ville, entre les quartiers et en direction des communes périphériques). Les résultats ont été transmis à Connex qui a pu en dégager des éléments plus techniques. Les « ateliers - rencontre » menés sur les Haut-de-Garonne ne débuteront qu’en septembre 1999. Ils seront organisés au sein d’un centre social avec l’aide de son directeur. Les réunions seront d’autant plus suivies qu’elles prendront appui sur des groupes existant tels l’atelier cuisine ou le cours d’alphabétisation. Le même type d’atelier sera mené sur les Bas-de-Garonne avec toutefois des préoccupations plus larges, les problématiques de desserte se cumulant à des situations d’enclavement. Des enquêtes sur site seront également menées aux débouchés du passage piéton franchissant la barrière ferroviaire. Plus de 800 personnes seront ainsi enquêtées sur leurs pratiques de déplacement.

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Les consultations menées sur les Hauts et les Bas-de-Garonne ont fait l’objet d’un seul et même rapport qui a été nourri des données fournies par le gestionnaire du réseau. Précisons que ces modes d’enquête territorialisés seront complétés ultérieurement par 530 questionnaires réalisés dans les bus et sur l’ensemble de l’agglomération. Cette enquête appréhendait seulement les usagers mais avait le mérite de replacer des enjeux de quartier dans un contexte plus vaste. UNE VALIDATION MAIS AUSSI UNE MODIFICATION DU PROJET DE DESSERTE SUR PESSAC Le travail d’enquête et les ateliers réalisés sur les quartiers des Hauts et Bas-de-Garonne n’ont pas été suivis de réalisations. Toutefois, la représentante de l’Agence d’urbanisme ne désespère pas de voir ces informations alimenter « le chantier lourd qu’est le tramway » ou même le projet de pont Lucien Faure au débouché de la rue du même nom. En revanche, la consultation menée à Pessac est venue éclairer l’étude technique réalisée par Connex. Le transporteur avait en effet produit divers scénarios d’amélioration de l’offre. D’après sa représentante, « les enquêtes de la DIV sont venues confirmer ces scénarios ». Elles constituaient une source d’information au même titre que les échanges produits par le comité de suivi. Peut-on alors considérer que la consultation n’a servi qu’à valider les projets du gestionnaire ? C’est en parti vrai, mais sa représentante souligne tout de même que les attentes collectées ont motivé certaines modifications : un centre commercial a été desservi, une navette inter-quartier a été crée… En 1998, le travail d’enquête et les améliorations envisagées ont été restitués aux habitants par le biais des trois comités de quartier. D’après la Chargée d’études au pôle transport, l’accueil fût positif dans les deux quartiers où l’amélioration de l’offre était envisagée. Dans le troisième, la suppression d’une desserte à faible fréquentation a conduit le comité de quartier à se mobiliser pour son rétablissement. Les modifications de lignes ont été effectives dès la rentrée 1999. Elles contribuaient selon la représentante de Connex à améliorer la rapidité et la lisibilité du réseau. Il s’agissait plus d’une rationalisation de la desserte que d’une offre nouvelle. Ces modifications ont été communiquées aux habitants par l’intermédiaire des chauffeurs, formés pour l’occasion, et par l’envoi d’une brochure précisant les changements opérés. Connex a constaté que, contrairement à ce que l’on a pu observer dans des expériences similaires, les écarts entre la demande et l’utilisation réelle n’ont pas été très importants, et cela bien que le trafic global n’ait pas augmenté de façon significative. La représentante déplore par exemple la faiblesse du trafic en heures creuses. Suite à ce remaniement de la desserte communale, Connex rappelle que des ajustements ont toutefois été nécessaires :

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« Le comité de suivi a été le relais des remarques de la population. On a ajusté un certain nombre d’horaires. On a augmenté la fréquence de la navette inter-quartier qui a été un franc succès, on a même été obligé d’augmenter sa capacité (…) On a aussi rajouté quelques parcours sur certains quartiers faiblement utilisateurs (Mais) il y a eu seulement 38 réclamations. Pour chacune, ont a fait une étude qui a conduit à la modification ou non ». Ces ajustements relativement limités sont allés dans le sens d’une augmentation de la fréquence sur les lignes modifiées, en rappelant encore que certaines dessertes avaient été supprimées. L’expression des habitants n’a pas seulement été confrontée au projet du transporteur. Elle a également permis de légitimer certaines revendications : « Un des gros problèmes soulevés par l’enquête était la demande de possibilités de correspondance avec le même billet. C’est un problème qui va bientôt être réglé. L’enquête a donné du poids à certaines revendications faites à la Communauté urbaine… C’est mieux quand ce sont des habitants qui le disent ». BILAN ET PERSPECTIVES UN SUCCÈS QUI VARIE EN FONCTION DES SITES ET DE LA MÉTHODE CHOISIE L’étude menée sur les trois quartiers de Pessac est qualifiée de succès par l’Agence d’urbanisme comme par Connex. Néanmoins, la consultation au sein du quartier pavillonnaire n’a pas permis d’appréhender autant d’habitants que sur les deux autres quartiers. La Chargée d’études l’explique par des structures urbaines différentes : le premier quartier, dominé par l’habitat social, offrait davantage de « lieux de vie » et des lignes de bus à forte fréquence où il était possible de rencontrer les habitants. Les enquêtes se sont par contre avérées plus difficiles dans les quartiers résidentiels pavillonnaires. À l’inverse, la représentante de l’Agence d’urbanisme constate l’échec des ateliers - rencontre, surtout lorsque ceux-ci supposaient la constitution d’un groupe : « On a organisé des réunions dans le centre social où personne ne venait (…) Ça marchait quand on arrivait dans des groupes déjà constitués comme les ateliers cuisine ou les cours d’alphabétisation ». Globalement, elle souligne la faible participation et le manque de « réactivité » des personnes présentes qu’elle explique par la « culture » des participants, des femmes maghrébines peu habituées à prendre la parole. Par la suite, elle reconnaîtra également la difficulté de mobiliser les habitants sur un réseau de transport Elle souligne par ailleurs que les demandes de la population étaient « moins ciblées que sur Pessac » et le site plus complexe en raison de son caractère intercommunal.

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Si les thématiques abordées étaient sensiblement les mêmes qu’au sein des enquêtes, les informations collectées par les ateliers ont été moins précises. Plus généralement, la chargé d’étude insiste sur le fait que ces méthodes de consultation rendent difficile l’appréhension d’informations « fines », notamment pour ce qui est des destinations. Hormis les limites inhérentes à la méthode, on voit bien que la réussite de la consultation sur Pessac est le fruit de subventions d’étude ministérielle, mais aussi et surtout d’une volonté politique forte et d’un partenariat entre le gestionnaire du réseau et le maître d’œuvre des études. Connex précise d’ailleurs que « l’avantage sur Pessac, c’est que la commune voulait tout remettre à plat et aboutir vite ». C’est donc sur ce site que les apports ont été les plus significatifs. LES APPORTS DE L’EXPÉRIENCE L’Agence d’urbanisme et le gestionnaire du réseau sont unanimes quant aux bénéfices retirés de la consultation sur Pessac. La représentante de Connex précise que : « Les enquêtes étaient riches en informations sur les besoins. Ça a permis d’apporter un éclairage complémentaire (à nos projets)… On peut faire apparaître des besoins qui ne s’expriment pas dans les enquêtes classiques du style origine-destination, même si les élus sont quand même une bonne source d’information » Le gestionnaire reconnaît donc la plus value qualitative apportée par l’enquête, même s’il ne renie pas les autres modes d’appréhension des besoins (les élus, les comités de quartier). Pour sa représentante, l’enquête était un luxe permis par des subventions et des contraintes de temps plus souples : « C’est vrai qu’on avait du temps… On serait pas allé chercher ces informations et on aurait pas eu le budget pour. On peut pas se permettre de faire ça sur toute l’agglomération. Sur Pessac, c’est l’idéal, il y avait moins d’urgence que pour le tramway. » On peut donc supposer que le transporteur, s’il est réceptif à ce type de consultation, n’envisage pas de reproduire l’expérience en raison des moyens humains et financiers qu’elle nécessite. Au pôle transport de l’agence d’urbanisme, on se félicite de l’aboutissement des enquêtes tout en restant sceptique quant à leur capacité à déterminer les besoins de manière précise.

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Saint Etienne : Adaptation de l’offre de transport à la demande : l’exemple de la Cité Séverine ADAPTATION DE L’OFFRE DE TRANSPORT À LA DEMANDE : L’EXEMPLE DE LA CITÉ SÉVERINE

SAINT ETIENNE

Maître d’ouvrage : la Siotas

Des enquêtes itératives - interactives pour déterminer les besoins et l’offre de transport la plus adaptée

Maître d’œuvre : l’Observatoire social de lyon

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En 1996, l’autorité organisatrice des transports (la SIOTAS) et l’Agence d’urbanisme (EPURES) décident de répondre à l’appel à projet de la DIV intitulé « Transports publics en intégration urbaine ». Ils proposent de réaliser une étude sur « l’adaptation innovante entre demande et offre de transport dans les quartiers d’habitat social de Saint-Étienne ». Il s’agissait des quartiers Montreynaud, Montchovet, Beaubrun-Tarentaise et Séverine, où l’expérience menée nous a paru particulièrement intéressante. Pour en saisir la substance, des entretiens ont donc été réalisés avec deux des principaux partenaires, à savoir le responsable des études pour la STAS (le transporteur) et le Chef de Projet de la MOUS de quartier Beaubrun-Tarentaize-Séverine. PROBLEMATIQUE, CONTEXTE ET PRINCIPES DE L’EXPERIENCE PROBLÉMATIQUES SOCIALES ET DÉCLIN DÉMOGRAPHIQUE DE L’AGGLOMÉRATION STÉPHANOISE En 1999, la jeune Communauté d’agglomération de Saint Etienne réunit 350 000 habitants sur 34 communes. La difficile reconversion industrielle s’est accompagnée d’un déclin démographique important (moins 26 000 habitants), avec fuite des classes moyennes en périphérie et concentration des populations défavorisées dans la ville centre. Celles-ci se retrouvent dans un parc « social » sur-représenté, aussi bien dans le privé que dans le public. Par ailleurs, les transports en commun constituent un réseau dense mais en baisse de fréquentation (moins 14 % en 5 ans). Ce phénomène est à mettre en relation avec le déclin démographique constaté, la faible vitesse commerciale du réseau et l’avènement général de la voiture particulière. Le diagnostic du Plan de Déplacement Urbain fait néanmoins apparaître que plus de 80 % des déplacements ont pour origine ou destination le domicile, « ce qui rend particulièrement intéressante la desserte en transports collectifs des quartiers d’habitat »81. Le Contrat de Ville de Saint-Étienne identifie sept quartiers prioritaires, des grands ensembles périphériques mais aussi des quartiers anciens péricentraux. L’un de ces derniers, le quartier Tarentaise - Beaubrun - Séverine, a également été retenu comme territoire du Grand Projet de Ville. L’habitat est fortement dégradé et la paupérisation de la population est qualifiée de « préoccupante ».

81 Eléments de diagnostics repris dans la convention territoriale du Grand Projet de Ville de Saint - Etienne signée le 11 juillet 2001.

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LA CITÉ SÉVERINE, QUARTIER « VEDETTE » DE LA POLITIQUE DE LA VILLE Au Sud-Ouest de ce quartier, la Cité Séverine est un ensemble de cent logements sociaux dits de « transit », fortement enclavés par une zone d’activité, une friche industrielle, une voie ferrée et un boulevard de transit. Les 356 habitants constituent selon le Chef de projet de la MOUS « une population très en difficulté (Revenu par unité de consommation de 381 €), composée presque exclusivement de familles d’immigrés ». Rappelons que le choix de quartiers dits prioritaires était une exigence de la DIV pour entrer dans le cadre de l’appel à projet. Le Chef de projet de la MOUS souligne que la cité de Séverine avait déjà fait l’objet de nombreuses expérimentations, en raison des problématiques sociales qu’elle concentre mais aussi parce que la taille restreinte et la « simplicité du site » les permettaient. Aujourd’hui, le quartier est d’après lui « suréquipé en service publics » et a consommé « plus d’aménagements et d’argent (7,6 M€ depuis sa construction) que l’ensemble du quartier Beaubrun ». Toutefois, le Chef de projet concède qu’une carence en offre de transport avait été diagnostiquée par leurs soins lors de réunions, et que la cité Séverine était déjà présentée comme « moins bien lotie » par rapport aux autres quartiers retenus. Le responsable des études de la STAS ajoute que l’enjeu était également, sur Séverine comme sur les autres sites, d’améliorer la sécurité dans les transports. Or, la cité est considérée par la MOUS comme « émettrice de délinquance », une caractéristique qui tend à se renforcer. Nous verrons que c’est sur ce territoire que le projet d’adaptation entre offre et demande de transport à été le plus probant. Une méthode de définition des besoins y sera d’ailleurs testée. UNE MÉTHODE INNOVANTE : L’ENQUÊTE ITÉRATIVE ET INTERACTIVE Une méthode d’évaluation prévisionnelle des comportements en matière de déplacements a été mise au point dans le cadre d’un programme d’études DIV-DTT. Elle sera testée sur trois quartiers des agglomérations stéphanoise et orléanaise, et donc sur la cité Séverine. Les objectifs étaient notamment de faire émerger les demandes latentes, non ou mal satisfaites, cela par un dialogue avec la population et la mise au point d’une technique d’entretien. Dans un premier temps, une enquête itérative met en relation les différents partenaires impliqués. En théorie, des échanges entre des représentants de la population et un comité de pilotage sont régulés par un bureau d’étude. On interroge les personnes ressources sur leurs besoins en matière de transport, besoins qui sont ensuite hiérarchisés par le comité de pilotage. La réflexion se poursuit sous forme d’ateliers aboutissant à des solutions envisageables. Aux vues des résultats, l’exploitant élabore des scénarios d’ajustement de l’offre à la demande qui sont ensuite présentés aux groupes de travail. Dans un deuxième temps, une enquête interactive est réalisée auprès d’un échantillon de ménages. Elle se donne pour objectif de contourner le côté imprécis et « peu impliquant » des sondages d’opinions traditionnels. On réalise l’inventaire des

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déplacements effectués la veille de l’enquête auquel on applique les scenarii proposés. Il reste ensuite à collecter les préférences et les rejets de l’enquêté. MISE EN ŒUVRE DE L’EXPERIENCE MISE EN PLACE DE STRUCTURES DE SUIVI ET DU MODE OPÉRATOIRE Les études vont débuter en 1996, après que le projet portant sur les trois quartiers de Saint Etienne ait été reçu favorablement par la DIV. Les crédits d’étude s’élèvent à 300 000F et proviennent de la DIV (pour moitié), du ministère de l’Equipement, de la Ville, de la Communauté d’Agglomération, de la Région et du Département. Est ensuite mise sur pied une structure de la forme comité de pilotage/ comité technique/ groupe de suivi où les différents partenaires vont s’investir de manière assez diverse. Le représentant de la STAS juge l’investissement de la Ville assez faible, celle-ci étant alors en phase d’élaboration du Plan de Déplacement Urbain. Les Comités techniques vont se réunir fréquemment (« tous les mois et demi »). Ils regroupent les services techniques des partenaires précités ainsi que le responsable des études de la STAS. Ce dernier rappelle qu’à l’époque, les participants souhaitaient « faire des choses innovantes mais ne savaient pas encore quoi ». Le cahier des charges prévoyait qu’une première phase d’étude produirait des éléments de connaissance sur les trois grands quartiers retenus et que, sur Séverine, une enquête débouchant sur des solutions innovantes serait réalisée. Le concours verra triompher la proposition de l’Observatoire Social de Lyon et du Beture - Conseil qui, selon le représentant de la STAS, avaient le mérite de proposer des investigations qui ne soit « ni trop sociales, ni trop techniques ». Pour l’étude relative au quartier Séverine, on constitue un groupe de suivi composé de la STAS, de l’OSL mais aussi de la MOUS de quartier et des travailleurs sociaux en présence. Le transporteur va ensuite travailler avec l’OSL sur la « faisabilité » de l’étude et la formalisation des enquêtes exhaustives, son principal souci étant que les habitants produisent une réflexion prenant en compte les contraintes techniques du transporteur. Le représentant de la STAS insiste sur le côté novateur de la démarche, l’un des objectifs majeurs étant que « les acteurs (le transporteur comme les habitants) sortent de leurs logiques habituelles » dans le cadre d’une démarche itérative. UNE FORTE IMPLICATION DES HABITANTS L’étude est rendue publique grâce à deux réunions et à un affichage dans le quartier. La MOUS a permis à l’OSL de prendre contact avec un panel d’habitants par le biais

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de personnes « ressources » tels des représentants associatifs. Va alors se constituer un groupe qui sera impliqué tout au long de l’expérience. Dans un deuxième temps, des enquêtes ménages exhaustives sont réalisées. Le caractère novateur de la démarche réside plus dans le mode de passation que dans le contenu du questionnaire, assez succinct et ne se démarquant guère de ceux réalisés sur les autres quartiers. En revanche, l’OSL va former des habitants de personnes de la cité à la passation de questionnaires. C’est une manière originale d’impliquer les habitants dans l’expérience, et plus généralement dans le fonctionnement de leur quartier. ELABORER ET TESTER DES SCÉNARIOS Une fois l’enquête traitée et les besoins connus, les différents partenaires vont mettre en place une phase dite interactive. Le comité de pilotage définit des priorités et propose au groupe d’habitants de travailler en atelier à l’élaboration de solutions potentielles. Le transporteur et les bureaux d’étude vont ensuite élaborer trois scénarios qui seront testés auprès d’un échantillon de population. La solution retenue est celle d’une navette de rabattement sur la ligne de bus desservant les environs. Pour un billet à moitié prix, elle permet de résoudre à la fois des déplacements liés à l’école primaire et à l’achat. Curieusement, la solution d’un transport à la demande est massivement rejetée, pour des raisons d’image dira la STAS, parce que les habitants sont incapables de prévoir leurs déplacements dira la MOUS. DES DIFFICULTÉS DE PÉRENNISER UNE EXPÉRIMENTATION En septembre 1997, une navette est donc mise en place à titre expérimental. Six mois plus tard, l’OSL va évaluer le dispositif et déterminer quelles ont été les pratiques réelles. D’après le transporteur, les écarts entre prévision et réalité sont faibles au regard de ce qui a pu être observé sur d’autres quartiers (20 %) : « Quand on est aussi précis, les erreurs sont minimes » L’offre nouvelle a généré 50 % de déplacements supplémentaires, notamment parce que la tarification était encore dissuasive pour une population très précaire. Ce constat a conduit la STAS à adapter les fréquences à l’usage constaté. Le Chef de projet MOUS est plus mitigé, constatant la faiblesse du nombre de tickets vendus. Il rappelle fort justement que, dans ce contexte de grande précarité, « les gens pensent à manger plutôt qu’au transport ». Il salue néanmoins la qualité de l’expérience et la forte mobilisation des habitants : « on est allé jusqu’à la limite de leur participation ». Malheureusement, la collectivité n’a pas souhaité financer un accroissement du déficit de la ligne pour une cité de taille réduite. Les aides au fonctionnement faisant par ailleurs défaut, la navette a été supprimée. Ici, la pérennisation d’une offre nouvelle en transport collectif ne dépendait pas seulement de la fréquentation générée, mais

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également de volonté politique, du niveau de déficit que la collectivité accepte de financer. BILAN ET PERSPECTIVES UN RENFORCEMENT DES RELATIONS ENTRE HABITANTS ET ACTEURS LOCAUX Si l’expérience n’a pu être pérennisé, elle a permis d’accroître les contacts avec les habitants et d’améliorer la connaissance de leurs besoins. Le représentant de la MOUS insiste d’ailleurs sur ces effets induits : « Les habitants ont passé un temps énorme… Certains se sont constitué en association et on s’est appuyé dessus. On avait une personne relais par allée et elle ont continué à l’être même après l’expérimentation… On connaissait très bien les besoins de la population » L’expérience montre bien comment la participation des habitants à l’élaboration d’un projet de transport, si elle n’est pas gage de réussite, améliore les relations entre décideurs, techniciens et habitants. C’est d’ailleurs ce que retiendra le représentant de la STAS : « Il est très intéressant de réaliser des études qui mettent sur un même plan techniciens, décideurs et élus… Car chacun est habilité à un moment ou à un autre à être le meilleur interlocuteur. On se donne du temps, du mal, mais on s’est donné les bases pour des études où l’un des trois pôles ne soit pas omniprésent ». De l’avis du transporteur, ces allers-retours réguliers entre les trois « pôles » ont été très positifs. L’expérimentation présentait également l’originalité d’allier la recherche à l’action en testant les solutions élaborées. Il ne s’agissait pas seulement d’être d’accord sur un objectif, celui-ci devant être réalisable à terme. UNE MÉTHODE D’INTERVENTION SALUÉE PAR LES PARTENAIRES Aujourd’hui, l’image déplorable de la cité et la médiocre qualité des logements ne laisse guère de doute quant à la démolition prochaine de l’ensemble Séverine. Le bailleur organise d’ailleurs une vacance volontaire. Si l’avenir de la cité est compromis, il n’en va pas de même pour l’expérience menée qui, de l’avis des représentants de la MOUS et de la STAS, devrait être reconduite sur d’autres sites, voire sur d’autres problématiques. On peut résumer comme suit le processus itératif produit par la méthode appliquée à la cité Séverine :

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Comité de pilotage (décideurs)

Comité technique (techniciens)

Groupe de suivi (mixte)

Habitants

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Tours : auto-école et taxi social AUTO-ÉCOLE ET TAXI SOCIAL TOURS

Maître d’ouvrage : Mobilité 37

Expérimentation et relais des acteurs sociaux pour une réinsertion par la mobilité des personnes en grande difficulté.

Maître d’œuvre : Mobilité 37

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La mobilité est bien souvent une condition nécessaire pour accéder à l’emploi. Or, plus de la moitié des bénéficiaires du RMI n’a pas le permis. Les Commissions Locales d’Insertion (CLI) ou l’ANPE financent des formations à la conduite au profit de personnes en grande difficulté. Elles ne peuvent cependant que constater leur inadaptation Localement, l’association Mobilité 37 va pourtant réussir ce pari. Cette auto-école sociale propose depuis 1998 de former à la conduite des personnes en grande difficulté tout en participant à leur réinsertion sociale et professionnelle. Depuis 2001, elle remplit également le rôle de taxi social pour personnes faiblement mobiles. La synthèse qui suit est le fruit d’un entretien mené avec la Directrice et fondatrice et de l’association Mobilité 37, enrichi de sources documentaires diverses. PROBLEMATIQUE, CONTEXTE ET PRINCIPES DE L’EXPERIENCE PRENDRE EN CHARGE UNE POPULATION PEU À MÊME DE SUIVRE UNE FORMATION CLASSIQUE L’agglomération de Tours connaît elle aussi des phénomènes de déséquilibres territoriaux, avec concentration des habitants les plus en difficulté dans un nombre limité de quartiers. C’est au sein de l’un d’entre eux, le quartier du « Sanitas », que l’association a choisi de s’implanter afin d’être « proche de son public ». Lorsqu’elle était encore monitrice au sein d’une auto-école « marchande », l’actuelle directrice avait constaté l’inadéquation entre formations classiques et personnes en grande difficulté. En effet, les aides accordées par le Conseil Général ne suffisaient pas à éviter les échecs. Il s’agissait donc d’offrir une formation adaptée, complémentaire, à des personnes très faiblement insérées, récemment incarcérées, toxicomanes ou encore illettrées. RÉPONDRE AUX PROBLÈMES DE MOBILITÉ QUI SE POSENT EN INDRE-ET-LOIRE L’agglomération de Tours concentre 60 % de la population départementale et 67 % des emplois82. Bien qu’elle polarise un vaste espace régional, ses périphéries rurales sont marquées par d’importants problèmes de mobilité. Des personnes à faibles revenus, à l’écart des transports en commun, se retrouvent captives de leur territoire. C’est cette population que mobilité 37 se propose d’aider avec la mise en place d’un taxi social gratuit.

82 INSEE - 1999

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FONCTIONNEMENT DE L’ASSOCIATION UNE AUTO-ÉCOLE ENTIÈREMENT DÉPENDANTE DES SUBVENTIONS PUBLIQUES En 1998 donc, une monitrice d’auto-école licenciée en « psychologie - formation illettrisme » propose au Conseil Général le principe d’une auto-école sociale à destination de « ce public à problèmes ». Par chance, le Département réfléchit alors à la manière d’améliorer leur prise en charge. Mobilité 37 sera ainsi financée à plus de 50 % par le Conseil Général, le reste provenant de subventions émanant du FIV, de la DDASS ou de l’ANPE (…). La Directrice perçoit d’ailleurs cette absence de revenus d’activité comme un « problème », ou du moins comme un frein au développement de l’association. Aujourd’hui, celle-ci comprend, outre sa directrice, deux moniteurs auto-école, une formatrice, un emploi jeune et une secrétaire. Les subventions qui lui sont allouées ne lui permettent que de recevoir 60 candidats par an, soit approximativement un quart des demandes formulées. Existe donc un processus de sélection assez strict. Mobilité 37 ne va toutefois accepter aucune candidature directe. UN PUBLIC ORIENTÉ PAR LES TRAVAILLEURS SOCIAUX Les élèves, « entre 25 et 40 ans », ont été exclusivement orientés par les CLI83, l’ANPE et les éducateurs de justice. C’est pour les travailleurs sociaux le moyen d’estimer la capacité des personnes à suivre une formation avec les contraintes qu’elle comporte. Les personnes sont rarement orientées sur seuls critères financiers. Doivent se faire jour des difficultés particulières ne permettant pas d’intégrer une auto-école classique. Par ailleurs, le passage du permis est toujours lié à un projet d’insertion professionnelle. Existe également une corrélation assez forte entre ce public en grande difficulté et les quartiers d’habitat social de l’agglomération. 56 % des bénéficiaires de la formation proviennent des quartiers dits « sensibles », avec une forte représentation du quartier où l’association est implantée. Malgré un champ d’action départemental, ces données montrent néanmoins le fort ancrage territorial de l’association. ASSURER UNE FORMATION ADAPTÉE AUX DIFFICULTÉS DES ÉLÈVES La formation s’effectue par groupes de 15 personnes, nombre qui permet selon la directrice que chacun « ose se confronter à l’ensemble du groupe et soit suffisamment valorisé ». Elle débute par une « remise à niveau » dont le dessein est d’acquérir les connaissances nécessaires à l’obtention du code.

83 CLI : Commission locale d’insertion

D’après « Le journal de l’action sociale » (N° 62), 64 % des stagiaires inscrits en 2001 ont été orientés par les CLI.

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Ce dernier peut être passé à l’issu de trois mois de cours, rendus plus accessibles par différents procédés interactifs (construction du livre de code…). Une sensibilisation à la sécurité routière est appuyée par l’intervention de la police nationale et des pompiers, organisateurs avec les élèves d’une désincarcération simulée sur la place du quartier. Des cours de code sont également assurés par la directrice à la maison d’arrêt de Tours. Les deux moniteurs vont ensuite dispenser des cours de conduite en nombre illimité, sachant qu’il faut 50 heures en moyenne pour que la personne soit « autonome ». Pour ceux qui le souhaitent, et ils sont de plus en pus nombreux, l’emploi jeune va également assurer une formation en conduite accompagnée. « UN PUBLIC EN DIFFICULTÉ QUI EN AIDE UN AUTRE » Les élèves en conduite accompagnée doivent parcourir 3 000 kilomètres à bord d’un véhicule qu’ils ne possèdent que rarement. Par ailleurs, les travailleurs sociaux signalent que des personnes peu solvables et habitant les territoires ruraux environnants rencontrent d’importants problèmes de mobilité. C’est de ce double constat qu’est née en 2001 l’idée d’un taxi social gratuit pour le département. Les travailleurs sociaux vont mettre en relation des personnes isolées, éprouvant le besoin de faire des démarches administratives, médicales ou liées à l’emploi, avec l’association. Après étude de la faisabilité, l’association va assurer la course demandée grâce à l’un des élèves en conduite accompagnée. Ce dernier va ainsi améliorer sa conduite mais aussi des facultés de repérage spatial qui font souvent défaut. La directrice rappelle que cette expérience est unique en France et le taxi social, victime de son succès, ne peut satisfaire toutes les demandes. Une amélioration de leurs prises en comptes supposerait l’acquisition d’une deuxième voiture, et donc l’obtention de subventions supplémentaires. AMÉLIORER LA MOBILITÉ DES PERSONNES TOUT EN FAVORISANT LEUR INSERTION SOCIALE Si l’association prépare les élèves à l’obtention du précieux papier rose, elle utilise également l’univers et la symbolique de l’automobile comme support de la réinsertion sociale : « Nous travaillons sur la globalité de la personne, en traitant avec d’autres intervenants des problèmes psychologiques, d’alcoolisme ou de toxicomanie. C’est beaucoup plus facile pour eux de l’accepter dans le cadre d’une formation »84

84 La directrice, in « VIVA - le magazine mutualiste », N° 155, avril 2001.

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Ainsi, Mobilité 37 développe des activités et propose des interventions en lien plus ou moins direct avec l’apprentissage de la conduite. Des cours d’alphabétisation à la pratique de la poterie, en passant par l’intervention d’un médecin ou d’une socio-esthéticienne, tout est mis en œuvre pour favoriser la réintégration. Au reste, des réunions sont fréquemment organisées avec les travailleurs sociaux afin de faire le point sur la situation des élèves suivis et sur les améliorations à apporter. L’apprentissage de la conduite n’est donc que le moyen permettant d’aboutir à l’insertion sociale et professionnelle. BILAN ET PERSPECTIVES D’EVOLUTION UN TAUX DE RÉUSSITE PLUS QUE SATISFAISANT Le taux de réussite est de 76 % aux examens de code et de 60 % à l’épreuve de conduite (premier passage), ce qui est même supérieur à la moyenne nationale. Si une faible part des élèves ne pourra « jamais conduire », il n’en reste pas moins que la formation a fait ses preuves. Avec quatre à cinq cents kilomètres parcourus chaque semaine, le taxi social est également plébiscité et le Conseil Général souhaite voir l’initiative se développer. Il est plus difficile d’évaluer l’impact de Mobilité 37 en terme de réinsertion sociale et professionnelle, notamment parce qu’il s’agit d’une action menée en partenariat avec les travailleurs sociaux. Néanmoins, la directrice souligne en 2000 que toutes les personnes ayant réussi leur examen de conduite ont également obtenu un emploi85. L’association Mobilité 37 a donc réussi le pari de combiner insertion sociale, professionnelle et prise en compte de besoins en déplacements spécifiques. Elle a d’ailleurs été récompensée à plusieurs reprises, par le prix « Fraternité 2000 » à Lille, mais aussi dans le cadre du concours « Initiative en économie sociale » de 200186. MOBILITÉ 37 COMME « PLATE-FORME DE MOBILITÉ » DÉPARTEMENTALE Forte de son succès, l’association devrait prochainement être promue « plate-forme de mobilité » pour l’ensemble du département. En partenariat avec la Direction du Travail, il s’agira de constituer « un centre de ressources pour tout ce qui relève de la mobilité » (taxi social mais aussi bus, trains…). Le principe étant de centraliser les appels des personnes en recherche d’emploi et exprimant un besoin de déplacement pour les orienter vers l’offre la plus adéquate, et le cas échéant mettre en place un système de covoiturage. Dans cette optique, l’association a recruté une personne qui sera dès 2003 chargée d’établir un diagnostic de la situation.

85 In « La Nouvelle République », 13 octobre 2 000. 86 Organisé annuellement par la Fondation du Crédit coopératif - Orléans, 11 mai 2001.

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DIFFUSER L’EXPÉRIENCE SUR D’AUTRES TERRITOIRES La médiatisation de l’association a déjà contribué à éveiller l’intérêt de plusieurs collectivités. Par ailleurs, Mobilité 37 a été interpellée par la Direction générale de l’ANPE dans le but de participer au programme européen EQUAL. La directrice devrait ainsi prochainement tenir le rôle de consultante auprès des Villes souhaitant reproduire l’expérience. La pertinence du service proposé par l’association se traduit donc par le développement de ses compétences mais aussi par des démarches visant à diffuser son savoir-faire. Au reste, l’originalité de cette association est de répondre aux besoins d’une population peu solvable, trop dispersée pour générer la mise en place d’un transport collectif. Mobilité 37 satisfait donc la demande de personnes en difficulté, et non pas celle d’un territoire précis (« le quartier prioritaire »).

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Agglomération d’Amiens : Créer un « pool » de transport en direction des associations CRÉER UN « POOL » DE TRANSPORT EN DIRECTION DES ASSOCIATIONS

AGGLOMÉRATION D’AMIENS Maître d’ouvrage : Amiens Métropole

Recenser les déplacements effectués pour créer une offre de transport adaptée.

Maître d’œuvre : Amiens Métropole

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En 2001, les associations œuvrant dans les quartiers prioritaires de l’agglomération ont été consultées afin de déterminer leurs besoins, l’objectif étant la création d’un « pool de moyens de transport ». A l’heure actuelle, aucune décision n’a été prise quant à la nature de l’offre à mettre en place. Nous rendrons donc essentiellement compte d’un travail de consultation mené par la Communauté d’agglomération d’Amiens, conformément aux priorités d’action définies par le Contrat de Ville 2000 - 2006. L’analyse présentée est le fruit d’un entretien mené avec le Chargé de mission « Mobilité urbaine » du service Aménagement - Déplacement - Environnement et Logement d’Amiens Métropole. L’établissement public a reçu la compétence en transport lors de la transformation du district en communauté d’agglomération. PROBLEMATIQUE, CONTEXTE ET PRINCIPES DE L’EXPERIENCE UNE CONCENTRATION DES PROBLÉMATIQUES SOCIALES SUR L’AGGLOMÉRATION D’AMIENS La communauté d’agglomération d’Amiens recouvre 20 communes et compte 170 142 habitants, soit 30 % de la population départementale. Malgré une légère croissance démographique entre les deux derniers recensements, le solde migratoire reste négatif. Par ailleurs, le taux de chômage sur l’ensemble du bassin d’emploi était en 1998 relativement élevé (14,7 %) et le niveau de qualification inférieur à la moyenne nationale. Au reste, le logement social est particulièrement concentré. L’agglomération regroupe 61 % du parc départemental, dont 93 % implantés sur la seule Ville d’Amiens. Les logements sociaux sont majoritairement répartis en trois grands quartiers : Nord (4 172 logements), Etouvie (2 935) et Sud-Est (1 400). Les deux premiers sont d’ailleurs concernés par un Grand Projet de Ville, au sein duquel sont prises en compte des problématiques de désenclavement et d’accès à la ville. ACCROÎTRE LA MOBILITÉ DANS LES QUARTIERS PRIORITAIRES Le Contrat de Ville reprend le principe selon lequel l’amélioration de la mobilité contribue à l’intégration urbaine et sociale. Au sein de l’axe méthodologique intitulé « mixité urbaine et mixité sociale », il propose donc différents types d’action visant à améliorer l’offre et l’accès aux transports publics dans les quartiers prioritaires. Outre les actions de désenclavement menées dans le cadre du GPV, on remarquera les projets de création de liaison fluviale, de tarification sociale et d’accroissement de l’offre. Toutes ces priorités d’action sont pour l’instant à l’étude. L’une d’entre elles consiste à créer un « pool de transport » en direction des associations. En effet, ces dernières expriment des besoins, par courrier ou lors de réunions, ne correspondant pas forcément aux services de transport collectif réguliers.

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Au reste, leurs moyens financiers sont insuffisants pour supporter le coût d’un transporteur privé, voire du transporteur public. Les différents partenaires du Contrat de Ville ont donc souhaité mettre en place un service qui permette de répondre aux attentes spécifiques des associations. Les bénéficiaires potentiels de l’action étaient alors peu ciblés, le projet portant sur « Amiens métropole » et concernant des associations « œuvrant dans le domaine de l’insertion, de la formation, de l’aide éducative, de l’animation sportive et culturelle ». Afin de déterminer la nature précise des besoins, une étude préalable devait être engagée par le transporteur (la SEMTA) et la Communauté d’agglomération. Soulignons par ailleurs qu’une amélioration de la mobilité d’une association entraîne mécaniquement celle de son public, bien souvent des habitants du quartier d’implantation. MISE EN ŒUVRE DE L’EXPERIENCE UNE MÉTHODE QUI DÉBOUCHE SUR UN RECUEIL PARTIEL DES BESOINS. Fin 2 000, le Chargé de mission « mobilité urbaine » va entamer un travail sur les axes du Contrat de Ville ayants traits aux déplacements. Contrairement à ce qui était prévu, l’étude des besoins se fera sans le transporteur, la Communauté d’agglomération n’ayant pas jugé utile de l’associer durant cette phase. Amiens Métropole financera et réalisera entièrement l’étude des besoins. Les personnes en charge des déplacements vont élaborer un questionnaire qui prendra la forme d’un tableau où seront listés les déplacements effectués par les associations en 2000. Ce choix méthodologique évite le recueil de besoins « fantaisistes ». En revanche, il ne permet pas de saisir la demande non réalisée, c’est-à-dire les activités que l’association pourrait mettre en place s’il existait une offre de transport appropriée. La méthode d’investigation suppose que les associations effectuent certains types de trajets, et que seuls la fréquence et le mode de transport utilisé peuvent varier. L’appréhension des besoins ne peut donc être que partielle. En février 2001, les questionnaires vont être envoyés à 77 associations dont les coordonnées seront fournies par les Chargés de secteur du service DSU. Sont visés tout type d’associations et des écoles en Réseau d’Education Prioritaire, la seule condition étant que les structures soient implantées au sein des quartiers prioritaires. Après un mois, temps donné pour remplir le questionnaire, le taux de retour s’avère faible (20 réponses). Les Chargés de secteur vont donc relancer les associations qui n’ont pas répondu. À l’heure où l’entretien est réalisé, le chargé de mission nous fait part d’un taux de retour de 40 %, ce qui est jugé « très moyen ». On remarquera tout de même l’implication des équipes de DSU dans le suivi de l’enquête.

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UNE DIFFICILE EXPLOITATION DES DONNÉES RECUEILLIES Même si des questionnaires parviennent encore au Chargé de mission, l’exploitation des données recueillies s’est faite sur la base des 20 premiers répondants. Malgré un taux de retour faible, la représentativité est jugée « relativement bonne » grâce à l’hétérogénéité des associations qui ont répondu. Toutefois, l’exploitation est plus une énumération des difficultés rencontrées qu’un outil d’aide à la décision. Le Chargé de mission souligne la difficulté de traiter les informations fournies par les associations : « On a eu peur que les retours soient intraitables, surtout en raison de leur diversité. Ce n’était pas des transports à heures fixes ou des trajets réguliers » Il était donc difficile d’établir une typologie des déplacements et les informations quantitatives retranscrites sous forme de tableaux sont jugées peu intéressantes. Seules les données qualitatives contenues sous la rubrique « remarques » semblent avoir permis de dégager quelques conclusions. L’exploitation des données contribue surtout à reformuler et à préciser la problématique de départ : « On avait pas les ressources des associations et on allait avoir du mal à définir celles qui pourraient bénéficier de ce service (…) Quels peuvent être les critères d’accessibilité au service ? C’est une chose à laquelle on n’avait pas pensé lorsqu’on a élaboré le questionnaire » Le bilan effectué aboutit ainsi à une série de questions relatives aux moyens à mettre en place, à l’éligibilité des associations et à la participation financière susceptible d’être exigée. Sur l’un des quartiers concernés, « le travail du chargé de mission DSU » a toutefois permis d’obtenir une exploitation plus intéressante, avec notamment des distinctions opérées en fonction des modes et des motifs de déplacement. De manière générale, l’exploitation de l’enquête reste prisonnière d’une grille de questionnement trop centrée sur l’appréhension quantitative des déplacements. La diversité des réponses n’a pas permis de dégager de grandes tendances et d’ailleurs, les réponses parvenues plus récemment n’ont pas été traitées : « Depuis que les autres questionnaires sont revenus, on n’a pas fait de nouvelles exploitations… On ne savait plus comment traiter les données » Parce qu’elle est multiple, le Chargé de mission ne peut que constater la difficulté de saisir la demande en transport. Au reste, les choix de méthode effectués le conduisent parfois à assimiler déplacements réalisés et demandes des associations. À ce jour, si certaines associations attendent « un retour », les conclusions de l’enquête n’ont pas été rendues publiques.

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RETOUR À UNE POLITIQUE DE L’OFFRE En mars 2002, une réunion va permettre de préciser le projet tout en officialisant le retour à une politique de l’offre. On hiérarchise les besoins en fonction des trois territoires enquêtés, on indique que le gestionnaire devrait être une structure existante (de préférence un transporteur) et l’on restreint les associations potentiellement bénéficiaires. Seraient concernées les associations dont les champs d’action sont la culture ou l’insertion, au détriment de celles proposant des activités sportives ou parascolaires. De l’avis du Chargé de mission, les associations sportives sont financièrement moins dépendantes car les frais d’adhésion sont souvent plus élevés. On retiendra surtout que la difficulté d’appréhender les besoins en déplacement conduit de nouveau à privilégier l’offre de transport : « A la réunion, on s’est dit que, vu la difficulté de traiter la demande, on va plutôt monter quelque chose et les associations s’adapteront. » Il y a donc constat d’échec et l’on considère finalement que le caractère dispersé des besoins justifie le retour à une politique de l’offre. BILAN ET PERSPECTIVES UNE APPRÉHENSION DES BESOINS TROP COMPLEXE ET PEU PERTINENTE Le Chargé de mission « mobilité urbaine » se sent à l’évidence peu outillé dans la connaissance des besoins de déplacement et est demandeur d’une méthode plus adéquate. Il est dans le même temps sceptique quant à la pertinence de la démarche : « Je pense que je ne le referais pas. Je préfère proposer une offre si on me dit que ce sera plein. Je sais que je ne pourrais pas répondre à toutes les demandes avec un seul minibus. Ça coûtera cher et de toute façon, il faudra que tout le monde puisse en profiter. » Outre les difficultés liées à la méthode, on voit bien que les contraintes financières sont peu compatibles avec la satisfaction de besoins hétérogènes. D’après le Chargé de mission, les associations vont s’adapter à l’offre de transport et c’est même un problème de capacité qui se posera à terme. L’appréhension des besoins est donc perçue comme trop complexe et mésestimant les capacités d’adaptation du public visé. UN PROJET EN SOMMEIL ? Actuellement, le projet de création d’une offre de transport au bénéfice des associations ne semble plus faire partie des dossiers prioritaires. Le Chargé de mission

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l’explique par les contraintes de temps mais aussi par les difficultés de traitement des données, une actualisation de l’enquête devant être réalisée. Le nouveau contexte politique pourrait néanmoins s’avérer favorable à la réalisation du projet. D’abord parce que le maire d’Amiens a pris une envergure nationale qui ne peut que bénéficier à sa Ville. Ensuite parce que la Communauté d’Agglomération dit s’apprêter à répondre à un appel à projet du ministère de l’Equipement. Le dossier présenté portera sur la création d’une offre nouvelle à Etouvie, mais pourrait selon le Chargé de mission inclure le « pool de transport » à destination des associations. L’échec relatif de l’appréhension des besoins ne devrait donc pas empêcher la concrétisation du projet.

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La Seyne-sur-Mer : Un bus en site propre au cœur du quartier prioritaire de Berthe UN BUS EN SITE PROPRE AU CŒUR DU QUARTIER PRIORITAIRE DE BERTHE

LA SEYNE-SUR-MER

Maître d’ouvrage : DDE du Var

Un éventail de démarches pour associer les habitants à toutes les phases du projet. Maître d’œuvre : Toulon-

provence-méditérannée (TPM)

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Depuis le 15 avril 2002, un bus en site propre dessert le cœur d’une cité d’habitat social dans le quartier prioritaire de Berthe. Cet aménagement s’inscrivait dans un projet global de restructuration du quartier, poursuivi en 2000 par un Grand Projet de Ville. Il a été subventionné dans le cadre de l’appel à projet de la DIV « Transports publics et intégration urbaine ». Différentes phases de concertation avec les habitants ont précédé et accompagné la réalisation de la voie de bus, entre 1997 et 2000. L’analyse qui suit est nourrie des entretiens menés avec le responsable des services techniques de l’autorité organisatrice des transports (Toulon Provence Méditerranée) et la chargée de mission GPV de la Seyne-sur-Mer (en tant que représentante de l’équipe de Développement Social Urbain). PROBLEMATIQUE, CONTEXTE ET PRINCIPES DE L’EXPERIENCE UN AMOINDRISSEMENT DES DISSENSIONS POLITIQUES AU SEIN DE L’AGGLOMÉRATION TOULONNAISE Sur l’agglomération toulonnaise, les dernières élections municipales ont permis d’homogénéiser un paysage politique qui n’avait jusque-là pas permis de générer une intercommunalité significative. La Communauté d’agglomération « Toulon - Provence - Méditerranée », qui regroupe 11 communes, n’a vu le jour qu’en décembre 2001. La Politique de la Ville garde néanmoins une échelle communale, témoins le Contrat de ville et le Grand Projet de Ville 2000 - 2006 de La Seyne-sur-Mer. LA SEYNE-SUR-MER : CRISE INDUSTRIELLE ET CONCENTRATION DES POPULATIONS EN DIFFICULTÉ Malgré une croissance démographique et économique, la commune reste déstabilisée par la fermeture des chantiers navals en 1986. Le diagnostic préalable au Grand Projet de Ville souligne que la précarité frappe une partie importante de la population et qu’il existe une ségrégation socio-spatiale particulièrement marquée. Avec 21 % de logements sociaux contre moins de 8 % sur les autres communes, la Seyne-sur-Mer concentre le parc social de l’agglomération toulonnaise. Celui-ci est de surcroît regroupé dans un quartier, Berthe, où l’on compte 3 500 logements sociaux et un quart de la population communale. Ce parc est géré par un bailleur unique, l’Office public municipal d’HLM. « DÉSENCLAVER » LE QUARTIER DE BERTHE À TOUS LES NIVEAUX Ce quartier jeune et fortement précarisé est perçu négativement par les habitants de l’agglomération, une stigmatisation qui a crû avec les violences urbaines de la fin des années 1990. La desserte périphérique en transport en commun et les voies de transit

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bordant le quartier ont aggravé le sentiment d’isolement, l’une de ces infrastructures étant d’ailleurs surnommée « la frontière » par les jeunes du quartier. UNE VOLONTÉ POLITIQUE PLUS QU’UNE DEMANDE DES HABITANTS Le projet de traverser le quartier de Berthe plutôt que de le contourner a été porté par l’autorité organisatrice des transports (alors syndicat intercommunal). Il prenait appui sur une politique d’égalité de desserte et de désenclavement des quartiers difficiles. La Chargée de mission GPV précise que, si la Ville ne s’est pas opposée au projet, elle n’en voyait pas vraiment l’utilité. Remarquons par ailleurs qu’il s’agissait de traverser une cité d’habitat social plutôt que le « quartier » de Berthe, agglomération de sous ensembles aux identités propres. Les habitants étaient quant à eux fortement rétifs au projet. Ceux de la cité percevaient l’arrivée du bus comme une violation de leur intimité, notamment sur la Place de Berthe, espace public central et symbolique à biens des égards. Les habitants des quartiers Sud de la Seyne-sur-Mer appréhendaient la nouvelle desserte parce qu’elle les obligeaient à passer par la cité et qu’elle offrait à cette population un moyen d’accéder à leur territoire. Le projet de réorganisation des lignes a donc été sous-tendu par des objectifs politiques plus que par des études soulignant des besoins quelconques. La représentante du DSU estime que la volonté de desservir « le cœur de Berthe » était également motivée par les subventions escomptées, la DIV exigeant que le projet s’inscrive dans un quartier prioritaire de la politique de la Ville. La réalisation d’un couloir de bus était par ailleurs destinée à préparer l’arrivée du tramway. En effet, une ligne devait à l’horizon 2007 permettre de relier les principaux pôles de l’agglomération. Les changements politiques ont toutefois reporté les échéances et, selon le représentant de l’autorité organisatrice, le tramway ne devrait pas arriver à Berthe avant « dix ou quinze ans ». MISE EN ŒUVRE DE L’EXPERIENCE La nouvelle voie de bus nécessitera un investissement de 7,5 millions d’euros (HT) qui sera contractualisé entre l’Europe (29 %), la Communauté d’agglomération (24 %), le ministère de l’Equipement (15 %), de la Ville (12 %) et le Conseil Général (12 %). D’après le représentant de l’autorité organisatrice, c’est 75 000 € qui sera consacré à « la communication de proximité ». La Communauté d’agglomération TPM sera logiquement maître d’ouvrage et confiera la maîtrise d’œuvre à la DDE du Var, un point négatif pour l’équipe DSU : « Il y avait la DDE mais pas d’architecte… c’est pas sérieux, qu’on prenne des hommes de l'art et notamment des paysagistes pour ce type d'opération ! »

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ENTRE CONSULTATION ET PÉDAGOGIE DE PROJET Le projet d’aménagement du couloir bus est rendu public en 1997, lorsque l’ équipe DSU présente le projet urbain du quartier de Berthe aux associations de quartier. Le représentant de la Métropole rappelle que ce n’est alors qu’une des composantes du programme d’intervention prévu, un « levier d’aménagement » pour les abords de la ligne de bus. À l’époque, c’est d’ailleurs le projet de stade qui mobilise le plus les habitants. En 1998, après élaboration d’un projet plus détaillé, le Syndicat intercommunal d’alors va solliciter l’équipe DSU afin d’aller à la rencontre des habitants du quartier. L’équipe va ainsi organiser des réunions publiques où la représentation sera assurée par les associations locales On voit bien que l’objectif n’est pas de consulter mais plutôt de développer une pédagogie de projet : La Chargée de mission GPV : «On a demandé l'avis aux habitants qu'au moment des aménagements... Ils n'ont pas participé au tracé » Emergent toutefois certaines revendications telles la réalisation d’un arrêt sur la Place de Berthe (qui n’était curieusement pas prévu au départ) ou le besoin de créer une ligne de bus au Nord du quartier. Ces attentes viendront alimenter le projet. Il y a donc dans une certaine mesure prise en compte des besoins, même si celle-ci reste cadrée par un projet très précis. La représentante du DSU qualifie les réunions de « positives », même si la mobilisation n’était pas toujours à la hauteur des espérances : « C’était bien car souvent, on réunit des gens sur des petits projets et là, on avait l’opportunité de travailler sur un vrai projet… Même s’il y avait pas grand monde » Parallèlement, un cahier de doléance sera déposé au DSU, à proximité de la Place de Berthe. Les observations consignés seront transmises à la DDE afin qu’elle puisse les intégrer. Au début de l’année 2000, les deux outils de communication et de consultation que sont la réunion et le cahier de doléance vont êtres utilement complétés par un démarchage des personnes en pied d’immeuble et à domicile. L’équipe DSU va être aidée dans sa prise de contact par les médiateurs de l’Office public d’HLM : « On a mis des panneaux dans les espaces publics, on a discuté avec les gens, on est allé taper aux portes avec les médiateurs, on a distribué des tracts… » Il s’agissait ainsi d’aller à la rencontre des habitants qui ne se seraient pas mobilisés spontanément. Cette démarche a produit des revendications sans rapport avec le projet de transport (sur les ascenseurs notamment) mais elle avait le mérite de rendre le projet accessible à tous.

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LA VOLONTÉ D’ÉTABLIR UN DIALOGUE TOUT AU LONG DE LA RÉALISATION Les travaux vont débuter courant 2000 et seront coordonnés par la DDE. Si les contrôleurs étaient d’abord réticents à travailler sur le quartier, le chantier se déroulera sans incidents majeurs. Les chargés d’opération de la DDE et l’équipe DSU ont souhaité travailler en étroite collaboration afin d’être « à l’écoute des habitants ». La chargée de mission GPV insiste d’ailleurs sur les efforts faits par les techniciens : « Ils ont fait leur boulot dans le respect des gens. Ils ont mis du cœur pour améliorer les choses… L’équipe de chantier est très importante. » Il y avait d’abord une volonté d’informer les habitants sur le déroulement des opérations, par le biais de visites de chantier, d’affichage et surtout grâce au « point info chantier ». Une personne, basée dans les locaux du DSU, réceptionnait les appels et filtrait les demandes afin d’orienter celles ayant directement trait au projet vers le maître d’œuvre. On souhaitait également impliquer les habitants par des actions symboliques comme la plantation du premier arbre, mais aussi grâce à l’aide des associations. Durant les travaux, le centre social et culturel de Berthe a organisé avec des familles du quartier une réflexion sur l’urbanisme et la ville. Cette démarche s’est appuyée sur une exposition et sur des interventions d’urbanistes et d’architectes. Enfin, le Centre permanent linguistique du lycée technique Paul Langevin, qui compte parmi son public des populations en difficulté, a organisé des reportages photographiques avant, pendant et après les travaux. Par ailleurs, les techniciens en charge du projet ont eu à convaincre les élus du bien fondé des bus en site propre. Les élections municipales de 2 001 avaient failli mettre un terme au projet, la nouvelle équipe n’étant guère favorable à ce type de réalisation. Le responsable des services techniques se souvient : « Ils voulaient arrêter le chantier. Nous, on voulaient le maintenir et on a du expliquer aux élus les avantages des couloirs de bus ». Cet épisode montre comment la sphère des techniciens peut devenir porteuse d’un projet, et surtout aller réussir à contrer la volonté politique du moment. BILAN ET PERSPECTIVE UN AMÉNAGEMENT RÉUSSI Autour de la nouvelle voie de bus, des aménagements ont été réalisés : stations de bus mais aussi aire de jeu sécurisé, éclairage, mobilier urbain, logettes poubelles… Les personnes interrogées soulignent la qualité de ces aménagements et la satisfaction des

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habitants, au motif qu’on n’ait encore relevé aucune dégradation alors que le stade, pourtant très attendu, est aujourd’hui « complètement taggué ». La mise en service du bus en site propre s’est faite le 15 avril 2002. Si la ligne figurait déjà parmi les « lignes fortes du réseau », la fréquentation semble avoir augmenté. Cette estimation devra être confirmée par les statistiques du transporteur lorsqu’elles seront disponibles. Il y a eu parallèlement réorganisation des lignes, renforcement de la desserte et de la fréquence au nord du quartier de Berthe. Les modifications n’étant effectives que depuis six mois, il semble prématuré de mener une évaluation du niveau de satisfaction. Jusqu’alors, les réclamations ont été « peu nombreuses », mais pourraient augmenter à l’usage. L’HABITANT OU L’USAGER ? LA PRÉDOMINANCE DES AMÉNAGEMENTS DE PROXIMITÉ De manière générale, les personnes interrogées s’accordent sur le bénéfice retiré des démarches d’information et de consultation. S’il s’agissait davantage de faire comprendre et accepter le projet, elles ont permis d’adapter celui-ci aux attentes exprimées, et ce tout au long du processus. Le représentant de l’autorité organisatrice souligne toutefois que les habitants se sont davantage mobilisés sur les aménagements de proximité que sur les grandes orientations du projet : « Les grandes questions étaient faciles à régler, pas les petites. Le plus gros problème a été de savoir où on mettait une poubelle (…) On répondait plus à leurs demandes sur des petits aménagements que sur le grand chantier. Ce qui compte c’est leur vie quotidienne » Les revendications relatives aux lignes de bus ont été postérieures à la mise en service. Il impute cela à l’inadaptation des supports graphiques à but informatif. Son jugement est relayé par la Chargée de mission GPV : « Des schémas d’aménagement comme ça, c’est pas très parlant » Ce constat peut appuyer les critiques relatives à la « culture du plan », qui bien souvent sépare le technicien du profane, surtout lorsque les démarches pédagogiques font défaut. Au vu des attentes exprimées, on peut estimer que c’est l’habitant plus que l’usager qui a fait entendre sa voix, et donc qui s’est impliqué dans la réalisation du projet. Concernant la desserte en transport en commun de Berthe, celle-ci devrait encore s’améliorer prochainement du fait de l’entrée de la commune de Six-Four dans la Communauté d’agglomération. Six nouvelles lignes de bus la desserviront et deux d’entre elles passeront par le quartier de Berthe.

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Ailleurs, d’autres structures semblent avoir permis d’atteindre un degré supérieur dans la participation des habitants. Ainsi, la représentante du DSU souligne que les Comités d’Action Territorial ont servi de support aux habitants d’une cité pour créer leur propre projet de « place villageoise ». Reste à déterminer dans quelle mesure les CAT pourront faciliter l’implication des habitants dans les projets de transport.

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Montpellier : Les « Micro-consultations » de la commission Montpellier au quotidien LES « MICRO-CONSULTATIONS » DE LA COMMISSION MONTPELLIER AU QUOTIDIEN

MONTPELLIER

Maître d’ouvrage : Ville de Montpellier

Votes et réunions mensuelles entre élus, techniciens et habitants pour des aménagements de proximité Maître d’œuvre Ville de

Montpellier

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PROBLEMATIQUE, CONTEXTE ET PRINCIPES DE L’EXPERIENCE La commission « Montpellier au quotidien » a été crée en 1987 dans le dessein de favoriser le dialogue entre les particuliers, leurs représentants, les élus et les techniciens de la Ville. Il s’agissait de prendre en compte, de la manière la plus immédiate qui soit, les attentes des habitants concernant des aménagements de proximité. Cette démarche n’est donc pas exclusivement centrée sur la problématique des transports. Elle a néanmoins le mérite de favoriser l’implication des habitants dans les décisions relatives à l’organisation de la circulation, préoccupation souvent majeure lorsque l’on parle d’espaces publics. Les informations fournies ici proviennent des entretiens téléphoniques réalisés avec une représentante des Comités de quartier à la Mairie de Montpellier. MISE EN ŒUVRE DE L’EXPERIENCE La commission « Montpellier au quotidien », qui dispose d’un budget propre, se réunit une fois par mois afin « d’examiner toutes les demandes des montpelliérains concernant les petits problèmes de la vie de tous les jours ». Présidée par l’adjoint au maire, elle rassemble les comités de quartier, les riverains et les techniciens aptes à apporter une réponse aux problèmes soulevés. Pour exemple, une « zone 30 » a été crée après validation lors d’une réunion. À l’inverse, la pose de ralentisseurs a été rejetée par les riverains d’un autre site. Certains projets de voirie, proposés par les comités de quartiers ou des groupes d’habitants et validés par les services techniques, sont directement soumis à l’approbation des habitants concernés. Un bulletin est envoyé à chaque riverain, sachant qu’il faut 75 % d’avis favorables pour que le projet soit validé. Au vu du recensement des consultations organisées en 2000 et 2001, le vote par bulletin semble essentiellement utilisé pour les mises en sens unique. Depuis 1998, le dispositif est complété par une ligne directe qui permet aux habitants de contacter les services techniques de la Ville pour des « problèmes de vie quotidienne ». Selon la commission « Montpellier au quotidien », on enregistre une moyenne de 450 appels par mois.

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BILAN ET PERSPECTIVE Cette expérience de démocratie locale ne peut certes être comparée aux démarches précédemment étudiées. Elle répond toutefois aux attentes des habitants concernant des aménagements de proximité lorsque les enjeux émanant des grands projets de transport ne mobilisent pas toujours les intéressés. On peut légitimement s’interroger sur le bien-fondé d’une telle méthode de consultation, qui va quelque peu à l’encontre du principe de délégation du pouvoir de décision, et qui suppose l’habitant à même d’effectuer les meilleurs choix de circulation.

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Metz : enquêtes et tables rondes pour une approche qualitative des besoins de transport ENQUÊTES ET TABLES RONDES POUR UNE APPROCHE QUALITATIVE DES BESOINS DE TRANSPORT

METZ

Maître d’ouvrage : ca2m (Communauté d’agglomération)

Le quartier de Borny, des besoins de déplacement en attente d’une offre de transport adaptée Maître d’oueuvre : aguram

(agence d’urbanisme)

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La démarche de consultation des habitants du quartier de Borny est le fruit d’une réponse de la Communauté d’agglomération messine (CA2M) à l’appel à projet de la DIV « transport public et intégration urbaine ». Les premiers entretiens vont être menés courant 1999 et le rapport final sera rendu en juillet 2 002. Ce compte-rendu s’appuie principalement sur les entretiens menés auprès de la directrice du Contrat de Ville et du responsable des déplacements à l’AGURAM, l’agence d’urbanisme ayant été maître d’œuvre de l’étude. Des compléments d’information ont été apportés par le directeur de production à la TCRM (transporteur). PROBLEMATIQUE, CONTEXTE ET PRINCIPES DE L’EXPERIENCE BORNY, QUARTIER PHARE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE Si le contrat de Ville de l’agglomération messine s’étend sur trois communes, seul Borny, à Metz, est concerné par un Grand Projet de Ville. Sur ce quartier, l’expérimentation successive des différentes procédures émanant de la politique de la Ville (HVS, DSQ, ZFU…) n’a pas permis d’enrayer l’aggravation de la situation sociale. Situé dans le quart sud-est de l’agglomération, Borny compte à ce jour 18 500 habitants, soit un sixième de la population messine, et concentre 4 000 logements sociaux. Le diagnostic préalable au GPV met en exergue des problématiques sociales et urbaines fortes. Le chômage touche 30 % de la population et plus de 1 000 personnes bénéficient du RMI. Le quartier connaît au reste une progression « alarmante » de la vacance et est l’un des seuls territoires à avoir vu le nombre de ses habitants décroître durant la période intercensitaire. À l’inverse, le quartier bénéficie selon la directrice du Contrat de Ville d’une bonne desserte en transport en commun et d’un niveau d’équipement très satisfaisant. Cet atout se transforme néanmoins en handicap lorsqu’on cherche à ouvrir le quartier sur l’extérieur. Aujourd’hui, le GPV propose des interventions urbaines lourdes, la démolition de logements mais aussi la modification du réseau viaire, qui inclut le tracé d’un transport en commun en site propre (TCSP) proposé dans le cadre du Plan de Déplacement Urbain. Le projet prend en compte la forte dépendance de la population vis-à-vis des transports collectifs. POUR UNE APPROCHE QUALITATIVE DES BESOINS DE DÉPLACEMENT En 1996, la Communauté d’agglomération (CA2M) va s’appuyer sur l’appel à projet de la DIV pour mener une étude sur le quartier prioritaire de Borny. D’après le rapport

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général87, l’objectif était de « compléter la connaissance des besoins spécifiques de déplacements des habitants du quartier ». L’Agence d’urbanisme, maître d’œuvre, va rédiger la proposition et mettre en place une méthode d’intervention. Pour le responsable des déplacements, on pressentait alors la spécificité des besoins sur le quartier : « On sentait des besoins particuliers en déplacement… On avait déjà fait des études, une enquête ménage en 1992 avec une exploitation spécifique sur deux quartiers de l’agglomération, dont Borny. Les questions ouvertes ont permis de montrer des besoins. » La directrice du Contrat de Ville précise ces besoins : « on savait que les déplacements atypiques et l’accès à l’emploi posaient problème ». Elle insiste également sur l’opportunité de palier aux limites des études quantitatives menées jusqu’alors : « On a eu une approche qualitative des problèmes qu’on avait jamais eu avant (…) On peut pointer des choses qu’on perçoit pas forcément avec des chiffres ». ENTRETIENS, TABLES RONDES ET PROPOSITIONS D'INTERVENTION Dans le dessein de formaliser des propositions de réponse aux besoins exprimés, deux outils méthodologiques vont être mis en œuvre : l’entretien semi-directif et le débat animé (« table ronde »). Cette méthode sera proposée par la directrice du Contrat de Ville, parce qu’elle avait déjà pu constater les bénéfices retirés des approches qualitatives mais aussi parce que la méthode était financièrement moins coûteuse qu’une enquête exhaustive. Des entretiens semi-directifs vont être menés auprès d’associations et organismes œuvrant sur le quartier de Borny. Il ne s’agit pas de considérer ces structures comme représentatives des habitants, mais plutôt comme des sources d’information quant aux déplacements de leur public. Les objectifs étaient d’identifier et de quantifier des groupes de personnes « présentant des difficultés particulières de déplacement », de « cerner les dysfonctionnements du réseau existant ». On remarquera que la réflexion était déjà centrée sur les transports collectifs, dans l’esprit de l’appel à projet de la DIV. La grille d’entretien va être co-élaborée par la directrice du Contrat de Ville et le responsable des déplacements. A la lecture du guide d’entretien, on remarque que le questionnement est d’ores et déjà orienté vers les déplacements liés à l’emploi, c’est-à-dire les trajets domicile - travail (stage ou formation). Cette problématique, aiguë sur le quartier de Borny, avait déjà été diagnostiquée précédemment. La deuxième partie du guide est consacrée à l’accès aux équipements, aux loisirs et à la culture. On ne cherche pas à saisir les besoins de déplacement des habitants mais ceux des associations ou organismes interrogés, en postulant qu’ils reflètent ceux des habitants. Outre les questions de représentativité, ce procédé suppose que les activités

87 CA2M, AGURAM, Juillet 2002, « Le quartier de Borny, des besoins de déplacement en attente d’une offre de transport adaptée ». Rapport général.

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proposées (ou potentiellement proposables) ne soient pas trop déconnectées des aspirations des habitants. La Directrice du Contrat de Ville précise : « on a quand même saisi les besoins de transport des habitants à travers (ceux) des associations ». Dans un deuxième temps, des tables rondes vont chercher à faire dialoguer élus, techniciens, habitants et/ou représentants. Il s’agit d’infirmer ou de confirmer les difficultés de déplacement relevées au cours des entretiens, mais également de susciter des propositions d’action. Le résultat des débats et des entretiens menés va alimenter des propositions de service adaptés à la demande des habitants de Borny. Remarquons qu’un comité de pilotage sera formalisé afin de suivre l’étude. MISE EN ŒUVRE DE L’EXPERIENCE L’étude va être financée pour moitié par l’Etat et par la Communauté d’agglomération messine. Les partenaires, dont le transporteur, vont se regrouper dans un comité de pilotage spécifique. DES DÉMARCHES COMPLÉMENTAIRES MAIS TROP ÉLOIGNÉES DANS LE TEMPS Courant 1999, quinze entretiens semi-directifs vont être menés par un psychosociologue indépendant, habitant du quartier de Borny. Le rapport final proposant une approche thématique des besoins exprimés, il est difficile de caractériser les remarques recueillies par entretien. On sait toutefois qu’elles ont principalement été d’ordre « structurel », par opposition aux remarques plus « générales » formulées lors des tables rondes : lieux peu accessibles (notamment des zones d’emploi) et faiblesse de l’offre en transport collectif. En décembre 2001, quatre tables rondes vont être organisées. Elles seront animées par la directrice du Contrat de Ville et porteront sur « la relation service public - clients », « les déplacements liés à l’emploi » et « les déplacements spécifiques » (hors domicile - travail), la dernière table ronde ayant pour objet la synthèse et l’approfondissement des différents point déjà évoqués. Ces débats ont permis d’établir un dialogue entre les représentants d’association et les élus, et surtout, de soulever des problèmes qui n’étaient pas apparus avec la même acuité lors des entretiens, notamment l’insécurité dans les transports ou la tarification. Le transporteur n’a pas participé aux trois premières tables rondes mais était présent à la réunion de synthèse, permettant une discussion avec les associations en présence. Malheureusement, la réalisation des entretiens qualitatifs et des tables rondes a été trop espacée dans le temps pour permettre, comme cela était voulu au départ, de

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disposer d’une « image instantanée » des besoins de déplacement. Le responsable des déplacements l’explique par l’évolution du contexte politique : « Beaucoup de choses ont bloqué le processus. Il y a eu les élections municipales, le district s’est transformé en communauté d’agglomération, le comité de pilotage a changé… Il a fallu sensibiliser les nouveaux élus. » Ces changements ont en quelque sorte rompu la dynamique de l’étude et la nécessaire « interactivité » qui devait exister entre les deux phases. Au reste, les besoins étaient susceptibles d’évoluer et, entre temps, certaines réponses ont été apportées (liaison inter-quartiers). Par ailleurs, l’évolution du contexte politique peut en partie expliquer la faible participation des habitants et de leurs représentants aux tables rondes. LA FAIBLE MOBILISATION DES HABITANTS OU L'IMPORTANCE DU CONTEXTE L’organisation des tables rondes sur le quartier et à des heures compatibles avec une activité professionnelle n’a pas empêché une faible mobilisation des habitants. L’une des séances à même due être annulée faute de participants. Les autres tables rondes n’ont mobilisé que peu d’associations et aucun habitant « ressource ». Pour les parties prenantes de l’expérience, la faible participation aux tables rondes s’explique, outre les changements politiques, par la multiplicité des réunions consécutives à l’élaboration du GPV : « Le projet de GPV était en pleine construction, les habitants ne savaient plus où donner de la tête ». La directrice du Contrat de Ville semble également supposer que la thématique des transports n’est peut-être pas la plus mobilisatrice : « Par exemple, on a une commission urbanisme et cadre de vie… Le thème des transports n’est jamais sorti (…) Les habitants ne se sont jamais plaints des aménagements comme les abribus en béton… Par contre, ils sont très mobilisés sur le stationnement » On peut enfin estimer que l’utilisation des associations comme relais auprès des habitants n’a pas produit une mobilisation suffisante. On aurait sans doute pu diversifier les moyens d’information (affichage, presse…) comme c’est l’usage lors des enquêtes liées au PDU. Cette faible implication des habitants ne doit pas occulter la « richesse » des débats ayant eu lieu. Le responsable des transports à l’AGURAM se souvient que ; « C’était quand même positif. Les gens étaient peu nombreux mais ceux qui étaient là étaient porteurs d’un message ».

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BILAN ET PERSPECTIVES DES PROPOSITIONS QUI ONT ALIMENTÉ D'AUTRES PROCÉDURES Sur la base d’un rapport de synthèse (tables rondes et entretiens), l’agence d’urbanisme va élaborer une première série de propositions qui sera modifiée et étayée grâce aux réunions de travail avec l’autorité organisatrice et le transporteur. La directrice du Contrat de Ville déplore toutefois la faiblesse des échanges avec ce dernier. Plusieurs des propositions ont été « validées » par le PDU, dans le sens où le document approuvé fin 2001 a tenté de répondre à certaines des préconisations. De même, l’étude des besoins a participé à l’élaboration du GPV, et notamment au projet de transport en commun en site propre dont le deuxième tronçon est actuellement à l’étude. Il est toutefois difficile d’apprécier le poids de l’étude dans la conduite des projets urbains en cours. Le responsable des déplacements souligne qu’aucune modification de la desserte ne peut lui être directement imputé : « Il n’y a pas eu de réelles modifications en terme de fréquence… Il y a eu prolongement de ligne mais c’était déjà en projet avant l’enquête, c’était des choses déjà diagnostiquées. » De surcroît, l’ensemble des résultats de l’étude n’a pu être officiellement validé, les changements politiques ayant compromis la tenue d’un comité de pilotage. Au reste, la directrice du Contrat de Ville déplore que les habitants n’aient pas été informés des suites données à l’enquête : « Il faudrait faire en sorte qu’il y ait toujours un retour… Sinon, les habitants ne savent pas si ça a été pris en compte et on aura du mal à les faire participer de nouveau. Il faut leur expliquer, qu’il y ait décision ou non. » Le directeur de production de la TCRM souligne également l’absence d’information quant aux suites données par l’autorité organisatrice à l’étude des besoins. Les personnes interrogées s’accordent néanmoins sur la pertinence d’une telle expérience et semblent globalement satisfaits de la méthode employée. L'ABSENCE D'UNE APPROCHE QUANTITATIVE COMME UNE LIMITE ? Nous avons constaté que la plupart des points faibles de l’étude étaient imputables au contexte dans lequel celle-ci s’était déroulée : élaboration d’un projet urbain lourd, multiples changements politiques… La méthode est à l’inverse perçue comme appropriée, même si le responsable des transports souligne les limites inhérentes à une approche qualitative : « la démarche était intéressante car on a montré la spécificité de la demande sur ce type de quartier (l’accès à l’emploi). Mais on n’avait pas d’échantillon représentatif pour quantifier les besoins. C’était notre point faible ».

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Le rapport général de l’étude justifie l’absence d’éléments quantitatifs (en terme de besoins et de flux) par la nature des interlocuteurs sollicités. Il estime que les associations, si elles peuvent renseigner la nature des déplacements de leur public, s’intéressent peu aux habitudes de déplacement des habitants. On peut donc s’interroger sur la nécessité de coupler enquête qualitative et enquête exhaustive, qui de surcroît serait directement menée auprès des habitants. Au vu de l’absence de lisibilité dans les suites opérationnelles données à la démarche, on peut également réfléchir aux capacités d’une étude qualitative à apporter une aide à la décision. Ces réflexions ne remettent pourtant pas en cause les bénéfices retirés d’une approche qualitative. La directrice du Contrat de Ville reste d’ailleurs très sceptique quant à la pertinence d’une enquête exhaustive sur ce type de quartier : « Même le quantitatif, c’est pas valable quand la population est très précaire (…) Ils sont en stage, en formation, ce sont des besoins qui varient beaucoup. Si vous les interrogez deux ans plus tard, ça ne sera plus les mêmes besoins » Elle estime donc que la méthode est aussi fonction du terrain d’étude, en l’occurrence un quartier aux fortes problématiques sociales où la mobilité semble aussi « précaire » et changeante que la population.

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Sites non retenus pour l’étude Agglomération Source(s)

d’information Expériences pressenties Justifications

fournies Clermont-Ferrand

Chargé de mission à la SMTC (transporteur),

Consultation des commerçants le long du corridor du tramway, proposition de scénarios d’amélioration de l’offre en transport public aux habitants d’un quartier prioritaire.

Les deux expériences pressenties sont à l’état de projet ou dans une phase de démarrage.

Nîmes Chargé de mission GPV, transporteur (STCN)

Amélioration des dessertes bus des quartiers Ouest pour favoriser l’accès à l’emploi et aux soins.

L’offre nouvelle en transport public ne semble pas avoir été précédée d’une démarche significative d’appréhension des besoins ou des usages.

Toulouse Agence d’urbanisme, Chargé de mission PDU pour la SMTC (transporteur), Directrice du service DSU

Exploitation complémentaire des enquêtes PDU sur les quartiers prioritaires. Mise en place de comités de ligne

Les quartiers prioritaires sont bien desservis (« axes de transport lourds ») et l’on ne recense aucune expérience particulière, la création de comités de ligne étant à l’état de projet.

Dunkerque Agence d’urbanisme

Tarification sociale Il n’existe aucune expérience de connaissance des besoins spécifique aux transports et aux quartiers prioritaires.

Reims Agence d’urbanisme, Chargé d’étude Contrat de Ville, Communauté d’agglomération

Aucune d’après les personnes interrogées

-

Rouen Chef de projet du Contrat de Ville

Groupes thématiques au sein des conseils de quartier

Aucune démarche de consultation - concertation liée au transport, hors enquêtes classiques PDU

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Nice Ville,

Communauté d’agglomération, transporteur (ST2N)

Aucune d’après les personnes interrogées

Sentiment de connaître les besoins, faible tradition de concertation

Brest Communauté urbaine

Aucune -

Angers Agence d’urbanisme, Ville

Aucune -

Valenciennes Chargé de mission PDU au SITURV (autorité organisatrice)

Les phases de concertation liées au projet de tramway

Les démarches de concertation ne semblent pas aller au-delà des exigences réglementaires.

Rennes Resp. service transport de la Communauté d’agglomération, Le CODRA

Association de transport à la demande

Une expérience similaire a déjà été prise en compte et les délais de réponse ne nous permettent pas d’obtenir un rendez-vous en temps voulu

Grenoble Directeur du GPV, Directeur du DSU, services de la Ville, Président de la SEMITAG

Expérience « d’auto-partage »

Les enquêtes restent très techniques et à l’échelle de l’agglomération. L’auto-partage est encore à l’état de projet.

Caen TWISTO (transporteur) Via-cité (Autorité organisatrice)

Mise en place de lignes de taxi avec tarification bus

L’expérience ne repose pas sur une méthode de connaissance des besoins significative (réclamations, volonté d’élus…)

Strasbourg Directeur du GPV Le transporteur

Expérience de transport à la demande

Les délais de réponse ne nous permettent pas d’obtenir un rendez-vous en temps voulu

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Reprographie : CETE de Lyon (+33) (0) 4 72 14 30 30 (janvier 2004)Dépôt légal : 1er trimestre 2004ISSN : 1263-2570ISRN : Certu/RE -- 04-04 -- FR

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